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Maheshvari, la Grande Déesse

UPANISHADS DE SHAKTI

BHAVANA UPANISHAD
Upanishad de Bhavani, la Dispensatrice d'existence

Traduite et annotée par M. Buttex


D'après la version anglaise du Dr. A. G. Krishna Warrier
publiée par The Theosophical Publishing House, Madras,
et le Prayoga, code rituel d'accompagnement, rédigé par Bhaskararaya

Notes préliminaires : Bhavana est un concept très riche, et de ce fait difficile à cerner pour nous, occi-
dentaux. On le traduit le plus généralement par “méditation” ou “développement intérieur”, ce qui serait
un non-sens approximatif pour un lecteur hindou !
BHAVANA(M) : 1) Méditation sur le sentiment de dévotion, de foi. « Bhavanam, c'est s'attacher

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avec ferveur au Seigneur qu'évoque le Om, lorsque celui-ci l'amène dans notre esprit », dit Shan-
kara dans ses Commentaires sur les Yoga Sutras de Patanjali. 2) cf. bhava.
BHAVA: « en devenir », de la racine bhu ou bhvah, exister-devenir - 1) la manière d'être; le mode
d’existence; le devenir, le développement; 2) subjectivité, sentiment, disposition intérieure; 3) vie
affective, émotions; le plus haut degré de bhakti, ou état de réalisation par la voie de l'émotion et
du sentiment; 4) sensibilité esthétique; en poétique, sentiment, humeur, sentiment, ambiance; 5)
aspect bienveillant de Shiva.

Or, il me semble plus intéressant de la considérer comme la Bhavani Upanishad :


BHAVANI : « la Dispensatrice d'existence », l'un des noms de Devi, la Grande Déesse, en tant
qu'épouse de Shiva-Bhava. On la nomme aussi Karunaswarupini, « emplie de compassion », elle
assure le bien-être de ses fidèles. Dans le Tantrisme, Bhavani est synonyme de Parashakti, ou
MahaShakti, la Puissance suprême. Dans le Kundalini Yoga, elle tient un rôle central, et on trouve
dans le Rudrayamâlâ Tantra une litanie-mantra des 1000 noms de la Déesse Bhavani. Comme
toutes les divinités du panthéon hindou, elle présente également un aspect terrible, mentionné
dans un but propitiatoire.


Om ! Ô Dieux, puissions-nous entendre de nos propres oreilles ce qui est propice;
Puissions-nous voir de nos propres yeux ce qui est propice,
Ô Vous, dignes de vénération !
Puissions-nous jouir de notre vie jusqu'au terme alloué par les Dieux,
Leur adressant des louanges, avec notre corps bien ferme sur ses membres !
Qu'Indra le glorieux nous bénisse !
Que Surya (le Soleil) omniscient nous bénisse !
Que Garuda, le tonnerre qui foudroie le mal, nous bénisse !
Que Brihaspati nous octroie le bien-être !

Om ! Que la Paix soit en moi !


Que la Paix gagne mon environnement !
Que la Paix soit en les forces qui agissent sur moi !


1. Le Maître vénéré, c'est la Puissance suprême de ParaShakti (1), la Cause universelle.
1 ParaShakti : « Pouvoir ou puissance suprême, énergie primordiale » - La seconde des trois per-
fections qu'incarne Shiva, qui est impersonnelle, immanente et dotée d'une forme de manifesta-
tion – à savoir la Substance primordiale qui est Pure Conscience, omnipénétrante. On peut aussi
parler de ParaShakti comme de Sat-Chit-Ananda (Existence-Conscience-Félicité), ou l'évoquer en
tant que lumière, silence, esprit de Dieu, superconscience, etc. Dans la méditation, le yogi l'expé-
rimente comme l'unité sous-jacente qui coule de part en part de la Création, dans laquelle il se
fond, béatement. C'est cette expérience de fusion avec la Totalité/Unité que l'on nomme savikal-
pa samadhi, absorption duelle.

