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BULLETIN SCIENTIFIQUE

DU CEDHOP

Numéro 11
Janvier - Mars 2023
SOMMAIRE

I. ARTICLES

LA REDEFINITION PAR VOIE CONTENTIEUSE DE LA FRONTIERE DU BURKINA FASO : QUELS


ENSEIGNEMENTS ? (Page 5)
TAPSOBA Armel - Ghislain

DROIT DE LA CONSOMMATION DANS LES PAYS DE LA CEMAC, ENTRE DROIT COMMUN ET


DROIT SPECIAL (Page 23)
SOFACK BOPDA Girès

LA PROTECTION DE LA VIE PRIVEE DANS LES MEDIAS AU CAMEROUN (Page 40)


METCHUM NDASSI Blandine

LA GESTATION POUR AUTRUI : ENTRE DROIT ET ETHIQUE (Page 64)


De DASSE DJUMETA Curie

LA DICHOTOMIE NORMATIVE EN MATIERE DE GARDE D’ENFANT AU NIGER (Page 81)


ILLA IBRAHIM Abdoulaye

II. CHRONIQUES

LA FIGURE DE L’AVOCAT MEDIATIQUE (Page 106)


ISSOUFA Abdoul Malik

III. LEGISLATION

Loi n° 2014 – 62 du 05 novembre 2014 régissant la circulation routière au Niger (Page 113)

IV. JURISPRUDENCE

ARRET ECW CCJ JUD 19 21 Dame Fodi Mohamed &Autres c/ Etat du Niger 24 06 21(Page 137)

1
EQUIPE DE COORDINATION

COMITE DE SUIVI COMITE DE COORDINATION

TALFI IDRISSA Bachir MOUSSA ALHASSANE Mikahilou


Agrégé des facultés de droit Doctorant en Droit Public à l’UAC
Professeur de Droit Privé Avocat Stagiaire au Barreau du Niger
Université Abdou Directeur de Publication
Moumouni HAROUNA NOMA Abdourahamane
ABDOU ASSANE Zeinabou Master en Droit International et Droits
Agrégée des facultés de droit de l’Homme à l’ISDIH
Professeure de Droit Privé Président du Comité de Coordination
Université Abdou Moumouni BOUBACAR ADAMOU Souleymane
Doctorant en Droit Public à l’UAC
HAMADOU Abdoulaye
Conseiller des Affaires Etrangères au
Maître Assistant en Droit Public
Ministère des Affaires Etrangères et de la
Université de Tahoua
Coopération
ADAMOU Issoufou
AGBOKA Francis-Olivier NOWOAYE
Maître Assistant en Droit Public Doctorant en Droit Privé à l’UL
Université Cheick Anta Diop Conseiller - chargé de mission du Ministre
de la Communication et des Médias / Togo
ALOU Abdou Razak
Master en Droit Pénal et Sciences
Criminelles
Directeur des Etudes IPEJA/GRP

ABDOU SEYDOU Moctar


Master en Droit Privé Fondamental
Master en Droit des Affaires
Enseignant vacataire à IUT de Dosso
Moniteur de protecteur à CIAUD Canada

BOUBACAR MOUNKAILA Aïchatou


Master Droit Privé Fondamental à l’UAM
Master Droit des Affaires et Fiscalité à ADU
Auteure, Ecrivaine

2
Centre d’Education aux
Droits de l’Homme et des Peuples
Former pour l’avenir
Arrêté n° 00120/MISPD/ACR/DGAPJ/DLP du 30 Janvier 2020
E-mail : centre.cedhop@gmail.com
Niamey - Niger

3
ARTICLES

4
LA REDEFINITION PAR VOIE CONTENTIEUSE DE LA FRONTIERE DU BURKINA
FASO : QUELS ENSEIGNEMENTS ?
Par
TAPSOBA Armel Ghislain
Docteur en Droit Public

INTRODUCTION De l’organisation progressive de l’AOF,


émergea la colonie de la Haute-Volta le
Au début était la Conférence de Berlin1
1er mars 1919 qui connut le sort tragique
et la Conférence de Berlin était le
de la suppression le 5 septembre 1932
partage et la division de l’Afrique entre
avant de renaitre de ses cendres le 04
les puissances coloniales2. La France, de
septembre 1947. Sur le fondement du
sa part du « gâteau africain », opéra une
droit des peuples à disposer d’eux-
double subdivision coloniale donnant
mêmes4, relayé officiellement par la
naissance à l’Afrique-Occidentale
Résolution A/1415 (XV) du 14 décembre
française (AOF)3 et l’Afrique-
19605, la Haute-Volta accéda à
Equatoriale française (AEF).
l’indépendance le 05 août 1960.

Cette historique est partagée par


plusieurs Etats africains qui firent une

1
Elle a été amorcée le 15 novembre 1884 et s’est par la Constitution du 23 décembre 2001.
achevée le 26 février 1885. L'avènement d'un régime de type présidentiel
2
Il s’agit notamment de l’Allemagne, la et fédéral dans un état francophone du canal
Belgique, l’Espagne, le Portugal, la Grande de Mozambique », in Revue Française de Droit
Bretagne et la France. Constitutionnel, 2004/4, n° 60, p. 775.
3 5
Du sigle l’A.O.F., l’Afrique Occidentale Cette résolution a été adoptée à l’unanimité
Française regroupe la Mauritanie, le Sénégal, le par l’Assemblée générale des Nations Unies
Soudan français (Mali), la Guinée, la Côte (AGNU) et est intitulée « Déclaration sur
d’ivoire, le Niger, la Haute-Volta (Burkina Faso), l’octroi de l’indépendance aux pays et aux
le Togo et le Dahomey (Bénin). peuples coloniaux ».
4
André ORAISON, « La mise en place des
institutions de l'« Union des Comores » prévues

5
rencontre brutale et douloureuse6 avec catégorie, l’expérience de la Haute
l’impérialiste colonial. Dans cette Volta devenue Burkina Faso le 04 août

1985 est invocatrice par la complexité revendications ont opposé le Burkina


de la gestion de l’héritage colonial Faso au Niger, au Bénin et à la Côte
caractérisé par la suppression et la d’Ivoire. Sur l’ensemble des
reconstitution de ce pays. En ce sens, il contestations, il est à noter qu’en
importe de souligner que le legs amont ou en aval, les Etats concernés
colonial fût à l’origine d’affrontements ont fait montre d’un sens élevé de la
armés sur fond de revendications responsabilité en faisant prévaloir dans
territoriales et de bande frontalière leurs relations mutuelles l’article 2 § 3 de
entre le Burkina Faso et le Mali à deux la Charte des Nations Unies2.
reprises successivement en 1974 et en
En vertu de cette disposition, dans le
1985.
règlement des conflits, la voie
Ces conflits sont intervenus en violation diplomatique et contentieuse ont
de l’article 2 § 4 de la Charte des Nations toutes été ménagées. C’est ainsi que
unies1. A ce sujet, il sied de garder à Séni Mahamadou OUEDRAOGO et
l’esprit que le Mali n’est pas le seul Oumar TRAORE faisaient observer
adversaire du Burkina Faso dans la qu’« En raison de sa centralité, et pour
démarche des revendications fixer ses limites territoriales, le Burkina
territoriales. En effet, outre le Mali, des Faso s’est résolument tourné vers la voie

6
Augustin LOADA et Luc Marius IBRIGA, Droit manière incompatible avec les buts des Nations
constitutionnel et Institutions politiques, Unies ».
2
Collection Précis du droit burkinabè, Aux termes de cette disposition, il peut être
Ouagadougou, PADEG, 2007, p. 41, §.76. lu : « Les Membres de l'Organisation règlent
1
« Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, leurs différends internationaux par des moyens
dans leurs relations internationales, de recourir pacifiques, de telle manière que la paix et la
à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre sécurité internationales ainsi que la justice ne
l'intégrité territoriale ou l'indépendance soient pas mises en danger. ».
politique de tout Etat, soit de toute autre

6
diplomatique, même lorsqu’il s’est agi de prochaine de la frontière entre les deux
solliciter l’office du juge international Etats.
pour délimiter ses frontières. »3. Si la voie
Il faudra entendre par redéfinition des
diplomatique s’avère être un passage
frontières « l’ensemble des processus et
forcé ou privilégié, la voie contentieuse
des procédures relatifs au nouveau tracé
semble être la plus concluante eu égard
des frontières, portant notamment sur la
à l’histoire de la redéfinition frontalière
délimitation, la démarcation, la
liant le Burkina Faso à ses voisins.
réaffirmation et la mise à jour »4.
A cet effet, dans les négociations en
La frontière peut être comprise comme
cours entre le Burkina Faso et la Côte
la ligne5 qui sépare le territoire de deux
d’Ivoire, le Bénin, des enseignements
Etats6. Pour Pierre-Marie DUPUY, elle
peuvent être tirés de la voie
représente « la ligne d’arrêt des
contentieuse en vue de la redéfinition
compétences étatiques »7.

3
Séni Mahamadou OUEDRAOGO, Oumar frontière (Guinée/Guinée Bissau) », RGDIP, 1985,
TRAORE, « La matérialisation du tracé de la pp. 508-509, § 49-50. Voy. Eritrea/Yemen,
frontière ivoiro-burkinabè au prisme des Award of the Arbitral Tribunal in the Second
principes de la CIJ », Vénégré : La Revue Stage of the Proceedings (Maritime
Africaine des Sciences Administrative, Juridique Delimitation), 3 October 1996, p. 38, § 129.
6
et Politique, mars 2021, p. 1. Ahmed ABOU-EL-WAFA, « Les différends
4
B. Ahmad MUHAMMAD, « Les Frontières internationaux concernant les frontières
Africaines et la nécessité de les définir », in terrestres dans la jurisprudence de la cour
Commission de l’Union Africaine, Délimitation internationale de justice », in Revue Canadienne
et Démarcation des Frontières en Afrique, de Droit International, Tome 343, 2009, p. 30.
Considérations Générales et Études de Cas, Pour une définition exhaustive de la notion de
Addis-Abeba, PFUA, 2013, p. 12. frontière voy. Jean SALMON (Dir.), Dictionnaire
5
La frontière n’est pas une limite car le tribunal de droit international public, Bruxelles,
arbitral, au sujet du différend frontalier entre la Bruylant, 2001. p. 520.
7
Guinée et la Guinée- Bissau, a opéré une Pierre-Marie DUPUY, Droit international
distinction entre le mot « limite » et le mot « public, Paris, Dalloz, 9ème éd., 2008, p. 43, § 45.
frontière ». Voy. E. DAVID, « Délimitation de la

7
Le contentieux représente engagés en plus des attaques
l’intervention d’une juridiction de façon terroristes qui sévissent dans la zone
non consultative suite à des frontalière, l’intérêt de la redéfinition
contestations en droit ou en fait entre des frontières se renouvelle. De ce point
des parties se traduisant par la de vue, les affaires ayant opposé le
production d’arrêts obligatoires pour Burkina Faso à ses voisins devant la CIJ
les parties8. De ce qui précède, il fournissent des bases d’analyse et de
importe de mener une réflexion sur négociations.
cette formule : « La redéfinition par voie
Ainsi, il sied de conduire la réflexion à
contentieuse de la frontière du Burkina
partir de cette interrogation : quels sont
Faso : quels enseignements ? ».
les axes de la redéfinition de la frontière
« La souveraineté, l’égalité, la non du Burkina Faso ?
intervention postulent la structure
Sur la primauté de la jurisprudence
étatique et la structure étatique postule
internationale qui corrobore le sujet
9
à son tour la frontière » , en témoigne
avec une toile de fond doctrinale,
l’importance quantitative du
l’analyse suivra la trame des tenants (I)
contentieux territorial dans la
et aboutissants (II) de la redéfinition de
10
jurisprudence internationale .
la frontière du Burkina Faso.
Dans un contexte où des travaux de la
I. Les tenants de la redéfinition de la
Commission Mixte Paritaire de
frontière
Matérialisation de la frontière entre le
Burkina Faso et la Côte d’Ivoire sont

8 10
Jean SALMON, Dictionnaire de droit Guillaume PROTIERE, Espace et territoire dans
international public, op. cit., p. 248. la jurisprudence de la Cour internationale de
9
Claude BLUMANN, « frontières et limites », in Justice, Espaces du droit et droits des espaces,
frontière, colloque de Poitiers, Paris, SFDI, collection "Administration et aménagement du
1980, p. 6. territoire", Lyon, L'Harmattan, 2009, pp. 121-
135.

