ransr u ra l

T initiatives n°490 / février - mars - avril 2022 / 10 euros

•FRANCE INTER ET CHEMINS D’AVENIR

INVENTENT LE « YOUNG WASHING »
•HABITATS LÉGERS DANS UNE
DÉMARCHE SOLIDAIRE ET ÉCOLOGIQUE
•PROMOUVOIR L’ACCUEIL SOCIAL ET
THÉRAPEUTIQUE EN MILIEU AGRICOLE

Dossier
UNE HISTOIRE
DES CIVAM ET DU
DÉVELOPPEMENT
AGRICOLE ET RURAL
 sommaire
Transrural initiatives
est publiée par l’Adir, association d’édition de :

Le réseau des Centres d’initiatives pour valoriser

l’agriculture et le milieu rural (Civam), ce sont
plus de 200 associations qui défendent depuis
plus d’un demi siècle des enjeux tels que la pré-
servation de l’environnement, l’offre d’aliments
de qualité, l’élaboration d’un autre modèle énergétique, la pro-
motion d’une agriculture durable, le maintien d’un monde rural
facteur de cohésion sociale (www.civam.org).
Lieu de rencontres, d’échanges et vecteur d’inté-
gration socio-économique, le Mouvement rural de
jeunesse chrétienne (MRJC), propose aux jeunes
de treize à trente ans vivant à la campagne ou
qui l’envisagent, de s’engager avec d’autres pour
l’amélioration de la qualité de vie, de leur environnement et de la
société qui les entoure par l’action, la réflexion, la recherche de sens
et la formation. (www.mrjc.org). vivre ensemble
Le Réseau d’expérimentation et de liaison
des initiatives en espace rural (Relier) consi- Politique
dère qu’il est nécessaire de soutenir le déve-
loppement d’autres activités à la campagne 4 France inter et Chemins d’avenir
et, face aux interrogations de notre société, inventent le « young washing »
qu’il est urgent de leur donner un sens : s’installer à la campagne, 6 Présidentielle :
monter une entreprise rurale, c’est d’abord faire le choix d’un
mode de vie. Depuis 1984, l’association d’éducation populaire quelle place pour les citoyens ?
Relier contribue à créer et animer des lieux d’échange et de mise
en lien des personnes qui font le choix de s’installer et vivre en Initiatives un autre développement
milieu rural (www.reseau-relier.org). 7 Tous fans de la Carotte en Jura Nord.
Le centre de ressources sur les pratiques 8 Un bus pour aller à la rencontre de Agriculture
et les métiers du développement local
Cap Rural a pour vocation de promouvoir
toutes et tous 13 Une exposition sur l’innovation pour
le développement des territoires ruraux et Agriculture et par les paysans
périurbains de Rhône-Alpes. Depuis 1996, 14 Arpentages – Des fermes et des
Cap Rural porte le projet d’espaces ruraux vivants aux fonctions 9 Douce France,
systèmes n°4 – Un collectif… de
diversifiées (productive, résidentielle, touristique et nature), pour sortir de l’insouciance
composés par une mixité de populations et d’activités, et met- collectifs !
tant en œuvre de réelles dynamiques économiques, sociales et 16 Passerelles paysannes, un nouvel
environnementales, dans le cadre de relations équitables avec outil pour les futurs paysans
les espaces urbains (www.caprural.org).
Le Réseau des Créfad est une
coordination d’associations se
ménager les ressources Initiatives
reconnaissant dans des valeurs 16 Promouvoir l’accueil social et
communes en référence au Manifeste de Peuple et Culture Aménagement
thérapeutique en milieu agricole
comme l’éducation populaire, la laïcité, la lutte contre les iné- 10 De nouvelles pistes pour lutter contre
galités, les injustices, ou encore dans l’entraînement mental. l’artificialisation des terres 18 Manufacture, l’usine du futur ?
