Salomé

Jacques
L’amour détient ce pouvoir inouï de nous dérouter. Sans crier
gare, il peut bouleverser entièrement notre existence et nous faire

perdre nos repères. Comment l’apprivoiser, en prendre soin et lui

Jacques
donner le meilleur de nous-mêmes ? Comment vivre les instants de

doute avec la même sérénité que les moments d’intense bonheur ?

Jacques Salomé nous invite à découvrir les terres fertiles et complexes

Salomé
des pays de l’amour, peuplées d’éblouissements mais aussi d’écor-

amour
amour
chures et de passages à vide. Ses pensées, livrées sous forme de

textes francs et chaleureux, sont une source de réconfort et d’ins- Voyage aux pays de
piration qui guidera tous ceux qui cherchent leur chemin sur les

vastes sentiers de l’aventure

ure amoureuse. l’

Voyage aux pays

l’ de l’
Jacques Salomé est psychosociologue,
sociologue,
désir
formateur en relations humaines,
aines, conférencier intimité
et écrivain. Depuis 1962, il œuvre à développer
oser se dire
Photo : © Nancy Lessard

des communications plus vivantes

vantes et des
relations non violentes entre les enfants et
les adultes. Il est l’auteur de plus de 60 livres
peurs
traduits dans une vingtaine de langues.
ddoutes
fidélité
couple réinventé
ISBN : 978-2-7619-3394-0
infidélité

ÉPINE : 12,8 MM
Couv_Voyage aux pays de lamour.indd 1 12-11-19 3:50 PM
 Table des matières

Quand un amour m’habite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8

Oser le voyage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
« Dis, tu sais, toi, ce qu’est vraiment l’amour ? » . . . . . . . . . . . . 11
Qu’en est-il de la passion amoureuse ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 16
Et si on parlait vraiment d’amour ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
De l’amour de soi à l’amour de l’autre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22
Encore un autre regard sur l’amour de soi . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Oser se dire en amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
Oser aimer . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
N’hésitons jamais à rester à l’écoute de l’amour . . . . . . . . . . . . 36
Oser vivre en amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Vivre l’amour au présent . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
Sain d’esprit et de corps en vue d’une relation amoureuse ! . . . . . 46
À propos de la rencontre amoureuse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
Les gestes de l’intimité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
Amour ne rime pas toujours avec toujours ! . . . . . . . . . . . . . . . 55
Il était une fois un amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59
Les doutes en amour… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
Les chagrins de vie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64
Il n’y a pas d’amour sans émotion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 67
Les mystères du désir . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 71
À l’écoute du désir, chez soi et chez l’autre . . . . . . . . . . . . . . . . 79
De quelques malentendus autour du désir . . . . . . . . . . . . . . . . 85
À propos du cycle de l’amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
Le désamour possible . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 96
De la rencontre amoureuse à la relation de couple,
ou comment vivre en couple dans la durée . . . . . . . . . . . . . . 98

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 La part sombre de l’amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 120
Fidélités et infidélités possibles ! . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 126
Il y a encore à dire sur l’irruption possible d’une tierce
personne dans un couple déjà constitué . . . . . . . . . . . . . . . . 135
De quelques errances en amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139
L’émerveillance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142
La désolance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144
La peur de perdre l’être aimé . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
Dits et non-dits . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 150
Besoins ou désirs personnels et besoins ou désirs
du couple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 155
Quelques difficultés sexuelles possibles chez les hommes
et (peut-être) chez les femmes d’aujourd’hui . . . . . . . . . . . . 159
Un sentiment amoureux peut parfois être injuste . . . . . . . . . . . 168
Comment est-il possible de maltraiter l’amour le plus
merveilleux ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170
Comment est-il possible de ne plus aimer…
la personne que l’on aime ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174
La culture des chagrins d’amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 177
Ruptures amoureuses et autres épreuves . . . . . . . . . . . . . . . . . . 179
Les blessures d’amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184
Quitter celui que l’on a aimé ou être quitté… . . . . . . . . . . . . . . 187
Quand les hommes vivront d’amour… . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191
Dans un couple, il n’est pas toujours nécessaire
que l’un se sacrifie pour l’autre… pas toujours ! . . . . . . . . . . 194
Le devenir d’un couple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 197
Réinventer son couple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 200
Séparations nécessaires et reconstruction d’une autre
relation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206
Lettre d’amour à une qui s’en est allée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 209
Savoir savourer les moments heureux et en garder
précieusement la trace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 211
Continuons à rêver l’amour . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 217

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 Les pays de l’amour ont des territoires affectifs,
et des paysages relationnels multiples.
Ils sont parsemés de sentiers secrets,
de sources ardentes,
de collines sensuelles
et de forêts mystérieuses.
Les pays de l’amour,
véritables offrandes au partage
avec un être aimé,
sont ouverts à tous.
Il faut souvent toute une vie
pour oser les parcourir
et s’y abandonner.
Il est des pays ouverts et ensoleillés accessibles à chacun
et d’autres plus cachés, plus difficiles à atteindre.
Les pays de l’amour n’appartiennent à personne,
ils sont semblables à des terres vierges
à découvrir et non à conquérir.
Je me suis aventuré sur le territoire
de quelques-uns de ces pays
et j’invite chacun à prendre
le même risque ou le même plaisir,
avec comme seul repère
cette balise précieuse qui scintille au profond de nous,
le besoin de se respecter et de pouvoir s’aimer
pour pouvoir mieux aimer et pourquoi pas
être aimé en retour.