2. De cette Puissance suprême, le corps humain avec ses neuf orifices (1) est la forme
manifestée.
1 Les neuf orifices ou La cité aux neuf portes : les 2 yeux, les 2 oreilles, les 2 narines, la bouche,

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le méat urinaire, l'anus.

3. Cette Puissance, c'est Shri Chakra (1), devenue les neufs chakras du corps hu-
main (2).

1 Shri Chakra : Également dénommé Shri Yantra, c'est le yantra de la déesse Lalita, image
centrale dans le shaktisme. Neufs triangles entrelacés dessinent autour du bindu central les mani-
festations de Shiva-Shakti, dans leurs multiples dimensions. Dans la tradition du shaktisme, ce
yantra est un puissant support de méditation, propre à stimuler la sadhana, l'ascèse.
Ce yantra présente des pétales et des lignes/triangles, disposés en cercles concentriques (man-
dalas), et dessinant en tout 111 aspects géométriques et symboliques. On dit que ce yantra est une
géométrisation symbolique du corps humain et de ses énergies subtiles, ce qui implique que la
Déesse-macrocosme est en totale union à l'être humain-microcosme.
2 Chakra : centre subtil. Littéralement, une roue, un cercle. Cf. Glossaire et diagramme « les 21
Chakras ».

4. La puissance de Varahi (1) est d'essence paternelle, celle de Kurukulla (2) est
d'essence maternelle.
1 Varahi : La Puissance du Sanglier, l'un des aspects de la Grande Déesse, Shakti, Devi.
2 Kurukulla : « Celle qui reçoit les offrandes » - la divinité du sacrifice.

5. Les quatre buts de la vie humaine (purusharthas) (1) sont les quatre océans : dhar-
ma, l'Océan de sucre; artha, l'Océan de sel; kama, l'Océan de ghee (beurre clarifié); et moksha,
l'Océan de lait.
1 Purushartha : 1) opération de la pensée vers le Suprême; 2) les 4 buts de la vie de l’homme, à
savoir: - dharma : devoir; - artha : acquisition; - kama : plaisirs; - moksha : libération.

6- 7. Le corps humain est l'île aux neuf gemmes : nacre de la lymphe, rubis du sang,
topaze de la chair, pierre Gomeda de la graisse, diamant de l'os, émeraude de la moelle, perle
de la semence, lapis-lazuli de la peau, saphir de la chevelure.

8. Les résolutions sont des arbres-à-souhaits (1); l'énergie de la conscience est le ver-
ger céleste aux arbres d'abondance.
1 Kalpataru : « l'Arbre-aux-souhaits » - Arbre céleste, qui accorde tout ce que demandent ceux qui
se tiennent sous sa ramée.

9. Les six saisons ressemblent aux six saveurs que perçoit la langue : le sucré, l'aigre,
l'amer, le piquant, l'astringent, le salé.

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10. La connaissance, voilà la matière que l'on utilise pour l'offrande; le contenu de la
connaissance, voilà l'oblation; le connaisseur, voilà le sacrificateur ! La méditation sur l'iden -
tité fondamentale dans la triade (1), connaissance-connu-connaisseur, voilà le vrai culte de
Shri Chakra.
1 Triputi : « la triple forme » - triade métaphysique, composée du connaissant, du connu et de la
connaissance, ou du voyant, de l'objet vu et de la vision, etc.

11. La destinée et les sentiments [qui y président, ou en découlent - NdT] sont à relier aux
pouvoirs supérieurs (1) : la paix est en affinité à ahima, l'atomicité; la compassion à mahima,
la vision cosmique; la gratitude et le sentiment de miracle à laghima, la lévitation; l'héroïsme
à ishititva, la suprématie sur les lois naturelles; la gaieté à vashitva, le contrôle sur les forces
naturelles; la peur à prakamya, la capacité d'obtenir tous ses désirs; la luxure à prapti, la bilo-
cation; la colère à kama-avasayitva, la complète satisfaction de ses désirs.
Désir, cruauté, gourmandise, illusion, orgueil, envie, mérite, démérite – ceux-là sont
en affinité aux huit pouvoirs (shaktis) de Brahma, respectivement Brahmi (la Puissance de
l'Être immense), Maheshvari (la Grande Déesse), Kumari (la Vierge), Vaishnavi (la Puissance de
l'Immanent), Varahi (la Puissance du Sanglier), Raudri (la Terrible), Chamunda (la Destructrice des
démons), et MahaLakshmi (la Fortune transcendante) .
1 Siddhi : 1) accomplissement, succès; 2) pouvoir supranormal acquis par la pratique de la médita -
tion et d'une ascèse (tapas) exigeante, ou s'éveillant spontanément en cas de maturité spirituelle.
Bien qu'ils se manifestent spontanément et selon les besoins et capacités de l'individu, ils sont
considérés comme des entraves sur la Voie, en tant qu'ils viennent subtilement renforcer l'auto-
satisfaction et l'égoïsme. Il est conseillé de ne pas les cultiver, voire de les abandonner, pour aller
plus avant. Cf. Glossaire pour plus ample information.

