Vous êtes sur la page 1sur 2

4.

2 Les réponses des géographes

L’un des premiers signes d’un effacement relatif de l’approche marxiste radicale en géographie
économique fut l’extension, au début des années 1980, de l’intérêt porté aux « localités » (Urry, 1981).
La recherche sur les localités fut un phénomène essentiellement britannique, lié aux préoccupations
causées, durant les années Thatcher, par la modification des fortunes de lieux donnés et les réactions
politiques aux crises économiques locales (voir Cooke, 1989 qui rassemble des articles représentatifs). À
l’origine, ces recherches ne se détournaient pas explicitement de la géographie économique marxiste, se
contentant d’atténuer certaines de ses formulations théoriques les plus poussées. Mais
progressivement, la recherche sur les localités se détacha de plus en plus de la théorie et concentra
l’analyse géographique prioritairement sur le contexte et les données empiriques (cf. Smith 1987). Ce
profond empirisme du mouvement des localités limita son influence intellectuelle et sa durée, mais
celui-ci n’en marqua pas moins une étape importante de la transition vers ce qu’on pourrait appeler un
nouveau régionalisme en géographie économique.

On peut voir aux origines de ce nouveau régionalisme trois écoles de pensée parallèles, mais
indépendantes les unes des autres. L’une est représentée par un groupe d’économistes et de
sociologues italiens qui concentraient leur recherche sur la renaissance industrielle en cours en Vénétie,
en Toscane, dans l’Émilie-Romagne et dans les régions voisines lors de la deuxième moitié des années
1970 (Bagnasco 1977 ; Becattini 1987 ; Brusco 1982). Un second groupe, le GREMI (Groupe de
Recherche Européen sur les Milieux Innovateurs), s’organisait autour de l’économiste Philippe Aydalot à
Paris, et se consacrait au thème de la région comme cadre de l’innovation industrielle (Aydalot 1986).
Un troisième groupe, composé en majorité de géographes, apparut en Californie du Sud, et s’attacha
d’abord à comprendre les causes du dynamisme des activités cinématographiques et de haute
technologie qui s’épanouissaient si fortement dans la région (Scott 1986 ; Storper et Christopherson
1987). Au cœur des travaux de chacun de ces groupes se trouvaient le concept d’économies
d’agglomération et l’idée de concentration spatiale de l’activité en complexes régionaux spécialisés.
C’est pourquoi chacun fut fortement influencé par les idées de Marshall sur les districts industriels et les
économies externes, idées qui, pour l’essentiel, n’avaient guère été évoquées depuis la fin du XIXe
siècle.

Dans les années 80 et 90, les travaux pionniers de ces groupes de chercheurs furent prolongés et
modifiés par d’autres selon différentes modalités. En fait, l’énorme production de travaux, au cours des
deux dernières décennies, sur les questions d’agglomération et d’économie locale, a posé les bases de
ce que certains ont appelé une nouvelle orthodoxie en géographie économique (Lovering 1999). Ces
travaux ont considérablement affiné la théorie du développement régional, et ont fourni une masse
d’éléments détaillés sur certains aspects spécifiques des économies régionales, comme par exemple les
interdépendances commerciales ou non-commerciales, l’organisation des marchés d’emploi locaux, les
fondements régionaux de l’innovation industrielle, les institutions de régulation qui permettent de
protéger les systèmes industriels modernes, et ainsi de suite. Beaucoup de travaux en cours étudient les
relations entre le développement économique local et la mondialisation, reconnaissant que, si le global
est un contexte essentiel pour la région, ce sont les régions qui en viennent à fonctionner comme piliers
géographiques fondamentaux du global (Scott, 1998).

Vous aimerez peut-être aussi