Ses membres travaillent les thèmes de l’accompagnement, de
l’habiter, de la vitalité des territoires ruraux, de la jeunesse, de Initiative
l’interculturel, du rapport à la lecture et à l’écriture. Ils œuvrent
ensemble pour se renforcer, s’inspirer et se soutenir mutuelle- 12 Habitats légers dans une démarche Chronique
ment, construire du neuf (www.reseaucrefad.org). solidaire et écologique 19 La guerre des mots – acte XLVI
Directeur de publication : Raphaël Jourjon - Équipe
de rédaction permanente : Fabrice Bugnot, Jade
Lemaire - Ont participé à ce numéro : Isabelle
Barnier, Jade Bernard-Grignola, Prunelle Besson, Hugues
Boiteux, Guillaume Boutanox, Elizabeth Brioude, Michel
Carré, Benoît Chaboud-Mollard, Céline Champouillon, Quatrième de couverture
Léo Coutellec, Raphaël Jourjon, Sandra-Vanessa Émilie Dufour est éleveuse de vaches laitières à Saint-Senier-de-Beuvron dans
Liégeois, Étienne Martin, Jean-Claude Moreau, Jean-
Marie Perrinel, Maël Pousset et Aude Vidal.
la Manche. « Regard doux mais droite dans ses bottes », elle pose devant l’ob-
Maquette : Catherine Boé jectif de Nicolas Dalaudier, journaliste à France 3 Normandie et photographe
Impression : Evoluprint, Bruguière amateur qui a réalisé quinze portraits en noir et blanc – pour la poésie – et au
Administration / Rédaction : grand-angle – pour la proximité – de femmes rurales « puissantes, balèses, qui
58 rue Regnault – 75 013 Paris sont leur propre patronne ». La série sera exposée du 25 juin au 29 septembre
Tél. 01 48 74 52 88 dans les rues de Saint-James (50), à l’occasion de la deuxième édition du festival de photographie Remp’art,
Site internet : www.transrural-
initiatives.org créé l’an dernier et rassemblant professionnels et amateurs. Son coordinateur, Christian Laye, lui-même pas-
Mail : transrural@globenet.org sionné du huitième art, a souhaité que désormais, le festival se spécialise sur la ruralité. Dix photographes,
quinze clichés chacun, d’un vieux manoir à la fête de la bonnotte, en passant par un village d’Amazonie ou le
Japon… Voyage assuré ! Plus de renseignements : chlaye@orange.fr.
CRÉDIT PHOTO DE LA COUVERTURE
ET DE LA COUVERTURE DU DOSSIER : DR

Reproduction autorisée sous réserve de demande

– n°CPPAP : 0625D86792 – ISSN : 1165-6166 –
(Ré)abonnez-vous à Transrural initiatives
2 Transrural
Dépôt légal : Février 2022.
initiatives sur la boutique en ligne de la revue

découvrir
20 BD
21 En revues
22 Au fil des lectures
I à XVI
DOSSIER
Une histoire des Civam et du
développement agricole et rural
L'idée de ce dossier a émergé en préparant l'anniversaire des 60 ans du
Réseau Civam, à l’occasion duquel un travail d’histoire a été amorcé par
des bénévoles et salariés. En attendant un projet de recherche-action sur
le sujet, il revient sur le parcours d’un membre fondateur de l’Adir et de
Transrural initiatives et raconte en creux une histoire du développement
agricole et rural en France, des années 1950 à aujourd’hui. Il montre la
spécificité d'un mouvement d'éducation populaire dans le champ agri-
cole et rural et pose un regard historique sur les thématiques traitées de
nos jours par les Civam et Transrural : autonomie, alimentation, transi-
tion agroécologique, accueil à la ferme, égalité femmes-hommes...
DR
À VOS STYLOS !
