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PANORAMA DU DROIT EN

AMERIQUE ET DANS LA
CARAIBE
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« LE DROIT DES FINANCES PUBLIQUES
EN HAITI DE JEAN PAUL ELUTHER
CONSULTANT EN GESTION PUBLIQUE ET
PRIVEE | Accueil | HAÏTI : L'OBLIGATION DE
DÉCHARGE EST CONTRAIRE AU DROIT
INTERNATIONAL »
LE DROIT DE LA NATIONALITE EN HAITI DE
BERNARD GOUSSE AVOCAT Docteur en droit
Professeur de droit international privé
La question de la nationalité haïtienne et
surtout de la double nationalité prend
aujourd’hui les allures d’une actualité
brûlante au point qu’elle sert d’arme ou
d’outil au combat politique. Ces phrases
écrites, il y a exactement six ans, dans un
article portant le même titre demeurent
d’actualité à la veille des prochaines
joutes électorales. Au point qu’une
question de droit devient l’objet de la
curiosité légitime des citoyens. Pour la
satisfaire tout en demeurant accessible, il
nous a semblé qu’il était nécessaire
d’actualiser le texte de 2008 en
l’enrichissant des questions qui font
aujourd’hui l’objet des débats, tout ceci à
la lumière des derniers développements
légaux et constitutionnels. Nous avons
tâché le plus possible comme lors de la
dernière fois de garder une forme simple
et accessible. Pour les besoins de
l’exposé, nous tiendrons pour acquises,
quoique nous en pensions par ailleurs, les
modifications apportées en 2011 à la
Constitution de 1987 et publiées en 2012.
Définition de la nationalité
La nationalité au sens juridique du terme
se définit comme étant le lien juridique qui
unit un individu à un Etat. Il ne s’agit pas
d’un contrat puisque c’est l’Etat qui octroie
la nationalité. Il en découle certaines
conséquences : droit de vote, éligibilité,
exercice de droits civils, infractions
spéciales concernant l’étranger ou le
national.
De quelle liberté jouit chaque pays pour
l’attribution de la nationalité ?
Chaque Etat étant souverain, l’un des
attributs de cette souveraineté réside dans
la détermination des individus qui feront
partie de sa population constitutive. En
effet, un Etat, au sens du droit
constitutionnel et du droit international, est
constitué de trois éléments : un territoire,
une population, une structure étatique.
Pour des raisons que chaque Etat
détermine librement et souverainement
(nécessités militaires, occupation et
développement du territoire, préservation
de la race, etc.), il peut adopter les règles
qui incluront dans sa population certains
individus à qui il accorde la nationalité et
qui en excluront d’autres. Ceci relève du
libre exercice de la souveraineté. Cette
liberté est consacrée par la jurisprudence
de la Cour internationale de justice, Arrêt
Nottebohm, du 6 avril 1955. Elle est
encore reconnue par les traités
internationaux comme la Convention de
La Haye du 12 avril 1930 sur la
nationalité, mais surtout par la Convention
interaméricaine de droit international,
communément désignée Code
Bustamente, du 20 février 1928, ratifiée
par Haïti en 1930 en son article 9.
Toutefois, selon l’évolution actuelle du
droit international, particulièrement du
droit international interaméricain, la
compétence des Etats en cette matière
est limitée par leur devoir d’éviter toute
discrimination et par celui de prévenir,
d’éviter et de réduire l’apatridie. (Cour
interaméricaine des droits de l’homme,
Arrêt 8 décembre 2005, Affaire des
Fillettes Jean et Bocico vs. République
dominicaine,
http://www.corteidh.or.cr/index.php/en/deci
sions-and-judgments)
Comment s’acquiert ou se perd la
nationalité ?
L’acquisition ou la perte de la nationalité
diffère selon les pays.
