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Supraconductivité

La supraconductivité (ou supraconduction) est un phénomène caractérisé par l'absence


de résistance électrique et l'expulsion du champ magnétique — l'effet Meissner — à l'intérieur de
certains matériaux dits supraconducteurs.
La supraconductivité découverte historiquement en premier, et que l'on nomme communément
supraconductivité conventionnelle, se manifeste à des températures très basses, proches
du zéro absolu (−273,15 °C). La supraconductivité permet notamment de transporter de
l'électricité sans perte d'énergie. Ses applications potentielles sont stratégiques.
Dans les supraconducteurs conventionnels, des interactions complexes se produisent entre
les atomes et les électrons libres et conduisent à l'apparition de paires liées d'électrons,
appelées paires de Cooper. L'explication de la supraconductivité est intimement liée aux
caractéristiques quantiques de la matière. Alors que les électrons sont des fermions, les paires
d'électrons se comportent comme des bosons de spin égal à 0 nommé singlet, et sont
« condensées » dans un seul état quantique, sous la forme d'un superfluide de paires de Cooper.
Un effet similaire de la supraconductivité est la superfluidité, caractérisant un écoulement sans
aucune résistance, c'est-à-dire qu'une petite perturbation que l'on soumet à ce type de liquide ne
s'arrête jamais, de la même façon que les paires de Cooper se déplacent sans aucune résistance
dans un supraconducteur.
Il existe également d'autres classes de matériaux, collectivement appelés « supraconducteurs
non conventionnels » (par opposition à la dénomination de supraconductivité conventionnelle),
dont les propriétés ne sont pas expliquées par la théorie BCS. En particulier, la classe
des cuprates (ou « supraconducteurs à haute température critique »), découverte en 1986,
présente des propriétés supraconductrices à des températures bien plus élevées que les
supraconducteurs conventionnels. Toutefois, ce que les physiciens nomment « haute
température » reste extrêmement bas comparativement aux températures à la surface de la
Terre (le maximum est , soit −140 °C)1, mais sont parfois au-dessus de la température de
liquéfaction de l'azote en azote liquide à 77K.
Bien que ce sujet soit, depuis le début des années 1990, un des sujets les plus étudiés de
la physique du solide, en 2010 aucune théorie unique ne décrit de façon satisfaisante le
phénomène de la supraconductivité non-conventionnelle. La théorie des fluctuations de spin est
une des plus prometteuses et permet de reproduire beaucoup des propriétés de l'hélium 3,
des fermions lourds ainsi que des cuprates. Dans cette théorie, l'appariement se fait par échange
de fluctuations de spin, toutefois aucun consensus n'est à ce jour établi. Cette théorie pourrait
également permettre d'expliquer la supraconductivité des supraconducteurs à base de fer.

Aimant en lévitation magnétique au-dessus d'un supraconducteur à haute température critique. L'expulsion
du champ magnétique du matériau supraconducteur (effet Meissner) est responsable de cet effet de
lévitation.
Sommaire

 1Historique
 2Propriétés élémentaires
o 2.1Résistivité nulle
o 2.2Effet Meissner
 3Théories
o 3.1Théorie de Ginzburg-Landau
o 3.2Supraconducteurs de type I
o 3.3Supraconducteur de type II
o 3.4Théorie BCS
 4Classes de supraconducteurs
o 4.1Supraconducteurs conventionnels
o 4.2Supraconducteurs non conventionnels
 5Supraconductivité calorifique
 6Applications
o 6.1Canon magnétique
o 6.2Électroaimants
o 6.3Transport de l'énergie
o 6.4Stockage de l'énergie
o 6.5Confinement électromagnétique
o 6.6Cavités radiofréquences/accélérateurs de particules
o 6.7Métamatériaux supraconducteurs
 7Existe-t-il un équivalent photonique de la supraconductivité ?
 8Prix Nobel pour la supraconductivité
 9Notes et références
 10Voir aussi
o 10.1Articles connexes
o 10.2Liens externes

Historique[modifier | modifier le code]
Le liquéfacteur d'hélium utilisé par K. Onnes et son équipe lors de la découverte de la supraconductivité
dans le mercure - Museum Boerhaave, Leiden.

Le phénomène est découvert en 1911 par le physicien néerlandais Heike Kamerlingh Onnes et


son équipe composée de Gilles Holst, Cornelis Dorsman, et Gerit Flim. Kamerlingh Onnes avait
réussi à liquéfier pour la première fois de l'hélium en 1908, ce qui lui avait permis de mener des
mesures physiques jusqu'à des températures de 1,5 K (-271,6 °C). Il avait alors entrepris un
programme de mesures systématiques des propriétés de la matière à très basse température, en
particulier la mesure de la résistance électrique des métaux. Le 8 avril 1911, l'équipe mesure que
la résistivité électrique (ou résistance électrique) du mercure devient nulle en dessous d’une
certaine température appelée température critique Tc, de l'ordre de 4,2 K pour le mercure. C'est
la première observation d'un état supraconducteur, bien qu'à cette époque on pût le confondre
avec un conducteur idéal. Une rumeur attribue le mérite de la découverte au seul Gilles Holst (un
étudiant de K. Onnes), mais le cahier d'expérience découvert ensuite, écrit de la main même de
Kamerlingh Onnes, montre que ce dernier était bien aux commandes de l'expérience ce jour-là,
Gilles Holst mesurant la résistance électrique avec un Pont de Wheatstone, Cornelis Dorsman, et
Gerit Flim s'occupant des aspects de cryogénie2. Pour l'ensemble de son travail sur la
liquéfaction de l'hélium et l'utilisation de l'hélium liquide, Kamerlingh Onnes reçoit le prix Nobel de
physique en 1913.

