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Mémoire pour l'obtention du


diplôme de Master Sciences
Économiques
Jihane Akif, Wissal Sahel

Analyse de la transformation structurelle au Maroc : un essai de mesure

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Laboratoire d’économie appliquée
Mémoire pour l’obtention du diplôme de
Master de Recherche en Sciences Économiques

Analyse de la transformation structurelle au


Maroc :
un essai de mesure

Réalisé par
Wissal Sahel Jihane Akif

Sous la direction de
L’équipe pédagogique du Master Sciences Économiques
La Direction de la Prévision et de la Prospective du Haut-Commissariat au
Plan

Année Universitaire : 2019/2020


1
La faculté des Sciences Juridiques Économiques et Sociales-Agdal et le Haut-Commissariat au Plan
n’entendent donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce mémoire.
Les opinions figurant dans le cadre de ce travail de mémoire sont propres à leurs auteurs.

2
Résumé

La motivation de ce mémoire est de répondre aux questions suivantes : Quelle est la trajectoire de la transformation structu-
relle qu’a connu le Maroc ? et quelles sont les forces économiques qui ont mené à telle trajectoire ? Pour ce faire, nous avons
mobilisé une revue de littérature théorique et empirique afin d’éclaircir les soubassements de nos questions, ainsi que des
faits stylisés pour clarifier le champ de recherche. Les résultats retenus de la décomposition de la productivité du travail
montrent que le processus de la transformation structurelle du Maroc durant la période 1991-2018 demeure lent caractérisé
par la désindustrialisation prématurée et n’enregistre pas des gains dynamiques significatifs. Alors que les résultats de la
deuxième approche de Chenery, Shishido et Watanabe (1962) effectuée sur la période 1998-2018 confirment ces conclusions
et montrent que la déviation par rapport à la croissance proportionnelle au Maroc demeure négative et non significative
et ne permettant pas le déclenchement du processus. Également, l’effet du commerce extérieur semble affecter le plus cette
déviation alors que l’effet de l’offre et de la demande domestique, malgré leur valeur positive, ils ne compensent pas les pertes
enregistrées par le commerce extérieur.

Abstract

The motivation of this paper is to answer the following questions : What is the trajectory of the structural transformation that
Morocco has experienced ? and what are the economic forces that led to the latter ? To do this, we have mobilized a theoretical
and empirical literature review in order to clarify the foundations of our questions as well as the stylized facts to clarify
the field of research. The results retained from the decomposition of labor productivity show that the process of structural
transformation in Morocco during the period 1991-2018 remains slow characterized by premature deindustrialization and
does not register any significant dynamic gains. While the results of the second approach of Chenery, Shishido and Watanabe
(1962) carried out over the period 1998-2018 confirm these conclusions and show that the deviation from proportional growth
in Morocco remains negative and not significant and does not allow the take-off to happen. Also, the effect of foreign trade
seems to affect this deviation the most, while the effects of supply and domestic demand, despite their positive value, they do
not compensate the losses of the foreign trade.
Remerciements

Ce travail n’aurait pu prendre naissance sans l’assistance et l’intervention généreuse de certaines


personnes dont les apports ne pourraient être qu’infiniment reconnus.
Ainsi, nous saisissons l’occasion pour présenter nos profonds respects et dévouements aux professeurs
encadrants, M. Tounsi Said, M. El Abbassi Idriss, M. Oulhaj Lahcen, Mme. Cherkaoui Mouna et M
Baddi Hicham et l’ensemble de l’équipe pédagogique du Master des Sciences économiques, surtout
pour nous avoir transmis toutes leurs connaissances et de nous avoir initié dans la voie de la recherche
académique, durant nos deux années d’études.
Nos chaleureux remerciements vont également à nos encadrants à la direction de la prévision et de la
prospective de l’organisme du Haut-Commissariat Au Plan, plus précisément à M. El Faiz Zakaria
pour ses conseils et son soutien tout au long de la période du confinement.
Nous tenons également à remercier l’ensemble des doctorants pour leurs aides et orientations durant
notre formation et plus précisément à M. Moussir Charaf-Eddine, M. Laamire Jaouad, M. Zirari Omar.
Également, nous aimerions bien adresser nos vifs remerciements à toute autre personne ayant
contribué de près ou de loin à la réalisation de ce travail.
En dernier mais pas des moindres, nous exprimons notre très profonde gratitude à nos parents et à nos
frères et nos sœurs pour leur soutien sans faille et leur encouragement continu tout au long de nos
cursus universitaire et durant cette période cruciale de notre parcours. Ce mémoire n’aurait pas été
possible sans eux.

1
Table des matières

Remerciements 3

Liste des figures 5

Liste des tableaux 6

Introduction Générale 7

1 Revue de littérature théorique et empirique 9


1.1 Revue de littérature théorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.1 Cadrage conceptuel et théorique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.2 Mécanismes de la transformation structurelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.2 Revue de littérature empirique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.2.1 Les procesus de transformation structurelle : Un survol empirique . . . . . . . . . . . . . . . . . 17
1.2.2 Les mécanismes de la transformation structurelle : contributions empiriques . . . . . . . . . . . 19
1.2.3 La transformation structurelle au Maroc : résultats empiriques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22

2 La transformation structurelle au Maroc : Faits stylisés 26


2.1 L’économie Marocaine : structure et contexte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.1.1 La situation économique du Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
2.1.2 Les caractéristiques structurelles de l’économie marocaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.2 Caractéristiques du processus de transformation structurelle du Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2.1 La composition sectorielle de la production et de l’emploi au Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . 32
2.2.2 Un diagnostic sectoriel de l’économie marocaine . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

3 Analyse du processus de la transformation structurelle au Maroc 41


3.1 Processus de transformation structurelle : résultats de la décomposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
3.1.1 La méthode de décomposition de la croissance de la productivité du travail . . . . . . . . . . . . 41
3.1.2 Résultats de décomposition . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
3.2 L’analyse des mécanismes de la transformation structurelle au Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.2.1 Le modèle de Chenery, Shishido, Watanabe (1962) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.2.2 Données . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
3.2.3 Interprétation des résultats . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

2
Conclusion générale 57

Bibliographie 59

Annexes 64

3
Table des figures

2.1 Comparaison des évolutions du PIB par tête et de l’indice IDH . . . . . . . . . . . . 27


2.2 L’évolution de la PTF (1954-2017) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28
2.3 Distance par rapport à la frontière de différents indicateurs du Maroc (100 représente
la meilleure performance) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
2.4 Évolution du taux d’ouverture et du classement du Maroc selon l’indice de la com-
plexité économique ECI (1998-2017) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30
2.5 Évolution du taux d’emploi au Maroc et aux pays à revenu intermédiaire (1991-2017) 31
2.6 L’évolution des valeurs ajoutées et de l’emploi sectoriels . . . . . . . . . . . . . . . 33
2.7 L’évolution de l’emploi et de la valeur ajoutée des services désagrégées (1965-2012) 34
2.8 Évolution des parts des exportations des sous-secteurs du secteur tertiaire (en % du
total d’exportation des services) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
2.9 Évolution de l’indice de l’intensité d’industrialisation des différents pays . . . . . . 37
2.10 Évolution de la valeur ajoutée manufacturière et de son indice au Maroc (1990-2017) 38
2.11 Évolution des exportations manufacturières et l’indice de la qualité (1990-2017) . . 39
2.12 Évolution de la valeur ajoutée et l’indice d’orientation agricole (2001-2016) . . . . . 39
2.13 Évolution des IDE en agriculture, sylviculture et peche en millions de US $ . . . . . 40

3.1 Contribution de l’évolution de la productivité du travail (valeur ajoutée par tra-


vailleur), par pays et par grand secteur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
3.2 La réallocation intersectorielle, résultat de la décomposition de la croissance de la
productivité du travail (valeur ajoutée par travailleur), par pays et par grand secteur 45
3.3 Corrélation entre le changement de la productivité sectorielle et les parts d’emploi
au Maroc (1991-2018) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
3.4 Les sources de la transformation structurelle au Maroc en 1998-2018 . . . . . . . . . 52
3.5 Les déviations en % par secteur au Maroc 1998-2018 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
3.6 Décomposition de la déviation industrielle par effets et par périodes . . . . . . . . . 53
3.7 Décomposition de la déviation de l’agriculture par effets et par périodes . . . . . . . 55
3.8 Décomposition de la déviation des services par effets et par périodes . . . . . . . . 56

4
3.9 Taux de croissance du PIB et des valeurs ajoutées sectorielles du Maroc (1968-2018) 65
3.10 Evolution de l’espace produit du Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 65
3.11 Coefficients budgétaires (en % ) par grands groupes de biens et services . . . . . . . 66
3.12 Écarts de productivité inter sectoriels (Maroc, France, Chine, Turquie) . . . . . . . . 68

5
Liste des tableaux

2.1 Comparaison des statistiques de l’indice NAV par pays . . . . . . . . . . . . . . . . 35

3.1 La structure du TRE du Maroc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50


3.2 Les poids en % de la croissance proportionnelle et déviations par périodes . . . . . . 51
3.3 Résultats de décomposition de la première approche de McMillan et Rodrik (2011) . 67
3.4 Résultats de décomposition de la deuxième approche de De Vries et al. (2015) . . . . 67
3.5 Nomenclature des branches d’activités de la comptabilité nationale . . . . . . . . . 69
3.6 Ratio de la croissance du PIB par période . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69
3.7 Déviation et croissance proportionnelle en % par secteurs et par périodes . . . . . . 69
3.8 Les effets détaillés du côté offre et demande en % par branche d’activité et par période 70

6
Introduction Générale

Comme ce fut le cas pour les pays développés, la transformation structurelle s’est avérée primordiale
pour tous pays qui souhaite accélérer son niveau de développement. Elle est indissociablement liée
à l’aptitude de l’économie de s’ériger d’une société agraire de subsistance vers une économie de
productivité (Ait Ali, Msadfa, 2019). En effet, la théorie de transformation structurelle a émergé
après la deuxième guerre mondiale, lors de la création de l’Organisation des Nations Unies et les
institutions de Bretton-Woods, afin d’expliquer les causes du sous-développement des pays du tiers-
monde, notamment les pays de l’Afrique et de l’Amérique Latine.
C’est dans ce sens que le processus de transformation structurelle du Maroc incarne un champ
d’étude fertile, et qui suscite actuellement l’intérêt de plusieurs travaux empiriques. Étant donné
qu’il représente un pays à revenu intermédiaire tranche inférieure 1 qui, à l’instar des pays en dé-
veloppement, s’est inscrit après son indépendance dans une succession de politiques sectorielles
et commerciales ayant pour objectif la dynamisation de l’industrie pour assurer un processus de
transformation structurelle réussi permettant la convergence vers les pays développés.
A cet égard, ce mémoire s‘attache à fournir des éléments de réponse à deux questions liées : Quelle
est la trajectoire de transformation structurelle qu’a connu le Maroc ? Il s’agit ici de décrire
le processus de transformation structurelle de l’économie Marocaine, ce qui nous conduira par la
suite à s’interroger sur les forces économiques qui ont mené à telle trajectoire.
C‘est dans cette optique que ce travail s‘articule autour de trois axes :
Dans un premier, nous allons éclaircir d’abord la notion de transformation structurelle et la littéra-
ture théorique qui explique principalement ses mécanismes. Ensuite, nous exposerons les travaux
empiriques pionniers qui ont décrit et analysé les trajectoires de transformation structurelle dans
les pays à différents stades de développement, puisque ces expériences internationales nous per-
mettrons de comprendre et de positionner le cas du Maroc. Enfin, et pour affiner notre revue de
littérature nous nous focaliserons sur les travaux empiriques étudiant le cas du Maroc.
Le second axe dresse un portrait de l’économie Marocaine et de sa transformation structurelle. En
procurant premièrement des faits stylisés sur le contexte général du Maroc en matière du déve-
loppement et croissance économiques, Ainsi que les caractéristiques structurelles de l’économie à
savoir la complexité économique, le marché de travail, la qualité institutionnelle et l’environnement
1. Selon la Banque Mondiale les pays à revenu intermédiaire tranche inférieure ont un RNB par habitant qui se situe entre 1 036 - 4 045 ($ US
courants, méthode Atlas). Le Maroc a enregistré en 2019 selon les statistiques de la Banque Mondiale un RNB par habitant de 3190 ($ US courants,
méthode Atlas).

7
des affaires. Dans un deuxième temps, nous cernerons davantage le champ d’analyse sur la struc-
ture sectorielle du pays qui consiste à exposer les mesures de la transformation structurelle et les
caractéristiques des secteurs de l’économie.
Finalement, le dernier axe se penche premièrement sur la description du processus de transformation
structurelle de plusieurs pays à différents niveaux de revenu pour positionner le Maroc sur la période
1991-2018. Nous proposons pour cette fin la méthode de décomposition de productivité du travail en
utilisant les approches de McMillan, Rodrick, (2011) et de De Vries et Timmer (2015) qui distinguent
les effets inter et intra sectoriels. Ensuite, l’analyse du processus déduit précédemment sera établie
par une approche comptable de Chenery, Shishido et Watanabe (1962) pour la période 1998-2018,
qui est fondée sur les tableaux input-output et prend en compte les inter relations entre les différents
secteurs et les effets influençant le changement structurel d’un pays.

8
Chapitre 1

Revue de littérature théorique et


empirique

Introduction

En vue d’expliciter l’ensemble des visions et approches traitant de la question de transformation


structurelle, le présent chapitre sera divisé en deux sections : la première a pour objectif de donner
une vue d’ensemble sur les développements théoriques expliquant les mécanismes de la transfor-
mation structurelle. Tandis que la deuxième, a pour finalité de mobiliser l’ensemble des travaux em-
piriques pour comprendre les processus de transformation structurelle et les mécanismes agissant
sur ces derniers dans les pays à différents stades de développement.

1.1 Revue de littérature théorique

L’explication des mécanismes de la transformation structurelle, objet de cette section, nécessite un


débroussaillage de la notion en premier puis une exposition des travaux et modèles précurseurs de
la transformation structurelle.

1.1.1 Cadrage conceptuel et théorique

- Cadrage conceptuel

Si l’on veut bien assimiler la notion de transformation structurelle en économie, il faut remon-
ter à son origine dans les autres disciplines, notamment en linguistique et en sciences humaines et
sociales. Ce concept provient du terme « structure » qui est utilisé depuis le 14ème siècle en linguis-
tique, il est proche de « système » et « organisation ». Alors que le « structuralisme 1 » caractérise
un ensemble de courants de pensée Holistes qui étudient les structures et faits sociaux collectifs en
excluant tout choix individuel.
1. C’est un courant de pensée fondé par Emile Durkheim (1858-1917) avec Karl Marx dans certains aspects. Il consiste à expliquer les faits sociaux
élémentaires par d’autres faits sociaux et selon lequel le fait global de la société est irréductible. Il s’oppose à l’individualisme méthodologique qui
part des individus avant de voir les actions dans la société qui est l’agrégation des actions produites par l’ensemble des individus qui la composent.

9
De plus en plus, les économistes ont commencé à s’intéresser à étudier les structures économiques
et dévoiler les structures gagnantes pour pouvoir guider l’action publique. C’est dans ce sens que la
notion de transformation structurelle s’est développée. Plusieurs définitions ont été attribuées à ce
terme dans la littérature économique.
Erich Streissler (1982) a défini la transformation structurelle comme «long-term changes in the com-
position of economic aggregates » (Kruger 2008, p. 330) ; en d’autres termes, le changement structurel
de l’économie implique que certaines industries ou certains secteurs connaissent une croissance de
long terme plus rapide que d’autres, ce qui entraine des changements dans les parts de ces industries
dans le produit global (Kruger 2008).
Une partie importante attribuée à la croissance économique dans la majorité des études qui portent
sur les transformations structurelles. S’agissant de Syrquin (1988), Kuznets (1971) et plusieurs éco-
nomistes qui affirment l’existence d’une forte interdépendance entre la croissance économique et le
changement structurel.
Les travaux sur la transformation structurelle l’ont relié principalement aux transformations de la
structure productive (Syrquin 2007), en particulier au processus d’industrialisation et de tertiarisa-
tion d’économies initialement dominées par le secteur agricole. Hausmann et Rodrik (2003), Haus-
mann, Hwang et Rodrik (2007) affirment également que les pays qui s’engagent dans de nouvelles
activités plus productives et complexes ont tendance à se développer plus rapidement.
Timmer (2009), quant à lui, distingue quatre dimensions interdépendantes qui définissent ce proces-
sus à savoir : la baisse de la part de l’agriculture dans le PIB et l’emploi ; la migration rurale-urbaine
qui stimule le processus de l’urbanisation ; le développement de l’industrie et des services et la tran-
sition démographique.
D’un point de vue rétrospectif, la transformation structurelle signifie le mouvement de la main-
d’œuvre et des ressources productives des secteurs à faible productivité vers des secteurs à forte
productivité (McMillan et Rodrick, 2011), cette conception s’apparente à la «destruction créatrice
Schumpetérienne ». L’impulsion de l’innovation dans les secteurs stratégiques représente le facteur
indispensable au déclenchement de ce processus.

- Émergence des modèles précurseurs de la transformation structurelle

Avant l’émergence des travaux sur la transformation structurelle, plusieurs économistes de diffé-
rents courants de pensée économique ont étudié les structures économiques productives en faisant
des analyses de court terme (Quesnay, 1758. Smith, 1763, 1776. Marx 1885). Puis des analyses de long
terme (Schumpeter, 1928, 1939) portant sur les cycles industriels engendrés par un choc de progrès
technique qui mènent l’économie à passer d’un secteur à l’autre, définis selon Schumpeter : « la
destruction créatrice ». Ces explications ont donné lieu à une première vague d’analyse des change-
ments structurels de l’économie, avec des économistes qui ont essayé de détourner l’attention aux
secteurs qui stimulent la croissance économique, et à l’association du niveau de développement avec
la structure de l’économie (Fisher , 1939. Clark, 1957).

