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Cartographe
Hugues Piolet est journaliste indépendant, spécialisé dans la communication
par l’image. Diplômé de l’École Estienne, il a réalisé un grand nombre d’infogra-
phies pour la presse, l’édition ou la publicité. Collaborateur de longue date des
mensuels GEO et Historia, il est aussi chargé de l’adaptation en français des
illustrations du National Geographic Magazine. Ses domaines de prédilection
sont la géopolitique, l’écologie, l’histoire, les arts visuels et les voyages.
Maquette : Twapimoa
Coordination éditoriale : Anne Lacambre
Lecture-correction : Carol Rouchès
ISBN : 978-2-7467-5288-7
© 2019, Éditions Autrement
87, quai Panhard et Levassor, 75647 Paris Cedex 13
www.autrement.com
Tous droits réservés. Aucun élément de cet ouvrage ne peut être reproduit,
sous quelque forme que ce soit, sans l’autorisation expresse de l’éditeur et
du pro-priétaire, les Éditions Autrement.
Éditions Autrement
Collection Atlas/Monde
Atlas militaire
et stratégique
81 L’avenir de la guerre
82 Des « guerres climatiques » ?
84 Technologies et futur de l’homme
dans les opérations
Préface
L
e célèbre aphorisme de Clausewitz – la guerre est un un élément important de la stratégie, un tel éclairage est
caméléon – semble caractériser la période actuelle, nécessaire pour apprécier les données de la stabilité stra-
même si c’est sous des formes que le penseur de tégique. Il permet de clarifier les concepts, s’agissant des
l’ère napoléonienne n’était pas en mesure d’imaginer. formes non conventionnelles, hybrides ou asymétriques
L’atlas conçu par la Fondation pour la recherche straté- qui constituent la réalité de la plupart des conflits actuels,
gique sous la direction de Bruno Tertrais s’ouvre cepen- ainsi qu’en témoigne entre autres la crise syrienne, guerre
dant sur un constat qui pourrait inciter à première vue à civile au départ devenue le champ clos d’une multitude
un certain optimisme : le nombre de conflits armés entre d’acteurs, étatiques ou non, aux objectifs contradictoires,
États se situe en effet aujourd’hui à un point bas histo- dont l’éphémère mais terrifiant califat de l’État islamique.
rique. Pourtant, si la guerre au sens classique n’est presque La crise ukrainienne, quant à elle, qui apporte dans un
nulle part, la conflictualité, elle, est partout, non sans que silence quasi général son lot de victimes quotidiennes,
le terme de guerre ne s’en soit trouvé quelque peu gal- marque le retour de la piraterie dans la pratique des États.
vaudé – de la « guerre à la terreur » lancée par G.W. Bush Tout en présentant un « instantané » de l’année 2018,
au lendemain du 11 septembre 2001 à la « cyberguerre », l’atlas rappelle également que ces situations doivent
dont les manœuvres russes destinées à influencer le résul- s’apprécier dans une perspective de longue durée : l’état de
tat des élections présidentielles américaines constituent un crise serait ainsi devenu la normalité, mais le risque d’une
exemple marquant. Ainsi que la dernière revue stratégique guerre de grande ampleur, contenu jusqu’à présent par la
française l’a souligné, l’incertitude constitue l’un des fac- dissuasion, en constitue plus que jamais la toile de fond.
teurs essentiels à prendre en compte dans l’analyse de Un accent particulier est mis à ce sujet sur l’importance
notre environnement de sécurité, affectant jusqu’à des élé- des développements technologiques. S’il est vrai que les
ments aussi structurants que la solidité de nos alliances ou forces les plus modernes peuvent se trouver en difficulté
l’existence même d’un régime de contrôle des armements. face à des adversaires aux moyens d’action rudimentaires,
Dans un tel contexte, l’atlas fournit des données actuali- la recherche de la supériorité technologique redevient un
sées et fiables sur l’état des forces en présence dans le enjeu majeur dans lequel les États-Unis, craignant de se
monde. Il éclaire les stratégies et les doctrines militaires voir rattraper par la Russie ou la Chine, ont décidé de s’in-
des principales puissances telles qu’elles se reflètent vestir à nouveau massivement. Pour quiconque s’intéresse
dans les textes officiels et les politiques mises en œuvre. aux grands défis actuels dans un esprit d’objectivité, cet
La transparence n’étant pas une norme universelle dans atlas devrait donc constituer l’outil de choix.
ce domaine et le discours lui-même pouvant constituer Bruno Racine
Le milieu aérien
Les opérations aériennes sont inventées de façon ad hoc pendant le premier conflit mondial
puis théorisées pendant l’entre-deux-guerres. Toutes les grandes puissances y ont aujourd’hui
recours. Grâce à la rapidité et à l’allonge de l’aéronef puis du missile, la « puissance aérienne »
permet d’étendre les effets directs de l’action militaire, de comprimer le cadre espace-temps
de la confrontation.