12. Les neuf chakras (1) sont en affinité aux pouvoirs des mudras (2) :
1 Chakras : Cf. Glossaire et diagramme « les 21 Chakras ».
2 Mudra : 1) sceau; 2) une posture qui scelle hermétiquement; 3) position des mains, dont le sens
est ésotérique, voire mystique, et qui s'accompagnent d'une visualisation bien précise. Ils sont
essentiels à l'esprit de la puja, du Hatha Yoga, notamment des asanas de méditation, mais aussi de
la danse.

13. Les cinq éléments, les cinq sens de perception (jnanendriyas) et les cinq sens
d'action (karmendriyas), plus les vagues du mental (vrittis), correspondent à seize Shaktis :
la Terre correspond à KamaKarshini (1); l'Eau à BuddhiKarshini; le Feu à AhamKarshini; l'Air
à ShabdaKarshini; l'Éther à SparshaKarshini; l'ouïe à RupaKarshini; le toucher à
RasaKarshini; la vue à RasaKarshini; le goût à ChittaKarshini; l'odorat à DhairyaKarshini; la
parole à SmrityaKarshini; l'appréhension à NamaKarshini; la locomotion à BijaKarshini;
l'excrétion à AtmaKarshini; la reproduction à AmritaKarshini; les vagues du mental à
ShariraKarshini.
1 Karshini : attrait, séduction, force d'attraction.

14. Les cinq sens d'action (parole, appréhension, locomotion, excrétion et


reproduction), ainsi que les attitudes de rejet, d'acceptation ou d'apathie, correspondent à
huit shaktis, telles AnangaKusuma (fleur de l'Incorporel Kama) (1), AnangaMekhala,
AnangaMadana, AnangaMadanatura, Anangarekha, Anangavega, AnanganKusha,
AnangaMalini.
1 Ananga : : «L'Incorporel» - épithète du dieu de l'amour Kama, après qu'il eut été réduit en
cendres par le troisième œil de Shiva, dont il avait dérangé le tapas.
Kusuma : fleur.

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15. Les quatorze principales nadis (1) correspondent à des shaktis, Ainsi la nadi
Alambusha correspond à la Shakti de l'étonnement, kuhu à la Shakti de la panique, visvodara
à la Shakti de l'attraction, varana à la Shakti qui réjouit, hastijihva à la Shakti qui trompe,
yasovati à la Shakti qui paralyse, payashvini à la Shakti qui écrase et piétine, gandhari à la
Shakti qui subjugue, pusha à la Shakti qui colore, sankhini à la Shakti du libertinage,
sarasvati à la Shakti de la connaissance, ida à la Shakti de la prospérité, pingala à la Shakti du
Mantra (2) et sushumna à la Shakti destructrice de la dualité.
1 Nadis : Canaux fluidiques, par lesquels le prana circule dans le corps subtil. Ils sont à celui-ci ce
que sont les nerfs et les vaisseaux sanguins au corps physique. Sont également appelés nadis les
conduits ou canaux qui transportent l’air, l’eau, le sang, les substances nutritives et autres à tra-
vers tout le corps. Ils véhiculent les énergies cosmique, vitale, séminale et autres, aussi bien que
les sensations, la conscience et l’aura spirituelle.
2 Mantra : « pensée transformatrice – manat trayate » – Syllabe, ou mot, ou formule, de carac-
tère sacré, dont la répétition accompagnée de réflexion sur son sens subtil, permet d'atteindre et
de réaliser le Soi. Le mantra est donc une formule rituelle, qui résume en soi toute la puissance de
la méditation en tant que pouvoir de transsubstantiation de la conscience.