8
La redéfinition par voie contentieuse de A. L’Uti possidetis, un principe
la frontière du Burkina Faso s’est privilégié
incarnée dans deux affaires qui ont
Aux textes des différents compromis, il
opposé respectivement le Burkina Faso
revient que les parties ont entendu
11 12
au Mali et au Niger . Elle a été possible
fonder le règlement de leur différend
suite à la saisine de la CIJ sur la base de
frontalier sur le principe de
13
compromis conformément à l’article
l’intangibilité des frontières héritées de
40 al. 1 de son Statut.
la colonisation15. Des compromis, il va
A la lecture des différents compromis, il sans dire que ce principe se fonde
est à observer une pluralité de règles explicitement sur la Résolution
applicables teintée d’une orthodoxie AGH/Rés.16-1 adoptée au Caire en 196416
relative d’interprétation. Le compromis et implicitement sur la Charte de
étant la loi des parties14, une place de l’OUA17.
choix a été réservée au principe de l’Uti
Cette résolution traduit une volonté
possidetis (A) relayé par le droit colonial
africaine manifeste de cristallisation des
et l’équité infra legem (B) selon le cas.
limites administratives érigées en

11 15
Différend frontalier Burkina /République du Voy. Préambule du compromis du 16
Mali, CIJ, Arrêt, 22 décembre 1986, Rec. 1986. septembre 1983 en son alinéa 2 et l’article 6 du
12
Différend frontalier Burkina/ Niger, CIJ, Arrêt compromis du 24 février 2009.
16
du 16 avril 2013, Rec. 2013. Voy. Les points 1 et 2 de la Résolution
13
Pour la première affaire, il s’agit du AGH/Res.16 (1) sur l’Intangibilité des frontières
compromis signé le 16 septembre 1983 notifié africaines adoptée par la Conférence des Chefs
par lettre conjointe du 14 octobre 1983 et pour d’ Etat et de Gouvernement de l’O.U.A.
17
la deuxième affaire du compromis signé le 24 Paragraphe 7 du préambule de la Charte de
février 2009 notifié par lettre conjointe du 12 l’O.U.A devenue UA le 11 juillet 2000 qui, en
mai 2010. réalité se réfère au principe de l’intégrité
14
Benoît G. KAMBOU, Le conflit territorial entre territoriale consacré par l’article 10 du Pacte de
le Burkina Faso et la République du Mali devant la SDN et l’article 2 § 4 de la Charte des Nations
la justice unies.
internationale, thèse, Paris I, Panthéon-
Sorbonne, 1987, p. 213.

9
frontières internationales. Dans ce l'intangibilité des frontières héritées de
cadre géographique, ce principe a été la colonisation », la Chambre ne saurait
d’essence lié au phénomène de la écarter le principe de l’uti possidetis juris
colonisation, ce qui lui vaut une dont l'application a précisément pour
application limitée. conséquence le respect des frontières
héritées.»19.
Par ailleurs, les parties dans les
plaidoiries écrites et orales s’alignent La CIJ opère de ce point de vue une
derrière la doctrine majoritaire selon conciliation d’approches des parties. En
laquelle il n’existe pas de différence effet, tandis que le Burkina Faso
fondamentale entre le principe de admettait cette fonction commune des
l’intangibilité des frontières et le deux principes qui réside dans le
principe de l’Uti possidetis juris18. Les maintien des frontières coloniales, le
parties admettent avec une diversité Mali y voyait au principe de l’uti
d’interprétations le lien de connexité possidetis juris la conséquence du
entre les deux principes. principe de l’intangibilité20.

Il semble d’ailleurs que la CIJ épouse Tout compte fait, le point de discorde
cette approche dominante lorsqu’elle s’imposait avec plus de ferveur par
s’exprime en ces termes : « Dès lors que, rapport à la summa divisio sur le
comme on l'a rappelé, les deux Parties concept de l’uti possidetis dont le Mali
ont expressément demandé à la était l’instigateur.
Chambre de trancher leur différend sur la
Il s’agit de l’uti possidetis juris qui a été
base notamment « du principe de
le cheval de bataille du Burkina Faso et

18
Benoît G. KAMBOU, Le conflit territorial entre aussi Différend frontalier Burkina Faso/Niger,
le Burkina Faso et la République du Mali devant Arrêt du 16 avril 2013, CIJ, Rec., 2013, § 63.
20
la justice internationale, op. cit., p. 63. Benoît G. KAMBOU, Le conflit territorial entre
19
Différend frontalier Burkina Faso/Mali, Arrêt le Burkina Faso et la République du Mali devant
du 22 Décembre 1986, CIJ, Rec., 1986, § 20. Voy. la justice internationale, op. cit., p. 63

10
l’uti possidetis de facto qui a caractérisé En ce sens, le Mali, finissant par
l’approche malienne. Cette distinction abandonner dans sa plaidoirie orale sa
répond à la distinction traditionnelle vision dichotomique, estimant in fine
entre les conflits de délimitation et les qu’il s’agit après tout de prouver le
conflits d’attribution. Selon cette droit22, la CIJ n’a pas fait sienne de cette
distinction, « les premiers viseraient les distinction lorsqu’elle affirme que
opérations de délimitation portant sur ce « l'effet d'une décision judiciaire, qu'elle
que l’on a pu appeler « une parcelle soit rendue dans un conflit d'attribution
géographiquement non autonome », territoriale ou dans un conflit de
alors que les seconds auraient pour objet délimitation, est nécessairement
l’attribution de la souveraineté sur d'établir une frontière. »23.
l’ensemble d’une entité
Outre le problème de qualification du
21
géographique » .
différend ayant opposé le Burkina Faso
L’uti possidetis juris suppose la au Mali, la CIJ a été confrontée à la
prééminence accordée aux titres problématique de la détermination de
juridiques et s’épanouit dans le cadre la date critique. La date critique peut
d’un conflit de délimitation tandis que être entendue comme la date
l’uti possidetis de facto induit une significative pour la détermination des
prévalence des effectivités et se droits des parties24.
légitime dans le cadre d’un conflit
Pour le Mali, la date critique est celle des
d’attribution.
nouvelles constitutions du Soudan
français (30 janvier 1959) et de la Haute-

21 23
Différend frontalier Burkina Faso/Mali, CIJ, Différend frontalier Burkina Faso/Mali, CIJ,
Arrêt du 22 Décembre 1986, CIJ, Rec., 1986, § 17. Arrêt du 22 Décembre 1986, CIJ., Rec., 1986, §
22
Cf. C2/CR86/6 Plaidoiries du Professeur Jean 17.
24
SALMON, pp. 27-28. A ce sujet, De LAPRADELLE Paul REUTER, Droit international public,
se demandait si cette distinction ne complique Thémis, 1983, p. 207.
pas le problème de la frontière.

11
Volta (28 février 1959). Le Burkina Faso applicable a aussi concerné le droit
quant à lui a retenu quatre dates : 1932 colonial et l’équité infra legem.
(date de suppression de la colonie de la
B. Le droit colonial et l’équité infra-
Haute-Volta), 1947 (reconstitution de la
legem, un droit subsidiairement
Haute-Volta dans ses limites de 1932), 20
appliqué
juin 1960 (accession du Mali à
La détermination du tracé de la
l’indépendance) et 05 août 1960
frontière entre deux Etats relève
(accession de la Haute-Volta à
évidemment du droit international
l’indépendance). La détermination de la
auquel renvoie le principe de l’uti
date critique est capitale car c’est à
possidetis. Cependant, les parties se
partir de cet instant que le « legs
sont accordées également à
colonial » ou l’« instantanée territorial »
reconnaître que cette question doit
est considéré.
s'apprécier en l'espèce à la lumière du
Dans l’affaire Burkina Faso contre le
droit colonial français dit « droit d'outre-
Niger, la date critique n’a pas posé de
mer » et de l’équité infra legem dans
problème en ce sens qu’elle a été fixée
l’affaire Burkina Faso contre le Mali.
dans le compromis. Il s’agit du 31 août
Dans ces différentes affaires, des textes
1927, du 05 octobre 1927 et de 196025.
législatifs26 et règlementaires27 ont été
Outre le principe de l’Uti possedetis
invoqués à la rescousse de la défense
identifié au droit international, le droit
des parties et à l’appréciation de la CIJ.

25 27
Voy. L’article 2 du compromis signé le 24 Arrêté – n° 2728/AP du 27 novembre 1935
février 2009 entre le Burkina Faso et le Niger, gouverneur général portant délimitation des
notifié par lettre conjointe du 12 mai 2010. cercles de Bafoulabe, Bamako et Mopti ;
26
Loi n° 47-10707 du 4 septembre 1947 tendant Décret du 05 septembre 1932 portant
au rétablissement du territoire de la Haute- suppression de la Haute-Volta ; Arrêté 2336 du
Volta. 31 août 1927, précisé par son erratum 2602/APA
du 5 octobre 1927.

12
Les textes coloniaux représentent à la règle applicable à un litige international.
fois des titres territoriaux28 pour les L’affaire Barcelona Traction31 est tout
parties mais aussi un rempart contre aussi illustrative de ce recours.
l’imprécision du tracé frontalier29. Si le
Dans les affaires intéressant la présente
droit colonial se présente comme un
étude, le recours à titre accessoire a été
passage forcé dans le règlement des
privilégié par la CIJ lorsqu’elle fait
conflits frontaliers des territoires
observer ceci : « Si le droit colonial
autrefois soumis à la colonisation, c’est
intervient dans cette affaire, ce n'est pas
à juste titre que de se demander
comme tel, du fait d'un renvoi que le
comment le droit international et le
droit international ferait à ce droit, mais
juge international appréhendent son
seulement à titre d'élément de preuve de
recours.
la situation existant au moment de
A cet effet, deux cas de figure méritent l'accession à l'indépendance des deux
d’être retenus. Il s’agit du recours au Etats parties »32. La CIJ invoque cet
droit colonial à titre principal et du argument face à l’exception d’illégalité
recours à titre accessoire. Cependant le soulevée par le Mali à l’encontre de
premier demeure exceptionnel car le l’arrêté général de 1927 précisé par son
juge international n’est pas obligé « de erratum. Aussi, serait-il légitime de
connaitre également les lois nationales conclure avec WECKEL que « cette
des différents pays »30. Dans l’affaire des référence au droit colonial résulte elle-
emprunts serbes et brésiliens, le droit même d’une règle de droit international,
interne a été appliqué au titre d’une constituée par le principe de l’uti

28 31
Pierre-Marie DUPUY, Droit international Affaire Barcelona Traction, arrêt du 05 février
public, op. cit., p. 46, § 49. 1970, CIJ, Rec., 1970, § 50-55.
29 32
Benoît G. KAMBOU, Le conflit territorial entre Différend frontalier Burkina Faso/Mali, CIJ,
le Burkina Faso et la République du Mali devant Arrêt du 22 Décembre 1986, Rec., 1986, § 30 et
la justice internationale, op. cit., p. 229. 69.
30
Ibidem.

