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Sujet :
Performance globale et dynamique des systèmes de pilotage :
une analyse conventionnaliste
- Cas de Lafarge Maroc -
Membres du Jury :
Suffragants
Octobre 2006
Remerciements
2
SOMMAIRE
INTRODUCTION GENERALE…...........................................................................................1
PREMIERE PARTIE-
ETUDE THEORIQUE DU CONCEPT DE PERFORMANCE GLOBALE…..................6
3
Section II- Une approche organisationnelle et sociale des systèmes de mesure de la
performance : la lecture néo-institutionnelle…....................................................68
Paragraphe 1- Le processus d’institutionnalisation des discours
sur le développement durable…...................................................................................69
Paragraphe 2- Les pratiques observées de mesure de la performance globale :
la lecture néo-institutionnelle…...................................................................................72
4
5
DEUXIEME PARTIE
6
7
CHAPITRE I- METHODOLOGIE ET PRESENTATION DU TERRAIN D’ETUDE
Il convient de signaler dès le départ que nous n’avons pas procédé à une enquête terrain
proprement dite pour avoir une idée précise sur l’état de notre problématique dans les
entreprises marocaines. Ce fait, peut être considéré comme l’une des limites de cette
recherche et qui est dû essentiellement à la contrainte de temps. Néanmoins, la réflexion sur
ce point a été bel et bien engagée. Nous avons procédé à des discussions avec quelques
membres de l’équipe pédagogique de notre UFR, et surtout à des recherches sur les sites
Internet des entreprises et au niveau de la presse économique pour essayer d’avoir une idée
sur les actions et engagements des entreprises marocaines en faveur du développement
durable. Nous avons abouti ainsi à une liste de quatre entreprises pressenties comme terrains
de recherche potentiels : Lafarge Maroc, la Centrale Laitière, l’OCP et la Lydec.
Le principal critère qui nous a guidé dans le choix du terrain, est celui de la « significativité »
des expériences menées, ou ce que l’on peut appeler, selon la terminologie de Berg (1990)53,
le critère de « l’exemplarité »54. Pour répondre à notre problématique, nous avions en effet
besoin d’une entreprise ayant développé un engagement réel (de moyens humains et
53
Berg D. (1990), « A case in print », Journal of applied behavior science, vol. 26, n°1, pp 64-68. Cité par
Giordano Y. (2003), « Conduire un projet de recherche : une perspective qualitative », éditions ems Management
& Société, p. 51.
54
Le terme exact qui a été utilisé par l’auteur est celui du « cas exemplaire », c'est-à-dire les cas de succès ou
d’échecs retentissants.
8
financiers) dans le domaine du développement durable, et possédant si possible déjà un
programme d’entreprise, de manière à disposer de politiques formalisées et d’outils élaborés.
Le second critère important qui nous a guidé, était celui de l’accès au terrain et la disponibilité
des acteurs concernés par l’étude. Il est en effet nécessaire que l’entreprise étudiée manifeste
sa volonté d’accueillir le chercheur en son sein et de lui faciliter son travail en lui accordant
un accès à suffisamment d’interlocuteurs issus, si possible, de catégories différentes pour
recueillir le plus grand nombre de discours et de témoignages possibles.
Sur la base de ces deux critères, qui constituent selon Pettigrew55 (1989) une démarche
« d’opportunisme planifié », nous avons finalement décidé de choisir le cas de Lafarge
Maroc, la première entreprise qui nous a ouverte ses portes et qui dispose d’un programme
d’entreprise formalisé qui s’inscrit en partie dans la stratégie du Groupe Lafarge.
Les autres cas ont été écartés pour des raisons diverses. La Centrale Laitière, en raison de son
affiliation au Groupe Danone, constituait un terrain d’étude potentiellement intéressant. Mais
l’accès y était difficile. En raison de quelques réorganisations internes, on ne pouvait trop
compter sur la coopération du siège. Le Groupe OCP 56 ou la Lydec57 ont également lancé
beaucoup d’initiatives en faveur de la protection de l’environnement, de la cohésion
sociale ou du développement des communautés locales. Mais nous avons préféré nous
concentrer sur un seul terrain d’étude - celui qui paraissait le plus prometteur - plutôt que de
diviser nos efforts, au risque de perdre sur le plan de l'approfondissement et de la richesse
55
Pettigrew A. M.(1989), « Issues of site selection and time on longitudinal research on change », in CASH J.
(Ed.), Qualitative Research Methods, Boston : Harvard Business School Press. Cité par Giordano Y. (2003),
« Conduire un projet de recherche : une perspective qualitative », éditions ems Management & Société, p. 51.
56
En plus de son engagement soutenu pour la protection de l’environnement, le Groupe OCP a conçu un
Programme d’aide à la création et à l’accompagnement de nouvelles entreprises (PACANE). L’objectif étant de
promouvoir de jeunes pousses opérant dans des zones d’activités de l’OCP (comme à Benguérir) et créer les
conditions réglementées leur permettant d’accéder à une partie des marchés du Groupe en fonction d’un budget
prédéfini. En 2003, environ 80 nouvelles entreprises ont ainsi été soutenues. Les bénéficiaires devant s’engager à
respecter un certain nombre de règles de bonne conduite : être en conformité avec la loi en vigueur, ne pas
recourir au travail illicite, veiller à la santé et à la sécurité des salariés, respecter l’environnement, encourager
l’esprit de solidarité. D’autre actions à caractère sociétal ont été également noté comme sa participation à la
Fondation Académia ou à l’Incubateur d’entreprises d’Eljadida.
57
Lydec, la filiale de Suez au Maroc, a récemment poussé la logique RSE jusqu'à demander une notation
sollicitée de ses activités. Cet audit extra-financier effectué par Vigeo et publié par l'entreprise a permis de
montrer que Lydec se situait au-dessus de la moyenne dans tous les domaines évalués avec la méthodologie
standard de l'agence de notation française.
9
qualitative ce que nous aurions gagné sur le plan de l'analyse comparative. Et ce d’autant plus
que les moyens en temps sont limités.
Ainsi, le choix de Lafarge Maroc, qui manifeste depuis sa création en 1995 une volonté
d’engagement en faveur du développement durable, nous permettra d'enquêter dans une
organisation ayant développé un savoir-faire intéressant et riche d’enseignements.
Plusieurs niveaux d’analyse étaient envisageables mais nous n’avons retenu que quatre :
fonctionnel, opérationnel, individuel et enfin le responsable du développement durable au sein
de l’entreprise. Pour Lafarge Maroc, ces quatre niveaux se concrétisent de la manière
suivante :
1) Le niveau fonctionnel est constitué par les directions fonctionnelles du siège ;
2) Le niveau opérationnel est représenté par les différents responsables d’usines de
l’entreprise ;
3) Le niveau individuel est constitué par les salariés cadres ou ouvriers de Lafarge Maroc
impliqué dans les processus de production.
58
Edgar MORIN (1984), « Sociologie », Fayard, Paris. Comme le souligne cet auteur : « […] la pensée
scientifique est particulièrement féconde quand elle se penche sur les cas aberrants, perturbants ou extrêmes. Les
grands apports modernes aux sciences physiques sont nés de la considération de cas limites […]. Dans le
domaine des sciences de l'homme, l'exploration clinique de la zone pathologique par un Freud a permis un plus
grand progrès sur l'homme normal que les travaux d'école accumulés. » (pp. 57-58.). Cité par Lépineux (2003, p.
286).
10
4) Enfin, le dernier niveau réside dans la personne en charge de la mission d’intégration
et de la promotion du développement durable au sein de l’entreprise.
En raison des contraintes de temps déjà citées, il fallait encore une fois restreindre davantage
le périmètre de l’étude de cas, particulièrement en ce qui concerne le niveau opérationnel. Les
usines qui pouvaient éventuellement être enquêtées sont les usines de Tétouan, Tanger,
l’usine de Mekhnès et enfin celle de Bouskoura.
Les usines de Tétouan et Tanger ont connu récemment des mouvements de restructuration
visant à moderniser les moyens de production pour pouvoir à la fois, répondre aux demandes
d’un marché en pleine évolution, et réduire les nuisances environnementales d’un appareil
productif ne répondant plus aux normes et standards internationaux. Un tel changement
stratégique offre, en réalité, des conditions propices pour accéder à la complexité et à la
richesse qualitative du phénomène que nous cherchons à analyser. Mais le choix a finalement
porté sur l’usine de Bouskoura, qui a également connu un projet d’extension de la deuxième
ligne de production accompagné d’un engagement pour l’environnement auprès des
départements ministériels. Le choix de l’usine de Bouskoura, se justifie, par ailleurs, par le
fait que c’est l’unité la plus importante en termes d’activité 59 - le tiers de la production de
Lafarge Maroc - et qui fait ainsi l’objet d’un suivi particulier et d’expérimentations dans le
domaine du développement durable. Nous avons, par ailleurs, abandonné l’idée d’enquêter
l’usine de Mekhnès, car notre étude a débuté relativement tard pour des raisons internes à
l’entreprise.
Il faut noter enfin, que la question du périmètre ne se limite pas au choix des structures
organisationnelles qui seront étudiées, mais comprend également la question de l'horizon
temporel de cette étude. Sur cet aspect nous avions peu de choix, ce qui nous a conduit à
retenir le mois d’Août 2006.
11
niveau d’analyse que nous avons retenu, mais globalement la démarche effectivement adoptée
a été précisée et complétée progressivement au cours de la recherche.
Car comme l’a noté Lépineux (2003), le protocole de recherche, qui constitue le préalable à la
collecte de l'information, est constitué d'un ensemble de questions ou de propositions qui
guident le travail du chercheur, et s'enrichit ou s'affine progressivement en fonction des
observations. Il se forme donc de manière itérative par confrontation de ces questions ou
propositions aux réalités concrètes observées (Hlady-Rispal, 2000). C’est bien pourquoi on
parle de méthodologie, et non pas simplement de méthodes. Car loin de se réduire à une
compilation de méthodes déjà inventoriées, « la méthodologie consiste en un questionnement
sur la nature de ces méthodes, sur leur portée opératoire, en même temps qu'elle est un
processus d'élaboration d'une démarche de recherche, qui accompagne dans une large
mesure la réalisation de celle-ci » (Lépineux, 2003, p. 290).
Nous allons à présent, introduire l’approche qualitative retenue et décrire plus en détail les
deux principaux dispositifs de cette recherche à savoir la recherche documentaire et les séries
d’entretiens menés.
3.1- Une approche qualitative
Afin de saisir les articulations entre les différents niveaux de l'analyse, une approche
qualitative s’imposait. L'objectif de l'étude de cas est d'explorer en profondeur le phénomène
étudié : il s'agit d'obtenir une richesse, une profondeur, une diversité et une qualité de contenu.
A cet égard, l'un des atouts majeurs de l'étude de cas réside dans le fait que cette méthode
permet de recourir à plusieurs sources d'information.
L'enquête de terrain s'appuiera ainsi sur une combinaison de deux principaux moyens
d'investigation :
1) Recherche documentaire interne et externe à Lafarge Maroc ;
2) Réalisation de plusieurs séries d’entretiens.