L’acquisition de la nationalité s’opère à la
naissance ou postérieurement. Pour
l’acquisition à la naissance, certains Etats
ont opté pour le droit du sang (jus
sanguinis), c'est-à-dire que les enfants
acquièrent la nationalité de leurs parents.
D’autres pays privilégient le droit du sol
(jus soli), c'est-à-dire que les enfants nés
sur leur territoire deviennent
automatiquement citoyens ; ce sont
essentiellement des pays d’immigration.
Certains Etats, et ils sont nombreux,
pratiquent une combinaison des deux
principes, accordant la nationalité aux
enfants naissant sur leur sol, tout en
l’attribuant également aux enfants issus
de leurs citoyens vivant à l’étranger.
L’acquisition de la naissance
postérieurement à la naissance se fait par
la naturalisation qui est le mécanisme par
lequel un individu acquiert une autre
nationalité que celle qu’il avait à l’origine.
Cette naturalisation obéit à une procédure
le plus souvent administrative, et dans
quelques pays elle s’obtient
automatiquement par l’effet du mariage.
La perte de la nationalité s’opère selon les
pays par la naturalisation, ou acquisition
d’une autre nationalité alors que pour
d’autres la naturalisation ne fait pas
perdre la nationalité d’origine. Dans
certains pays, l’Etat peut déchoir un
individu de la nationalité. Dans une
dernière catégorie, un individu peut
renoncer volontairement à sa nationalité.
Comment s’acquiert ou se perd la
nationalité haïtienne ?
Pour respecter les règles d’application des
lois dans le temps, que l’on se rappelle
qu’il faudra toujours consulter la loi en
vigueur au jour de la naissance de
l’individu pour savoir s’il est Haïtien
d’origine. On ne peut en effet appliquer la
Constitution de 1987 à un fait, la
naissance, survenu avant sa
promulgation. Ceci étant dit, si on s’en
tient aux textes actuellement en vigueur et
qui s’appliquent donc aux personnes nées
postérieurement à leur entrée en vigueur,
i.e. le décret du 6 novembre 1984 et la
Constitution de 1987 amendée, la
nationalité haïtienne s’obtient de la
manière suivante. À la naissance si on
naît en Haïti ou ailleurs d’un parent haïtien
lui-même né haïtien et qui n’a jamais
renoncé à sa nationalité (Constitution de
1987). À la naissance si on naît en Haïti
de parents inconnus (décret du 6
novembre 1984 sur la Nationalité et la
naturalisation). On peut également
acquérir la nationalité haïtienne par
possession d’état, c’est-à-dire si on a agi
et qu’on a toujours été reconnu comme
Haïtien (Ibid.). Postérieurement à la
naissance, la qualité d’Haïtien peut être
acquise par la naturalisation.
Avant les modifications constitutionnelles
de 2011, la naturalisation acquise en pays
étranger constituait une cause de perte
automatique de la nationalité haïtienne.
Depuis la publication de ces modifications
en 2012 et l’abrogation de l’article 13 de la
Constitution de 1987, il n’existe plus de
cause de perte de la nationalité haïtienne.
Concrètement, depuis 2012, la
naturalisation acquise à l’étranger ne prive
plus l’individu de la nationalité haïtienne.
Mais, les dispositions constitutionnelles
n’étant pas automatiquement rétroactives,
les individus naturalisés étrangers avant
2012 ont perdu la nationalité haïtienne.
Qu’est-ce que la double nationalité ?
On se rend bien compte qu’avec la liberté
dont jouissent les Etats dans l’attribution
de la nationalité et les intérêts divergents
qui les animent, il existe peu ou pas de
coordination entre eux en cette matière. Il
est dès lors inévitable que surgissent des
conflits de nationalités, c'est-à-dire que
deux ou plusieurs Etats reconnaissent un
même individu comme leur citoyen ; c’est
le conflit positif de nationalités
communément appelé double nationalité.