13
possidetis juris lui-même »33, d’autant bono (supra legem et contra legem)
plus que dans l’affaire Burkina/Niger, le auxquels renvoie la trilogie doctrinale.
renvoi a été fait par l’accord du 28 mars Ainsi, s’il est admis que « Quel que soit le
1987. raisonnement juridique du juge, ses
décisions doivent par définition être
Dans l’affaire Burkina/Mali, à la
justes, donc en ce sens équitables »36, « la
demande des parties, la CIJ a été
Cour juge le droit et ne peut tenir compte
amenée à se prononcer sur l’application
de principes moraux que dans la mesure
de l’équité et plus précisément de
où on leur a donné une forme juridique
l’équité infra-legem. Aux soins de
suffisante »37.
DELBEZ, l’équité « est la forme
supérieure et raffinée de la justice qui De ce point de vue, face à l’inquiétude
s'oppose au droit strict, tout en restant soulevée par le Burkina Faso sur la
inhérente au droit et entrant dans la transposition des principes équitables
mission du juge »34 tandis que pour connus dans le contentieux de
LALANDE, elle est « ce sentiment sûr et délimitation maritime, il convient de
spontané du juste et de l'injuste »35. conclure avec BARDONNET qu’il n’y a
pas de restriction dans le domaine
En réalité, cette double affirmation
d’application de l’équité38.
exprime un double paradigme en droit
international. Il s’agit du règlement en En somme, l’analyse du droit applicable,
équité (infra legem) et celui ex aequo et notamment l’uti possidetis, le droit

33 36
Pierre-Marie DUPUY, Droit international Benoît G. KAMBOU, Le conflit territorial entre
public, op. cit., p. 46, § 49. le Burkina Faso et la République du Mali devant
34
Louis DELBEZ, Les principes généraux du droit la justice internationale, op. cit., p. 236.
international public, 3ème éd., L.G.D.J., 1964, p 37
Ibidem.
38
481. Daniel BARDONNET, « Equité et frontières
35
André LALANDE, Vocabulaire technique et terrestres », in Mélange Paul REUTER, Paris,
critique de la philosophie, Paris, P.U.F., 7ème éd., Pedone, 1981, p. 35.
1956, p. 295.

14
colonial et l’équité infra-legem a Le second point de divergence sur
convoqué sur la table des discussions lequel la CIJ a été interpellée concerne
d’autres concepts pertinents invoqués l’argument du Burkina Faso sur
à tort ou à raison par les parties. Il s’agit l’acquiescement. La CIJ parvient à la
des effectivités et de l’acquiescement conclusion qui laisse perplexe et
obligeant parfois la CIJ à recourir à des sceptique selon laquelle, c’est la
méthodes d’interprétation peu volonté réelle et non déclarée qui est
orthodoxes. Il sied de rappeler que la déterminante40. In fine, de manière
ligne de défense du Mali était fondée générale, face à l’insuffisance et
sur l’Uti possidetis de facto. l’imprécision des textes juridiques, et la
contrariété des cartes, le juge
De ce fait, sur plusieurs parties
international a fait preuve de nombre
contestées ou revendiquées, le Mali a
de présomptions41, qui semblent avoir
appelé la CIJ à faire prévaloir les
eu un effet déterminant pour l’issue des
effectivités. En ce qui concerne les
deux procès.
localités de Petelkolé et Oussaltane, le
Niger a fait également prévaloir cet II. Les aboutissants de la redéfinition
argument. A ce sujet, la CIJ a de bon de la frontière
droit fait observer la fonction
George SCELLE affirmait que « de tout
complémentaire ou supplétive des
temps, les Etats ont été animés d’une
effectivités qui ne valent qu’en cas de
« obsession territoriale » »42. Cette
39
lacune ou d’absence du titre juridique .
obsession est le plus souvent
caractéristique de conflits ethniques,

39
Différend frontalier Burkina Faso/Niger, Arrêt 100. ; V° aussi Différend frontalier Burkina
du 16 avril 2013, CIJ, Rec., 2013, § 98. Faso/Mali, op. cit., § 49, 50, 53, 54, 56, 62, 63,
40
Différend frontalier Burkina Faso/Mali, Arrêt 65, 135, 141, 142
42
du 22 Décembre 1986, CIJ, Rec., 1986, § 40. Pierre-Marie DUPUY, Droit international
41
Différend frontalier Burkina Faso/Niger, op. public, op.cit., p. 35, § 39.
cit., § 68, 73, 77, 79, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 97, 98,

15
religieux et même inter-étatiques43. La redéfinition par voie contentieuse de
C’est ainsi que le principe de la frontière du Burkina Faso n’a pas
l’intangibilité des frontières héritées de enfreint la fonction attachée aux grands
la colonisation (assimilé au principe de principes de prévention ou de
l’uti possidetis juris) est considéré règlement des conflits territoriaux.
comme le crédo en vue de prévenir de Mieux, elle a été l’occasion de préciser
tels conflits et de vider le contentieux la nature juridique du principe de l’uti
territorial. Toutefois, l’interprétation de possidetis juris en plus de rappeler la
ce principe diverge et donne très valeur du principe de l’intégrité
souvent lieu à un règlement politique territoriale.
dont l’issue est tout aussi incertaine
Le conflit frontalier Burkina Faso/Mali
comme l’atteste l’affaire Burkina
constitue la première affaire ayant
Faso/Mali.
opposé deux pays africains appartenant
De ce fait, le règlement judiciaire se à la catégorie des pays les moins
présente comme un « succédané au avancés (PMA). A ce titre, les
règlement direct et amiable »44 qui conclusions judiciaires qui en découlent
s’impose non seulement comme une sont pleines d’enseignements et se
garantie de consolidation des principes rapportant au principe de l’uti possidetis
de prévention ou de résolution de juris.
conflits (A) mais aussi de stabilisation
D’origine hispanique, il est admis que ce
des frontières (B).
principe, par son génitif latin juris,
A. Une volonté de consolidation consacre la prééminence du titre
respectée juridique45 par rapport à la possession

43 44
Augustin LOADA et Luc Marius IBRIGA, Droit Affaire des concessions Mavromatis, CPJI, 30
constitutionnel et Institutions politiques, op. cit, août 1924, Série A n° 22, p. 13.
45
p. 41 et 52, § 76 et 99. Le terme « titre », « pris dans le sens de titre
juridique, désigne tout fait, acte ou situation

16
effective comme base de souveraineté Ainsi, la CIJ, à travers les affaires
territoriale46. Cette souveraineté est portées à sa connaissance, a répondu à
garantie par le respect des limites l’appel à la consolidation lancé par
territoriales au moment de l’accession à l’agent du Burkina Faso en 1986 en ces
l’indépendance47. termes : « […] Si comme nous n’en
doutons pas que, les principes de
Cependant, il peut être tenu à l’égard de
l’intangibilité des frontières légués par le
ce principe le même reproche adressé
colonisateur au moment des
au principe de l’intangibilité,
indépendances et l’uti possidetis sont
notamment sa vocation régionaliste et
reconnus, réaffirmés avec force et
particulière48. C’est sur ce point que
produisent pleins effets et entiers effets,
réside, semble-t-il, l’apport
alors chaque Etat membre de l’O.U.A se
fondamental du conflit frontalier
verra contraint et forcé de se contenter
Burkina Faso/Mali renforcé dans
de ses limites actuelles, aussi
l’affaire Burkina Faso/Niger. A
importantes soient-elles, parce que
l’occasion de cette affaire, l’uti
l’autorité juridique et morale de la CIJ
possidetis juris a été considéré au rang
aura conforté ces principes […] »50.
de « principe d’ordre général
nécessairement lié à la décolonisation où Par ailleurs, l’uti possidetis juris n’a pas
qu’elle se produise »49. bénéficié d’une consécration expresse
dans la Charte de l’O.U.A. Toutefois, il
peut être décelé des germes

48
qui est la cause et le fondement d’un droit », ou Baloma SANDAOGO, Les conflits de frontières
bien qu’il est équivalant à tout « document en Afrique, Thèse de doctorat d’Etat, Poitier,
invoqué en vue d’établir l’existence d’un droit, 1982, p. 161.
49
ou d’une qualité ». Voy. Dictionnaire de la Différend frontalier BF/ Mali, op. cit. § 23.
50
terminologie du droit International, Paris, 1960, Benoît G. KAMBOU, Le conflit territorial entre
pp. 604-605. le Burkina Faso et la République du Mali devant
46
Différend frontalier BF/ Mali, op. cit. § 23. la justice internationale, op. cit., p. 303.
47
Ibidem

17
d’attachement à ce principe non En somme, s’il peut être reconnu à la
seulement dans les déclarations des redéfinition par voie contentieuse de la
leaders africains au moment de frontière, une vertu de consolidation
l’accession à l’indépendance mais aussi des grands principes de prévention ou
et surtout au niveau de l’article 3 de la de résolution des conflits territoriaux, il
Charte de l’O.U.A. qui met en exergue le sied naturellement de tirer les
principe de souveraineté et de conséquences stabilisatrices de telle
l’intégrité territoriale51. vertu.

Ainsi, la consolidation du principe de B. Une nécessité de stabilisation


l’uti possedetis juris emporte celle de la affirmée
souveraineté et de l’intégrité
La stabilisation des frontières53
territoriale. Pour ce faire, le lien qui
constitue la pierre angulaire de la paix
existe entre l’uti possidetis juris ou
et du développement en Afrique, eu
l’intangibilité des frontières et
égard à la difficile gestion de l’héritage
l’intégrité territoriale est indissoluble.
colonial territorial. En effet, en Afrique,
De ce fait, Tran Van Minh fait observer
« les tensions de souveraineté territoriale
qu’il suffit que « l’une se trouve assurée
entre Etats voisins demeurent un
pour que l’autre le soit également dans la
élément perturbateur des relations
mesure où elles impliquent toutes les
interétatiques et la stabilité des
deux l’interdiction de porter atteinte
frontières - avec une résonance
unilatéralement aux frontières et aux
particulière là où identités et territoires
52
territoires des autres » .
sont encore fragiles - est cruciale pour la
paix et la sécurité dans toute région.

53
Jean IGUE, Le Territoire et l’Etat en Afrique.
52
Benoît G. KAMBOU, Le conflit territorial entre Les dimensions spatiales du développement,
le Burkina Faso et la République du Mali devant Paris, Karthala, 1995, p. 19.
la justice internationale, op. cit., p. 59.

18
Mieux, elle constitue un vecteur essentiel redéfinition par voie contentieuse de la
de développement »54. frontière aboutit à la satisfaction d’un
impératif qui est « d’éviter que
C’est conscient de ce contexte alarmant
l’indépendance et la stabilité des
que la CIJ, dans son arrêt du 22
nouveaux Etats ne soient mises en
décembre 1986 s’exprimait en ces
danger par des luttes fratricides nées de
termes : « Le maintien du statu quo
la contestation des frontières à la suite
territorial en Afrique apparait souvent
du retrait de la puissance
comme une solution de sagesse visant à
administrante »56. Aussi, ne faut-il pas
préserver les acquis des peuples qui ont
déduire de cette disposition, l’attitude
lutté pour leur indépendance et à éviter
de la CIJ à se reconnaitre une fonction
la rupture d'un équilibre qui ferait perdre
de restauration d’équilibre entre les
au continent africain le bénéfice de tant
Etats en conflit.
de sacrifices. C'est le besoin vital de
stabilité pour survivre, se développer et Sur ce point, il convient d’évoquer
consolider progressivement leur quelques insatisfactions des parties au
indépendance dans tous les domaines qui conflit Burkina Faso/Mali quant à leurs
a amené les Etats africains à consentir au prétentions formulées. C’est ainsi que
respect des frontières coloniales, et à en les solutions adoptées dans les affaires
tenir compte dans l'interprétation du citées révèlent quelques frustrations en
principe de l'autodétermination des termes de gains et de pertes.
peuples »55.
En effet, de même que le Mali n'a pas
Par cette disposition, il n’est pas obtenu ce qu'il espérait dans la région
excessif, semble-t-il, d’affirmer que la du Béli (région des mares), de même le

54 55
Lucile MEDINA-NICOLAS, « Les frontières de Différend frontalier BF/ Mali, op. cit., § 25.
56
l'isthme centraméricain, de marges Ibidem.
symboliques à des espaces en construction », in
Espaces et sociétés, 2009/3, n° 138, p. 36.