Animation expliquant la courbe obtenue par K. Onnes montrant la découverte de la supraconductivité

Des expériences avec de nombreux autres éléments montrent que certains possèdent des
facultés de supraconductivité et d'autres non : en 1922, notamment, le plomb à −266,15 °C3 ; et
en 1941, le nitrure de niobium à 16 K4.
En 1933, Meissner et Ochsenfeld découvrent la seconde caractéristique de l'état
supraconducteur, le fait qu'il repousse le champ magnétique, un phénomène connu sous le nom
d'effet Meissner5. En 1935, les frères Fritz et Heinz London montrent que l'effet Meissner est une
conséquence de la minimisation de l'énergie libre transportée par le courant supraconducteur6.
En 1950 on constate que la température critique dépend de la masse isotopique7,8.
En 1950 encore, une théorie phénoménologique dite de Ginzburg-Landau est élaborée par Lev
Landau et Vitali Ginzburg9. Cette théorie explique les propriétés macroscopiques des
supraconducteurs près de leur transition de phase en utilisant l'équation de Schrödinger. En
particulier, Alexei Abrikosov montre qu'avec cette théorie on peut prévoir l'existence de deux
catégories de supraconducteurs (types I et II)10. Abrikosov et Ginzburg recevront le prix Nobel
en 2003 pour ce travail (Landau est décédé en 1968).
En 1957, un chimiste Hollandais découvre le premier supraconducteur organique-synthétique, le
ditétraméthiltétrasélénofulvalinehexafluorophosphate [réf. nécessaire].
Une théorie complète de la supraconductivité est proposée en 1957 par John Bardeen, Leon
Cooper et John Schrieffer11. Connue sous le nom de théorie BCS (d'après leurs initiales), elle
explique la supraconductivité par la formation de paires d'électrons (paires de Cooper) formant
alors des bosons et permettant la condensation. Selon cette théorie, l'appariement des électrons
se fait grâce à une interaction attractive entre ceux-ci, causée par leur couplage avec les
vibrations du réseau qu'on appelle phonons. Pour leur travail, les auteurs recevront le prix Nobel
de physique en 1972.
En 1959, Gorkov montre que la théorie BCS se ramène à la théorie de Ginzburg-Landau au
voisinage de la température critique d'apparition de la supraconductivité12.
En 1962, les premiers fils supraconducteurs (en alliage de niobium-titane) sont commercialisés
par Westinghouse. La même année, Brian Josephson prévoit théoriquement qu'un courant peut
circuler à travers un isolant mince séparant deux supraconducteurs13. Ce phénomène, qui porte
son nom (l'effet Josephson), est utilisé dans les SQUIDs. Ces dispositifs servent à faire des
mesures très précises de h/e et, combiné avec l'effet Hall quantique, à la mesure de la constante
de Planck h. Josephson recevra le prix Nobel en 1973.
En 1979, Frank Steglich confirme la présence d'une phase supraconductrice dans CeCu2Si214, un
matériau constitué d'atomes magnétiques et dont les électrons sont tellement corrélés que leur
masse effective atteint parfois des centaines de fois celle de l'électron libre. Ces caractéristiques
étant si différentes de celles des supraconducteurs conventionnels, une nouvelle classe est
constituée : les fermions lourds. D'autres matériaux de cette famille avaient déjà été étudiés
par B. T. Matthias dans les années 196015, mais sans convaincre la communauté scientifique.
En 1986, Johannes Bednorz et Karl Müller découvrent une supraconductivité à −238,15 °C dans
des matériaux de structure perovskite de cuivre à base de lanthane16 (prix Nobel de
physique 1987). Cette découverte ravive la recherche de matériaux ayant des températures
critiques de plus en plus hautes.
Très rapidement, les scientifiques remarquent que la température critique de ce matériau
augmente avec la pression. En remplaçant le lanthane par de l'yttrium, c'est-à-dire en produisant
le composé YBa2Cu3O7, la température critique monte à −181,15 °C17, dépassant la température
de l'azote liquide (77 K). C'est très important car l'azote liquide est produit industriellement à bas
prix, et peut même être produit sur place. Beaucoup de cuprates supraconducteurs sont produits
par la suite, mais les mécanismes de cette supraconductivité restent à découvrir.
Malheureusement, ces matériaux sont des céramiques et ne peuvent pas être travaillés
aisément. De plus, ils perdent facilement leur supraconductivité à fort champ magnétique et donc
les applications se font attendre. Les recherches se poursuivent pour diminuer la sensibilité au
champ et pour augmenter la température critique. Après la température de l'azote liquide, le
second seuil économique (et psychologique) est celle de la glace carbonique, 195 K (−78,5 °C).
Le 31 mai 2007, une équipe de physiciens franco-canadienne publie dans la revue Nature une
étude18 qui, selon un communiqué du CNRS19, permettrait d'avancer sensiblement dans la
compréhension de ces matériaux.
En janvier 2008, l'équipe du professeur Hosono du Tokyo Institute of Technology rapporte
l'existence d'une nouvelle classe de supraconducteurs : les pnictures de type ROFeAs (où R est
une terre rare) dopés avec du fluor sur le site de l'oxygène20. La température critique maximale
est de −245,15 °C. Cette découverte surprend en raison de la présence de fer dans un
supraconducteur ayant une aussi haute température critique. En août 2008, il semble y avoir un
consensus indiquant que le fer joue un rôle majeur dans la supraconductivité de ces matériaux.
Des centaines de travaux sont publiés montrant l'enthousiasme de la communauté scientifique à
propos de cette découverte. Un certain nombre de groupes rapportent une température critique
maximale de l'ordre de −217,15 °C dans le cas où R est une terre rare non magnétique. Fin mai
2008, le groupe du professeur Johrendt, de l'université de Munich, fait état de la
supraconductivité dans le composé Ba0,6K0.4Fe2As2, avec une température critique Tc de l'ordre
de −235,15 °C21. Ce composé possède une structure cristallographique très proche de celle de
LaOFeAs. Cette découverte est importante car elle montre que l'oxygène ne joue aucun rôle
dans le mécanisme de supraconductivité de cette nouvelle classe de supraconducteurs. Les
propriétés magnétiques semblent en cause, comme pour les cuprates.
En 2014, un des supraconducteurs à base de fer qui avaient été découverts en 2009, FeSe,
revient dans l'actualité. Bien que sa faible température critique (environ 10 K) n'ait pas alors été
jugée très intéressante22, on se rend compte qu'en faisant croître une couche mince (d'une seule
épaisseur atomique) sur un substrat de SrTiO3, on arrive à une température critique supérieure à
100 K et donc supérieure à celles de tous les autres supraconducteurs à base de fer23. Cette
découverte ouvre la voie aux supraconducteurs en couches minces ainsi qu'à la synthèse de
matériaux complexes.
En 2016, une température critique supérieure à 200 K est observée dans de l'hydrure de soufre24.
Bien qu'apparemment due au hasard, cette découverte a en fait été prédite par le théoricien Neil
Ashcroft dès 196825, sur la base de la supraconductivité conventionnelle. L'expérience a
cependant nécessité l'imposition d'une très forte pression, supérieure à 50 GPa.