12
informations inexactes, et de réduire au maximum le risque de biais ou de mauvaise
interprétation des données.
Ces propos sont confirmés par la définition suivante de Bonoma (1985) : « Une étude de cas
est une description obtenue directement d'une situation managériale, à partir d'interviews,
d'archives, d'observations ou de toute autre source d'information, construite pour rendre
compte du contexte situationnel dans lequel le comportement s'inscrit. »61
Lépineux (2003) pour sa part explique davantage la complémentarité de ces différentes
sources : « tandis que l'analyse documentaire permet au chercheur de prendre connaissance
des structures et des processus de gestion de l'organisation et d'identifier les discours officiels
relatifs aux phénomènes étudiés, l'objet des réunions et des entretiens est l'appréhension de
l'organisation dans ses pratiques concrètes ».
Puis, lors de chaque entretien mené, nous avons sollicité auprès de notre interlocuteur tous les
documents utiles à la vérification ou à l'illustration de ses propos. Cela n’a pas été toujours
60
Lapsley I. & LLewellyn S., « Real life constructs : the exploration of organizational processes in case studies
», Management Accounting Research, Vol.6, 1995, pp. 223-235. Cité par Lépineux (2003, p. 291)
61
Bonoma T., « Case research in marketing : opportunities, problems and a process », Journal of Marketing
Research, May 1985, pp. 199-208. Cité par Lépineux (2003, p. 291)
62
Les deux principaux travaux concernant Lafarge Maroc sont ceux de Bennani (2005) et Moquet & Pezet
(2005).
13
possible, plusieurs interlocuteurs n’ont pas souhaité nous remettre les documents auxquels ils
ont fait référence lors de l’entretien car revêtant un caractère confidentiel. Nous nous sommes
contentés alors d’une description sommaire de ces documents. Ceux qu’on a pu obtenir de nos
interlocuteurs nous ont permis de revenir sur certains points qui sont restés obscurs et de les
confronter avec les discours.
La liste des principaux documents que nous avons pu obtenir est présentée en annexe n°1 du
mémoire.
3.3- Les entretiens : une place centrale dans notre dispositif de recherche
Les entretiens ont occupé une place centrale dans notre enquête. Un grand nombre d'entretiens
ont donc été menés, au niveau du siège et au niveau de l’unité de Bouskoura, couvrant
différentes catégories de personnel : cadres supérieurs, cadres moyens, contremaîtres,
techniciens spécialisés et ouvriers. En effet, l’élargissement des niveaux d’analyse que nous
avons souhaité opérer imposait de rencontrer des acteurs issus de catégories différentes,
n'ayant ni les mêmes objectifs, ni les mêmes préoccupations par rapport à l'objet d’étude.
Cette démarche nous permet de confronter les nombreuses opinions susceptibles d'être
exprimées sur la question de l’intégration du développement durable.
Tous les entretiens ont été de type semi-directif dont l'objectif est de donner aux différents
acteurs la possibilité de développer un discours approfondi sur leur organisation et leurs
modes d’action. L'entretien semi-directif est généralement centré sur un ensemble de thèmes
qui devront être abordés par le chercheur. Son déroulement prend appui sur un guide élaboré
au préalable, qui présente une liste de ces thèmes, le cas échéant déclinés en sous-thèmes. Ce
type d'entretiens ouvre ainsi l'accès à un contenu qualitativement plus riche qu'un
questionnaire fermé, consistant en une liste d'interrogations prédéterminées et qui enferment
l'interlocuteur dans un schéma imposé par le chercheur (Lépineux, 2003).
Suivant cette approche, nos guides d’entretiens ont été conçus sous forme de questionnements
ou axes de discussion, complétés systématiquement par des questions d’approfondissement
qui ont servi d’appui aux relances. Concernant le libellé des questions, on a cherché à ne pas
« intellectualiser » les questions. En d’autres termes, on a évité le style trop académique
auquel on a préféré un langage plus proche du terrain. Car selon Grawitz (1979), Il faut éviter
tout ce qui peut menacer le caractère essentiel de la question, qui est celui de constituer un
14
« moyen de communication réel » (p. 749). Les mots employés doivent ainsi évoquer une idée
semblable chez l’interlocuteur et l’inciter à répondre sur ce point.
Cet exercice n’a pas été toutefois facile dans la mesure où il fallait tenir compte d’une double
contrainte. La question devrait, en effet, être libellée de manière à susciter une réponse
contenant l’information cherchée, tout en évitant d’influencer le sens de la réponse (Grawitz,
1979). Il convient à ce stade de préciser que les entretiens avec les ouvriers de Lafarge Maroc
ont été certes conçus en langue française, mais réalisés en arabe dialectal.
Par ailleurs, on a veillé à ce que le nombre de questions ne soit pas trop important compte
tenu du temps qu’on espérait obtenir des responsables de l’entreprise. Les questions ont été
également ordonnées de façon progressive et respectant un enchaînement logique afin de
faciliter le déroulement de l'entretien. On a essayé aussi d’introduire le guide par des
questions relativement simples afin d’éviter les risques de blocage en posant une « colle ».
c’est ainsi qu’on a, par exemple, évité d’évoquer le concept de performance globale dès le
début du guide.
Les différents guides d'entretien que nous avons utilisés sont reproduits en annexe n°2. Le
premier guide concerne le responsable de la Stratégie chez Lafarge Maroc, celui-ci a été
structuré autour de trois thèmes ou questionnements qui sont chacun subdivisés en une série
de sous-thèmes exprimés sous forme de questions ouvertes.
Le deuxième guide concerne les autres responsables fonctionnels du siège. Ce dernier a été
structuré autour de cinq thèmes, il a été également utilisé pour l’entretien avec le Responsable
du département Optimisation à l’usine de Bouskoura. Enfin le dernier guide a été adressé aux
autres catégories du personnel de cette usine (Contremaître, techniciens spécialisés, ouvriers).
Celui-ci comporte six axes exprimés sous forme de groupes de questions relativement
précises. Il était en effet important de cadrer le plus finement possible la discussion avec cette
catégorie d'interlocuteurs, de manière à recueillir les informations précises que nous
recherchions.
Il est important aussi de signaler que les personnes interrogés n’ont pas toujours été ceux
qu’on avait prévu en rédigeant les guides. Ce qui nous a souvent amené à abandonner certains
thèmes et à préparer de manière individualisée les entretiens. Dans un souci d’efficacité, les
15
questions ont été posées plus spécifiquement en rapport avec les fonctions de chaque
interlocuteur. La contrainte de temps justifiait également ce choix. La liste du personnel cadre
interviewé est présentée en annexe n°3.
Tous les entretiens ont fait l'objet d'une prise de notes systématique ainsi que d'un
enregistrement à l’aide d’un dictaphone, à l’exception d’une seule personne qui a refusé que
ses propos soient enregistrés. Il s’agit du contrôleur de gestion de l’usine de Bouskoura. Nous
nous sommes alors référés uniquement à la prise de notes. L’usage des enregistrements nous a
permis une meilleure exploitation du matériau discursif recueilli, en repérant les informations
les plus significatives pour notre étude. Le dépouillement et l'analyse de chaque entretien vont
conduire finalement à un travail de synthèse, à la confrontation continue des informations
obtenues par les différentes voies d'enquête, et à élaborer progressivement la restitution de
l’étude de cas.
16
seulement 1% des établissements industriels intervenant dans le secteur et le taux d’embauche
ne dépasse guère 1% (l’Observatoire de l’Habitat, 2004).
63
www.lafarge.ma
64
www.cimentsdumaroc.com
65
www.holcim.com/ma
17
Asment-Témara, reprise par le groupe cimentier portugais Cimpor (depuis 1996), exploite
une usine à Aïn Atig qui peut produire 800 000 de tonnes de ciment par an. Cette cimenterie
détient 9% du marché et assure 11,6% de la production nationale.
Par ailleurs, le marché national est bien partagé entre les différents acteurs, la répartition
géographique des usines fait ressortir une dominance de :
- Lafarge dans le Nord-Ouest ;
- Ciments du Maroc dans le Sud ;
- Holcim dans le Nord-Est.
18
Figure n°16 : La répartition du marché entre les cimenteries
Quant à la commercialisation, elle s’effectue par un réseau organisé mis en place. Le circuit
assure une distribution régionale et locale assez satisfaisante avec un système d’agrément
assurant la protection et la maîtrise du secteur. Il est à noter que les cimentiers sont les mieux
organisés en tant que corps professionnel.
19
production avec l’inauguration de la deuxième ligne de production à l’usine de Bouskoura.
Cette ligne d’une capacité de 900 000 tonnes va être inaugurée en septembre 200666.
production 5,78 6,22 6,18 6,28 6,4 6,59 7,24 7,15 7,23 7,48 8,06 8,49 9,28 9,80
Comme le montre le tableau n°8 ci-dessous, les ventes de ciment ont progressé au rythme
moyen de 7% par an durant la période 2000-2004 (7,4% par an durant la période 2000- 2003)
avec une production moyenne de 9,5 millions de tonnes. En 2004, les ventes ont atteint 9,8
millions de tonnes.
66
www.lafarge.ma
20
Ce graphique permet encore une fois d’apprécier le caractère exponentiel de cette croissance
des ventes du ciment à partir de l’année 2000.
21
Figure n°19 : Evolution des prix moyens du ciment
22
1.5- Le secteur cimentier marocain et le développement durable : les résultats
d’une analyse méso-économique
67
Selon Mohamed Rachid AMOR, Directeur Procédé-Géologie-Qualité & Environnement chez Lafarge Maroc,
la signature de cette convention était une manière d’anticiper un projet de loi du Ministère de l’Environnement et
qui allait prendre au dépourvu les cimentiers marocains. En effet, leur mise à niveau environnementale
nécessitait des investissements importants et qui devaient être étalés sur un certain nombre d’années. Les
cimentiers avaient besoin de 8 ans mais les négociations entre l’APC et le Ministère ont arrêté ce délai à 6 ans.
68
L’objectif des études méso-économiques est de saisir et mesurer l’ordre de grandeur des flux, de les
comptabiliser ensemble avec leurs transformations et impacts sur l’environnement. Ensuite, les conséquences de
ces actions sont estimées monétairement en termes de coût de la dégradation environnementale (coûts des
dommages et des inefficiences) et de coût de remédiation. Enfin, ces valeurs sont exprimées par rapport à la
valeur ajoutée (VA) de l’entité concernée. Voir : www.meso-platform.org
23
Figure n°20 : La part des coûts des dommages à l’environnement par rapport à la
valeur ajoutée en 1997 et 2003
Ainsi, grâce aux améliorations techniques et managériales instaurées depuis 1997, les efforts
de mise à niveau des cimentiers marocains ont porté leurs fruits. Pour éviter les dommages
environnementaux et restaurer la qualité de l’environnement, l’investissement estimé pour
1997 et 2003 est de 16 millions USD. Par suite, les gains réalisés grâce à l’augmentation de la
productivité et à la réduction de l’impact environnemental ont fait baisser proportionnellement
24
la part des coûts de remédiation (3,9 % de la VA du secteur en 2003 contre 7,2 % en 1997).
