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Validation externe des méthodes

d’analyse

par Max FEINBERG


Institut National de la Recherche Agronomique INRA
et Gérard LAMARQUE
Commissariat à l’Énergie Atomique CEA
Commission d’Établissement des Méthodes d’Analyse CETAMA

1. Principes de validation d’une méthode ............................................. P 226 — 2


1.1 Cycle de vie d’une méthode d’analyse ...................................................... — 2
1.2 Incertitude de mesure ................................................................................. — 2
2. Analyses interlaboratoires .................................................................... — 4
2.1 Classification ................................................................................................ — 4
2.2 Répétabilité et reproductibilité selon la norme ISO 5725......................... — 4
2.3 Exemple de calcul sous Microsoft Excel ®................................................ — 5
2.4 Données aberrantes et méthodes statistiques robustes .......................... — 7
2.5 Conformité d’un écart-type de reproductibilité......................................... — 8
3. Essais d’aptitude ...................................................................................... — 10
3.1 Objectifs et principes................................................................................... — 10
3.2 Organisation................................................................................................. — 10
3.2.1 Principaux organismes fournisseurs de circuits .............................. — 10
3.2.2 Déroulement ....................................................................................... — 11
3.3 Exemple........................................................................................................ — 12
3.3.1 Caractéristiques du circuit ................................................................. — 12
3.3.2 Traitement des résultats..................................................................... — 12
3.3.3 Calcul des performances des laboratoires ....................................... — 15
3.4 Tests d’homogénéité ................................................................................... — 16
4. Matériaux de référence certifiés (MRC)............................................. — 16
4.1 Principaux fournisseurs de matériaux de référence certifiés .................. — 16
4.2 Certification par étude interlaboratoire ..................................................... — 16
4.2.1 Matériau de référence homogène..................................................... — 17
4.2.2 Matériau de référence hétérogène.................................................... — 18
4.3 Calcul de la valeur certifiée et de son incertitude ..................................... — 18
5. Cartes de contrôle ................................................................................... — 18
Références bibliographiques ......................................................................... — 20

a validation des méthodes d’analyse est aujourd’hui un enjeu important


L pour les laboratoires. Elle découle de la mise en place des systèmes d’assu-
rance qualité et, pour cette raison, est souvent perçue comme une contrainte. Il
faut regretter cette attitude car, le laboratoire a tout à gagner dans la mise au
point de méthodes d’analyse qui fournissent des résultats dans lesquels on peut
avoir confiance. Le passage des méthodes d’analyse quantitatives aux métho-
des qualitatives représente une véritable révolution. Trop souvent on l’a associé
à l’achat d’un nouvel appareil plus « performant » sans se soucier si cette perfor-
mance était réelle sur le plan scientifique.

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C’est pourquoi il existe encore des zones d’ombre dans la définition, et en


conséquence l’évaluation, de plusieurs critères de performance des méthodes.
Le meilleur exemple est celui de la limite de détection qui est abondamment
employé (en particulier par les constructeurs d’appareils) alors qu’il existe plu-
sieurs dizaines de mode de calcul qui débouchent tous sur des valeurs différen-
tes. Ces critères soulèvent des problèmes statistiques nombreux qui n’ont pas
toujours reçu de solution satisfaisante. C’est aux analystes qu’il incombe de
poser correctement ces questions afin d’obtenir une réponse claire. C’est pour-
quoi, nous pensons que la normalisation des modes de calcul des critères de
qualité des méthodes est sûrement une approche particulièrement adaptée à ce
problème.

1. Principes de validation
d’une méthode
Sélection Développement

1.1 Cycle de vie d’une méthode d’analyse

On a trop souvent tendance à décrire les méthodes d’analyse


comme des procédures immuables et figées. C’est un peu l’impres- Revalidation
Utilisation Validation
sion que donnent les manuels et autres recueils de normes techni- en routine intra-laboratoire
ques. Or, comme tout procédé de production, les méthodes Validation
d’analyse naissent, évoluent et meurent. Pour clairement compren- interlaboratoire
dre le rôle et la place de la validation dans la vie d’une méthode
d’analyse, il est intéressant de décrire son cycle de vie depuis le
moment où elle est choisie jusqu’au moment où on l’abandonne.
Figure 1 – Cycle de vie d’une méthode d’analyse
La figure 1 résume les différentes étapes de ce cycle. D’abord, on
va sélectionner la méthode, c’est-à-dire choisir parmi toutes les
méthodes physico-chimiques connues ou maîtrisées par le labora- Si la validation se révèle conforme, le cycle de vie va se poursui-
toire celle qui doit permettre de déterminer un ou plusieurs analytes vre par une utilisation de la méthode en routine. Au bout d’un cer-
représentatifs du problème analytique à traiter. Ensuite, il convient tain temps, on peut être amené à abandonner la méthode et à
de développer la méthode, c’est-à-dire mettre au point le mode opé- entamer un autre cycle car elle est devenue obsolescente. Dans
ratoire et l’adapter aux conditions pratiques où elle va être utilisée. d’autres cas, on peut simplement faire des modifications et, selon
Par exemple, il peut être nécessaire d’automatiser une méthode leur importance, on va appliquer une procédure plus ou moins
manuelle ou bien d’améliorer ses performances pour qu’elles soient complète de revalidation de la méthode. En effet, on doit effectuer
compatibles avec le problème analytique à traiter. une revalidation toutes les fois où on introduit une modification
« mineure » de la méthode. Par contre, si on fait une modification
En général, le développement d’une méthode est synonyme « majeure », il faut rappliquer la procédure complète de validation. Il
d’optimisation. Lorsque la mise au point est terminée, on dispose de est délicat de définir une échelle exacte d’importance des
ce que l’on appelle dans le cadre BPL (Bonne Pratique de Labora- modifications : cette appréciation peut être laissée au savoir-faire de
toire) un mode opératoire normalisé. En particulier, il faut préciser le l’analyste.
domaine d’application de la méthode, c’est-à-dire l’ensemble des
Toutefois, les organismes d’accréditation ont tendance à juger
matrices auxquelles elle s’applique ainsi que la gamme de concen-
comme mineur un changement de réglage, comme laisser « 20 min au
trations utilisables.
bain-marie » au lieu de « 15 min », et majeure toute modification qui
C’est à ce moment, et seulement à ce moment, que doit intervenir affecte le principe de la méthode. Mais la question peut être délicate.
la validation. On a aujourd’hui pris l’habitude de distinguer la valida- Ainsi, un changement de solvant d’extraction doit-il être considéré
tion intra-laboratoire et la validation interlaboratoire. La première comme mineur ou majeur ? C’est selon le contexte.
est universelle et obligatoire pour toutes les méthodes. La
seconde – souvent plus lourde – n’intéresse en principe que les
méthodes qui seront utilisées par plusieurs laboratoires ou dont les La plupart des concepts relatifs à la validation interne (intra-
résultats peuvent servir à des décisions économiques. laboratoire) sont décrits dans l’article [P 224] [1]. C’est pourquoi,
cet article est focalisé sur la validation externe (interlaboratoire).
Par exemple, dans l’industrie pharmaceutique, il sera inutile (voire
impossible) de procéder à la validation interlaboratoire d’une méthode
qui sert, en interne, à l’étude d’une molécule non encore mise sur le
marché. Par contre, dans les industries agroalimentaires, il faudra tou-
jours procéder à la validation interlaboratoire pour une méthode qui ser- 1.2 Incertitude de mesure
vira à mesurer la conformité d’une denrée. Dans ce cas, il peut y avoir
une contre-expertise et, pour interpréter son résultat, il importe de
savoir selon quelle amplitude deux résultats fournis par deux laboratoi- Le fait qu’un résultat varie, lorsque l’on répète des mesures, est
res indépendants peuvent « normalement » différer. un problème connu de tous les analystes. Pour caractériser cette

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variabilité, on a introduit la notion d’incertitude. Ce terme doit être Pour en comprendre les fondements du calcul de l’exactitude, on
préféré à celui de précision qui a été utilisé dans trop d’acceptions peut utiliser la comparaison du tir à l’arc sur une cible. Chaque impact
différentes pour être encore clairement compris. de flèche représente la répétition d’une mesure et le centre de la cible
est la valeur vraie de l’échantillon. Plusieurs situations se présentent.
Un tireur peut utiliser un arc mal équilibré et systématiquement rater le
Selon une définition récente, l’incertitude est un « paramètre centre : on dit que ses tirs ne sont pas justes. Par ailleurs, il peut être
associé à une mesure ou à un résultat pour caractériser la dis- maladroit et disperser les différents impacts : on dit que ses tirs ne
persion raisonnable que l’on peut associer au mesurande » [2]. sont pas fidèles. En outre, ces deux types d’erreur peuvent se combi-
En outre, les textes les plus récents sur l’assurance qualité pré- ner. La figure 2 illustre les quatre situations auxquelles ces erreurs con-
voient que le laboratoire doit disposer d’une procédure pour duisent.
estimer l’incertitude de mesure « chaque fois que le client
demande les incertitudes de mesure se rapportant à des essais
spécifiques ou lorsqu’il est probable que l’incertitude compro-
mettra la conformité à une spécification ».

Il est facile de voir que cette définition, si elle est proche de celle
de l’intervalle de confiance, ne doit cependant pas être confondue
avec elle. En effet, un intervalle de confiance permet de définir une
zone où il est vraisemblable que se trouve la valeur vraie d’une sta-
tistique (moyenne, sensibilité, blanc...) en prenant le risque que
l’intervalle ainsi formé ne la contienne pas : ce risque est noté α.
Par contre, l’incertitude permettra de calculer un intervalle dans
lequel il est raisonnable de penser que se trouvent un certain pour- ni juste ni fidèle fidèle mais pas juste
centage des répétitions d’une mesure, cela indépendamment de la
valeur vraie.

La procédure pour l’expression de l’incertitude, va principalement


porter sur le calcul de l’incertitude-type, notée u(y) où u() est l’abré-
viation de la forme anglaise de incertitude (uncertainty) et y le résul-
tat annoncé. Ensuite, le demi intervalle de dispersion ou incertitude
élargie notée U, sera obtenue en multipliant u(y) par un facteur
d’expansion k qui vaut par convention 2 pour 95 % des mesures et 3
pour 99 %.
juste mais pas fidèle juste et fidèle
U = ku(y) (1)
Figure 2 – Une illustration simplificatrice de l’exactitude
L’approche métrologique traditionnelle consiste à décomposer les d’une méthode
différentes sources d’erreur et à combiner chacune de leurs incerti-
tudes-types de façon à prévoir l’incertitude-type totale du résultat.
Pour évaluer ces incertitudes-types intermédiaires, on propose deux
types d’approches : Mais une différence fondamentale entre l’analyse chimique et le
modèle du tir sur cible est que l’on connaît rarement le centre de la
1. Type A. Elle est plus statistique et repose sur une collecte de cible et qu’il faudra l’estimer. Cet effort pour bien connaître le
données expérimentales. On va alors obtenir un écart-type estimé, « centre de la cible analytique » s’appelle la traçabilité de mesurage.
soit directement, soit par une analyse de la variance si on combine
plusieurs sources de variation, comme on le verra au § 2.2.
Finalement, on débouche sur la définition de deux critères de
2. Type B. Elle est plus déterministe et repose sur une fonction, validation très importants [4] :
connue à l’avance, qui lie les différents facteurs de variation X et qui — la fidélité qui est « l’étroitesse d’accord entre des résultats
décrit le processus de mesure. Par exemple, cette fonction peut être d’essai indépendants obtenus sous des conditions stipulées ».
la formule qui sert à exprimer le résultat final et les facteurs X sont La mesure de fidélité est une mesure de la dispersion des mesu-
les différents éléments de la formule. Nous ne décrirons pas plus res et se calcule à partir d’un ou plusieurs écarts-types. Une fidé-
avant cette approche car on peut la trouver plus détaillée dans l’arti- lité moindre est reflétée par un plus grand écart-type. Pour que
cle [R 285] des Techniques de l’Ingénieur [3]. les résultats d’essai soient indépendants, il faut qu’ils soient
obtenus sur le même matériau d’essai d’une façon non influen-
Bien sûr, en final, ces deux approches peuvent être combinées cée par une mesure précédente ;
pour estimer l’incertitude-type totale. Dans la pratique des labora- — la justesse qui mesure « l’étroitesse de l’accord entre la
toires d’essais, il est rare que l’on puisse obtenir une fonction qui valeur moyenne obtenue à partir d’une large série de résultats
décrive complètement le processus de mesure. Par exemple, la mul- d’essais et une valeur de référence acceptée ». La mesure de la
tiplicité des facteurs des variation qui traduisent l’effet de l’opéra- justesse est généralement exprimée en termes de biais ou
teur ou l’effet de la matrice est telle qu’on ne peut pas la modéliser d’écart à une moyenne.
in extenso. C’est pourquoi, l’approche plus statistique de type A,
basée sur l’estimation de l’exactitude de la méthode sera souvent
applicable à l’estimation de l’incertitude des mesures en chimie ana- La valeur de référence acceptée – aussi appelée la valeur conven-
lytique. Cependant, il faut bien distinguer cette mesure de la disper- tionnellement vraie de l’échantillon – est fournie par consensus à
sion due à la méthode (exactitude) et la mesure de l’incertitude qui partir des valeurs de mesures répétées. Ça peut être une valeur
intéresse un résultat dans un laboratoire donné qui intègre tous les théorique ou établie, fondée sur des principes scientifiques, une
effets dus à l’opérateur, l’instrument, l’échantillonnage ou l’environ- valeur assignée ou certifiée, fondée sur les travaux expérimentaux
nement... d’une organisation nationale ou internationale, une valeur de