Un siècle de stratégies nucléaire dont la puissance aérienne obstination. C’est la stratégie améri-
aériennes peut constituer une des composantes. caine contre le Nord-Vietnam en 1965-
Après la Première Guerre mondiale, Au niveau opérationnel, l’emploi des 1968. Elle se solde par un échec, tout
émerge une « théorie de la puissance forces aériennes a relevé par le passé comme, plus récemment, les stratégies
aérienne » dont le premier axiome de stratégies de « représailles » (ex. : de « paralysie » de la prise de déci-
est que l’obtention de la supériorité Grande-Bretagne contre Allemagne sion stratégique adverse (ex. : Irak en
aérienne sur l’adversaire est un prére- en 1942-1945). Il procède cependant 1991). Cette recherche de la paralysie
quis de toute opération, une exigence plus souvent et avantageusement est également à la source des opéra-
jamais démentie depuis. Un second de stratégies « d’interdiction » de la tions d’élimination ciblées qui ont pris
axiome est que la puissance aérienne résistance de l’adversaire consistant de l’ampleur dans le cadre lutte anti-
peut être décisive en frappant directe- à fermer ses options en détruisant terroriste américaine au Pakistan, en
ment les centres de gravité adverses. ses moyens militaires, ses capacités Somalie ou au Yémen depuis 2001.
Ce caractère décisif est un sujet de de transport, de soutien, de com- Plus largement, dans l’ensemble des
controverse à l’occasion de chaque munication et ses ressources indus- crises et des conflits armés, les forces
guerre depuis un siècle. De fait, la trielles (États-Unis contre Allemagne aériennes fournissent surtout un
puissance aérienne a souvent repré- en 1942-1945 ou contre Nord-Vietnam renseignement essentiel tant au profit
senté le fer de lance des stratégies en 1972, OTAN contre Yougoslavie en des autorités que des forces de sur-
de coercition mais n’est jamais parve- 1999). Durant la guerre froide, émerge face, qu’elles appuient également par
nue à elle seule à annihiler une entité une nouvelle stratégie, celle de « l’es- leurs feux et dont elles contribuent à la
ennemie. La théorie trouve cependant calade » : l’ennemi doit renoncer par projection et au soutien.
son aboutissement avec la dissuasion anticipation des coûts futurs de son
ATLAS STRATÉGIQUE
20-21_Milieu aérien_A / Les principaux types d’opérations aériennes
Commandement Intelligence,
et contrôle (C2) surveillance et
reconnaissance
PC Counterair (ISR)
Counterland
Suppression
Ravitaillement des défenses Chasse
en vol Défense antiaériennes
(SEAD) Appui aérien rapproché Interdiction
antiaérienne (Close Air Support, CAS)
et antimissile
Mobilité
Transport Ciblage
aérien d’opportunité
(Airlift)
Un « système de force » aérien une plus grande flexibilité des opéra- Cette puissance aérienne, d’inspira-
en mutation permanente tions aériennes, autorisant notamment tion américaine, se heurte à des dis-
Lors des trois dernières décennies, le ciblage dynamique des objectifs positifs de défense antiaérienne et
les forces aériennes américaines en fugaces ; électronique de plus en plus étoffés,
premier lieu, celles des principales - la polyvalence des avions de combat, d’inspiration russe, dont les moyens
puissances européennes en second qui deviennent également des cap- de détection limitent les avantages
lieu, celles d’autres pays désormais, teurs de renseignement, voire avec la de la furtivité, dont certains missiles
ont connu plusieurs ruptures capa- nouvelle génération (F-35) des nœuds atteignent des centaines de kilo-