16. Les cinq souffles vitaux et les cinq souffles mineurs (1 et 2) correspondent aux dix
divinités des triangles extérieurs du Shri Chakra : prana est la divinité qui donne tous les
siddhis (cf. shloka 11); apana, celle qui donne la prospérité; vyana, la divinité chère à tous;
udana, celle qui subjugue; samana, celle qui soulève le désir sexuel; naga, la divinité qui
détruit le malheur; kurma, celle qui allège les souffrances de l'agonie; krikara, celle qui
détruit tous les obstacles; devadatta, celle qui est belle de la tête aux pieds; et dhananjaya, la
divinité qui octroie fortune et bonheur.
1 Prana : principe de vie, vitalité, énergie, force. L’énergie vitale sous-jacente à toute la manifesta-
tion cosmique, individuelle et collective; cette énergie remplit 5 fonctions : - prana : l’appropria-
tion, l'ascension (inspiration); - apana : l’expulsion, la descente (expiration); - vyana : la distribu-
tion et la circulation (rétention du souffle); - udana : l’émission de sons; l'assimilation des énergies
matérielles en énergies subtiles; - samana : l’assimilation des énergies subtiles transformées par
udana (digestion et métabolisme de la nourriture).
2 Vayus : ce sont les 5 souffles vitaux (prana vayu) secondaires (upa), à savoir naga, qui soulage
des gaz dans l’estomac en faisant éructer; kurma, qui contrôle le mouvement des paupières pour
empêcher un corps étranger ou une lumière trop vive de pénétrer dans les yeux; krikara, qui, en
faisant éternuer ou tousser, empêche les substances de remonter dans le nez ou de descendre
dans la gorge; devadatta, qui apporte un supplément d’oxygène à un corps fatigué en provoquant
un soupir ou un bâillement; et dhananjaya, qui reste dans le corps même après la mort et fait par-
fois enfler les cadavres.

17. Le feu digestif devient quintuple, si l'on tient compte des distinctions fondées sur
son association avec les cinq souffles vitaux, ce qui donne : rechaka, le feu qui expulse;
pachaka, le feu qui assimile; shoshaka, le feu qui dessèche; dahaka, le feu qui brûle; et
plavaka, le feu qui inonde.

18. Associé aux souffles vitaux secondaires (vayus), le quintuple feu digestif prend les
caractéristiques suivantes : ksharaka, le feu corrosif; utgaraka, le feu qui expulse; kshobaka,
le feu qui agite; jrimbhaka, le feu qui fait bailler; et mohaka, le feu qui illusionne. Ils contri-
buent à la digestion des cinq types d'aliments : ce que l'on mange, ce que l'on mâche, ce que
l'on suce, ce que l'on lèche, ce que l'on boit.

19. Les dix énergies du Feu sont donc les dix déesses des triangles intérieurs du Shri

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Chakra : rechaka, le feu qui expulse, correspond à la déesse omnisciente ; pachaka, le feu
qui assimile, à la déesse qui soutient la vitalité; shoshaka, le feu qui dessèche, à la déesse qui
assure la domination; dahaka, le feu qui brûle, à la déesse de pure Connaissance; et plavaka,
le feu qui inonde, à la déesse qui détruit toutes les maladies; ksharaka, le feu corrosif, à la
déesse qui est la forme véritable de tout support (1); utgaraka, le feu qui expulse, à la déesse
qui détruit les actes négatifs; kshobaka, le feu qui agite, à la déesse qui est toute-félicité;
jrimbhaka, le feu qui fait bailler, à la déesse qui est la forme authentique de la protection ; et
mohaka, le feu qui illusionne, à la déesse qui fait don de tous les objets désirés.
1 Adhara : 1) substrat, support, appui, base; 2) ce qui reçoit l’inspiration, l’instruction.