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consensus ou certifiée, fondée sur un travail expérimental en colla- Quel que soit le type d’étude, chaque participant reçoit un prélè-
boration et placé sous les auspices d’un groupe scientifique ou tech- vement d’un échantillon homogène. Sur le plan technique, la prépa-
nique ou, encore, la moyenne d’une population spécifiée de ration d’un tel échantillon – parfois en grande quantité – exige un
mesures. savoir-faire et beaucoup de soin. En outre, le mode de conditionne-
ment devra prendre en compte la stabilité de l’analyte et/ou de la
C’est cette nécessité de recourir à une valeur de consensus qui va
matrice : cette remarque est particulièrement importante pour les
justifier l’organisation des analyses interlaboratoires. En effet, la tra-
matériaux qui se dégradent facilement.
çabilité des mesures chimiques ne permet pas de remonter simple-
ment à l’étalon primaire de quantité de matière (la mole) car il Par exemple, pour les matrices biologiques, on utilise de préférence
n’existe pas d’étalon figuré, comme il en existe pour la masse ou le des matériaux séchés ou lyophilisés ; si l’analyte est sensible à la
temps. lumière ou à l’oxygène le conditionnement sera opaque ou étanche,
sous atmosphère contrôlée ; une poudre sera répartie grain par grain
dans chaque flacon, à l’aide d’un distributeur spécial.

2. Analyses interlaboratoires
2.2 Répétabilité et reproductibilité
selon la norme ISO 5725
2.1 Classification
Dans la mesure où la fidélité mesure la dispersion des mesures et
que cette dispersion dépend de diverses sources de variation, on a
En fait, les analyses interlaboratoires vont permettre d’accéder à proposé deux situations extrêmes dans lesquelles deux répétitions
ces divers critères fondamentaux que sont la fidélité ou mesure de peuvent être réalisées sur un échantillon commun : à savoir les con-
la dispersion des mesures qui servira à l’expression de l’incertitude ditions de répétabilité et les conditions de reproductibilité. Elles sont
et la justesse dont le calcul nécessite la connaissance d’un écart à définies de la façon suivante dans [4] :
une valeur de référence conventionnelle. Par la suite, nous désigne-
rons par analyses interlaboratoires toute étude expérimentale qui — les conditions de répétabilité lorsque « les résultats d’essai
implique la participation de plusieurs laboratoires. Mais il faut en indépendants sont obtenus par la même méthode sur des individus
distinguer divers types, en fonction des objectifs recherchés. d’essai identiques dans le même laboratoire, par le même opéra-
teur, utilisant le même équipement et pendant un court intervalle de
• Les analyses interlaboratoires, au sens de la norme ISO 5725 [4], temps » ;
doivent réunir au moins 8 laboratoires qui vont recevoir un ou plu- — les conditions de reproductibilité lorsque « les résultats
sieurs échantillons sur lesquels ils feront de 2 à 4 répétitions. d’essai sont obtenus par la même méthode sur des individus d’essai
L’objectif principal est alors de mesurer les écarts-types de répéta- identiques dans différents laboratoires, avec différents opérateurs
bilité et la reproductibilité caractéristiques de la méthode. Elles peu- et utilisant des équipements différents ».
vent être organisées par n’importe quelle structure, par exemple, un
laboratoire ou une entreprise. La normalisation est un contexte très Les conditions de répétabilité vont donc caractériser la plus petite
classique d’organisation d’analyses interlaboratoires puisque les dispersion possible des mesures puisque toutes les modalités de
méthodes normalisées doivent être accompagnées de valeurs de réalisation sont constantes, alors que les conditions de reproductibi-
reproductibilité. Mais il est aussi possible d’étendre cette technique lité intègrent la plupart des sources de variation que l’on rencontre
à un seul laboratoire pour mesurer un écart-type de fidélité intermé- dans l’application générale d’une méthode. Ces deux concepts ont
diaire (partie 3 de la norme ISO 5725). été introduits pour des raisons économiques afin de comparer des
mesures faites par deux laboratoires différents qui représentent
• Les essais d’aptitude, comme décrits dans le projet de norme chacun les intérêts de deux partenaires commerciaux.
ISO 13528 ou le Guide ISO 43 [5], réunissent de nombreux laboratoi-
res, parfois plusieurs milliers. Les participants n’auront pas à faire
de répétitions sur les échantillons qu’ils reçoivent car le but est de C’est pourquoi, à partir de ces deux notions, on définit deux
calculer par consensus une valeur de référence acceptée qui servira caractéristiques de la fidélité :
à vérifier si un laboratoire est compétent pour exécuter un type de — la limite de répétabilité ou répétabilité (notée r) qui est
détermination. Ce bilan d’aptitude se fera après avoir classé les l’écart maximal au niveau de confiance de 95 % entre deux
laboratoires d’après leurs résultats et en vérifiant quels sont ceux résultats obtenus selon des conditions de répétabilité ;
qui se trouvent en dehors de limites de tolérance, elles aussi con- — la limite de reproductibilité ou reproductibilité (notée R)
sensuelles. Les tests d’aptitude sont généralement organisés par qui est l’écart maximal au niveau de confiance de 95 % entre
des structures interprofessionnelles et les laboratoires y participent deux résultats obtenus sur un échantillon commun par deux
de façon volontaire en fonction d’un programme analytique propre opérateurs ou deux laboratoires différents selon des conditions
à une branche d’activité. de reproductibilité.
Par exemple, on trouve des tests d’aptitude pour les produits céréa-
liers, les liants hydrauliques, l’analyse œnologique, les analyses de bio- Le modèle mathématique utilisé pour mesurer les écarts-types de
logie clinique, etc. répétabilité et de reproductibilité d’une analyse interlaboratoire est
le suivant :
• Les études pour préparer des matériaux de référence (certifiés
ou non). Elles suivent des protocoles très variés qui peuvent s’inspi- xij = µ + Li + eij (2)
rer des analyses interlaboratoires classiques. Cependant, d’une
part, on va utiliser plusieurs types de méthodes d’analyse afin de Chaque répétition xij est représentée par la somme de trois
détecter un principe analytique qui générerait un biais systémati- éléments : µ est la valeur vraie de l’échantillon, Li le biais aléatoire
que, d’autre part, les laboratoires participants ne seront pas choisis du laboratoire et eij l’erreur expérimentale. Dans ce modèle, l’indice
au hasard mais d’après leur haut niveau de compétence (a priori). i repère le laboratoire et j le numéro de répétition. Puisque chaque
Les matériaux de référence certifiés pourront être assimilés à des laboratoire a fait des répétitions, on peut calculer une variance pro-
étalons primaires et servir à vérifier la justesse d’une méthode pre à chaque laboratoire notée s i2 . Si on suppose que les variances
interne. Malheureusement, il n’existe pas encore de matériau de de laboratoires ne sont pas statistiquement différentes les unes des
référence certifié pour chaque domaine d’application. autres, on peut calculer une variance commune qu’on appelle

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Ensuite, les variances interlaboratoires s L2 et de répétabilité s r2


sont obtenues en divisant les sommes de carrés des écarts par les
s2R = s2r + s2L nombres de degrés de liberté appropriés. Pour cela, il est nécessaire
d’introduire le nombre moyen corrigé de répétitions par cellule, que
s2r
l’on note N′ :
Laboratoire 1
p
s 2r
N = ∑ ni (6)
i=1
Laboratoire 2
p
répétition s2r
n i2∑
moyenne du laboratoire i=1
N′ = N – ------------------ (7)
Laboratoire p
N

s2L
SCE
s r2 = -------------r- (8)
N–p
Moyenne générale
SCE
( p – 1 ) ⎛ -------------L- – s r2⎞
⎝p–1 ⎠
Figure 3 – Modèle théorique de l’analyse interlaboratoire s L2 = -------------------------------------------------- (9)
N′

Il faut bien noter que la variance de reproductibilité s R2 fournie par


variance de répétabilité : on la note s r2 . Par ailleurs, on peut calculer la formule (3) n’est pas égale à la variance totale s2 comme le mon-
les moyennes des laboratoires, notées x i . On va supposer qu’elles tre la démonstration suivante :
se distribuent selon une loi normale dont la variance est notée s L2 .
Elle est appelée variance interlaboratoire car elle représente aussi la p ni
façon dont se dispersent les estimations des biais :
∑ ∑ ( x ij – x )
2
SCE SCE SCE
Li = xi – x
i=1 j=1
- = --------------t = -------------L- + --------------r
s 2 = ---------------------------------------------- (10)
N–1 N–1 N–1 N–1
où x est la moyenne générale.
La figure 3 résume ces concepts et on peut remarquer que, même On voit que les deux termes de décomposition ne sont égaux ni à
si les variances de laboratoires sont assez différentes, on va les la variance interlaboratoire ni à la variance de répétabilité. On ne
ramener à une variance unique, la variance de répétabilité. peut donc pas estimer la variance de reproductibilité en calculant
simplement la variance totale de toutes les mesures, comme il serait
En supposant, en outre, que les distributions sont normales et tentant de le faire. Cette différence est due au modèle de
que le nombre de résultats est suffisant, on peut alors démontrer l’équation (2) proposé pour décrire chaque répétition.
que la variance de reproductibilité, notée s R2 , est égale à la somme
de la variance interlaboratoire et de la variance de répétabilité : Lorsque les résultats de l’analyse interlaboratoire doivent faire
l’objet d’un dossier officiel de validation, la norme ISO 5725 propose
s R2 = s L2 + s r2 (3) un mode de calcul des limites de répétabilité r et de
reproductibilité R. Pour cela, on va considérer la variance de la diffé-
rence entre deux mesures. Si s2 désigne la variance d’une mesure,
Pour estimer ces différentes variances, on va s’appuyer sur
la variance de la différence vaut 2s2. Par conséquent, son écart-type
l’équation suivante, obtenue par une analyse de variance à un seul
est égal à 2s . D’après la définition des limites de répétabilité et de
facteur à effet aléatoire :
reproductibilité, on recherche la différence maximale entre deux
p ni p p ni mesures pour un risque d’erreur de 5 %. On calcule ainsi les deux
critères de fidélité :
∑ ∑ 2
( x ij – x ) = ∑ 2
( xi – x ) + ∑ ∑ ( x ij – x i ) 2 (4)
i=1 j=1 i=1 i=1 j=1
r = k 2s r et R = k 2s R (11)
SCE t SCE L SCE r
avec k coefficient qui rend compte du risque d’erreur.
avec xi moyenne du laboratoire i, Si les mesures suivent une loi normale, les différences se distri-
N nombre total de mesures, buent selon une loi de Student à N − p degré de liberté. Comme N
est généralement grand, pour un risque de 5 %, on prend
ni nombre de répétitions par laboratoire, k = t0,975 ≈ 2,0. Puisque 2 2 = 2 ,83 , on a finalement :
x moyenne générale.
r = 2,83sr et R = 2,83sR (12)
L’équation (4) peut être récrite en utilisant la notation SCE (som-
mes de carrés d’écarts) :
SCEt = SCEL + SCEr (5) 2.3 Exemple de calcul sous Microsoft
avec SCEt somme totale des carrés des écarts à la moyenne Excel ®
générale,
SCEL somme des carrés des écarts interlaboratoires,
Pour illustrer les calculs, on a choisi une étude interlaboratoire
SCEr somme des carrés des écarts de répétabilité. réalisée par l’INRA dans le cadre d’une validation interlaboratoire. Il