citaires à l’aune des progrès de la de contrôle tactique des opérations ; mètres de portée quand d’autres
technologie : - le recours aux drones qui limite l’ex- sont en mesure d’abattre les muni-
- la généralisation de la frappe de position des pilotes et démultiplie le tions guidées. Pour surclasser ces
précision (de l’ordre du mètre) grâce temps de présence dans le ciel (plu- défenses, trois réponses se dessinent,
aux armements guidés par laser et/ou sieurs heures, voire jours) et partant qui façonneront l’avenir de la puis-
GPS. Outre l’amélioration de la qualité de là, les capacités de surveillance sance aérienne : la vélocité grâce aux
des effets, elle contribue au principe et de frappes d’opportunité. Ces sys- missiles hypersoniques (dépassant
d’économie des forces ; tèmes téléopérés sont en effet avant Mach 5) au moins aux États-Unis,
- la frappe à très longue portée avec tout dédiés au renseignement mais en Russie et en Chine ; la saturation
les missiles de croisière ; les drones armés connaissent un grâce aux munitions « bas coût » et
- la furtivité, principalement radar, développement croissant (émulation aux essaims de drones ; enfin la para-
qui limite les capacités de détection du modèle américain avec des drones lysie du C2 adverse avec le recours
adverse et donne un temps d’avance bas coût analogues au Predator ou croissant à l’attaque électronique et
dans la manœuvre aérienne ; mini-drones armés qui émergent ces l’émergence de la guerre cyber au
- la mise en réseau des aéronefs et ATLAS
dernières STRATÉGIQUE
années entre les mains niveau tactique.
des centres d’opérations. Elle permet d’acteurs non étatiques).
20-21_Milieu aérien_B / Les aptitudes des principales forces aériennes mondiales
APTITUDES DES PRINCIPALES FORCES AÉRIENNES MONDIALES
CORÉE DU NORD
ÉTATS- JAPON
UNIS RUSSIE CORÉE DU SUD
TAÏWAN
CHINE
SUÈDE
NORVÈGE FINLANDE
DANEMARK MALAISIE
ROY.-UNI
PAYS-BAS ALLEMAGNE INDONÉSIE
PAKISTAN AUSTRALIE
FRANCE
INDE
ITALIE TURQUIE IRAN
ESPAGNE
MAROC
ISRAËL ARABIE
ALGÉRIE É.A.U.
ÉGYPTE SAOUDITE
Aptitudes opérationnelles
Campagne aérienne complète, partout dans le monde, Opérations aériennes limitées, régionales à hémisphériques,
en environnement non permissif (forte défense anti-aérienne en environnement semi-permissif (< 10 avions de combat
adverse) projetables, moyens réduits d’ISR et de mobilité)
Opérations aériennes significatives, jusqu’à des distances Défense aérienne du territoire et projection de puissance
hémisphériques, en environnement semi-permissif (quelques dans les atterrages (> 100 appareils de combat mais forces
dizaines d’avions de combat projetables, avec moyens peu projetables)
de C2, d’ISR, de mobilité et de soutien)
Composante nucléaire aéroportée Porte-avions
Moyens de quelques forces aériennes majeures
ÉTATS-UNIS
CHINE
RUSSIE
INDE Bombardiers (dont furtifs) Drones de théâtre / stratégiques
ISRAËL
FRANCE Appareils tactiques : Appareils ISR / guerre électronique
ROY.-UNI - dont génération 5, Avions de C2
TURQUIE les plus modernes
ALLEMAGNE
- dont considérés Ravitailleurs en vol
IRAN Échelle = 100 appareils comme obsolètes Transport
Source : International Institute for Strategic Studies, Military Balance 2018.
L’espace extra-atmosphérique
L’espace extra-atmosphérique est un milieu aux caractéristiques physiques très particulières
induisant des contraintes spécifiques. D’un point de vue militaire et stratégique cela suppose
de penser les conditions particulières de mise en valeur, d’occupation et d’utilisation par rapport
ATLAS
aux autres milieux (terre, mer, air, mais aussiSTRATÉGIQUE
lieux hostiles : fonds sous-marins, etc.).