19
Burkina Faso n'a pas obtenu gain de astronomiques de Tong-Tong et de Tao,
cause dans le secteur des quatre le Niger a été débouté de ses
villages. Dans ce dernier secteur, l'arrêt prétentions car la CIJ, se fondant sur la
a admis sans autre forme de procès que prééminence du titre juridique, adopte
les hameaux de culture font partie la ligne droite suggérée par le Burkina
intégrante des villages57. Cette position Faso58. Sur le tracé de la frontière entre
de la CIJ semble pernicieuse pour la la borne astronomique de Tao et la
simple raison que les Etats avides rivière Sirba à Bossébangou, la Cour a
d’expansion territoriale pourront faire rejeté les arguments des deux parties.
de ce précédent leur cheval de bataille.
Face à l’imprécision de l’arrêté de 1927,
Néanmoins, il ne faut pas perdre de vue
la Cour a recouru à la carte de l’IGN de
que la solution de la CIJ est le reflet
1960. Toutefois, sur ce point, le Burkina
d’une solution judiciaire limitée à ce cas
Faso a bénéficié des localités de
spécifique en vertu du principe de
Petelkole et d’Oussaltané, objet des
l’effet inter partes des décisions de
prétentions du Niger contre Bangaré59.
justice.
Sur le tracé de la frontière dans la région
Dans le même ordre d’idées, le conflit de Bossébangou, la Cour adopte une
frontalier Burkina Faso/Niger ne déroge position équitable fondée sur un
pas à cette règle. De part et d’autre, la principe en matière d’accès aux
décision de la CIJ a fait des ressources en eau de l’ensemble des
contentements et des populations des villages riverains.
mécontentements. En effet, sur le tracé
La Cour en conclut que, sur la base de
de la frontière entre les bornes
l’arrêté, le point final de la ligne

57 58
Ibidem, § 114 et 126. Voy. aussi Benoît G. Différend frontalier Burkina Faso/Niger, op.
KAMBOU, Le conflit territorial entre le Burkina cit., § 79.
59
Faso et la République du Mali devant la justice Ibidem, § 97, 98 et 99.
internationale, op. cit., p. 302.

20
frontière dans la région de faut une singulière force d’âme pour s’en
Bossébangou est situé dans la rivière tenir à un parfait loyalisme intellectuel
Sirba. Plus précisément, l’emplacement […] »61. C’est à partir de cette
de ce point final se trouve sur la ligne affirmation qu’il semble pertinent de
médiane60. conclure sur une note critique
concernant la défense des parties.
Sur le tracé de la partie sud de la
frontière, la Cour conclut que la ligne Dans le conflit frontalier Burkina
est constituée par un segment de droite Faso/Mali, il n’est pas exagéré
entre l’intersection du parallèle de Say d’affirmer que les parties ont d’une
avec la rive droite de la rivière Sirba et le manière générale manqué de fidélité
début de la boucle de Botou, par rapport à leur ligne. Dans leur jeu de
contrevenant à l’argumentaire du preuves, leur argumentaire était teinté
Burkina Faso. de subjectivité extraordinaire en ce
sens que les mêmes moyens de preuves
En somme, il est légitime de conclure
réfutés lorsque l’une des parties les
que même s’il y’a des points
invoque sont invoqués par l’autre
d’insatisfaction, les parties, sur la base
lorsque les circonstances lui sont
de leur compromis confirmé par leur
favorables.
pratique se conforment aux décisions
de la CIJ, toute chose qui est une Cette situation est facilement
garantie de stabilisation. imputable à l’imprécision et à un défaut
de prévision du compromis conclu. Par
André SIEGFRIED dans sa préface de
ailleurs, dans le conflit frontalier
l’ouvrage de Jacques ANCEL intitulé
Burkina Faso/Niger, les règles du jeu ont
« Géographie des frontières » en 1938
été bien consacrées dans le compromis
faisait observer ceci : « Sur ce terrain, il

60 61
Différend frontalier Burkina Faso/Niger, op. Jacques ANCEL, Géographie des frontières,
cit., § 100 et 101. Paris, Gallimard, 1938, 209 p.

21
avec une précision et prévision problème de compétences territoriales
suffisante. Dans ce cas de figure, les qui a été résolu, d’autres problèmes de
parties ont été plus ou moins fidèles à compétence de nature sécuritaire ou
leur ligne de défense. Toutefois, il humaine ?
convient de souligner un paradoxe dans
l’arrêt du 16 avril 2013 avec la référence
faite aux droits fondamentaux des
populations. Cette fenêtre ne
permettait-elle pas d’entrevoir outre le

22
DROIT DE LA CONSOMMATION DANS LES PAYS DE LA CEMAC : ENTRE DROIT
COMMUN ET DROIT SPECIAL
Par
SOFACK BOPDA Girès
Doctorant en Droit des Affaires et Sciences Criminelles / Université de Dschang

INTRODUCTION consommation est défini comme un

Le code civil français de 1804 a ensemble de règles destinées à

longtemps servi de droit commun1 dans protéger le consommateur profane

de nombreux pays, notamment ceux de dans ses relations avec les

l’Afrique centrale, regroupés professionnels3.

aujourd’hui au sein de la Communauté La notion de consommateur a fait


Economique et Monétaire de l’Afrique l’objet d’une importante controverse
Centrale (CEMAC)2. doctrinale sur laquelle on ne s’attardera

Cette législation française y couvrait de pas dans le cadre de la présente

nombreux domaines de droit privé, réflexion.

notamment le domaine de la Du fait de l’évolution socio-culturelle et


consommation. Le droit de la technologique, le droit de la

1
V.CHAZAL (J.-P.), « réflexion épistémologique « Environnement juridique et institutionnel des
sur le droit commun et les droit spéciaux », in affaires en Afrique : cas de la communauté
Etude de droit de la consommation : Liber économique et monétaire de l’Afrique
Amicorum Jean-Calais AULOY, Dalloz, 2004, p.1- centrale », 2017, p. 2, disponible sur https://hal-
2. auf.archives-ouvertes.fr .consulté le 25 mai
2
La communauté économique et monétaire de 2022, et BOUSSOUGOU (M.), « le point du
l’Afrique centrale (CEMAC) regroupe six (6) processus de l’intégration en Afrique centrale :
Etats membres : Le Cameroun, le Tchad, la de l’UDEAC à la CEMAC, le chemin à parcourir,
République Centrafricaine, le Congo, le Gabon, les obstacles à franchir », in Les enjeux de
et la Guinée-Equatoriale. Pour plus l’intégration en Afrique centrale, Yaoundé,
d’informations sur la CEMAC, V. ZANG (L.), FFEC, 1995, pp. 152-197.
3
« L’intégration en Afrique de l’UDEAC à la V. BERNHEIM-DESVAUX (S.), « le droit de la
CEMAC », Revue Juridique et politique des Etats consommation entre protection du
francophones, Vol. 58, n°3, 2004, pp. 410-419. V. consommateur et régulation du marché »,
également à ce sujet KAGISYE (E.), Revue juridique de l’Ouest, N-S, 2013, p.47.

23
consommation s’est peu à peu délecté domaines du droit et de mettre sur pied
du code civil pour former un droit un marché commun7. Ceci ne pouvait se
autonome4 et spécial5. Cependant faire sans prendre en considération la
l’autonomisation est bien visible aussi protection du consommateur, qui est
bien en France, avec l’existence d’un incontestablement au centre de toute
code de la consommation distinct du activité économique.
code civil, que dans les pays de la Des lors, le champ matériel du droit de
CEMAC, qui ont défini sur le plan interne la consommation y a significativement
et communautaire un ensemble de été accru, au point de prendre ses
règles incarnées par des textes distances avec le code civil, notamment
spéciaux visant la protection du avec le droit commun des contrats et le
consommateur dans des domaines droit des obligations.
précis.
Cette distanciation s’est suivie d’une
Dès la création de la Communauté prolifération de règles spéciales
Economique et Monétaire de l’Afrique d’origine nationale et communautaire,
Centrale, les pays membres se sont applicables de toute évidence à des
6
assignés pour objectif d’uniformiser domaines spécifiques. Selon le
leurs règlementations dans plusieurs professeur Patrick LOWE GNINTEDEM,

4
Sur l’autonomie du droit de la consommation l’Afrique centrale […] afin d’établir en commun
en droit québéquois, lire MOORE (B.), « Sur les conditions d’un développement
l’avenir incertain du contrat de économique et social harmonieux dans le
consommation », Les cahier du droit, Vol. 49, n° cadre d’un marché ouvert et d’un
1, 2008, p. 5 et sv. environnement juridique approprié. V.
5
V. CALAIS-AULOY (J.), « L’influence du droit également l’Article 2 qui fixe comme objectif de
de la consommation sur le droit des contrats », l’union économique : a) renforcer la
Revue trimestriel de droit civil, Vol. 93, n° 2, compétitivité des activités économiques et
avril/juin 1994, pp. 239-254. financières en harmonisant les règles qui
6
V.Art. premier du chapitre I du traité instituant régissent leur fonctionnement. C) créer un
la communauté économique et monétaire de marché commun fondé sur la libre circulation
l’Afrique centrale : « Par la présente des biens, des services, des capitaux et des
convention, les hautes parties contractantes personnes.
7
créent entre elles l’union économique de V. Art 2 c).

24
la protection du client-consommateur textes régissant le crédit11, les
revêt un intérêt particulier si l’on communications électroniques12, le
considère qu’il peut bénéficier des commerce électronique13, les
règles spécifiques organisées par le assurances, le courtage immobilier, la
droit de la consommation8. Suivant une vente à distance, etc. Les législations
tendance qui n’est pas inédite9, « nationales relatives à la protection du
l’intérêt croissant pour la protection consommateur telles que la loi
consumériste s’est traduit par l’adoption camerounaise de 2011 et la loi
de textes spécifiques »10. tchadienne de 2015 ne sont valables que

Ce nouveau droit est en effet contenu sur le plan interne et ne peuvent donc

dans des textes spéciaux régissant des être évoquées à l’échelle

domaines particuliers du droit, et par communautaire.

conséquent s’applique uniquement aux Cependant le caractère spécial du droit


consommateurs relevant de ces de la consommation semble avoir été
domaines. remis en cause sur le plan

C’est le cas des dispositions protectrices communautaire, avec l’adoption de la

du consommateurs prévues par les Directive CEMAC du 8 avril 2019 portant

8
V. LOWE GNINTEDEM (P.J.), « Regard Règlement N°1-20/CEMAC/UMAC/COBAC du 3
consumériste sur la clientèle des juillet 2020 relatif à la protection des
établissements de micro finance », Revue consommateurs de produits et services
Trimestrielle du Droit Economique, 2017-1, bancaires dans la CEMAC.
12
janvier/mars 2017, p. 106. V. Décret N°2013/0399/PM du 27 février 2013
9
V. LEGRAND (V.), BAZIN-BEUST (D.), « Droit fixant les modalités de protection des
de la consommation / droit des contrats : le consommateurs des services de
bilan 20 ans après », Les Petites Affiches, n°75, communication électroniques au Cameroun, V.
15 avril 2015, p. 4. règlement N°21/08-UEAC-133-CM-18 relatif à
10
V. LOWE GNINTEDEM (P.J.), Ibidem. l’harmonisation des règlementations et des
11
V. Arrêté du MINFI du 13 janvier 2011 instituant politiques de régulation des communications
le service bancaire minimum garanti au électroniques au sein des Etats membres de la
Cameroun, Arrêté N° 14/MPEAT du 22 mai 1992 CEMAC.
13
portant protection du consommateur dans le V. Loi N°2010/O21 du 21 décembre 2010
domaine des crédits directs à la consommation régissant le commerce électronique au
en République gabonaise. V. également Cameroun.