Les parts des coûts des dommages et des inefficiences ont également baissé.
Cela démontre l’efficacité des stratégies adoptées comme celle des nouveaux processus de
production. Pour la plupart des domaines environnementaux, les efforts d’amélioration ont
atteint un seuil quasi optimal à partir duquel il est difficile de réaliser encore de substantielles
économies. Il reste toutefois un potentiel d’économie dans le domaine « Energie/matières »,
notamment dans l’utilisation de l’électricité. L’électricité nécessaire pour produire 1 tonne de
ciment a baissé de 9% entre 1997 et 2003.
ii) La position particulière du secteur cimentier marocain parmi les autres pays
du MEDA
En comparant les performances du secteur du ciment marocain avec celles dans les autres
pays du MEDA, les réalisations sont impressionnantes. Le seul pays où la croissance
économique cesse d’être accompagnée par des dommages environnementaux est bien le
Maroc. Comme le montre la figure n°22 ci-dessous, les contributions respectives au PIB par
la Valeur Ajoutée et aux dommages à l’environnement évoluent en sens inverse contrairement
aux autres pays.
25
Figure n°22 : Contribution des secteurs au PIB et aux dommages à l’environnement
nationaux
26
Figure n°23 : L’organigramme juridique
27
- Le plâtre, 2ème producteur marocain. A Safi, Lafarge dispose d’une usine de plâtre de
construction et de plâtre industriel, de carreaux de plâtre et de dalles pour plafond
- Granulats : l’usine de Berrechid est dotée d’une capacité de production de 36 000 m3
- Béton: leader marocain avec 11 centrales à béton pour une capacité de 700 000m3
- Chaux industrielle: installée sur l’ancien site de Tétouan, d’une capacité de 80 000 t/an.
28
2.4- Chiffres clés Lafarge au Maroc
En 2003, Lafarge Maroc a réalisé un résultat net de 89,6 millions d’Euros, soit une
augmentation de 18,5% par rapport à 2002. Son chiffre d’affaires a augmenté également de
12,5%.
29
l’analphabétisme touchait encore deux tiers du personnel de la cimenterie de Tétouan. Or la
qualification est un élément clef dans le redéploiement industriel du site.
Ce sont là quelques faits qui traduisent des engagements réels en faveur du développement
durable et qui font de cette entreprise un choix pertinent pour réaliser notre étude de cas.
30
CHAPITRE II- L’EVOLUTION DES SYSTEMES DE PILOTAGE DE LA
PERFORMANCE ET DU MANAGEMENT DE LAFARGE MAROC : UNE
LECTURE CONVENTIONNALISTE
Les cimenteries Lafarge Maroc ont depuis 1995, date de la mise en œuvre du partenariat
Lafarge-SNI, adopté les plans de performance de la Branche Ciment du Groupe Lafarge.
Depuis 1995, la logique industrielle dominait ces plans de performance cimentière, mais à
partir de 2003, la performance va être abordée sous un angle plus large, incluant, outre la
production, des dimensions telles que la stratégie, le marketing ou le développement durable.
Les deux approches de la performance cimentière vont être présentées ainsi que la logique
derrière un tel changement.
Les « Plans techniques à trois ans » conçus par la Branche Ciment du Groupe ont été
mobilisés pour atteindre cet objectif. Ces derniers étaient très orientés sur le progrès
technique. Près de 200 indicateurs permettent d’évaluer la performance des cimenteries sur
tous les plans : consommation d’énergie, coûts d’entretien, productivité des fours, etc. Les
résultats sont publiés dans le CKHC, Cement Know How Center, un document qui permet de
comparer la performance de toutes les 46 unités de la Branche, point par point, et donc
d’identifier bonnes pratiques et point faibles. Et les résultats sont significatifs : la branche a pu
baisser le coût de production d’une tonne de ciment d’environ un euro en moyenne par an.
31
Rachid Amor, Directeur Procédé-Géologie-Qualité et Environnement à Lafarge Maroc,
précise toutefois que, pendant cette période, les aspects sociaux ou environnementaux n’ont
pas été totalement occultés : « […] dans une activité industrielle, on est obligé de travailler
par priorité. A l’époque, on s’assurait de la qualité du produit et de la préservation de
l’environnement mais petit à petit, dès que la mise à niveau industrielle commençait à se
mettre en place, l’environnement montait en puissance…et pour consolider tout ça, on a opté
pour la mise en place d’un système de management suivant le référentiel 9001 pour la Qualité
et le référentiel 14001 pour l’environnement […] ».
Il apparaît donc que cette approche industrielle s’imposait au début pour pérenniser la position
concurrentielle de Lafarge Maroc. Cette approche ayant apporté ses fruits, commença alors le
chemin vers la performance globale sous l’impulsion combinée de plusieurs facteurs qu’on
examinera à travers le point suivant.
Le développement durable apparaît ainsi en tant qu’axe séparé, alors que nous plaidions pour
une conception holistique qui intègre les sphères économiques, sociales et environnementales.
Cette conception est celle généralement admise au niveau de la communauté internationale,
tout au moins au plan de la démarche théorique.
32
Ce projet LFT va être décliné à travers le programme Advance où chaque axe s’accompagne
d’objectifs chiffrés69. La démarche s’accompagne d’un Benchmarking systématique entre
Unités sur des paramètres clés. L’objectif étant d’aider chacune à se positionner et à se
concentrer sur quelques priorités. Advance, qui servira de cadre commun d’action aux 46
unités de la Branche, est piloté par le comité exécutif Ciment.
Cependant, même en ayant lancé ce programme de performance à large spectre depuis février
2003, on ne trouve guère trace au terme « performance globale » dans les documents internes
de Lafarge Maroc ou dans ses rapports d’activités. Rachid Amor 70 nous explique que le souci
de la performance globale est bel et bien présent, même en l’absence du terme : « […] la
tendance actuelle chez Lafarge Maroc est de développer cette culture de la performance
globale. peut être qu’on n’utilise pas le terme, mais c’est le sujet d’actualité sur lequel on
travaille aujourd’hui […] ».
Cependant, l’usage du qualificatif de « global » avait créé en quelque sorte un malaise chez le
responsable de la communication externe de Lafarge Maroc. Voici, sur ce point, la réponse
qu’il nous a faite :
« […] Il n’y a pas de performance globale pour les entreprises, vous n’avez pas de synthèse.
Vous avez des performances corrigées […] En tout cas, il n’y a pas un objectif de
performance globale quelconque dans la stratégie de Lafarge Maroc, c’est ce que je veux
vous dire. Il y a différents types d’objectifs : industriels, financiers, sociaux etc., mais pas de
performance globale […] ».
69
Par exemple, côté marketing, la branche a l’ambition de gagner un ou deux points de marge, ce qui équivaut à
environ 100 millions d’euros de profit supplémentaire.
70
Directeur Procédé-Géologie-Qualité et Environnement à Lafarge Maroc
33
Par ailleurs, la teneur de certains propos recueillis introduisent de l’ambiguïté cette fois à la
finalité de ce qualificatif de « global » : « […] Quand c’est un segment de clients, la
satisfaction du besoin tient compte du niveau de rentabilité du segment ou du volume qu’il est
prévu d’écouler. Quand il s’agit d’une tierce partie, il faut préciser l’intérêt qu’elle présente
pour le site ou l’entreprise (image, résolution de problèmes, fonctionnement…). Une
communication systématique est envisagée ensuite autour de cette action soit en interne (site
ou entreprise) soit en externe […] ». Les actions auprès des parties prenantes deviennent, à
travers ces propos, instrumentalisées du fait de l’exigence d’une contrepartie directe ou
indirecte. Mais si la finalité est exclusivement économique, peut-on toujours parler de
performance globale ?
L’un des choix méthodologiques que nous avons tenté d’adopter dans le cadre de cette
recherche est d’élargir les niveaux d’analyse. Nous nous sommes alors interrogés sur la
déclinaison de l’enjeu de performance globale au niveau individuel et les représentations
auxquelles il donne lieu. Donc, outre les cadres-dirigeants, nous avons posé la question aux
salariés ouvriers de Bouskoura, mais d’une autre manière. En effet, le niveau intellectuel de
cette tranche salariale exigeait d’adapter le vocabulaire utilisé.
34
découle directement des réflexions récentes sur la RSE et véhicule l’idée selon laquelle tout se
passe comme si une entreprise devait acheter une licence pour avoir le droit d'exercer ses
activités, et s'inscrit donc dans une logique contractuelle d'autorisation d'opérer qui serait
délivrée aux firmes par ses parties prenantes (Lépineux, 2003). En mettant en oeuvre une
stratégie de développement durable, les entreprises s'assurent du soutien de leurs stakeholders,
et bénéficient alors d'une légitimité qui va bien au-delà de la simple légalité de leurs
opérations, et contribue fortement à leur image et à leur crédibilité.
Pour Lafarge Maroc, l’enjeu réside ainsi dans le renforcement de la confiance de ses parties
prenantes, qui vont être prioritairement le gouvernement et les communautés locales entourant
ses carrières et ses usines.
Au Maroc, l’attitude des pouvoirs publics vis-à-vis des enjeux du développement durable a
poussé Lafarge Maroc à viser des objectifs qui dépassent la seule contribution au projet
environnemental du Groupe. En effet, le gouvernement marocain avait, dès 1995, une
politique environnementale engagée. Dans le cadre de la Stratégie Nationale pour la
Protection de l’Environnement et le Développement Durable, le gouvernement a estimé le
coût de la dégradation de l’environnement à près de 20 milliards de dirhams par an, soit 8,2%
du PIB71. Suite à ce constat alarmant, des plans d’action vont être élaborés par les autorités
marocaines afin de renforcer le cadre juridique et réglementaire. La réorganisation des
départements ministériels qui va être entreprise en 2002, et qui va conduire au regroupement
des secteurs de l’Aménagement du Territoire national, de l’eau et de l’environnement dans un
important département ministériel s’inscrit également dans ce sens72.
Cette volonté des autorités au Maroc de tirer les standards environnementaux vers le haut, va
être soutenue par Lafarge Maroc, à travers l’Association Professionnelle des Cimentiers, en
lançant un ambitieux programme de réduction des dommages environnementaux. Une série
de négociations vont être également entamées pour une co-construction du cadre juridique et
réglementaire.
71
Eléments de la stratégie d’action du secrétariat d’Etat chargé de l’environnement (URL :
www.minenv.gov.ma/1_presentation/strategie.htm).
72
« Le regroupement des secteurs de l’Aménagement du Territoire national, de l’eau et de l’environnement dans
un important département ministériel vise l’adoption d’une politique globale intégrée, à même de garantir une
approche prospective en matière de gestion de l’eau, du climat et de protection de l’environnement à la hauteur
des défis présents et à venir » Extrait de la Déclaration du Gouvernement (Novembre, 2002).