Propriétés élémentaires[modifier | modifier le code]


Un supraconducteur est un matériau qui, lorsqu'il est refroidi en dessous d'une température
critique Tc, présente deux propriétés caractéristiques, qui sont :

 une résistance nulle ;


 un diamagnétisme parfait.
L'existence de ces caractéristiques, communes à tous les supraconducteurs conventionnels,
permet de définir la supraconductivité comme résultant d'une transition de phase. L'étude des
variations des propriétés physiques des supraconducteurs lorsqu'ils passent dans l'état
supraconducteur confirme ceci et établit que la transition supraconductrice est une
véritable transition de phase.
Résistivité nulle[modifier | modifier le code]

Câbles d'alimentation des expériences du CERN : en haut, les câbles du LEP ; en bas, les câbles du LHC,
supraconducteurs (même puissance).

L'absence totale de résistance électrique d'un supraconducteur parcouru par un courant limité est
évidemment leur propriété la plus connue, c'est d'ailleurs elle qui a donné son nom au
phénomène. Théoriquement, ces courants peuvent circuler indéfiniment26. En pratique, des
courants circulent déjà depuis plus de 23 ans (août 2018) dans des gravimètres à
supraconductivité, où une sphère de 4 g lévite dans le champ magnétique généré par une paire
de bobinages supraconducteurs27,28,29.
Effet Meissner[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Effet Meissner.

L'effet Meissner, nommé d'après Walther Meissner qui l'a découvert en compagnie de Robert


Ochsenfeld en 19335, est le fait qu'un échantillon soumis à un champ magnétique extérieur
expulse celui-ci lorsqu'il est refroidi en dessous de sa température critique, et ce, quel que soit
son état antérieur.
D'après les équations de Maxwell, dans tout matériau dont la résistance est nulle, le champ
magnétique doit rester constant au cours du temps. Cependant, l'existence de l'effet Meissner
montre que la supraconductivité ne se résume pas à l'existence d'une conductivité infinie.
Expérimentalement, on montre l'effet Meissner en refroidissant un échantillon supraconducteur
en dessous de sa température critique en présence d'un champ magnétique. Il est alors possible
de montrer que le champ magnétique à l'intérieur de l'échantillon est nul, alors que pour un
hypothétique conducteur parfait, il devrait être égal au champ magnétique appliqué lors de la
transition.
Note : certains supraconducteurs, dits de type II, ne présentent l'effet Meissner que pour de
faibles valeurs du champ magnétique, tout en restant supraconducteurs à des valeurs plus
élevées (cf. infra).

Théories[modifier | modifier le code]
Théorie de Ginzburg-Landau[modifier | modifier le code]
Article détaillé : théorie de Ginzburg-Landau.

La théorie développée par Ginzburg et Landau en 19509 introduit un paramètre


d'ordre complexe ψ(r) caractérisant la supraconductivité dans le cadre général de la théorie de
Landau des transitions de phase du second ordre. La signification physique de ce paramètre est
que  est proportionnel à la densité d'électrons supraconducteurs (i.e. d'électrons constituant des
paires de Cooper). Le postulat de départ de la théorie est que la densité d'énergie libre fs peut
être développée en une série du paramètre d'ordre près de la transition supraconductrice sous la
forme suivante :
où fn0 est la densité d'énergie libre dans l'état normal en champ nul, A est le potentiel-
vecteur et B est l'intensité locale de l'induction magnétique.
Les deuxième et troisième termes sont le développement au second ordre en |ψ|², le
troisième peut être vu comme l'expression invariante de jauge de l'énergie cinétique associée
aux « porteurs de charge supraconducteurs », de masse m* et de charge q* tandis que le
quatrième est simplement la densité d'énergie magnétique.
Dans l'état supraconducteur, en l'absence de champ et de gradients, l'équation précédente
devient :
β est nécessairement positif car sinon, il n'y aurait pas de minimum global pour l'énergie
libre, et donc pas d'état d'équilibre. Si α > 0, le minimum a lieu pour ψ = 0 : le matériau
est dans l'état normal. Le cas intéressant est donc celui où α < 0. On a alors, à
l'équilibre, , d'où :
Supraconducteurs de type I[modifier | modifier le code]
Un supraconducteur de type I est un supraconducteur possédant un seul champ
magnétique critique. Il a la propriété de repousser tout champ magnétique extérieur,
et on le retrouve dans deux états selon sa température critique et le champ
magnétique critique à savoir :
 L'état normal : le domaine où H>Hcritique et T>Tcritique
 L'état supraconducteur gouverné par la loi de Meissner
Supraconducteur de type II[modifier | modifier le code]
Un supraconducteur de type II est un supraconducteur possédant deux champs
magnétiques critiques. On peut le retrouver dans plusieurs états, selon sa
température et les champs magnétiques critiques :

 L'état normal
 L'état supraconducteur: effet Meissner
 L'état mixte : il possède des zones supraconductrices et des zones non
supraconductrices appelées "vortex". Ce sont des tubes de champ magnétique
par lesquels le matériau se laisse pénétrer par le champ extérieur.

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L'apparition de vortex dans les supraconducteurs de type II est associée à la


quantification du flux de champs magnétique qui les traverse. Le quantum de
flux associé à la supraconductivité vaut .
Théorie BCS[modifier | modifier le code]
Article détaillé : théorie BCS.