Il faut bien se rendre compte que cette
situation est subie et non pas voulue et
qu’à moins d’interdire les voyages, on ne
peut empêcher les situations de conflit
positif de nationalités. Plus rarement, on
rencontre un conflit négatif où aucun Etat
ne reconnaît un individu : c’est le cas
d’apatridie.
Les situations de conflits positifs peuvent
naître dans les hypothèses suivantes :
- La naissance d’un enfant de parents de
nationalités différentes et ressortissants
de deux Etats reconnaissant le droit du
sang. Cet enfant a, par la naissance, à la
fois, la nationalité de son père et celle de
sa mère.
- La naissance d’un enfant dans un pays
de droit du sol alors que ses parents sont
citoyens d’un pays de droit du sang.
- La naturalisation d’un individu alors que
le pays d’origine continue à le reconnaître
comme sien.
- L’acquisition automatique de la
nationalité par mariage de la femme alors
que son pays d’origine continue à la
considérer comme citoyenne.
Dans certaines situations, le conflit positif
peut mettre en cause trois Etats comme
dans la situation de deux individus
ressortissants de pays de droit du sang
qui mettent au monde un enfant né dans
un pays de droit du sol.
Comment résout-on le conflit positif de
nationalités ?
La pratique internationale conforme aux
conventions internationales en la matière
vise à résoudre les conflits de nationalités.
Les Etats ne veulent pas d’individus
caméléons revêtus d’habits d’Arlequin qui
exhiberaient leurs différents passeports au
gré de leurs intérêts. Les conventions
internationales signées par Haïti, le Pacte
des Nations unies sur les droits civils et
politiques, la Convention interaméricaine
des droits de l’homme, le Code
Bustamente précisent que chaque individu
a droit à une nationalité. Alors la
résolution du conflit dépend selon que le
conflit met en cause la nationalité de
l’autorité saisie ou selon qu’il s’agit du
conflit de deux nationalités étrangères
porté devant le juge d’un pays tiers ou un
tribunal international.
Si le conflit met en cause la nationalité de
l’autorité saisie, on appliquera la loi du for,
c'est-à-dire la loi de cette autorité à
l’exclusion de toute autre. Ce principe est
valable tant pour le juge que pour
l’administration. En effet, le juge ou le
fonctionnaire ou le sénateur ne peut se
mettre en opposition avec la loi dont il
tient sa mission. Il n’a pas à tenir compte
d’une loi étrangère. Au fait, pour répéter le
professeur Batiffol, dans ce cas, pour le
juge, il n’y a pas de conflit. Dès lors que
l’individu en question répond aux
conditions posées par la loi du pays du
juge ou du fonctionnaire pour acquérir la
nationalité de ce pays, il doit être
considéré comme un citoyen de ce pays.
Le juge ou le fonctionnaire n’a pas pour
mission d’appliquer la loi étrangère. En
conséquence, on doit lui délivrer le
passeport auquel il a droit ou il peut
pleinement exercer les droits reconnus
aux nationaux. Cette position est
reconnue dans la plupart des législations
étrangères, la jurisprudence et les traités
internationaux. La Cour de cassation
française a réaffirmé cette position dans
un arrêt du 17 juin 1968, arrêt Kasapyan.
Les législations autrichienne (loi du 15 juin
1978), hongroise (décret-loi du 31 mai
1979), turque (loi du 20 mai 1982) et
allemande (loi du 25 juillet 1986), pour ne
citer que ces exemples, l’ont réaffirmé.
Les traités internationaux l’ont confirmé.
Nous prenons l’exemple du Code
Bustamente précité, ratifié par Haïti dont
l’article 9 se lit ainsi : « Chaque Etat
contractant appliquera son propre droit à
la détermination de la nationalité d’origine
de toute personne. »
Si le conflit met en cause deux
nationalités étrangères au juge saisi ou
est porté devant un tribunal international,
la solution est d’appliquer à l’individu en
question la loi du pays avec lequel il
entretient des liens réels. Lieu de travail,
domicile réel, localisation de ses
principaux intérêts commerciaux,
professionnels et affectifs. C’est le
principe de la nationalité effective.