35
Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Khalid Najab 73 évoquera également cette pression du
gouvernement marocain, avant de souligner le rôle de l’engagement des actionnaires de
Lafarge Maroc dans cette mobilisation autour de la performance globale : «[…] Il y a eu donc
toute la pression du ministère de l’environnement qui a pesé sur les cimentiers pour la
réduction des dommages environnementaux. Cette pression va déboucher en 1997 sur la
signature d’une convention entre le ministère de l’environnement et l’APC (Association
Professionnelle des Cimentiers)… Cette mobilisation vient aussi du fait qu’ils appartiennent à
des actionnaires importants. Le Groupe Lafarge a des politiques environnementales, il était
inscrit dans le développement durable depuis longtemps. Il ne peut donc se permettre -pas
plus que Coca cola ou Perrier d’avoir des produits de qualité ici et des produits de moindre
qualité ailleurs- d’avoir des politiques à deux niveaux d’engagement selon qu’il est dans un
pays riche ou dans un pays moins riche. L’ONA aussi, partenaire du Groupe, a des politiques
environnementales dans le secteur minier, donc aucune difficulté à faire accepter la facture
environnementale des cimenteries, et c’est des dizaines de millions de dirhams. Par exemple,
lorsque vous mettez un filtre à manche, ça coûte entre 20 et 30 millions de dirhams, c’est
énorme ! Et il n’y a pas de retour économique, c’est tout simplement pour éviter la pollution
de l’air. Donc, il faut qu’il y est des actionnaires qui acceptent de payer le prix […]».
Par ailleurs, garantir la « licence to operate » exige, d’une entreprise comme Lafarge Maroc,
de maintenir la confiance des communautés locales qui entourent ses usines et ses carrières.
L'enjeu pour elle dépasse la question de la conformité réglementaire. De fait, de mauvaises
relations avec les populations locales peuvent entraver les projets d'extension ou de
valorisation des déchets. Ainsi, la concertation avec ces populations revêt une grande
importance pour les managers locaux et pour la direction générale de Lafarge Maroc. Cette
concertation vise à établir, dans la durée, des rapports de compréhension réciproques avec les
populations, les élus et l'administration locale.
L’exemple du parc éolien74 de la cimenterie de Tétouan permet d’illustrer cet enjeu. Située en
zone rurale, cette usine doit faire face aux inquiétudes des populations locales concernant
l’activité du parc d’éoliennes qui se trouve à 250 mètres d’un village. Les agriculteurs
s’interrogent ainsi sur l’impact de ces éoliennes sur leur santé, leur bétail et leur agriculture.
73
Responsable de la communication externe à Lafarge Maroc.
74
Ce parc éolien a été implanté pour produire de l’électricité. Les 12 aérogénérateurs du parc développent une
puissance de 10 MW, limite réglementaire autorisée pour les parcs privés.
36
Dans ce contexte, un enjeu essentiel vis-à-vis de ces populations locales est la capacité
des managers locaux à désamorcer les rumeurs qui peuvent se propager et qui sont
susceptibles d'instaurer des relations de défiance entre la cimenterie et ses riverains. Dans
cette perspective, des concertations ont été engagées avec les riverains et les responsables
locaux et ont amené à déplacer le lieu d’implantation à 250 mètres des habitations les plus
proches. Des actions de sensibilisation ont été également menées par les responsables de
l’usine en collaboration avec la Direction Relations Publiques et Développement Durable de
Lafarge Maroc. L’accent est mis sur l’absence de nuisances pour la faune et la flore mais
également sur les avantages du parc et sa contribution dans la réduction des émissions des gaz
à effets de serre.
37
les priorités stratégiques de façon interactive avec leurs subordonnés. Un tableau récapitulatif
est présenté à la fin de ce paragraphe regroupant l’ensemble de ces systèmes.
Ces journées ont été également organisées sous forme de groupes de travail afin de rédiger un
document écrit de cette convention. Ce document intitulé : « Notre ambition pour Lafarge
Maroc » (désormais ALM) a été rédigé dans les deux langues, Arabe et Française. (Voir
l’annexe n°4). Contrairement au témoignage de Khalid Najab, ALM donne la priorité aux
performances industrielle, financière et commerciale. Les performances sociales et
environnementales sont bel et bien présentes mais arrivent en deuxième lieu. Nous pensons
que cette initiative visait beaucoup plus l’appropriation des valeurs du Groupe, déclinées par
le projet LFT (Leader For Tomorrow), par le personnel d’encadrement de Lafarge Maroc
qu’une définition des valeurs propres à Lafarge Maroc. En effet, ALM s’incorpore
parfaitement dans le projet LFT et qui définit les valeurs et principes d’action du Groupe
Lafarge.
38
ii) Les principes d’action LFT
Les principes d’action LFT comportent trois volets : la Vision du Groupe, ses Engagements et
le Lafarge Way. La vision est dominée par le leadership industriel. Les engagements
concernent les principales parties prenantes : clients, collaborateurs, collectivités et
actionnaires. Enfin le Lafarge Way décrit les valeurs qui fondent la philosophie de
management du Groupe et la manière d’atteindre la vision. Cela passe par la contribution au
succès des collaborateurs, la recherche de l’amélioration permanente de la performance avec
une organisation multilocale.
Les valeurs de Lafarge Maroc ne sont ainsi pas scellées dans des chartes mais définies par les
dirigeants de façon simultanée aux objectifs stratégiques. Les valeurs conservent donc une
caractéristique dynamique et peuvent évoluer en fonction des changements qui ont lieu dans
ou à l’extérieur de l’entreprise.
39
Tableau n°13 : Récapitulatif des règles et procédures adoptées par Lafarge Maroc
Dispositif Eléments
- Loi n°11-03 relative à la protection et à la mise en
valeur de l’environnement
- Loi n°12-03 relative aux études d’impact sur
l’environnement
- Loi n°13-03 relative à la lutte contre la pollution de
l’air
- Dahir du 25 août 1914 portant réglementation des
Respect de la législation
établissements insalubres, incommodes ou dangereux
nationale et
(EIID)
internationale
- Loi sur l’eau n°10-95
- Loi n°08-01 relative à l’exploitation des carrières
- La Déclaration sur les Principes et Droits
Fondamentaux au travail de l'Organisation
Internationale du Travail (OIT)
- La Déclaration de Principes tripartite sur les entreprises
multinationales de l’OIT.
- Pacte Mondial des Nations Unies et Principes
Directeurs pour les Directives Economiques de
coopération et de développement à l’intention des
entreprises multinationales.
- Protocole de Kyoto
- Convention APC75-Ministère de l’environnement
- Engagements des membres de l’APC pour
Conventions l’incinération des pneus usagés (16 juillet 2003)
- Convention APC-Fondation MVI pour la protection de
l’environnement
- Convention de partenariat pour la mise en place d’une
filière pilote de collecte et de valorisation des huiles
usagées au Maroc
- Convention de Bâle (incinération des déchets)
- Partenariat WWF (Mars 2000)
- Charte du développement durable de l’industrie
Chartes cimentière au Maroc
- Charte architecturale
Standards du Groupe - Standards Lafarge de conception
Lafarge - Standards Lafarge d’exploitation
- ISO 14001
Normes - ISO 9001
- Norme Marocaine pour la certification des produits
Pour s’assurer du respect de ces règles et procédures, Lafarge Maroc réalise en collaboration
avec le centre technique du Groupe en France des audits de manière régulière : des audit
Qualité tous les deux ans, et des audits Environnement tous les quatre ans. Un audit de
certification « Norme Marocaine » est également effectué par le Laboratoire Public LPEE.
75
Association Professionnelle des cimentiers.
40
Pour toute implantation ou extension, une étude d’impact environnemental est effectuée de
manière systématique pendant l’étude du projet.
76
A titre de rappel, ces piliers sont : la Stratégie, le Marketing et ventes, l’Industriel, le Développement durable
et la Mobilisation des équipes.
41
Trois grandes étapes permettent le déploiement de cet outil de diagnostic à l’ensemble des
unités de la Branche qu’on désigne par Business Unit (BU).
1- L’évaluation de la performance dans chaque levier et la comparaison par rapport à un
référentiel Branche, conduisant à la définition de priorités pour la Business Unit.
Chaque levier est décliné en plusieurs indicateurs dont l’unité de mesure peut être
qualitative (une échelle généralement à 5 niveau) ou quantitative (chiffre ou
pourcentage). Chaque levier regroupe aussi des outils opérationnels à l’image du
Logiciel IP21 qu’on présentera dans le point suivant .
2- La formalisation en plans de performance à 3 ans.
3- La mise en œuvre au travers de plans d’actions conduisant à l’amélioration réelle des
performances.
Chaque Business Unit arrive ainsi à bâtir son propre plan de performance en fonction de ses
enjeux tout en s’appuyant sur la richesse d’expériences de la Branche. Il faut noter aussi que
le système de motivation a été adapté parallèlement à la mise en place de ce programme. Les
objectifs du programme sont donc pris en compte dans l’évaluation de performance de chaque
responsable.
A travers les « Relations avec les stakeholders », un des quatre leviers de l’axe
« Développement durable », on peut illustrer le fonctionnement de cet outil. Le levier
« Relations avec stakeholders » est évalué au travers de dix indicateurs qualitatifs selon une
échelle à trois niveaux (0-1-2). Le référentiel défini par la Branche aide le responsable à se
positionner sur cette échelle. Les résultats sont présentés, d’une part, sur un tableau qui
indique le score obtenu sur chaque indicateur et son commentaire, d’autre part, sur un graphe
polaire qui permet de comparer les cartographies leviers pour chaque cimenterie (voir le
schéma polaire page suivante).
42
Évaluation des relations de l’usine avec son environnement
2
10. Prévention et gestion de la crise
2. Connaissances et attentes des
parties prenantes
1
9. Budget et
responsabilités
3. Document écrit de gestion de leurs
demandes
4. Outils et supports de
8.Communication communication
Media
6. Contacts
Objectif
43
accroît le poids des règles et des procédures dans les systèmes de pilotage de la performance
de Lafarge Maroc et par conséquent leur caractère bureaucratique.
D’une part, la mise en place du programme Advance permet aux directions de choisir de
manière interactive leurs priorités stratégiques au moyen des autoévaluations et des
concertations auxquelles elles donnent lieu. Les indicateurs suivis sont souvent qualitatifs et
ne donnent pas lieu à un même jugement. Un dialogue s’installe systématiquement et a été
qualifié par les responsables de Bouskoura de constructif puisqu’il pousse à argumenter les
jugements et rend ainsi les évaluations plus objectives. D’autre part, le système d’animation
mis en place au niveau de l’usine de Bouskoura77 a permis la concertation avec la « base ». Le
directeur de l’optimisation de l’usine nous explique qu’à travers leur système d’animation
actuel, ils arrivent à impliquer le personnel cadre et non cadre dans des décisions importantes.
Par ailleurs, un système d’échanges structurés a été également mis en place avec les
principales parties prenantes (le Ministère de l’Environnement et les communautés locales)
soit directement soit à travers l’APC. La création en 2002 de la direction Relations publique et
Développement durable répond d’ailleurs à cet objectif.
77
Ce système d’animation sera étudié plus en détail dans la sous-section suivante.