22-23_Espace extra-atmosphérique A / Puissances spatiales : capacités de lancement
RUSSIE
CANADA Plessetsk 146 89
34 1 ASE/ESA
Vostotchny
45 Baïkonour CORÉE DU SUD
14 1
L’espace est caractérisé par une des problématiques sécuritaires lui du budget mondial de R&D très inéga-
vocation planétaire, qui en fait un lieu étant associées et de l’image de puis- lement réparti selon les États. En 2018,
d’expression géopolitique et d’enjeux sance que son occupation confère. 1 886 satellites sont opérationnels sur
stratégiques majeurs : enjeux écono- les plus de 8 500 satellites lancés dans
miques et industriels de par son uti- Les « forces en présence » l’espace circumterrestre depuis 1957
lisation massive et permanente dans La croissance de l’utilisation de l’es- dont environ un tiers sont issus de
nos sociétés contemporaines ; enjeux pace depuis 1957 est rapide. Onze programmes militaires (plus de 400).
militaires par la nature des technolo- puissances spatiales disposent de Si une vingtaine de pays possèdent
gies développées et utilisées comme capacités opérationnelles de lance- des satellites militaires, les États-Unis
par les potentialités qu’il offre (sur- ment orbital mais surtout le nombre ont une part largement prédominante
veillance, détection, communications, de pays propriétaires de satellite ne puisqu’ils concentrent 80 % des utili-
armes spatiales…) ; enjeu symbolique cesse d’augmenter (plus d’une cen- sations militaires de l’espace avec un
car vecteur d’une image de modernité taine). Les dépenses publiques mon- budget spatial total représentant 60 %
et de maîtrise des hautes technolo- diales pour le spatial sont de plus de des budgets spatiaux mondiaux.
gies ; enjeux diplomatiques en raison 70 milliards de dollars, soit environ 6 %
L’évolution des questions l’été 2018. Cette situation largement de collision avec un satellite. D’autre
spatiales militaires asymétrique peut pousser les autres part, la possible arsenalisation de l’es-
Historiquement liées aux préoccupa- acteurs à s’engager dans la même pace et son corollaire, la guerre dans
tions de sécurité et de défense, les voie, alors même qu’ils la dénoncent l’espace.
années quatre-vingt-dix marquent un et qu’elle ne représente pour eux que Protéger les installations spatiales et
tournant dans la « course » à l’espace des inconvénients dans la mesure où prévenir toute évolution pouvant les
sous l’action combinée de plusieurs la faiblesse de leurs moyens spatiaux mettre en danger sont devenus l’un
causes : fin de la guerre froide, nou- propres ne la rend pas indispensable, des enjeux clés de la scène inter-
veaux acteurs étatiques émergents. qu’elle est coûteuse et qu’elle officia- nationale. La préservation de l’envi-
Le phénomène s’est accru depuis lise la légitimité de l’approche amé- ronnement spatial et l’évolution des
10 ans avec l’irruption en force des ricaine qu’ils voulaient initialement postures stratégiques et opération-
acteurs privés sur la scène spatiale empêcher. nelles dans l’espace sont ainsi au
mondiale, la multiplication des appli- cœur de la notion de sécurité spatiale,
cations civiles et commerciales et les Au cœur des préoccupations thème à l’importance croissante dans
nouveaux usages de l’espace (véhi- stratégiques : la sécurité les enceintes internationales.
cules de services en orbites en projet spatiale Les conditions de cette sécurité spa-
notamment). Au-delà de la seule situation des États- tiale impliquent de disposer des
Sur le plan militaire, la part de plus Unis, la dépendance accrue des socié- moyens d’acquérir la connaissance la
en plus prépondérante des systèmes tés contemporaines aux systèmes plus fine possible de la situation spa-
spatiaux conduit à ce qu’ils ne soient spatiaux a comme conséquence stra- tiale. Seuls les États-Unis possèdent
plus seulement un « multiplicateur » tégique majeure d’inscrire au cœur aujourd’hui un système de surveil-
de forces mais un élément essentiel des préoccupations de sécurité et de lance globale complet de la situation
de la conception et de la conduite des défense la question de la vulnérabilité spatiale, affichant une volonté relative
opérations. Si l’espace a eu un rôle des satellites. Vulnérabilité inhérente de transparence via la mise en place
stabilisateur pendant la guerre froide à la nature physique de l’espace ATLAS mais d’abonnements aux données qu’ils
STRATÉGIQUE
(estimation des capacités adverses, également vulnérabilité aux risques génèrent et confortant ainsi leur hégé-
vérification du respect des traités 22-23_Espace extra-atmosphérique
et menaces d’origine humaine parmi B monie. / Surveillance
Face aux des objets
risques en orbite
futurs et à
de limitation des armements), l’idée lesquels deux sont principalement l’attribution des responsabilités res-
qui tend à s’imposer depuis le début identifiés. D’une part, la multiplication pectives, la surveillance de l’espace
des années 2000 est que l’espace, significative des débris en orbite qui devient désormais un véritable élément
comme n’importe quel autre milieu, augmente corollairement les risques de souveraineté.