20. Les qualités de froid, chaleur, plaisir, souffrance, désir, sattva (1), rajas et tamas
sont les huit shaktis-déesses de la Parole, respectivement Vashini, Kameshvari, Modini,
Aruna, Vimala, Jayini, Sarveshvari et Kaulini.
1 Gunas : Qualités, attributs ou caractéristiques de l’énergie universelle, au nombre de 3, dont la
combinaison crée les divers éléments d’où procède la nature multiforme. On les considère sou-
vent en rapport à Prakriti, la substance cosmique et la nature issue de celle-ci, dont ils sont les 3
ingrédients de base, utilisés pour constituer les éléments de l'univers phénoménal, et qui
déterminent leurs qualités et modes d'être : illuminant (Sattva), activant (Rajas) et entravant
(Tamas).

21. Les types d'impressions sensorielles, à commencer par le son, sont les cinq flèches
fleuries.

22. Le mental est l'arc taillé dans une canne à sucre.

23. L'attachement aux plaisirs des sens est la corde [qui tient captif].

24. L'aversion est le crochet [qui retient], l'aiguillon [qui immobilise].

25. Tattva, la Réalité naturelle (1), Mahat, l'Intelligence universelle (2), et Ahamkara, le
sens du moi (3), correspondent aux trois divinités du triangle central : Kameshvari, la déesse
de l'amour, Bhagamalini, la déesse des fleurs, et Vajreshvari, la déesse de l'éclair.
1 Tattva : la Vérité vraie, l'ipséité, la Réalité ontologique. Cf. diagramme « Les 36 Tattvas, ou caté-
gories d'être ». La notion de tattva désigne, selon le cas, 1) le principe premier, authentique; 2) un
élément ou substance primordiale; 3) la nature réelle de l’Âme humaine ou du monde matériel; 4)
l’Esprit suprême universel qui pénètre tout, la Réalité absolue.
2 Mahat : 1) le premier-né; le germe originel non évolué du principe créateur d'où sont issus tous
les phénomènes du monde matériel. 2) l'Intelligence cosmique, selon le Samkhya, à distinguer de
manas, l'intellect abstrait et concret; le 2ème des 25 éléments ou tattvas dénombrés par le Sam-
khya; 3) synonyme de Hiranyagarbha, selon le Védanta.
3 Ahamkara : « le faiseur de Moi » : 1) le sens de l’ego, le sentiment du moi, l’ipséité; 2) le sens
de séparativité égoïste qui fait que chaque être se pense comme une entité personnelle et
indépendante.

26. La conscience absolue, sans attributs, est en vérité Kameshavara (1).


1 Kameshavara : « le Souverain du Désir », manifestation universelle du mental, manas, dont la
nature est convoitise; l'un des aspects de Rudra-Shiva.

27. Notre propre Soi, intime, authentique, parfaitement réalisé et tout de félicité, c'est
en vérité la Déesse suprême, Lalita (1).
1 Lalita : « l'Amoureuse, ou Celle qui joue », aspect de l'instinct de jeu et de plaisir en tant que

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source de la Création, de la Manifestation et de la dissolution pour la Grande Mère, la Shakti. Tri-
purasundari (ou Mahatripurasundari) est un autre de ses noms, exprimant son aspect de « beau-
té (sundari) des trois cités (tri-pura) », et la décrivant comme conquérante des trois cités des
démons, ou comme étant elle-même ces trois cités, associées aux trois corps de l'être humain (cf.
shariras et koshas).

28. La compréhension claire de tout ceci se manifeste par un éclat rougeoyant [dans le
contexte de la méditation – NdT].

29. De la concentration exclusive de l'esprit, il s'ensuit la perfection et les pouvoirs


l'accompagnant (siddhis, cf. shloka 11).

30. La méditation étant accomplie à un tel degré de perfection, toute action devient
un acte vertueux, quasiment un sacrifice (1).
1 N.P.O. “Sacrifier” vient de “sacrum facere”, rendre sacré, sacraliser, établir une communication
avec le divin. Ce n'est qu'accessoirement qu'il faut “sacrifier” une possession, et pourtant c'est ce
sens accessoire qui est devenu l'acception la plus courante dans le langage contemporain.