Transrural initiatives est une revue participative, dans le sens où elle met en
place un processus de rédaction collective avec différents acteurs en interaction
(militants associatifs, animateurs, journalistes), ce qui permet également d’avoir
un ancrage sur le terrain et de se faire le porte-voix d’initiatives locales. La revue
est ouverte à vos propositions d’articles, écrits, réactions… Chaque mois, le
comité de rédaction discute des sujets à traiter au téléphone et vous y êtes les
bienvenus ! Vous pouvez aussi nous envoyer vos idées d’articles, vos réactions
ou des informations et ressources par mail ou en nous appelant. À vos stylos !
http://boutique.transrural-initiatives.org
éditorial
Mémoires de printemps
« Ce numéro aura mis du temps à vous arriver entre les mains et nous nous
en excusons. Il est daté de février-mars-avril, une idée pour rattraper
notre « retard » tout en vous assurant six numéros dans l’abonnement, qui
durera donc plus longtemps si on veut le voir ainsi ! Un délai nécessaire,
aussi, pour se replonger dans les politiques de développement agricole
et rural et l’histoire des Civam et de l’Afip – les membres fondateurs
de Transrural initiatives – qui font l’objet du dossier de ce numéro.
Se replonger dans les archives, notamment de Transrural initiatives, réserve
des « surprises » lorsque l’on n’a pas la mémoire des décennies passées. On y
lit, dès les années 1990, les mêmes analyses qu’aujourd’hui – mais désormais
confirmées – sur les conséquences des évolutions de l’agriculture, notamment
à cause de la Politique agricole commune ; et les mêmes revendications pour
des systèmes plus autonomes et durables ou une répartition moins inéquitable
des aides et de la valeur ajoutée. Sur l’installation, les actes des Rencontres
nationales des Civam de 2006 montrent également que les principales
analyses – comme l’inadéquation entre les projets des futurs paysans et les
fermes à reprendre, un sujet creusé depuis par Inpact1– étaient déjà posées.
Faut-il s’en réjouir ou en désespérer ? Cela montre en tout cas la persévérance
des militants associatifs et des structures et l’intérêt d’un travail de mémoire.
Véronique Lucas, sociologue à l’Inrae, s’inquiétait il y a peu à ce sujet « d’une
perte de mémoire » dans les réseaux de développement agricole et rural et de
l’affaiblissement des fédérations, qui assurent une circulation des acquis et
expériences, notamment à cause de la bureaucratisation et des financements
par appel à projet, de la mise en concurrence des associations et du turn-over
de salariés précarisés. En 2006, Serge Cordellier, premier secrétaire national de
l’Afip, écrivait dans Transrural 2 : « la réduction de moyens dans les associations
de formation, d’animation, d’insertion, de développement local, de travail
social, etc. ne doit pas être perçue comme une simple diminution de moyens
matériels ». Il s’agit surtout de « ruptures dans l’accumulation des savoir-faire,
d’effacements de mémoire, ainsi que de fractures dans le tissage de réseaux
qui repose pour une grande partie sur des relations interpersonnelles »
Il nous faudra aussi sûrement faire un travail de mémoire sur la période qui
nous a conduits au résultat de cette Présidentielle. Alors que les premières
analyses médiatiques mettent en avant une opposition entre le rural et l’urbain,
notamment sur le vote d’extrême droite, des scientifiques comme le géographe
Olivier Bouba-Olga nous alertent : « le fait de vivre dans le rural ne conduit pas
à voter plus pour Marine Le Pen […]. Si le score de Marine Le Pen augmente
quand on s’éloigne des villes, c’est avant tout lié à la composition sociale des
territoires, ainsi qu’à des effets macro-régionaux. »3 Aurélien Delpirou, également
géographe, écrivait déjà en 2017 au sujet des analyses géographiques et cartes
des votes : «  On peut observer un net décalage entre le savoir accumulé dans les
recherches, les options éditoriales des grands médias et les orientations prises
par les débats politiques. »4 Nous prendrons le temps, après les législatives,
de revenir sur ces questions, en espérant y proposer aussi des analyses sur la
poussée des forces progressistes qui animeront les manifestations de mai.