10
Ainsi, les modèles formels de la croissance économique exogène et endogène, apparus après la
deuxième guerre mondiale, basés sur l’agrégat de la fonction de production abordent également
des éléments clés qui ont contribué par la suite à l’analyse du changement structurel, même s’ils ont
quelques difficultés à intégrer correctement les secteurs hétérogènes dans leur cadre. « By virtue of
being a minimalist structure, the one–sector growth model necessarily abstracts from several features
of the process of economic growth » (Herrendorf, Rogerson, Valentinyi, (2014), p 3).
Les limites que représentent ces théories de croissance ont déclenché des premiers modèles précur-
seurs de la transformation structurelle. Il s’agit des théories du développement liées à la tradition
structuraliste 2 , qui a émergé après les décolonisations et les indépendances des années 1940-1960
dans les « Pays du tiers monde » notamment en Asie et en Afrique 3 , dont l’intérêt est de dégager
les défis économiques spécifiques auxquels sont confrontées ces économies. Pour ce faire, au lieu de
formuler des modèles de croissance hypothétique-déductive comme les néoclassiques, les structu-
ralistes utilisaient la méthode historique-déductive afin de comprendre les systèmes économiques
et le développement économique.
En effet, la théorie par « étapes du développement » de Rostow (1960), représente l’une des premières
approches historiques sur le changement structurel dans le contexte du développement économique
à l’intérieur du système capitaliste. Rostow classe les pays selon leur niveau de croissance en distin-
guant entre cinq phases du développement, dont l’étape centrale est celle du « take-off » caractérisée
par deux éléments : d’abord, l’accélération de la croissance causée par l’accumulation du capital, en-
suite, la transformation de la structure de production. Il considérait que les pays du tiers monde
étaient juste en retard, et leur développement n’est qu’une question de temps. Malgré le fait que
cette théorie a été fortement critiquée, en particulier par Gershenkron (1962), qui plaidait contre
la notion de voie de développement unique, elle a eu un impact considérable sur les conceptions
contemporaines du développement.
Par la suite, les modèles de l’économie duale et la théorie du « Big Push 4 » ont tous souligné l’impor-
tance de la prise en compte des différences sectorielles pour expliquer le développement de l’écono-
mie. Le modèle de Lewis (1954), représente un modèle classique pour les économies en développe-
ment, caractérisées par la présence de deux secteurs hétérogènes : un secteur traditionnel non capi-
taliste (agriculture) avec une faible productivité et une offre illimitée de la main d’œuvre (salaires de
subsistance) et un secteur moderne productif capitaliste. L’offre illimitée de la main d’œuvre garantit
l’accumulation du capital dans le secteur moderne ce qui permet un accroissement des profits et une
augmentation du taux d’investissement, et donc une hausse du revenu national. Par ce mécanisme,
le secteur industriel se développe jusqu’à ce que la migration de la main d’œuvre du secteur agricole
s’achève, et à partir de là les salaires commencent à augmenter. Donc l’élément moteur de la phase
du « take-off » c’est l’accumulation du capital qui mène, sur le long terme, à une transformation
structurelle.
2. Née dans le cadre de l’analyse économique libérale et a développé une théorie du développement opposée à la théorie néoclassique.
3. Pour un survol historique, consultez l’introduction théorique de Lahcen Oulhaj, du livre « équilibres externes, compétitivité et processus de
transformations structurelles » de l’OCP Policy Center.
4. Une théorie introduite par Paul Rosenstein-Rodan, en 1943, selon laquelle la solution pour sortir les pays pauvres de leur "trappe à pauvreté"
serait d’y investir massivement, via l’aide internationale, afin d’exploiter ces complémentarités.

11
Ranis et Fei (1964) ont formalisé la théorie de Lewis en la combinant avec les phases de dévelop-
pement de Rostow (1956) et considèrent trois phases de développement à l’intérieur de l’économie
duale, définis par la productivité marginale du travail agricole. La première phase est divisée selon
Ranis et Fei en deux, dans une première, l’économie stagne (the breakout point), elle est en fait ca-
ractérisée par la réaffectation de la main d’ouvre excédentaire vers un nouveau secteur non agricole,
le taux auquel cette main d’œuvre est transférée dépend du taux de croissance de la population, de
la qualité du progrès technique dans le secteur traditionnel et de la croissance du stock de capital
dans le secteur moderne. Lorsque la main-d’œuvre agricole licenciée a été réaffectée, la productivité
marginale du travail agricole commence à augmenter, mais reste inférieure au salaire institution-
nel. Cela marque le point de pénurie auquel l’économie entre en phase deux du développement. Au
cours de la deuxième phase, le chômage agricole restant est progressivement absorbé. À la fin de
ce processus, l’économie atteint le point de commercialisation (Lewis turning point) et entre dans la
troisième phase où le marché du travail agricole est pleinement commercialisé.
Ainsi, Jorgenson (1961) a développé le modèle de l’économie duale et affirme également que lorsque
le secteur agricole génère un excédent, la main d’œuvre est libérée de la terre et transférée au secteur
manufacturier à un taux égal au taux de croissance de l’agriculture. Donc, la production manufac-
turière n’est possible que s’il existe un stock de capital initial. Le secteur moderne est également
soumis au progrès technique, de sorte que, plus le rythme du changement technique est rapide, plus
le taux d’épargne est élevé et plus le taux de croissance de la population est rapide. En résumé, Jor-
genson soutient le fait qu’un pays ne puisse ressortir de la trappe à faible niveau de développement
que s’il insère le progrès technologique dans l’agriculture accompagné de mesures visant à diminuer
le taux de croissance démographique.
En définitive, les modèles de l’économie duale représentent l’une des premières tentatives de l’incor-
poration du processus du changement structurel dans les modèles de croissance économique. Ils ont
fourni des informations importantes sur les déterminants et les résultats de la dynamique structu-
relle sectorielle. Pourtant, ils n’étaient pas assez suffisants pour inclure tous les mécanismes moteurs
agissant sur la transformation structurelle. Compte tenu cette limite, la deuxième sous-section ex-
pose des modèles plus complexes expliquant ces mécanismes.

1.1.2 Mécanismes de la transformation structurelle

- Le mécanisme de l’offre

L’approche de l’offre est connue par l’approche technologique. Elle considère que l’existence d’un
changement de la structure du prix relatif et l’existence d’un différentiel de technologie entre les
secteurs déterminent la transformation structurelle. De ce fait, le progrès technologique conduit soit
à une amélioration de la productivité où à l’émergence de nouveaux produits. Des technologies de
production améliorées permettent de produire les mêmes biens avec des coûts unitaires inférieurs.
Les nouveaux produits répondent souvent mieux aux mêmes besoins que les produits existants ayant
une meilleure qualité.

12
Baumol, (1967) est parmi les premiers à modéliser la transformation structurelle dans le cadre d’un
déséquilibre dû au différentiel de la productivité des secteurs. Il distingue entre deux secteurs ; un
progressif (l’industrie) et l’autre stagnant (les services), en considérant le travail comme le seul fac-
teur de production. Le secteur progressif a une productivité qui s’accumule avec un taux constant dû
au progrès technologique, alors que la productivité du secteur stagnant reste fixée au même niveau,
et sachant que les salaires augmentent au même taux dans tous les secteurs, le secteur stagnant fera
face à une accumulation des coûts de production qui ne pourra être compensée. Ce mécanisme est
connu sous le nom « Cost disease », ce secteur sera disparu vu l’augmentation graduelle des prix
sauf si sa demande est inélastique.
Baumol a conclu dans son modèle que, pour avoir une croissance équilibrée entre les secteurs avec
des taux constants, le travail devrait se déplacer dans la direction du secteur stagnant afin d’aug-
menter sa productivité au même niveau du secteur progressif. Cette situation mène au blocage de
l’économie dans un équilibre bas et convergera vers zéro. Certes, le modèle de Baumol néglige tout
rôle de demande ou de l’accumulation du capital humain comme source de croissance mais ses tra-
vaux empiriques en 1985 montrent que pendant la période 1947-1976, l’emploi et les prix des secteurs
stagnants des États-Unis ont augmenté d’un rythme plus rapide que les autres secteurs progressifs.
Le modèle de Baumol est un modèle pionnier qui a montré comment le différentiel de la productivité
entre les secteurs agit sur le mécanisme du changement de la structure des prix en particulier et du
changement de la structure de la croissance de long terme en général.
Continuant sur cette lignée, Ngai et Pissarides (2007) présentent également une explication du chan-
gement structurel par un modèle de croissance multisectoriel, où les secteurs ont des fonctions de
production identiques mais des taux exogènes de progrès technologique. Pour le cas d’une faible
substituabilité entre les produits finis (moins de 1), l’emploi est délaissé dans les secteurs où le taux
du progrès technique est élevé. Leur modèle s’inscrit dans une logique de croissance équilibrée et
confirme les faits de Kaldor 5 en joignant le capital comme facteur de production.
En ajoutant l’intensité capitalistique des secteurs comme déterminante du changement de la struc-
ture des prix, Acemoglu, Guerrieri, (2008) démontrent que les variations des prix relatifs des outputs
peuvent résulter de la variation des prix des intrants si les secteurs varient de l’intensité avec laquelle
ils utilisent ces derniers, c.à.d. qu’il y a des changements dans l’offre relative de facteurs. Dans ce
cas, on peut générer une transformation structurelle via des changements de prix relatifs même si le
changement technologique est neutre. Leur modèle montre que les allocations d’équilibre (Pareto-
optimales) présentent une croissance non équilibrée au niveau sectoriel mais sont cohérentes avec
les faits Kaldor à long terme.

- Le mécanisme de la demande

Cette facette de la littérature sur la transformation structurelle repose sur les différences d’élasticité-
revenu de la demande entre les secteurs. Elle regroupe un ensemble de travaux qui ont inclus un côté
5. Les faits de Kaldor sont six déclarations sur la croissance économique, proposées par Nicholas Kaldor dans son article de 1957, se résumant par
une stabilité des agrégats économiques dans le long terme

13
crucial dans l’explication du changement structurel. Elle stipule que l’augmentation du revenu par
habitant conduit à une réallocation des activités vers les secteurs qui fournissent des biens répon-
dant à des besoins hiérarchiques relativement plus élevés ce qui est conforme à la loi d’Engel. C’est
pourquoi le besoin en facteur travail dans les secteurs non agricoles augmente, d’où le déplacement
de la main d’œuvre de l’agriculture aux autres secteurs. Cette approche repose sur le principe des
préférences non homothétiques.
Dans ce sens, Echevarria (1997) a construit un modèle d’équilibre général dynamique afin d’exami-
ner la relation entre les niveaux de revenu et le taux de croissance comme effet des changements
dans la composition sectorielle entrainés par les différences élasticités-revenus pour les trois sec-
teurs. Elle s’est inspirée du modèle Solow multisectoriel avec des préférences non homothétiques.
La dynamique montre qu’un secteur domine l’ensemble de l’économie. Echevarria a conclu que, la
composition sectorielle explique une part importante de la variation des taux de croissance observés
entre les pays.
Également Laitner (2000), à travers son analyse d’une économie à deux secteurs, a montré que la
transformation structurelle peut affecter le taux d’épargne grâce au fonctionnement de la loi d’En-
gel qui prend en compte la composition des actifs dans les portefeuilles des ménages. Son modèle
est structuré comme suit : au début la terre représente un facteur de production important pour le
secteur agricole tout comme le capital pour le secteur manufacturier mais avec l’augmentation des
revenus due au progrès technique, la terre devient moins importante et la propension moyenne à
épargner augmente. Étant donné que la loi d’Engel implique un transfert de la demande de l’agri-
culture aux produits manufacturiers, donc à la limite, la part de l’agriculture dans le PIB total tend
vers zéro alors que la part du secteur manufacturier tend vers l’unité.
Pour ce qui est de la croissance équilibrée, l’article de Kongsamut et al (2001) est l’un des premiers
travaux qui ont concilié la transformation structurelle avec les faits de Kaldor. En modélisant une
économie à trois secteurs avec un taux commun de progrès technique exogène, des préférences non
homothétiques, et un taux d’intérêt réel constant, tandis que les parts du secteur peuvent croître
différemment. Malgré leur popularité dans la littérature, ce modèle a été critiqué en raison de la
spécification de la fonction de production sectorielle.
Différemment aux modèles précédents, Foellmi, Zweimüeller, (2008) ont construit un modèle de
croissance endogène avec des changements structurels, fondé sur des préférences non homothé-
tiques ainsi qu’une situation dans laquelle de nouveaux biens sont introduits continuellement. Leur
approche a pu capturer des modèles réalistes du changement structurel. Particulièrement, le modèle
prévoit non seulement une variation monotone de l’emploi dans le secteur primaire et tertiaire, mais
également une part du secteur secondaire qui augmente au début puis elle diminue au cours du dé-
veloppement économique. Pour simplifier, et pour mettre en évidence le mécanisme de la demande,
les auteurs supposent une croissance de la productivité sectorielle constante dans tous les secteurs.
L’extension du modèle de base au cas des innovations de produits endogènes montre que les com-
plémentarités qui en résultent entre la croissance agrégée et sectorielle peuvent donner lieu à des
équilibres multiples. C’est pourquoi, le modèle ne se limite pas uniquement dans l’explication du

14
processus de croissance et de transformation structurelle, mais il montre également pourquoi cer-
tains pays connaissent une croissance de long terme élevée et plusieurs industries décollent, alors
que dans d’autres pays il n y’a ni changement dans la structure de production, ni augmentation de
la productivité.

- La réconciliation entre les mécanismes de l’offre et de la demande

Pour ce qui est des théories combinant entre les mécanismes de l’offre et de la demande simultané-
ment. Fourastié (1949,1969) trouve que le passage d’une société dominée par le secteur agricole à une
société dominée par le secteur tertiaire est causé par l’interaction de l’offre et la demande ; le progrès
technique en est le déterminant car il impacte le travail, la structure de la production et le revenu
par tête, mais ce sont les changements de la structure de la demande qui façonnent la direction de
cette transformation structurelle.
Pasinetti, quant à lui, confirme cette idée en considérant que la transformation structurelle est in-
évitable. Il se focalise sur la dynamique structurelle du système économique. Dans ses deux livres
Structural Change and Economic Growth (1981) et Structural Economic Dynamics (1993), il montre que
l’économie subit à une transformation continue et constante, et que le déséquilibre et l’instabilité
représentent la norme dans ce cas.
Pasinetti (1981, 1993) montre que l’interrelation entre le progrès technique et le coefficient de la
demande des secteurs assurent un processus de transformation structurelle continu, tout en sup-
posant que ce progrès technique est un résultat exogène du Learning. Ce dernier a deux effets ; le
premier réside dans la diminution du travail qui cause à son tour un accroissement de la productivité
conduisant à l’augmentation du revenu par tête, ce qui permet d’élargir la consommation suivant
la loi d’Engel. Deuxièmement, le progrès technique suscite l’émergence de nouveaux produits. Ces
mécanismes provoquent des changements des coefficients du travail et de la demande des secteurs.
Si leur évolution était la même, donc la structure ne changerait pas (le cas des modèles de crois-
sance exogène), mais normalement la variation des coefficients diffère d’un secteur à l’autre ce qui
explique un processus continu de la transformation structurelle qui est considéré comme caractéris-
tique naturelle de l’économie.
L’approche de Pasinetti, semblable à celle de Fourastié, est bâtisseuse. Elle combine entre les ap-
proches Postkeynésiennes et Néoclassiques de la croissance mais elle présente quelques limites telles
que les hypothèses de l’exogéniété du progrès technique, l’absence des institutions, etc. . .
Sur cette voie, Reati, A. (1998), Andersen,E.S., (2001) et Fusari et Reati (2013) dépassent ces limites
en endogénisant le progrès technique et le coefficient de la demande. Ensuite, Buera, F. J., Kaboski,
J. P. (2009) sont les premiers à incorporer les mécanismes de l’offre et de la demande dans un modèle
standard quantifiant ces deux effets. Ils trouvent que cette modélisation présente plusieurs limites ;
à savoir l’incapacité du modèle à répliquer les faits stylisés de la désindustrialisation et de l’augmen-
tation de la part des services, et l’utilisation d’une élasticité de substitution très faible inadaptée aux
données réelles.

15
Compte tenu ces limites, les travaux les plus récents ne cherchent pas uniquement à expliquer quel
est le mécanisme dominant, mais plutôt quel type de modélisation (choix de la fonction d’utilité) est
optimal et lequel reflétera avec pertinence les faits stylisés de la transformation structurelle, donc le
débat devient plutôt technique que théorique.
Suivant cette logique, Herrendorf et al, (2013) présentent deux approches de la spécification des
préférences, celle par les dépenses de consommation finale et celle par les valeurs ajoutées. La pre-
mière implique que le changement est dû aux variations des revenus (mécanisme demande) alors
que la deuxième est fondée sur l’explication du changement qui est dominé par les variations des
prix relatifs (mécanisme de l’offre).
Également, Boppart (2014) présente un essai de réconciliation adéquat avec les faits de Kaldor, et
en quantifiant ces paramètres, il trouve que les deux forces de l’offre et de la demande sont égales
dans l’explication du changement structurel. Il a introduit une nouvelle agrégation de préférences :
les préférences Non Goorman 6 , différentes des modèles précédents qui utilisent des fonctions de
forme CES.
Ces types de modélisation des préférences feront ensuite sujet du modèle de Comin, Lashkari, et
Mestieri (2015) qui se distingue par l’introduction d’un ensemble de fonctions d’utilité qui génèrent
des demandes sectorielles non homothétiques pour tous les niveaux de revenu, y compris lorsque le
revenu croît vers l’infini. Leur modèle inclut des paramètres de non-homothéticité particulières qui
génèrent des courbes d’Engel à n’importe quel niveau de développement, ce qui est conforme aux
preuves sur les pays riches et des pays en développement.
Ainsi, en vue de tester la pertinence du modèle, les auteurs comparent le pouvoir prédictif de ce
dernier avec deux systèmes de demande les plus importants dans la littérature ; l’un avec des pré-
férences généralisées de Stone-Geary (non homothétiques) (Buera et Kaboski, 2009), et l’autre avec
les préférences généralisés linéaires (PIGL) indépendantes des prix (Boppart, 2014a). Ils trouvent
que les préférences CES non homothétiques offrent une meilleure prise en compte des modèles de
transformation structurelle.
En conclusion, les travaux sur les mécanismes de la transformation structurelle ont passé par plu-
sieurs développements. Des travaux étudiant globalement comment l’économie se développe (les
approches historiques), ensuite ceux qui ont travaillé sur un seul mécanisme (offre ou demande) et
d’autres qui ont réconcilié entre les deux mécanismes simultanément pour visualiser ce processus.
Finalement, les derniers développements théoriques de la transformation structurelle se sont foca-
lisés sur les spécifications des modèles qui permettent de visualiser clairement l’ensemble de ces
mécanismes.
6. Utilisées dans l’étude du comportement du consommateur en microéconomie, ce type de préférences est utilisé pour étudier l’agrégat de de-
mande sous l’hypothèse qui tient en compte son invariance face aux changements dans la répartition des revenus sur les consommateurs individuels.
Ainsi, cette demande agrégée ne dépend que des prix et des revenus agrégés.