est appelé à devenir un champ d’af-
frontement direct pour la puissance y SURVEILLANCE DES OBJETS EN ORBITE
compris dans sa dimension militaire
Nombre d’objets en orbite, en milliers
opérationnelle. Il ne s’agit plus dès 16
lors d’envisager uniquement de com-
battre depuis l’espace mais également
14
de combattre dans l’espace. Cette
posture est aujourd’hui principalement
tenue par les États-Unis dont la supré- 12
matie spatiale crée paradoxalement
une perception de vulnérabilité accrue 10
conduisant à une évolution de sa doc-
trine militaire. Passant d’un concept
8
d’espace « sanctuarisé » aux concepts
de « space control » et « space domi-
nance », elle affiche trois volets com- 6
plémentaires : la surveillance de
l’espace permettant l’identification 4
Source : ASE/ESA, 2018.
Le nouveau « théâtre »
européen
L’Europe est de nouveau un « théâtre » de confrontation. Le face-à-face n’est plus celui de la
guerre froide. La défense de l’Europe est assurée par l’OTAN, qui dispose d’une supériorité globale
vis-à-vis de la Russie, mais celle-ci dispose localement d’un potentiel militaire important. L’Union
européenne a entamé, depuis le début des années 1990, une coopération visant à lui donner une
plus grande autonomie et compléter les missions de l’OTAN. Tous les pays européens augmentent
leurs budgets de défense, avec pour objectif qu’ils atteignent 2 % du produit intérieur brut.
LE NOUVEAU « THÉÂTRE »
EUROPÉEN Points chauds OTAN (29 pays membres) Organisation du traité de
Zones de tensions 17 pays membres 1949-1989 sécurité collective
Conflits ouverts 12 pays membres depuis 1989 6 pays membres
SUÈDE FINLANDE
NORVÈGE
Océan
Atlantique
ESTONIE
Mer Mer 1 200 h. (U.-K.) KIRGHIZSTAN
du Nord Baltique LETTONIE
DANEMARK RUSSIE
1 100 h. (Can.) TADJIKISTAN
IRLANDE
Kaliningrad LITUANIE
ROYAUME-UNI (RUSSIE) 1 000 h. (All.)
PAYS-BAS
Trouée de Suwalki
CANADA 1 200 h. (É.-U.) KAZAKHSTAN
BELGIQUE ALLEMAGNE BIÉLORUSSIE
Evere POLOGNE
ÉTATS-UNIS Mons RÉP. TCHÈQUE UKRAINE
LUX. Donbass
SLOVAQUIE
Norfolk FRANCE Transnistrie
AUTRICHE
SUISSE HONGRIE MOLDAVIE Ossétie
ROUMANIE
du Sud
SLOVÉNIE
CROATIE Abkhazie
PORTUGAL ITALIE BOSNIE- Crimée GÉORGIE AZERB.
SERBIE
HERZ. Mer Noire ARMÉNIE
BULGARIE
ESPAGNE MONT.
MACÉ.