Fabrice Bugnot, responsable de la rédaction
1 - Initiatives pour une agriculture citoyenne et territoriale.
2 - www.transrural-initiatives.org/wp-content/uploads/2014/05/TRI-3061.pdf
3 - http://geoconfluences.ens-lyon.fr/actualites/eclairage/election-geographie-me-
dias
4 - https://blogs.univ-poitiers.fr/o-bouba-olga/2022/04/26/le-vote-le-pen-un-vote-
rural
 vivre ensemble
société
vivre ensemble
France inter et Chemins d’avenir
inventent le « young washing »
Le 22 février, France inter et la jeune association Chemins d’avenir ont
organisé un évènement qui promettait un « dialogue sans filtre » entre
la jeunesse et les candidats à la Présidentielle. Entre questions imposées,
dépolitisation et infantilisation, zoom sur la manipulation des jeunes en
période électorale.
P aris, 22 février 2022, 9 heures.
Le hall de la Maison de la ra-
dio est envahi par une foule
hétéroclite. Des jeunes, fraîchement
affublés d’un badge numéroté de 1
à 7, sont rangés sagement par petits
groupes grâce à l’accompagnement
des référents de Chemins d’avenir. À
l’ouverture du studio 104, leurs voix
couvrent le brouhaha : « Allez les C7,
on peut avancer.  » Chacun assure
parfaitement sa mission en guidant
« ses » 14 jeunes jusqu’à leur place
attitrée dans la salle.
Quelques semaines plus tôt, Chemins
d’avenir, une association qui «  in-
forme, accompagne et promeut les
collégiens, lycéens et étudiants de la
France périphérique à travers un sys-
tème de parrainage » avait contacté
ces jeunes par l’intermédiaire de 28
associations (dont le MRJC), pour leur
proposer de participer à un échange
avec les candidats à la Présidentielle.
Un échange dont la forme permet-
tait plutôt de donner la parole aux
hommes et femmes politiques que de
la laisser réellement aux jeunes.
QUESTIONS REFUSÉES
Une « grande consultation » avait été
lancée dans la foulée, se résumant
à un tableau partagé par mail, dans
lequel chacun pouvait inscrire les
questions qu’il souhaitait poser. La
centaine de jeunes avait donc émis
plus de 450 questions, plus ou moins
longues, plus ou moins élaborées,
4 Transrural initiatives n˚490• février - mars - avril 2022
plus ou moins techniques. La dé-
marche participative avait vite tourné
vinaigre avec l’envoi, cinq jours avant
l’évènement, d’un mail récapitulatif
à chaque jeune, précisant la ques-
tion et le/la candidat·e qui leur était
imposé·e. Bien que certains jeunes
se soient vu attribuer une question
qu’ils avaient eux-mêmes soumise,
d’autres ont découvert avec stupeur
que leur question avait été refor-
mulée, vidée de son sens ou tout
simplement évincée pour une autre
thématique. Ainsi, la question : « Le
foncier en milieu rural est générale-
ment géré par quelques entreprises
et particuliers : comment cet enjeu
majeur est partagé et discuté ? » était
transformée en ces termes : « L'accès
à la propriété peut être une nécessité
dans certaines zones rurales et gage
de stabilité : comment faciliter l'ac-
cès à la propriété pour les jeunes ? »
sous prétexte de la rendre « à la fois
compréhensible par le plus de jeunes
possible dans la salle, très anglée
autour de la jeunesse et suffisam-
ment précise ». Une autre passait de
l’inclusion du handicap au pouvoir
d’achat des jeunes. Pire encore, une
question sur les féminicides devenait
simplement une question sur la série
préférée de Yannick Jadot.