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 Quand un amour m’habite

Quand un amour m’habite

il fait le plein en moi.
Il occupe tout l’espace de mon corps,
et aussi de mon cœur et de mes pensées.
Il devient un cadeau vivant
pour chacune de mes cellules.
Il est un soleil dans l’immensité
de mes nuits.
Il est le feu, l’air, l’eau, la terre
et fait naître une étoile nouvelle
dans chacune de mes respirations.
Il est présent dans tout ce qui m’entoure,
dans chaque feuille d’arbre,
dans chaque caillou du chemin,
dans chaque nuage
comme dans l’infini du ciel.
Sa source est inépuisable,
car elle ne vient de personne d’autre
que du profond et du plus doux de mes émois,
enfin révélé et offert.

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 Oser le voyage

l y a en chacun d’entre nous une aspiration profonde, parfois

I irrésistible, à aimer et à être aimé. Pour beaucoup s’ajoutent le
désir et la volonté d’aller au-delà de la rencontre amoureuse et de
créer une relation de couple fiable dans la durée.
Ce voyage aux pays de l’amour est une invitation à s’interroger
sur les découvertes et les errances qui vont traverser et bouleverser
une relation amoureuse quand elle devient une relation de couple.
Au-delà des émerveillements et des éblouissements qui illuminent
les premiers temps d’une rencontre amoureuse, il s’agit de mieux
comprendre quelques-uns des mystères de l’amour. Non seulement
pour nous permettre d’être plus lucides sur quelques-uns des en-
jeux, péripéties et obstacles qui vont inévitablement surgir au cours
d’un cheminement commun, mais aussi pour tenter d’avancer en-
semble et de construire une relation de couple qui puisse s’inscrire
dans un projet de croissance pour chacun des protagonistes.
Comme nul ne sait à l’avance la durée de vie d’un amour, nous
savons, même si nous souhaiterions l’ignorer, que s’engager dans
l’aventure amoureuse est toujours risqué.
Les écueils les plus redoutables se concrétisent quand il y a des
sentiments asymétriques, quand il n’y a pas de sentiments en réci-
procité, quand les ancrages qui structurent une relation de couple
ne sont pas présents, quand les résurgences du passé altèrent le
présent d’un quotidien qui est à créer à tout instant. Autant de
points forts et de repères à créer, à baliser et à respecter.
Une partie non négligeable de la poétique et de la littérature
universelles peut se comprendre comme une tentative de réponse
à un ensemble de questions vieilles comme le monde : comment

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 VOYAGE AUX PAYS DE L’AMOUR

conserver la magie des premiers émois ? Que faire pour maintenir

vivace le désir d’être ensemble ? Comment faire durer l’amour ?
Comment lui éviter les pièges de la répétition, l’usure et la mono-
tonie du quotidien ? Comment affronter les vertiges ou les absences
du désir, les errances de l’âge ? Comment ne pas se leurrer avec
l’illusion possible qu’un changement de partenaire puisse être une
solution ? Que faire quand nous sommes emportés par une passion
et que celle-ci dévore notre vie ? Que nous arrive-t-il quand nous
sommes confrontés à la séparation, à la perte d’un être cher ?
En présentant un ensemble de textes consacrés à ces thèmes,
je propose un voyage que je souhaite passionnant vers les pays
connus et moins connus de l’amour.

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 « Dis, tu sais, toi,
ce qu’est vraiment l’amour ? »

n jour, un ami m’a posé, sans autres précautions, très abrup-

U tement même, toute une série de questions sur l’amour.
« Est-ce que tu sais, toi, ce qu’est vraiment l’amour ?
— Euh oui, un peu, pas toujours ! Enfin je pense savoir, même si
j’ai changé d’opinion plusieurs fois dans ma vie. Ce qui est sûr, c’est
que je crois que je sais reconnaître l’amour pour l’accueillir en moi
quand il est là et recevoir l’amour de l’autre s’il se dépose sur moi !
— D’accord, mais qu’est-ce que c’est exactement, l’amour ?
— Aujourd’hui, je crois que l’amour est un sentiment rare, rare
comme l’eau pure, car il est souvent pollué par beaucoup de mala-
dresses liées à notre immaturité. Mais avant de t’en dire plus sur
l’amour, il faudrait que je te parle aussi des pseudo-amours.
— Des pseudo-amours ?
— Ce sont des sentiments qui se font appeler “amour”, mais
qui ne sont pas de l’amour. Il s’agit plutôt de manifestations sen-
sorielles, d’émois sensuels, d’expressions chargées d’affectivité
ayant l’apparence de l’amour, mais qui sont loin, très loin d’être
de l’amour !
— Mais alors, comment peut-on reconnaître le vrai amour ?
— Déjà, il ne faut pas confondre les déclarations d’amour avec
de l’amour !
— Moi, si je dis “je t’aime”, c’est que c’est vrai. D’ailleurs j’ai du
mal à le dire, je ne suis pas à l’aise avec ces mots-là. C’est à l’autre
de sentir que je l’aime !
— Voilà un début de réponse, l’amour, c’est ce que l’on sent,
mais pas chez l’autre, chez soi. Ce que l’on sent chez l’autre, c’est