25
harmonisation de la protection du Il nous est dès lors opportun de
consommateur au sein de la CEMAC. formuler l’hypothèse selon laquelle le

Il s’agit en effet d’un texte droit de la consommation en zone

communautaire entièrement consacré CEMAC est un droit hybride. Il est en

à la protection du consommateur14, et effet marqué par l’existence de

qui procède à la généralisation de cette dispositions contenues dans de textes

protection. En réalité, elle s’applique à spéciaux, qui préexistent un droit à

tous les consommateurs, sans portée générale, en gestation dans la

distinction relative à un domaine CEMAC. Sur cette base, la démarche qui

d’activité quelconque. Ce texte, de par sera suivie dans le cadre de cette étude

son caractère général, peut être consistera à démontrer l’émergence

appréhendé comme le droit commun d’un droit commun de la consommation

de la consommation dans la zone (I) et sa coexistence aux cotés de

CEMAC. dispositions incarnées par des textes


spéciaux (II).
Cet entremêlement entre droits
spéciaux d’une part et droit commun I. L’émergence d’un droit commun de

d’autre part dans le cadre de la la consommation en zone CEMAC

protection du consommateur nous Par droit commun, il conviendrait


amène à nous interroger sur l’identité d’entendre « les dispositions qui
du droit de la consommation en zone s’appliquent de façon générale, chaque
CEMAC. Quelle perception peut-on faire fois qu’une règle particulière n’y déroge
de la nature du droit de la pas »15.
consommation dans en zone CEMAC ?

14
V. Directive n° 1 /19-UEAC-639-CM-33 du 08 Aspects actuels du droit des affaires, mélanges
avril 2019 harmonisant la protection du en l’honneur d’Yves GUYON, Paris, Dalloz,
consommateur au sein de la CEMAC. 2003, p. 14.
15
V. POLLAUD-DULLIAN (F.), « Du droit
commun au droit spécial – et retour », in

26
La sécrétion des règles encadrant les L’on entend par règlementation
relations économiques entre institutionnelle un ensemble de règles
professionnels et consommateurs a applicables aux institutions en charge
longtemps été l’apanage des de la protection du consommateur et
législateurs nationaux au sein de la zone de la régulation des relations entre
CEMAC. La protection de ce dernier y a consommateurs et professionnels.
été consacrée dans un ensemble de Cette harmonisation a été instituée par
textes épars ; ce qui a longtemps la directive CEMAC de 2019, qui prévoit
généré la problématique de cohérence une règlementation communautaire
et de visibilité. Mais l’année 2019 va applicable aux institutions publiques (1)
marquer une nouvelle ère pour la et privées (2) en charge de la mise en
protection du consommateur avec œuvre du droit de la consommation.
l’arrivée de la Directive communautaire 1. De la règlementation des
relative à l’harmonisation de la institutions publiques
protection du consommateur dans la
La règlementation institutionnelle
CEMAC.
prévue par la directive CEMAC porte
Ce texte constitue un pas décisif vers la aussi bien sur la création des institutions
mise sur pied d’un droit commun de la publiques à caractère communautaire
consommation dans la zone CEMAC. que sur la mise sur pied des institutions
Elle promeut en effet l’harmonisation publiques à caractère national.
de la règlementation institutionnelle Pour ce qui est des institutions
(A), et la généralisation des règles publiques à caractère communautaire,
matérielle et procédurale en matière de le titre III de la Directive prévoit la mise
consommation dans la CEMAC (B). sur pied d’une instance communautaire

A. Vers l’harmonisation de la en charge de la politique de protection

règlementation institutionnelle du consommateur.

27
Ceci apparait comme étant une notamment un Conseil National de la
première en Afrique centrale. Par Consommation16.
ailleurs elle embraye sur ce qui pourrait La Directive CEMAC, bien que non
être considéré comme sa principale contraignante, prévoit néanmoins des
fonction, à savoir la supervision et la dispositions relatives dans un premier
coordination de la mise en œuvre de temps à leur statut et leurs missions, et
l’ensemble des dispositions de la dans un second temps à leur
présente Directive et la réception des composition et à l’exercice de leurs
actes nationaux y afférents. activités. Ces dispositions pourraient
Aux rangs des institutions publiques donc, si elles sont réceptionnées par
extracommunautaires, la Directive tous les pays membres de la CEMAC,
CEMAC institue à l’attention des constituer in extenso leur droit commun
différents Etats un Conseil national de la institutionnel en matière de
consommation, une Commission des consommation.
clauses abusives et une Commission de 2. De la règlementation des
la sécurité des consommateurs, qu’elle institutions privées
s’attelle à règlementer. De telles
Par institutions privées, l’on entend
institutions apparaissent certes pour la
l’ensemble des organismes émanant de
première fois dans un texte
la société civile et qui jouent un rôle non
communautaire qui prévoit en outre un
négligeable dans la protection des
cadre règlementaire y relatif, mais pas
droits des consommateurs.
en droit interne, car certains pays de la
communauté comme le Cameroun en Avant l’adoption de la directive CEMAC

disposaient déjà quelques-unes, relative à l’harmonisation de la

16
V. Décret N°2016/0003/PM du 13 janvier 2016
portant organisation et fonctionnement du
conseil national de la consommation.

28
protection des consommateurs, B. Vers la généralisation des règles
certains pays de la CEMAC disposaient matérielles17 et procédurales
déjà des organisations de la société De façon générale, le droit matériel
civile en charge de la protection des désigne l’ensemble des règles de fond18
consommateurs. Au Cameroun par applicables à une discipline. Il renvoie
exemple, il existe de nombreuses donc aux règles de droit substantiel19.
associations agréées qui militent en Dans l’espace CEMAC, l’on assiste de
faveur des droits des consommateurs. façon progressive à la mise sur pied
L’institutionnalisation d’un tel d’un droit commun matériel et
organisme par la Directive procédural en matière de
communautaire augure une nouvelle consommation. La Directive CEMAC de
ère pour la règlementation du droit de 2019 harmonisant la protection du
la consommation dans la CEMAC. En consommateur procède à la
réalité la directive communautaire ne se généralisation des droits
limite pas à la mise en place d’une telle fondamentaux et des principes
institution. Elle procède également à sa généraux du contrat de consommation
règlementation. Il revient dès lors aux (1), et à la systématisation d’un droit
pays membres de prendre les mesures communautaire procédural (2).
nécessaires pour donner pleinement
effet à la directive communautaire pour
une meilleure protection des
consommateurs.

17
V. GNIMPIEBA TONNANG (E.), Droit matériel Sophia Antipolis, 2004, p.36 pour d’amples
et intégration sous régionale en Afrique explications sur le droit matériel.
18
Centrale : contribution à l’étude du droit V. BOUTAYEB (C.), Droit matériel de l’Union
communautaire de la Communauté Européenne, 6ème éd., Paris, LGDJ, 2021, p. 15.
19
Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale V. CORNU (G.), (dir.), Vocabulaire juridique,
(CEMAC), Thèse de Doctorat, Université Nice Association Henry Capitant, Paris, PUF, 2018,
1136p.

29
1. L’harmonisation des droits Avant la Directive CEMAC de 2019, très
fondamentaux du consommateur et peu de pays de cet espace disposaient
des principes généraux du contrat d’un texte protecteur des droits
de consommation. fondamentaux du consommateur.

Le droit CEMAC de la consommation a Cette directive va donc consacrer et


longtemps été un droit disloqué, généraliser des droits fondamentaux
constitué d’un ensemble de règles applicables à tous les consommateurs
matérielles applicables chacune à un de la zone CEMAC, d’où sa qualification
domaine spécifique de la de « droit commun de la
consommation. L’avènement de la consommation ». Ceci est une
Directive CEMAC en 2019 a permis émanation du titre II de la directive
d’édicter un ensemble de droits intitulé « droits fondamentaux du
fondamentaux applicables à tous les consommateur et principes
consommateurs, mais également un directeurs ». Il prévoit en effet en son
ensemble de principes gouvernant tout article 3 un ensemble de droits
contrat de consommation conclu au fondamentaux20 dont ne jouissaient
sein de la CEMAC. quasiment pas21 les consommateurs au
sein de la CEMAC.

20
On dénombre 13 droits fondamentaux aux représentation des intérêts collectifs, le droit
rangs desquels : le droit à l’éducation, le droit à de constituer des associations, le droit de
l’information, le droit d’accès aux biens et participation aux processus de prise de
services essentiels, le droit à des modes de décision.
21
consommation durables, le droit à un En effet avant l’avènement de cette Directive
environnement sain, le droit à la protection CEMAC, très peu de pays de la communauté
contre les risques, le droit à la qualité des bien disposaient d’une couverture règlementaire
et des services, le droit à la protection et à la dont pouvaient se prévaloir les
promotion des intérêts économiques du consommateurs. Et le peu de textes existant,
consommateur, le droit à la protection de la vie aussi bien d’origine communautaire que
privée et des données à caractère personnel, le nationale, ne prévoyaient pas tous ces droits
droit à des recours appropriées et à des modes fondamentaux.
effectif de règlement de litiges, le droit à la

30
La directive prévoit par ailleurs un 2. La communautarisation de la
ensemble de principes directeurs22 qui règlementation procédurale
s’attèlent à conforter le consommateur Le législateur CEMAC ne s’est pas
dans la défense de ses droits. Ces contenté de définir et d’harmoniser la
principes, basés sur la prise en règlementation matérielle. En réalité, la
considération des intérêts et de la directive prévoit également une
vulnérabilité du consommateur règlementation procédurale devant
peuvent désormais être revendiqués permettre à tout consommateur de la
par n’importe quel consommateur au zone CEMAC de faire valoir ses droits.
sein de la CEMAC. Elle prévoit à cet effet une procédure
Le contrat de consommation n’est pas non judiciaire d’une part, et une
en reste car la directive lui consacre tout procédure judiciaire d’autre part, de
un titre, le titre V notamment. Il est résolution des litiges de consommation.
consacré à travers ce titre V les règles Relativement aux modes non
de formation, d’exécution et juridictionnels de règlement des litiges
d’interprétation du contrat de de consommation, la directive CEMAC
consommation. Le chapitre 3 du titre VI suggère aux Etats membres,
23
portant sur les clauses abusives l’institutionnalisation des procédures
constitue le substrat de la protection du amiables basées sur la conciliation,
consommateur. l’arbitrage ou la médiation.