« PROFITEZ DU MOMENT »
Pour rassurer tous ces jeunes,
l’équipe d’organisation avait pris
soin de les rassembler en visio-confé-
rence une dizaine de jours avant
l'évènement. Après la présentation
du déroulé de la journée, Carine
Bécard, journaliste politique à France
inter et animatrice de la journée, leur
a présenté une série de « conseils et
bonnes pratiques pour prendre la pa-
role le jour J ». « Surtout, au moment
de poser votre question, vous devez
absolument conserver votre neutra-
lité. Pas de colère, pas d’agressivité,
pas même de sourire, vous n’êtes
pas là pour donner votre avis », a-t-
elle préconisé avant de conclure :
« Pensez bien à profiter du moment.
Ces personnes que vous voyez habi-
tuellement à la télévision, elles seront
là, devant vous, vous pourrez les voir
de près, presque les toucher, vous les
entendrez respirer. C’est une chance
unique, ça n’arrivera qu’une seule fois
dans votre vie. »
C’est dans ce contexte que la jour-
née se lance dans l’auditorium. Les
dirigeantes de France inter et de
Chemins d’avenir se succèdent à la
tribune. « Profitez de cette journée les
jeunes, c’est votre moment. » « Depuis
de longues semaines, nous avons
pensé cet évènement pour vous, c’est
une chance unique que vous avez au-
jourd’hui. » Salomé Berlioux, fonda-
trice de Chemins d’avenir, conclut sa
prise de parole en rappelant à quel
point il est primordial de laisser la
parole aux jeunes dans le débat pu-
blic, comme elle le clame à qui veut
l’entendre depuis le début de cette …

…
campagne. L’organisation a même
cru bon de faire venir Brice Teinturier,
directeur d’un institut de sondage,
pour qu’il présente aux jeunes leurs
propres avis, opinions et aspirations.
« Vous, les jeunes d’aujourd’hui, voici
ce qui vous préoccupe, et voici ce que
vous pensez. »
10 SECONDES PAR JEUNE,
43 MINUTES PAR CANDIDAT
À 10 heures, le show peut enfin
commencer et c’est Fabien Roussel
qui inaugure ce format : un candidat
sur scène, 45 minutes, 14 jeunes,
14 questions. Chaque jeune dispose
de 10 secondes pour se présenter et
poser sa question. Le reste du temps
est dévolu au candidat. Surtout, il est
bien précisé qu’il n’est pas possible
de répondre ou de reposer une ques-
tion complémentaire. Le « timing trop
serré » vient légitimer l’absence de
dialogue. À de nombreuses reprises,
les candidats usent de leur talent
oratoire pour éviter les questions.
Seuls les deux journalistes présents
sur scène peuvent reformuler la
question ou creuser une réponse
qui semble fébrile. Lorsque Carine
Bécard demande à un jeune entre-
preneur si la réponse formulée par
Valérie Pécresse sur le soutien à la
L’émission du 22 février « Des candidats et des jeunes » organisé par France inter et Chemins d'avenir est visionnable sur
vivre ensemble
création des entreprises lui convient,
celui-ci, désarçonné par la question-
surprise, peine à trouver ses mots. en bref
La journée se terminera par la
conclusion de Thomas Snegaroff, RÉPRESSION ASSOCIATIVE, BIS
journaliste à France inter, qui reprend Dans TRI n°482, nous vous relayions
les mots de Brice Teinturier le matin- l’inquiétant premier rapport de l’Ob-
même : « Après ça les jeunes, je vous servatoire des libertés associatives.