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s’agit de l’estimation de la fidélité d’une méthode de détermination Pour cela taper en :


de l’azote Kjeldahl dans la poudre d’œuf après minéralisation par
micro-ondes [6]. E3 =SOMME.CARRES.ECARTS(B3:D3)
F3 =NB(B3:D3)*NB(B3:D3)
Onze laboratoires ont participé et les trois répétitions qu’ils ont
faits sont rassemblées dans le tableau 1 selon la disposition dans G3 =VAR(B3:D3)
une feuille Excel où les lignes sont repérées par des numéros et les H3 =MOYENNE(B3:D3)
colonnes par des lettres.
(0)
Puis recopier ces formules de la ligne 3 à la ligne 13. On obtient
ainsi les éléments qui permettent d’obtenir N, N′ et SCEr et qui sont
disposés comme dans le tableau 2.
Tableau 1 – Analyse interlaboratoire sur la teneur en azote
Kjeldahl d’une poudre d’œuf après minéralisation par Ensuite, on dispose les calculs comme au tableau 3.
micro-ondes (g d’azote/100 g de produit sec) Toujours sous Excel, il est alors possible de faire une représenta-
tion graphique de ces données en reportant les valeurs individuel-
A B C D les, les moyennes par laboratoire avec des barres d’erreur égales à
2 Laboratoires Répétition 1 Répétition 2 Répétition 3 ± 2sr qui indiquent la dispersion attendue de 95 % des données du
laboratoire, la moyenne générale et son intervalle de confiance à
3 Lab 01 7,77 7,74 7,52 95 % égal à ± 2sR. On obtient ainsi une figure similaire à la figure 4.
4 Lab 02 7,14 7,46 7,01 On voit ainsi que dans l’ensemble les valeurs des laboratoires
5 Lab 03 7,42 7,57 7,52 sont bien groupées autour de la moyenne générale qui vaut 7,61,
mis à part le numéro 2 qui s’en écarte fortement. On peut aussi voir
6 Lab 04 7,64 7,66 7,64 que le même laboratoire a des répétitions plus dispersées que les
7 Lab 05 7,73 7,73 7,77 autres. Comme nous le verrons au paragraphe 2.4, on va pouvoir
appliquer des tests statistiques pour vérifier si ce laboratoire n’est
8 Lab 06 7,48 7,83 7,67 pas « aberrant » par rapport aux autres.
9 Lab 07 7,58 7,71 7,64
À partir de ces résultats, on peut maintenant caractériser les per-
10 Lab 08 7,67 7,66 7,71 formances de la méthode. La reproductibilité limite nous indique que
la différence entre 2 mesures faites par 2 laboratoires différents ne
11 Lab 09 7,77 7,51 7,59
doit pas excéder dans 95 % des cas la valeur de 0,489 ≈ 0,5 g/100 g.
12 Lab 10 7,70 7,70 7,70 Dans la mesure où on a suivi les recommandations de la norme
internationale ISO 5725, ce seuil peut servir à l’établissement d’une
13 Lab 11 7,58 7,63 7,68
limite de tolérance pour des accords commerciaux.
Par ailleurs, on peut aussi calculer le coefficient de variation de la
reproductibilité CVR qui vaut :
On va montrer que l’ensemble des calculs peut s’effectuer en uti-
lisant les fonctions internes Excel : NB, SOMME, MOYENNE, sR
0 ,173
SOMME.CARRES.ECARTS qui correspond à la notation SCE et CV R = 100 ------ = --------------- = 2 ,27 % (13)
RACINE. x 7 ,610

(0)

Tableau 2 – Ensemble des calculs intermédiaires


A B C D E F G H
2 Laboratoires Répétition 1 Répétition 2 Répétition 3 SCEi n i2 s i2 xi
3 Lab 01 7,77 7,74 7,52 0,037267 9 0,019 7,677
4 Lab 02 7,14 7,46 7,01 0,107267 9 0,054 7,203
5 Lab 03 7,42 7,57 7,52 0,011667 9 0,006 7,503
6 Lab 04 7,64 7,66 7,64 0,000267 9 0,000 7,647
7 Lab 05 7,73 7,73 7,77 0,001067 9 0,001 7,743
8 Lab 06 7,48 7,83 7,67 0,061400 9 0,031 7,660
9 Lab 07 7,58 7,71 7,64 0,008467 9 0,004 7,643
10 Lab 08 7,67 7,66 7,71 0,001400 9 0,001 7,680
11 Lab 09 7,77 7,51 7,59 0,035467 9 0,018 7,623
12 Lab 10 7,70 7,70 7,70 0,000000 9 0,000 7,700
13 Lab 11 7,58 7,63 7,68 0,005000 9 0,002 7,630
SCEi correspond à la somme des carrés des écarts pour le laboratoire i. On a :

SCE r = ∑ SCEi

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(0)

Tableau 3 – Résultats et formules intermédiaires pour le calcul des écarts-types de répétabilité et reproductibilité
A B C
15 Statistiques Valeurs Formules Excel
16 Nombre de laboratoires 11 =NBVAL(A3:A13)
17 Nombre de mesures 33 =NB(B3:D13)
18 Nombre de mesures au carré 99 =SOMME(F3:F13)
19 Nombre de mesures corrigé N′ 30 =B17-B18/B17
20 SCEr 0,26927 =SOMME(E3:E13)
21 SCEt 0,92180 =SOMME.CARRES.ECARTS(B3:D13)
22 SCEL 0,65253 =B21-B20
23 Moyenne générale x 7,61000 =MOYENNE(B3:D13)
24 Variance de répétabilité s r2 0,01224 =B20/(B17-B16)
25 Variance interlaboratoire s L2 0,01767 =(B16-1)*((B22/(B16-1))-B24)/B19
26 Variance de reproductibilité s R2 0,02991 =B24+B25
27 Écart-type de répétabilité sr 0,11063 =RACINE(B24)
28 Répétabilité limite r 0,31309 =2,83*B27
29 Écart-type de reproductibilité sR 0,17295 =RACINE(B26)
30 Reproductibilité limite R 0,48944 =2,83*B29

un test de normalité. C’est pourquoi, on lui a substitué des tests de


rejet des laboratoires de moyenne aberrante et de variance
aberrante : ce sont respectivement les tests de Grubbs et de
8,3 Cochran.
Ainsi, sans entrer dans les détails de ces tests, on peut montrer
que les laboratoires 02 et 03 ont des moyennes trop basses et peu-
vent être rejetés comme aberrants avec un risque de 1 %. Il convient
7,8 alors de refaire les calculs et on obtient finalement :
Valeurs

Moyenne globale 7,667 0


Écart-type de reproductibilité 0,091 4
7,3
Coefficient de variation de la reproductibilité 1,19 %
On voit ainsi que le CVR est diminué de moitié. Si on recommence
les tests, on peut vérifier qu’il n’y a plus de données aberrantes.
6,3 Cependant, on peut se poser la question du bien-fondé de cette
Lab 02

Lab 05

Lab 06

Lab 08

Lab 09
Lab 03

Lab 04

Lab 07

Lab 10
Lab 01

Lab 11

démarche. En effet, la suppression des données gênantes semble


un peu simplificatrice. D’une part, on évite de se poser des ques-
tions sur leur origine qui peut être due à une mauvaise mise au
point ; par ailleurs, on modifie fortement les performances qui peu-
Figure 4 – Illustration graphique de l’analyse interlaboratoire vent ainsi être sous-estimées. C’est pourquoi, dans la norme
ISO 5725, on décrit aussi des méthodes de calcul alternatives, dites
robustes. Pour les statisticiens, la robustesse est l’aptitude d’une
Cette valeur peut servir à caractériser la fidélité de la méthode. statistique à ne pas varier fortement lorsqu’il y a des valeurs extrê-
Ensuite, il sera possible, en prenant un certain nombre de précau- mes, très différentes des autres : la notion de données aberrantes
tions, d’utiliser cette valeur pour caractériser l’incertitude des mesu- disparaît. L’exemple le plus classique d’une statistique robuste est la
res d’un laboratoire. médiane pour remplacer la moyenne arithmétique.
Le principe des statistiques robustes proposées dans la norme
ISO 5725 est de pondérer itérativement les données en fonction de
leur distance aux autres données jusqu’à obtenir une convergence.
2.4 Données aberrantes et méthodes Ainsi, l’algorithme A qui peut servir à calculer une moyenne géné-
statistiques robustes rale robuste x* et son écart-type s* fonctionne ainsi :
1) Calculer les valeurs initiales de la moyenne et de l’écart-type
robuste :
La présence de données aberrantes dans les analyses interlabora-
toires est liée à l’hypothèse forte que les répétitions de chaque labo- x 0* = médiane ( x i )
ratoire doivent se répartir selon une loi normale. Cependant, le petit
nombre de données disponibles fait qu’il est impossible d’appliquer s 0* = 1 ,483 médiane x i – x *
0 (14)

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Tableau 4 – Calcul de la moyenne générale robuste selon l’algorithme A de la norme ISO 5725 partie 5
Valeurs initiales Itération 1 Itération 2
Lab 02 7,200 7,580 7,580
Lab 03 7,503 7,580 7,580
Lab 09 7,623 7,623 7,623
Lab 11 7,630 7,630 7,630
Lab 07 7,643 7,643 7,643
Lab 04 7,646 7,646 7,646
Lab 06 7,660 7,660 7,660
Lab 01 7,676 7,676 7,676
Lab 08 7,680 7,680 7,680
Lab 10 7,700 7,700 7,700
Lab 05 7,743 7,713 7,713
Moyenne 7,6467 7,6483 7,6483
Écart-type 0,0445 0,0497 0,0497
Seuil 0,0667 0,0563 0,0563
Limite inférieure 7,580 7,580 7,592
Limite supérieure 7,713 7,713 7,705
Différence entre les moyennes − 1,6 · 10−3 0

2) Calculer le seuil de rejet ϕ = 1,5s* et mettre à jour les données


de la façon suivante :
Ecarts-types

0,5
x* – ϕ si x i < x* – ϕ Écart-type de reproductibilité sR

⎪ x* + ϕ si x i > x* + ϕ Écart-type de répétabilité sr
x i( r ) = ⎨ (15) 0,4
⎪x Valeur limite sR Hor
⎩ i
0,3
3) Calculer les nouvelles valeurs de x* et s* (p représente le nom-
bre de données) 0,2

∑ xi( r ) 0,1
x* = -----------------
- (16)
p
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8