Haut-
ALBANIE
Karabagh
TURQUIE
Mer Méditerranée
GRÈCE IRAK
MAROC SYRIE
ALGÉRIE MALTE
TUNISIE
CHYPRE LIBAN
500 km
Pologne et dans les pays baltes (4 500 compléter en menant des actions de mis en place un Fonds européen de
combattants). Une telle force ne pour- prévention des conflits, d’assistance défense et activé la Coopération struc-
rait se défendre seule contre une inva- humanitaire, de maintien de la paix et de turée prévue par le traité de Lisbonne en
sion russe : des renforcements seraient reconstruction de l’État. L’UE a ainsi réa- vue d’un approfondissement de la coo-
nécessaires. lisé 34 opérations depuis 2003. En 2018, pération militaire. Pour compléter cette
17 étaient en cours (dont 6 missions mili- dernière, et pour amarrer Londres au
L’Union européenne taires). L’UE dispose de toute la gamme dispositif de l’Union, la France a lancé
Depuis le début des années 1990, l’Eu- des moyens de gestion des crises. Mais une Initiative européenne d’interven-
rope procède, par petites touches, à la plupart des États membres restent tion réunissant dix pays (Allemagne,
l’édification d’instruments communs réticents à l’idée d’engager l’Europe de Belgique, Danemark, Espagne, Estonie,
de défense et de sécurité. Le traité de manière autonome pour des missions France, [Finlande], Pays-Bas, Portugal,
Lisbonne (2007) comprend une clause importantes et certains craignent d’af- Royaume-Uni) et visant, hors du cadre
d’assistance mutuelle (invoquée par faiblir l’OTAN. de l’UE, à accroître la capacité à inter-
Paris en 2015) et une clause de défense La dégradation du contexte internatio- venir des pays volontaires. De leur côté,
mutuelle. L’Union a également mis en nal, le départ annoncé du Royaume- neuf pays du nord de l’Europe, emme-
place des groupements tactiques inter- Uni – 20 % des capacités de défense nés par le Royaume-Uni, ont constitué
armées, unités de 1 500 hommes pou- de l’Union, voire plus dans certains une Force expéditionnaire commune.
vant être déployées sous 10 jours. domaines : drones, AWACS, avions L’objectif d’une « défense commune »,
Il ne s’agit pas de remplacer l’OTAN : les ravitailleurs… – et les incertitudes sur inscrit dans les traités européens, a
pays de l’Union qui en sont membres l’avenir de la politique américaine ont peu de chances d’être réalisé tant que
ne le souhaitent pas et ceux qui sont conduit les membres de l’Union à passer l’OTAN sera considérée comme une
neutres ou non alignés ne veulent pas la vitesse supérieure. L’UE s’est dotée organisation crédible.
d’une alliance militaire. Il s’agit de la d’une capacité de planification. Elle a
La défense en France :
stratégie, budget, équipement
Dans un contexte d’aggravation des facteurs de déstabilisation, de durcissement des conflits
armés et de prolifération capacitaire, la stratégie de défense de la France revue en 2017
reste fondée sur les constantes de la préservation de l’autonomie stratégique et du maintien
d’un modèle d’armée complet, dont le financement doit en théorie permettre de réaliser
l’impérative modernisation.
INVENTAIRE COMPARÉ DES PRINCIPAUX ÉQUIPEMENTS EN 2019 ET 2025 PRÉVUS PAR LA LPM
Le Sahel : la guerre
comme horizon ?
La déstabilisation de la Libye consécutive à la révolte dans le pays et à la déposition du colonel
Kadhafi, immuable « Guide » de ce pays depuis 42 ans, a créé une onde de choc qui a précipité
le Sahel dans un continuum ininterrompu de crises et de conflits.
Le Sahel (« le rivage » par opposition à l’Afrique : l’Éthiopie, l’Érythrée, Djibouti Sur le plan historique et jusqu’à
« l’océan » saharien) est une zone de et la Somalie. Sur le plan géopolitique, aujourd’hui, les confréries malékites
5 500 km sur 500 de large qui va géo- aujourd’hui on se réfère à la liste initiale jouent un rôle majeur. Ce sont ces
graphiquement du Sénégal au Soudan moins le Sénégal et le Cap-Vert, mais la dernières – la Qadirrya et la Tidjanya –
(Darfour). C’est une zone sèche et Libye y est associée en raison de son qui ont conduit le fameux djihad du
semi-aride, rencontre de populations interaction stratégique tout comme le xixe siècle et qui donnèrent lieu, entre
nomades et de fermiers d’origines Sud Algérien. autres facteurs, aux empires du Sokoto
diverses (Touaregs, Maures, Peuls, et du Macina. Mais ces structures tradi-
Dogons, Toubous, etc.) avec quelques Les confréries, facteur tionnelles subissent depuis les années
ressources du sous-sol (uranium au structurant du Sahel… 1980 la concurrence acharnée de l’islam
Niger, pétrole au Darfour). Cette région jusqu’à quand ? du Golfe où des pays comme l’Arabie
est composée des pays suivants : L’islam confrérique y a toujours joué saoudite et le Qatar subventionnent à
Sénégal, Mauritanie, Mali, Burkina Faso, une place importante, même si elle grands frais mosquées et médersas
Tchad, Soudan (Darfour, Kordofan) et les fut unATLAS
temps STRATÉGIQUE
occultée par la colo- prêchant l’islam rigoriste du Golfe (le
îles du Cap-Vert. En étirant le concept, nisation. Historiquement le Sahel salafisme) qui a facilité l’émergence du
74-75_Sahel/ Enjeux
certains analystes y ajoutent la Corne de est le siège de l’empire du Djihad. radicalisme armé.