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 VOYAGE AUX PAYS DE L’AMOUR

plutôt de l’ordre de la croyance : nous croyons qu’il nous aime ! Et

tant que nous le croyons… nous nous sentons aimés.
— On ne peut donc jamais être sûrs de l’amour de l’autre !
— Les faux amours sont malins, ils s’arrangent pour ressem-
bler à de l’amour. Par exemple, le faux amour de réassurance est
destiné à apaiser les inquiétudes de l’autre et peut-être même à le
maintenir en dépendance : “Mais bien sûr que je t’aime, tu dois
bien le sentir, ne suis-je pas avec toi, tout proche, alors que je pour-
rais être ailleurs ?” Ou alors on dit à l’autre : “Je t’aime” et cela veut
dire : “Aime-moi.” Cette demande n’est pas de l’amour, c’est plutôt
une sorte d’exigence déguisée.
— Pourtant, si on a le courage de dire : “Je t’aime” à quelqu’un,
cela veut dire qu’on l’aime !
— Attention, ne confondons pas aimer et être capable de don-
ner de l’amour. Je peux dire à ma blonde (qui est brune) : “Je t’aime”
et que rien ne sorte de moi pour venir jusqu’à elle ! Il y a des consti-
pés de l’amour, tu sais !
— Je savais bien que l’amour ne pouvait se contenter de mots,
qu’il fallait quelque chose de plus !
— Plein de choses en plus. Si un amour se réfugie seulement
dans les mots, c’est qu’il est très lointain, même quand les corps
sont proches, ou qu’il n’est pas très vivant !
— Moi, j’ai attendu des années qu’une femme me dise : “Je
t’aime.”
— Cela veut simplement dire que tu avais besoin d’être aimé.
Cela ne dit pas si tu avais de l’amour en toi, en direction d’une
personne unique et, surtout, si tu étais prêt à le donner !
— Au début de ma vie d’adulte, j’avais besoin d’avoir la certi-
tude que si j’aimais, l’autre devait répondre à mon amour !
— C’est une sorte de marché que tu voulais ! Une espèce de
troc relationnel sur la base de : “Je t’aime si tu m’aimes !” Je ne peux
appeler ça de l’amour. L’amour est un sentiment qui se traduit,
pour celui qui l’éprouve, par une vibration, un ensemble de res-
sentis, d’émotions, qui le poussent vers une personne bien définie,
qu’elle soit présente ou absente, et dont l’existence lui semble sou-
dain vitale, essentielle et parfois plus importante que la sienne. Si

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 « Dis, tu sais, toi, ce qu’est vraiment l’amour ? »

ce sentiment est présent en toi, tu le sens. Il est indépendant

d’autres sentiments qui peuvent être présents chez toi ou chez
l’autre. Ce que tu proposais en l’appelant “amour”, c’est en fait un
modèle de relation qui tente de capter la présence et l’amour de
l’autre. Tu offrais en fait une relation contenant une demande,
qui était elle-même porteuse d’une injonction et d’une exigence
indirecte.
— Mais je ne veux pas aimer dans le vide, j’ai besoin de mélan-
ger mon amour à celui de l’autre !
— Toi, tu ne veux pas de l’amour, ce que tu veux, c’est une as-
surance tous risques ! Mais cette assurance n’existe pas dans le do-
maine amoureux ! C’est le risque que prend tout amour, d’être reçu
ou pas, d’être accueilli et amplifié ou non, de trouver un écho chez
l’autre ou d’être simplement “consommé” par l’autre. Ce qui peut
mieux nous faire comprendre combien les dynamiques amou-
reuses sont multiples, chaotiques et quelquefois labyrinthiques !
Si l’un dit « je t’aime » et que l’autre répond “moi aussi”, ce
qu’il peut aimer, c’est surtout l’amour que l’autre a… pour lui !
Comme tu peux l’entendre, même si ce que je te dis ne va pas te
faire plaisir, dans cette dynamique-là, on est carrément dans la
consommation : l’un se contente de consommer l’amour de l’autre,
surtout s’il adore être aimé !
— Je sens que tu veux me décourager et même me désespérer !
Il doit bien exister quand même de vrais amours !
— Il y en a certainement, encore faut-il accepter de les laisser se
construire et grandir un peu en nous. Au début de la vie, un bébé
attend d’être aimé inconditionnellement. Il a besoin d’être accepté
tel qu’il est. Et le plus souvent, il reçoit cet amour-là de ses parents.
Un amour qui lui est donné gratuitement, sans demande de récipro-
cité. Lui se contente de le recevoir. Puis, en grandissant, un enfant va
sentir qu’au-delà de l’attachement qu’il a pour ses parents, il com-
mence à développer de l’amour envers eux, il les aime. Il a envie de
leur donner à son tour de l’amour. Un amour différent pour chaque
parent. Et puis il découvre que ses sentiments sont instables, qu’ils
peuvent être bousculés et mis à mal par des refus, par des interdits
ou par le surgissement d’événements familiaux qui vont le faire