( x i( r ) – x* ) 2 Moyenne
s* = 1 ,134 --------------------------------------
- (17)
p–1
Figure 5 – Azote Kjeldahl. Relation entre la moyenne et la fidélité
4) Recommencer au point 2) jusqu’à ce que la différence entre
deux valeurs successives de la moyenne ne diffèrent pas plus que
de 0,1 % par exemple. 2.5 Conformité d’un écart-type
À titre d’exemple, on va illustrer cet algorithme pour calculer la de reproductibilité
moyenne générale à partir des moyennes des laboratoires qui figu-
rent dans la colonne H du tableau 2. Les données sont reportées
dans le tableau 4 triées par ordre croissant. On voit que la conver- Le mode de calcul de la norme ISO 5725 s’applique à un seul
gence est extrêmement rapide puisqu’il suffit de deux itérations matériau ou échantillon. Cependant, comme la validation d’une
pour obtenir la valeur finale. Dans le même tableau ont été repor- méthode d’analyse doit porter sur son domaine d’application, il faut
tées les valeurs du seuil ϕ et des valeurs limites inférieure et supé- toujours expédier aux participants plusieurs échantillons, avec des
rieure de la formule (15). niveaux de concentration couvrant tout ce domaine. Ces résultats
vont permettre de vérifier comment la fidélité évolue en fonction du
La moyenne ainsi trouvée (7,65) se situe entre la moyenne calcu- niveau de concentration de l’échantillon.
lée avec toutes les données (7,61) et celle obtenue après le rejet de (0)

deux laboratoires décrétés aberrants (7,67). On voit ainsi tout l’inté- La figure 5 présente les mesures de fidélité de la même méthode
rêt de cette approche qui permet d’avoir des valeurs ni sous- de détermination de l’azote Kjeldahl dans 5 matériaux différents,
estimées ni surestimées. reportées au tableau 5. En fait, ce sont cinq analyses interlaboratoi-

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Tableau 5 – Résultats des cinq analyses interlaboratoires réalisées pour valider la méthode
de dosage de l’azote de Kjeldahl
Moyenne CVHor sRHor
Matrice Laboratoires sR sr CVR
(niveau) (équation (18)) (équation (21))
Lait 11 0,48 0,013 0,011 2,6 % 4,5 % 0,022
Farine blé 11 1,77 0,038 0,023 2,1 % 3,7 % 0,065
Farine dactyle 11 2,06 0,056 0,029 2,7 % 3,6 % 0,074
Viande 11 3,00 0,078 0,052 2,6 % 3,4 % 0,102
Œuf en poudre 11 7,61 0,175 0,113 2,3 % 2,9 % 0,224

res qui sont présentées pour des matrices dont la concentration


moyenne varie entre 0,4 g/100 g et 8 g/100 g d’azote. D’abord, on
peut noter que dans tous les cas, l’écart-type de reproductibilité est

CVR (%)
plus élevé que celui de la répétabilité. Ce résultat est logique si on se
réfère à la formule (3).
50
Ensuite, on constate que la fidélité de la méthode n’est pas cons-
tante et que la reproductibilité augmente en même temps que le
niveau de concentration : cette observation n’est pas propre à la CVHor
méthode étudiée mais est très générale. CVLim

Deux conclusions importantes s’imposent : 25

1. pour valider une méthode, il faut absolument étudier l’ensem-


ble de son domaine d’application ;
2. on ne doit pas exprimer la fidélité d’une méthode sans se réfé-
0
rer au niveau de concentration où on l’a mesurée. 0 10-1 10-2 10-3 10-4 10-5 10-6 10-7 Moyenne
Puisqu’il y a une relation à peu près linéaire entre sR et la teneur,
on pourrait calculer le coefficient de variation de la reproductibilité
(CVR) pour synthétiser ce résultat. On voit ainsi au tableau 5 que les Figure 6 – Aspects des modèles proposés par Horwitz
CVR sont relativement proches, entre 2,1 % et 2,7 % et on pourrait
proposer d’exprimer la fidélité de cette méthode sous la forme d’un
pourcentage. Cette solution est possible car son domaine d’applica-
vérifier si le rapport suivant, aussi appelé HorRat ou Horwitz Ratio,
tion est relativement étroit.
est bien inférieur à 2,0 [8].
En fait, si on considère le CVR d’une méthode d’analyse de traces,
il est très généralement beaucoup plus élevé (environ 50 %) que CV R
celui d’une méthode qui s’applique aux macro-éléments (quelques HorRat = --------------- ≤ 2 (20)
CV Hor
pourcents). On a ainsi reconnu, il y a environ 30 ans, qu’il existe
aussi une relation entre le CVR des méthodes et le niveau de concen-
tration T. Avant d’appliquer ce modèle, les concentrations doivent être
exprimées avec les unités SI pour que le résultat soit directement
Plusieurs modèles ont été proposés pour décrire cette relation et exprimé en pourcents.
celui qui connaît le plus de succès a été construit empiriquement par
Horwitz [7] à partir de plusieurs milliers d’analyses interlaboratoi- Par exemple, pour une concentration de 1 g/100 g, on a 10−2 kg · kg−1,
res. Il est fourni par l’équation (18) : ce qui donne :

lg ( 10 –2 ) –2
2 – ----------------------- 2 – ⎛ ------⎞
lg T CV Lim = 2 2 = 2 ⎝ 2⎠ = 23 = 8 %
1 – -----------
CV Hor = 2 2 (18)
Ce sont ces valeurs qui sont reportées dans l’avant-dernière
C’est un modèle empirique, résultant d’observations expérimen- colonne du tableau 5.
tales, qui ne peut en aucun cas être mis en relation avec une théorie Pour illustrer l’allure de ce modèle, on a calculé les valeurs prises
de l’incertitude ou de la fidélité. pour des concentrations allant de 10−7 kg · kg−1 (soit 0,1 ppm) à
0,1 kg · kg−1 (soit 10 %). La figure 6 illustre l’allure des deux modè-
Par ailleurs, Horwitz a montré que la grande majorité des CVR ne
les. L’échelle des abscisses est logarithmique.
dépassent pas une valeur limite CVLim calculée ainsi :
Une autre façon très simple d’utiliser le modèle de Horwitz, con-
lg T siste à calculer la valeur attendue de l’écart-type de reproductibilité
2 – ----------- sRHor pour une concentration T donnée. En effet :
CV Lim = 2 2 (19)
lg T
1 – -----------
On s’aperçoit aussi que le CVLim est le double du CVHor. C’est s RHor = 0 ,01 T 2 2
pourquoi, on a proposé comme méthode de contrôle de la confor-
mité d’une reproductibilité pour une concentration donnée de sRHor = 0,02T 0,849 5 (21)

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C’est ce qui a été fait sur la figure 5 où les valeurs de sRHor pour laboratoires candidats qui s’engagent à donner les résultats pour
chaque niveau de concentration apparaissent comme une ligne en une date donnée.
tiretés.
Deux cas peuvent se présenter :

1. on dispose de lots d’échantillons homogènes et chaque labora-


3. Essais d’aptitude toire reçoit simultanément une série d’échantillons. C’est générale-
ment le cas des solutions pour la mise en œuvre de méthodes
destructives ;

2. on dispose de un ou quelques spécimens et il(s) sont transpor-


3.1 Objectifs et principes tés de laboratoire en laboratoire selon un ordre et un calendrier
préétabli. Ce cas est réservé à la mise en œuvre de méthodes non
destructives.
Comme nous l’avons précisé au paragraphe 2.1, les essais d’apti-
tudes sont un type spécial d’analyse interlaboratoire. Au niveau du Chaque laboratoire utilise la méthode de son choix et, lorsque
vocabulaire, ils sont parfois désignés comme « essais circulaires » qu’il communique ses résultats, il prend connaissance en retour des
ou selon les termes anglais de « collaborative studies » ou « ring « valeurs de référence » et du No de code sous lequel apparaîtront
studies ». Signalons qu’en anglais leur nom normalisé est ses résultats dans le rapport final. À la fin du circuit les données
« proficiency testing schemes » ou PTS. C’est d’après l’objectif de issues de l’ensemble des laboratoires sont traitées statistiquement
l’essai que l’on peut savoir si on a à faire à un véritable essai d’apti- et divers traitements peuvent être faits : par exemple des comparai-
tude. sons entre circuits de même nature ou entre méthodes.
Justement les objectifs et le contexte de réalisation des essais
d’aptitude sont clairement définis par un document du Comité Fran- Une certaine rigueur a récemment été introduite dans l’organisa-
çais d’Accréditation (COFRAC, http://www.cofrac.fr) : « Les compa- tion et l’interprétation des essais d’aptitude. Ainsi, le projet de
raisons interlaboratoires sont utilisées pour évaluer la capacité des norme ISO/DIS 13528 [10] qui remplacera à terme le guide ISO 43 [5]
laboratoires à réaliser des essais avec compétence. Pour les orga- établit des recommandations pour les tests d’aptitude en
nismes d’accréditation, l’exploitation des résultats des campagnes particulier :
de comparaisons des laboratoires accrédités complète les techni-
ques traditionnelles d’évaluation des laboratoires in-situ par des — la forme et l’interprétation ;
experts techniques » [9]. — la détermination d’une valeur de référence et son incertitude
La compétence du laboratoire est donc son aptitude à fournir des type ;
valeurs justes. Cette aptitude est vérifiée par un organisme tiers,
indépendant du laboratoire : l’organisateur de l’essai. Ainsi, les — la détermination de l’écart-type pour les tests d’aptitude ;
résultats pourront éventuellement servir à un organisme d’accrédi- — le calcul statistique de critères de performance.
tation. On voit bien qu’il s’agit de permettre la mise en place d’une
traçabilité des mesures par rapport à des valeurs de référence L’organisation de comparaisons, sous la forme de circuits interla-
reconnues et elles-mêmes traçables. Cette traçabilité doit être main- boratoires, est aussi utilisée à d’autres fins, comme :
tenue dans le temps.
C’est pourquoi, dans ce même document, on distingue la compa- — l’identification de problèmes analytiques liés à l’emploi d’une
raison interlaboratoire qui est « ... définie et mise en œuvre pour méthode dont l’influence sur certains paramètres est mal appréhen-
permettre aux laboratoires d’évaluer et de démontrer leurs perfor- dée et nécessite des actions correctives (rôle du personnel, des éta-
mances dans des secteurs déterminés d’essais ou de mesures » et lons, du matériel, des réactifs...) ;
l’essai d’aptitude qui est « l’évaluation des performances d’un labo- — la validation de méthodes par l’évaluation des critères de fidé-
ratoire en matière d’essais au moyen de comparaisons lité et de justesse (voir § 2) ;
interlaboratoires ».
— la définition d’une valeur acceptée pour un matériau de réfé-
En pratique, pour coller au plus près aux types de méthodes et de
rence ou la certification de matériaux de référence (voir § 4).
matrices, ce sont des organismes interprofessionnels qui vont pro-
poser ces comparaisons interlaboratoires qui permettront de :
1. déterminer, à un instant donné pour des essais ou des mesura-
ges spécifiques, la compétence d’un laboratoire particulier ;
3.2 Organisation
2. surveiller la compétence de ce laboratoire, en continu, par la
répétition à intervalles réguliers de ces mêmes essais ou mesu-
rages.
3.2.1 Principaux organismes fournisseurs
La fréquence des circuits, le nombre d’échantillons à analyser, le
nombre de répétitions, etc., sont bien entendu liés à la nature même
de circuits
des analyses et aux exigences préétablies par la profession ou par
les organismes d’accréditation. Le nombre de laboratoires partici- Il existe un grand nombre d’organismes interprofessionnels qui
pant est très variable, le plus souvent quelques unités à quelques proposent des circuits, chacun dans un domaine spécialisé. Pour se
dizaines d’unités mais il peut atteindre des milliers lorsque plu- faire une idée de cette diversité, au niveau européen, on peut
sieurs pays sont concernés ou que la profession regroupe beaucoup consulter le site Internet EPTIS (European Proficiency Testing
de laboratoires (analyse biologique). Schemes http://www.eptis.bam.de/) qui rassemble plusieurs cen-
Le principe général de ces intercomparaisons est de faire réa- taines de circuits en cours. Le tableau 6 recense les types d’essai et
liser, par un laboratoire sélectionné pour son haut niveau de com- de matrices régulièrement testés. En croisant ces divers critères, on
pétence, une série d’échantillons dont le degré d’hétérogénéité est peut interroger une banque de données qui fournit les divers essais
contrôlé et dont la teneur ou valeur à déterminer (éléments, molé- en cours. Chaque essai lui-même peut porter sur plusieurs mesu-
cules, paramètres physiques, etc.) est connue avec une faible randes. On voit donc que l’activité d’organisation d’essais d’apti-
incertitude. Ces échantillons sont distribués à un instant donné aux tude est florissante.