16
1.2 Revue de littérature empirique

Dans cette section, nous allons mobiliser dans un premier temps les travaux empiriques travaillant
sur les processus de transformation structurelle dans les pays développés comme référence pour
étudier ceux des pays en développement. Ensuite et suivant la même logique, on va voir quels sont
les forces économiques agissant sur ces processus. La dernière sous-section portera sur les travaux
empiriques qui se focalisent sur le cas du Maroc, objet de notre mémoire.

1.2.1 Les procesus de transformation structurelle : Un survol empirique

A travers cette première sous-section on cherche à explorer la littérature empirique qui a documenté
les différents processus de la transformation structurelle dans les pays développés et en développe-
ment. Cette partie se focalisera sur les études pionniers qui ont utilisé les bases de données telles
que PEN World tables, UNIDO, WDI, Maddison, EU KLEMS et des méthodes statistiques comme la
méthode de decomposition Shift-Share.
L’analyse des premiers processus de la transformation structurelle s’inscrit dans le cadre de la théorie
de la croissance moderne introduite par Kuznets (1973) dans laquelle il montre que l’augmentation
de la productivité et l’accroissement du taux de transformation structurelle de l’économie sont deux
des six caractéristiques du développement.
Les travaux pionniers de Kuznets (1963, 1971) et de Maddison (1989) ont documenté un nombre de
régularités empiriques entre les pays développés dans leur processus de transformation structurelle.
Traitant le cas des pays tels que les États-Unis, l’Union Européenne et le Japon qui ont connu dès
le 19ème siècle un changement dû à la révolution industrielle et un processus qui se résume par un
changement canonique de l’emploi de l’agriculture vers l’industrie dans une première phase, puis
une migration de l’emploi de l’industrie vers les services dans les années 70. Même si la vitesse de la
transformation peut varier d’un pays à l’autre, mais il existe des caractéristiques communes : à me-
sure que le PIB augmente, la part de la production agricole diminue, la part de l’industrie augmente
initialement puis diminue, et la part des services augmente régulièrement.
Ce processus a été considéré comme une référence, il se focalise sur l’industrialisation qui représente
une caractéristique particulière par rapport aux autres secteurs. Selon Duarte, M., et Restuccia, D.
(2010) le rattrapage de la productivité dans l’industrie explique environ 50% des gains de productivité
globale entre les pays 7 . De plus, une caractéristique clé de l’industrie est la convergence incondi-
tionnelle à l’encontre des services et l’agriculture (Rodrick, 2013) 8 qui a permis aux pays comme les
pays asiatiques de se rattraper après les années 60. Cependant, les pays développés ont connu une
nouvelle phase caractérisée par le phénomène de désindustrialisation qui se voit dans la courbe de
la part du travail qui prend la forme U inverse. Rodrick (2016), quant à lui, utilise un modèle qui
prend en compte la démographie et la tendance du revenu national pour l’explication de la part de
7. Etudié sur un Panel de 29 pays de différents niveaux de développement avec des observations annuelles pour l’agrégat PIB par heure du travail
et valeur ajoutée par heure pour l’agriculture, l’industrie et les services.
8. En utilisant un panel de 118 pays et la période de convergence avant la crise de 2008 par les bases de données d’UNIDO, Rodrick considère que
la croissance de la productivité du travail de chaque industrie est en fonction de deux effets ; effet spécifique du pays et un effet de convergence.

17
l’industrie dans 4 panels de régions différentes. En outre, il énonce en détail le fait qu’il y a eu une
délocalisation importante des industries des régions les plus riches du monde (États-Unis et Europe)
vers l’Asie, en particulier la Chine.
Cette réallocation est accompagnée par une augmentation de la part des services chez ces pays
arrivant aux environs de 60% à 70% du PIB 9 en Europe, alors que la croissance de la productivité
des services était beaucoup plus faible que dans le reste de l’économie, et leurs prix ont tendance à
augmenter plus rapidement (Cost disease). Ces caractéristiques représentent quelques explications
de la stagnation séculaire dans les pays développés. Jorgenson et Timmer (2011) suggèrent que les
services présentent une grande hétérogénéité et que l’analyse de la transformation par la trichotomie
(agriculture/industrie/service) n’est plus pertinente et qu’il faut désagréger les services afin d’étudier
leur différentiel de productivité et son impact sur le processus de la transformation structurelle. Ils
stipulent qu’il est nécessaire de se baser dans la recherche sur le potentiel du progrès technique et
sa diffusion dans le secteur des services, car ce dernier utilise une structure d’inputs différente par
rapport à celle de l’industrie, une « soft » innovation 10 , un investissement dans le capital humain, un
capital ICT 11 et un changement organisationnel. Ce qui permettra d’étudier le potentiel et d’intégrer
l’innovation des services dans les modèles de croissance et de diffusion technologique.
En considérant jusqu’ici le processus cité comme sentier de référence optimal pour acquérir le niveau
de développement souhaité, Bah (2011) démontre que les économies en développement ont connu
des processus de transformation structurelle divergents et hétérogènes par rapport à ceux des pays
développés.
Commençant par le cas des pays asiatiques 12 en tant que pays exemplaires qui ont réussi le « take-off
» et ont assuré un processus de transformation structurelle très proche de celui des pays avancés.
On remarque que leur changement structurel simule la croissance par sa contribution à la producti-
vité globale du travail. En se focalisant sur l’industrialisation et sur la compétitivité sur les marchés
extérieurs, ces pays ont pu s’échapper à la trappe à revenu intermédiaire 13 . Ainsi, leur transfor-
mation structurelle a engendré des réallocations dynamiques positives depuis les années 60 c.à.d.
l’existence d’externalités positives, l’accès aux technologies et l’accumulation des capacités conti-
nue (Timmer, M P, de Vries, G., de Vries, K. 2015). Certes, il existe quelques différences entre les
pays asiatiques, mais généralement, ils ne subissent pas au phénomène de désindustrialisation au
détriment des services comme les pays avancés.
D’un autre volet d’analyse, plusieurs études empiriques démontrent la déviation des processus des
pays Africains et de l’Amérique Latine des confirmations de la littérature de la transformation struc-
turelle. Ils sont caractérisés par des processus dissemblables ayant des directions différentes qui ont
mené à des niveaux bas de développement. Un point de départ commun entre ces pays réside dans
le type de politiques économiques prises après leurs décolonisations ; ils ont suivi des politiques de
9. El-hadj M. Bah (2011) Structural Transformation Paths Across Countries, Emerging Markets Finance and Trade, 47 :sup2, 5-19
10. Les « soft innovations » sont des services basés sur les investissements intangibles à l’encontre des « hard » technologies de l’industrie.
11. Investissement dans les Technologies de l’information et de la communication qui renforce les liens interindustriels d’une économie, et considéré
comme input initial pour les services marchands.
12. En considérant principalement les quatre tigres d’Asie de l’Est (Corée, Singapour, Taïwan, Hong Kong), qui ont convergé vers les niveaux des
revenus des pays occidentaux avancés durant la seconde moitié du 20ème siècle.
13. Une contribution théorique expliquant le mécanisme engendrant ce phénomène est traitée en détail par Lin, J. Y., Wang, Y. (2020). Structural
Change, Industrial Upgrading, and Middle-Income Trap. Journal of Industry, Competition and Trade, 1-36

18
substitution à l’importation et des politiques d’industrialisation intensive en capital 14 qui ont permis
d’augmenter la part des industries en Afrique de 9,2% à 14,7% entre 1960 à 1975 mais ayant des coûts
de production élevés. Ces politiques ont rencontré plusieurs obstacles dont l’ouverture imposée par
les programmes d’ajustements structurels suivant le consensus de Washington, sous les arguments
basés sur des notions informelles dérivés de la théorie classique du commerce 15 . Cette ouverture
n’a pas eu les mêmes effets sur tous les pays. Wacziarg, R., et Wallack, J. S. (2004) constatent que la
présomption en faveur de la réallocation du travail du fait de la libéralisation des échanges est, empi-
riquement, une hypothèse non prouvée. Ainsi, les mouvements intersectoriels de la main-d’œuvre
sont nuls alors qu’il existe quelques déplacements intra sectoriels à faible ampleur. Leur analyse
montre également que des réformes de libre échange isolées et des rigidités du marché du travail
réduisent les gains potentiels de l’ouverture et bloquent les réallocations efficientes (cas du Maroc).
Il parait donc que ces difficultés ont causé des années de faible croissance, une grande dépendance
et un retard de la phase du take-off ce qui a ralenti le processus de la transformation structurelle.
McMillan et al. (2014) montrent que le processus de transformation structurelle dans ces pays a joué
le rôle de réducteur de croissance car la force de travail a passé des activités à productivité élevée
vers des activités à faible productivité (services), réduisant la croissance de l’Afrique de 1.3 point de
pourcentage par an en moyenne. Même avec quelques efforts, ces obstacles ont mené à la désindus-
trialisation prématurée en Afrique accompagnée d’une augmentation de la part des services dans le
produit global. Timmer, De Vries (2015), McMillan et al. (2014) montrent que la réallocation des tra-
vailleurs aux services marchands ayant une croissance de la productivité inférieure à la moyenne a
eu des implications dynamiques négatives après 1990, même s’il existe des gains statiques à prendre
en considération, les gains dynamiques restent négatifs. Ce qui est dû à la nature de ce type de
services qui sont caractérisés par l’informel et l’absorption des travailleurs non qualifiés.
Également, ils ont montré que l’ajout des données de l’informel dans l’étude de la convergence des
secteurs mène à des conclusions différentes par rapport à celles de Rodrick (2013). Finalement, ils
trouvent que la productivité sur le marché des services africain est en recul et se positionne derrière
la frontière mondiale pendant une période où l’emploi dans ce secteur s’est développé rapidement.
Cela indique le rôle crucial du manque du capital humain qualifié, l’informalité et de l’inefficience
des politiques économiques dans le processus du changement structurel.
Ces régions, principalement l’Afrique, ont subi à un changement structurel avec des niveaux bas
de croissance par habitant dans des périodes de stagnation ou même de crise, ce qui contredit les
explications de Kuznets et ce qui a bloqué ces processus de développement.

1.2.2 Les mécanismes de la transformation structurelle : contributions empiriques

Les travaux empiriques traités précédemment expliquent les processus de transformation struc-
turelle dans différents pays selon leur niveau de développement. Un certain nombre d’explications
14. Pour plus de détail consultez le chapitre introductif du livre de Lin, J. Y. (2012). New structural economics : A framework for rethinking deve-
lopment and policy. The World Bank.
15. Selon cette théorie, les économies ouvertes devraient se spécialiser selon le modèle des avantages comparatifs et relocaliser les facteurs pro-
ductifs entre les secteurs.

19
théoriques de ces processus ont été proposées dans la littérature, où il y’a cependant peu de consen-
sus sur l’importance relative des mécanismes suggérés. La présente sous-section consiste à regrou-
per les études empiriques qui examinent ces mécanismes, dans les pays développés premièrement
en tant que référence pour servir à traiter dans un deuxième temps le cas des pays en développement
et plus particulièrement le Maroc.
En effet, en vue de tester lequel des mécanismes agit sur le processus de transformation structurelle,
une grande partie de la littérature empirique distingue entre quelques types de modèles à savoir,
les modèles input-output, les modèles de croissance multisectoriels adaptés aux faits stylisés de la
transformation structurelle et les exercices contrefactuels.
Pour ce qui est des études portant sur ces mécanismes dans les pays développés, Dennis, et İşcan
(2009) ont essayé de voir dans quelle mesure chacun des effets de l’offre (Baumol et l’accroissement de
l’intensité capitalistique) et de la demande (L’effet d’Engel) contribue dans l’explication de la trans-
formation structurelle aux États-Unis au cours des deux derniers siècles. En développant un cadre
comptable du changement structurel qui prend en compte les trois principaux moteurs identifiés
précédemment. Ils ont trouvé que les effets Engel et Baumol expliquent l’essentiel de la transforma-
tion structurelle américaine au cours des deux derniers siècles. En effet, la faible élasticité-revenu de
la demande de produits agricoles (Effet Engel) explique une grande partie (80% ) de la réallocation
de la main-d’œuvre jusqu’aux années 1950, après, l’effet Baumol (12% ) devient également un déter-
minant clé. En outre, ils constatent que les différences de progrès technique entre les trois secteurs
sont la force dominante derrière la transformation structurelle, tandis que d’autres différences entre
les technologies sectorielles sont de deuxième ordre.
De même, Fukao, Kyoji, et Saumik Paul (2019) ont utilisé le modèle de Leontief (1951) en appliquant
le cadre de Chenery, Shishido et Watanabe (1962) et modifient leur cadre de décomposition en in-
corporant un indice de chaîne formule (Dietzenbacher et Los 1998) pour examiner la contribution
de chacun des moteurs (offre-demande) de transformation structurelle au Japon, sur une période de
100 ans (entre 1885 et 1985). Les résultats obtenus concluent que dans la période d’avant la Seconde
Guerre mondiale, l’effet de la demande a joué un rôle central dans l’explication de la déviation entre
la production sectorielle et la croissance proportionnelle de la production. Alors que l’effet de l’offre
a engendré une transformation structurelle dans la seconde moitié du XXe siècle, il a donc expliqué
la majorité des changements dans la composition de la production totale entre les secteurs. Les ré-
sultats de la décomposition à un niveau plus désagrégé suggèrent que dans la plupart des secteurs,
les variations de la consommation privée ont été la force dominante derrière les explications du côté
de la demande.
En ajoutant d’autres mécanismes affectant la transformation structurelle, Guo, Kaiming, Jing Hang,
and Se Yan (2018) ont utilisé un modèle de croissance néoclassique basé sur les cadres de Uy et al.
(2013), Sposi (2015) et Swiecki (2017), accompagnés d’une approche de décomposition et des exer-
cices contrefactuels qui sont similaires à ceux de Dennis et Iscan (2009) et Cai (2015), en vue d’exami-
ner les facteurs qui peuvent influencer le changement structurel de la Chine dans un cadre analytique
unifié et de déterminer la direction et l’ampleur de chacun de ces effets. Ils trouvent premièrement,

20
que l’effet Engel, l’effet investissement et l’effet des coûts de transitions sont les principaux facteurs
affectant la variation de la part de l’emploi dans les secteurs primaire, secondaire et tertiaire, respec-
tivement. L’impact de l’effet Engel sur le secteur agricole s’est principalement produit avant 2000,
et l’effet de l’investissement et des coûts de transition sur les secteurs industriel et des services s’est
principalement produit après 2000. L’effet Baumol a un effet plus fort qui diminue le taux d’emploi
dans le secteur agricole et celui des services, et l’effet du commerce international a un certain rôle
dans l’augmentation de la part de l’emploi dans le secteur industriel. Deuxièmement, l’élasticité de
la demande à faible revenu, la forte intensité de main-d’œuvre et l’existence de coûts de transition
sont les raisons de la part élevée de l’emploi dans le secteur agricole. Le progrès technologique, l’in-
vestissement et le commerce international ont relativement moins d’influence sur la différence de
proportion de l’emploi dans les trois secteurs.
Pour ce qui est des études qui consistent à comparer les caractéristiques de tertiarisation spécifiques
aux pays à des stades de développement différents avec un secteur de services étendu. Souza, An-
drade Bastos, et Perobelli, (2016) comparent entre les États Unis et le Brésil en se focalisant sur les
changements de la demande finale et intermédiaire et la productivité sectorielle. Ils concluent à tra-
vers l’usage du modèle input-output structural decomposition analysis quatre points principaux. Le
premier est par rapport à l’expansion des services qui a été favorisée par plusieurs facteurs, parmi
lesquels la consommation des ménages joue un rôle important pour les deux pays, ce qui peut s’ex-
pliquer à la fois par la loi d’Engel et par les changements dans les préférences des ménages. Le
deuxième constat de l’étude est le fait que les liens interindustriels ne jouent un rôle majeur qu’aux
États-Unis. La troisième conclusion concerne, les différences entre les prix courants et constants qui
montrent qu’il n’y a aucune preuve de pressions sur les prix des services. Cela pourrait s’expliquer
par l’excès d’excédent de main-d’œuvre qui réduit l’effet de la « maladie des coûts », car les tra-
vailleurs à faible productivité acceptent de bas salaires, dans la mesure où ces travailleurs comptent
sur peu d’opportunités sur le marché du travail. Enfin, l’analyse de la productivité totale des fac-
teurs a montré des signes de croissance pour presque tous les secteurs aux États-Unis, alors qu’elle
a prouvé une perte de productivité dans neuf des seize secteurs producteurs de biens et dans deux
secteurs de services pour le Brésil.
Également, Swiecki, (2017) quant à lui, a essayé de visualiser les mécanismes dominants dans un
panel de 45 pays à différents stades de développement en construisant un modèle combinant quatre
forces dans un cadre commun pour comprendre les processus du changement structurel sur la pé-
riode 1970-2005. Les résultats indiquent que le progrès technique axé sur le secteur représente le
mécanisme le plus important qui explique mouvement de la main d’œuvre manufacturière vers les
services dans les pays développés. Ainsi, les préférences non homothétiques jouent un rôle clé dans
la transition de la main d’œuvre hors de l’agriculture, qui est pertinente pour les pays aux premiers
stades du développement économique. Ces deux mécanismes sont jugés nécessaires et pleinement
suffisants pour comprendre les changements structurels qui se produisent dans les pays, quel que
soit leur niveau de développement. Aussi, le commerce international et l’évolution des coûts relatifs
des facteurs d’un secteur à l’autre sont importants pour chaque pays, mais le fait d’ignorer l’un ou
l’autre ne conduirait pas à un biais dans la prévision des changements dans l’allocation du travail

21
au fil du temps. Néanmoins, ils sont importants pour les petites économies qui ont tendance à en
dépendre davantage.
Cependant, le fait que certaines économies émergentes qui ont adopté des politiques d’ouverture
commerciale comme la Corée du Sud et le Taïwan ont connu des transformations structurelles a
motivé plusieurs économistes pour quantifier l’effet de l’ouverture sur le changement structurel.
Dans ce sens, Timothy Uy et Al (2013) ont développé un modèle d’économie ouverte multisectoriel
pour étudier le changement structurel de la Corée du Sud entre 1971 et 2005, en prenant en compte
les effets Engel et Baumol. En utilisant une version en économie fermée du modèle, ils trouvent que
l’erreur quadratique moyenne de ce dernier est 60% plus élevée que celle du modèle de référence, ce
qui nous laisse déduire l’importance de l’ouverture commerciale dans l’explication du changement
structurel de la Corée. Ils concluent également l’importance des préférences non homothétiques
dans l’explication de l’évolution des services et de l’agriculture.
D’un point de vue rétrospectif, à travers l’ensemble des études empiriques traitées dans la présente
sous-section, il s’avère que les effets Engel et Baumol expliquent l’essentiel de la transformation
structurelle dans la plupart des pays. Sauf que les pays dans les premiers stades du développement
sont dominés par les mécanismes de la demande, une fois leur économie se transforme, le mécanisme
de l’offre devient également un facteur clé pour l’explication du changement structurel. D’autres
facteurs impactent également le processus de la transformation structurelle mais leur importance
varie d’un pays à l’autre, à titre d’exemple le commerce international. . .