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 VOYAGE AUX PAYS DE L’AMOUR

douter d’être aimé. Ce qui fait qu’à certains moments il peut aimer
très fort l’un ou l’autre de ses parents et à d’autres le détester. En
particulier quand il a le sentiment que sa mère ou son père ne le
comprend pas, est injuste ou exige trop de lui !
— Oui, c’est vrai ça, enfant j’avais honte de détester ma mère
à certains moments, alors que je l’aimais !
— Ne mélangeons pas. Il y avait, d’un côté, ton amour pour ta
mère (ou ton père) et, de l’autre côté, la relation qu’elle te proposait. Je
vais inventer une histoire, qui est un peu la mienne. Tu as quatorze
ans, tu es amoureux de la sœur de ton meilleur copain, tu veux sortir
ce soir parce que c’est son anniversaire, c’est un très beau désir, réali-
sable, car elle n’habite pas loin. D’ailleurs, ses parents à elle sont d’ac-
cord, mais tes parents t’interdisent de sortir. Tu vas les détester, mais
en fait, ce que tu n’aimes pas, c’est leur interdit, leur refus ! Mais toi tu
vas imaginer que c’est eux que tu n’aimes plus ! Tes parents ont refusé
de t’accorder cette permission parce qu’ils t’aiment, qu’ils veulent le
meilleur pour toi, parce qu’ils se sentent responsables de tes besoins
(dormir, te reposer, être en forme le lendemain pour l’école…).
« C’est le plus souvent le comportement, la relation qu’ils nous
proposent à un moment donné, les attitudes ou les paroles de nos
parents que nous n’aimons pas ! Nous confondons (eux aussi d’ail-
leurs, à notre égard) la personne et le comportement. Alors parfois
on tente de les mettre mal à l’aise en leur disant : “Je te déteste, je
ne t’aime pas, je ne veux plus t’aimer…” On leur fait du chantage :
“Si tu m’aimais vraiment, tu me laisserais sortir” ou : “Tu m’achè-
terais ces rollers !” Surtout à l’adolescence, où nous sommes très
habiles, nous maltraitons le lien que nous avons avec eux, nous le
mettons à l’épreuve, comme pour vérifier la solidité de l’amour
qu’ils prétendent avoir envers nous !
« C’est à eux de nous apprendre à ne pas mélanger sentiments
et relations, car cette confusion risque de se retrouver plus tard
dans nos relations amoureuses ou de couple !
— Alors tu crois que, moi aussi, je risque de mélanger, comme
ça, sentiments et relations ?
— C’est très fréquent, d’autant plus que, souvent, nous ne sa-
vons pas aimer parce que nous avons du mal à nous aimer ! Quand

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 « Dis, tu sais, toi, ce qu’est vraiment l’amour ? »

on a peu de confiance en soi, peu d’estime de soi, on recherche en

permanence des confirmations. Ne nous aimant pas, nous sommes
d’autant plus dans le besoin d’être aimés.
— Alors il faudrait que chacun de nous apprenne à s’aimer
pour pouvoir aimer ? Tu as parlé d’immaturité, il faudrait donc
apprendre à grandir avec le cœur…
— Oui, on pourrait le dire comme cela, grandir avec le cœur. »
Des heures plus tard, mon ami ne savait toujours pas ce qu’était
l’amour, mais, sans me décourager, j’avais tenté inlassablement de
lui transmettre le peu que je croyais savoir sur ce sentiment com-
plexe, parfois merveilleux et parfois redoutable, mais toujours si
recherché.

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 Qu’en est-il de la passion amoureuse ?

’ai rassemblé, un peu dans le désordre, différentes questions qui

J me sont posées régulièrement à propos de la passion amou-
reuse. Le sujet est complexe et mériterait plus. Je donne ici ma
position autour de quelques pistes de réflexion. Une position qui
est toujours en gestation, autrement dit, en recherche.
La passion ne naît pas nécessairement à la suite d’un coup de
foudre (dans le coup de foudre, faut-il le rappeler, il y a, le plus
souvent, plus de coups que de foudre !). La passion peut naître
d’une idéalisation de l’autre (rencontre épistolaire, éloignement,
concordance avec un fantasme…) ou d’une résistance, d’un refus
qui va pousser le « rejeté » à faire une sorte de « forcing » en voulant
imposer l’amour dont il se sent porteur. La passion amoureuse
peut se créer aussi à partir d’une projection, comme si l’un se foca-
lisait sur l’autre, comme s’il tentait d’aspirer d’un seul coup toutes
les potentialités, les espérances détenues par celui ou celle qui va
devenir l’objet de sa passion.
Elle peut surgir et s’imposer dans une rencontre amoureuse
quand les sentiments de l’un sont non seulement amplifiés, mais
confondus avec ceux de l’autre. La passion amoureuse me semble
aussi être le résultat d’une exigence latente, plus ou moins voilée,
chez quelqu’un qui veut absorber l’autre, l’intégrer, l’amalgamer à
lui… Mais elle peut également découler du besoin impérieux de se
sentir amoureux fou pour avoir le sentiment d’exister.
La passion amoureuse, contrairement à ce que beaucoup ima-
ginent, n’est pas de l’amour, mais une maladie de l’amour. En ce
sens où elle peut envahir tout l’espace intérieur de celui qui la vit
et, ce faisant, asservir tous ses autres centres d’intérêt. Elle peut