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(0)

Tableau 6 – Principaux domaines et types d’essais servant à des circuits d’aptitude


Domaines d’essai Types d’essai
Acoustique, Analyse médicale, Biologie, Chimie Adhésifs, Agriculture, Air, Aliments et boissons, Applications nucléaires, Automobiles,
analytique, Comportement au feu, Conditions envi- Bois, Chantiers navals, Chauffage et réfrigération, Composants électriques et électroni-
ronnementales, Dynamiques des fluides, Électro- ques, Cosmétiques, Cuir, Eaux, Éclairage, Emballages, Émissions, Équipement ferro-
technique et électronique, Émissions gazeuses et viaire, Équipements médicaux, Gaz, Gommes, Hydraulique et pneumatique, Instruments
vapeurs, Essai non-destructif de matériau (NDT), de mesure, Laboratoires et équipements, Machines, Matériaux de construction, Maté-
Évaluation de matériaux, Géologie, Mécanique, riaux de référence, Matériaux non métalliques, Métaux et minéraux, Meubles, Photogra-
Métallographie, Microbiologie, Protection environ- phies, Plastiques, Produits de consommation, Produits pétroliers et charbons, Pulpes et
nementale, Radiation électromagnétique, Sécurité papiers, Récipients sous pression, Sols, boues et sites contaminés, Soudure, Substances
au travail, Techniques nucléaires et radiations ioni- dangereuses, Technologie des systèmes d’information/Logiciels, Télécommunications et
santes, Thermodynamique, Usure. équipements radio, Textiles et vêtements, Traitement de surface, Travaux publics, Végé-
taux, Verre et céramiques.

(0)

Tableau 7 – Principaux organismes chargés de la métrologie et/ou des essais d’aptitude


Pays Organisme Site Internet
Allemagne Bundesanstalt für Materialforschung und -prüfung (BAM) http://www.bam.de/
Autriche Bundesministerium für Wirtschaft und Arbeit (BMWA) http://www.bmwa.gv.at/
Belgique Vlaamse Instelling voor Technologisch Onderzoek (VITO) http://www.vito.be/
Danemark National Environmental Research Institute (DMU) http://www.dmu.dk/
États-Unis National Institute for Science and Technology (NIST) http://www.nist.gov/
Finlande Finnish Environment Institute (FEI) http://www.vyh.fi/
France Laboratoire National d’Essais (LNE) http://www.lne.fr/
Grèce General Chemical State Laboratory (CGSL)
Irlande National Metrology Laboratory (NSAI) http://www.forbairt.ie/
Italie Associazione per l’Unificazione nel Settore dell’Industria Chimica (UNICHIM) http://www.unichim.it/
Pays-Bas Nederlands Meetinstituut Van Swinden Laboratorium (NMi VSL) http://www.nmi.nl/
Royaume-Uni Central Science Laboratory (CSL) http://www.csl.gov.uk/

Par exemple, dans le domaine des applications nucléaires, la 1. la conception et l’organisation ;


CETAMA organise une demi-douzaine de circuits sur la teneur en subs- 2. la mise en œuvre et la gestion ;
tances radioactives, la mesure de l’uranium et du plutonium, la mesure
des traces et le contrôle des fûts de déchets (émetteurs α et βγ). Dans 3. l’interprétation des résultats.
le domaine des essais pour l’agriculture ou les aliments et boissons, on
trouve plusieurs dizaines de circuits. Le Bureau InterProfessionnel ■ Conception et organisation. Cette phase consiste à rédiger un
d’Études Analytiques (BIPEA) est un organisateur français de nom- cahier des charges faisant l’inventaire des exigences et des spécifi-
breux essais dans ce domaine. cations du circuit en termes de :
— mesurande (caractéristique(s) à mesurer) ;
En France, les organismes qui proposent des essais d’aptitude
— nature du matériau de référence, comme matières en stock,
sont en général des associations du type loi 1901 dont les membres
achats sur catalogue ou réalisation spécifique ;
sont les laboratoires d’une branche professionnelle bien identifiée :
les cotisations permettent d’assurer le fonctionnement de l’associa- — critères d’acceptation pour le matériau de référence pour une
tion. Mais dans beaucoup de pays, ce sont des émanations des Pou- réalisation spécifique et méthode de contrôle de l’homogénéité des
voirs publics qui ont une activité commerciale et auprès desquels échantillons ;
n’importe quel laboratoire peut s’inscrire. De plus, dans chaque — compétences exigées des fournisseurs potentiels qui se tradui-
pays il existe des structures publiques en charge de la métrologie sent par des critères d’acceptation de la démonstration de
qui seront autant d’organisateurs possibles, surtout dans le faisabilité ;
domaine des mesures physiques ou de la métrologie légale. Le — mode et matériau de conditionnement ;
tableau 7 rassemble les noms et sites Internet des principaux orga- — moyens de transport ;
nismes officiels des pays occidentaux. — délais de réalisation.
Il s’agit par ailleurs de définir, en général dans une note d’organi-
sation, les caractéristiques du circuit en termes de :
3.2.2 Déroulement
— nombre d’échantillons expédiés ;
Le déroulement d’un circuit de test d’aptitude comporte générale- — nombre de répétitions des mesurages ;
ment trois phases relevant de la responsabilité de l’organisateur. Le — début et fin du circuit ;
choix des matériaux et les conditions de fonctionnement sont — format et mode d’expression des résultats ;
confiés à un secrétaire technique. Ces trois phases sont : — conditions de participation.

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■ Mise en œuvre et gestion. Cette phase consiste à assurer le bon Il a été demandé aux participants :
déroulement des séquences d’élaboration et de distribution des — d’effectuer tous les quatre mois, dans un ordre indiqué, des
échantillons, en établissant notamment : mesures sur les solutions en ampoules ;
— le logigramme des opérations ; — d’indiquer la méthode utilisée et le (ou les) matériau(x) de réfé-
— le calendrier prévisionnel ; rence utilisé(s) ;
— les devis correspondant à l’ensemble des réalisations ;
— la sélection du ou des fournisseurs (matériau de référence et — d’indiquer les prises d’essais et dilutions éventuelles ;
réalisation des échantillons) si celui-ci est différent de l’organisme — de transmettre au moins trois résultats sur des prises d’essai
qui propose l’essai d’aptitude ; indépendantes, reportés sur un formulaire préétabli.
— le suivi de réalisation et la recette finale ; Par retour du courrier, ou par télécopie, le laboratoire a alors reçu
— l’appel à candidature pour la participation au circuit ; la valeur de référence et le numéro confidentiel sous lequel il allait
— l’organisation des transports ; apparaître dans le rapport final.
— le devenir des échantillons en fin de circuit, dans le cas des
méthodes non destructives laissant des échantillons réutilisables. Il était préconisé de travailler dans des conditions de « routine »,
les méthodes utilisées pouvant être :
■ Interprétation des résultats. Cette phase consiste à assurer les
opérations suivantes : — des méthodes de confirmation dites de « bilan » ;
— réceptionner les résultats de mesure ; — des méthodes de contrôle de procédé ;
— communiquer les résultats de référence et le numéro — des méthodes de contrôle de spécification.
confidentiel ;
La préparation, le conditionnement, la détermination des valeurs
— exploiter les résultats et rédiger le rapport ;
de référence, ainsi que l’envoi des échantillons ont été confiés au
— proposer d’éventuelles évolutions de mesurandes pour le pro-
LAboratoire de Métrologie des MAtières Nucléaires du CEA situé à
chain circuit.
Marcoule (LAMMAN).
Le matériau ayant servi à la préparation de la solution était un
oxyde d’uranium (U3O8) de grande pureté dont la teneur en ura-
3.3 Exemple nium a fait l’objet d’une certification préalable par un circuit interla-
boratoire. Avant toute nouvelle utilisation, une quantité suffisante
de matière avait subi un traitement thermique destiné à ramener les
3.3.1 Caractéristiques du circuit traces d’oxyde UO3 qui auraient pu se former au cours du temps à
la stœchiométrie U3O8. Des contrôles potentiométriques avaient été
Nous présentons ci-après, à titre d’exemple, les résultats d’un effectués garantissant l’efficacité de l’opération et la stœchiométrie.
essai d’aptitude sur l’analyse d’uranium en solution, organisé entre Le protocole de préparation des échantillons dans des ampoules de
1997 et 1998 par la CETAMA pour des laboratoires européens, brési- verre scellées a été validé au cours de précédents circuits et, à ce
liens et argentins. Ces laboratoires participant à ce circuit étaient jour, un plan assurance qualité (PAQ) décrit en détail les opérations
soit des laboratoires de recherche et développement, soit des labo- à effectuer et les précautions à prendre pour préparer et vérifier les
ratoires liés aux industries du domaine nucléaire, intéressés par solutions.
l’extraction et le traitement des minerais, l’enrichissement de l’ura-
nium, la fabrication de combustibles ou le retraitement de combus-
tibles usés. 3.3.2 Traitement des résultats

En début de programme, les participants ont reçu quatre 28 Laboratoires ont envoyé leurs résultats pour la première solu-
ampoules scellées de nitrate d’uranyle (uranium naturel) ayant tion (ampoule 1). C’est cette série qui sert d’exemple pour le traite-
des concentrations élevées (200 à 250 g · L−1). Les concentra- ment des résultats. La répartition des méthodes d’analyses utilisées
tions en uranium sont inconnues des participants, cependant un par les laboratoires concernés s’établissait comme le décrit le
ordre de grandeur leur a été donné au moment de l’envoi pour tableau 8.
satisfaire aux contraintes réglementaires de transport et de Par ailleurs, les matériaux de référence et les références de travail
radioprotection. utilisées par les laboratoires sont indiqués dans le tableau 9.
(0)

Tableau 8 – Liste des méthodes utilisées et leurs abréviations


Méthode Abrégé de la méthode Nombre de laboratoires
Gravimétrie U3O8 Gravi 3
Davies & Gray D&G 13
Mallinckrodt Pot Mallin 1
Méthode au Ti Pot Ti 3
Potentiométrie Pot 3
Fluorescence X FX 2
ICP/AES ICP/AES 2
Spectrométrie d’absorption moléculaire SAM 1

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— le demi-intervalle de confiance de la moyenne pour le niveau


(0)