ALGÉRIE
Adrar
In Amenas Sebha LIBYE
In Salah ÉGYPTE
SAHARA S A H Djanet A R A
OCCIDENTAL T O UA R E G S Koufra
Taoudenni Tamanrasset
TOUBOUS
MAURES
(ÉRYTHRÉE)
MAURITANIE Kidal NIGER
MALI Arlit Dirkou
Nouakchott Faya-Largeau
Tombouctou Agadez TCHAD
Gao SOUDAN
Dakar S A H E L
SÉNÉGAL PEULS DARFOUR
Bamako Mopti KORDOFAN
Ouagadougou Niamey
GUINÉE-
BISSAU BURKINA FASO NIGERIA
GUINÉE
BÉNIN Sahara Bande sahélo-saharienne
Conakry Enjeux territoriaux Enjeux économiques
Nige Aires ethnolinguistiques :
CÔTE r Hydrocarbures
(COLOMBIE)
GHANA Maures
D’IVOIRE Or Uranium Fer
Touaregs Nomades
500 km Toubous Flux de drogues et de contrebande
Source : Retaillé et Walther, 2011.
Peuls Sédentaires Flux migratoires vers l’Europe
L’effet libyen : MUJAO, Ansar Dine, le MNLA, le FNLA tchadien) dans leurs réduits monta-
la tache d’huile du chaos et le Front de libération de l’Azawad se gnards de l’Adrar des Ifoghas.
La déstabilisation libyenne de 2011 retrouvent avec Al-Qaida au Maghreb Des élections et une période de stabi-
ouvre une boîte de Pandore. Les mil- islamique (AQMI) pour s’attaquer à un lisation conduite avec l’appui des alliés
liers de mercenaires et combattants pouvoir malien incapable de réagir. En européens (MINUSMA) et d’une force
étrangers à la solde de Kadhafi et les l’espace de quelques semaines, ces africaine ont suivi cette période exclu-
islamistes libérés puisent dans les consi- groupes conquièrent le nord du Mali. sivement militaire. Mais les groupes se
dérables arsenaux libyens et descendent Gao, Tombouctou, Kidal tombent faci- sont éparpillés sur l’espace sahélien
vers l’ouest où les grands espaces lement pendant l’année 2012. En jan- (Niger, Burkina Faso, lac Tchad) et ont
sahéliens et la déficience des États per- vier 2013, les djihadistes poussent leur conduit des attentats jusqu’en Côte
mettent toutes les aventures. La situation avantage et montent sur Bamako. C’est d’Ivoire, et l’État islamique (Daech) qui
au Mali notamment est particulièrement à ce moment que les armées françaises a poussé sa corne en Libye commence
ATLAS
favorable car la non-résolution de STRATÉGIQUE
la interviennent dans une opération com- à s’implanter au Sahel au détriment
question touarègue a laissé une somme binée et aéroportée (opération Serval). d’AQMI alors que depuis le Nigeria,
74-75_Sahel / Opération Serval
de frustrations pendantes. Les organi- Les groupes sont balayés et poursuivis Boko Haram pousse vers le Tchad et
sations djihadistes locales comme le (avec le soutien d’un solide contingent le Cameroun. Face à cette situation la
France lance en août 2014 une nouvelle
L’OPÉRATION SERVAL phase, l’opération Barkhane dont le but
MALI ALGÉRIE est d’agir dans la mobilité sur cet espace
MAURITANIE gigantesque. 3 000 hommes ont ainsi
Ansar Dine
nt
neme
NIGER pour mission de briser les implantations
Kidal
enseig AQMI MNLA
Bom
R Tombouctou bard des groupes djihadistes au Sahel.
Ansar Dine eme
Gao MNLA nt
MUJAO
MUJAO
Transport de TCHAD Des réponses politiques
Dakar SÉNÉGAL Bamako troupes et militaires insuffisantes ?
Hélicoptères
r d’attaque Face à l’immensité du territoire à couvrir
ige BURKINA FASO
NIGERIA
N’Djamena
et à une menace en perpétuelle recom-
N