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 Qu’en est-il de la passion amoureuse ?

même phagocyter celui ou celle qui en est l’objet. Et plus ou moins

rapidement, une des deux personnes ne supportera plus l’excessi-
vité, la présence trop présente, les appels à toute heure du jour (et
de la nuit), les témoignages d’amour à tout bout de champ. Quant
à celui qui se sent possédé par la passion, il se plaindra fréquem-
ment de la non-réciprocité de la flamme de l’autre (qui ne brûle
pas, effectivement, de la même façon), il accumulera les demandes
et les reproches, percevant les réponses de l’autre comme trop
tièdes, trop timorées par rapport à ses attentes.
L’amour passionné ne doit pas être confondu avec la passion
amoureuse. C’est un amour qui est amplifié, agrandi à la fois par la
seule présence de l’être aimé, par ses réponses, ses attentions, ses
manifestations d’affection ou de tendresse, aussi minimes soient-
elles. C’est un amour ensoleillé, généreux, porteur de vie, chargé
d’une puissante énergie bienfaisante qui ne contient pas les aspects
destructifs, voilés ou plus visibles de la passion amoureuse.
L’amour passionné se développera d’autant plus s’il y a réci-
procité au niveau des sentiments (« Je t’aime et je me sens aimé par
toi ») et si les deux partenaires se sentent reliés par des centres d’in-
térêt communs, une sensibilité proche, une perception voisine des
enjeux fondamentaux de l’existence, s’ils ont des rêves de vie en
commun…
Si la passion amoureuse est une maladie, comme je le pense,
elle ne peut être bénéfique ni à celui qui l’éprouve, ni à celui qui en
est l’objet et qui peut la subir sans toujours réussir à s’en dégager.
La passion amoureuse est souvent l’équivalent d’une monomanie
qui n’évolue pas, elle est un tout, elle est ou elle n’est pas. Ce qui
signifie qu’elle peut disparaître aussi soudainement qu’elle a surgi,
en particulier quand elle s’investit sur un autre objet d’amour. Elle
peut aussi, au contraire, durer, se consolider et prendre des pro-
portions insupportables, secréter des tensions et susciter un climat
irrespirable, jusqu’à envahir à la fois celui qui la porte et celui qui
en est l’objet. Cela peut déboucher sur la disparition de l’un ou de
l’autre (suicide, passage à l’acte), ou encore par la fuite de celui qui
se sent envahi, dépossédé de ses propres sentiments ou de son es-
pace vital.

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 VOYAGE AUX PAYS DE L’AMOUR

La passion amoureuse, paradoxalement, ne me semble pas

pouvoir mener à l’amour en réciprocité, car elle s’impose. Contrai-
rement au sentiment amoureux ou à l’état d’amour naissant qui,
lui, est un mouvement irrépressible qui porte vers l’autre, non pas
pour l’envahir, mais plutôt pour lui offrir tout le bon qu’il y a en
nous et que nous lui offrons sans contrepartie. L’amour naissant va
ensuite évoluer pour devenir de l’amour, un sentiment plus stable,
plus apaisé, plus calme.
Francisco Alberoni, dans Le choc amoureux, décrit le premier
état comme une étape révolutionnaire de bouleversement créateur
et le second état comme plus institutionnalisé, plus construit.
Ceux qui me demandent mon avis sont, le plus souvent, ceux
qui sont les réceptacles d’une passion amoureuse, qui la subissent,
en quelque sorte. Je les invite à trouver la bonne distance, à se res-
pecter au plus près de leurs attentes et de leurs zones de tolérance.
Quand l’un des membres d’un couple se sent enfermé dans une
passion, qu’il s’interroge, étouffe ou cherche à trouver la bonne
distance, voire à se libérer, je ne lui donne pas de conseils, mais
tente plutôt de lui montrer quelques chemins possibles pour éviter
les plus gros écueils, ceux qui contribuent à l’entretien des malen-
tendus ou des frustrations qui s’installent de façon récurrente dans
ce type de relation. En particulier, je tente de l’aider à prendre
conscience de la façon dont, tout en souffrant, il va quand même
collaborer aux comportements outranciers de l’autre ! Je l’invite à
mieux se définir, à se respecter, à se donner les moyens d’inscrire
une distance de temps, d’espace, à tenter très concrètement de
faire cohabiter une double intimité : une intimité commune et par-
tagée avec une intimité personnelle et réservée. J’insiste aussi pour
qu’il prenne le temps d’échanger et de partager en s’appuyant sur
un code précis : convenir avec l’autre de laisser deux minutes d’ex-
pression à chacun sans qu’il soit interrompu par l’autre, pour par-
ler de lui-même et non de l’autre. Pouvoir se proposer ainsi une
écoute mutuelle pour exprimer les ressentis, les différents vécus,
peut-être aussi pour envisager de consulter un tiers, l’équivalent
d’un coach, qui sera un référent pour leur permettre de mieux ba-
liser, au-delà des sentiments, la relation. J’invite celui qui subit ou