supplie d’aller voter, sinon ce sera une En février, un nouveau rapport s’inté-
démocratie de seniors. » Et si au lieu resse aux sanctions abusives des
de nous rabâcher les oreilles avec associations de défense des droits
l’éternelle injonction à aller voter, on des musulmans, comme la dissolution
nous laissait véritablement la parole du CCIF après l’assassinat de Samuel
pour «  dialoguer sans filtre  » avec Paty. Une « nouvelle chasse aux sor-
les candidats ? Les jeunes présents cières » d’autant plus préoccupante
auraient été en capacité d’animer ce que la loi « séparatisme » vient « légali-
genre de débat. Encore aurait-il fallu ser des dispositions qui n’existaient
y penser… pas dans le droit jusqu’à présent et
Quant à l’épisode avec le jeune en- qu’on décrit dans ce rapport », selon
trepreneur, il rappelle que nous ne Julien Talpin, co-auteur.  ■
sommes pas tous égaux face à la prise
de parole : le niveau d’éducation et le LE FLOP DES PEC
milieu social y jouent pour beaucoup Après la fin des contrats aidés en 2017,
et c’est tout le propre de l’éducation le quinquennat s’achève selon le Col-
populaire de partir de ce constat pour lectif des associations citoyennes sur
accompagner et former, avec des ou- une « nouveau coup de canif à la
tils, à cette prise de parole. Cet aspect politique de l’emploi associative ».
est essentiel car ce n’est qu’en laissant De 260 000 contrats aidés supprimés,
réellement la place aux principaux on passe à 67 000 Parcours emploi
concernés qu’on leur permettra de compétences (PEC) financés en 2022.
prendre part à la vie politique du pays. La durée maximale des contrats a été
■ Maël Pousset
réduite, leur prise en charge par l’État
et Jade Bernard-Grignola
aussi. Piètre reconnaissance du rôle
d’« amortisseur des conséquences
de la pandémie » que les assos de
solidarité endossent depuis 2020.  ■
ADIOS, TERRA FECUNDIS
Le tribunal de Nîmes a rendu le 1er avril
son jugement dans l’affaire Terra
fecundis, l’entreprise espagnole qui
détournait le travail détaché en four-
nissant à des agriculteurs français des
ouvriers sud-américains sous contrat
espagnol, dans des conditions com-
parables à la « traite négrière » selon
le procureur. Elle est condamnée à
375 000 euros d’amende et interdite
d’exercer en France, tandis que sept
de ses clients écopent d’amendes
et de sursis pour avoir hébergé les
MRJC
travailleurs dans des conditions in-
dignes. ■
Internet : www.youtube.com/watch?v=fzwFQgeFiOo.
n˚490• février - mars - avril 2022 Transrural initiatives 5
ménager les ressources
initiative
Habitats légers dans une démarche
solidaire et écologique
Pour répondre aux besoins croissants de logement et dans une
recherche de résilience de son territoire, la commune de Plessé a
lancé le premier appel à projet de hameau léger et réversible.
« Afin de proposer une ré-
ponse écologique et acces-
sible financièrement au besoin
croissant de logement dans la
commune, le conseil municipal
de Plessé a décidé d’impulser
la création d’un hameau léger. »
C’est ainsi que la commune de
Plessé (44) présente son appel
à projet1. Il s’agit d’installer des
habitats légers et réversibles
dans un cadre collectif. Selon
l’association Hameaux légers2,
qui vient en appui aux initia-
teurs, l’intérêt de ces habitats
consiste entre autres à limiter
l’imperméabilisation des sols,
qui peuvent être restitués à la nature
ensuite.
DYNAMIQUE COLLECTIVE
On construit des logements de taille
modeste (entre 40 et 80 m²) dispo-
sant d’annexes collectives – buande-
rie, logements d’appoint… – pour les
besoins « mutualisables » en utilisant
les matériaux les plus écologiques.
Les constructions sont des yourtes,
des maisons-containers, des construc-
tions en terre, bois… toujours démon-
tables. Mais ces hameaux légers ne
peuvent fonctionner que s’il y a une
dynamique collective et solidaire, une
volonté de services mutualisés, de
vivre en proximité, etc.
Ce projet a été initié par le comité
consultatif « Cadre de vie et transi-
tion territoriale »3, composé d’élus et
de VIP (volontaires investis à Plessé).