44
Tableau n°14 : Analyse des dispositifs mis en place en fonction de la typologie de
Simons.
Type de dispositif Eléments
Système de valeurs - Ambition Lafarge Maroc
- Les principes d’action Leader For Tomorrow
Système de barrières - Standards Lafarge de conception et d’exploitation
- Conventions avec le ministère de l’environnement
- Chartes de développement durable et architecturale
- Législation nationale et internationale
- Normes de l’Organisation Internationale du Travail
- Norme ISO 9001 et 14001
Système de contrôle et de - Suivi et contrôle de l’avancement au moyen du
diagnostic programme d’entreprise : Advance
- le système de reporting
- Le Réalisé Probable
Système de contrôle interactif - Choix des priorités stratégiques au moyen du
programme Advance
- Système de Concertation avec le personnel cadre et non
cadre
- Partenariats avec les ONG
- Echanges structurés avec le Ministère de
l’Environnement et les communautés locales
45
contribuer à l’engagement pris par le Groupe de réduire les émissions de CO278, et à
réhabiliter ses carrières.
C’est ainsi que la Direction Environnement au niveau central- relayée au niveau de l’usine
d’ingénieurs responsables de l’environnement- a été créée pour prendre en charge la mise en
œuvre de la politique environnementale de Lafarge Maroc. Elle s’occupe ainsi des audits
environnementaux de chaque site tous les quatre ans, et de certifier le système de management
environnemental selon le référentiel ISO 14001.
78
Le Groupe Lafarge s’est engagé à réduire ses émissions de CO2 de 20% par tonne de ciment entre 1990 et
2010.
46
Enfin, depuis 2004, une Direction « Relations publiques et Développement Durable » a été
créée pour pérenniser ce que l’on peut appeler le « licence to operate ». Suite à l’expérience
réussie de cette entité, créée au niveau du Groupe en 2002, Lafarge Maroc s’est dotée de sa
propre structure pour accompagner la croissance de ses activités et la multiplication de ses
relations avec l’extérieur : les « stakeholders ». Il s’agit donc d’une structure d’observation,
de concertation et d’animation du réseau des parties prenantes de l’entreprise. Elle participe,
comme fonction support, à la définition des politiques de responsabilité sociale avec la
direction générale, mais elle intervient également auprès des différentes unités pour les
soutenir dans leur réflexion sur les aspects liés à la gestion des parties prenantes.
Le fonctionnement de Lafarge Maroc évolue actuellement vers une plus grande transversalité.
Une telle organisation vise à améliorer la rapidité de réaction et d’adaptation de l’entreprise
aux changements de son environnement externe. Les réponses aux changements qui
l’affectent sont fournies par des communications latérales traversant les structures
organisationnelles et ne suivent pas mécaniquement la chaîne hiérarchique de
commandement.
A cet effet, Lafarge Maroc s’est engagée à mettre à niveau les installations existantes pour
être en phase avec la réglementation à venir. De même, elle s’est engagée, pour les nouvelles
installations, à intégrer au départ l’ensemble des éléments relatifs à la sauvegarde de
l’environnement. En effet, les installations ont des durées de vie importantes et il était
impératif d’anticiper sur les évolutions de la réglementation environnementale.
Les plans d’action mis en place pour les quatre sites de Lafarge Ciments, se sont traduis par
un programme quinquennal de 185 millions de Dirhams. Les principales actions qui ont
touché le dispositif industriel et le procédé sont les suivantes :
47
- Remplacement des anciens précalcinateurs par d’autres à technologie plus moderne
permettant de rationaliser la consommation d’énergie par l’augmentation du temps de séjour
du combustible. Cette technique a permis par la suite de réduire les émissions d’oxyde d’azote
(Nox).
- Sur les quatre cimenteries de Lafarge Maroc, l’exploitation des circuits de manutention des
matières premières, du clinker et du ciment entraînait une émission de poussières diffuses.
Pour résoudre ce problème, 27 filtres ont été installés (dont 11 à Bouskoura) sur tous les
points de transfert de matière sur les circuits de manutention des différents produits. En
repensant ce processus de dépoussiérage, les poussières diffuses ont nettement diminué.
- Dans certain cas, le système de dépoussiérage des refroidisseurs des fours n’offraient pas, de
par leur conception, des résultats répondant aux valeurs limites prévues par la convention
signée avec le ministère de l’environnement. Les anciens électrofiltres ont été remplacés par
des filtres à manches munis d’un échangeur air-air pour abaisser les températures à l’entrée
des filtres. Le fonctionnement de ce nouvel équipement de filtration a permis de réduire les
émissions de poussières à moins de 10 mg/Nm3, niveau très inférieur au projet d’arrêté qui
fixait celui-ci à 150 mg/Nm3. Ce système de dépoussiérage a permis de meilleures
performances épuratoires.
- En septembre 1998, Lafarge Ciments a signé un contrat avec Jorf Lasfar Energy Company
pour l’achat des cendres volantes produites par la centrale thermique. Jusque là, les cendres
volantes, résidu de la centrale, étaient rejetées à la mer ou enfouies. Une première installation
provisoire de silos, de doseurs et de circuits de manutention a été installée sur le site de
Bouskoura. Depuis février 1999, Lafarge Ciments valorise ces résidus comme ajout au clinker
pour fabriquer du ciment. Ce nouveau système a permis de réduire l’impact écologique de ces
48
cendres en évitant leur enfouissement. La réutilisation de 50 000 tonnes par an de ces cendres
s’est traduit également par une diminution de la consommation d’énergie électrique.
Ces différentes mesures prises pour optimiser le dispositif industriel ainsi que les différentes
activités de récupération et de valorisation des matières résiduelles de Lafarge Maroc trouvent
leurs fondements dans les principes de l’écologie industrielle. Constituée comme un domaine
d’étude et de recherche dans les années 1990, l’écologie industrielle se présente comme une
approche du management environnemental innovante et intégrée (Boiral et Kabongo, 2004).
Même si ses objectifs sont loin de faire l’unanimité aux yeux de bien des chercheurs,
l’optimisation de l’usage des ressources est au centre des préoccupations des spécialistes de
l’écologie industrielle. Elle constitue un point de départ qui oriente les recherches dans
plusieurs directions : l’analyse de flux de matière et d’énergie, leur utilisation dans des
procédés industriels, la restructuration des modes de production, l’échange des résidus
interentreprises, entre autres (Boiral et Kabongo, 2004).
Le rôle des entreprises dans le développement de l’écologie industrielle est souligné par
plusieurs chercheurs (Tibbs, 1993; Allenby, 1999; van Berkel, Willems et Lafleur, 1997).
L’utilisation des résidus industriels comme matières premières présente des opportunités
d’affaires, ce qui intéresse de nombreux industriels et des instances gouvernementales. D’une
part, cela présente des alternatives dans la quête de solutions aux problèmes de
développement durable générés par l’industrie. D’autre part, elle ouvre des voies vers des
stratégies organisationnelles. En effet, les responsables d’entreprises, en utilisant les résidus
comme intrants principaux dans leurs procédés de production industrielle, cherchent à
améliorer les performances et à maîtriser certains coûts, ainsi qu’à se différencier sur les
marchés et à répondre aux exigences de nombreux acteurs (Boiral et Croteau, 2001).
49
Trois aspects du management de Lafarge Maroc seront analysés : le processus de gestion des
connaissances, l’implication du management de proximité et le système d’animation de la
cimenterie de Bouskoura.
Les informations circulent principalement par le biais de l’intranet et du portail LEO (Lafarge
Employees On Line). Opérationnel depuis deux ans, ce portail fait l’objet d’améliorations
constantes. Il vient d’être relancé et enrichi : portails fonctionnels, services on line, sites
collaboratifs, et des portails métier pour chaque Branche du Groupe.
Par ailleurs, le partage des connaissances a été facilité par la publication des valeurs
Knowledge Management du Groupe : « la philosophie KM » 79. Ainsi que nous l’a dit ce
responsable : « […] Les salariés de Lafarge se laissent aisément convaincre d’échanger des
informations, c’est une philosophie que chacun peut comprendre car elle va dans le sens de
l’intérêt de tous […]». Concernant la protection de ces informations contre le risque qu’elles
profitent aussi à la concurrence, ce responsable poursuit : « […] Les informations sensibles et
stratégiques demeurent confidentielles. Tout le reste doit pouvoir circuler librement entre les
salariés. Les idées n’ont pas de valeur sans les experts pour les appliquer concrètement !
Notre philosophie, c’est de partager de manière efficace pour saisir des opportunités
d’amélioration des performances. Notre avantage compétitif ne réside pas tant dans la
79
La philosophie KM de Lafarge :
1- Tout employé du Groupe doit avoir accès à toute l’information disponible partout dans le monde.
2- Les outils à disposition des employés doivent être accessibles et simples à utiliser.
3- L’intranet LEO est le support principal du partage des connaissances.
50
connaissance proprement dite que dans le partage et l’application des ces connaissances
[…] ».
Un exemple concret de ce partage des connaissances nous a été présenté par le directeur
Optimisation de Bouskoura. Il nous explique la procédure : « […] C’est simple, il faut remplir
un formulaire où l’on explique le problème, la solution mise en place et les résultats. En
2004, j’ai partagé quatre cas de solutions à des problèmes industriels. L’un d’eux était une
modification qui avait été faite sur le broyeur cru. Ça était présenté en une page ; d’ailleurs,
il ne faut pas dépasser une page. Le problème était un fonctionnement anormal du Broyeur.
Pour rétablir sa configuration normale, la solution nous aurait coûté normalement 1 million
et demi de dirhams. La solution qu’on a trouvé et qu’on a testé, car on était pas sûr au début
que ça allait donner des résultats, est une jupe en tôle noire de 6 millimètres d’épaisseur qui
a été mise en place. Le coût de cette solution : 3 000 dirhams au lieu de 1 million et demi. Et
les résultats sont tout aussi satisfaisants. J’ai diffusé ce cas sur le site du Groupe et quelques
jours après il y avait une personne du Brésil, un salarié du Groupe que je ne connaissais pas,
qui demandait des précisions sur certains paramètres de notre nouveau dispositif. Nos amis
brésiliens ont pu ainsi profiter de cette solution et faire l’économie de je ne sais combien
d’années d’étude […] ».
Outre l’utilité du CKHC dans la résolution des problèmes industriels ou pour une gestion plus
rigoureuse des investissements, il offre également la possibilité aux cimenteries du Groupe de
se comparer sur les différentes dimensions de la performance globale. Un livre est publié
chaque année par ce centre et expose pour chaque cimenterie ces conditions d’exploitation,
ses paramètres de fonctionnement et les performances enregistrées. Chaque unité peut ainsi se
comparer à celle qui opère dans les mêmes conditions.
80
Sur le plan social, un système de management de la sécurité a été mis en place mais n’est pas encore certifié.