1.2.3 La transformation structurelle au Maroc : résultats empiriques

Le fait d’aborder les études empiriques analysant les processus de transformation structurelle dans
les pays selon leur niveau de déveloloppement, nous permet enfin de positionner le processus du
Maroc. Dans ce sens, cette sous-section a pour but d’exposer les travaux empiriques sur ce dernier.
On se réfère tout d’abord au travail de Tounsi et al. (2013), qui, en se basant sur l’analyse input-
output, vise à donner une vue générale sur les caractéristiques structurelles de l’économie maro-
caine dans la période 1998-2007. Ils distinguent entre deux types de secteurs, ceux qui sont liés aux
autres secteurs en tant qu’utilisateurs de leurs produits, et d’autres, qui sont liés en tant que four-
nisseurs d’intrants. En utilisant des mesures de l’intensité de ces liens, ils concluent que le secteur
des industries alimentaires et du tabac est classé en tête des secteurs clés au cours des années étu-
diées. De surcroît, Les données disponibles ne révèlent aucun changement structurel de l’économie
marocaine. Finalement, ils suggèrent que « The specialization of the Moroccan economy is a vertical
integration with the world economy. This form of specialization rarely leads to the development of a
web of dense domestic links between productive sectors. What is needed for Morocco is not just a passive
integration with other economies but a strategic integration that is conducive to the development of a
horizontal specialization that will lead to a strengthening of links between productive sectors. » (Tounsi
et al, (2013) p.16)
Pour ce qui est des travaux qui se spécialisent dans l’analyse de la performance secteur agricole et
sa contribution à l’accélération du processus de la transformation structurelle au Maroc. Chatri, A.,

22
Maarouf, A., Ezzahid, E. (2015), s’appuient sur la même méthode, et concluent que, entre 1999 et
2009, la faible intégration du secteur agricole au reste de l’économie est le principal facteur du ra-
lentissement de la transformation structurelle. De plus, il n’y a pas eu une réorientation des activités
vers les secteurs modernes productifs. Les secteurs clefs de l’économie marocaine sont toujours des
secteurs traditionnels et intensifs en main d’œuvre non qualifiée.
D’un autre volet d’analyse, Ali, A., Msadfa, Y. (2016) étudient la réallocation du travail entre les sec-
teurs au Maroc entre 1999 et 2013 et trouvent que l’économie marocaine a connu une augmentation
de la PTF de 3.7% dont 13% est due à la réallocation du travail vers des secteurs plus productifs et
le reste est dû à l’accumulation du capital et à une amélioration technologique (within effect). Ainsi
le secteur des services apparait comme le secteur le plus attractif dans ce processus avec une aug-
mentation de sa productivité moyenne de 2.6% qui représente 40% des gains intersectoriels globaux.
Il en ressort aussi que le secteur manufacturier, semblable à l’agriculture, a une contribution po-
sitive à la PTF mais sa contribution reste plus faible par rapport à celle des services. Ils montrent
également que, le Maroc est affecté par la désindustrialisation prématurée et que le fait de renforcer
son intégration dans les chaines de valeurs mondiales demeure une opportunité pour dépasser ce
problème.
En utilisant les deux méthodes citées précédemment, CE Moussir et A, Chatri (2018), vérifient si le
Maroc s’est inscrit dans un processus de transformation structurelle. Les résultats obtenus par la
méthode de la décomposition de la productivité du travail selon McMillan et Rodrick. (2011) et De
Vries et al. (2015) indiquent que le changement structurel a très peu contribué à la croissance globale
de la productivité du travail au Maroc (1970-2012). La part intra sectorielle explique majoritairement
cette croissance. L’effet de réallocation statique positif traduit une modification de la répartition de
l’emploi des secteurs à faible productivité à des secteurs à forte productivité. Toutefois, la contribu-
tion dynamique négative montre que productivité marginale des travailleurs supplémentaires dans
les secteurs en expansion a été inférieure à celle des activités existantes. En comparant la produc-
tivité relative des secteurs en fin de période par rapport à la variation de leur part de l’emploi. Ils
concluent que, pour le Maroc, seul le secteur des services a enregistré un changement positif, le sec-
teur agricole et celui de l’industrie ont une valeur négative. Ce qui confirme qu’au Maroc le travail
a été opéré depuis l’agriculture et l’industrie vers les services.
Les résultats qu’ils ont obtenus par l’analyse input-output en 1998, 2007 et 2013, révèlent que les
secteurs clés de l’économie marocaine restent inchangés et semblent être orientés vers les secteurs
traditionnels à faible productivité. Ils confirment d’après les liens en amont et en aval, que le secteur
agricole n’est pas assez diversifié et intégré pour pouvoir utiliser les inputs provenant des autres
branches d’activité. Alors qu’en industrie, grâce à la mise en place d’écosystèmes industriels, les
effets en amont sont globalement très importants. Le secteur des services présente une prédomi-
nance de l’intégration en amont conduisant à une inertie dans la montée en gamme. Finalement, les
auteurs ont adopté une estimation économétrique utilisée par Marouani et Mouelhi (2016), McMil-
lan et Rodrick. (2011), Morsy, Levy et Sanchez (2014) dans le but de dégager les déterminants de la
transformation structurelle stimulant la composante intersectorielle. Ils concluent que la flexibilité
du marché du travail, le niveau d’inflation et le système financier représentent un frein pour l’amé-

23
lioration d’une compétitivité plus accrue à même de permettre l’émergence de nouvelles activités
productives.
En analysant ces obstacles, Currie, J et Harrison, A. (1997) ont montré que l’impact des réformes
de la réduction tarifaire des années 80 sur le mouvement d’emploi est nul, particulièrement dans
le secteur manufacturier et qu’il y a eu des pertes d’emplois importantes pour les exportateurs, et
les firmes n’ont pas ajusté ni les salaires ni l’emploi. Ceci est expliqué par la rigidité du marché du
travail et montre la faiblesse du Maroc dès le début dans les réformes adoptées lors de l’ouverture
et par le manque de politiques complémentaires qui peuvent renforcer les bienfaits théoriques de
l’ouverture. Dennis, A. (2006) confirme, pour le cas du Maroc, que les gains du bien-être des réformes
commerciales dans des conditions des marchés des facteurs flexibles peuvent être jusqu’à six fois les
gains par rapport à un scénario de marchés à facteurs rigides.
Enfin, et pour clôturer ce survol de littérature empirique, l’étude de El Abbassi I, El Joubari M, (2018)
fournit une analyse plus approfondie et consiste à identifier les secteurs dont le gain en productivité
contribuerait le plus à stimuler le changement structurel à travers la simulation de son impact sur les
principaux agrégats macroéconomiques et sociaux, en utilisant un modèle d’équilibre général calcu-
lable multisectoriel de l’économie marocaine dans le cadre d’une croissance déséquilibrée (Baumol
(1967)). Ensuite, ils simulent des augmentations de la productivité globale des facteurs (PTF) de 10%
pour les trois grands secteurs : le primaire, le secondaire et le tertiaire.
Dans un premier lieu, le secteur agricole affecte positivement lui-même ainsi que les branches
connexes telles que l’agroalimentaire, mais impacte négativement les prix du secteur tertiaire (ma-
ladie des coûts) sans avoir augmenter la production réelle de ce dernier. Alors que la réallocation se
dirige vers les secteurs minéraux ayant la capacité d’absorber la main d’œuvre. Pour la deuxième
simulation du secteur manufacturier, il s’avère qu’il existe un impact sur le secteur même. Ainsi, ils
constatent un impact direct sur les prix au niveau des principales branches de ce secteur avec une
baisse des prix de leurs intrants, de production et de consommation finale. Pourtant, cette simulation
à son tour engendre une maladie des coûts pour les deux autres secteurs avec une compensation par
l’augmentation de leurs productions réelles. Ce qui montre l’existence d’un effet intersectoriel fort.
Finalement, la simulation du secteur tertiaire a un impact direct positif sur le secteur lui-même dans
sa totalité à travers la réduction de ses indices de prix en plus d’un impact indirect de ce gain qui
s’est produit positivement dans toutes les branches de l’industrie, mais l’augmentation des coûts
se manifeste dans le secteur primaire. Cette hausse n’aurait pas été compensée par une augmenta-
tion importante de la production réelle du secteur primaire et secondaire alors que le secteur même
connait une augmentation de la rémunération des facteurs.
Cette étude nous montre que le changement structurel induit des effets de maladie des coûts sur
divers niveaux. Ainsi, les secteurs tertiaire et secondaire présentent des effets intra sectoriels alors
que l’agriculture émerge par l’impact indirect des secteurs-clés de l’industrie ayant une position en
amont. Cela montre un processus de transformation structurelle en faveur de la tertiairisation et un
impact net du secteur industriel sur le processus.
En somme, l’ensemble de ces études s’articulent autour du fait que l’économie marocaine est prin-

24
cipalement dominée par les activités traditionnelles à faible productivité, ce qui explique la lenteur
de son processus de transformation structurelle. Également, l’essentiel des gains de la productivité
se produit au sein des secteurs (effet intra-sectoriel), alors que l’effet intersectoriel reste faible. De
surcroît, la majorité des études qui se sont focalisées sur les opportunités que crée l’ouverture com-
merciale pour le Maroc, confirment qu’il n’a pas pu tirer profit de ses bienfaits vu la rigidité du
marché de travail qui représente une entrave pour une transformation structurelle réussie lui per-
mettant d’arriver au take-off et de converger vers les pays développés.

Conclusion

Le débroussaillage de la notion de transformation structurelle et de la littérature sur ses méca-


nismes nous a permis de ressortir avec plusieurs enseignements, qui se résument par le fait que
les pays subissent à des trajectoires de transformation structurelle divergentes qui sont le résultat
d’une panoplie de caractéristiques structurelles de chaque économie. Le mécanisme de l’offre et de la
demande représentent des explications dominantes empiriquement dans l’explication du processus,
mais elles ne sont pas suffisantes dans la mesure où les facteurs tels que la qualité institutionnelle,
le capital humain, le marché du travail etc déterminent ce processus. Pour étudier profondément le
cas du Maroc, il est indispensable de donner une vue d’ensemble sur ces caractéristiques.

25
Chapitre 2

La transformation structurelle au Maroc :


Faits stylisés

Introduction

L’analyse de la transformation structurelle par des faits stylisés revêt d’une grande importance, dans
la mesure où elle permettra de déduire le contexte général et les caractéristiques structurelles de
l’économie en question. Dans ce contexte, le présent chapitre a pour but d’exposer les faits stylisés
sur la transformation structurelle au Maroc commançant par une vue d’ensemble de l’économie
marocaine et de ses composantes structurelles, suivie d’une deuxième lecture, fondée sur une logique
déductive, mettant en lumière la transformation structurelle du pays, en adoptant une première
mesure de la transformation structurelle et une analyse détaillée des secteurs de l’économie.

2.1 L’économie Marocaine : structure et contexte

Cette section a pour but de donner un aperçu sur le contexte de l’économie marocaine. Dans cette
voie, la première sous-section sera consacrée à donner perspective panoramique de la situation
économique du Maroc en matière de croissance économique et de développement. La deuxième
sous-section se spécialise dans les composantes structurelles de l’économie à savoir la complexité
économique (espace produit, spécialisation), le marché du travail, le capital humain et la qualité
institutionnelle.

2.1.1 La situation économique du Maroc

La situation économique du Maroc est connue par une stabilité macroéconomique qui se manifeste
dans un niveau d’inflation stable et une continuité des politiques conjoncturelles. Passant par des
politiques expansionnistes durant les années 70, conduisant à l’aggravation du déficit budgétaire
et de la dette qui ont poussé à l’adhésion au Programme d’Ajustement Structurel pour réduire les
déséquilibres budgétaires engendrés précédemment. Les années 90 ont été caractérisées par une

26
certaine maitrise des déficits et une suite des politiques conjoncturelles pour stabiliser les chocs
climatiques et les chocs externes (privatisation, réduction des dépenses de compensation, . . . ).
Il s’avère que ces solutions conjoncturelles ou partielles ne peuvent plus servir de remèdes efficaces
aux problèmes structurels du Maroc dont les cumuls des déficits jumeaux qui se sont installés à partir
de 2009 et la faible croissance liée à la volatilité du secteur agricole (figure 3.9 annexe 1). Le Maroc
perd énormément en termes de niveau de vie et du niveau de développement à cause de sa faible
croissance de long terme. Ainsi, son PIB par tête reste faible. Donc, le pays demeure dans la tranche
des pays à revenu intermédiaire (figure 2.1), alors que des pays tels que la Malaisie et la Turquie ont
pu améliorer leur niveau de développement par l’amélioration de leur structure productive qui est
couronnée par une transformation structurelle réussie. Par exemple, la Corée de Sud s’est engagée
depuis les années 50-60 dans des politiques d’industrialisation et d’export-substitution (Haggard,
Stephan, et al. (1991)) ainsi qu’un grand investissement dans la recherche et l’innovation favorables
à une croissance dans le cadre de la transformation du modèle de développement.
Figure 2.1 – Comparaison des évolutions du PIB par tête et de l’indice IDH

(a) Comparaison des évolutions du PIB par tête par pays (b) Comparaison des évolutions de l’indice IDH par pays
1965-2018 (courant US$ ) (1965-2018)

Source : Préparé par nos soins (PIB par tete de WDI) ( IDH de UNDP)

Le manque de réformes structurelles au Maroc explique son sentier de croissance et de dynamique


du développement qui se manifeste dans son classement de l’indice du développement humain (Voir
figure 2.1) qui n’a pas dépassé le niveau faible avec un taux de 0,636 en 2012 et reste toujours sous la
moyenne mondiale qui est de 0,731 (en 2018). Cet indice prend en considération le niveau du capital
humain au Maroc. L’accumulation de ce dernier a une contribution 16 à la PGF qui s’est située durant
la dernière décennie à 0,32 point au lieu de 0,1 lors de la période 1970-77, mais qui reste faible par
rapport aux autres pays où la contribution par 0,5 point à la PGF (HCP, 2016).
En effet, le Maroc a connu une majeure dégradation de la productivité totale des facteurs par rapport
à ses niveaux des années 60 (figure 2.2). Par contre, les pays qui ont connu des améliorations de
16. Consultez « Etude sur le rendement du capital physique au Maroc » de l’HCP 2016

27
leur tissu productif et de leur progrès technique enregistrent une amélioration dans leur PTF. La
croissance de cette variable reflète même le rôle de l’innovation et de l’imitation de technologie
avancée. Par exemple, la Corée du Sud mobilise une moyenne de 3,3% du PIB 17 pour la recherche
et le développement selon la Banque Mondiale. Alors que le Maroc et la Tunisie ne mobilisent que
0,61% et 0,65% de leurs PIB respectivement. En outre, ces faibles niveaux de la PTF montrent que
l’efficacité de l’investissement se dégradera davantage. Ainsi, l’impact se voit clairement dans le
niveau de la croissance de long terme et dans le besoin du Maroc aux politiques ayant pour objectif
l’accélération de la PTF.
Figure 2.2 – L’évolution de la PTF (1954-2017)

Source : préparé par nos soins sur les données du PENN WORLD TABLES Version 9.1

A partir du milieu des années 2000, le modèle de croissance marocain accorde plus d’importance aux
IDE pour tirer la croissance et moderniser la structure de son système productif. Il a enregistré une
moyenne des flux d’IDE de 2,7% du PIB par rapport à 0,8% avant l’année 2004 18 , mais généralement,
le pays est caractérisé par un capital accumulé de faible qualité et génère, par conséquent, de faibles
gains de productivité et demeure incapable de stimuler un accroissement significatif des gains de
productivité et d’accélérer la transformation de la base productive. Abbad, T. (2017) conclut que
« le régime de croissance marocain peut être qualifié d’extensif (processus par lequel la valorisation
est assurée par une augmentation des facteurs de production) et non intensif (processus par lequel la
croissance est tirée davantage par des gains de productivité importants) » (p.4).
17. Calculé sur les données de WDI (Research and development expenditure (% of GDP)) sur la durée 2001-2017
18. Calculé sur les données des flux d’IDE (en % du PIB) de l’office de change

28
2.1.2 Les caractéristiques structurelles de l’économie marocaine

- Investissement et environnement des affaires

Pour développer la productivité des secteurs, il est indispensable d’attirer des investissements. Les
besoins de financement pour le développement durable du Maroc sont élevés surtout avec la dété-
rioration qu’a connu l’épargne nationale dès la crise en passant de 34,1% du PIB en 2008 à 27,6% du
PIB en 2019 19 . Également, le taux d’investissement est aux environs de 30% depuis 2001. En plus, le
Maroc a réalisé d’importants progrès dans le cadre du Doing Business, grimpant de 9 rangs en 2019
pour se hisser au 60ème rang et refléter de nombreuses années de réformes durables. Toutefois, le
pays fait face à plusieurs contraintes qui doivent être levées pour promouvoir une culture entre-
preneuriale, augmenter le nombre des entrants dans l’économie et appuyer le développement des
PME 20 .
Ces efforts fournis en ces matières sont affaiblis par un accès aux crédits faible et limité (voir figure
2.3). Ainsi, l’investissement au Maroc est tiré par l’investissement public en matière d’infrastructures
en BTP en constituant la principale composante de la FBCF durant la période 2000-2014 21 , suivi par
l’investissement en produit industriel qui a représenté 38% et celui en services avec 12% alors que
le produit agricole n’a représenté que 2,7%

Figure 2.3 – Distance par rapport à la frontière de différents indicateurs du Maroc (100 représente la meilleure perfor-
mance)

(a) Le positionnement des différents indicateurs de Doing


Business 2019 (b) Évolution des indicateurs de la gouvernance 2005-2017

Source : Doing business database et Worldwide Governance Indicators

19. Selon les données de l’épargne brute (en % du PIB) du WDI.


20. Consultez le rapport « créer des marchés au Maroc : Diagnostic du secteur privé » chapitre IV de la Banque Mondiale pour plus de détails
concernant l’entrepreneuriat et le développement des PME au Maroc.
21. Consultez « Etude sur le rendement du capital physique au Maroc » de l’HCP 2016 pour visualiser ces statistiques en détails.