22
V. Art. 4, qui consacre 8 principes directeurs du marché et des sanctions appliquées,
à savoir : la reconnaissance de la vulnérabilité l’impartialité et la transparence des institutions
du consommateur, la loyauté des pratiques en charge de la mise en œuvre de la législation
commerciales, l’équité dans les contrats et applicable aux consommateur, l’absence de
voies de recours, la prévention des atteintes discrimination dans l’application des
aux intérêts des consommateurs, la précaution dispositions en vigueur.
23
en cas d’incertitude scientifique sur les dangers Cette disposition consacre à titre indicatif un
et les risques liés à un bien ou un service, la ensemble de 27 clauses abusives.
proportionnalité des mesures de surveillance

31
Selon la présente directive, la CEMAC se soumis les Etats membres. En effet elle
réserve le privilège de définir les précise en son article 156 alinéa 1 que
conditions de recours aux modes non « les Etats membres sont tenus de
juridictionnels de règlement des litiges prendre les mesures destinées à faciliter
de consommation. A cet effet, il est l’accès des consommateurs individuels
prévu des critères d’admissibilité qui devant les tribunaux chargés du
s’articulent autour de la nature du règlement des litiges de
règlement proposé, des conditions consommation ».
d’accès, des règles de procédure A cet effet, elle appelle les Etats à
prévues, de la composition de l’organe établir des tribunaux ou des chambres
chargé du règlement des litiges, de la spéciales au sein des tribunaux existant
prise de décision et de l’effet de la chargées exclusivement du règlement
décision prononcée. des litiges de consommation, tout en
L’action collective est également prise leur suggérant certaines mesures de
en compte par la directive qui reconnait nature à renforcer la protection du
le droit à l’autorité chargée de la consommateur24.
coordination des activités liées à la II. La cohabitation entre « droit
surveillance et aux associations de commun » et « droit spécial » en
consommateurs ainsi que la qualité matière de consommation en zone
d’agir devant les tribunaux compétents CEMAC
dans l’optique de faire valoir les droits
Comme nous venons de le voir, ce qu’il
des consommateurs.
convient d’entendre par droit commun
Pour ce qui est du règlement de la consommation dans les pays de la
juridictionnel des litiges, la directive fait CEMAC est un corps de règles émanant
état d’une obligation à laquelle sont essentiellement de la directive CEMAC

24
V. Art. 156 alin. 2.

32
de 2019. Il s’agit donc d’un droit en consommateur que dans un domaine
gestation qui subit la concurrence de particulier. C’est le cas par exemple du
nombreux textes spéciaux préexistant Règlement COBAC R-2020/05 du 20
(A). Cette cohabitation révèle juillet 2020 relatif aux obligations
cependant une certaine portée (B). spécifiques des établissements

A. L’affirmation des règles de droit assujettis pour la protection des

spécial consommateurs dans le cadre de la

Par règles spéciales, il convient fourniture des services de paiement, du

d’entendre celles qui sont attachées à Règlement COBAC R-2020/06 du 20

une matière déterminée, et qui juillet 2020 relatif au traitement des

s’appuient sur les notions contenues réclamations des consommateurs des

dans le droit commun pour exister25. produits et services bancaires dans la

Dans l’espace CEMAC, le droit commun CEMAC, du Règlement

de la consommation, bien qu’en N°01/20/CEMAC/UMAC/COBAC du 03

gestation, est côtoyé par un ensemble juillet 2020 relatif à la protection des

de textes spéciaux d’origine consommateurs des produits et

communautaire (1) et nationale (2). services bancaires dans la CEMAC pour

1. La mise en œuvre des règles ne citer que ceux-ci.

spéciales d’origine communautaire Dans le cadre spécifique des services de


Les règles spéciales d’origine paiement, le législateur communautaire
communautaire sont celles élaborées outrepasse les règles communes
par le législateur CEMAC, mais qui ne prévues par la directive de 201926,
garantissent la sécurité du élabore un droit spécial applicable

25 26
V. MAUCLAIR (S.), Recherche sur V. la directive N° 1/19-UEAC-639-CM-33 du 8
l’articulation entre droit commun et droit avril 2019, harmonisant la protection du
spécial en droit de la responsabilité civile consommateur au sein de la CEMAC.
extracontractuelle, Thèse de Doctorat,
Université d’Orléans, 2011, p. 15.

33
exclusivement aux consommateurs des du règlement CEMAC du 3 juillet 2020,
services de paiement dans la CEMAC27. élabore un mécanisme spécifique de
C’est ainsi que le Règlement COBAC de traitement des réclamations des
2020/05 sus évoqué, prise en consommateurs30.
application du règlement CEMAC du 3
1. La mise en œuvre de règles spéciales
juillet 2020 ci- dessus, institue d’une
d’origine nationale
part des obligations spécifiques en
termes d’authentification, de Les règles spéciales d’origine nationale

protection du consentement et sont généralement édictées en

d’exécution des opérations de complément du droit commun qui,

paiement28, et d’autre part des parfois, fait montre d’un vide juridique.

exigences spécifiques visant à garantir C’est le cas par exemple en matière de

la sécurité du consommateur dans communication électronique. Le

l’usage des instruments de paiement29. législateur communautaire a, à travers


un ensemble de textes
Par ailleurs, le Règlement COBAC de communautaires31, fixé le cadre
2020/05, pris également en application

27
V. Art. 1 du règlement. les régimes juridiques des activités de
28
V. Chapitre I du règlement. communication électroniques, La Directive
29
V. Chapitre II du règlement. N°08/08-UEAC-133-CM-18 du 19 décembre 2008
30
V Règlement COBAC R-2020/06 du 20 juillet relative à l’interconnexion et à l’accès des
2020 relatif au traitement des réclamations des réseaux et des services de communications
consommateurs des produits et services électroniques dans les pays membres de la
bancaires dans la CEMAC. CEMAC, La Directive N° 07/08-UEAC-133-CM-18
31
V. Règlement N° 21/08-UEAC-133-CM-18 du 19 du 19 décembre 2008 fixant le cadre juridique
décembre 2008 relatif à l’harmonisation des de la protection des droits des utilisateurs de
règlementations et des politiques de réseaux et de services de communication
régulation des communications électroniques électronique au sein de la CEMAC et La
au sein des Etats membres de la CEMAC, La Directive N° 06/08-UEAC-1-33-CM-18 du 19
Directive N° 10/UEAC-133-CM-18 du 19 décembre 2008 fixant le régime du service
décembre 2008 harmonisant les modalités universel dans le secteur des communications
d’établissement et de contrôle des tarifs de électroniques au sein des Etats membres de la
services de communication électroniques au CEMAC.
sein de la CEMAC, La Directive N° 09/O8-UEAC-
133-CM-18 du 19 décembre 2008 harmonisant

34
juridique des communications Elle définit le consommateur des
électroniques dans la zone CEMAC. services de communication
Mais aucun de ces textes ne mettait en électronique comme « toute personne
exergue des dispositions spécifiques qui utilise ou demande un service de
relatives à la protection du communication électronique accessible
consommateur des services de au public à des fins autre que
télécommunication. Des textes professionnelles »33. Elle innove en ce
d’origine nationale ont été adoptés à sens qu’elle prévoit des dispositions
cet effet. C’est le cas du Cameroun avec spécifiques dont l’objet est de garantir
l’adoption de la loi n° 2010/013 du 21 des droits, non pas aux utilisateurs tout
décembre 2010 régissant les court34, mais aux consommateurs
communications électroniques et du spécifiquement35.
décret n° 2013/099 /PM du 27 février Elle leur accorde en effet un ensemble
2013 fixant les modalités de protection de droits, notamment le droit à un
des consommateurs des services de contrat d’abonnement, dont le modèle
communication électroniques. est préalablement validé par l’ART
Cette loi de 2010 constitue au Cameroun (Agence de régulation des
le socle de la protection du télécommunications)36, et un ensemble
consommateur des services de
communication électroniques32.

32 34
V. KALIEU ELONGO (R.), « Réflexion sur la Comme l’a fait la Directive N° 07/08-UEAC-
notion de consommateur en droit 133-CM-18 du 19 décembre 2008 fixant le cadre
camerounais : à propos de la soumission des juridique de la protection des droits des
personnes morales à la loi portant protection utilisateurs de réseau et de services de
du consommateur », in YAMAGA (S.) (dir.), La communication électroniques dans les pays de
protection du consommateur au Cameroun : la CEMAC, qui envisage une protection globale
Principes, Enjeux et Perspectives, Yaoundé, Le de l’utilisateur, sans tenir compte de la
Kilimandjaro, 2018, p.22. vulnérabilité du consommateur.
33 35
V. Article 5 alin. 17. V. Chapitre VII de la loi.
36
V. Art. 51.

35
de droits supplémentaires37 visant à pays de la CEMAC suscite de
renforcer leur protection face aux nombreuses difficultés dont la première
professionnels du domaine. Des textes est l’appréhension de la notion de
similaires ont été adoptés par les autres consommateur. La définition de cette
pays membres de la CEMAC, notion n’est pas la même selon qu’on se
notamment le Tchad38. réfère à certains textes spéciaux ou à la

B. La portée de la cohabitation entre législation commune. En effet la

« droit commun » et « droit directive CEMAC de 2019 relative à

spécial » en zone CEMAC l’harmonisation de la protection du

Le dualisme normatif en matière de consommateur dans les pays de la

consommation dans les pays de la CEMAC semble aller en contradiction

CEMAC suscite incontestablement des avec certains textes spéciaux,

interrogations quant à l’articulation de notamment la loi de 2010 régissant les

ces différents droits (1). Il convient tout communications électroniques au

compte fait de préciser que les textes Cameroun et l’arrêté de 2011 instituant

spéciaux en matière de consommation un service bancaire minimum garanti au

dans les pays de la CEMAC contribuent Cameroun.

au maintien de la prévisibilité et de la La loi de 2010 régissant les


cohérence du droit (2). communications électroniques au
1. La difficile articulation du droit Cameroun consacre une conception
commun et des règles spéciales restrictive39 du consommateur. Elle le

Le foisonnement des législations définit en effet comme « toute personne

spéciales et de droit commun dans les physique qui utilise ou demande un


service de communication électronique

37 39
V. Art. 52. V. KALIEU ELONGO (Y.R.), Idem.
38
V. Art. 27 et 28 de la Loi N°013/PB/2014 portant
régulation des communications électroniques
et des activités pastorales

36
accessible au public à des fins autres que ou utilise pour la satisfaction de ses
professionnelles »40. Allant dans ce besoins non professionnels des produits,
même sens, l’arrêté de 2011 portant biens ou services qui sont destinés à son
institution du Service bancaire usage personnel ou familial ou à l’usage
minimum garanti définit le d’une collectivité. Concernant les
consommateur comme « toute personnes morales, le juge leur étendra la
personne physique dans la clientèle des définition du consommateur au cas par
particuliers qui, dans le cadre des services cas, en considération de leur faiblesse
visés par le présent arrêté, agit dans un économique et de leur vulnérabilité
but non commercial et qui a sa résidence effective »43. Selon cette directive,
principale au Cameroun »41. Cette peuvent avoir la qualité de
conception restrictive semble jalonner consommateurs aussi bien les
les domaines spécifiques du droit que personnes physiques que les personnes
sont le domaine bancaire et celui des morales. Ceci va en opposition de la loi
communications électroniques42. de 2010 et du décret de 2011 sus

Contrairement à ces textes spéciaux qui évoqués, qui n’attribuent la qualité de

consacrent une conception restrictive consommateur qu’aux seules

du consommateur, la directive CEMAC personnes physiques.

de 2019 harmonisant la protection du Au regard de ces divergences


consommateur consacre une textuelles, il serait donc difficile
conception extensive dans la mesure où d’établir une nette articulation entre les
elle définit le consommateur comme textes spéciaux et le texte général.
« toute personne physique qui acquiert

40 41
V. Art. 5 de le Loi n°2010/013 du 21 décembre V. Art. 2 l’Arrêté N° 0000005/MINFI du
2010 régissant les communications 13janvier 2011 portant institution d’un service
électroniques au Cameroun. bancaire minimum garanti.
42
V. KALIEU ELONGO (Y.R.), Idem.
43
V. Art. 2 sur la notion de consommateur.