Soucieux de répondre à de fortes
12 Transrural initiatives n˚490• février - mars - avril 2022
demandes de logement – Plessé se
situe dans l’agglomération de Redon,
à 50 km de Nantes, proche égale-
ment de Saint-Nazaire – et d’amener
leur territoire à être résilient après
des années d’agriculture intensive et
de bétonnisation, le comité a accé-
léré ses réflexions suite à sa rencontre
avec l’association Hameaux légers.
Son choix s’est porté sur un terrain de
7 000 m² appartenant à la commune,
en proximité du bourg du Coudray, ce
1 - https://hameaux- qui permet une proximité des services.
legers.org/projets-
accompagnes/plesse
650 DEMANDES
2 - https://hameaux- L’appel à projet est conçu pour que
legers.org/, cf. TRI
n°483. des groupes de familles ou personnes
y répondent avant le 13 mars en se
3 - https://www. constituant en association ; c’est la
commune-de-
plesse.com/comites- municipalité qui fera la sélection.
consultatifs L’association devra regrouper au
4- https://www. minimum trois familles ou personnes
bruded.fr/ et s’élargir ensuite ; ceci pour garantir
la fiabilité du groupe de départ.
Depuis cet automne, la com-
mune a recensé quelque 650
demandes ! Le comité consultatif
imagine que ce premier hameau
sera composé de douze habita-
tions. La commune va louer le
terrain à l’association retenue
via un bail emphytéotique de
99 ans. Chaque foyer versera
un loyer mensuel de 150 €. Les
constructions seront financées
par les habitants. On estime des
budgets de 40 000 à 80 000 €.
Fin janvier, un séminaire de ré-
flexions sur ces questions d’ha-
bitat et de résilience a regroupé
une centaine de personnes. Des
curieux, mais aussi des personnes
directement intéressées, de jeunes
couples séduits par l’idée d’habi-
ter avec un minimum d’impact sur
le milieu, n’ayant pas de très gros
moyens financiers et intéressés par la
démarche coopérative. Pour la muni-
cipalité et le comité consultatif, il y a
un très gros enjeu à ce que ce projet
et les futurs habitants s’insèrent dans
la vie locale. Thierry Lohr, adjoint à la
maire et pilote de ce projet, attache
une grande importance à la qualité du
« vivre ensemble », condition indispen-
sable pour la résilience du territoire.
Les premiers habitats doivent émerger
en septembre 2023. D’autres com-
munes suivent avec intérêt l’initiative,
notamment des membres de l’asso-
ciation Bruded4, réseau d’échange de
pratiques et de savoirs entre élus.
■ Michel Carré
 DOSSIER
DÉVELOPPEMENT AGRICOLE ET RURAL
● Des Ciam au Réseau Civam,
60 ans d’histoires......................................... II
● Pourquoi des groupes Civam ?....................V
● L’Adar-Civam :
une association, trois collèges..................VI
● Paysan-chercheur pour l’autonomie........VII
● 40 ans de Civam.........................................VIII
● De la technique à l’éducation populaire
et vice-versa...............................................IX
● De l’accompagnement à la modernisation
vers l’opposition au modèle dominant........X
● Les « Apach » de l’agroécologie................XII
● Des fermes ouvertes à tous.....................XIII
● Quand Civam rime avec « femmes ».........XIV
● L’alimentation, un lien entre la durabilité,
les circuits courts et l’accueil.................XVI
Transrural initiatives
UNE HISTOIRE DES CIVAM ET DU
N
ovembre 2021. Nous organisons les Journées nationales et l'anniversaire du mouve-
ment à Mèze, au bord de l’étang de Thau. 60 ans au niveau national, 40 ans pour
la Fédération régionale d’Occitanie. 60 ans que nous existons ! En vue de ce rassem-
blement, nous « fouillons » dans les archives. Très vite, les adhérent·es, spontanément
parfois, retrouvent une multitude de documents, de photos… Ils et elles se souviennent
d’anecdotes, d’évènements… Des vidéos sont revues, une trouvaille en amène une autre
et nous croulons bientôt sous l’abondance de cartons racontant plus d’un demi-siècle d’aventures !
