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Assassinat du rugbyman Aramburu :
l’itinéraire du militant d’extrême droite
soupçonné
PAR MARINE TURCHI
ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 22 MARS 2022
Loïk Le Priol (au volant) accompagné de Logan Djian, ancien
chef du GUD à Paris, il y a quelques années. © Photo DR
Le rugbyman argentin Federico Martin Aramburu
a été abattu de plusieurs coups de feu samedi. Le
principal suspect est le militant d’extrême droite Loïk
Le Priol, 27ans, déjà mis en cause dans une violente
agression dont Mediapart avait révélé les vidéos en
2016.
Samedi 19 mars, au petit matin, le rugbyman argentin
Federico Martin Aramburu a été abattu de plusieurs
coups de feu, après une altercation dans un bar de
Saint-Germain-des-Prés, dans le VIearrondissement de
Paris.
Les suspects, identifiés grâce à des témoins et à des
images de vidéosurveillance, sont deux militants et
une militante d’extrême droite, a appris Mediapart,
confirmant une information du Point et de Sud-Ouest.
Les faits ont eu lieu dans la nuit de vendredi à
samedi. Le rubgyman de 42ans, résidant à Biarritz
mais en visite à Paris pour assister au match France-
Angleterre, avait passé la soirée au bar Le Mabillon. Il
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était accompagné de son ami et associé néozélandais
Shaun Hegarty, ancien joueur comme lui du Biarritz
Olympique.
Loïk Le Priol (au volant) accompagné de Logan Djian, ancien
chef du GUD au Trocadéro, à Paris, en juillet 2014. © Photo DR
Selon le récit d’une source proche du dossier à
Mediapart, un jeune homme aurait demandé une
cigarette au groupe d’extrême droite, et aurait été
éconduit de manière vindicative. Les rugbymen,
attablés à côté, seraient intervenus. Le ton serait monté
entre les deux groupes. L’un des suspects aurait brandi
un brassard – de police, selon Le Point.
Une bagarre a commencé et Federico Martin
Aramburu aurait fait chuter l’un des militants
d’extrême droite, en le saisissant par le col. Le
personnel du bar a tenté de séparer les deux groupes.
Les deux rugbymen ont quitté les lieux pour regagner
à pied leur hôtel, à proximité.
Quelques minutes plus tard, ils auraient été rattrapés
par les militants d’extrême droite à bord d'une Jeep
militaire, sur le boulevard Saint-Germain. Ils auraient
essuyé plusieurs coups de feu, en provenance du
véhicule, sans être touchés. Puis un tir à bout portant
de l'un des individus, sur le trottoir, qui aurait été fatal.
L’ancien joueur de Biarritz est mort sur place, aux
alentours de 6h45, touché par quatre balles, selon Le
Parisien.
Dans un communiqué, la famille Aramburu, défendue
par l’avocat Yann Le Bras, a dénoncé un «crime
odieux». «Pour [sa] famille et ses nombreux amis,
ce 19mars a tourné au cauchemar absolu. [...] Son
décès laiss[e] chacun d’eux et au-delà tout le monde
du rugby abasourdi dans une douleur indicible.»
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Shaun Hegarty a porté plainte pour tentative
d’homicide volontaire avec préméditation. Le parquet
de Paris a ouvert une enquête de flagrance pour
«assassinat», confiée à la brigade criminelle.
Selon Le Parisien, deux hommes auraient tiré les
coups de feu, tandis qu’une femme de 24ans conduisait
le véhicule. Samedi, la jeune femme a été interpellée
et placée en garde à vue. Les deux hommes sont
recherchés.
Le principal suspect est Loïk Le Priol, 27ans,
qui a milité au GUD (Groupe union défense), un
groupuscule étudiant aux méthodes très violentes.
Contacté par Mediapart, son avocat, Xavier Nogueras,
nous a indiqué ne pas souhaiter s’exprimer «pour
l’instant».
Loïk Le Priol portant l’uniforme des fusiliers marins, en décembre 2011.
Ancien militaire membre des commandos marines
– il fut formé à l’École des mousses, à Brest, en
2010 – Loïk Le Priol s'est reconverti en participant
ces dernières années au lancement d’une ligne
de vêtements «identitaires», Babtou Solide, qui a
cartonné à l’extrême droite. Il est aussi apparu
faisant la publicité de la nouvelle marque Face Mask,
une boutique en ligne de cache-cous et protections
pour le visage pour les militaires et sportifs.
Le Priol est issu d’une famille d’extrême droite.
L’une de ses sœurs fut responsable Île-de-France
du Renouveau français. Son père, Denis Le Priol,
qui a servi dans un régiment de parachutistes, est
accusé d’avoir fréquenté, par le passé, des militants
néonazis de la FANE (Fédération d'action nationale
et européenne). Il fut un responsable de l’Union
nationale des parachutistes (UNP), dont le trésorier
était le père d’Axel Loustau, un proche de Marine Le
Pen (il est trésorier du microparti de Marine Le Pen et
fut conseiller régional du Rassemblement national).