Développé par la doctrine du début du
XXe siècle, ce principe a été consacré par
la jurisprudence internationale de la Cour
internationale de justice dans l’arrêt
Nottebohm de 1955. Il fut réaffirmé à de
multiples occasions. Des exemples
récents concernent les sentences
arbitrales rendues par le Tribunal des
différends irano-américains. Ce tribunal fut
mis en place suite aux nationalisations
effectuées par le régime islamique de
Téhéran après la chute du shah et la
rupture des relations diplomatiques avec
les Etats-Unis. Il était compétent pour
connaître des réclamations des citoyens
américains contre l’Iran, et de celles des
citoyens iraniens contre les Etats-Unis.
Dans deux sentences rendues le 29 mars
1983 et le 6 avril 1984, le Tribunal s’est
déclaré compétent pour connaître de la
réclamation d’un individu iranien
naturalisé américain au motif que, depuis
ses études universitaires il s’était marié
aux Etats-Unis, qu’il s’y était marié et y
élevait ses enfants qui ne parlaient pas le
persan, qu’il y travaillait, qu’il appartenait à
des clubs sociaux et professionnels
américains, que donc sa nationalité
effective était américaine.
En conclusion, on peut dire qu’aucun pays
n’admet la double nationalité sur son
territoire. En Haïti, en 1987, le constituant
avait pris la précaution supplémentaire de
l’inscrire dans sa Constitution (art. 15).
Quoique cet article soit aujourd’hui
abrogé, le même esprit se retrouve dans
les dispositions de l’article 12 in fine selon
lequel personne n’est admis à faire valoir
sur le sol haïtien une quelconque
nationalité étrangère. De même et à
l’inverse, on ne peut nier la qualité
d’Haïtien à une personne sous le prétexte
qu’elle jouirait d’une autre nationalité.
Nous verrons que ce principe souffre de
restrictions pour la candidature à certains
postes électifs.
La jouissance exclusive de la nationalité
haïtienne comme condition d’éligibilité à
certains postes électifs
En modifiant la Constitution de 1987, les
parlementaires en 2011 ont durci les
conditions d’éligibilité aux fonctions de
président de la République, de sénateur et
de député. En effet, jusqu’en 2011, il
suffisait de prouver sa nationalité d’origine
; la jouissance éventuelle d’une autre
nationalité étant résolue par les règles du
conflit positif de nationalités exposées ci-
dessus renforcées par l’ancien article 15
de la Constitution. Depuis 2012, pour
briguer ces fonctions, le candidat doit en
plus établir qu’il ne jouit d’aucune autre
nationalité au moment de son inscription.
Cette disposition est reprise dans le
décret électoral. Il en résulte que tous les
candidats qui jouiraient d’une nationalité
étrangère en raison de leurs naissances à
l’étranger ou de la nationalité étrangère de
l’un de leurs parents devraient renoncer
formellement à cette nationalité.
La possibilité de renoncer, la procédure
de renonciation seront appréciées selon
les formes prévues par les lois du pays à
la nationalité duquel on renonce. Il suffira
d’établir devant le CEP l’antériorité de la
renonciation par rapport au moment de
l’inscription.
La jouissance d’une nationalité étrangère
acquise à la naissance équivaut-elle à la
renonciation à la nationalité haïtienne ?
Non. Cette situation relève des cas de
conflit de nationalités positifs dont la
solution est donnée plus haut. L’utilisation
de documents de voyage étrangers
n’équivaut pas à une renonciation de la
nationalité haïtienne. Les cas de perte de
nationalité haïtienne ont toujours été
limitativement prévus par les lois ou les
Constitutions. Une nationalité acquise à la
naissance n’est pas une naturalisation.