Cette théorie est fondée sur le couplage des électrons d'un métal en paires :
les paires de Cooper. Elles forment un état unique, cohérent, d'énergie plus basse
que celle du métal normal, avec des électrons non appariés.
Le problème est d'expliquer cet appariement compte tenu de la répulsion
coulombienne. Un modèle qualitatif simple consiste à considérer des électrons dans
un métal interagissant avec le réseau cristallin formé d'ions positifs. Ceux-ci attirent
les électrons et se déplacent légèrement (les ions positifs ont une grande inertie).
Les physiciens ont donné le nom de phonons à ces vibrations atomiques naturelles.
Cette interaction entre les électrons et les phonons est à l'origine de la résistivité et
de la supraconductivité : attirés par le passage très rapide d'un électron (106 m/s), les
ions se déplacent et créent une zone locale électriquement positive. Compte tenu de
l'inertie, cette zone persiste alors que l'électron est passé, et peut attirer un autre
électron qui se trouve ainsi, par l'intermédiaire d'un phonon, apparié au précédent,
ce malgré la répulsion coulombienne. L'agitation thermique finit par détruire ce fragile
équilibre d'où l'effet néfaste de la température pour la supraconductivité.
Une particularité des paires de Cooper est que leur moment magnétique intrinsèque
(aussi appelé spin) est nul. En effet, les deux électrons appariés ont le même spin
(1/2, spin caractéristique des fermions), mais de signe opposé. C'est la condition
pour que l'énergie de la paire soit inférieure à la somme des énergies des deux
électrons. Ils forment alors un ensemble qui se comporte comme un boson (particule
de spin entier obéissant à la statistique de Bose-Einstein) : les paires se déplacent
sans rencontrer la moindre résistance, d'où la supraconductivité.
La différence d'énergie entre l'état supraconducteur et l'état normal est
appelée gap d'énergie. C'est l'énergie nécessaire pour passer de l'état
supraconducteur à l'état normal en brisant les paires de Cooper. Cette énergie tend
vers zéro lorsque la température tend vers la température critique.
L'interaction électron-phonon joue un rôle essentiel pour l'appariement des électrons
donc pour la supraconductivité.
Cette théorie a été imaginée avant la découverte des matériaux supraconducteurs à
hautes températures critiques. Une question se pose alors : les supraconducteurs à
hautes Tccontredisent-ils la théorie BCS ? Les théoriciens ne s'entendent pas sur ce
sujet. Certains sont d'avis que le couplage entre les électrons n'est plus dû au
réseau (donc aux phonons), mais à d'autres interactions (électroniques,
magnétiques, les deux, …). D'autres proposent des modèles entièrement nouveaux.
Le sujet reste encore ouvert…

Classes de supraconducteurs[modifier | modifier le code]


Supraconducteurs conventionnels[modifier | modifier le code]
Certains physiciens définissent les supraconducteurs conventionnels comme étant
ceux qui sont bien décrits par la théorie BCS. D'autres, plus spécifiques, les
définissent comme ayant un mécanisme de formation de paire de Cooper qui fait
intervenir l'interaction électrons – phonons30.
On a réussi récemment (2015) à trouver des supraconducteurs conventionnels dont
la température critique est élevée (203 K soit -70°C ), mais à une pression très
importante de l'ordre du million de bars31.
Supraconducteurs non conventionnels[modifier | modifier le code]
Les supraconducteurs non conventionnels (parfois appelés « exotiques » ou
« nouveaux supraconducteurs ») désignent des matériaux souvent synthétisés
artificiellement en laboratoire qui ne peuvent pas être décrits avec la théorie BCS, ou
dont on ne comprend pas encore théoriquement l'origine de la supraconductivité. Ils
diffèrent des supraconducteurs conventionnels en particulier dans le mécanisme à
l'origine de la formation des paires d'électrons, dites paires de Cooper, responsables
de la supraconductivité.
Plusieurs familles de matériaux sont considérées comme non conventionnelles :
les fermions lourds, les supraconducteurs organiques ou moléculaires (sels de
Bechgaard), les cuprates, ou les pnictures. En 2017 la supraconductivité de
monocristaux de bismuth a été mise en évidence en dessous de 0,53 mK à pression
ambiante, avec un champ magnétique critique estimé à 5,2 mT à −273,15 °C32. La
supraconductivité du bismuth ne peut pas être expliquée par la théorie BCS parce
que l'approximation adiabatique ne lui est pas applicable, et pose le problème de la
supraconductivité des matériaux à faible densité de porteurs et structure de
bandes particulière.
Certaines familles de matériaux présentent une supraconductivité à plus haute
température que les alliages ou métaux, mais dont l'origine est expliquée par
la théorie BCS : les fullerènes de type AnC60 (où A est un alcalin), dont
la température critique s'élève jusqu'à 33 K, ou le diborure de magnésium MgB2 dont
la température critique s'élève jusqu'à 39 K. Il ne s'agit donc pas au sens strict de
supraconducteurs non conventionnels, mais on les distingue quand même des
supraconducteurs conventionnels.
Les supraconducteurs non conventionnels les plus étudiés à ce jour sont les
cuprates, découverts par Johannes Georg Bednorz et Karl Alexander
Müller en 198516. Il s'agit d'oxydes sous forme de céramique composés d'oxydes
mixtes de baryum, de lanthane et de cuivre dont la température critique est
d'environ 35 K (−238 °C). Cette température était bien supérieure aux plus hautes
températures critiques connues à cette époque (−250,15 °C) ; cette nouvelle famille
de matériau fut appelée supraconducteur à haute température. Bednorz et Müller
reçurent en 1987 le prix Nobel de physique pour leur découverte.
Depuis lors, de nombreux autres supraconducteurs à haute température ont été
synthétisés. Dès 1987, on atteignit la supraconductivité au-dessus de −196,15 °C17,
la température d'ébullition de l'azote, ce qui est très important pour les applications
technologiques car l'azote liquide est bien moins onéreux que l'hélium liquide qui
devait être utilisé jusqu'alors. Exemple : YBa2Cu3O7, Tc = −181,15 °C.
La température critique record est d'environ 133 K (-140 °C) à la pression normale et
des températures légèrement plus élevées peuvent être atteintes à des pressions
plus élevées. L'état actuel des recherches ne permet pas de savoir si on pourra un
jour obtenir un matériau à base de cuprate supraconducteur à température
ambiante.