Loïk Le Priol et Julien Rochedy (à gauche) en janvier 2016 et avec Paul-Alexandre
Martin (à droite) en août 2016, à Saint-Tropez. © Captures d’écran Facebook
Denis Le Priol a créé une société, Jeep Village,
qui détient le quasi-monopole dans la rénovation
de vieilles Jeep américaines (on le voit dans ce
reportage de M6).
Loïk Le Priol a l’habitude d’emprunter ces Jeep
pour parcourir les rues de Paris avec ses ami·es. Ces
dernières années, il s’est affiché dans ce type de
véhicule avec plusieurs militants proches du Front
national: Logan Djian (ex-chef du GUD à Paris qui
est apparu dans la galaxie du FN); Julien Rochedy,
l’ancien directeur du Front national de la jeunesse
(FNJ); Paul-Alexandre Martin (lui aussi issu de la
direction du FNJ et prestataire, avec son agence de
communication e-Politic, de la campagne de Marine
Le Pen).
Réputé bagarreur, Loïk Le Priol avait provoqué la
fermeture d’un bar du XVearrondissement de Paris,
à la Motte-Picquet il y a quelques années, après une
altercation.
Mais c’est une autre affaire, d’une tout autre ampleur,
qui l’a propulsé à la rubrique «faits divers», fin 2015:
le passage à tabac d’un ancien chef du GUD, E.K., dont
Mediapart avait révélé les preuves vidéo.
E.K. lors de son agression en octobre 2015. © Document Mediapart
En octobre 2015, cinq militants du GUD s’étaient
rendus au domicile de E.K. Sur les neuf vidéos que
nous nous étions procurées, on voyait Logan Djian

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agresser et violenter E.K., Loïk Le Priol filmer la scène
puis menacer le jeune homme d’un couteau. D’une
durée totale de huit minutes, ces vidéos montraient des
actes d’une grande violence, dont nous avions choisi
de ne diffuser que de très courts extraits, éliminant
toutes les images dégradantes pour la victime (lire nos
explications ici).
Ce soir-là, Logan Djian assène une première claque
au jeune homme. «On est cinq», le prévient-il. «T’as
parlé, faut assumer», accuse-t-il, lui proposant alors de
se lever pour un combat à «un contre un». E.K. refuse,
et essuie un violent coup qui le propulse par terre (voir
la vidéo).
La même accusation revient sans cesse dans les vidéos:
la victime aurait «trop parlé». «Tu vas payer pour tout
ce que t’as dit», lui lance notamment Loïk Le Priol.
« On va pas te lyncher. À un contre un, toi et moi»,
le défie ensuite Logan Djian dans l’une des vidéos.
«Mais tu vois bien que t’es dix fois plus costaud que
moi», réplique le jeune homme, apeuré. «T’es qu’une
merde…, l’insulte Loïk Le Priol tout en filmant. […]
C’est toi l’idole du fascisme? C’est toi le patron
du GUD? Mais t’es personne, regarde-toi!, poursuit
Le Priol. Allez, lève-toi, assume pour une fois! Porte
tes couilles! […] T’es un putain de Français, vas-
y assume! […] T’oses même pas te lever. […] Le
peu de Français que t’avais en toi, tu l’as même
pas porté tes couilles.» «Dernière chance de te lever
ou bien on te fout à poil», prévient Logan Djian.
«Si tu veux faire le canard devant nous, comme
le Hammerskin [organisation skinhead néonazie –
ndlr]!», ajoute Le Priol.
Les images suivantes montrent E.K. à terre, et Djian
le contraignant à se déshabiller. «Je t’en supplie»,
implore E.K.
Sur une autre vidéo, (dont nous n’avions diffusé que
le son), cette fois dans l’obscurité de la chambre,
on entend des bruits de coups. «Tu te mets à poil,
tu te dépêches, ordonne Logan Djian. Tu enlèves ta
chemise, tu enlèves ton foulard.» «Tu te dépêches ou
on te pend avec, espèce d’enculé, on te pend avec!»,
rajoute Le Priol, surexcité.
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Sur la vidéo suivante, la victime apparaît dans le salon,
agenouillée, totalement nue, le visage ensanglanté.
Logan Djian le menace de faire circuler la vidéo
s’il parle de cette affaire: «Écoute-moi, cette histoire,
elle ne reste qu’entre nous, elle ne circulera pas,
pas comme les autres […]. Maintenant, si on a
des infos autres que nous qui circulent sur ça, la
vidéo va circuler, et évidemment tu sais ce qui va se
passer.» «Maintenant, si ça t’a pas servi de leçon, on
reviendra», prévient l’ex-chef du GUD, en lui assenant
un coup de pied au visage et en le traitant de «petite
salope».