L’exemple suivant permet d’illustrer ce
principe. Une personne née aux Etats-
Unis de parents haïtiens peut rentrer en
Haïti à l’aide de son passeport américain
et hériter du terrain laissé par ses parents,
car sa filiation le rend haïtien.
La renonciation à une nationalité
étrangère rend-elle la personne apatride ?
La réponse est positive si la nationalité
étrangère a été acquise par naturalisation
avant 2012, date de la publication des
modifications constitutionnelles. On se
rappelle en effet que, selon l’ancien
régime, la naturalisation acquise à
l’étranger faisait perdre la nationalité
haïtienne. Donc renoncer à la nationalité
étrangère acquise par naturalisation ne
fait pas recouvrer la nationalité haïtienne.
La personne intéressée devant passer par
la procédure de naturalisation prévue par
le décret du 6 novembre 1984 sur la
nationalité et la naturalisation.
La réponse est négative dans deux cas.
Le premier est celui des personnes ayant
reçu deux nationalités à la naissance. En
renonçant à la nationalité étrangère, on
continue de jouir de la nationalité
haïtienne acquise à la naissance. Le
second cas se présentera à l’avenir lors
de la candidature d’Haïtiens naturalisés à
l’étranger postérieurement aux
modifications constitutionnelles publiées
en 2012. Nous venons de démontrer
qu’une naturalisation effectuée après cette
date n’avait désormais aucun effet sur la
nationalité haïtienne. Alors, la réponse est
identique à celle concernant les
personnes ayant reçu deux nationalités à
leurs naissances.
Quelle est la portée d’un acte de
naissance ?
Un acte de naissance est un document
authentique délivré par un officier
ministériel qui atteste du fait de la
naissance, de sa date et de la filiation.
Son caractère authentique permet de
donner foi aux faits qui y sont énoncés. Il
est rédigé par l’officier ministériel du lieu
de la naissance. Parce qu’il établit la
filiation, il est suffisant pour établir la
nationalité de l’enfant né de parents
citoyens de pays de droit du sang,
indépendamment du pays de sa
rédaction.
Est-on obligé d’avoir un acte de naissance
haïtien pour se faire attribuer la nationalité
haïtienne ?
Non, aucune loi haïtienne portant sur la
nationalité n’a jamais posé cette exigence.
Le Code civil ne régit que les mentions
que doit contenir l’acte de naissance
rédigé en Haïti. L’acte de naissance peut
être rédigé en Haïti pour constater la
naissance d’enfants d’étrangers. De
même, des actes de naissance dressés à
l’extérieur peuvent être utilisés pourvu
qu’ils établissent la filiation pour établir la
nationalité d’enfants nés à l’étranger de
parents haïtiens. La seule condition réside
dans l’accomplissement des formalités
légales de légalisation des documents
dressés à l’étranger.
Le Service d’Immigration et d’Emigration
peut-il prouver la nationalité d’un
individu ?
Non. Malgré une pratique instituée
lorsqu’il s’agit d’examiner la nationalité de
candidats à certaines fonctions, le Service
d’Immigration et d’Emigration ne jouit pas
de la compétence pour attester de la
nationalité d’un individu. Tout au plus
peut-il attester qu’une personne utilise tel
ou tel passeport pour son passage à la
frontière. Le passeport n’étant qu’un
indice à prendre parmi d’autres pour
déterminer la nationalité.
Dans le cas d’Haïti, et pour respecter le
décret du 6 novembre 1984 sur la
nationalité et la naturalisation qui reprend
en ce sens les dispositions des
législations antérieures toutes les fois
qu’une personne voudra faire valoir qu’elle
remplit les conditions pour prouver sa
qualité d’Haïtien, elle se fera délivrer un
certificat de nationalité par le ministère de
la Justice (article 25, décret du 6
novembre 1984).
Quelle est la loi applicable pour
déterminer la nationalité d’origine ou
nationalité par la naissance ?