51
L’enjeu pour cette unité est désormais de placer tous ses collaborateurs au cœur de la
démarche de progrès. Ce qui lui permettra de réduire le nombre d'accident de travail et (par
conséquent les charges sociales de l'entreprise), dégager des gains de productivité, améliorer
les conditions de travail, et réduire l'impact sur l'environnement. Pour y parvenir, l’unité a
impliqué son management de proximité pour mieux gérer l’évaluation, la mobilité et la
formation de ses collaborateurs. Ainsi l’évaluation professionnelle est l’affaire du responsable
direct (le N+1). Elle se réalise à partir d’un entretien annuel entre le salarié et son responsable.
Cet acte, qui constitue un moment important de la connaissance du salarié, traduit également
la reconnaissance d’une véritable délégation vers le management intermédiaire. En effet,
l’entretien est suivi d’effets visibles par le salarié avec, par exemple, la prise en compte
objective de son évolution (qualification et classification) ou celle de ses besoins de
formation. L’encadrement de contact, par sa proximité, est considéré comme le mieux placé
pour analyser le comportement, les difficultés et les besoins de formation des salariés.
L’entretien d’évaluation constitue ainsi un espace privilégié pour la négociation des besoins
avec le salarié.
Le fonctionnement du système d’animation de l’usine est cadencé par deux cycles : quotidien
et hebdomadaire (Voir annexe n°5). Le cycle quotidien se décline en deux réunions, une
Réunion de Secteur et une Réunion Exploitation. Le cycle hebdomadaire comporte trois
réunion : Maintenance, Qualité et Production. A l’exception de la réunion de Secteur qui
regroupe les membres du même service, toutes les autres sont transversales ou intermétiers.
Les réunions s’organisent par zones ou par lignes pour discuter des problèmes de cette ligne à
laquelle ils sont affectés (Concassage, lignes de production ou fours et les Broyeurs Ciment).
On retrouve également d’autres réunions, mensuelles par exemple (réunion des cadres ou du
comité de sécurité), qui viennent chapeauter d’autres aspects du fonctionnement de l’usine ou
pour présenter les résultats du mois. Mais toutes ces réunions doivent préciser leur Input
(Rapport d’incidents ou programme des travaux à réaliser) et leur Output (relevé de décision,
planning des arrêts des ateliers, etc.)
52
Le directeur Optimisation de l’usine définit comme suit l’utilité de ce système d’animation et
ses limites : « […] Ce système d’animation permet de traiter les priorités et les urgences. Ça
nous a permis surtout de se concerter avec la base. Maintenant on échange l’information
avec tout le personnel cadre et non cadre, et ça implique les gens […] Avec ce système on
était très efficace, il y a un nombre important de réunions et on arrive plus à travailler sans
ça, mais on commence à se fatiguer. Le nombre important de réunions consomme beaucoup
de temps et petit à petit le stress s’installe. On cherche actuellement à concevoir un autre
système […] ».
La théorie des conventions offre une grille de lecture du fonctionnement actuel de Lafarge
Maroc mieux adaptée que celle de la théorie néo-institutionnelle qu’on retrouve au niveau de
la littérature. En effet, le développement durable repose sur la recherche de comportements
conformes aux normes, valeurs et attentes de l’ensemble des parties prenantes. Ce modèle
partenarial est ainsi au cœur de la théorie des conventions qui se fonde sur la satisfaction
d’objectifs multiples et divergents.
En s’appuyant sur quelques travaux théoriques (Gomez, 1997 ; Bollecker et Mathieu, 2004 ;
Le Moigne 1997)81 on essayera donc de montrer que cette théorie est plus adaptée à la
problématique du développement durable et, plus précisément, à l’analyse des mécanismes
incitant les individus à agir dans le sens de la performance globale. Les systèmes de mesure et
de pilotage de la performance déterminent en effet un cadre conventionnel, normé non
seulement par des mécanismes incitatifs formels, mais également par des repères socialement
construits, et qui indique implicitement les comportements à adopter.
53
Selon Gensse (2003, p. 14), l'approche conventionnaliste, qui est perceptible à la fin des
années 1980 en France, a pour ambition d'améliorer la compréhension des mécanismes
socioéconomiques en étudiant l'élaboration, l'articulation et la signification des règles
conventionnelles. Gomez (1997) soutient que la théorie des conventions, fondée par une
conception originale de l’économie de l’information, propose une véritable alternative pour
analyser les organisations et leurs modes de fonctionnement et s’interroger sur les
déterminants du comportement de leurs acteurs.
Nous présenterons ainsi la manière originale dont la théorie des conventions interprète la
notion d’information dans les organisations et fonde le concept central de convention. Nous
montrerons ensuite comment se créent et se modifient les systèmes de règles entre les acteurs.
54
perspectives. Elle a postulé en effet, qu’il existe une logique de la structuration de
l’information, et que celle-ci est capitale pour comprendre les comportements dans les
entreprises. Il n’y a pas alors d’interprétation universelle de l’information : c’est le « bain
social » dans lequel se trouvent les acteurs qui procure le système de règles permettant
l’interprétation de l’information qu’ils manipulent et donc finalement de leurs comportements.
Le problème est donc déplacé, de l’échange d’information on passe à l’observation de l’écran
que constituent les règles afin de procurer un système d’interprétation de l’information. Mais
l’apport de la théorie des conventions ne s’arrête pas là, car il s’agit d’un constat que la
sociologie, l’histoire ou la gestion ont pu mettre en évidence. Son originalité consiste à ne pas
opposer le contexte social et les individus mais à les modéliser simultanément. En effet, s’il
est clair que les sciences humaines savent repérer le poids du social dans les comportements,
elles le font en plaquant des concepts ad hoc : la culture, l’honneur, l’appartenance, la
solidarité, etc. Il en résulte une dichotomie alors que dans le cadre de la théorie, il est
impossible de séparer, aussi bien conceptuellement que pratiquement, l’individu et le système
dans lequel il évolue. Un choix, une décision et a fortiori une information, n’ont de sens que
parce qu’ils sont mesurés ; c'est-à-dire confrontés à un système de mesure, une règle (Gomez,
1997).
55
o Le principe supérieur donne l’objet de la convention, ce qui est considéré
comme bien ;
o La distinction donne la typologie des différents adopteurs de la convention, les
relations hiérarchiques entre eux ;
o La sanction donne les motifs d’inclusion ou d’exclusion d’un individu de la
convention, la limite entre le normal et le « hors la loi » ;
- Pour le dispositif matériel :
o Les contacts indiquent comment les acteurs adoptant une même convention
sont en relation entre eux, s’ils se rencontrent souvent et dans quelles
conditions ;
o La technologie indique si le lien entre individus et convention se fait par un
média technique, et si cette technique se substitue à l’homme, donc à la
capacité d’interpréter les règles ;
o La négociation examine le degré de tolérance qui permet l’interprétation des
règles sans remettre en cause la convention.
Une deuxième batterie d’outils a été développée pour des fins de comparaison entre
conventions. Elle repose sur le principe suivant :
« puisqu’une convention peut être décrite comme un système d’information, il lui est possible
de lui appliquer les principes de la théorie générale du système. Notamment, il est possible de
la caractériser par un certain degré de complexité. On dira qu’une convention est d’autant
plus complexe qu’elle procure beaucoup de signaux différents sur le comportement des agents
qui l’adoptent. En d’autres termes, il y a de nombreuses règles de comportements
correspondant aux différentes situations auxquelles les agents peuvent être confrontés […] La
loi du marché est l’archétype de la convention peu complexe, fondée sur des règles simples et
systématiquement répétées pour réguler toute situation (laisser faire, laisser passer, ajuster
l’offre à la demande, ne pas intervenir). » (Gomez, 1997, p. 69)
56
La théorie des conventions possède donc un système de repérage et de comparaison des
conventions entre elles et qui peut être schématisé entre deux cas extrêmes. Cette échelle est
particulièrement pratique lorsqu’il s’agit de décrire la dynamique des conventions.
De même, le programme Advance mis en place par Lafarge Maroc peut être analysé comme
une convention d’effort qui s’est établi, non pas seulement au niveau des quatre cimenteries
57
de l’entreprise, mais au niveau de toutes les unités de la Branche ciment du Groupe. En effet,
son référentiel global commun permet d’établir un accord conventionnel sur le niveau de
performance attendu sur les champs de cette performance : les piliers. La mise en réseau de
ces unités par le biais du CKHC, a permis la transmission d’informations sur l’implication
attendue et effective.
Mais la culture de la performance globale, n’a pas toujours été dominante chez Lafarge
Maroc. Au début de sa création, la représentation de l’effort à fournir était dominée par la
dimension industrielle. La question qui se pose alors c’est comment cette convention d’effort
« industrielle » a évolué vers une convention d’effort « sociétale » axée sur le développement
durable.
58
Paragraphe 3- L’évolution de la convention d’effort « industrielle » vers une
convention d’effort « sociétale » : la mise en évidence de facteurs de suspicion
Selon les représentants de la théorie des conventions, une telle évolution nécessite « une
suspicion de convention, c'est-à-dire une information qui tend à sa remise en cause et, plus
précisément, qui indique que le comportement généralisé n'est pas celui que l'on croyait »
(Bollecker et Mathieu, 2004, p. 2424). La convention peut évoluer si la conviction évolue. En
effet, une modification de « conviction des individus adoptant la convention A peut faire
basculer tout ou partie de la population dans la suspicion As, c'est-à-dire dans une
convention alternative » (Gomez, 1996, p. 186). Cette suspicion peut naître de manière
exogène par des agents extérieurs à la convention qui concourent à la production d'une
alternative. Ils peuvent également apparaître de manière endogène où ce sont les
contradictions dans la morphologie de la convention qui font naître des doutes chez les
adopteurs. En nous appuyons sur les travaux d’Amblard (2003), on va essayer d’identifier ces
facteurs exogènes et endogènes pour le cas de Lafarge Maroc.
59
3.2- Les facteurs exogènes
Parmi les facteurs endogènes susceptibles de faire émerger une suspicion de convention,
l’intention stratégique a eu un rôle décisif à Lafarge Maroc.
- L'intention stratégique repose sur la volonté d'un groupe d'influencer le reste de la
population, et plus précisément de renverser la convention en place. La convention
d’encadrement organisée par la Direction Générale de Lafarge Maroc (Ambition Lafarge
Maroc), la nomination en 2004 d’un Directeur Relations Publiques et Développement
Durable, la déclaration de politique générale dans le sens du développement durable et la
dotation d’instances chargées d’intégrer celle-ci rentrent dans le cadre de son intention
stratégique.
Par ailleurs, l’évolution des attentes du client, la pression environnementale croissante déjà
citée et l’évolution de la structure et du jeu concurrentiel ont imposé de nouvelles exigences à
Lafarge Maroc. La seule maîtrise industrielle ne suffisait plus et une approche globale du
métier était devenue indispensable. Si la vision et les valeurs de l’entreprise n’ont pas été
ajustées en fonction de ce nouveau contexte, ça aurait pu créer un autre facteur de suspicion :
la dissonance.
- La dissonance est définie comme une inadéquation du discours livré par la convention face
aux transformations contextuelles. Cette dissonance aurait pu jeter un doute sur le respect de
la convention en place. La convention d'effort « industrielle » était adaptée dans le contexte
où les fondements de la compétitivité de l’entreprise reposait principalement sur les coûts.