« Tu sais que j’en ai buté plus d’un des mecs là-bas, tu
le sais?», lance Le Priol, en référence à ses anciennes
activités de militaire. «Le coupe-gorge, ça va très vite,
tu le sais? […] Lâche mon couteau, sinon je te plie
la main», vocifère-t-il en frappant le jeune homme, et
en le menaçant avec un couteau placé sur sa gorge.
«Arrête», implore encore la victime, terrorisée.
Sur la dernière vidéo, le jeune homme est totalement
allongé sur le dos, puis forcé à se lever, et à
danser, nu, plusieurs dizaines de secondes, sur l’air
de la Macarena. «Les petites mains là, bouge-les!»,
ordonne Logan Djian. «Que chaque seconde de cette
vidéo soit balancée sur YouTube, juste pour le plaisir,
le jour où tu parleras», lâche Le Priol. «Sinon, elle
reste entre nous. Elle reste que pour moi. C’est Loïk
Le Priol qui a cette vidéo.»«Tu bouges bien en plus,
comme une petite salope, comme tu es en fait.» La
vidéo s’arrête sur ces mots.
Après l’agression, E.K. s’était rendu à l’hôpital, et
avait déposé plainte le lendemain. Le parquet de
Paris avait ouvert une information judiciaire pour
« violences aggravées », avec préméditation, usage
d’une arme en réunion, et entraînant une incapacité
totale de travail supérieure à huit jours.
Les vidéos révélées par Mediapart avaient été
réquisitionnées par la justice. Logan Djian et Loïk Le
Priol avaient été placés en détention provisoire, puis
mis en examen pour «violences aggravées». Le procès,
qui devait avoir lieu en octobre 2021, a été reporté
au 1erjuin 2022 en raison du Covid contracté par l’un
d’eux.
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Sollicités par Mediapart au sujet de cette agression et
ces vidéos en 2016 puis en 2020, Loïk Le Priol comme
Logan Djian n’ont jamais souhaité s’exprimer.
Le groupe du GUD Paris, en décembre 2014, lors de la naissance de l'enfant
de leur chef, Logan Djian (au centre). Loïk Le Priol est au centre, debout.
Selon Marianne, Loïk Le Priol avait expliqué, lors
de son audition, qu’il avait voulu se venger de
comportements violents qu’E.K. aurait infligés à deux
jeunes femmes de la mouvance. Parmi elles, la fille de
Frédéric Chatillon – ancien chef du GUD, vieil ami
de Marine Le Pen et prestataire phare des campagnes
frontistes.
Anciennes et nouvelles générations du GUD restent
solidaires. Frédéric Chatillon et Axel Loustau ont ainsi
fait travailler Logan Djian dans leurs société Riwals
et le groupe Vendôme Sécurité, prestataires du Front
national.
Puis Logan Djian a pu être libéré de détention
provisoire dans l’affaire E.K. grâce au paiement d’une
caution de 25000euros, via des fonds d’une société
créée par Axel Loustau et une entreprise détenue
par des proches de Djian, chargée de la propagande
électorale de candidats frontistes lors des élections
régionales, en 2015.
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Le circuit financier avait intrigué la justice, qui
avait ouvert une enquête préliminaire pour «abus de
biens sociaux», «blanchiment de capitaux» et «travail
dissimulé», comme Mediapart l’avait révélé.
Axel Loustau avait à l’époque assuré à
Mediapart n’avoir «strictement rien à voir avec ça»
et qu’il n’avait «jamais eu aucun flux financier avec
M.Djian».Pourtant, Wallerand de Saint-Just, alors
trésorier du Front national, avait expliqué, sur RFI,
avoir «parlé avec Axel Loustau» et que celui-ci lui
aurait « expliqué qu’il avait prêté pendant huit jours,
je crois, la somme nécessaire à la caution de ce
monsieur, à la compagne de ce monsieur, compagne
qui travaille chez lui». «Loustau l’a prêtée [la somme
– ndlr] et huit jours après, elle lui était remboursée»,
avait-il ajouté.
Si Axel Loustau n’a pas été poursuivi par la justice
dans cette affaire, Logan Djian, lui, a été condamné en
février 2019 pour «abus de biens sociaux».
Boite noire
Contacté les 20 et 21mars, l’avocat de Loïk Le
Priol, Xavier Nogueras, n’a pas souhaité faire de
commentaire.
Sollicités à plusieurs reprises depuis 2016, son client,
comme Logan Djian, n’ont jamais souhaité nous
répondre concernant leur mise en cause dans l’affaire
de l’agression d’E.K. Logan Djian n'a pas davantage
répondu au sujet du paiement de sa caution et de
l’origine des fonds.
Questionné sur Logan Djian en 2020, Wallerand de
Saint-Just, alors trésorier du RN, nous avait affirmé ne
pas connaître «ce monsieur» et indiqué n’être pas «en
mesure de répondre à [nos] questions».
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