29
Également, l’efficacité de l’investissement est en dégradation continue comme en atteste la hausse
de l’ICOR à 7,2 durant les dix dernières années (HCP 2016). Ce qui est dû à une mauvaise alloca-
tion des investissements entre les secteurs et aussi entre les territoires, ainsi qu’à l’insuffisance des
évaluations d’impact des projets d’investissement, ou encore des défaillances en matière de gou-
vernance et d’implémentation des projets et des politiques où nous remarquons qu’il n’existe pas
d’améliorations en termes d’indicateurs de la bonne gouvernance (voir figure 2.3), chose qui peut
être observée clairement à travers notre position par rapport à la frontière qui n’a pas dépassé 50
sur tous les indicateurs.

- Complexité économique

Les développements récents du concept théorique et empirique de la complexité économique ont


donné lieu à de nouvelles opportunités pour étudier le processus de développement économique en
tant que processus de transformation structurelle. Ce qui a conduit au développement d’un ensemble
de mesures, dont l’indice de complexité économique, qui mesure les capacités productives qu’une
économie mobilise. Ainsi, d’autres travaux empiriques récents ont montré que les différences de
développement entre les pays peuvent s’expliquer par des différences de complexité économique.
En effet, nous constatons que le Maroc enregistre un indice de complexité économique (ECI) 22 situé
dans un classement 100 en 2017. Ce qui montre que l’économie est devenue relativement moins com-
plexe durant ces 20 dernières années passant de la 81ème position en 1998 à la 104ème position en
2015 (voir figure 2.4). Cette situation dévoile le fait que les efforts en termes de politiques d’ouverture
commerciale et de l’abondance des accords de libre-échange n’ont pas contribué à l’amélioration des
capacités productives marocaines et n’offrent pas de marges importantes pour élargir le spectre de
la création de richesse nationale et le développement du pays sur une base autosuffisante.
Figure 2.4 – Évolution du taux d’ouverture et du classement du Maroc selon l’indice de la complexité économique ECI
(1998-2017)

Source : Préparé par nos soins (taux d’ouverture d’UNIDO, ECI Ranking de OEC )
22. L’indice présenté est celui de Observatory of economic complexity de MIT développés par AJG Simoes et CA Hidalgo.

30
Théoriquement, la problématique d’accélération du processus de la transformation structurelle peut
être étudiée en termes de complexité économique et plus précisément dans l’étude de la dynamique
d’acquisition des capacités productives à travers l’analyse de l’espace produit. Le Maroc se posi-
tionne 23 sur presque tous les produits d’habillement et exporte également certains produits naturels
et agricoles. Il a cependant réussi, grâce à l’industrie automobile, à acquérir un avantage comparatif
sur certains produits industriels qui peuvent constituer des leviers pour une plus grande diversifi-
cation de son économie. Cette dernière s’est toutefois opérée à un rythme relativement lent. Pour
preuve, une partie importante de l’espace produit reste à ce jour inexploitée (voir figure 3.10 annexe
1).

- Marché du travail au Maroc

Malgré le phénomène d’aubaine démographique 24 , l’évolution du taux d’emploi 25 demeure lente et


faible comparativement aux pays à revenu intermédiaire (tranche inférieur et supérieur). En effet, le
taux de croissance de l’emploi en 1991 a enregistré 40,9% alors qu’en 2017 il s’est situé autour de 41,2%
(Figure 2.5). Ce qui reflète une sous-utilisation du facteur travail et des difficultés rencontrées pour
intégrer ce marché. Cette faible participation au marché du travail s’interprète par une production
et des revenus faibles (HCP, 2017).
Figure 2.5 – Évolution du taux d’emploi au Maroc et aux pays à revenu intermédiaire (1991-2017)

Source : Préparé par nos soins sur les données de la Banque Mondiale (WDI)

L’emploi demeure peu qualifié. Selon le HCP (2016) 26 , 60,4% des actifs occupés étaient sans diplôme,
et 27,2% ayant un diplôme de niveau moyen 27 alors que 12,4% disposaient d’un diplôme du niveau
23. Pour l’analyse approfondie des espaces produits et de la stratégie de diversification, consultez l’étude du DEPF « Economic complexity and
development strategies for structural diversification of the Moroccan economy » 2019
24. Selon le rapport de la Banque Mondiale (2016) intitulé « Le Maroc a l’horizon 2040 », la croissance de la population en âge de travailler a
progressé à un rythme moyen de l’ordre de 2% pendant la période 2000-2015.
25. Ratio emploi / population, 15 ans et plus, total (% )
26. HCP, Principaux enseignements sur la qualité de l’emploi en 2016
27. Les diplômes de niveau moyen regroupent les certificats de l’enseignement primaire, ceux du secondaire collégial et les diplômes de qualification
ou de spécialisation professionnelle.

31
supérieur 28 . De surcroît, dans l’agriculture, forêt et pêche 82,5% de l’emploi total du secteur n’ont
aucun diplôme, 64,9% dans le BTP, 50,3% dans l’industrie et 41,5% dans les services. Ce qui conduit à
la précarité des emplois et la prévalence de l’informalité qui concerne principalement la population
peu qualifiée. Ainsi, plus de 92% des travailleurs sans éducation étaient informels en 2015 contre
26,1% des diplômés du supérieur (HCP et Banque Mondiale, 2017).

2.2 Caractéristiques du processus de transformation structurelle du Ma-


roc

Cette section sera consacrée à la structure sectorielle du Maroc. Pour ce faire, nous débuterons par la
visualisation des mesures évidentes de la transformation structurelle à savoir les valeurs ajoutées et
l’emploi sectoriels, qui nous permettront de dégager la direction du processus, et pour comprendre
sa vitesse nous procéderons au calcul de l’indicateur de transformation structurelle (NAV). Par la
suite, nous allons approfondir l’analyse par un diagnostic sectoriel qui nous permettra de mieux
comprendre les caractéristiques spécifiques de chaque secteur.

2.2.1 La composition sectorielle de la production et de l’emploi au Maroc

L’analyse de l’évolution des valeurs ajoutées et de l’emploi par secteur de l’économie marocaine
durant la période 1970-2012 divulgue, à première vue, une tertiarisation de l’économie Marocaine. Ce
qui semble similaire au processus des économies développées, alors que l’analyse détaillée divulgue
une réalité différente.
En effet, l’évolution des valeurs ajoutées sectorielles nous a révélé une diminution de la part du
secteur agricole (23% en 1970 et 13,7% en 2012) face à une augmentation de la part des services
(56,5% en 1970 et 66,1% en 2012) alors que la part du secteur industriel reste stagnante durant toute la
période. Également, l’analyse de la répartition sectorielle de l’emploi au Maroc montre que durant la
période 1970-2012, il y’a une diminution de la part de l’emploi agricole (56,6% en 1970 26,7% en 2012)
et une augmentation dans le secteur des services (30,7% en 1970 et 60% en 2012), ce qui montre que le
secteur tertiaire absorbe la main d’œuvre libérée de l’agriculture. Cependant, l’industrie emploie une
main d’œuvre minimale et qui n’a pas évolué dans le temps alors qu’elle génère une valeur ajoutée
supérieure par rapport à celle de l’agriculture (Figure 2.6).
La valeur ajoutée agricole au Maroc se caractérise par une évolution en dent de scie durant toute la
période vu sa dépendance aux chocs climatiques. De plus, la part de l’emploi agricole demeure élevée
par rapport aux économies développées, ce qui entrave la transformation structurelle de l’économie
et limite la migration de la main d’œuvre vers des secteurs plus productifs.
De ce qui est de l’industrie, les interventions massives de l’État durant les années 60-70 et l’implé-
mentation des politiques visant la substitution aux importations et la promotion des exportations
ayant pour objectif la dynamisation de l’industrie ont engendré une augmentation de la part de la
28. Les diplômes de niveau supérieur regroupent les baccalauréats, les diplômes de techniciens ou de techniciens spécialisés et les diplômes d’en-
seignement supérieur (facultés, grandes écoles et instituts).

32
Figure 2.6 – L’évolution des valeurs ajoutées et de l’emploi sectoriels

(a) Parts des valeurs ajoutées sectorielles 1970-2012 (b) Parts de l’emploi sectoriel

Source : Calculés par nos soins sur les données de GGDC 10 Sectors Database (Gronningen University)

valeur ajoutée du secteur qui s’est élevée à 29% en 1974. Toutefois, cette dernière n’a pas duré dû au
problème de dette qui a atteint 83% du PIB et à l’aggravation du déficit budgétaire et courant (HCP,
2005). Ce qui a conduit à l’implémentation du Programme d’ajustement structurel dans les années
80 pour assurer les équilibres macroéconomiques. La stagnation de la valeur ajoutée du secteur a
montré qu’il ne parvient pas à stimuler les créations d’emplois et assurer l’émergence industrielle.
Il convient donc de s’interroger sur les raisons de la faible contribution du secteur à la création
d’emploi.
Tout d’abord, selon la Banque Mondiale (2016), l’une des raisons derrière cette difficile réindus-
trialisation découle du fait que les entrepreneurs marocains ne se tournent pas suffisamment vers
l’industrie. De plus, dans une usine, si l’on veut employer un ouvrier moyen il faudrait qu’il dispose
au moins d’un baccalauréat, chose qui n’est pas assez simple dans un pays où une main d’œuvre
moins qualifiée règne (Cf. Section 1).
En plus des difficultés internes telles que la compétitivité-prix, l’une des raisons universelles qui
entravent l’envol de l’industrie dans les pays en développement réside dans la baisse de la part de
l’emploi industriel presque partout dans le monde (UNCTAD, 2016).
Or, le secteur des services a connu un essor remarquable avec la privatisation et l’émergence du
secteur de communication et du transport (HCP, 2005). Ainsi, la part des services dans le PIB a
dépassé 50% à partir de 2004. La hausse de la part de la valeur ajoutée et de l’emploi dans le secteur
des services illustre son absorption de la main d’œuvre agricole sans que l’économie ne passe par
une industrialisation ce qui nous mène à s’interroger sur la catégorie des services intensifs en emploi
et sur les causes derrière cette tertiarisation.

33
Figure 2.7 – L’évolution de l’emploi et de la valeur ajoutée des services désagrégées (1965-2012)

(a) Travailleurs en services (en milliers) (b) Valeurs ajoutées (prix courants, en millions)

Source : Préparés par nos soins sur les données de GGDC 10 Sectors Database (Gronningen University)

Les graphiques (Figure 2.7) qui visualisent l’évolution de l’emploi et de la valeur ajoutée des services
désagrégés mettent en relief une hétérogénéité remarquable entre ses sous-secteurs. En effet, nous
remarquons que les valeurs ajoutées dans les activités financières, les services gouvernementaux,
l’hôtellerie et la restauration dépassent largement les services du transport et de communication
et les services de l’énergie. Toutefois, l’emploi illustre un résultat différent, vu qu’on constate un
éloignement remarquable entre les employés dans les services gouvernementaux et dans l’hôtellerie
et la restauration qui dominent les activités financières, les services de l’énergie et le transport et
la communication. Pire encore, la vitesse avec laquelle ces derniers évoluent demeure très lente.
Par conséquent, on peut déduire que les services non marchands absorbent l’essentiel de la main
d’œuvre, tant que les services marchands sont moins intensifs en travail.
Rappelons que la prépondérance d’une main d’œuvre non qualifiée est l’une des caractéristiques
du marché de travail au Maroc (Cf section 1), alors que les services marchands nécessitent des tra-
vailleurs hautement qualifiés. En effet, apprendre à un agriculteur les métiers de la banque demeure
délicat voire impossible, c’est une raison assez suffisante qui justifie l’absorption de la main d’œuvre
agricole par des services non marchands.
Encore, l’existence d’une panoplie de contraintes structurelles empêche l’évolution des services mo-
dernes. Primo, le processus de tertiarisation des économies développées résulte d’un processus li-
néaire passant par une industrialisation qui mène à l’externalisation des emplois assurés par les
entreprises industrielles (Marketing, Recherche et développement. . . ), donc ce cheminement est un
résultat normal provoqué par la maturité de l’industrie et représente un signe de réussite écono-
mique qui se manifeste dans une augmentation importante du PIB par habitant.
Toutefois, le Maroc s’est désindustrialisé à partir d’un niveau de PIB par habitant faible (voir figure
2.1 (a)) donc mécaniquement, le pouvoir d’achat des marocains n’est pas dans la mesure d’assurer la

34
migration vers les services tels que l’éducation, la santé. . . Les ménages marocains dépensent 29 37%
de leur revenu dans les produits alimentaires (en 2014) alors que les dépenses liées aux services tels
que l’éducation (5,6% ) et la santé (8,7% ) demeurent assez faibles (Figure 3.11 Annexe 1).
Donc, la tertiarisation de l’économie marocaine est loin d’être comme celle des pays développés, elle
est due principalement à la faiblesse du tissu industriel et à la non qualification de la main d’œuvre.
Ce type de désindustrialisation qui a touché le Maroc est baptisé la désindustrialisation négative
(Rowthorn et Wells, 1987), qui est le fruit de l’échec économique, elle affecte particulièrement les
pays avec un tissu industriel friable.

- L’indice de transformation structurelle

Après avoir déduit la désindustrialisation prématurée de l’économie marocaine, il s’avère nécessaire


de quantifier la vitesse de son processus, et pour évaluer ce dernier nous le comparerons avec ceux
des pays qui ont été dans des niveaux de développement similaires dans les années 60, à savoir
la Corée du Sud, la Chine, la Malaisie et la Turquie. Pour cette fin, nous utiliserons l’indice de la
transformation structurelle NAV 30 (Norm Absolute Values), une mesure du changement structurel
qui consiste à calculer les écarts entre deux périodes avec xit et xit−1 comme la part du secteur i
dans la date t et t − 1, l’indice s’écrit comme suite :
P
N AVtt−1 = 0.5. i |xit − xit−1 | avec t = 2, ..., T

Table 2.1 – Comparaison des statistiques de l’indice NAV par pays

Années Corée du Sud Maroc Chine Malaisie Turquie


1960-1970 3,2 1,1 2,9 1,8 2,1
1971-1980 1,7 2,1 1,7 1,8 2,3
1981-1990 1,1 1,7 1,7 1,8 1,8
1991-2000 0,7 2,7 1,5 1,8 1,8
2001-2017 0,6 1,3 1,0 1,0 1,0
Max 8,40 4,69 4,85 5,82 4,69
Source : indice calculé par nos soins sur les données du WDI 31

Cet indice reflète à quel niveau la structure de l’économie s’est transformé. Ainsi, il quantifie la part
des changements sectoriels dans l’économie globale mais ne précise pas sa direction. Pour le Maroc,
nous constatons que sa structure a changé de manière irrégulière (tableau 2.1) avec des moyennes de
2% durant les périodes 1971-1980 et 1991-2000, ce changement a été engendré par des augmentations
de la part de l’industrie alors que durant la deuxième période il a été causé par la hausse de la
part des services. Cependant, malgré la diminution de la part de l’agriculture, elle reste volatile
d’une année à l’autre. De plus, le fait que les parts des valeurs ajoutées sectorielles n’ont pas changé
significativement justifie la lenteur du processus. Cela montre que le processus marocain a connu
un changement discontinu et inachevé.
Alors que les pays tels que la Corée du Sud, la Chine et la Malaisie présentent un indice NAV où le
comportement montre que leurs structures ont connu des changements accrus. Durant les années
29. Données des coefficients budgétaires, de l’enquête Nationale sur la consommation et les dépenses des ménages (HCP).
30. Appelé aussi l’indice de Michaely (1962) ou l’indice Stoikov (1966), il est utilisé dans plusieurs études telle que Dietrich (2009).