Supraconductivité calorifique[modifier | modifier le code]


La propriété de l'hélium superfluide de conduire la chaleur sans perte a été attribuée
à des mécanismes analogues ; on dit que c'est un supraconducteur thermique.

Applications[modifier | modifier le code]
Canon magnétique[modifier | modifier le code]
Article détaillé : Canon magnétique.

Électroaimants[modifier | modifier le code]
La réalisation d'électroaimants supraconducteurs constitue certainement l’application
la plus courante de la supraconductivité. On les retrouve dans les domaines :

 de l’imagerie par résonance magnétique pour laquelle un champ magnétique de


plusieurs teslas est produit par un solénoïde supraconducteur. Ils permettent
également de produire un champ magnétique très homogène, ce qui permet
d'obtenir une image de grande qualité : centre NeuroSpin de Saclay ;
 des accélérateurs de particules : projet LHC (Large Hadron Collider) du CERN :
1700 tonnes de matériau supraconducteur33 ;
 de la lévitation magnétique, avec notamment les trains à sustentation
électromagnétique (le Maglev chinois, voir Sustentation électromagnétique) et
certains accumulateurs électromécaniques à volant d'inertie ;
 de la fusion nucléaire par confinement magnétique : pour le confinement des
plasmas chauffés entre 10 et 100 millions de kelvins, un champ magnétique de
l'ordre de 5 à 10 teslas doit être créé au centre d'un tore, dont la version la plus
avancée est appelée tokamak. Ces champs énormes peuvent être maintenus
pendant la dizaine de minutes grâce à des bobines à enroulements
supraconducteurs : c'est le cas du tokamak Tore-Supra de Cadarache et du futur
Tokamak ITER (International Tokamak Experimental Reactor) qui est en cours
de construction également à Cadarache pour une première décharge plasma en
2020.
Transport de l'énergie[modifier | modifier le code]

 La ligne à haute tension supraconductrice de 48 km doit être testée en Corée du


Sud, destinée à transporter 50 MW34. Le gain de place est important, mais
le refroidissement à l'azote liquide nécessite une infrastructure importante.
 Construit par l'entreprise française Nexans en avril 2008, près de New York, un
câble électrique supraconducteur de 600 m de long, qui permet de transporter
une puissance de 574 MW, alimente 300 000 foyers dans l'île de Long Island. Il
s'agit de quatre fois plus de puissance qu'un câble de cuivre classique de même
section, grâce à un matériau supraconducteur à base de cuivre et
de bismuth (Bi-Sr-Ca-Cu-O). Certes, ce projet soutenu par le département de
l'Énergie américain coûte considérablement plus cher qu'une ligne classique, en
raison de l'azote liquide requis à -196 °C. Toutefois, il se continue afin que cette
technologie s'améliore35.
 Dans la ville d'Essen, en Allemagne, le fournisseur d'électricité allemand RWE a
intégré pour la première fois un câble supraconducteur dans un réseau
électrique existant. Élément phare du projet AmpaCity, ce câble d'un kilomètre
de long a été installé le 30 avril 2014. C'est aujourd'hui le plus long câble
supraconducteur du monde36.
Stockage de l'énergie[modifier | modifier le code]
Article détaillé : SMES.

Une bobine supraconductrice est connectée au réseau par l'intermédiaire d'un


convertisseur alternatif-continu réversible. La bobine est alimentée par
le redresseur qui permet de stocker de l'énergie sous la forme ½ L×I2. En cas de
besoin (défaut de la ligne) l’énergie stockée dans la bobine supraconductrice est
retransférée à l'installation via l'onduleur. En France, les plus gros prototypes
(plusieurs centaines de kJ) ont été réalisés à Grenoble37, au département Matière
Condensée - Basses Températures de l'Institut Néel avec l'aide de partenaires
comme la DGA et Nexans.
La propriété de lévitation des supraconducteurs peut aussi être mise à profit pour
faire du stockage d'énergie. C'est le cas des accumulateurs d'énergie cinétique
rotative (par volant d'inertie, en anglais flywheel). Dans ces applications, une roue
aimantée est placée en lévitation au-dessus d'un supraconducteur. La roue est mise
en rotation (idéalement dans le vide pour minimiser les frottements) au moyen d'un
moteur (phase de charge). Une fois la roue « chargée », elle conserve l'énergie sous
forme d'énergie cinétique de rotation, avec peu de perte, puisqu'il n'y a quasiment
aucun frottement. L'énergie peut être récupérée en freinant la roue.
SMES (Superconducting Magnet Energy Storage) et Flywheel sont donc deux
solutions technologiques qui pourraient remplacer une batterie traditionnelle, bien
que le maintien des températures cryogéniques soit énergivore.
Confinement électromagnétique[modifier | modifier le code]
Dans le but de réaliser la fusion thermonucléaire contrôlée : les tokamaks ou
les stellarators sont des enceintes toriques à l'intérieur desquelles on confine
des plasmas sous des pressions et à des températures considérables38.

Article connexe : ITER.