Tableau 9 – Matériaux de référence utilisés pour de confiance de 1 − α, calculé selon la formule :


l’étalonnage
s
------- t
Matériaux de référence Références de travail n ( 1 – α ⁄ 2, n – 1 )
MU2 métal U CETAMA Sel de Mohr
avec t(1−α/2, n−1)quantile d’une variable de Student à n − 1
EC 101 métal U IRMM U métal degrés de liberté, pour un niveau de probabilité
NBL 112A métal U UO3 1 − α. On a choisi α = 5 %. L’intervalle de
confiance est calculé uniquement à partir de la
UO2 CETAMA U 3 O8 variance de répétabilité des résultats
EC110 UO2 IRMM Nitrate d’uranyle individuels transmis. Il ne prend pas en compte
les effets d’éventuelles erreurs systématiques
NBL 119 U3O8 Dichromate de potassium commercial ou de fidélité intermédiaire ;
— le demi-intervalle de confiance relatif, exprimé en %.
En outre, dans le tableau 10, on a repéré par un * les laboratoires
Pour chaque ampoule, les résultats ont été reportés dans des ayant effectué une correction de poussée de l’air lors de leurs
tableaux et sous la forme de graphiques. À titre d’exemple, le pesées. Pour le laboratoire 2, l’intervalle de confiance a été fourni
tableau 10 fournit les résultats obtenus pour l’ampoule 1 dont la directement par le participant.
valeur de référence est de 205,85 (± 0,21) g U · kg−1. Les colonnes de La figure 7 illustre sous forme graphique les données du
ce tableau indiquent : tableau 10 et comporte :
— le code du laboratoire ; — l’écart relatif de la moyenne de chacun des laboratoires par
rapport à la valeur de référence, associée à son intervalle de con-
— l’abréviation de la méthode utilisée (voir tableau 8) ; fiance, exprimé en % ;
— le nombre de mesures n retournées par le laboratoire ; — l’indication par deux traits pointillés de l’incertitude relative de
— la moyenne arithmétique des mesures en g · kg−1 ; la valeur de référence, soit 0,1 %, fournie par le Laboratoire de
— l’écart de la moyenne annoncée à la valeur de référence (biais Métrologie des Matières Nucléaires au niveau de confiance de 95 %.
absolu) en g · kg−1 ; Cette incertitude tient compte de l’ensemble des erreurs, aléatoires
et systématiques ;
— le biais relatif par rapport à la valeur de référence, exprimé en % ; — l’indication par un astérisque des laboratoires ayant procédé à
— l’estimation de l’écart-type de répétabilité du laboratoire, noté s ; une correction de poussée de l’air.
(0)

Tableau 10 – Circuit uranium No 8 – Ampoule No 1


La valeur de référence est 205,85 ± 0,21 g · kg−1
Biais IC95
Code Méthode n Moyenne Biais Écart-type IC95
(%) (%)
Labo 01 Pot Ti 15 205,15 − 0,70 − 0,340 0,819 0,453 5 0,221
Labo 02 Pot Ti 204,95 − 0,90 − 0,437 0,590 0 (a) 0,288
Labo 03 Pot Ti 4 205,08 − 0,77 − 0,374 0,093 0,148 0 0,072
Labo 04 ICP/AES 15 204,49 − 1,36 − 0,661 0,640 0,354 4 0,173
Labo 07* D&G 3 205,07 − 0,78 − 0,379 0,211 0,524 2 0,256
Labo 08 FX 6 206,64 0,79 0,384 0,530 0,556 2 0,269
Labo 09 ICP/AES 6 203,38 − 2,47 − 1,202 2,520 2,644 6 1,300
Labo 11* Pot 12 205,20 − 0,65 − 0,316 0,116 0,073 7 0,036
Labo 12* Gravi 4 206,00 0,15 0,073 0,079 0,125 7 0,061
Labo 13 Pot 4 205,96 0,11 0,053 0,342 0,544 2 0,264
Labo 14 Gravi 3 206,32 0,47 0,228 0,127 0,315 5 0,153
Labo 15 FX 9 204,32 − 1,53 − 0,743 0,648 0,498 1 0,244
Labo 16 Gravi 3 206,32 0,47 0,228 0,041 0,101 8 0,049
Labo 18* D&G 15 206,02 0,16 0,080 0,285 0,157 8 0,077
Labo 19 SAM 6 205,33 − 0,52 − 0,253 1,506 1,580 4 0,770
n : nombre de déterminations ;
Biais % : écart de la moyenne à la valeur de référence en % ;
IC95 : demi-intervalle de confiance de la moyenne au niveau de confiance de 95 % ;
IC95 % : demi-intervalle de confiance relatif en % de la moyenne ;
* laboratoire ayant effectué une correction de la poussée de l’air ;
(a) valeur fournie par le laboratoire.

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Tableau 10 – Circuit uranium No 8 – Ampoule No 1


La valeur de référence est 205,85 ± 0,21 g · kg−1 (suite)
Biais IC95
Code Méthode n Moyenne Biais Écart-type IC95
(%) (%)
Labo 20 D&G 6 204,72 − 1,13 − 0,549 0,194 0,203 6 0,099
Labo 21 D&G 3 206,51 0,66 0,321 0,031 0,077 0 0,037
Labo 22 Pot Mallin 6 205,88 0,03 0,015 0,073 0,076 6 0,037
Labo 23 Pot 6 206,28 0,43 0,209 0,029 0,030 4 0,015
Labo 24 D&G 12 205,77 − 0,08 − 0,039 0,138 0,087 7 0,043
Labo 27* D&G 6 211,99 6,14 2,983 1,820 1,910 0 0,901
Labo 28* D&G 5 205,37 − 0,48 − 0,233 0,281 0,348 9 0,170
Labo 29* D&G 8 205,96 0,11 0,053 0,100 0,083 6 0,041
Labo 30 D&G 9 205,66 − 0,19 − 0,093 0,194 0,149 1 0,073
Labo 31 D&G 6 207,63 1,78 0,865 0,364 0,382 0 0,184
Labo 35* D&G 9 205,84 − 0,01 − 0,005 0,114 0,087 6 0,043
Labo 36* D&G 9 205,49 − 0,36 − 0,175 0,103 0,079 2 0,039
Labo 37 D&G 3 205,03 − 0,82 − 0,398 0,257 0,638 4 0,311
n : nombre de déterminations ;
Biais % : écart de la moyenne à la valeur de référence en % ;
IC95 : demi-intervalle de confiance de la moyenne au niveau de confiance de 95 % ;
IC95 % : demi-intervalle de confiance relatif en % de la moyenne ;
* laboratoire ayant effectué une correction de la poussée de l’air ;
(a) valeur fournie par le laboratoire.

Biais (%)

-1,0 %

0,6 %

0,2 %

- 0,2 %

-0,6 %

-1,0 %

-1,4 %
labo 27*
labo 28*

labo 36*

labo 29*
labo 07*

labo 12*

labo 18*
labo 11*

Labo 31
Labo 37

Labo 35

Labo 08
Labo 09

Labo 04

Labo 20

Labo 03

Labo 24

Labo 22

Labo 23

Labo 21
Labo 02

Labo 30
Labo 15

Labo 13

Labo 16
Labo 14
Labo 01

Labo 19

Figure 7 – Circuit uranium No 8 – Ampoule No 1 graphe du tableau 10

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(0)

Tableau 11 – Principales statistiques de performance des laboratoires


Désignation Formule Interprétation
Biais absolu D i = xi − X Di doit être compris entre ± 3 σ̂
Biais relatif xi – X Di % doit être compris entre ± 3 fois le coefficient de variation de la valeur
D i % = --------------- 100 de référence
X
Score z xi – X zi doit être compris entre ± 3,0
z i = --------------
-
σ̂
En xi – X En doit être compris entre ± 1,0
E n = -------------------------
-
U i2 + U X2
Score z′ xi – X z i′ doit être compris entre ± 3,0
z i′ = -----------------------
-
2
σ̂ + u X2

En outre, afin de mieux visualiser la dispersion des laboratoires, élevé, de l’ordre de 0,5 % ou même 1 %. Les méthodes alors
ils ont été classés par ordre de leur biais relatif croissant. employées sont la fluorescence X, l’ICP/AES ou la spectrométrie
d’absorption moléculaire.

3.3.3 Calcul des performances des laboratoires L’interprétation devrait donc tenir compte de ces différents objectifs.
Pour la catégorie 1. Il y avait 23 laboratoires et on peut faire les
Une fois établie, la valeur de référence du matériau utilisée dans remarques suivantes.
l’essai d’aptitude, il existe tout un ensemble de statistiques pro-
• Le laboratoire 27 présente un écart de justesse très élevé de près
posées pour évaluer les performances des laboratoires. Le
de 3 % et un intervalle de confiance totalement anormal qui permet
tableau 11 résume les principales solutions proposées.
de supposer une mauvaise application de la méthode.
Dans le tableau 11, on désigne par X la valeur de référence, xi la
valeur fournie par le laboratoire i qui peut être une valeur unique ou • L’observation des biais relatifs montre que huit laboratoires – soit
une moyenne de répétitions, par σ̂ l’écart-type de la valeur de réfé- 35 % des participants – ont un écart de justesse relatif moyen ± 0,1 %
rence, Ui l’incertitude élargie du laboratoire, UX celle du matériau de (5 méthodes D&G, 1 gravimétrie et 2 potentiométrie). Si on tolère un
référence, et uX les incertitudes-types. écart inférieur à ± 0,25 %, on trouve 13 laboratoires : 7/13 méthodes
D&G, 3/3 gravimétries et 3/7 potentiométries. Enfin, 6 laboratoires
Une méthode très classique d’interprétation dans les circuits (soit 26 %) peuvent être considérés comme non aptes car leurs résul-
d’aptitude consiste à utiliser le z score car il est simple à calculer et tats annoncés, avec les incertitudes calculées, ne rentrent pas dans la
permet de se ramener à une loi normale. Cependant, il faut souli- plage des ± 0,2 % considérée comme correcte.
gner que des classements différents peuvent être obtenus selon le
critère que l’on va utiliser. Il est donc important que des règles clai- • L’observation des intervalles de confiance montre que
res et transparentes aient été décidées à l’avance. 9 laboratoires (39 %) ont des valeurs compatibles avec la valeur
Si les participants ont fait des répétitions, il est aussi possible ± 0,05 %, généralement admise pour cette catégorie de méthodes.
d’utiliser les deux statistiques de Mandel h et k qui sont décrites On trouve 5 méthodes D&G, 1 gravimétrie et 3 potentiométries.
dans la partie 3 de la norme ISO 5725 [4]. Le lecteur intéressé pourra Si on tolère ± 0,75 % on trouve alors 12 laboratoires (52 %) avec
se reporter à cette norme pour le détail des calculs. Si elles sont un 6/13 méthodes D&G, 2/3 gravimétries et 4/7 potentiométries. À
peu plus complexes à calculer, elles ont au moins deux avantages l’exception du labo 27 l’ensemble des laboratoires se situent dans
sur les autres : l’intervalle de confiance à 95 %, soit entre ± 0,311 %.
1. permettre une combinaison cohérente des résultats de plu- Pour la catégorie 2. Il n’y a que 5 laboratoires et les observations
sieurs essais d’aptitude effectués sur divers matériaux de valeurs de qui peuvent être faites sont les suivantes.
référence différentes ; • Quatre laboratoires ont un écart à la justesse de leur résultat
2. fournir une indication aussi bien sur la justesse du laboratoire moyen inférieur à 0,75 %. Seul le laboratoire 9 présente un écart à la
que sur sa fidélité. justesse un peu supérieur à 1 %.
En complément de ces méthodes de calcul, il est toujours recom- • Les 5 intervalles de confiance sont conformes aux valeurs géné-
mandé de réaliser une interprétation graphique, sous la forme d’his- ralement admises pour ces méthodes.
togrammes ou de diagrammes de dispersion.
Globalement, afin d’améliorer les résultats des prochains circuits,
L’interprétation des résultats du tableau 10 nécessite de prendre
deux recommandations s’imposent à de nombreux laboratoires et,
en compte le contexte particulier de ce genre de circuit. Dans cet
en particulier, à ceux de la catégorie qui utilisent des méthodes de
exemple, il y avait 2 catégories de laboratoires qui y participaient, ce
« contrôle des bilans de matière » :
qui explique une certaine disparité des méthodes et des résultats.
Catégorie 1. Ces laboratoires ont utilisé des méthodes de type 1. il est impératif qu’ils arrivent à identifier et corriger les causes
« contrôle des bilans de matière » et visaient un objectif de justesse des biais observés si ils désirent atteindre les performances qu’ils
de l’ordre de 0,1 %. On y trouve la méthode gravimétrique et diffé- affichent ;
rentes variantes de méthodes potentiométriques, telle que celle de 2. en complément, il convient de surveiller et maîtriser les incerti-
Davies & Gray (notée D&G). tudes contribuant à l’incertitude globale de la mesure, de manière à
Catégorie 2. Ces laboratoires ont appliqué des méthodes de type ramener le demi-intervalle de confiance à 95 % de leurs mesures
« contrôle de procédés » et visaient un objectif de justesse plus autour de 0,1 %.