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 Qu’en est-il de la passion amoureuse ?

qui est l’objet d’une passion amoureuse à trouver et à maintenir la

bonne distance, à se respecter au plus près de ses attentes et de ses
zones de tolérance.
À celui qui vit, qui est possédé par une passion, j’ai peu à dire,
car le plus souvent il ne m’entendra pas, pris dans cette espèce de
folie amoureuse qui le dévore, qui source de chaque pore de sa
peau, qui occupe et terrorise chaque espace de son esprit. J’adopte
un positionnement qui consiste à faire passer le message suivant :
je ne souhaite pas collaborer à votre façon d’aimer, ni vous encou-
rager à poursuivre de cette façon, ni vous proposer une autre fa-
çon, seulement vous inviter à découvrir qui vous aimez réellement
quand vous prétendez aimer votre partenaire !
Même si beaucoup de femmes et d’hommes souhaitent vivre
une passion amoureuse, celle-ci est plus rare qu’on peut l’imagi-
ner, et c’est heureux. Il peut y avoir des emballements, des coups
de cœur, des éveils amoureux à tout âge, des élans, des coups de
tête (en plus des coups au cœur), des attirances folles qui auront à
se confronter aux sentiments, aux peurs, aux résistances à l’accep-
tation ou au refus de celui qui en est l’objet. Car pour l’amour et
encore plus pour l’amour passionné, il vaut mieux être deux !

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 Et si on parlait vraiment d’amour ?

n premier amour, qui peut surgir à tout âge, est souvent

U semblable à un prématuré lancé trop tôt dans la vie. Aussi
faudra-t-il en prendre soin, le protéger et surtout le respecter, ce
qui n’est pas évident pour plusieurs. Bien sûr, il nous restera tou-
jours la possibilité de le maltraiter, ce dont certains ne se privent
pas. Cette maltraitance a un sens. Nous voulons vérifier, comme
nous l’avons parfois fait à l’adolescence avec nos parents, la solidité
de l’amour de l’autre en le mettant à l’épreuve pour savoir s’il saura
nous garder !
Je crois que l’amour est avant tout une vibration, une énergie
qui nous habite et nous transporte, au sens fort du terme, vers un
autre, et de préférence vers l’amour d’un autre, même si celui-ci est
encore balbutiant. Ce que nous recherchons, sans oser toujours le
reconnaître – ce qui donne lieu à des malentendus –, c’est de ren-
contrer, en face du nôtre, un amour en réciprocité. Un amour qui
s’accorde, qui résonne avec celui qui nous habite. Ce qui arrive
parfois… mais moins souvent que nous l’espérons.
L’amour, quand il est présent en nous, va labourer et ensemen-
cer notre imaginaire, faire éclore de nombreux rêves et, par là
même, commencer à nous transformer. L’amour, en ce sens, est
l’une des ressources humaines qui nous permettent d’accéder au
meilleur de nous-mêmes (et de l’autre) et parfois aussi… au pire !
L’amour ne peut se dépouiller de ses rêves, car l’amour rêve
d’amour. Il est porteur d’espérances, donc aussi d’exigences !
Et puis, il nous faudra apprendre à mieux distinguer l’amour de
ce qu’il serait possible d’appeler les pseudo-amours. Ces pseudo-
amours qui se présentent masqués, derrière des apparences sym-

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 Et si on parlait vraiment d’amour ?