Cavités radiofréquences/accélérateurs de
particules[modifier | modifier le code]
La supraconductivité est aussi utilisée pour la fabrication des cavités accélératrices
radiofréquence qui permettent de stocker et d’amplifier le champ électrique destiné à
accélérer le faisceau de particules chargées. Pour pouvoir obtenir des champs
accélérateurs de l’ordre de 45 MV/m (presque 100 MV/m près de la surface) il faut
injecter une onde radiofréquence dans la cavité. Des densités de courants de l’ordre
de 1010 à 1012 A/m2 circulent sur la surface interne de la cavité et provoquent un
échauffement des parois. On ne pourrait pas obtenir de champs aussi élevés en
continu avec un conducteur normal : les parois se mettraient à fondre. En
radiofréquence, la résistance d’un supraconducteur n’est pas rigoureusement nulle,
mais elle reste environ 100 000 fois plus faible que celle du cuivre, d’où l’intérêt
principal de cette technologie pour les cavités accélératrices. Mais ce n’est pas le
seul avantage : l’utilisation de cavités supraconductrices influence aussi le design de
l’accélérateur et la qualité des faisceaux obtenus. Par exemple, leurs formes plus
ouvertes facilitent l’alignement du faisceau ; quand celui-ci doit se faire sur plusieurs
dizaines de kilomètres, cela devient un argument conséquent.
Métamatériaux supraconducteurs[modifier | modifier le code]
Un matériau est un réseau d'atomes. Si, plutôt que d'atomes, on met en réseau de
petits circuits supraconducteurs, le résultat final est un Métamatériau, dont les
propriétés sont surprenantes39.
Existe-t-il un équivalent photonique de la
supraconductivité ?[modifier | modifier le code]
Suite à des travaux conduits par Ado Jorio sur la diffusion de la lumière dans divers
matériaux (à l'université fédérale du Minas Gerais à Belo Horizonte au Brésil), un
comportement évoquant la supraconductivité a été observé avec des photons,
évoquant un lien possible entre la diffusion de la lumière, la physique de la matière
condensée et l'optique quantique. Dans ce cas, au lieu de « paires de Cooper »
d'électrons, ce sont des paires de photons qui ont été observées (à température
ambiante quand de la lumière traverse une gamme de liquides transparents, dont
l'eau). Elles sont difficiles à observer mais selon André Saraiva40 il s'agirait d'un
phénomène fréquent. Un photon peut perdre de l'énergie au profit des atomes du
matériau qui vibrent41. Si un second photon absorbe immédiatement ce paquet
d'énergie vibratoire, les deux photons deviennent indirectement « liés », l'un gagnant
l'énergie perdue par l'autre. Le degré de parallélisme de ce phénomène avec la
supraconductivité et ses phonons virtuels est encore à établir41. Et comme les
photons interagissent bien moins avec leur environnement que les électrons, ce
phénomène devrait a priori avoir des effets plus discrets que dans le cas des
électrons ; il a néanmoins rapidement suscité des conjectures. En effet selon
un modèle mathématique établi par des chercheurs de l'UFRJ, quand des photons
interagissent ainsi leur comportement serait identique à celui des paires de Cooper
dans les supraconducteurs41. Des preuves d'existence de ces paires ont été
obtenues en analysant les effets d'impulsions laser à température ambiante dans de
l'eau et sept autres liquides transparents41. Ces paires sont dix fois plus nombreuses
que ce qui serait dû au seul hasard41.
Reste à confirmer le phénomène en reproduisant l'expérience et en la confrontant
aux connaissances disponibles en optique quantique et en physique de la matière
condensée.
S'il y a confirmation, il deviendrait envisageable de produire des photons
« intriqués » à température ambiante et par exemple à partir d'eau. Ces derniers
pourraient peut-être dans certaines circonstances former des surintensités
permettant à la lumière de mieux traverser certains matériaux (par exemple au profit
d'une communication quantique plus efficace dans les ordinateurs du futur)41. Ils
pourraient alors aussi peut-être servir à « révéler des propriétés actuellement
invisibles d'un matériau » et à divers usages (dont cryptographie quantique et
informatique)41.

Prix Nobel pour la supraconductivité[modifier | modifier le


code]

 Heike Kamerlingh Onnes (1913), pour ses recherches sur les propriétés de la


matière à basse température qui menèrent, entre autres, à la production
d'hélium liquide (for his investigations on the properties of matter at low
temperatures which led, inter alia, to the production of liquid helium42). L'une des
propriétés étaient la supraconductivité dans le mercure2.
 John Bardeen, Leon Neil Cooper et John Robert Schrieffer (1972), pour leur
théorie développée conjointement de la supraconductivité, habituellement
appelée la théorie BCS (for their jointly developed theory of superconductivity,
usually called BCS-theory43).
 Leo Esaki, Ivar Giaever (1973), pour leurs découvertes expérimentales
concernant les phénomènes d'effet tunnel dans les semiconducteurs et les
supraconducteurs, respectivement (for their experimental discoveries regarding
tunneling phenomena in semiconductors and superconductors, respectively44).
 Brian David Josephson (1973), pour ses prédictions théoriques des propriétés
d'un supercourant à travers une barrière de tunnel, en particulier ces
phénomènes qui sont généralement connus sous le nom d'effets de Josephson
(for his theoretical predictions of the properties of a supercurrent through a
tunnel barrier, in particular those phenomena which are generally known as the
Josephson effects44).
 Johannes Georg Bednorz et Karl Alexander Müller (1987), pour leur importante
percée dans la découverte de supraconductivité dans des matériaux céramiques
(for their important break-through in the discovery of superconductivity in ceramic
materials45).
 Alekseï Abrikossov, Vitaly Ginzburg et Anthony Leggett (2003), pour leur
contributions pionnières à la théorie des supraconducteurs et superfluides (for
pioneering contributions to the theory of superconductors and superfluids46).

Partie 2

Définition et catégories

La supraconductivité désigne la propriété de certains matériaux de conduire parfaitement le courant


électrique (sans aucune résistance) en générant d’importants champs magnétiques. Ce phénomène
physique n’est atteint qu’à de très basses températures proches du zéro absolu (- 273,15°C).  

Les matériaux supraconducteurs permettent ainsi de propager des intensités électriques


considérables (« courants forts ») mais aussi des très importants flux d’informations (« courants
faibles ») sans dissipation d’énergie. Dans ces matériaux, on peut aussi stocker de l’électricité sans
pertes à long terme et exploiter les champs magnétiques intenses qui les entourent pour mettre en
lévitation de fortes charges métalliques et les déplacer sans frottements mécaniques.

La complexité des technologies de refroidissement à de très basses températures limite encore les
applications des supraconducteurs. Des progrès techniques sont toutefois attendus pour réduire
partiellement cette contrainte.