31. C'est dans et par l'oblation que fusionnent au niveau du Soi les distinctions telles
que “moi”, “toi”, “existence”, “non-existence”, “ce qu'il faut faire”, “ce qu'il ne faut pas faire”,
et même l'obligation d'accomplir des rites religieux.

32. Prendre conscience de l'identité fondamentale de toutes les pensées et imagina-


tions qui peuplent le mental, c'est cela en vérité la nourriture qui apaise les besoins.

33. Les quinze jours du mois lunaire où la transformation cyclique du temps se


constate à l'œil nu (croissance et décroissance), correspondent aux quinze divinités de
l'Éternité (1).
1 Nitya-Devatas ou Nityas : « les dieux éternels » - les divinités qui protègent les mondes (ou
plans d'existence), les éléments et les espèces vivantes. Ils incluent notamment les Prajapatis (les
Progéniteurs), les Gandharvas (musiciens célestes) et Apsaras (nymphes danseuses), les Nagas
(génies-serpents), etc.

34. Celui qui médite sur tout ce qui précède deux ou trois instants, ou même ne
serait-ce qu'un instant (?!), deviendra libéré de son vivant (1); c'est lui que l'on appellera un
Shiva yogi.
1 Jivan mukti : libération de son vivant, tout en gardant conscience de son corps; s’oppose à
videha mukti, la libération hors du corps, désincarnée, où l'on perd conscience de son corps.

35. Cette méditation sur le centre de la roue du Shri Chakra, telle qu'elle a été exposée
ci-dessus, est celle que pratique les tenants du shaktisme (1).
1 Shaktisme : Dans le Shaktisme, la Grande Déesse est devenue l'élément capital, nombreuses
sont ses auto-manifestations, redoutables ou bienveillantes. Shakti est l'univers manifesté, tandis
que Shiva est l'Absolu non-manifesté. Sous ses formes destructrices, noires (asita), on la nomme
Kali, Durga, Chandi, Chamundi, Bhadrakali, Bhairavi, etc. Sous ses formes protectrices, blanches
(sita), on la nomme Uma, Gauri, Ambika, Parvati, Maheshvari, Lalita, Annapurna, etc. Sous le nom
de Rajarajeshvari, « Reine divine pour les rois », elle est la divinité tutélaire du plus célèbre des
yantras, le Shri Chakra. Elle est également les dix Mahavidyas, manifestations du Savoir suprême :
Kali, Tara, Shodashi, Bhuvaneshvari, Chinnamasta, Bhairavi, Dhumavati, Bagata, Matangi et
Kamala.

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36. Qui possède cette connaissance, est indéniablement un disciple de l'Atharva-
siras (1).
1 Atharvarsiras : « charrue, ou vœux, d'Atharvan » - 1) nom d'une brique, utilisée pour bâtir l'autel
du sacrifice; 2) synonyme de MahaPurusha, le Seigneur suprême, titre accordé à une grande
personnalité, une grande âme, un sage.

Om ! Ô Dieux, puissions-nous entendre de nos propres oreilles ce qui est propice;


Puissions-nous voir de nos propres yeux ce qui est propice,
Ô Vous, dignes de vénération !
Puissions-nous jouir de notre vie jusqu'au terme alloué par les Dieux,
Leur adressant des louanges, avec notre corps bien ferme sur ses membres !
Qu'Indra le glorieux nous bénisse !
Que Surya (le Soleil) omniscient nous bénisse !
Que Garuda, le tonnerre qui foudroie le mal, nous bénisse !
Que Brihaspati nous octroie le bien-être !

Om ! Que la Paix soit en moi !


Que la Paix gagne mon environnement !
Que la Paix soit en les forces qui agissent sur moi !

Ici se termine la Bhavanopanishad,


Bhavanopanishad appartenant à l'Atharva Véda.

© M. Buttex, 2007-2008 - http://www.les-108-upanishads.ch/

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