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III- L'apatridie : une contrainte au droit à une nationalité

Le droit international définit un apatride comme « une personne qu’aucun État


ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». Cela
signifie, pour dire les choses simplement, qu’un apatride ne possède la
nationalité d’aucun pays. Certaines personnes naissent apatrides, alors que
d’autres le deviennent. Il y a des apatrides dans toutes les régions du monde. La
majorité des apatrides sont nés dans les pays où ils ont toujours vécu.
L'apatridie est ainsi un phénomène international et général, il s'étend donc au
delà du territoire ivoirien. Et les causes (A) et conséquences (B) de ce fléau sont
tout aussi général car vise à être les mêmes dans tous les États. Néanmoins, il
conviendrait de s'attarder sur le cas de la Côte d'Ivoire (C).

A- Causes

Habituellement, les gens acquièrent automatiquement une nationalité à leur


naissance, par leurs parents ou par le pays dans lequel ils sont nés. Cependant,
un ou plusieurs des facteurs suivants peuvent engendrer l’apatridie:

– Une cause importante d’apatride est la discrimination fondée sur la race,


l’appartenance ethnique, la religion, la langue ou le genre. La non-inclusion de
groupes spécifiques dans le corps des citoyens pour des raisons discriminatoires
est liée à une apatridie prolongée et de grande ampleur dans le pays de
naissance. Il arrive également que les États privent des citoyens de leur
nationalité en modifiant la législation selon des critères discriminatoires qui
laissent des populations entières apatrides. En fait, la majorité des populations
apatrides connues dans le monde appartiennent à des minorités. La
discrimination fondée sur le genre dans les lois sur la nationalité est une cause
importante d’apatridie chez les enfants. Dans 25 pays, les lois n’autorisent pas
les femmes à transmettre leur nationalité sur un pied d’égalité avec les hommes.
Les enfants peuvent donc être apatrides lorsque leur père est apatride, inconnu,
absent ou décédé.

– Les lacunes dans les lois sur la nationalité ont également une incidence
déterminante sur l’apatridie. Tout pays possède des lois qui définissent les
conditions d’acquisition ou de retrait de la nationalité. Si ces lois ne sont pas
rédigées soigneusement et correctement appliquées, certaines personnes
peuvent être exclues et se retrouver apatridies. Ce peut être le cas, par exemple,
d’enfants nés de parents inconnus dans un pays où la nationalité s’acquiert par
filiation avec un ressortissant. Heureusement, la plupart des lois sur la
nationalité les reconnaissent comme ressortissants de l’État dans lequel ils se
trouvent.
– Lorsque les personnes quittent le pays dans lequel elles sont nées, le conflit
des lois sur la nationalité peut créer un risque d’apatridie. Par exemple, un
enfant né dans un pays étranger risque de devenir apatride si ce pays n’accorde
pas la nationalité en fonction du seul lieu de naissance et si le pays d’origine ne
permet pas au parent de transmettre sa nationalité à un enfant né à l’étranger.

– Une autre raison importante est l’apparition de nouveaux États et les


modifications des frontières. Dans de nombreux cas, des groupes spécifiques
peuvent se retrouver sans nationalité et même quand le nouveau pays accorde
la nationalité à tous, les minorités ethniques, raciales et religieuses ont des
difficultés à donner la preuve de leurs liens avec le pays. Dans les pays où la
nationalité ne s’acquiert que par filiation avec un ressortissant, l’apatridie se
transmettra à la génération suivante.

– L’apatridie peut également résulter de la perte ou de la privation de


nationalité. Dans certains pays, les citoyens peuvent perdre leur nationalité
simplement parce qu’ils ont résidé hors de leur pays pendant une longue
période.

– Des individus risquent de devenir apatrides s’ils ne peuvent prouver qu’ils ont
des liens avec un État. Ce n’est pas la même chose d’être sans papiers et d’être
apatride. Cependant, une naissance non déclarée peut exposer la personne à un
risque d’apatridie : en effet, un acte de naissance donne la preuve de l’endroit
où une personne est née et de ses liens de parenté – des informations
essentielles pour établir la nationalité.

B- Conséquences

Aujourd’hui, des millions de personnes autour du monde sont privées de


nationalité. Par conséquent, elles n’ont souvent pas le droit d’aller à l’école, de
consulter un médecin, d’occuper un emploi, d’ouvrir un compte en banque,
d’acheter une maison ou même de se marier. Les apatrides ont parfois des
difficultés à exercer leurs droits fondamentaux, concernant par exemple
l’éducation, la santé, l’emploi et la liberté de circulation. Privés de ces droits, ils
sont confrontés toute leur vie à des obstacles et à des déceptions.
L’apatridie a souvent des conséquences graves, qui durent toute la vie. Les
millions de personnes qui sont privées de nationalité dans le monde luttent pour
obtenir les droits élémentaires que la plupart d’entre nous considèrent comme
acquis. Ce sont souvent des exclus, du berceau à la tombe : privés d’identité
juridique à la naissance et même privés de la dignité d’une sépulture officielle et
d’un certificat de décès à leur mort. Beaucoup transmettent l’apatridie à leurs
enfants, qui la transmettent ensuite à la génération suivante.