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3.4 Tests d’homogénéité Si on se réfère à l’équation (22), on voit clairement que l’on peut
conclure à l’homogénéité, si on s’appuie sur la norme ISO/
DIS 13528 puisque l’écart-type interéchantillon est égal à environ
La nécessité de faire parvenir aux participants un échantillon 4 % de l’écart-type de tolérance du circuit, alors que la tolérance va
homogène est soulignée dans tous les textes. Il existe certains cas jusqu’à 30 %. Cependant, cette règle des 30 % reste arbitraire et on
où il est impossible de la remplir. Mais en général, une grande partie peut parfaitement choisir un autre critère, à condition de le justifier.
du savoir-faire des organismes qui réalisent des essais d’aptitude
tient à leur savoir technique dans ce domaine. L’échantillon idéal est
donc celui dont on a pu démontrer qu’il est homogène et dont les
caractéristiques évoluent de façon connue dans le temps. Ces
démonstrations sont à la charge de l’organisateur d’essai d’apti- 4. Matériaux de référence
tude.
Le principe de ces contrôles préalables, consiste à prélever aléa-
certifiés (MRC)
toirement au moins 10 échantillons (g ≥ 10) lors de la fabrication du
lot. Chaque échantillon est subdivisé en 2 sous-échantillons. Puis,
on choisit au moins un mesurande et on fait effectuer, par un labo- 4.1 Principaux fournisseurs de matériaux
ratoire spécialement sélectionné, une mesure sur chaque sous-
échantillon de façon à obtenir 2g résultats. On va se servir de ces
de référence certifiés
résultats pour montrer que l’écart-type interéchantillon ss est au
plus égal à 30 % de l’écart-type de tolérance sT du circuit.
Un certain nombre d’organismes nationaux ou internationaux
ss ≥ 0,3sT (22) proposent plus de 10 000 matériaux de référence certifiés (MRC)
dans des domaines très divers.
À titre d’exemple, nous décrivons ci-dessous un contrôle
d’homogénéité réalisé par le Bureau Interprofessionnel d’Études À titre d’exemple, le tableau 13 liste les organismes dont il est pos-
Analytiques (BIPEA) sur un matériau formé d’une eau résiduaire, en sible d’acheter les MRC soit en s’adressant directement à eux, soit en
utilisant la concentration en plomb (exprimée en mg · L−1) comme passant par des revendeurs spécialisés.
caractéristique de contrôle. Ces produits doivent toujours être accompagnés d’un certificat qui
Comme le propose la norme ISO/DIS 13528, il existe cinq façons pourra servir à la traçabilité des mesures d’un laboratoire d’essai. En
différentes de déterminer la valeur de sT. Pour ce circuit, il a été général, ce certificat est accompagné d’un dossier qui décrit le proto-
décidé d’évaluer sT à partir de la tolérance admise pour la méthode cole de certification et fournit, outre la valeur certifiée, l’incertitude
à ce niveau de concentration du matériau. L’intérêt de cette appro- associée. Du fait du prix généralement élevé de ces MRC, il est
che est de relier l’aptitude du laboratoire à la capacité de mesure de déconseillé de les utiliser en routine. Ils serviront à définir la valeur
la méthode. Ainsi, pour un matériau aux alentours de 0,5 mg · L−1, cible des cartes de contrôle, comme nous le verrons au § 5.
on se propose une tolérance de ± 0,12 mg · L−1. On a alors :

0 ,12
s T = ----------- = 0 ,06 mg ⋅ L –1 (23)
2 4.2 Certification par étude
En ce qui concerne, l’écart-type interéchantillon ss, on va utiliser
interlaboratoire
les mesures dupliquées faites sur les contrôles pour extraire par
analyse de variance, la variance interéchantillon. Les calculs sont Il n’existe pas encore de véritables normes sur la certification des
très comparables à ceux utilisés pour la variance interlaboratoire et MRC, comme il en existe pour les produits agricoles ou les entrepri-
décrits au paragraphe 2.2. En utilisant les mêmes notations et en ses de service. Cela est peut-être à rapprocher du fait que les orga-
tenant compte du fait que le nombre de répétitions est égal à 2 et nismes de certification sont généralement des établissements
que le nombre d’échantillons est g, on obtient finalement : nationaux ou internationaux qui dépendent des Pouvoirs publics ou
ni
de structures officielles. À titre d’exemple, nous développons ci-
p p
après la procédure de certification régulièrement utilisée par la
⎛∑ 2
∑ ∑ ( xij – xi ) 2⎞⎟ 1
( xi – x ) CETAMA pour certifier les matières nucléaires qui servent dans les
1 ⎜
s s2 = --- ⎜ ---------------------------------
i=1
– i------------------------------------------------
=1 j=1 ⎟ = --- ⎛ SCE SCE
-------------L- – -------------r⎞ (24) laboratoires et dans l’industrie nucléaire à garantir la justesse des
2 ⎜ g–1 g ⎟ 2 ⎝g–1 g ⎠ résultats et, en particulier, l’exactitude des bilans de matière fissile.
⎜ ⎟
⎝ ⎠ Elle s’appuie largement sur les recommandations du Guide ISO 35
[11]. La mise en œuvre de ces circuits interlaboratoires, pour la
On a réuni dans le tableau 12 les mesures faites dans le cadre du certification d’un MRC, requiert une identification préalable de
contrôle d’homogénéité du matériau « eau résiduaire ». Comme on plusieurs laboratoires particulièrement compétents et très expéri-
pouvait s’y attendre les répétitions sont très proches les unes des mentés pour déterminer les caractéristiques du matériau concerné,
autres. Finalement, l’ensemble des statistiques est le suivant. avec une faible incertitude.
(0)

De plus, cette sélection de laboratoires expérimentés est faite de


telle sorte que au moins deux méthodes validées et de principes dif-
Statistique Symbole Valeur férents soient mises en œuvre. Cette contrainte est indispensable
Moyenne générale 0,506 5 pour s’affranchir du risque d’un principe analytique unique qui
x pourrait générer un biais systématique. Enfin, si un laboratoire four-
nit plusieurs séries de répétitions obtenues par différentes métho-
Écart-type de tolérance du circuit sT 0,060 0
des de mesure, ces séries sont considérées comme si elles
Écart-type de répétabilité sr 0,011 6 provenaient de laboratoires différents. La démarche est donc très
différente de celle de l’ISO 5725 qui, au contraire, conseille de choi-
Écart-type interéchantillon ss 0,002 2
sir les laboratoires de façon aléatoire et de leur demander d’appli-
Rapport s 3,73 % quer une méthode si possible unique. La procédure va ensuite
-----s dépendre de la nature du MRC et, en particulier, de son homogé-
sT néité.

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P 226 − 16 © Techniques de l’Ingénieur
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(0)

Tableau 12 – Résultats du contrôle d’homogénéité d’un matériau « eau résiduaire » en utilisant le plomb
comme caractéristique de contrôle (en mg · L−1)
Somme des Carrés des Écarts
Contrôles Répétition 1 Répétition 2 Moyenne
(SCE)
Réf 01 0,50 0,51 0,51 5,00 · 10−5
Réf 02 0,49 0,50 0,50 5,00 · 10−5
Réf 03 0,49 0,52 0,51 4,50 · 10−4
Réf 04 0,50 0,51 0,51 5,00 · 10−5
Réf 05 0,49 0,51 0,50 2,00 · 10−4
Réf 06 0,51 0,52 0,52 5,00 · 10−5
Réf 07 0,52 0,53 0,53 5,00 · 10−5
Réf 08 0,50 0,51 0,51 5,00 · 10−5
Réf 09 0,52 0,50 0,51 2,00 · 10−4
Réf 10 0,49 0,51 0,50 2,00 · 10−4

(0)

Tableau 13 – Liste des organismes fournisseurs de MRC


Organisme Domaine Site Internet
AIEA Agence Internationale de l’Énergie Atomique Environnement et nucléaire http://www.iaea.org/worldatom
BNM Bureau National de Métrologie Domaines divers http://www.bnm.fr
CEA Commissariat à l’Énergie Atomique Nucléaire, Chimie
(CETAMA)
JCR-IRMM (1) Joint Research Centre-Institute for Reference Materials and Domaines divers http://www.irmm.jrc.be
Methods
NBL New Brunswick Laboratory Nucléaire http://www.nbl.doe.gov
NIST (2) National Institute for Science and Technology Tous domaines http://www.nist.gov
BRGM Bureau de Recherches Géologiques et Minières Minéralogie http://www.brgm.fr
(1) relaie l’ancien Bureau Communautaire de Référence (BCR)
(2) ancien National Bureau of Standards (NBS)

4.2.1 Matériau de référence homogène À partir de ces ni mesurages, on va calculer l’écart-type expéri-
mental du laboratoire si et l’écart-type de sa moyenne x i , selon les
Dans certains cas, le matériau est, a priori, supposé homogène. formules classiques rappelées à l’équation (25).
C’est le cas, lorsque la caractéristique certifiée est un rapport de
deux concentrations et que le matériau se présente sous la forme de ∑ ( x ij – x i ) 2
solution, ou bien si c’est un rapport isotopique qui ne risque pas j
s i2 = ----------------------------------
d’être modifié au cours de la préparation du matériau pour analyse. ni – 1
Dans ce cas, chaque laboratoire (repéré par l’indice i) reçoit alors un (25)
seul échantillon sur lequel il effectue ni mesurages ; ce nombre varie s2
s x2 = -----i-
souvent d’un laboratoire à l’autre. i
ni
Il est alors demandé au laboratoire de faire ces répétitions dans
des conditions aussi éloignées que possible de celles de la répéta- Cependant, si les conditions expérimentales le permettent, on va
bilité. Le principe de la méthode et l’appareillage ne pouvant que essayer de faire réaliser par chaque laboratoire un véritable test de
rester les mêmes pour tous les mesurages et le laps de temps entre robustesse, destiné à mettre en évidence des sources de variation
deux mesurages ne pouvant être trop allongé, il reste en général la ou d’erreur systématique. Par exemple, on décide de faire varier
possibilité de faire varier un ou deux facteurs, par exemple : selon plusieurs niveaux un facteur, supposé prépondérant, et on
— pour un dosage potentiométrique, changer la solution titrante, répète les mesurages pour chaque niveau. Ce qui peut donner le
dans la mesure où on peut supposer qu’elle peut produire un biais plan d’expérience suivant :
systématique ; — préparer plusieurs solutions titrantes et répéter les mesurages
— changer l’échantillon sur lequel est exécutée la phase finale du avec chacune ;
mesurage, si le mode opératoire comporte une préparation — si la méthode comporte une préparation préalable, répéter la
chimique ; préparation sur plusieurs échantillons ;
— changer la date du mesurage de façon générale, en particulier — répartir les mesurages sur plusieurs jours, en répétant les
si l’étalonnage est refait chaque jour. mesurages pour un même jour, ...