Souvenirs, étonnements, questionnements, sourires, éclats de rire ralentissent les recherches. Les
paroles se libèrent. D’autres, alors, nous interrogent. Ils et elles s’intéressent à notre histoire :
paysan·nes nouvellement arrivé·s, salarié·es, professeur·es d’université, chercheur·ses… Serions-
nous si singuliers ? D’où nous vient cette originalité qui crée tant d’intérêt pour le peu que nous
dévoilons ?
Aujourd’hui, nous publions ce dossier qui vous donnera l’envie (enfin, nous le souhaitons) de re-
joindre les Civam dans ce travail sur son histoire. Cherchez bien, souvenez-vous ou simplement
osez. Vous avez sans doute quelques trésors que vous pourriez apporter, partager, des remarques.
Accompagné·es par l’Adir, des chercheurs… ensemble, nous proposerions ainsi une nouvelle écri-
ture du chemin parcouru. Gageons que nous susciterions plus d’énergie encore pour participer à la
restauration de campagnes vivantes.
Dans un premier temps, plongeons dans ces quelques pages qui retracent « une » histoire des Civam.
Vous y trouverez, en creux, une histoire du développement agricole et rural, depuis la création des pre-
mières associations de vulgarisation chargées d’accompagner la modernisation jusqu’à la mobilisation
au sein de la Plateforme pour une autre PAC1. Nous espérons ainsi vous montrer la spécificité d'un mou-
vement d'éducation populaire dans le champ agricole et rural, l’intérêt des échanges entre agriculteurs
et avec les citoyens pour inventer de nouvelles pratiques et anticiper les attentes de la société… Sans
doute ces éclairages sur les thématiques d’actualité, ce retour historique sur les questions d’autonomie,
de durabilité, de circuits courts, d’accueil à la ferme, de genre, d’alimentation… vous questionneront et
ainsi, enrichi·es de ce temps partagé, nous poursuivrons le chemin.
Rejoignez-nous2 !
■ Maryse Degardin, Réseau Civam
1. Politique agricole commune de l'Union européenne.
2. Contact : contact@civam.org.
n˚490• février - mars - avril 2022 Transrural initiatives I
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Vous po r un numéro eniatives.org
Transrural ou c
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initiatives
La revue associative des territoires ruraux
Transrural initiatives est une revue bimestrielle portée par des organisations de dévelop- ier-février 2018
/ 10 euros
initiatives n°466 / janv

pement agricole et rural qui se reconnaissent dans les valeurs de l’éducation populaire.
En s’appuyant sur un comité de rédaction composé d’acteurs du développement rural
(animateurs, militants associatifs), associés à des journalistes, elle propose une lecture
de l’actualité et des enjeux concernant les espaces ruraux qui privilégie les réalités de ter-
rain et valorise des initiatives locales et innovantes. La revue appréhende ces territoires
dans la diversité de leurs usages et met en avant des espaces où il est possible d’habi-
ter, de se déplacer, de s’instruire, de se cultiver, de produire, de se distraire et de tisser
des liens. Ces expériences locales illustrent concrètement des alternatives au modèle
de développement économique dominant, marqué par la mise en concurrence géné- • SE SENTIR DE NOU
VEAU ACTEUR
• « ZAD WILL SUR
VIVE »
ralisée, la disparition des solidarités et l’exploitation aveugle des ressources naturelles. •SIX MOIS D’ÉTAT
S GÉNÉRAUX, POUR
QUOI ?
Transrural entend sortir de la morosité ambiante et invite à l’action ! Dans chaque
QUEL MONDE LES NO
numéro, un dossier thématique permet d’approfondir une question (ex. : Agriculture RMES CONSTRUISE Dossier
et société : vers un nouveau contrat ; Repenser l’accueil des migrants dans les terri- NT-ELLES ?
?
toires ruraux ; Les champs de la culture revisités…).
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