37
2. Le maintien de la prévisibilité et de la Pour défendre efficacement ses droits,
cohérence du droit le consommateur doit donc pouvoir

La prévisibilité et la cohérence sont à avoir accès aux normes juridiques qui

notre sens deux principes qui doivent au préalable faire l’objet de

contribuent inéluctablement à la publication.

sécurité juridique. Cette dernière peut Les droits spéciaux existant en matière
être définie comme « une garantie ou de consommation dans les pays de la
une protection tendant à exclure, du CEMAC contribuent à la réalisation de
champs juridique, le risque d’incertitude cet objectif, dans la mesure où ils
ou de changement brutal dans complètent et enrichissent le droit
l’application »44. commun, qui présente parfois des vides

La prévisibilité, que sous-tend la juridiques.

sécurité juridique45, signifie que les Les règles spéciales apparaissent donc
règles de droit ne doivent régir que des comme un rempart contre l’application
actions futures afin de permettre aux arbitraire du droit. Selon le Professeur
justiciables de prévoir les conséquences Patrick LOWE GNINTEDEM, « la
juridiques de leurs actes et de leurs combinaison des règles de droit commun
actions46. et des règles particulières du droit
permet en général de dégager un régime

44
V. KDHIR (M.), « Vers la fin de la sécurité par les sujets de droit dont il favorise la
juridique en droit français ? », LPA, p.9. V. réalisations ». V. PIAZZON (T.), La sécurité
également PACTEAU (B.), « La sécurité juridique, Thèse de Doctorat, Université Paris II,
juridique, un principe qui nous manque ? », 2006, p. 150. V. également BERGEL (J.-L.), « La
AJDA, 1995, p. 151. sécurité juridique », Revue du Notariat, Vol 10,
45
Selon Thomas PIAZZON, la sécurité juridique n°2, septembre 2008, pp. 271-285.
46
est « l’idéal de fiabilité d’un droit accessible et V. NADEAU (M.), « Perspective pour un
compréhensible, qui permet aux sujets de droit principe de sécurité juridique en droit
de prévoir raisonnablement les conséquences canadien : les pistes du droit européen », RDUS,
juridiques de leurs actes ou comportement, et 2009-10, p. 516.
qui respecte les prévisions légitimes déjà bâties

38
de protection appréciable pour la communautaire d’harmonisation du
clientèle pouvant bénéficier du statut de droit laisse augurer l’émergence d’un
consommateur »47. droit commun en matière de

Conclusion consommation, qui imprègne ses


marques dans tous les pays membres,
Le droit de la consommation dans les
au grand plaisir des consommateurs.
pays de la CEMAC a longtemps été
appréhendé comme un droit spécial au Le droit de la consommation dans la

regard de sa distanciation d’avec les zone CEMAC est donc effectivement un

règles du droit des contrats et du droit droit hybride, marqué par la présence

des obligations contenues dans le code de dispositions spéciales, qui

civil français, jadis considérés comme préexistent un droit commun en pleine

droit commun. gestation. Ce mutualisme juridique,


bien que présentant à certains égards
Cette spécificité a été marquée par une
des inconvénients lors de la mise en
protection contenue dans des textes
œuvre du droit, revêt
spéciaux à caractère national et
incontestablement un intérêt pour la
communautaire. Mais l’initiative
sécurité juridique des consommateurs.

47
V. LOWE GNINTEDEM (P.J.), « Regard établissements de microfinance », op. cit., p.
consumériste sur la clientèle des 134.

39
LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DANS LES MÉDIAS CAMEROUNAIS
Par
METCHUM NDASSI Blandine
Doctorante en Droit des Affaires et des Entreprises / Université de Dschang

INTRODUCTION camerounais. Ces derniers, dans la


production de l’information, portent
La question de la protection de la vie
souvent atteinte à ce droit qui pourtant
privée dans les médias Camerounais se
bénéficie d’un régime de protection
pose avec acuité. En effet, depuis la
spécifique. Il convient d’emblée de
libéralisation de la communication
définir les termes clés du sujet pour
sociale au Cameroun1 avec l’avènement
mieux l’appréhender.
des nouvelles technologies de
l’information et de la communication, BALLÉ F. conçoit le média comme étant
l’on assiste de nos jours à de multiples « un équipement technique qui permet
formes d’expression susceptibles de aux hommes de communiquer
porter atteinte à certains droits l’expression de leur pensée, quelles que
fondamentaux à l’instar de la vie privée. soient la forme et la finalité de cette
expression2. Les médias désignent
En effet, la protection de la vie privée
l’ensemble des outils de
est un aspect des droits de la personne
communication. Il s’agit notamment de
et par conséquent un droit
la presse, de la radio, de la télévision, de
fondamental. La vie privée est
l’internet et des réseaux sociaux.
aujourd’hui un véritable sésame pour
les citoyens et hommes de médias

1 2
Cette libéralisation découle de manière BALLΕ (F.), Médias et société, presse
générale de la loi de 1990 relative à la liberté de audiovisuelle, télécommunication et internet,
communication sociale au Cameroun. 11ème éd., Paris Montchrestien, 2003, p.69.

40
Les médias bénéficient d’une place l’Homme conclut que : « La notion de
privilégiée dans la vie des citoyens. vie privée est une notion large non
susceptible d’une définition
Ils ont plusieurs rôles à jouer dans une
exhaustive »3. Ainsi, la vie privée peut
société démocratique notamment le
est appréhendée comme « un concept
rôle d’information, de formation,
juridique qui rassemble de multiples
d’éducation, de divertissement, de
manifestations de la protection de
sensibilisation à travers des débats
l’intimité de l’individu et de l’expression
d’intérêt général etc. Ces rôles sont
de ses choix de vie dans un cadre public
aujourd’hui l’apanage des
ou professionnel »4. Elle renvoie
professionnels des médias que sont les
essentiellement à ce qu’il y’a d’intime,
journalistes d’une part et des citoyens
de secret ou privé pour un individu ou
d’autre part.
toute personne qui en est bénéficiaire.
Cependant bien que les médias soient
Parler du droit au respect de sa vie
d’une importance incontestable dans la
privée revient donc à parler du droit
société actuelle, il ne faut pas perdre de
d’être laissé tranquille, de tenir les tiers
vue les dérives dont ils sont à l’origine
à la lisière de sa vie privée5. C’est aussi le
notamment la désinformation, la
droit d’être en retraite avec sa famille,
propagation des discours de haines etc.
son foyer, son domicile ; en ce sens on
En l’absence d’une définition légale de
parlera de secret ou de l’intimité de la
la vie privée, la doctrine et la
vie privée. En d’autres termes, la vie
jurisprudence se proposent d’en
privée désigne la sphère d’intimité
donner une. Ainsi, dans l’affaire Pretty,
réservée à chaque individu et protégée
la Cour Européenne des Droits de

3
C.E.D.H, 25 avril 2002, p.61. P.233. Cité par KAMENI (G.-M.), La vie privée en
4
BIOY (X), op Cit, p.476. droit Camerounais, Thèse, Université de
5
GARÉ (T), Droit des personnes et de la famille, Toulouse, 2013, p. 46.
ème
3 éd. 2004, Montchrestien, focus droit,

41
contre les intrusions extérieures, en ce qu’elles protègent distinctement
qu’elles proviennent des autres les différents aspects qui constituent le
individus ou même de l’État. cadre d’exercice de la vie privée7. C’est
ainsi que le préambule8 de la
Le Cameroun ne dispose pas de textes
constitution camerounaise pose
spécifiques protégeant la vie privée des
clairement le principe de l’inviolabilité
personnes6. Malgré cela, la protection
du domicile et du secret de la
de la vie privée est proclamée aussi bien
correspondance. Il ressort également
au niveau national par la constitution
de cette constitution que : « chacun a
qu’à l’échelle internationale, mais les
droit au respect de sa vie privée et
limites sont aussitôt fixées. Si elle ne
familiale ». Cette position est partagée à
ressort pas explicitement de la
l’article 9 du code civil français.
constitution camerounaise, les textes
internationaux à l’instar de la La vie privée est également encadrée au
Déclaration Universelle des Droits de Cameroun par des textes législatifs
l’Homme le consacrent explicitement. notamment la loi relative à la
cybersécurité et cybercriminalité qui
Sur le plan national, bien que
dispose que : « toute personne a droit au
l’expression « vie privée » ne soit pas
respect de sa vie privée9 ». Pour assurer
expressément mentionnée dans la
l’effectivité de ce droit, le code pénal
constitution, on doit cependant
camerounais sanctionne, notamment
reconnaitre que le cadre de sa
sous le qualificatif de la diffamation, de
protection est bien fixé par les
violation de domicile ou de violation du
dispositions de la norme fondamentale

6
Ibidem., p.19. préambule fait partie intégrante de la
7
TCHABO SONTANG (H.-M.), « Le droit à la vie constitution ».
9
privée à l’ère des TIC au Cameroun », Revue des Cf. art. 41, loi n°2010/012 relative à la
droits de l’homme, n°17, 2020, p.3. cybersécurité et cybercriminalité au Cameroun.
8
Il faut préciser que d’après l’article 65 de la
constitution de la république du Cameroun, « le

42
secret de correspondance, les atteintes privée des morts, aujourd’hui, elle
à l’honneur et à la vie privée des semble soutenir la position différente.
individus. Une autre préoccupation concerne les

Ainsi, il est de l’obligation de l’État de personnes morales, car si le texte

garantir à chacun le respect de sa vie affirme « toute personne », ne s’agit-il

privée sans distinction aucune. C’est la pas en l’occurrence des personnes

position affirmée par la Déclaration des physiques ? La question des véritables

droits de l’homme et du citoyen qui titulaires de la vie privée se pose donc

dispose que : « La garantie des droits de avec acuité.

l’homme et du citoyen nécessite une Par ailleurs, le problème du contenu de


force publique : cette force est donc la notion de vie privée se pose encore
instituée pour l’avantage de tous, et non aujourd’hui. Tout semble faire partie de
pour l’utilité particulière de ceux la vie privée, même les notions qui de
auxquels elle est confiée »10. prime à bord semblaient autonomes et

Définir la notion de vie privée soulève traitées différemment se rapprochent

de nombreuses difficultés. Ces de la « vie privée ». Au regard de ces

dernières résultent de multiples préoccupations, la vie privée se

préoccupations soulevées par la présente comme une notion

protection de la vie privée. indéterminée tant du point de vue de


ses titulaires que de son contenu.
La question se pose d’ores et déjà de
savoir si l’être humain bénéficie Ainsi, si l’on admet unanimement que

toujours de la protection de la vie privée toutes les personnes physiques sont

ou plutôt de la protection de sa titulaires du droit à une vie privée, on a

mémoire ou sa sépulture. En effet, si par encore du mal à reconnaître aux

le passé, la jurisprudence a admis la vie personnes morales le droit à une vie

10
Art. 12 de la D.D.H.C de 1789.

43
privée. Pourtant, les personnes morales au lendemain. On peut entre autres
bénéficient de plusieurs prérogatives citer le domicile, le nom, la nationalité,
exercées par leurs représentants la famille11, l’image, la voix, les données
investis à cet effet. personnelles12, la vie sentimentale, les

S’agissant de son contenu, la vie privée croyances religieuses, habitudes de vie,

a un contenu large qui s’étend du jour l’état de santé, la fortune, etc.