Explications physiques

L’absence de résistance électrique

Dans un supraconducteur, la résistance électrique s’annule très soudainement en dessous d’une


température appelée « température critique ». Le matériau conduit alors parfaitement le courant.
Par exemple, un courant électrique peut continuer à circuler indéfiniment dans un anneau
supraconducteur, une fois l’alimentation débranchée.

A l’échelle atomique, lorsqu’un matériau devient supraconducteur à très basse température, ses


électrons (qui sont aussi des ondes à un niveau quantique) s’associent par paires. Toutes les paires
d’électrons se superposent alors les unes aux autres pour former une seule onde quantique (le
« condensat ») qui devient insensible aux défauts du matériau (1), faisant ainsi disparaître toute
résistance électrique.

La modification du magnétisme
Les champs magnétiques sont profondément affectés dans un supraconducteur :

 ils peuvent s’annuler complètement dans le matériau (effet Meissner). Cet effet se
caractérise dans un supraconducteur par l’extériorisation des champs magnétiques(2) ;

 ils peuvent être gelés dans la configuration où ils se trouvaient au passage à l’état
supraconducteur (piégeage des vortex).

On observe l’un ou l’autre de ces effets selon la nature du matériau supraconducteur. Il est possible
de faire léviter un aimant en combinant ces effets dans un système : l’effet Meissner repousse
l’aimant du supraconducteur alors que le piégeage des vortex va maintenir l’aimant à l’endroit où il
se trouvait quand le supraconducteur a été refroidi. L’aimant est alors piégé sans être attiré pour
autant.

Applications

Transport électrique par câbles supraconducteurs

Un câble supraconducteur conduit le courant électrique sans résistance, donc sans pertes (par effet
Joule). Il permet ainsi d’atteindre une capacité de transport nettement plus forte qu’un câble
traditionnel (facteur 3 à 5). Cela permet d’augmenter la capacité d’un réseau saturé sans travaux de
génie civil et sans augmentation des emprises au sol, exception faite des installations de
refroidissement.

Les gains liés à l’absence de dissipation d’énergie sont contrebalancés par les coûts de
refroidissement du câble.

Dans le contexte d’une augmentation de la puissance électrique dans certaines grandes métropoles,
les câbles supraconducteurs constituent une alternative économique très intéressante au
développement d’un nouveau câble résistif de plus forte capacité. Sa signature thermique nulle
apporte beaucoup de souplesse dans l’installation d’un câble.

D’un point de vue économique, les gains liés à l’absence de dissipation d’énergie sont toutefois
contrebalancés par les coûts de refroidissement du câble. La supraconductivité des câbles n’est pas
très favorable d’un point de vue cryogénique du fait du rapport élevé entre la surface et le volume 
Par ailleurs, le bilan énergétique d’un câble supraconducteur est plus favorable que celui d’un câble
classique uniquement au-delà d’un certain courant, compte tenu des pertes du cryostat qui le
refroidit. Notons enfin qu’un câble supraconducteur peut parfois subir des faibles pertes lorsqu’il est
parcouru par un courant alternatif, à 50 ou 60 Hz par exemple.

La technologie des câbles supraconducteurs a acquis une certaine maturité grâce à de nombreuses
réalisations. Par exemple la société Nexans(3) exploite depuis mars 2008 les 600 m de câble
supraconducteur véhiculant le plus de puissance au monde (600 MW) aux États-Unis (projet LIPA).

Limiteurs de courant ou « Fault Current Limiter » (FCL)

Les câbles supraconducteurs peuvent également contribuer à améliorer la sécurité d’un réseau
électrique en intégrant un limiteur de courant.
Le FCL peut être comparé à un « super fusible » permanent puisqu’il se régénère automatiquement
après un défaut d’alimentation.

Un limiteur de courant est un appareil qui limite automatiquement et naturellement le courant dès
qu’il dépasse une valeur prédéterminée. Les courants ne sont actuellement pas limités mais
seulement coupés par des disjoncteurs, entraînant des ruptures de la transmission d’électricité.

Le FCL peut être comparé à un « super fusible » permanent puisqu’il se régénère automatiquement
après un défaut d’alimentation. Il est basé sur la transition intrinsèque et pratiquement instantanée
d’un état sans résistance d’un élément supraconducteur à un état fortement résistif lorsque le
courant franchit une certaine valeur.

Si la transition entre mode supraconducteur et dissipatif est extrêmement rapide (des millionièmes
de secondes), la récupération du courant « normal » prend beaucoup plus de temps et peut atteindre
quelques minutes(4).

Il existe actuellement 2 FCL fonctionnant de manière très satisfaisante dans le réseau européen au
Royaume-Uni et en Allemagne.

Stockage d'énergie : le SMES (« Superconducting Magnetic Energy Storage »)

De l’énergie peut être stockée via un courant électrique envoyé dans une bobine de fil
supraconducteur. Une fois la bobine court-circuitée (refermée sur elle-même), le courant circule
quasi-indéfiniment sans pertes et produit un champ magnétique « éternel » L’énergie est donc
stockée dans la bobine sous forme magnétique et électrique et peut ensuite être récupérée en un
temps très court.

Les SMES ont une forte densité de puissance (mais une densité d’énergie modérée), un nombre de
cycle de charge-décharge extrêmement élevé et un excellent rendement de conversion d'énergie
(supérieur à 95%).

Plusieurs SMES ont démontré leurs performances et capacités opérationnelles pour des puissances
dans la gamme du mégawatt et des durées de l’ordre de la seconde. Ils ont été utilisés comme
sources interruptibles (« onduleurs ») pour des charges sensibles ou pour stabiliser des réseaux
électriques. Certains réseaux utilisent déjà ces dispositifs, les retours d’expérience étant notamment
importants aux États-Unis et au Japon. Néanmoins, le nombre de SMES vendus demeure faible à
cause du coût initial élevé et de la concurrence de technologies de stockage plus matures.

Un SMES sert également de source de courant « impulsionnelle » : c’est une excellente solution pour
des alimentations non interruptibles ou certains équipements statiques permettant d’améliorer le
fonctionnement des réseaux électriques.