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Comme pour tous les plans d’expériences, il faut veiller à ce que compliqué par l’existence de corrélations entre les estimations des
les niveaux de tous les facteurs varient de façon aléatoire. En parti- variances de chaque moyenne. Ces corrélations proviennent du fait
culier, si le facteur contrôlé n’est pas la date, l’ordre chronologique que l’on utilise les mêmes estimations de la variance interlabora-
des mesurages doit être aléatoire. toire et, éventuellement, de la variance entre unités pour le calcul de
Si deux facteurs d’incertitude principaux A et B sont identifiés, on variance de chaque laboratoire.
peut appliquer deux types de plans d’expérience : Rappelons que les principes et les applications du calcul d’incerti-
— le plan pyramidal. Pour chaque modalité de B, les modalités de tude sont décrits dans les articles [R 285] réf [3], [P 260] réf [14] et
A sont différentes. Par exempte, si A est la préparation de l’échan- [R 113] réf [15].
tillon et B la date de mesurage, on prépare pq échantillons que l’on
partage en q groupes de même effectif. Puis, pour un jour donné, on
mesure les p échantillons d’un groupe particulier, n fois chacun ;
— le plan factoriel. Pour chaque modalité de B, les modalités de
A sont les mêmes. On prépare p échantillons et, chaque jour, on fait
5. Cartes de contrôle
n mesurages sur chacun d’eux.
On peut trouver dans le paragraphes A1.1.1 à A1.1.5 de la réfé- Les cartes de contrôle sont des outils utilisés pour contrôler la sta-
rence [11] un mode de calcul général des écarts-types, quel que soit bilité d’une méthode d’analyse dans le temps. Ce ne sont donc pas
le nombre de répétitions et le nombre de niveaux par facteur. Pour des outils de validation mais des outils de contrôle de la qualité. Elles
les deux plans, les erreurs expérimentales liées aux facteurs A et B sont conceptuellement simples : un matériau étalon, dont on a défini
sont supposées indépendantes. la teneur moyenne, est analysé régulièrement et les réponses obte-
nues sont reportées, dans l’ordre chronologique sur un graphique. Ce
matériau peut être un MRC mais c’est rarement le cas pour des rai-
4.2.2 Matériau de référence hétérogène sons économiques. La traçabilité à un MRC est plutôt assurée lors de
l’estimation de la valeur de référence du matériau étalon. Ensuite, si
Si le matériau se présente sous forme divisée, comme des frag- la carte montre qu’il y a des variations autres que celles liées au
ments métalliques ou des pastilles frittées, on peut alors mettre en hasard, autour de la valeur de référence, on peut supposer que le sys-
doute son homogénéité. Selon [11], chaque fragment est appelé tème de mesure est perturbé. Pour faciliter cette prise de décision, on
« unité ». Chaque unité est alors considérée comme un échantillon utilise une méthode graphique et des limites de contrôle sont dessi-
du matériau dont la représentativité est caractérisée par un écart- nées de chaque côté de la valeur attendue. Il faut que les réponses
type shet. Il faut alors estimer cet écart-type pour calculer l’incertitude restent entre ces limites. En complément, on définit les règles qui per-
de la valeur certifiée. D’un point de vue expérimental, on demande à mettent de décider si la répartition n’est plus aléatoire et les actions
un ou plusieurs laboratoires de mesurer plusieurs unités. correctrices à entreprendre pour revenir à une situation normale.
La valeur certifiée est l’estimation de la moyenne des valeurs Initialement, les cartes de contrôle ont été proposées vers 1920
vraies de la grandeur mesurée dans toutes les « unités » du maté- par Shewart pour le contrôle des procédés industriels de fabrication.
riau de référence. Elle est calculée à partir des résultats de tous les Le point de départ de ces travaux consiste à supposer qu’un sys-
laboratoires, ceux qui ont participé à l’étude d’homogénéité et ceux tème de mesure est stable s’il ne présente que des variations aléa-
qui n’ont mesuré qu’une « unité ». Cette valeur unique étant attri- toires autour d’une valeur de référence et que l’amplitude de ces
buée à chaque « unité », son incertitude doit tenir compte de l’écart variations, mesurée en nombre d’écarts-types, reste entre des limi-
possible entre la valeur vraie de la caractéristique mesurée dans une tes fixées. On dit alors qu’il est sous contrôle statistique. Ces
« unité » et la moyenne de toutes les valeurs vraies. concepts ainsi que leur utilisation et théorie sont décrits dans l’arti-
cle [R 290] réf [16]. Nous ne présenterons ici qu’une approche sim-
plifiée facilement applicable en chimie analytique.
La figure 8 fournit un exemple d’une carte de contrôle pour le
4.3 Calcul de la valeur certifiée dosage de l’azote Kjeldahl dans de la farine de blé. La ligne centrale
et de son incertitude représente la valeur cible définie par la moyenne du matériau étalon,
les lignes pleines extérieures symbolisent les limites de contrôle et
deux autres ont été ajoutées, appelées limites d’alarme.
Le Guide ISO 35 [11] propose un mode de calcul pour chaque type
de matériau de référence MR : Sur cet exemple, on voit que la méthode d’analyse n’est pas sous
maîtrise statistique puisque vers le onzième point, on obtient une
— MR homogène. Chaque laboratoire réalise le même nombre
valeur largement supérieure à la limite de contrôle. Une action cor-
de mesurages dans les conditions qui lui sont propres ;
rectrice est, par exemple, de refaire l’étalonnage du système de
— MR hétérogène. Chaque laboratoire reçoit q unités différentes
mesure.
et fait n mesurages sur chacune d’elles ; il s’agit donc d’un plan
pyramidal avec un nombre de répétitions constant. Les règles pour décider si un système de mesure doit être corrigé
varient d’un contexte à l’autre. Souvent, on prend comme bases les
Dans les deux cas, la valeur certifiée est la moyenne arithmétique
règles utilisées par la société Ford qui se résument ainsi.
générale de tous les résultats. L’incertitude associée à cette
moyenne générale est calculée en admettant que l’erreur de mesure Entreprendre une action correctrice dès que :
d’un résultat individuel est la somme : 1. une mesure sort des limites de contrôle ;
— de l’erreur intra-laboratoire dont la variance est la même pour 2. sept mesures successives sont situées toutes au-dessus ou tou-
tous les laboratoires ; tes au-dessous de la valeur cible ;
— du biais du laboratoire qui a obtenu ce résultat ;
— de l’erreur éventuelle due à l’hétérogénéité entre unités. 3. huit mesures successives indiquent une tendance systémati-
que vers le haut ou vers le bas ;
L’hypothèse fondamentale admise par ce guide, à savoir que la
variance intra-laboratoire est constante, semble peu réaliste. Aussi 4. toute répartition des mesures fait suspecter un comportement
la valeur certifiée est-elle calculée comme une moyenne pondérée non aléatoire.
des valeurs, en utilisant comme poids l’inverse de leurs variances. En appliquant ces règles aux données de la figure 8, on voit que
On peut trouver plusieurs exemples détaillés de ces calculs dans la le système de mesure n’est plus stable à partir du 14e contrôle, puis-
référence [12] et [13]. Ensuite, le calcul du nombre de degrés de que 7 mesures successives se situent du même côté de la valeur
liberté associé à cette incertitude de la valeur de référence est cible. De même, entre les points 27 et 34, les mesures sont toujours

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logique d’en tenir compte. De toute façon, il faut prévoir au moins


un contrôle, toutes les fois que l’on utilise la méthode.
Azote
Kjeldahl (g/100 g) La série des normes NF X 06-031 [17] présente l’ensemble des
1,95 tables qui permettent de calculer les limites de contrôle pour les car-
tes sur intervalles, de même que les cartes utilisant d’autres lois de
1,90 probabilité que la loi normale, comme les comptages bactériens.
Les cartes de contrôle sont une application directe des principes sta-
1,85 tistiques des lois de probabilité théoriques. Elles sont de plus en
plus exigées par les auditeurs des organismes de certification, au
1,80 même titre que les résultats des tests d’aptitude.
Valeur cible
1,75 Une façon d’appréhender l’utilité d’une méthode d’analyse con-
siste à vérifier si les résultats qu’elle fournit permettent effective-
1,70 ment de prendre une décision. C’est le concept de capacité de
Limite d'alarme
mesure qui permet d’atteindre ce but en intégrant, d’une part, la
1,65 Limite de contrôle variabilité du phénomène ou du lot que l’on veut contrôler et d’autre
part l’incertitude des mesurages. Il se définit comme le rapport
1,60 suivant :
0 5 10 15 20 25 30 35 40 Numéro de contrôle
Tolérance acceptée
Capabilité = ------------------------------------------------------ × 100
Figure 8 – Carte de contrôle de l’azote Kjeldahl dans une farine de Incertitude
blé
La figure 9 illustre comment des valeurs faibles de la capacité de
mesure (10 %) permettent de prendre des décisions alors qu’une
croissantes. La théorie sous-jacente aux cartes de contrôle est que capacité de mesure de 75 % ne le permet pas. Les limites de tolé-
les mesures obtenues sous maîtrise statistique doivent se répartir rance sont représentées par deux traits en tiretés et les mesures
selon la loi normale. Celles qui sont en dehors des limites de con- sont encadrées par leur incertitude. On a simulé des variations de
trôle sont des mesures qui ont une très faible probabilité d’existence l’incertitude pour montrer comment des mesures avec une incerti-
et sont équivalentes à des données aberrantes. tude élevée ne permettent pas de détecter une non-conformité.
D’un point de vue pratique, on prend comme valeur cible la Ainsi, un premier apport de la validation sera-t-il au moins de four-
moyenne arithmétique x du matériau de référence, calculée sur un nir une réponse objective à cette question : « La méthode utilisée
grand nombre de répétitions (n > 30). On peut aussi utiliser un maté- permet-elle vraiment de contrôler le phénomène étudié ? ».
riau ayant servi dans un essai d’aptitude. Les limites de contrôle Cependant, la validation n’est qu’une première étape dans
supérieure et inférieure (LCS et LCI) vont être calculées de façon dif- l’emploi des méthodes chimiométriques au laboratoire. Lorsque les
férentes si chaque point est obtenu à l’aide d’une seule mesure ou laboratoires sauront garantir ce niveau de qualité, on pourra déve-
de m répétitions. En effet, il est souvent conseillé d’utiliser un lopper des techniques d’interprétation des résultats plus sophisti-
contrôle basé sur des mesures répétées, plutôt que sur des mesures quées. Les acquis de la recherche en chimiométrie fournissent déjà
isolées. Pour un contrôle basé sur une mesure isolée : des voies de réflexion. On sait, par exemple, que la combinaison de
mesures provenant de plusieurs méthodes d’analyse, à l’aide de
méthodes statistiques à variables multiples comme l’Analyse en
∑ ( xi – x ) 2 Composantes Principales, facilite la mise en évidence de
s = ------------------------------ mécanismes complexes invisibles à des mesures isolées.
(n – 1)
LCS = x + 3s LCI = x – 3s

LAS = x + 2s LAI = x – 2s Concentration

Dans l’exemple, la valeur cible vaut 1,77 g · et l’écart-type kg−1 5


s = 0,04 g · kg−1. À partir de là, on obtient les limites supérieures et
Incertitude élevée
inférieures d’alarme et de contrôle. 4
alarme contrôle
Limite supérieure 1,85 1,89
Tolérance

3
Limite inférieure 1,69 1,65
2 Incertitude faible
On a aussi proposé d’utiliser écart-type de répétabilité pour éviter
d’avoir à calculer s mais les limites ainsi construites sont très étroi-
tes, ce qui peut conduire à de fréquentes actions correctrices. Il 1
serait préférable d’utiliser un écart-type de reproductibilité interne.
Un point délicat est de prévoir la fréquence de passage du matériau
0
de contrôle. Afin d’économiser le nombre d’analyses, on peut rédi- 1 6 11 16 Numéro
ger une procédure évolutive qui permet de diminuer la fréquence de contrôle
aussi longtemps que le système de mesure reste stable. Il est en
effet classique de constater une amélioration de la stabilité au bout Figure 9 – Rôle de la capacité de mesure sur l’aptitude
de quelque temps qui indique une meilleure maîtrise, il est donc d’une méthode à contrôler un lot (données simulées)

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