pathiques ou séduisantes, qui ont le goût, l’odeur, le charme, la

consistance de l’amour, mais qui n’en sont qu’un ersatz, tel l’amour
de besoin, qui est surtout une demande, et qui peut se transformer
en exigence quand le « je t’aime » veut dire : « Je veux être aimé par
toi » ! Il y a aussi les amours de manque où, en disant « je t’aime »,
on demande en fait à l’autre de nous aimer pour remplacer un
amour antérieur qui s’est dérobé, ou un amour actuel défaillant
ou insatisfaisant. « Tu dois m’aimer comme ma mère, comme mon
père n’a pas su le faire ! » Il y a aussi les amours de compensation,
porteurs d’une attente redoutable : « Je voudrais être aimé par toi,
comme un tel (une telle) aurait dû m’aimer. » Un autre pseudo-
amour est l’amour de peur lié à l’angoisse d’être abandonné ou re-
jeté : « Je vais t’attacher avec mes “je t’aime”, et tu devras me jurer
de ne jamais me quitter. » Il y a bien sûr des amours terroristes, qui
veulent s’imposer et faire naître l’amour chez l’autre : « Puisque je
t’aime, tu dois m’aimer… », ou encore l’amour de consommation,
dont j’ai parlé plus haut, dans lequel c’est l’amour de l’autre qui est
aimé et non sa personne : « J’aime que tu m’aimes… »
Il faut parfois du temps pour savoir différencier l’amour des
pseudo-amours et reconnaître ce que j’appelle le « don d’amour »,
c’est-à-dire un amour qui sera porteur d’un mouvement, d’une di-
rection. Un amour qui vient vers nous, telle une offrande offerte
sans contrepartie. Un amour donné gratuitement, même si nous
souhaitons (intérieurement) qu’il trouve un écho chez l’autre et
soit amplifié par lui. L’amour de type oblatif contient des res-
sources étonnantes, car il est semblable à un feu qui s’autoalimente
en permanence au seul souvenir, à la présence ou à l’absence de
l’être aimé.
Tout amour est à la fois de l’ordre de la révélation et de la créa-
tion. Certains partenaires amoureux peuvent rester fixés ou enkys-
tés au temps de la révélation sans se donner les moyens de nourrir,
d’amplifier, d’agrandir leurs sentiments dans les grands rires de la
vie, avec toutes leurs ressources et leur vitalité.

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 De l’amour de soi à l’amour de l’autre

’amour de soi n’est pas une notion très valorisée dans nos
L sociétés. On pourrait même dire qu’il n’est pas bien vu de s’ai-
mer, de s’accorder de l’intérêt ou de l’affection, car on est très vite
catalogué comme égoïste ou égocentrique, voire narcissique.
Et pourtant, le plus beau cadeau que nous puissions faire à nos
enfants n’est pas tant de les aimer que de leur apprendre à s’aimer.
Un enfant qui ne s’aime pas sera par la suite un adulte qui aura
beaucoup de mal à aimer et qui risque d’être déchiré par le besoin
tyrannique d’être aimé !
On me demande souvent quelle serait alors l’origine de l’amour
de soi. Non pas d’un amour narcissique et égocentrique, mais
d’un amour de bienveillance, de respect, de tendresse envers nous-
mêmes, envers l’enfant que nous avons été, que nous portons en-
core en nous, à tous les âges de notre vie.
Les points d’ancrage favorisant la naissance de l’amour de soi
sont relativement peu nombreux, mais ils sont essentiels pour
construire en nous une sécurité interne suffisante pour ne plus res-
ter dans une dépendance ou un attachement trop infantile.
Le premier de ces ancrages sera de reconnaître et de respecter
nos besoins relationnels fondamentaux afin de pouvoir nous dé-
velopper, nous positionner et nous affirmer avec suffisamment de
confiance et d’estime de soi. Cela pour envisager la possibilité
d’aimer… un autre que soi-même. Car si nous ne savons pas nous
aimer, nous serons sans cesse dans le besoin d’être aimés et risque-
rons alors de proposer à celle ou à celui que nous rencontrons une
relation porteuse d’attentes qui peuvent devenir terroristes, en
faisant peser sur cette personne des exigences qui l’obligeront à

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 De l’amour de soi à l’amour de l’autre

répondre en permanence à notre besoin d’être aimés. Il faut donc

apprendre à prendre soin de nos propres besoins relationnels, que
je rappelle ici brièvement : besoin de se dire ; besoin d’être en-
tendu ; besoin d’être reconnu ; besoin d’être valorisé ; besoin d’inti-
mité ; besoin d’exercer une influence sur nos proches et besoin de
rêver… Avec en filigrane une attente implicite relative au besoin
d’être aimé à travers une relation de respect, de croissance et de
créativité.
L’amour de soi n’est pas lié, comme beaucoup le croient, à
l’amour reçu de nos parents, mais il a pour origine la qualité des
relations significatives présentes (ou défaillantes) vécues dans
notre enfance et, par la suite, celles que nous allons créer ou qui
nous sont imposées à l’âge adulte. C’est ainsi que les fondements
de l’estime (ou de la mésestime) de soi, comme de la confiance (ou
de la non-confiance) en soi, peuvent inscrire durablement en nous
les bases de notre capacité (ou de notre incapacité) à nous aimer.
C’est l’amour de soi qui ouvre à l’amour de l’autre et à la pos-
sibilité de proposer un amour suffisamment libéré d’un désir de
possessivité ou d’appropriation pour permettre d’établir des rela-
tions durables et fiables, non seulement avec des proches, mais
aussi avec ceux qui seront suffisamment significatifs pour devenir
des compagnons susceptibles de cheminer avec nous et de nous
accompagner le plus longtemps possible durant notre existence.