La législation sur la nationalité peut
évoluer au fil du temps, et en fonction de
ses intérêts, un Etat peut durcir ou
assouplir les dispositions sur la
nationalité. Quand la loi a changé, il faut
recourir aux règles d’application des lois
dans le temps enseignées en première
année de faculté de droit. La loi n’a d’effet
que pour l’avenir, elle ne peut modifier les
conditions d’acquisition d’un droit survenu
avant sa promulgation ; elle modifie dès
son entrée en vigueur les conditions
d’exercice des droits même ceux qui sont
nés avant son entrée en vigueur ; elle
règle les conditions d’acquisition d’un droit
devant naître après son entrée en vigueur.
C’est le principe de la non-rétroactivité des
lois qui, chez nous, a valeur
constitutionnelle (art. 51 Constitution de
1987).
Il s’ensuit que s’il s’agit de déterminer la
nationalité d’un individu à la naissance, on
ne peut examiner un texte postérieur au
fait de la naissance; le seul texte qu’il faille
considérer est celui (Constitution ou loi)
qui était en vigueur au moment de sa
naissance.
Si un Haïtien peut prétendre à une autre
nationalité par la naissance, doit-il exercer
l’option ?
Dans les textes en vigueur cités ci-dessus
il n’est mis aucune obligation d’option à la
charge de l’individu qui à la naissance
jouit de deux nationalités différentes dont
l’une est haïtienne.

Quels sont les cas d’option prévus par la


législation haïtienne ?

Dans l’état actuel de notre droit, l’exercice


de l’option en faveur de la nationalité
haïtienne est une faculté qui est ouverte à
l’individu né en Haïti de parents étrangers
et qui est donc un étranger. Dans l’année
de sa majorité, il pourra faire au parquet
du tribunal de première instance de sa
résidence une déclaration par laquelle il
acquiert la nationalité haïtienne et renonce
à la nationalité étrangère (art. 6, décret 6
novembre 1984).
Nous mentionnons une possibilité d’option
qui n’est plus en vigueur, mais qu’il faut
garder en mémoire, car elle concerne les
étrangères qui se sont mariées à des
Haïtiens et qui, pour beaucoup, vivent
encore. Les Constitutions de 1964 et de
1971 permettaient aux étrangères se
mariant à des Haïtiens d’acquérir la
nationalité par le fait du mariage (art.9
Constitutions 1964 et 1971). Toutefois,
pour savoir si ces femmes sont bien
Haïtiennes il faut qu’impérativement ait
été respectée une formalité inscrite à
l’article 9 de ces Constitutions. Il faut que
dans l’acte de mariage lui-même soit fait
mention de la déclaration de ces femmes
de vouloir renoncer à toute autre
nationalité. Si cette mention n’existe pas
dans leurs actes de mariage, ces femmes
sont étrangères à moins que,
postérieurement, elles ne se fussent
pliées à la procédure de naturalisation de
droit commun.
Comment interpréter la non-
reconnaissance de la double nationalité
édictée dans la Constitution de 1987 ?

Comme nous venons de le voir, tous les


pays résolvent d’une façon ou une autre le
conflit positif de nationalités ou double
nationalité. La double nationalité, vécue
par certains individus comme une
conséquence des migrations et du
brassage des populations, n’est admise
nulle part. Cela veut dire que, dans un
même Etat, un individu jouissant de la
double nationalité ne pourra au gré des
circonstances et comme il veut se
prévaloir de l’une ou l’autre de ses
nationalités. Cela va sans dire, cela va
encore mieux en le disant, d’où la
rédaction de l’article 15 de la version
originelle de la Constitution et l’article 12
in fine de la version modifiée.