Trains du futur

Les propriétés « mécaniques » de la supraconductivité sont exploitées dans le domaine des


transports : l’opposition entre un champ magnétique fixe (la voie) et un champ magnétique
embarqué (bobines supraconductrices placées et refroidies à bord du train) permet de faire
« léviter » des trains sans frottement entre corps solides(5).
Au Japon, le train le plus rapide du monde (603 km/h en tests en avril 2015) utilise des
supraconducteurs et lévite à plusieurs centimètres au-dessus de ses rails. Le développement
commercial de ces trains est encore limité par le coût des rails spéciaux qui sont nécessaires pour les
faire circuler.

Applications hors énergie

La supraconduction est aujourd’hui davantage appliquée aux courants faibles, c’est-à-dire aux
applications de traitement de l’information comme les téléphones portables ou les ordinateurs.

En médecine, les IRM utilisent de très forts champs magnétiques crées par une bobine de fil
supraconducteur. 

Les filtres les plus performants disponibles pour les antennes relais des réseaux mobiles utilisent
d’ores et déjà des supraconducteurs : un petit « frigo » refroidit le circuit électronique en utilisant
l’énergie électrique.

En médecine, les IRM (Imageries par Résonnance Magnétique) utilisent de très forts champs
magnétiques crées par une bobine de fil supraconducteur plongé dans un liquide très froid comme
l’hélium.

Chiffres clés

 Plus de la moitié des éléments de base de la classification périodique sont supraconducteurs


si on les refroidit suffisamment. Dans certains cas, il faut en plus appliquer une pression sur
le matériau.

 Pour les IRM, la supraconductivité permet de produire des champs magnétiques qui vont
jusqu’à 500 000 fois le champ terrestre : aucun autre dispositif ne peut permettre une telle
performance dans un volume d’une dizaine de m3. 

Passé

Au début du XXe siècle, Kamerlingh Onnes cherche à comprendre et mesurer les propriétés des


métaux à très basse température. En avril 1911, il constate une chute très soudaine jusqu’à zéro de
la résistance du mercure en dessous de 4,2 K (environ -269°C). Il qualifie ce phénomène de «
supraconductivité » le jour où il reçoit le Prix Nobel en 1913. Onnes découvre ensuite que d’autres
métaux comme l’étain, le plomb ou l’aluminium sont aussi supraconducteurs.

Les chimistes et physiciens inventent de nouveaux matériaux supraconducteurs et cherchent à en


améliorer les performances : à moins basse température, résistant à des champs magnétiques plus
élevés... 

Il faut par la suite attendre plus de 40 ans pour que trois physiciens, Bardeen, Cooper et Schrieffer,
parviennent à expliquer clairement la supraconductivité dans les métaux en 1957 (modèle théorique
appelé depuis « BCS », de leurs initiales).

Depuis lors, les chimistes et les physiciens inventent de nouveaux matériaux supraconducteurs et
cherchent à en améliorer les performances : à moins basse température, résistant à des champs
magnétiques plus élevés ou à des courants électriques plus forts, etc. Ces matériaux sont la plupart
du temps artificiels et synthétisés en laboratoire.

Enjeux et futur

Une supraconductivité à plus haute température

On distingue parfois les « supraconducteurs classiques » des « nouveaux supraconducteurs » selon


qu’ils supraconduisent à basse température ou moins basse température. La frontière de cette
définition reste toutefois floue.

Les chercheurs s’appliquent actuellement à trouver une explication à la supraconductivité des


éléments les plus « chauds », dits « « supraconducteurs à haute température critique » (aussi
appelés « cuprates ») auxquels ne s’applique pas la théorie BCS. Précisons que cette « haute
température » reste toutefois inférieure à -135°C.

On se contente actuellement d’une explication « phénoménologique » qui fait intervenir une


nouvelle phase non expliquée aux températures intermédiaires entre l’état supraconducteur et l’état
normal : le « pseudogap ». Certains pensent que les paires d’électrons seraient formées durant cette
phase mais devraient être encore refroidies pour pouvoir se condenser. La supraconductivité de ces
matériaux est donc suffisamment connue pour qu’on puisse en maîtriser les technologies mais pas
encore assez pour donner une explication théorique définitive.

Les matériaux à haute température critique rendent notamment les systèmes de stockage « SMES »


plus attractifs car ils permettent d’augmenter les performances massiques des aimants supracon-
ducteurs et de réduire le coût de la cryogénie (investissement et fonctionnement).

Concrètement

Parmi les supraconducteurs classiques, les plus utilisés à ce jour sont des alliages de la famille A15,
notamment le NbTi (alliage de niobium et titane) supraconducteur sous 9 kelvins (-264°C) et résistant
jusqu’à 15 teslas ou le plus performant et plus cher Nb3Sn (alliage de niobium et étain)
supraconducteur sous 18 kelvins (-255°C) et résistant à des champs jusqu’à 30 teslas. Ce sont ces
alliages qui sont par exemple utilisés lors des IRM.

Le saviez-vous ?

Lors de certaines expériences, il a été constaté que les pertes liées à l’énergie stockée sous forme
électromagnétique dans un dispositif supraconducteur étaient tellement infimes qu’elles seraient à
peine détectables après 13,8 milliards d’années, l’âge de l’univers.

Exemples d’applications de la supraconductivité


L'imagerie à résonance magnétique (IRM, qui utilise des champs magnétiques de 2 à 3 teslas) et la
spectroscopie à résonance magnétique nucléaire (RMN qui utilise actuellement des champs
magnétiques de 21 teslas, mais des champs supérieurs à 25 teslas sont envisagés à moyen terme).
Une application à très grande échelle est constituée par les accélérateurs de particules. Le plus grand
d'entre eux est le LHC (Large Hadron Collider), avec une circonférence de 27 km,
opérationnel au Cern, à Genève. Dans cet accélérateur, le champ de 8,5 teslas est produit par 1.600
dipôles de 16 m de long.

Mais l'application la plus spectaculaire est sans doute le « MagLev », un train japonais utilisant la
lévitation magnétique. Lévitant au-dessus d'un rail utilisant des aimants supraconducteurs, ce train
prototype se déplace sans frottement et affiche un record de 552 km/h !

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