Lorsque ces fondements se sont diversifiés, la convention aurait pu devenir dissonante si elle
n'avait pas évolué.
L'ensemble des débats, réflexions et travaux en contrôle de gestion dans les années 1980
critiquant l'inadaptation de la mesure de la performance face aux modifications des stratégies
organisationnelles constitue également une illustration de cette dissonance (Bollecker et
Mathieu, 2004).
60
donne l'information la plus convaincante qui l'emporte et plus précisément celle que l’individu
jugera la plus convaincante. Une convention est convaincante lorsqu'elle est cohérente, c'est-
à-dire que « les éléments de sa morphologie ne sont pas contradictoires ou dissonants entre
eux et qu'ils n'émettent pas des informations opposées qui brouilleraient les observations des
adopteurs » (Bollecker et Mathieu, 2004, p. 2426). La morphologie d'une convention
comporte deux dimensions.
La première porte sur l'énoncé, c'est-à-dire ce qu'est la convention :
- L'énoncé d'une convention d'effort permet de savoir sur quoi se fonde l'excellence du travail,
ce qui est considéré comme bon, comme positif : le principe commun. Le programme
Advance est explicite sur cet énoncé puisqu'il indique, par le biais de son référentiel global, le
niveau d'effort à tenir sur les cinq « piliers » de la performance sélectionnés par la branche.
Les autoévaluations et le Benchmarking intrabranche réalisés chaque année dans le cadre du
CKHC, permettent de dévoiler le potentiel d’amélioration des performances de chacun. Les
standards de la Branche s’établissent de cette manière et indiquent par conséquent le niveau
« normal » à atteindre.
- L'énoncé indique également la sanction d'une non-adhésion à la convention. Pour Lafarge
Maroc, la sanction d'un refus d'une orientation vers la performance globale peut se traduire
par la perte de sa « licence to operate » et par des coût d’opportunité. Les engagements de
l’entreprise pour la réduction de ces nuisances environnementales lui permettent, d’une part,
de renforcer sa crédibilité envers ses parties prenantes et, d’autre part, de réaliser des
économies de coût par la valorisation des déchets industriels. En brûlant des pneus usagés au
lieu du coke, Lafarge Maroc économiserait ainsi 21009 Dhs par jour tout en améliorant son
image auprès des autorités publiques.
La seconde dimension de la morphologie d'une convention porte sur la manière dont est
véhiculée l'information, c'est-à-dire le dispositif matériel. Il comporte deux aspects :
- Les contacts entre les adopteurs de la convention permettent de contrôler le phénomène
d'imitation des comportements. Le système d’animation mis en place par Lafarge Maroc (Les
points-étape, les réunions de suivi organisées périodiquement) dans le cadre du système de
mesure de la performance constituent de tels moments de contacts. Ces réunions permettent
aux individus de vérifier le degré d'effort fourni et à fournir par les autres membres,
notamment lorsque les discussions portent sur les actions de correction à mettre en oeuvre
pour réguler d’éventuels écarts.
61
- La technique utilisée permet, d’une part, d'indiquer le comportement à adopter et, d’autre
part, facilite pour l’adopteur l'envoi d'un signal prouvant que son comportement est conforme.
La déclinaison de la performance globale en « piliers » puis en leviers de performance, le
choix des indicateurs et les échelles de mesure, bref, l’effort de traduction de la vision de la
branche en programme de performance formalisé répond à un souci d’établir un langage
commun entre les unités de la Branche et entre les membres de Lafarge Maroc. Le contact
entre les conventions et la compréhension de l'énoncé par les autres membres de l'organisation
devient alors possible.
L’apport premier de ce cadre est sans aucun doute méthodologique. Il permet d’ordonner une
réalité complexe autour d’un certain nombre de variables d’observation bien définies (énoncé
et dispositif matériel), mises en cohérence par le cadre proposé. Le deuxième apport de ce
cadre théorique réside dans son cadre épistémologique originale. En effet, celui-ci permet de
tisser un fil cohérent dans l’analyse entre le niveau individuel de l’action et du calcul et le
niveau collectif, de l’action organisée et des stratégies d’ensemble qui la sous-tendent.
Difficilement conciliables dans d’autres cadres comme la théorie néo-institutionnelle ou la
théorie de l’agence, ces niveaux s’interpellent et s’intègrent dans le concept de
convention pensé comme un « dispositif cognitif collectif ». La force du cadre
conventionnaliste est de traverser ces différents niveaux d’analyse pour rendre à la fois
compte d’un dispositif matériel dans lequel se fonde la convention et d’un registre plus
symbolique dans lequel se forge le sens de la convention et des actions qui s’y rapportent.
62
L'appui sur ce cadre théorique nous éclaire également sur la question de la dynamique de ce
système de mesure de la performance, autrement dit, de son évolution et les facteurs qui la
déclenche : les facteurs de suspicion. Enfin, cette analyse en termes conventionnalistes nous
révèlent, par ailleurs, que toute stratégie de changement a besoin de cohérence et de
résonance, non seulement sur un plan matériel de la logique des dispositifs que l’on met en
œuvre mais aussi sur un plan cognitif de la lecture et du sens que chacun pourra y donner.
Cependant, l’éclairage de l’approche par les conventions sur nos observations empiriques, ne
doit pas cacher les limites de cette analyse. L’axiomatique de la théorie des conventions
suppose de vérifier que des conditions parfaitement repérées sont remplies pour pouvoir
utiliser le concept de convention (Gomez, 1997). Il n’y a convention que si l’on peut mettre
en évidence :
1- une situation d’indécidabilité objective si elle n’existait pas ;
2- une solution stable, considérée comme raisonnable, normale, évidente ;
3- les cinq conditions de « Lewis »82, concernant la conviction de chaque individu sur le
comportement d’autrui.
Certaines de ces conditions sont difficilement vérifiables et limitent par conséquent la portée
opérationnelle de la théorie des conventions. En effet, vérifier cette axiomatique suppose une
étude approfondie du contexte socio-économique de l’entreprise, elle exige du chercheur
l’observation du « bain » social, dans lequel se trouvent les membres de l’entreprise, à un
niveau de plus grande profondeur.
La mise en œuvre de ce protocole de recherche n’est pas toujours possible, alors que la
méconnaissance de cette axiomatique peut conduire à utiliser la « convention » à tort et à
travers, et finalement, de manière préjudiciable à la théorie.
82
Ces conditions de Lewis ont été déjà évoquées (voir page 141).
63
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Pour Lafarge Maroc, la performance globale est la traduction d’une nouvelle vision de la
Branche qui doit lui servir de fil conducteur. Cette vision dénommée LFT définit les
ambitions et valeurs de référence de toute la Branche Ciment du Groupe. Pour faciliter
l’intériorisation de ces valeurs par ses collaborateurs, Lafarge Maroc organise parallèlement,
dans le cadre de son projet d’entreprise, des conventions d’encadrement (ALM) pour
« construire » des valeurs « locales » qui s’incorporent parfaitement dans celles de la Branche
Ciment. Ce projet LFT est décliné à travers le programme de performance Advance qui
constitue un référentiel global à toutes les unités pour s’auto évaluer et se comparer dans le
cadre d’une démarche de progrès.
L’analyse des dispositifs mis en place par Lafarge Maroc pour piloter sa performance globale
révèle les faits suivants :
- Les valeurs de Lafarge Maroc ne sont ainsi pas scellées dans des chartes mais définies par la
direction de façon simultanée aux objectifs stratégiques. Les valeurs conservent donc une
caractéristique dynamique et peuvent évoluer en fonction des changements qui ont lieu dans
ou à l’extérieur de l’entreprise. Cette aspect souligne la croissance de la dimension
axiologique qui accompagne l’intégration du développement durable dans le management.
- La densité des relations crées avec les parties prenantes souligne également la dimension
interactive du système de pilotage. La création de systèmes d’échanges structurés avec
certains acteurs clés de la société, démontre, par ailleurs la prise en compte de certains intérêts
externes à Lafarge Maroc à l’intérieur de celle-ci.
Au niveau des process, les différentes mesures prises pour optimiser le dispositif industriel
ainsi que les différentes activités de récupération et de valorisation des matières résiduelles
répondent à la fois à des objectifs économiques et sociétaux. Les actions menées ont permis
pour la plupart d’importantes réductions des coûts industrielles tout en honorant les
64
engagements pour l’environnement. Ce qu’illustre cette expression du Directeur de la
Stratégie à Lafarge Maroc : « […] Heureusement, l’environnement nous fait gagner de
l’argent ». Les choix et les mesures prises trouvent leurs fondements dans les principes de
l’écologie industrielle.
La mise en place d’un système de management, qui a été accompagnée par des séminaires de
formation, la diffusion des politiques, l’engagement de la direction et l’ensemble des actions
de sensibilisation ont fortement contribué à l’instauration de « réflexes environnementaux et
sociétaux », à la banalisation chez les collaborateurs des exigences liées à la sauvegarde de
l’environnement et au respect des communautés locales. Ces exigences commencent à devenir
des valeurs partagées par l’ensemble des collaborateurs.
65
CONCLUSION GENERALE - ENSEIGNEMENTS , LIMITES ET PERSPECTIVE
DE LA RECHERCHE
Nous aurons tenté à travers cette recherche, et nous disons bien « tenté », d’explorer le
concept de performance globale et sa déclinaison dans le management et les systèmes de
pilotage de l’entreprise. Au Maroc, ce thème correspond à des préoccupations d’apparition
récente mais suscite un intérêt grandissant de la part des acteurs économiques. Les initiatives
menées, par certains acteurs publics ou privés, traduisent l’émergence du souci d’une
performance globale. Ce thème n’ayant suscité, par ailleurs, que peu de travaux empiriques en
sciences de gestion, il n’était donc pas inutile d’apporter une contribution à sa connaissance.
Enseignements de la recherche
En s’appuyant sur une revue de littérature, le premier chapitre a permis de montrer, d’une
part, les contradictions inhérentes aux conceptions traditionnelles de l’entreprise et de la
nature de sa performance ; d’autre part, la pertinence du modèle partenarial de l’entreprise et
d’une approche globale de la performance. Le deuxième chapitre fût l’occasion de montrer les
limites des instruments et des outils d’évaluation à rendre compte d’une performance globale.
On rencontre des tentatives dans les interfaces économique/social et
économique/environnemental, mais pas d’initiatives capables d’intégrer les trois domaines. Il
a permis aussi de mettre en évidence que mêmes les modélisations les plus abouties souffrent
de certains défauts de conceptualisation. D’où l’utilité d’une approche empirique afin
d’analyser le savoir-faire des entreprises ayant une expérience significative en matière de
pilotage de la performance globale.
La seconde partie, qui s’inscrit pleinement dans cette ambition, a été consacrée à l’étude de
cas du Groupe Lafarge Maroc, dont les principaux enseignements résident dans les points
suivants :
66
- Le souci affiché par l’entreprise d’une performance globale répond essentiellement à un
enjeu majeur : la préservation de sa « licence to operate ». Les directions Développement
durable sont d’ailleurs créées pour mieux gérer cet enjeu stratégique.
