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L’oncle Guibolles

A l’âge de quinze ans, l’oncle Guibolles était arrivé à Madrid depuis un village des environs de Lugo,
dans le but de trouver de quoi vivre (afin de gagner sa vie). Au bout de vingt ans d’économies
invraisemblables à travailler dans un moulin (une boulangerie), il économisa (parvint à réunir) trois
ou quatre mille pesetas et il ouvrit grâce à cet argent une boutique de pain et de légumes. Sa femme
tenait la boutique tandis que lui continuait à (de) travailler au moulin (boulangerie) et à économiser
de l’argent (mettre de l’argent de côté). La femme de l’oncle Guibolles mourut pendant cette époque
de prospérité, et l’homme, désormais veuf, voulut profiter de la vie qui avait été si âpre (stérile) pour
lui, et, malgré ses cinquante ans et des poussières (passés), se maria avec une fille du village âgée de
vingt ans qui ne songeait à rien d’autre en allant au mariage (sur le chemin de l’autel) qu’à passer du
statut de domestique à celui de maîtresse de maison. Tous les amis de l’oncle Guibolles tentèrent de
le convaincre du scandale (de l’absurdité) que c’était que de se marier à son âge, et avec une gamine
si jeune ; mais il n’en démordit point (campa sur ses positions) et se maria.

Au bout de deux mois de mariage, le fils de l’oncle Guibolles avait (entretenait) une liaison avec sa
belle-mère, et peu de temps après le vieux l’apprenait. Il espionna un jour (épia durant une journée)
et vit son fils et sa femme sortir d’une maison de rendez-vous (maison close) de la rue Santa
Margarita. L’homme (bonhomme) imagina peut-être qu’il allait faire montre de détermination et
d’énergie (envisagea de prendre une décision énergique), dire à ces deux-là quelque chose de très
fort (dur) ; mais comme il était d’un naturel calme et tranquille, et qu’il ne voulait pas déranger ses
affaires, il laissa passer le temps, et s’habitua (s’accomoda) peu à peu à sa situation. Plus tard, la
femme de l’oncle Guibolles fit venir du village l’une de ses sœurs, et lorsque celle-ci arriva, la femme
et le fils de l’oncle Guibolles s’entendirent pour la jeter dans les bras du vieux, enfin ce dernier finit
par vivre en concubinage avec sa belle-sœur. Depuis lors, les quatre vécurent dans la plus complète
tranquillité. Ils s’entendaient à merveille.

La chose n’étonna point Manuel, que l’existence de plus d’une combinaison matrimoniale semblable
dans la Courée préservait de tout effroi (qui en avait vu d’autres du fait qu’il y avait à la Corrala plus
d’un ménage similaire, ne fut pas surpris de la chose); non, ce qui l’indignait, c’était la pingrerie de
l’oncle Guibolles et de sa bande (des siens).

Tous les scrupules (la méticulosité) dont la femme de l’oncle Guibolles ne faisait pas preuve dans
d’autres domaines, elle les réservait certainement (incontestablement) pour les comptes. Habituée à
grapiller la taxe, elle connaissait sur le bout des doigts les manigances des bonnes et pas un centime
ne lui échappait : elle croyait toujours qu’on la volait. Son esprit (sens de) d’économie était tel qu’à la
maison tout le monde était au pain sec, ce qui confirmait le dicton (l’adage) populaire selon lequel
« les cordonniers sont les plus mal chaussés ».

D’après Pio Baroja, La busca, 1904.

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