Conformément à ce qui a été dit
concernant la résolution du conflit de
nationalités, cet article doit s’interpréter de
la manière suivante. Un Haïtien qui aurait
une autre nationalité ne pourra jamais se
prévaloir de la nationalité étrangère tant
qu’il se trouve sur le territoire haïtien. De
même, les autorités haïtiennes, judiciaires,
administratives ou politiques, doivent
reconnaître cet individu comme Haïtien et
ignorer toute nationalité étrangère qui
pourrait s’appliquer à lui. Comme exposé
plus haut, les autorités haïtiennes n’ont
pas vocation à appliquer la loi étrangère.
Quelle est la juridiction compétente pour
connaître d’un litige portant sur la
nationalité ?

La nationalité d’un individu entraîne des


conséquences importantes sur la
jouissance et l’exercice par cet individu de
certains droits civils et politiques. L’identité
de l’individu se complète, en plus de ses
nom, prénoms et domicile, de sa
nationalité. On se trouve donc au cœur de
la capacité et de l’état des personnes.
L’ensemble des auteurs et la
jurisprudence s’accordent pour placer la
question de la nationalité d’un individu, en
dépit de ses liens avec le droit public,
dans la catégorie des questions relevant
de l’état et de la capacité des personnes.
Or, les tribunaux compétents pour
connaître des litiges intéressant l’état et la
capacité des personnes sont les tribunaux
judiciaires, au premier rang desquels se
trouve le tribunal de première instance en
ses attributions civiles.
En conséquence, la question de la
nationalité devient une question
préjudicielle, si à l’occasion d’un litige
porté devant une autre juridiction, la
question de la nationalité est soulevée.
Par exemple, un procès pour haute
trahison intenté contre un individu que l’on
croit Haïtien. Un de ses moyens de
défense est d’exciper de sa qualité
d’étranger. Le tribunal doit alors surseoir à
statuer et renvoyer cette question devant
le tribunal civil. De même, un différend
portant sur la nationalité d’un membre du
Parlement oblige ceux qui contestent la
nationalité haïtienne de l’individu ou celui
qui s’en prévaut à vider le litige devant le
tribunal civil avant de prendre quelque
mesure de déchéance que ce soit.
Examinons maintenant quelques
hypothèses.
L’individu né à l’extérieur de parents
haïtiens
En vertu du droit haïtien, cet individu est
un Haïtien à part entière si, au moment de
sa naissance, ses parents ne s’étaient pas
naturalisés.
L’individu né d’un parent haïtien, l’autre
parent étant étranger
Si l’individu est né en Haïti ou à l’étranger
durant la période comprise entre 1907 et
1984, il suffit que son père soit Haïtien ou
si son père est inconnu que sa mère soit
Haïtienne (loi du 22 août 1907, décret du
27 février 1974).
Si, entre 1984 et 1987, l’individu naît en
Haïti, il suffit que l’un de ses parents soit
Haïtien. Si, entre 1984 et 1987, l’individu
naît à l’extérieur, il est étranger, car il
aurait fallu que ses deux parents fussent
Haïtiens (décret du 6 novembre 1984).
Si l’individu est né en Haïti ou à l’étranger
après 1987, il est Haïtien d’origine pourvu
que l’un de ses parents soit Haïtien lui-
même né de parents Haïtiens
(Constitution de 1987).
L’Haïtien s’étant naturalisé à l’étranger
Naturalisation intervenue avant 2012, cet
individu a perdu la nationalité haïtienne.
Naturalisation intervenue après 2012, cet
individu garde la nationalité haïtienne.
Pour aller plus loin
- Loi du 22 août 1907 sur la nationalité.
- Décret du 27 février 1974 sur la
nationalité et la naturalisation.
- Décret du 6 novembre 1984 sur la
nationalité.
- Constitution de 1987, version originale et
amendée.
- BATIFFOL Henri, LAGARDE Paul, Droit
international privé, Tome 1, L.G.D.J.
- LOUSSOUARN Yvon, BOUREL Pierre,
VAREILLES-SOMMIERES Pascal de,
Droit international privé, Précis Dalloz, 9e.
éd., 2007.
 
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