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 Encore un autre regard
sur l’amour de soi

l est impossible, je crois, de donner, ni même de proposer une

I définition complète ou satisfaisante de l’amour à tous ceux qui
s’intéressent (et ils sont nombreux !) à cette manifestation irration-
nelle et unique d’un sentiment qui surgit de façon imprévisible et
incroyablement puissante en se focalisant sur une seule personne :
l’être aimé.
Chacun d’entre nous a une vision, des explications plus ou
moins rationnelles, des expectatives implicites ou explicites de ce
que devrait être l’amour. Et surtout de l’amour qu’il désire rece-
voir, ce qui est déjà le point de départ d’un certain nombre de ma-
lentendus et de déceptions.
En effet, la plupart du temps, quand nous parlons d’amour,
nous parlons rarement de l’amour à donner ; nous évoquons le
plus souvent l’amour que nous attendons, que nous souhaitons
recevoir en réponse au nôtre : celui de l’être aimé !
Nous pouvons essayer d’évoquer ce qui nous habite, nous ti-
raille, nous agite ou nous remplit quand nous aimons, quand nous
sommes en amour, quand nous nous sentons porteurs d’un sentiment
central, d’une affection (mot ambigu, puisqu’on dit aussi une affec-
tion pulmonaire ou rénale !), ou encore d’un mouvement affectueux
vers autrui. Mais il devient plus difficile de conscientiser de quoi est
fait le sentiment d’amour, qui s’accompagne d’émotions, de ressen-
tis bienveillants, d’élans irrépressibles, c’est-à-dire non contrôlables
(sur lesquels nous n’avons aucun pouvoir). Un sentiment qui déve-
loppe le plus souvent en nous une énergie positive (se traduisant
par un état vibratoire) qui nous pousse en avant ou nous retient, tout

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 Encore un autre regard sur l’amour de soi

au bord du ravissement ou de l’angoisse, d’aimer et d’être aimés en

retour ! Énergie qui nous porte vers l’autre, qui nous fait fondre ou
qui nous agrandit de l’intérieur. Comment se construit, se développe
en nous la possibilité d’aimer, et donc d’avoir de l’amour à donner ?
Cela est plus difficile à cerner.
Pour ma part, en avançant sur la pointe du cœur, je dirais que
l’amour est porteur d’une lumière, d’une vibration, d’un mouve-
ment capable de générer des émois, de la créativité (ou de la para-
lysie), de créer un sentiment1 central autour duquel nous allons
réorganiser une partie, sinon toute notre vie.
Je suis intimement persuadé qu’il est difficile d’aimer si on ne
s’aime pas, si l’on n’a pas pour soi un amour de bienveillance, de
respect, de tolérance ou de compassion envers l’enfant que nous
avons été et l’adulte que nous sommes devenus.
Il convient donc de s’interroger : qu’est-ce que pourrait être
l’amour envers soi-même ? Il s’agit parfois d’un sentiment décentra-
lisé, souvent très éparpillé, propre à chacun d’entre nous, qui serait
le résultat de la focalisation et de l’inscription en nous de plusieurs
courants et mouvements intimes. Telle une source qui serait alimen-
tée à la fois par une attention à soi, de la bienveillance, du respect, de
la tolérance et de la compassion pour le bébé, l’enfant, l’adolescent
et plus tard l’adulte qui est présent en nous. L’amour de soi n’est pas
narcissique ou égocentrique, il est paradoxalement oblatif car tour-
né vers l’intérieur pour nous permettre de rencontrer le meilleur de
nous afin de pouvoir, quand cela est possible, l’offrir.
L’amour de soi peut s’inscrire durablement à partir de trois
ancrages :

• quand on reçoit, dans les relations significatives de notre

vie, suffisamment de messages positifs pour alimenter notre

1. Dans le Dictionnaire historique de la langue française, le mot sentiment dérive

de sentir, avec comme autres sens possibles : chemin (en irlandais), voyager
(en haut allemand), compagnon de voyage (en gothique), méditer (en alle-
mand). Dans l’ancien français, le mot signifie « une tendance affective stable
et durable, l’inclinaison (positive : on lui veut du bien) d’une personne vers
une autre ».

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 Salomé
Jacques
L’amour détient ce pouvoir inouï de nous dérouter. Sans crier
gare, il peut bouleverser entièrement notre existence et nous faire

perdre nos repères. Comment l’apprivoiser, en prendre soin et lui

Jacques
donner le meilleur de nous-mêmes ? Comment vivre les instants de

doute avec la même sérénité que les moments d’intense bonheur ?

Jacques Salomé nous invite à découvrir les terres fertiles et complexes

Salomé
des pays de l’amour, peuplées d’éblouissements mais aussi d’écor-

amour
amour
chures et de passages à vide. Ses pensées, livrées sous forme de

textes francs et chaleureux, sont une source de réconfort et d’ins- Voyage aux pays de
piration qui guidera tous ceux qui cherchent leur chemin sur les

vastes sentiers de l’aventure

ure amoureuse. l’

Voyage aux pays

l’ de l’
Jacques Salomé est psychosociologue,
sociologue,
désir
formateur en relations humaines,
aines, conférencier intimité
et écrivain. Depuis 1962, il œuvre à développer
oser se dire
Photo : © Nancy Lessard

des communications plus vivantes

vantes et des
relations non violentes entre les enfants et
les adultes. Il est l’auteur de plus de 60 livres
peurs
traduits dans une vingtaine de langues.
ddoutes
fidélité
couple réinventé
ISBN : 978-2-7619-3394-0
infidélité

ÉPINE : 12,8 MM
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