35
60-70, par exemple, la Corée du Sud avait un indice de 8,4% du changement durant l’année 1964. Tant
que la Turquie présente des indices successifs de 4% durant les années 70, sachant que cette période
(50-80) a été caractérisée par une post libéralisation caractérisée par l’industrialisation guidée par
l’État basée sur le protectionnisme et sur la substitution aux importations (Çeçen, A., Doğruel, A.,
& Doğruel, F. (1994)). Ces pays sont caractérisés par une tendance à la baisse de leurs indices qui
s’explique par une productivité élevée et une transformation structurelle qui tend à s’achever.
Cette analyse confirme que le processus marocain est lent et ne suit pas le même comportement de ce
celui des pays développés. Pour mieux comprendre les causes qui ont mené à tel processus, il s’avère
nécessaire de documenter les caractéristiques détaillées des secteurs de l’économie marocaine.

2.2.2 Un diagnostic sectoriel de l’économie marocaine

- Le secteur des services :

L’un des secteurs les plus hétérogènes de l’économie est celui des services, qui englobe à la fois
des services non marchands inélastiques et des services marchands élastiques. Ces derniers tels
que les activités financières, commerce, etc. présentent une opportunité à exploiter car ils peuvent
répondre à la demande extérieure et augmenter les exportations et les liens intersectoriels avec les
sous-secteurs d’industrie. En effet, le commerce international des services a mieux résisté face aux
chocs et aux crises financières par rapport au commerce des biens, et les exportations des services
des pays en développement qui ont généralement été plus résilientes que celles des pays avancés
(FMI 2017).
Figure 2.8 – Évolution des parts des exportations des sous-secteurs du secteur tertiaire (en % du total d’exportation des
services)

Source : préparé par nos soins sur les données du FMI

Au Maroc, les exportations des services 31 sont dominées par les services tels que les voyages et le
transport avec des parts de 47,7% et 16% respectivement, tant que les parts des services modernes
comme les services aux entreprises, les services financiers et la propriété intellectuelle restent très
31. Prakash Loungani, Saurabh Mishra, Chris Papageorgiou, and Ke Wang, 2017. "World Trade in Services : Evidence from a New Database". IMF
Working Paper.

36
faibles. Ainsi, ces parts n’ont pas changé depuis 1975. De plus, la part de l’exportation des services
ICT a augmenté en passant de 2,4% en moyenne entre 1991 et 2003 à une part moyenne de 6,7% des
exportations entre 2003 et 2018 32 .

- Le secteur industriel

Le secteur secondaire du Maroc connait des faibles taux de croissance dès les années 90 à l’en-
contre des années 70. Ainsi, son positionnement mondial selon l’indice CIP -Competitive industrial
performance- varie depuis 1990 entre 0,03 et 0,04 avec un classement qui ne dépasse pas 60. Ce po-
sitionnement moyen est expliqué par divers dimensions dont la capacité du Maroc à exporter ses
produits manufacturiers, l’approfondissement et l’amélioration technologique et le niveau d’impact
sur les marchés mondiaux.
Nous remarquons que le niveau d’intensité industrielle au Maroc stagne, ce qui montre le manque
des améliorations au niveau de la complexité du processus productif du secteur manufacturier. En
effet, le Maroc enregistre ce niveau bas depuis les années 80 après le blocage du plan quinquennal
1973-77 ambitieux. Ainsi, le secteur manufacturier a montré ses faiblesses et sa faible compétitivité
lors de l’intégration au PAS et la situation s’est aggravée après 1994 avec les premiers accords de
libre-échange.
Figure 2.9 – Évolution de l’indice de l’intensité d’industrialisation des différents pays

Source : préparé par nos soins sur les données d’UNIDO

Alors que des pays comme la Corée du sud ont réussi leur politique d’industrialisation par la substi-
tution aux importations durant les années 50 et ont passé à des politiques de promotion des exporta-
tions de haute technologie dans les années 90 (Cf. section 1). Cela se voit dans l’évolution continue
de leur indice, c’est notamment le cas pour les autres pays asiatiques.
De même, cette situation est également visualisée dans l’évolution de la PTF entre ces pays. Le
Maroc a connu une dégradation en passant par des évolutions moyennes de 1,09% durant 1954-79 à
une moyenne de 0,57% pour la période 2000-17 alors que la Corée du Sud a passé d’une moyenne de
0,34% à 0,65% et la Turquie a passé 0,79% à 1,08% durant la même période. Cette constatation montre
32. Base de données WDI, calculé de l’indicateur ICT service exports (BoP, Current US$ )

37
que l’efficience des investissements et l’accumulation des capacités productives ce sont dégradées
au Maroc par rapport aux économies qui ont connu un processus de rattrapage économique rapide.
Pour approfondir cette analyse, il s’avère nécessaire de visualiser l’évolution de la structure du
secteur manufacturier ainsi que ses exportations. En commençant par la décomposition de la va-
leur ajoutée (Figure 2.10), on remarque que la part de la valeur ajoutée manufacturière de haute et
moyenne technologie (MHT) avait le même niveau durant les années 1990 à 2003 et a enregistré 32%
de la valeur ajoutée manufacturière en 2017.
Figure 2.10 – Évolution de la valeur ajoutée manufacturière et de son indice au Maroc (1990-2017)

(a) Taux de croissance de VA manufacturière et son évolution (b) Évolution du taux d’ouverture et l’indice des High and
désagrégée Medium Tech VA
Source : préparés par nos soins sur les données d’UNIDO

En outre, le développement insuffisant du secteur manufacturier marocain et surtout en termes de


produits à forte valeur ajoutée et à contenu technologique élevé constitue un sérieux facteur de
blocage du processus de transformation structurelle du pays. Ainsi, l’ouverture commerciale au Ma-
roc n’a pas été accompagnée d’une augmentation de l’indice de la part du manufacturier MHT qui
stagne aux environs de 0,3 depuis les années 90. Certes, une plus grande part de la production de
MHT dans la production manufacturière totale dénote une économie avec un niveau élevé de pro-
ductivité, d’activité innovante et de progrès technologique ce qui n’est pas le cas pour le Maroc.
Sur cette lignée, il se voit que la part des exportations manufacturières a évolué mais le Maroc
se positionne toujours dans la classe à complexité intermédiaire des exportations (Cf. section 1).
Ainsi, l’indice de la qualité d’exportations a connu une amélioration et a passé à 0,71 en 2017 mais
reste faible et la contribution à la croissance économique reste insuffisante et incapable de relancer
l’économie 33 .
Remédier à ces infirmités est souvent associé à la nécessité de conduire une politique industrielle
efficace, d’où la nouvelle politique industrielle adoptée par le Maroc intitulée « Plan d’accélération
industrielle 2014 – 2020 » qui s’est focalisée sur des secteurs à haute complexité et technologie, sans
avoir ignorer le secteur du textile et du cuir qui est capable d’absorber la main d’œuvre non qualifiée
33. Consultez le rapport « Créer des marchés au Maroc : Diagnostic du secteur privé » chapitre III de la Banque Mondiale pour plus de détails sur les
problèmes des secteurs échangeables

38
marocaine abondante 34 .
Figure 2.11 – Évolution des exportations manufacturières et l’indice de la qualité (1990-2017)

(b) Évolution de l’indice de la qualité d’exportation indus-


(a) Évolution du taux d’ouverture et export manufacturier trielle par pays
Source : préparés par nos soins sur les données d’UNIDO

- Le secteur agricole

Ce secteur succeptible aux chocs emploie une part abondante la population active, mais malgré
son importance stratégique et ses progrès depuis l’Indépendance, force est de constater que ses
performances sont insuffisantes et que son évolution reste problématique.
Figure 2.12 – Évolution de la valeur ajoutée et l’indice d’orientation agricole (2001-2016)

Source : préparé par nos soins sur les données de FAO

Cela se voit dans la variation de la valeur ajoutée agricole qui est volatile mais significative et varie
entre des valeurs positives et négatives. Ainsi, elle n’est pas corrélée positivement avec les variations
34. Consultez Karim El Mokri, « La stratégie industrielle 2014- 2020 du Maroc et ses implications potentielles sur le processus de transformation
structurelle » OCP Policy Center 2016 pour l’analyse plus désagrégée du potentiel et de la pertinence des choix des secteurs ciblés par cette politique.

39
de l’indice de l’orientation agricole 35 . Également, nous remarquons qu’avec un niveau très bas de
cet indice durant les années 2001-06, la variation de la valeur ajoutée agricole est positive alors qu’en
2013 l’indice est de 0,73 et la valeur ajoutée a atteint +17% .
En dépit d’une certaine corrélation entre ces derniers qui s’est manifestée en 2012, nous pouvons
conclure que les efforts gouvernementaux n’agissent pas réellement sur la production agricole, vu
que cette dernière demeure aléatoire.
En outre, la productivité par actif et par hectare reste faible, et la balance commerciale agricole est
nettement déficitaire. Ainsi, l’augmentation des exportations agricoles demeure l’un des objectifs
essentiels de la politique du pays mais, ce dernier reste structurellement déficitaire dans les princi-
paux produits de base. Ainsi, le taux de couverture commerciale de l’agriculture s’est détérioré par
rapport aux années 60 pour arriver aux environs de 50% durant les années 2000 36 .
Figure 2.13 – Évolution des IDE en agriculture, sylviculture et peche en millions de US $

Source : Préparé par nos soins sur les données de FAO

Aussi, le Maroc se place parmi les pays dont les crédits destinés à l’agriculture ne dépassent pas
4% des crédits totaux octroyés. Ce faible niveau peut être expliqué par différentes raisons comme
l’absence des garanties et la baisse des IDE en agriculture enregistrés dès 2004.

Conclusion

En conclusion, l’économie marocaine en tant qu’économie à revenu intermédiaire tranche inférieur


se caractérise par des niveaux moyens de qualité institutionnelle, de complexité économique, et
du capital humain et une main d’œuvre faiblement qualifiée. En outre, la visualisation des valeurs
ajoutées de l’emploi sectoriels montrent la désindustrialisation prématurée du Maroc accompagnée
d’une lenteur du processus de transformation structurelle déduite à partir du calcul du NAV. Finale-
ment, le diagnostic sectoriel a dévoilé l’hétérogénéité des services, la stagnation de l’industrie et la
volatilité de l’agriculture. Ces résultats nous mènent à s’interroger sur les mécanismes qui ont mené
à ce processus.
35. Un indicateur établit par FAO et se calcule à travers le ratio de la part des dépenses publiques allouées à l’agriculture sur la contribution de
l’agriculture au PIB.
36. Consultez chapitre I « Agriculture 2030 : quels avenirs pour le Maroc ? » Étude dans le cadre de la réflexion prospective sur le Maroc 2030 menée
par le Haut Commissariat au Plan et le conseil général du développement agricole (CGDA)

40
Chapitre 3

Analyse du processus de la transformation


structurelle au Maroc

Introduction du chapitre

Dans le but de décrire le processus de la transformation structurelle au Maroc et de comprendre


les causes de sa lenteur. La présente section va quantifier ce processus à travers la méthode de
décomposition de la productivité du travail, en utilisant un échantillon de pays à différents stades de
développement, pour voir est-ce que le Maroc suit la même trajectoire des autres pays. Par la suite,
la seconde section sera consacrée à l’analyse des sources de la transformation structurelle à travers
le modèle de Chenery, Shishido et Watanabe (1962).

3.1 Processus de transformation structurelle : résultats de la décomposi-


tion

La présente section sera dédiée à l’utilisation des approches de McMillan et Rodrik (2011) et de De
Vries, Timmer (2015), qui permettront de mesurer la transformation structurelle et de quantifier la
contribution du facteur travail à la croissance de la productivité.

3.1.1 La méthode de décomposition de la croissance de la productivité du travail

La méthode de décomposition de la croissance de la productivité du travail développée par Fabri-


cant (1942), a été utilisée par McMillan et Rodrik (2011) pour étudier le cas de l’Afrique, puis par
Badiane, Ulimwengu et Badibanga (2012), Garcia-Verdu, Thomas et Wakeman-Linn (2012), McMil-
lan et Harttgen (2014), Rodrik (2013b). Elle considère que la croissance de la productivité du travail
peut être décomposée en deux effets : (i) un effet intra-sectoriel ou bien effet direct de la productivité
de chaque secteur captant les mouvements du facteur travail intrinsèques à chaque secteur engen-
drés par l’accumulation du capital, le progrès technique ou la réduction du gaspillage des ressources
productives par les firmes. (ii) Un effet intersectoriel ou bien effet du changement structurel ou de
redéploiement qui mesure la migration des travailleurs d’un secteur à un autre.

41
La première approche de McMillan et Rodrik (2011) est donnée par :

X X
∆P = (PiT − Pi0 )Si0 + (SiT − Si0 )PiT (3.1)
i i

Avec
Si : la part du secteur i dans l’emploi global ;
Pi : le niveau de productivité du travail du secteur i ;
Les indices 0 et T se réfèrent à la période initiale et finale.
Le premier terme de décomposition de la productivité du travail est la somme pondérée de la crois-
sance de productivité dans les secteurs au début de la période. Il traduit la productivité observée
dans le secteur, c’est l’effet « intra-sectoriel ». Le deuxième terme « intersectoriel » reflète l’effet du
changement structurel, puisqu’il rend compte des mouvements des travailleurs entre les secteurs.
Donc plus la main d’œuvre migre vers des secteurs à forte productivité, plus cette composante croît.
En d’autres mots, si les variations du nombre d’employés sont positivement corrélées avec les ni-
veaux de productivité, les transformations structurelles augmenteront la croissance de la producti-
vité à l’échelle de l’économie. Cette composante est une mesure statique de l’effet de réallocation,
puisqu’elle illustre les différences de productivité entre les secteurs et non pas les différences de
croissance de la productivité.
Cependant, la transformation structurelle d’une économie doit être observée sur une longue période.
Car, à court terme il se peut que le secteur soit en expansion et génère une hausse productivité,
mais si une main d’œuvre supplémentaire ne peut pas être employée d’une manière lucrative, sa
productivité marginale sera faible, ce qui atténuera le taux de croissance de la productivité. Cela peut
apparaître lorsqu’une grande partie des nouveaux emplois se rassemble dans les activités informelles
à faible productivité (De Vries et al. 2015).
Dans ce sens, en utilisant la même approche, De Vries et al. (2015) proposent une décomposition de
la composante intersectorielle qui tient compte des gains statiques et dynamiques de la productivité.
Cette dernière est donnée par :

X X X
∆P = (PiT − Pi0 )Si0 + (SiT − Si0 )Pi0 + (PiT − Pi0 )(SiT − Si0 ) (3.2)
i i i

Le premier terme dans l’équation est l’effet within, alors que le deuxième terme capture si les tra-
vailleurs migrent vers des secteurs à productivité supérieure à la moyenne (l’effet de réallocation
statique). La dernière composante appelée ‘effet d’interaction’ représente l’effet conjoint des chan-
gements dans les parts d’emploi et de la productivité sectorielle (composante dynamique).

3.1.2 Résultats de décomposition

La décomposition proposée, effectuée sur les données d’un échantillon de pays qui regroupe la
France et les États-Unis pour représenter les pays à revenu élevé, la Chine et la Turquie comme étant
des pays à revenu intermédiaire tranche supérieur et le Maroc et l’Égypte qui représentent des pays

42
à revenu intermédiaire tranche inférieur. Le choix de ces pays à différents stades de développement
nous permettra de distinguer les différents processus de transformation structurelle pour positionner
celui du Maroc. La décomposition s’étale, en effet, de 1991 à 2018 (selon la disponibilité des données),
suivant la répartition des trois secteurs de l’économie.
Figure 3.1 – Contribution de l’évolution de la productivité du travail (valeur ajoutée par travailleur), par pays et par
grand secteur

Source : Calculs des auteurs sur les données de WDI

L’utilisation d’une première approche de de McMillan et Rodrik (2011) permet de ressortir avec une
multitude d’enseignements. Premièrement, l’effet intra sectoriel explique l’essentiel de la croissance
de la productivité dans l’échantillon en question. Deuxièment, la composante inter sectorielle est
positive dans l’ensemble des pays, ce qui signifie que la main d’œuvre a migré vers des secteurs à
forte productivité. De plus, il ressort que la réallocation de la main d’œuvre entre les secteurs a très
peu contribué à la croissance de la productivité du travail au Maroc (0,45) et en l’Égypte (0,38), ce qui
nous mène à déduire la lenteur de leur processus de transformation structurelle. Pour ce qui est des
États-Unis (0,03) et de la France (0,1), ils ont achevé leur processus de transformation structurelle
(Cf. Revue empirique), c’est la raison pour laquelle on constate un niveau bas de la contribution de
la composante inter sectorielle. Contrairement, la Chine (2,98) et la Turquie (1,12) ont enregistré
dernièrement un changement structurel important ce qui explique la valeur importante de l’effet «
between » par rapport aux autres pays.
Également, dans l’ensemble des pays étudiés, les services contribuent fortement à l’augmentation de
la productivité du travail (effet within et between), ceci s’explique par la tertiarisation de l’économie
mondiale. La principale différence entre ces derniers, est que dans les pays tels que le Maroc et

43
l’Égypte, la main d’œuvre a été réaffectée vers des services moins productifs, vu la non qualification
des travailleurs, donc ces derniers migrent vers des activités informelles à faible revenu. Tandis qu’en
France, États-Unis et la Chine la main d’œuvre s’est déplacée vers les services à forte productivité
(cf. section 2) .
En examinant les écarts de productivité inter sectoriels dans quatre pays représentatifs de notre
échantillon (Cf. Figure 3.12 Annexe 2), on constate que l’écart diminue avec le développement du
pays. Par exemple, au Maroc les écarts de productivité intersectoriels sont encore élevés. Ce qui
montre la lenteur de son processus de transformation structurelle. En effet, dans ce pays l’agricul-
ture représente une activité intensive en travail avec une productivité minimale, la main d’œuvre
migre vers les services alors que l’industrie représente le secteur le moins intensif en main d’œuvre,
tandis qu’elle génère une productivité importante. Théoriquement, plus un pays se développe plus
la technologie contribue à la diminution des écarts de productivité intersectoriels, et plus l’écono-
mie devient tertiaire en raison des liens en amont et en aval. Les modèles d’économie duale ont
généralement mis l’accent sur ces écarts de productivité inter sectoriels (secteurs traditionnels et
modernes) existants dans les pays en développement, où peu de personnes travaillent dans des acti-
vités à forte productivité. De plus, l’une des explications de lenteur du processus de transformation
structurelle au Maroc réside dans la rigidité du marché de travail (HCP et Banque Mondiale, 2017).
Théoriquement, le marché du travail dans les pays qui ont réussi leur transformation structurelle
est plus flexible car le changement structurel de l’économie est facilité lorsque la main d’œuvre peut
circuler facilement entre secteurs et entreprises (Rodrik, McMillan, 2011).
En gros, ces résultats montrent que les pays ayant des écarts de productivité inter sectoriels impor-
tants comme le Maroc sont encore en retard, cela est dû principalement à l’hétérogénéité structurelle
entre les secteurs, ce qui mène à une faiblesse des liens entre ces derniers. À mesure que ces sec-
teurs se développent, la productivité agricole augmente et le secteur devient moins intensif en main
d’œuvre grâce au progrès technique, c’est notamment le cas de la Chine et de la Turquie. De plus, les
mouvements des travailleurs de l’agriculture vers les activités à forte productivité accompagnés des
investissements publics dans des secteurs modernes rend l’économie plus « duale ». En arrivant à
un niveau de revenu plus élevé comme le cas de la France, on constate une plus grande convergence
entre les secteurs traditionnels et modernes de l’économie, ce qui renforce les liens inter sectoriels
et réduit les écarts de productivité. Dans ce cas, la main d’œuvre migre vers les services où les gains
de productivité demeurent plus faibles que dans l’industrie, ce qui conduit à une stagnation dans ces
pays due à un phénomène appelé « Cost disease ». Ce problème est également observé dans les pays
en développement, et c’est ce qui explique en grande partie leur incapacité à enregistrer des taux de
croissance élevés.
L’approche de décomposition canonique de la productivité du travail de De Vries et al. (2015) a été
mobilisée sur le même échantillon de pays pour nous donner une vision approfondie sur la compo-
sante « changement structurel ». En principe, les gains statiques reflètent si les employés travaillent
dans des secteurs à plus forte productivité, alors que les gains dynamiques résultent du cumul de
ces gains statiques qui proviennent de l’accumulation des connaissances et des technologies. Ce qui
conduit à une augmentation des revenus et à l’accès à des emplois plus formels et plus productifs.