- L’engagement en faveur d’une performance globale fait évoluer les systèmes de pilotage
de l’entreprise. L’analyse fait ressortir l’importance de la dimension axiologique et la
tendance pour l’entreprise à développer des processus administratifs. En effet,
l’intégration des dimensions sociales et environnementales amène à mettre en place des
outils opérationnels à même de permettre le respect des engagements. Le dernier axe dans
la typologie de Simons révèle enfin la construction d’un tissu relationnel dense et
complexe entre l’entreprise et ses parties prenantes. Il traduit la mise en place d’une
démarche interactive formalisée entre les différents responsables opérationnels et les
processus sociétaux qu’ils doivent piloter. Ainsi, progressivement un apprentissage de la
performance globale peut être intégré au niveau organisationnel.
- Les connaissances et les changements qui ont permis de réduire les consommations
d’énergie et de ressources, de limiter l’impact environnemental des dispositifs industriels
ne sauraient se réduire à des mesures d’ingénierie environnementale placées sous la seule
responsabilité des services techniques. L’ampleur des changements réalisés montre au
contraire le développement d’une véritable logique d’apprentissage organisationnel
s’articulant autour d’une redéfinition des compétences clés de l’entreprise et reposant sur
une large participation des employés.
- Enfin, ce cas et son analyse en termes conventionnalistes nous révèlent, par ailleurs, que
toute stratégie de changement a besoin de cohérence et de résonance, non seulement sur
67
un plan matériel de la logique des dispositifs que l’on met en œuvre mais aussi sur un plan
cognitif de la lecture et du sens que chacun pourra y donner.
▪ Limites de la recherche
Les limites du présent travail sont essentiellement des limites méthodologiques auxquelles on
peut ajouter les limites concernant le choix de la grille d’analyse du matériau empirique
recueilli.
Les limites méthodologiques du présent travail sont communes à toute étude de cas unique, et
ont trait à sa validité externe : comme nous l'avions indiqué dans la section méthodologique,
le choix d'étudier une seule entreprise ne saurait prétendre à une quelconque représentativité
au sens statistique du terme. En outre, contrairement aux études de cas multiples, l'étude de
cas unique ne permet pas de repérer les similitudes ou les différences avec d'autres
organisations, et de mettre en perspective les caractéristiques propres à chaque terrain
d'enquête.
Par conséquent, le cas du Groupe Lafarge Maroc n'est pas représentatif de la population des
entreprises engagées dans une démarche de développement durable, et l'extension ou la
généralisation des résultats de la présente recherche ne peut donc pas être envisagée.
Néanmoins, ce cas est significatif eu égard à l'objet de la recherche. Ce point a déjà été
discuté précédemment et pour ne pas nous répéter, nous renverrons le lecteur à la section
consacrée à la méthodologie de l'étude de cas dans la deuxième partie.
68
Perspectives de la recherche
Ces réflexions relatives aux limites de notre travail, nous conduisent naturellement à aborder
la question des prolongements possibles de cette recherche. Les pistes identifiées sont
principalement méthodologiques :
- L’élargissement des niveaux d’analyse au sein même du Groupe Lafarge Maroc est
une première piste possible. En effet, ce Groupe comprend plusieurs entités
opérationnelles qui n’ont pas été enquêtées. A côté de ce niveau « organisationnel », le
niveau « social » peut être également analysé. Ainsi, des enquêtes auprès des parties
prenantes (contractuelles ou non) du Groupe (départements ministériels, ONG,
Syndicats, etc.) ou d’autres acteurs externe (membres de la Commission Entreprises et
Développement Durable ; Directeurs Développement durable en entreprise) sont
également envisageables.
La performance globale est un concept complexe et cet élargissement des niveaux
d’analyse permettra certainement de gagner sur le plan de l’approfondissement et la
richesse qualitative.
- Une autre piste possible consiste à réaliser une enquête auprès d’un échantillon
statistiquement significatif de grandes entreprises marocaines pour établir un état des
lieux des perceptions et des pratiques en matière de développement durable ; elle
permettra également de disposer d’une cartographie des entreprises et leur
positionnement par rapport à la problématique du développement durable.
Une étude de cas multiples sera alors particulièrement intéressante du fait que les cas
seront choisis de manière à ce qu’ils soient représentatifs d’une population donnée et
permettre un « échantillonnage théorique ». Ce dernier a été défini comme « le
processus de collecte des données pour produire une théorie » (Hlady-Rispal, 2000,
p.67). Il sera possible d’établir une typologie des modalités d’intégration du
développement durable dans le management des entreprises ou de faire ressortir des
paniers d’évolution des dispositifs de pilotage mis en place.
- Enfin, cette problématique peut être également étudiée auprès des PME. En effet, il
est intéressant de savoir comment se pose le souci, s’il y en a, d’une performance
globale pour une PME et de quel potentiel disposent-elles pour contribuer au
développement durable sachant qu’elles représentent plus de 90% du tissu économique
national.
69
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Pesqueux Y. et Biefnot Y. (2002), « L’éthique des affaires : Management par les valeurs et
responsabilité sociale », Editions d’Organisation.
74
Annexe 1 : Liste des documents internes consultés
⮚ Advance program :
▪ BU Assement Kit- Industrial Sustainable Development Summary
▪ BU Assement Kit- Marketing and Sales (I)
▪ BU Assement Kit- Marketing and Sales (II)
▪ BU Assement Kit- People Mobilisation
▪ BU Assement Kit- Other Significant performance levers
75
Annexe 2 : Les guides d’entretien utilisés
76
Guide n°2 : Entretiens avec les directeurs fonctionnels
77
Guide n°3 : Entretiens avec les salariés de l’unité de Bouskoura
Avez-vous déjà entendu parler de Développement Durable ? Quand ? Qui vous en a parlé ? à
quelle occasion ?
Est-ce au sein de votre unité de travail, on prend en compte cette notion de développement
durable ? Depuis quand ? De quelle façon ? Qui en est responsable ?
Trouvez-vous que votre façon de travailler s’est améliorée depuis que l’on parle de
développement durable au sein de votre unité ? A quoi voyez-vous cela ?
Quels sont les aspects sur lesquels insiste vos supérieurs pour prendre en compte le
développement durable dans votre travail ? Qu’en pensez-vous ?
Quel a été l’apport de cette démarche de développement durable pour vous, en tant que
salarié ?
78
Annexe 3 : Programme des entretiens à Lafarge Maroc
Au niveau du siège
Nom Fonction
Abdelouhed CHELLI Directeur de la stratégie et du développement
Coordinateur de stage
Jamal HYABI Chargé de mission
Direction Relation Publiques
et
Développement Durable
Khalid NAJAB Chargé de Communication externe
Larbi KOULLOU Directeur de l’administration du personnel,
des Relations sociales et de la
communication interne
Mohamed Rachid AMOR Directeur Procédé-Géologie-Qualité et
Environnement
Najia NAAMAOUI Chargé de Communication interne
Saâd TAZI Directeur Activité Combustibles et Matières
Premières de Substitution
A la cimenterie de Bouskoura
Nourredine BENCHEIKH Directeur Optimisation
M. FADIL Responsable Ressources Humaines
M. JEMÂAN Responsable Contrôle de gestion
D’autres personnes (techniciens, ouvriers, contremaîtres) ont été interviewées d’une manière
non programmée et généralement pour de courtes durées. Nous n’avons pas jugé nécessaire
de recueillir leurs noms.
79
Annexe 4 : Notre Ambition pour Lafarge Maroc
80
Annexe 5 : Le système d’animation de l’usine de Bouskoura
INTRODUCTION GENERALE.............................................................................................1
PREMIERE PARTIE
81
ETUDE THEORIQUE DU CONCEPT DE PERFORMANCE GLOBALE.....................6
82
2.1- comment l’idée de la RSE a-t-elle émergé ?.........................................................25
2.2- Comment le concept de RSE a-t-il été défini et progressivement théorisé ?........29
i) Quelques exemples de définition...................................................................29
ii) Les étapes du développement théorique.......................................................31
iii) La théorie des parties prenantes :
un exemple d’une approche synthétique..........................................................34
83
▪ Principles for Business (Caux Round Table)........................................49
▪ Principes relatifs aux droits humains à l’intention des
entreprises / Amnesty International............................................................49
▪ SME Key / CSR Europe.......................................................................50
1.4- Les notations sociétales.........................................................................................50
84
2.2- La mise en oeuvre de la performance globale :
la responsabilité des opérationnels....................................................................74
2.3- Les programmes d’entreprise :
une voie d’apprentissage de la performance globale........................................74
85
Paragraphe 1- Le choix du terrain d’étude.............................................................91
Paragraphe 2- Le choix du périmètre de l'étude de cas :
les niveaux d’analyse..........................................................................93
Paragraphe 3- Le choix des méthodes d'enquête....................................................94
3.1- Une approche qualitative............................................................................95
3.2- La recherche documentaire........................................................................96
3.3- Les entretiens : une place centrale dans notre dispositif de recherche......97
86
1.1- L’approche industrielle de la performance des cimenteries................................114
1.2- Un changement d’approche : la performance globale........................................115
i) Le nouveau projet de performance de Lafarge Maroc................................115
ii) Les représentations du concept de performance globale...........................116
iv) Les raisons de la mobilisation autour de la performance globale :
l’enjeu de la « licence to operate »................................................................117
Paragraphe 2- Les systèmes de mesure et de pilotage de la performance
mis en place par Lafarge Maroc.....................................................120
2.1- Le système de valeurs.........................................................................................121
i) Les Ambitions Lafarge Maroc....................................................................121
ii) Les principes d’action LFT........................................................................122
2.2- Le système de barrières.......................................................................................122
2.3- Le système de contrôle et de diagnostic.............................................................124
i) Le programme d’entreprise Advance..........................................................124
ii) Exemple d’un outil opérationnel................................................................126
iii) Le système de reporting.............................................................................126
2.4- Le système de contrôle interactif.......................................................................127
Paragraphe 3- La déclinaison de cette nouvelle approche de la performance dans
le management et les métiers de Lafarge Maroc...................................................128
3.1- Les changements organisationnels......................................................................129
3.2- Optimisation du dispositif industriel et évolution du procédé............................130
3.3- De nouvelles pratiques de management..............................................................132
i) Le Cement Know How Center :
un cas novateur de Knowledge Management..................................................133
ii) L’implication du management de proximité..............................................134
iii) Le système d’animation de l’unité de Bouskoura.....................................135
87
» vers une convention d’effort « sociétale » :
la mise en évidence de facteurs de suspicion..........................................................142
2.3.1- Les facteurs endogènes........................................................................142
2.3.2- Les facteurs exogènes..........................................................................143
Paragraphe 4- La cohérence morphologique de la convention d'effort « sociétale
» de Lafarge Maroc..................................................................................................143
Paragraphe 5- Apport et limites de l’approche par les conventions...................145
BIBLIOGRAPHIE................................................................................................................153
ANNEXES..............................................................................................................................158
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