Les États déterminent eux-mêmes qui sont leurs ressortissants. Il leur appartient
donc d’assumer la responsabilité des réformes législatives et politiques
nécessaires pour régler la question de l’apatridie. En outre, le Haut Commissariat
des Nations Unis pour les Réfugiés (HCR), les autres agences des Nations Unies,
les organisations régionales, la société civile et les apatrides ont un rôle à jouer
en soutenant les efforts des États. Le HCR est mandaté par l’Assemblée générale
des Nations Unies pour identifier et protéger les apatrides, ainsi pour prévenir et
réduire les cas d’apatridie. Le 4 novembre 2014, le HCR a lancé la campagne
#Jexiste visant à mettre fin à l’apatridie d’ici 2024. Pour faciliter la réalisation des
objectifs de la campagne #Jexiste, le Plan d’action mondial visant à mettre fin à
l’apatridie, 2014-2024, définit un cadre directeur composé de 10 actions devant
être entreprises par les États, avec l’appui du HCR et d’autres parties prenantes.
Le Plan d’action mondial est destiné à régler les principales situations d’apatridie
existantes et à prévenir l’apparition de nouveaux cas d’apatridie.

C- L'apatridie en Côte d'Ivoire

Le pays abrite l’une des plus importantes populations sans papiers et donc sans
identité au monde estimée à 1,6 millions de personnes. Un fléau que l’Etat
ivoirien commence à prendre en compte. La Côte d’Ivoire, est ainsi le premier
pays d’Afrique à adopter une procédure pour identifier et protéger les
personnes apatrides. Il n'est donc pas en marge concernant le Plan d'action
mondial visant à mettre fin à l'apatridie d'ici 2024. Le HCR, l’Agence des Nations
Unies pour les réfugiés, se félicite de l’adoption par la Côte d’Ivoire de la
première procédure de détermination de l’apatridie en Afrique. Cette procédure
permettra de protéger des milliers de personnes dépourvues de nationalité dans
le pays. Deux arrêtés signés le 2 septembre établissent formellement les
procédures qui régulariseront le statut des apatrides et mettront ainsi en œuvre
un volet crucial du Plan d’action national de la Côte d’Ivoire, conformément à
son engagement pris lors du Segment de haut niveau du HCR sur l’apatridie. La
reconnaissance officielle du statut d’apatride permettra à des personnes, qui
n’avaient jusqu’alors aucune existence légale reconnue, de recevoir des
documents d’identité, de s’inscrire à l’école, d’accéder aux services de santé, de
rechercher un emploi formel, d’ouvrir un compte bancaire ou d’acheter des
terres. « C’est une avancée significative. Nous nous félicitons de l’action
audacieuse de la Côte d’Ivoire et de son engagement ferme à lutter contre ce
phénomène », a déclaré Aïssatou Ndiaye, directrice adjointe du Bureau du HCR
pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre. « Ce progrès important aidera à protéger
les apatrides, en leur permettant d’exercer leurs droits fondamentaux, qui sont
restés hors de leur portée depuis des décennies », a-t-elle ajouté. L’apatridie
détruit la vie de millions de personnes dans le monde, les privant de leurs droits
fondamentaux. Les risques pour les apatrides sont accrus avec la pandémie de
Covid-19, car ils peuvent être laissés en marge des efforts nationaux de
prévention et de lutte contre le coronavirus ou parce qu’ils sont dans l’incapacité
d’accéder à des soins médicaux s’ils tombent malades. Ces dernières années, le
gouvernement de la Côte d’Ivoire a intensifié son action pour mettre fin à
l’apatridie, en faisant suivre d’effets son adhésion en 2013 aux deux conventions
internationales sur l’apatridie et l’adoption de la Déclaration d’Abidjan sur
l’éradication de l’apatridie par la Communauté économique des États de
l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) en 2015. En 2017, les États membres de la CEDEAO
ont fait de l’Afrique de l’Ouest la première région au monde à adopter un plan
d’action juridiquement contraignant, pour mettre fin à l’apatridie. La Côte
d’Ivoire a également adopté un Plan d’action national contre l’apatridie et a mis
en œuvre d’importantes réformes juridiques et institutionnelles pour empêcher
que des personnes deviennent apatrides. Les autorités ont désormais créé deux
comités chargés d’identifier les apatrides afin de leur donner accès à la
protection dont ils ont besoin, en attendant qu’une solution durable soit trouvée
à leur situation. « La Côte d’Ivoire montre l’exemple à suivre aux autres pays
d’Afrique », a déclaré Angèle Djohossou, Représentante du HCR en Côte d’Ivoire.
« Des défis demeurent dans le pays et les efforts doivent maintenant être
redoublés pour s’assurer que chacun dans le pays a une nationalité », a-t-elle
ajouté. Le HCR soutient étroitement les autorités ivoiriennes pour aider à
prévenir et à résoudre les problèmes d’apatridie et se tient prêt à apporter son
appui à la Côte d’Ivoire, dans la mise en œuvre des nouvelles procédures de
détermination de l’apatridie.

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