44
Figure 3.2 – La réallocation intersectorielle, résultat de la décomposition de la croissance de la productivité du travail
(valeur ajoutée par travailleur), par pays et par grand secteur

Source : Calculs des auteurs sur les données de WDI

Dans l’ensemble des pays étudiés, on observe une valeur positive des gains statiques ce qui reflète le
mouvement des travailleurs à des secteurs plus productifs. Pour ce qui est de la réallocation dyna-
mique, on a deux groupes de pays, ceux qui ont un effet de réallocation dynamique négative faible
comme la France et les États-Unis ce qui s’explique par deux raisons, d’abord la disparition des écarts
intersectoriels puisque ces pays ont déjà achevé leur processus de transformation structurelle et la
tertiarisation de ces économies qui cause un effet de maladie des coûts et réduit la productivité,
et d’autres pays en développement (sauf la Chine) qui ont un effet de réallocation dynamique po-
sitif faible. Ce qui indique que la productivité marginale des travailleurs supplémentaires dans les
secteurs à forte productivité est très faible. Autrement dit, le changement structurel de ces écono-
mies ne génère pas une productivité suffisante pour converger vers les pays développés. Tandis que
dans la Chine, malgré la faiblesse des gains statiques, la transformation structurelle génère des gains
dynamiques importants.
De surcroît, la valeur négative de l’effet de réallocation dynamique dans le secteur agricole représente
l’une des raisons qui rend la composante dynamique faible dans ces pays. De Vries et Al (2015)
expliquent cette valeur négative par la croissance agricole qui reflète principalement la différence
de croissance de la productivité des secteurs en expansion et en diminution. Lorsque la main d’œuvre
excédentaire est libérée de l’agriculture, la croissance du secteur croît. Si cet accroissement est plus
rapide que celui des secteurs en expansion, le terme dynamique devient négatif. Pourtant, cela ne

45
reflète pas une évolution négative mais plutôt une nouvelle phase de développement caractérisée
par une accélération de la croissance de productivité sur le long terme.
Globalement, il ressort que les pays ont des trajectoires de transformation structurelle divergentes.
Donc, ils ne suivent pas le même processus. Pour ce qui est du Maroc, objet de notre étude, le chan-
gement structurel demeure très faible et la productivité s’opère principalement au sein du secteur.
En outre, l’effet de réallocation dynamique positive faible traduit l’incapacité du changement struc-
turel à générer une productivité de long terme pour converger vers les pays développés, ces résultats
confirment les travaux sur l’économie Marocaine de (Moussir, Chatri, (2020) ; Ali, A., et Msadfa, Y.
(2016) ; El Abbassi, Joubari (2018)). Finalement, la part importante du poids des services dans les
deux effets et les corrélations entre le changement de la productivité sectorielle et les parts d’em-
ploi 37 (Figure 3.3) confirment la tertiarisation de l’économie Marocaine.
Figure 3.3 – Corrélation entre le changement de la productivité sectorielle et les parts d’emploi au Maroc (1991-2018)

Source : Calculs des auteurs sur les données de WDI


Note : La taille du cercle représente la part de l’emploi

3.2 L’analyse des mécanismes de la transformation structurelle au Maroc

Après avoir confirmé la désindustrialisation prématurée du Maroc, il convient par la suite d’iden-
tifier les raisons économiques derrière. Pour ce faire, nous allons appliquer le modèle de Chenery,
Shishido et Watanabe (1962) sur les tableaux input-output de l’économie Marocaine.

3.2.1 Le modèle de Chenery, Shishido, Watanabe (1962)

Pour comprendre les sources des transformations dans les différents secteurs de l’économie, il faut
revenir à l’analyse Input-Output Structural Decomposition Analysis (SDA) qui remonte à Leontief
(1941-195). Plusieurs extensions de cette méthode ont été proposées dans la littérature économique
comme celle de Chenery (1960) et Chenery, Shishido, Watanabe (1962). Cette approche est utilisée
37. Il s’agit d’une comparaison de la productivité relative des secteurs (yi /Y ) en fin de période par rapport a la variation de leurs parts de l’emploi
(δSi , t) entre 1991-2018.) du secteur en fin de période (2018).

46
pour les économies ouvertes en développement et reflète la structure des tableaux input-output qui
relient les changements sectoriels de la composition des éléments de la production (technologie,
demande domestique, importation, exportation, investissement).
Parmi les raisons de la popularité de cette méthode pour les analyses des changements sectoriels
de l’économie c’est le fait qu’elle regroupe un très grand nombre de caractéristiques statiques des
modèles Input-Output, et examine les changements au fil du temps des coefficients techniques et
de la composition sectorielle. De surcroît, elle représente une alternative pragmatique à l’estima-
tion économétrique. Puisque, l’analyse des sujets similaires par l’économétrie nécessite une série
chronologique couvrant une longue période et une très grande quantité de variables, alors que la
méthode SDA nécessite uniquement deux tableaux input-output pour deux périodes, un pour l’an-
née initiale et un pour l’année terminale de l’analyse. De plus, il a été démontré heuristiquement
que les équations d’estimation SDA sont insignifiantes et plus restrictives que les plus avancées
des formes fonctionnelles flexibles des fonctions de production estimées économétriquement (Rose,
Casler. 1996).
L’approche de Chenery, Shishido et Watanabe (1962) est fondée sur le principe de la déviation par
rapport à la croissance proportionnelle, qui est analogue à l’élimination de la tendance dans l’ana-
lyse de la variation cyclique. En effet, l’intérêt est de dégager les écarts par rapport à la croissance
proportionnelle car ils produisent des changements dans la composition de la production. En traitant
chaque variable comme étant composée de deux parties, un élément proportionnel et une déviation
(par branche d’activité). Les éléments proportionnels sont éliminés de l’analyse, et nous nous inté-
ressons uniquement aux relations entre les déviations. Les résultats peuvent être facilement traduits
dans les variables d’origine en ajoutant les éléments proportionnels (Chenery et al. 1962).
En principe, si la déviation dans l’output du secteur est positive, ce dernier croît à un taux supérieur
à celui de la croissance du PIB. Selon la méthode SDA deux forces agissent principalement sur cette
déviation, à savoir l’offre qui reflète le changement technologique accompagné de la substitution des
facteurs en plus des composants de la demande.
Le modèle de base de Leontief s’écrit comme suit :

X
Xit − ai tj Xjt = Dit + Eit + Iit − Mit avec (i = 1, ..., n; t = 1, ..., T ) (3.3)
j

Avec :
Xit : L’output du produit i dans la période t ;
Dit : La demande domestique du gouvernement et des ménages du produit i dans la période t ;
Iit : L’investissement dans le produit i dans la période t ;
Eit : L’exportation du produit i dans la période t ;
Mit : L’importation du produit i dans la période t ;
ai tj : Le coefficient des intrants intermédiaires du produit i dans le secteur j et dans la période t ;
P
j ai tj Xjt ‘ : : la consommation intermédiaire du produit i dans tous les secteurs de production.

47
La solution de l’équation (3,3) est de la forme :
X
Xit = ri tj (Dit + Eit + Iit − Mit ) avec (i = 1, ..., n) (3.4)
j

Les coefficients ri tj sont les éléments de la matrice inverse de Leontief ri tj = (I − A)−1 .


En se basant sur l’hypothèse de la croissance proportionnelle entre deux périodes 1 et 2, le ratio λ
représente le rapport moyen (pondéré) d’expansion de la production, obtenu par la division du total
de la production brute de la période 2 par celui de la période 1 comme suit :

P t 2 2 2 2
ri (D +E +I −M )
λ12 = Pi rijt (Di1 +Ei1 +Ii1 −Mi1 Lorsque X-M=0, ce ratio représente la croissance en PNB.
i j i i i i

Étant donné les propriétés du modèle de Leontief, si chacun des effets autonomes dans l’équation (2)
est multiplié par λ, la solution correspondante de chaque niveau de l’output Xip est λ fois le niveau
initial de l’output :

X
Xip = λXj1 = ri 1j (λDit + λEit + λIit − λMit ) (3.5)
j

En définissant la différence entre les valeurs actuelles (période 2) et les valeurs données par la
croissance proportionnelle entre les deux périodes 1 et 2 « les déviations » comme suit :

δDi1 2 = Di2 − λDi1


δXi1 2 = Xi2 − λXi1
δIi1 2 = Ii2 − λIi1
δMi1 2 = Mi2 − λMi1
δEi1 2 = Ei2 − λEi1

La formule suivante est déduite à partir des déviations des niveaux de production comme fonction
des déviations par rapport aux éléments autonomes :

X
δXi1 2 = ri 2j (δDi1 2 + δEi1 2 + δIi1 2 − δMi1 2 − λTi1 2 ) (3.6)
j

Avec Tj1 2 qui représente le changement de la consommation intermédiaire du produit j dans la


période 2 due au changement de la technologie entre les périodes 1 et 2.
En utilisant l’écriture matricielle du modèle, l’équation de Leontief est :

X = (I − A)−1 f

Avec f = (D +I +E −M ), le vecteur combinant entre les effets autonomes. Le vecteur de déviation


de la production (20×1) est défini par :

δX12 = X2 − λX1 = (I − A2 )−1 f2 − λ(I − A1 )−1 f1

48
δX12 = (I − A2 )−1 f2 − λ(I − A1 )−1 f1 + (I − A2 )−1 f1 − (I − A2 )−1 f1 (3.7)

δX12 = (I − A2 )−1 δf12 + [(I − A2 )−1 − (I − A1 )−1 ]λf1 (3.8)

Le second terme de l’équation (3.8) représente le vecteur (20×1) de de la technologie.


Il est à noter que les limites de ce modèle se résument par le fait qu’il considère l’explication du
côté de l’offre comme un terme résiduel. Ainsi, l’effet du changement technologique et l’effet de la
substitution des intrants sont indiscernables dans la composante du côté de l’offre.

3.2.2 Données

Notre base de données est un ensemble des Tableaux Ressources Emplois étalés sur 21 ans. Le
TRE représente un système de production mettant en évidence les relations entre 20 produits et 20
branches de l’économie. Il repose sur une décomposition par produits du compte des biens et ser-
vices sur les éléments des ressources et des emplois, c.à.d. il permet d’analyser l’origine (production
nationale ou importations) et sa destination (consommation finale, exportations, investissements)
afin d’établir un équilibre comptable ressources-emplois pour chaque produit.
Le Tableau Ressources Emplois se décompose en deux sous-tableaux ; le premier est le tableau des
ressources qui présente la production nationale des branches et les importations des produits ainsi
qu’il distingue entre l’offre en prix de base et en prix d’acquisition. Le second sous tableau est dé-
composé en trois quadrants ; le premier est la matrice (20 x 20) de la consommation intermédiaire
ventilée par branches (colonnes) et par produits (lignes). Le deuxième quadrant est composé des vec-
teurs de la demande finale répartit par catégories et par produits, et le dernier quadrant représente
le compte d’exploitation par branche qui compose la valeur ajoutée entre les facteurs de production.
Le TRE présente un ensemble des relations intersectorielles des secteurs basées sur l’hypothèse de
Leontief qui stipule que chaque branche produit un output par un ensemble d’inputs. Ce qui est
résumé dans la matrice de consommation intermédiaire. Ainsi, l’utilisation du TRE est adaptée à ce
modèle et à ses extensions.

49
Table 3.1 – La structure du TRE du Maroc

Source : Comptes Nationaux Base 2007

Notre analyse s’étale sur la période 1998-2018 qui est la plus longue durée disponible pour les TRE du
Maroc. Elle est divisée en 5 périodes : 1998-2001, 2002-2006, 2007-2010, 2011-2014 et 2015-2018. Ce
choix de périodes présente des durées permettant d’analyser un ensemble de politiques entretenues
par le Maroc en matière d’ouverture commerciale et d’industrialisation. Ainsi, cette décomposition
des années nous permettra de distinguer entre les différentes années de base, les deux premières
sont comptabilisées avec l’année de base 1998, tandis que le reste avec la base 2007.
Dans la base 1998, le seul emploi reconnu des services d’intermédiation financière indirectement
mesurés (SIFIM) consistait en une consommation intermédiaire de l’économie totale inscrite au
niveau d’une branche fictive. Le traitement de cette branche s’avère nécessaire en le répartissant
entre les composantes d’emploi. Alors que la correction territoriale est un compte qui corrige les
achats directs des non-résidents à l’intérieur du Maroc et les achats directs des marocains résidents
à l’étranger qui ne passent pas par le circuit du commerce international. La suppression de la cor-
rection territoriale s’effectue par l’attribution de son montant existant au niveau des marges et des
importations aux exportations et aux dépenses de consommation finale des ménages pour garder
l’équilibre ressources-emplois.
Il est à noter que les TRE de l’économie Marocaine ne sont pas désimportés c.à.d. lors du traitement
de l’effet technologique, on ne peut pas distinguer entre les intrants intermédiaires domestiques et
importés, leur traitement exige des bases de données indisponibles. En plus, l’ensemble des tableaux

50
sont comptabilisés aux prix courants tantdis que ce type de modèles exige des TRE aux prix constants
indisponibles.

3.2.3 Interprétation des résultats

La déviation et la croissance proportionnelle

Un processus de transformation structurelle réussi suit les phases du développement de Rostow et


commence par le Take-off qui se déclenche par l’augmentation du taux d’investissement accompa-
gnée de l’augmentation rapide du revenu par tête jusqu’au changement radical de la structure de la
production. En effet, ces observations ont été démontrées dans les études empiriques qui stipulent
que la demande oriente le processus de transformation structurelle des les pays dans les premiers
stades du développement, une fois un choc d’offre affecte l’économie, leur structure se transforme.
Ce que Schumpeter considère comme le point focal des cycles industriels.
Chenery, Shishido et Watanabe (1962) ont essayé de modéliser cette phase du take-off en déga-
geant la déviation qui reflète si une économie a enregistré une phase d’expansion, c.à.d. un choc
d’offre remarquable qui peut lancer sa transformation structurelle. Toutefois, le résultat montre que
la croissance au Maroc est tirée principalement par la croissance proportionnelle qui représente en
moyenne 98% du PIB. Alors que la déviation de l’output n’agit pas réellement sur la croissance. De
plus, elle génère un effet inverse puisqu’elle est négative (aux alentours de -2% ) dans l’ensemble des
périodes, sauf pour la première période 1998-2001 qui est de (2% ).
Table 3.2 – Les poids en % de la croissance proportionnelle et déviations par périodes

Source : Calculs des auteurs

En plus, la transformation structurelle au Maroc durant la période 1998-2018 est tirée principalement
par l’effet du commerce extérieur à (-53,5% ) et l’effet de la demande (37,6% ). Donc, le Maroc n’a
pas encore enregistré un effet d’offre qui peut engendrer une expansion et lancer la transformation
structurelle dans l’économie. Même dans la période de la décolonisation qui était caractérisée par une
forte croissance et une succession de politiques industrielles, le Maroc n’a pas pu tirer profit de ces
dernières, car selon Hausmann, R., Pritchett, L., et Rodrik, D. (2005) le Maroc a connu un seul épisode
d’accélération de la croissance (1958), mais les événements des années 70 (Cf. Chapitre 2) ont affecté
l’économie. Donc, le choc seul ne garantit pas un développement durable ni une convergence vers
un équilibre supérieur, et sa soutenabilité est indissociablement liée à sa propagation qui dépend
de plusieurs variables, comme le précise Rostow (1956) « The take-off requires, therefore, a society
prepared to respond actively to new possibilities for productive enterprise ; and it is likely to require
political, social and institutional changes which will both perpetuate an initial increase in the scale of

51
investment and result in the regular acceptance and absorption of innovations » ( The Take-off into
Self-sustained Growth, p.87)
Figure 3.4 – Les sources de la transformation structurelle au Maroc en 1998-2018

Source : Calculs des auteurs

L’ensemble de ces explications justifient en grande partie que le rythme avec lequel l’économie se
transforme demeure lent par rapport aux pays asiatiques qui ont pu s’échapper à la trappe à revenu
intermédiaire, ces observations sont visualisées également dans l’indice NAV et l’effet intersectoriel
calculés précédemment.

Une lecture désagrégée des résultats

Dans le but d’aboutir à une analyse profonde des raisons économiques qui ont mené à la lenteur du
processus et à la désindustrialisation, nous estimons utile de parcourir à une analyse sectorielle agré-
gée (trois secteurs) puis désagrégée détaillée pour identifier les secteurs qui ont un effet significatif
sur la déviation.
Figure 3.5 – Les déviations en % par secteur au Maroc 1998-2018

Source : Calculs des auteurs

À partir des résultats du modèle pour une seule période 1998-2018, le secteur qui tire le plus la
déviation totale vers le bas est celui de l’industrie avec (-32,4% ), ce qui va à l’encontre d’un pro-
cessus d’industrialisation réussi, suivi de l’agriculture (-21,8% ). Toutefois, le secteur des services a
une déviation positive et significative de (45,7% ) mais ne compense pas les pertes enregistrées au
niveau des autres secteurs. Ce résultat se justifie par la tertiarisation de l’économie Marocaine, reste
à identifier les effets responsables de cette tertiarisation au niveau désagrégé.

52
En effet, l’envol de l’industrie nécessite un effet technologique important, une substitution aux im-
portations et une promotion des exportations. Cependant, l’effet de l’offre sur la déviation de l’indus-
trie demeure négatif sauf pour quelques périodes. De surcroît, la faiblesse de l’effet de l’exportation
dans l’ensemble des périodes affaiblit l’industrie et ne compense pas les importations enregistrées
au niveau du secteur qui s’élèvent à 20,2% dans la période 2015-2018. Donc, dans la majorité des
périodes, la production nationale ne substitue pas les importations dans l’industrie, ce qui va à l’en-
contre du processus d’industrialisation de référence.
Figure 3.6 – Décomposition de la déviation industrielle par effets et par périodes

Source : Calculs des auteurs

En outre, il ressort que les branches de l’industrie enregistrent des déviations négatives sauf pour
quelques périodes, donc il y’a une certaine volatilité au niveau de la tendance sectorielle de long
terme.
En ce qui concerne la branche d’industrie du textile et du cuir (D02), qui se positionne en tête de liste
en termes de significativité, sa déviation diminue jusqu’à la crise qui a causé des pertes majeures dans
la branche, puis elle augmente lentement. Durant la période avant la crise (2002-2006), tous les effets
ont mené à la diminution de la déviation surtout l’exportation, et globalement le commerce extérieur
a affecté négativement la déviation de la branche qui représente en moyenne -34% (entre 2007-2018).
Cela est dû principalement aux fragilités structurelles de l’offre dans la branche, ce qui est traduit
par une déviation de la technologie et de l’investissement qui ne sont pas très significatives. Alors
que l’effet de la demande affecte positivement la déviation totale dans les deux dernières périodes.
En somme, le textile et le cuir affecte directement l’industrie nationale puisqu’il représente un des
secteurs dynamiques de l’économie marocaine et sa faiblesse est liée principalement au fait qu’il est
menacé par la concurrence internationale.
S’agissant de l’industrie chimique et parachimique (D03) qui est caractérisée par sa significativité
importante expliquée par son rôle majeur dans l’industrie nationale puisque l’Office Chérifien des
Phosphates représente le premier exportateur mondial du phosphate et d’acide phosphorique (Mar-
zak, M., Ghoufrane,A., Boubrahimi,N., Diani,A. 2014). Également, la branche enregistre une dévia-
tion négative en globalité sauf pour la période de la crise 2007-2010 qui était de 7% . En effet, le

53
commerce extérieur, l’offre et l’investissement ont un effet très significatif et volatile, alors que la
demande domestique demeure presque nulle sauf pour la première période (31,45% ).
A cette industrie, s’ajoute la branche de l’Alimentaire et du tabac, Tounsi et al. (2013) stipulent
qu’elle représente un secteur clé de l’économie puisqu’elle se base sur les ressources agricoles dont
dispose le pays comme inputs. Elle est caractérisée par un effet exportation très important et positif
dans l’ensemble des périodes sauf celle de la crise. Ceci s’explique par l’ouverture avec le marché
Européen qui importe près de 73% des produits alimentaires marocains, ce qui a causé la vulnérabilité
du Maroc vis-à-vis les conditions économiques de l’Union Européenne. En dépit de son importance et
son effet sur l’industrie nationale, la branche de l’alimentaire et du tabac reste marquée par un déficit
commercial qui a creusé durant les années 2007-2008 suite à la hausse des prix des inputs agricoles
(céréales) importées par le Maroc (Marzak, M., Ghoufrane,A., Boubrahimi,N., Diani,A. 2014).
En revanche, l’Industrie Mécanique et Métallurgique (D04) englobe le secteur de l’automobile et de
l’aéronautique qui inclut deux métiers mondiaux du Maroc. Après la crise, (période 2007-2010) il
y’avait une certaine évolution dans la déviation totale de cette branche qui s’élève à 7% en 2015-
2018, tirée principalement par l’effet de l’exportation et de l’investissement, vu la mise en place de
plusieurs mesures incitatives dans le cadre du plan d’accélération industrielle par le moyen de fa-
cilités fiscales et des aides à l’investissement. Pourtant, l’automobile et l’aéronautique a un impact
considérable sur le déficit de la balance commerciale puisqu’il représente le premier secteur impor-
tateur au Maroc (en 2011) 38 , cela se reflète dans l’effet de l’importation négatif de la branche toute
entière (-21% en moyenne) qui ne se compense pas par les gains générés par les autres effets.
Au total, l’ouverture commerciale a affecté négativement l’industrie nationale. De plus, toutes les
branches de l’industrie manufacturière ont des déviations très significatives qui affectent direc-
tement la déviation du secteur en particulier et de l’économie en général. Cela nous permet de
conclure que l’industrie Marocaine est principalement dominée par des activités traditionnelles.
Malgré l’émergence de plusieurs industries incluant des métiers mondiaux comme l’automobile et
l’aéronautique, leur poids ne compense pas les pertes enregistrées par les autres branches.
En ce qui concerne l’agriculture, malgré sa part de l’emploi qui reste toujours significative, il s’avère
que sa déviation est négative sauf pour la période 2007-2010 où elle a contribué avec une déviation
positive qui s’élève à 4% , mais qui n’a pas pu compenser les dégâts des autres secteurs.
Généralement, la branche Agriculture, chasse, services annexes (A00) domine le secteur agricole avec
un poids de 93% pendant que la branche Pêche et Aquaculture (B05) ne représente que 7% . Ainsi,
l’impact de cette dernière demeure non significatif même si elle a enregistré des déviations positives
durant 1998-2001 et 2011-2014. Tandis que la branche Agriculture, chasse, services annexes (A00)
tire la déviation vers le bas sauf pour la période 2007-2010 où elle a été tirée par la demande interne
(20% ) et par l’effet d’investissement (26% ). Alors que dans les autres périodes, nous remarquons
que l’effet de la demande et du changement technologique tire vers le bas avec des moyennes de
(-22,2% ) et (-26% ) respectivement. Finalement, nous constatons que l’effet du commerce représente
12% en moyenne avec un effet de substitution aux importations significatif en 2002 jusqu’à 2014.
38. IRES (Marzak, M., Ghoufrane,A., Boubrahimi,N., Diani,A. 2014, Industrialisation et compétitivité globale du Maroc

54
Cela montre que l’effet du commerce enregistre une performance meilleure dans l’agriculture par
rapport à l’industrie mais reste faible. Donc, l’agriculture freine de la croissance globale même si son
effet en aval du secteur sur les activités est important (Tounsi et al. 2013).
Figure 3.7 – Décomposition de la déviation de l’agriculture par effets et par périodes

Source : Calculs des auteurs

Le secteur tertiaire se comporte d’une manière favorisante des expansions de la structure écono-
mique du Maroc. En effet, durant les deux premières périodes il avait une moyenne de 8% mais sa
déviation s’est dégradée durant la période de la crise et sa reprise. Alors que les secteurs traditionnels
ne génèrent pas des expansions sauf pour le BTP qui est tiré principalement par l’effet de l’inves-
tissement. Ce secteur se caractérise par une hétérogénéité même au niveau des déviations. Ainsi,
nous remarquons que les secteurs modernes enregistrent des déviations significatives, par exemple,
durant les périodes 1998-2006 les branches activités financières et assurances (J00) et postes et té-
lécommunications (I02) tirent la déviation des services vers le haut et leurs déviations représentent
39% et 31% respectivement. Tandis que, les autres secteurs n’enregistrent pas des déviations signi-
ficatives. Ceci est même visualisé dans les valeurs ajoutées et l’emploi désagrégés des services (Cf.
section II ) où les secteurs modernes de la finance et télécommunications enregistrent une produc-
tivité élevée par rapport aux autres sous-secteurs non marchands qui ne tirent ni la croissance en
général ni la déviation en particulier.
Le secteur des services a connu depuis 2005 une ouverture commerciale suivant plusieurs négocia-
tions au niveau bilatéral (États-Unis) et au niveau régional (Accord d’Agadir). Sur cette lignée, nous
constatons que les branches Activités Financières et Assurances (J00) et celles des Postes et Télé-
communications (I02) sont tirées par les effets de la demande et de l’exportation. Ainsi, l’effet du
commerce seul dans ces branches s’élève à 19% et 21% 39 durant les deux premieres périodes respec-
tivement pour les branches en question (négociées), mais elles ont connu une dégradation suite à la
période de la crise. De plus, les postes et télécommunications (I02) ont connu un effet de demande
négatif qui s’élève à -59% durant la dernière période. Ces deux branches modernes ont enregistré
des déviations négatives dues aux effets remarquables des importations (-33% ) et du changement
39. Moyenne de l’effet du commerce sur postes et télécommunications (I02), Immobilier, Location et Services Rendus aux Entreprises (K00), activités
financiers et assurances (J00), Transports (I01) et Hôtels et Restaurants (H55)

55
Figure 3.8 – Décomposition de la déviation des services par effets et par périodes

Source : Calculs des auteurs

technologique (-32% ) pour I02 et de l’effet d’exportation (-62% ) et d’importation (-29% ) pour J00.
Certes, la déviation de la branche Immobilier, Location et Services Rendus aux Entreprises (K00) de-
meure volatile, mais généralement durant les derniers périodes, ce secteur a connu une substitution
aux importations qui s’élève à 52% et un effet d’exportation de 41% .
En revanche, les autres services non marchands ont enregistré des déviations positives surtout du-
rant la période après crise, mais elles restent insuffisantes pour compenser les pertes des secteurs
modernes. En effet, les autres branches telles que les Transports (I01) et Hôtels et Restaurants (H55)
ont enregistré des déviations positives tirées principalement la demande et ses composants. Ainsi,
l’effet de demande domine à 75% la déviation du secteur des Hôtels et Restaurants (H55) durant
2015-2018 et du Transport (I01) à 65% durant 2011-2014. Pour ce qui est des services non marchands
tels que l’Education, Santé et Action sociale (MNO) et Administration Publique Générale et Sécurité
(L75), ils représentent des déviations positives en général tirées que par la demande interne mais
ces branches sont caractérisées par des faibles linkages et ne sont que des utilisateurs des inputs des
secteurs industriels.
Au total, le secteur tertiaire marocain représente une performance meilleure par rapport aux autres
secteurs, avec une balance commerciale excédentaire mais reste incapable de compenser les pertes
dues à la déviation de l’agriculture et de l’industrie. Il reste fortement dépendant de l’industrie, car
les performances des produits de services, tels que la logistique, les activités de services au profit
des entreprises et celles des télécommunications sont tirées par la demande des entreprises manu-
facturières et industrielles.

Conclusion

En définitive, l’utilisation de l’approche de décomposition de productivité de travail a confirmé les


résultats déduits dans les deux premiers chapitres qui stipulent que les pays ont connu des processus
de transformation structurelle divergents, et celui du Maroc demeure lent caractérisé par la désin-

56
dustrialisation prématurée et n’enregistre pas des gains dynamiques significatifs. Pour mettre en
lumière les mécanismes qui ont mené à tel processus, le modèle de Chenery, Shishido et Watanabe
(1962) effectué sur la période 1998-2018 confirme ces résultats et montre que la déviation par rap-
port à la croissance proportionnelle au Maroc demeure négative et non significative ne permettant
pas le déclenchement du processus. En plus, l’effet du commerce a affecté négativement l’économie
marocaine à un taux de -53,5% suivi par des effets positifs de la demande et de l’offre qui s’élèvent à
(37,6% ) et (8,8% ) respectivement.

57
Conclusion générale

La motivation du présent mémoire était de saisir et analyser les raisons du niveau de développement
actuel du Maroc sous l’embrelle de la théorie de la transformation structurelle. Tout au long de ce
travail, nous étions animées par deux principales questions à savoir : Quelle est la trajectoire de
la transformation structurelle qu’a connu le Maroc ? Quelles sont les forces économiques
qui ont mené au processus décrit précédemment ?
Pour ce faire, nous avons déduit dans le premier chapitre l’importance des mécanismes de l’offre
et de la demande dans l’explication du processus de transformation structurelle et l’existence d’une
multiplicité de trajectoires de transformation structurelle qui sont le résultat d’une panoplie de ca-
ractéristiques structurelles de chaque économie. Pour ce qui est des faits stylisés, présentés dans le
deuxième chapitre, nous retenons la désindustrialisation prématurée du Maroc accompagnée d’une
lenteur du processus de la transformation structurelle (à partir du calcul de l’indice du NAV), en plus
de l’hétérogénéité des services, la stagnation de l’industrie et la volatilité de l’agriculture.
Pour peaufiner la problématique, notre démarche empirique était fondée sur deux méthodes effec-
tuées dans un dernier chapitre : la première est celle de la décomposition de la productivité du travail
de McMillan et Rodrik (2011) et celle de De Vries et al. (2015) qui quantifie le processus en question
qui se résume par le passage du secteur agricole au secteur des services et qui confirme la désin-
dustrialisation prématurée du Maroc. Il résulte également que le Maroc n’enregistre pas des gains
dynamiques significatifs conformément aux cas de certains pays africains (Cf. revue empirique).
En ce qui concerne la deuxième approche analytique de Chenery et al. (1962) qui est un modèle
d’équilibre général comptable appliqué sur les tableaux d’Input-Output disponibles du Maroc (1998-
2018) permettant de dégager en premier lieu la déviation et la croissance proportionnelle ainsi que
les effets qui sont, à leur tour, des forces agissant sur le processus du Maroc. Les résultats dégagés
montrent qu’en général le secteur des services est le seul à générer une déviation positive et l’effet
du commerce tire vers le bas la déviation alors que l’effet de l’offre joue un rôle mineur. Au niveau
des secteurs, l’agriculture est impactée négativement par l’offre et la demande alors que les services
enregistrent une performance meilleure en termes de déviations dans la majorité des effets mais res-
tent insuffisantes. Tandis que l’industrie est impactée négativement et principalement par ouverture
et l’émergence de nouveaux métiers mondiaux qui ne compensent pas les pertes de ce secteur.
En revenche, comme toute méthode, la décomposition de Chenery et al. (1962) se caractérise par
quelques limites qui se résument par le fait qu’elle considère l’explication du côté de l’offre comme un
terme résiduel, et l’effet du changement technologique ainsi que l’effet de la substitution des intrants

58
sont indiscernables dans la composante du côté de l’offre. Notons également que l’utilisation d’une
base de données plus longue serait plus adéquate. Cependant, les données disponibles du Maroc
couvrent uniquement la période 1998-2018.
Finalement, notre mémoire a nourri plusieurs curiosités sur divers questionnements. Ainsi, il s’avère
que la question d’une transformation réussite ne se résume pas uniquement dans quelles politiques
structurelles le pays doit entreprendre, mais également sur un ensemble de changements sociaux,
institutionnels qui doivent accompagner le processus. Ce mémoire n’est pas une finalité en lui-même
mais plutôt un commencement de nos futures recherches académiques.

59
Bibliographie

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64
Annexe 1

Figure 3.9 – Taux de croissance du PIB et des valeurs ajoutées sectorielles du Maroc (1968-2018)

Source : préparés par nos soins sur les données WDI

Figure 3.10 – Evolution de l’espace produit du Maroc

Source : Etude du DEPF « Economic complexity and development : Strategies for the structural diversification of the
Moroccan economy» (2019)

65
Figure 3.11 – Coefficients budgétaires (en % ) par grands groupes de biens et services

Source : Préparé par nos soins à partir des données des enquêtes Nationales sur la consommation et les dépenses des
ménages (HCP)

66
Annexe 2

Table 3.3 – Résultats de décomposition de la première approche de McMillan et Rodrik (2011)

Source : Calculs des auteurs sur les données de WDI

Table 3.4 – Résultats de décomposition de la deuxième approche de De Vries et al. (2015)

Source : Calculs des auteurs sur les données de WDI

67
Figure 3.12 – Écarts de productivité inter sectoriels (Maroc, France, Chine, Turquie)

Source : Préparés sur les données du WDI

68
Table 3.5 – Nomenclature des branches d’activités de la comptabilité nationale

Source : Comptes Nationaux Base 2007

Table 3.6 – Ratio de la croissance du PIB par période

Source : calculs des auteurs

Table 3.7 – Déviation et croissance proportionnelle en % par secteurs et par périodes

Source : calculs des auteurs

69
Table 3.8 – Les effets détaillés du côté offre et demande en % par branche d’activité et par période

70
71
Source : calculs des auteurs

72

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