11
Il ressort du préambule de la constitution du structures élémentaires de la parenté, Paris,
Cameroun que « La nation protège et encourage éd. PUF, 1949, P.1 et s.
12
la famille, base naturelle de la société humaine ». La notion de donnée à caractère personnel
Généralement, la famille est perçue comme un est fille de la révolution numérique car, elle est
groupe de personnes réunies par un fait spécialement « développée en réponse à la
biologique (la parenté), un acte juridique menace que pouvaient représenter les
(mariage, adoption) ou un comportement technologies de l’information pour les libertés
social (concubinage). CARBONNIER Jean individuelles et sur la vie privée ». C’est ainsi
l’appréhende sous un angle binaire. qu’elle est présentée comme « le socle de la
Sociologiquement, d’une part, la famille protection des personnes dans l’univers
désigne selon lui, non seulement toute complexe et numérique ». Par définition, une
personne liée par le sang et éventuellement les donnée à caractère personnel désigne toute
alliés, mais également un ensemble de information relative à une personne physique
personnes vivant dans le même foyer. identifiée ou identifiable directement ou
Juridiquement d’autre part, en l’absence d’une indirectement ; par référence à un numéro
définition de la notion de famille dans le Code d’identification ou à un ou plusieurs éléments,
civil applicable au Cameroun, encore moins propres à son identité physique, physiologique,
dans le Code civil Français, le doyen Carbonnier génétique, psychique, culturelle, sociale ou
y voit un groupe élémentaire formés économique. Bien que le Conseil
d’individus qui relient entre eux des faits constitutionnel français ait conclu que la
biologiques, union de sexes, procréation, protection des données à caractère personnel
descendance d’un auteur commun. V. est une composante de la vie privée, il ne faut
CARBONNIER Jean, In Droit Civil : Introduction. pas perdre de vue que certains aspects de la vie
Les personnes. La famille, l’enfant, le couple, privée échappent au qualificatif de donnée à
Paris, 1ère éd. Quadrige/PUF, 2004, p. 757 et s. caractère personnel. Cette dernière présente
Selon LEVY STRAUSS, la famille est une union un degré d’autonomie par rapport à la vie
plus ou moins durable et socialement privée dans son sens classique. Cf. TCHABO
approuvée de deux individus de sexes SONTANG (H.-M.), « Le droit à la vie privée à
différents qui fondent un ménage, procréent et l’ère des TIC au Cameroun », op.cit., p.4.
élèvent des enfants. V. LEVY STRAUSS (C), Les

44
Pour mieux comprendre et traiter ce A. Les aspects de la vie privée
sujet, il convient de poser la protégés
problématique de l’étendue de la La vie privée a un champ d’application
protection de la vie privée. En effet, la très large et s’étend du jour au
protection de la vie privée dans les lendemain. On peut citer comme
médias camerounais est-elle absolue ? éléments de la vie privée : le domicile, le
Pour répondre à cette problématique, il nom, la nationalité, la famille , l’image, la
convient de noter que bien qu’on voix, les données personnelles, la vie
assiste à l’aménagement controversé sentimentale, les croyances religieuses,
du régime de protection de la vie privée habitudes de vie, l’état de santé,
au sein des médias camerounais (I), il fortune, etc. Ces éléments constitutifs
est cependant admis de nombreuses de la vie privée aussi larges comme on
dérogations au nom du droit à peut le constater ne seront pas tous
l’information (II). traiter. Nous nous contenterons de

I. L’aménagement controversé du traiter uniquement les aspects qui

régime de protection de la vie privée interviennent couramment dans le

dans les médias domaine des médias. Ces aspects


concernent la protection de l’image et
La protection de la vie privée dans les
des informations confidentielles.
médias camerounais est controversée
par le fait que les différents aspects de Le droit à l’image n’est pas limité dans le

la vie privée protégés (A) et les temps car il ne disparaît pas, même

mécanismes de protection institués par après le décès de l’intéressé. Le droit à

le législateur Camerounais connaissent l’image n’est expressément cité par

des limites. aucun texte en droit camerounais.

Il s’agit d’une construction


jurisprudentielle au même titre que la

45
vie privée13. L’image est devenue surprise que la défenderesse se soit
omniprésente dans les pratiques et servie de l’une de ses photos pour orner
dans le cadre de la production de son calendrier publicitaire de l’année
l’information au sein des médias. 1974 ; que n’ayant jamais donné son

Sa capture est devenue banale et de accord, la défenderesse avait violé le

plus en plus fréquente dans la société droit attaché à sa personnalité, le droit

de l’information. Sa question se pose en de la personne sur son image étant un

des termes clairs : quel est droit de la personnalité ».

véritablement le cadre légal de Le tribunal statuant publiquement,


production et de diffusion des images ? contradictoirement, en matière civile et
En effet, le droit à l’image désigne le en premier ressort ; met hors de cause
droit que chacun possède sur la la maison d’édition Hello Cachan et
reproduction de sa propre image. condamne l’auteur du cliché, l’agence

La question du droit à l’image s’est Rapho qui ne s’est pas assurée de

posée pour la première fois au l’autorisation de la personne

Cameroun dès les années 1970 avec photographiée.

l’affaire YOMBA Madeleine14. Dans Il faut dire que la position du juge rejoint
cette affaire, dame YOMBA poursuit les celle de MAZEAUD qui pense
Brasseries du Cameroun en justice pour que : « c’est l’auteur seul, et non
publication, exposition ou reproduction l’imprimeur ou l’éditeur, sauf
des traits ou du portrait de sa personne circonstances spéciales, qui est
sans son consentement. responsable pour avoir utilisé une

Devant le tribunal, elle estime que « lors personne comme personnage de roman

de son séjour en France, elle avait été présenté sous un jour par sympathique,

13 14
CORNU (G), P. 35, cité par KAMENI (G.-M.), La T.G.I de Yaoundé, jugement n°61 du 11 mai
vie privée en droit camerounais, p.113. 1976, inédit.

46
ou pour avoir commis une contrefaçon S’agissant des informations
d’affiche ou maquette »15. confidentielles, la loi de 2010 interdit

La détermination du domaine du droit à toute interception ou diffusion à travers

l’image a donné lieu à une jurisprudence les termes suivants : « interdiction est

abondante surtout lorsque la personne faite à toute personne physique ou

se trouve dans un lieu public ou privée. morale d’écouter, d’intercepter, de

Lorsque la personne se trouve dans un stocker les communications et les

lieu public, ce droit est moins étendu données relatives au trafic y afférent,

parce que son droit sur son image doit ou de les soumettre à tout autre moyen

être concilié avec d’autres d’interception ou de surveillance, sans

considérations. Toute personne peut le consentement des utilisateurs

s’opposer à sa photographie dans un concernés, sauf lorsque cette personne

lieu public mais la probabilité est très y est légalement autorisée »16.

réduite. Par contre, la reproduction et la Cette interdiction est aussitôt assortie


diffusion de l’image dans un lieu privé des limites. En effet, la loi prévoit des
sont subordonnées au consentement cas d’autorisation en matière de preuve
de la personne concernée. numérique d’une communication

Malgré toutes ces précisions, le droit à électronique par exemple17.

l’image connait de nombreuses La loi n°98/014 du 14 juillet 1998


atteintes de nos jours surtout dans les régissant les télécommunications au
médias sociaux où on observe un laisser Cameroun dispose à son tour
- aller dans tous les sens. que : « toute personne admise à
participer à l’exécution d’un service de

15 16
MAZEAUD (H.), Traité théorique et pratique Art. 44 de la loi de 2010.
17
de la responsabilité civile, délictuelle et Ibidem. Art.45.
contractuelle, n°515.6 bis, Paris Montchrestien,
1970, p.1151

47
télécommunication qui viole le secret que : « Nul ne sera l’objet d’immixtions
d’une correspondance ou qui sans arbitraires ou illégales dans sa vie privée,
l’autorisation de l’expéditeur ou du sa famille, son domicile ou sa
destinataire, divulgue, publie ou utilise le correspondance, ni d’atteintes à son
contenu de ladite correspondance est honneur et à sa réputation. Toute
punie des peines prévues à l’article 300 personne a droit à la protection de la loi
du code pénal »18. contre de telles immixtions et de telles

En plus de la protection des aspects de atteintes ». Cet instrument exprime

la vie privée dans les médias, il existe ainsi une volonté universelle sur un

également plusieurs mécanismes de minimum de principes et de normes

protection. relatifs aux droits de l’homme.

B. Les mécanismes de protection La Charte africaine des droits de

institués l’homme et des peuples, quant à elle,


proclame la protection de la vie privée
Plusieurs mécanismes de protection de
en ces termes : « La personne humaine
la vie privée dans les médias furent
est inviolable. Tout être humain a droit
institués. Cette protection est assurée
au respect de sa vie et à l’intégrité
par les instruments juridiques à
physique et morale de sa personne. Nul
caractère national et international
ne peut être privé arbitrairement de ce
d’une part, et d’autre part à travers les
droit »19. « Tout individu a droit au
organes juridictionnels.
respect de la dignité inhérente à la
Sur le plan international, la Déclaration personne humaine et à la reconnaissance
Universelle des Droits de l’Homme du 10 de sa personnalité juridique… »20.
décembre 1948 dispose en son article 12

18
V. art. 53 al.1er de la loi de 98 précitée. 20
Art.5 ibidem.
19
V. art.4 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples.

48
Cette charte insiste aussi sur la la constitution déjà citée, cette
protection de la famille qui regorge une protection s’opère par les sanctions qui
intimité, une vie privée en précisant s’appliquent en cas d’atteinte à la vie
que : « la famille est l’élément naturel et privée, le rôle des juridictions n’est pas
la base de la société. Elle doit être cependant à négliger.
protégée par l’État, qui doit veiller à sa La protection civile de la vie privée se
21
santé physique et morale » . manifeste à travers les sanctions
Toujours sur le plan africain, l’on peut prévues en cas d’abus. Ainsi, lorsque les
citer la Convention de l’Union africaine conditions de la responsabilité civile
sur la cybersécurité et la protection des sont remplies, la victime est en droit de
données personnelles22 dont l’un des réclamer les dommages et intérêts. En
principaux objectifs, tels que déclinés effet, l’action en réparation du
dans son préambule, est de « mettre en préjudice est exercée par la victime.
place, dans chaque État partie, un La réparation est généralement faite en
dispositif permettant de lutter contre les argent par l’octroi des dommages-
atteintes à la vie privée susceptibles intérêts. Le principe en matière
d’être engendrées par la collecte, le délictuelle est celui de la réparation
traitement, la transmission, le stockage intégrale du dommage. Cependant, il
et l’usage des données à caractère peut arriver que la victime ait joué un
personnel ». rôle dans la réalisation du préjudice en
Sur le plan national, plusieurs commettant par exemple une faute.
mécanismes permettent de protéger la Dans cette hypothèse, la responsabilité
vie privée dans les médias. En dehors de sera partagée entre l’auteur et la

21
Art. 18 para .1 de la CADHP. l’Union. Cette convention n’est pas encore
22
Cette convention a été adoptée à Malabo, en entrée en vigueur à cause du nombre
Guinée Équatoriale, le 27 juin 2014, lors de la insuffisant des ratifications.
23ème session ordinaire de la conférence de

49
victime. En cas de pluralité d’auteurs, On peut cependant énumérer : la
les coauteurs du même dommage violation de domicile23 ; la violation de
seront tenus solidairement correspondance24 ; la diffamation25 et
responsables ; c’est-à-dire que chacun l’injure26 etc. Il convient de rappeler que
pourra être condamné à payer la ces sanctions ont une fonction
totalité. dissuasive c’est- à - dire que le

La protection civile connaît des limites législateur à travers ces sanctions vise à

et peut être accompagnée par les décourager les éventuels délinquants.

sanctions pénales La protection pénale La loi de 2010 précitée sanctionne


de la vie privée dans les médias également certains aspects de la vie
camerounais se matérialise par le privée à l’instar de l’atteinte à l’image et
prononcé des peines contre les aux données confidentielles. Ainsi,
contrevenants. Cette protection est l’article 75 prévoit des peines
encadrée de manière générale par le d’emprisonnement de deux (02) à cinq
code pénal camerounais et plus (05) ans et une amende d’un million (1.
spécifiquement par la loi de 2010 sur la 000. 000) à cinq millions (5. 000 000) de
cybersécurité et la cybercriminalité. En FCFA à celui qui enregistre et diffuse à
effet, les sanctions d’atteinte à la vie but lucratif, par la voie de
privée renvoient à titre principal à des communication électronique ou d’un
peines privatives de liberté et des système d’information sans le
amendes d’une part et à des peines consentement de l’intéressé, des
accessoires. images portant atteinte à l’intégrité

Ainsi, plusieurs sanctions aux atteintes corporelle.

à la vie privée ressortent du code pénal.

23 25
Art. 299 du code pénal. Art. 305 ibidem.
24 26
Art.300 ibidem. Art.307 ibidem.

50
L’image des mineurs est également La protection judiciaire de la vie privée
protégée. Ainsi la loi punit d’un ressort de la loi de 2010 relative à la
emprisonnement de trois (03) à six (06) cyber sécurité et cybercriminalité en ces
ans et d’une amende de cinq millions (5. termes : « Toute personne a droit au
000. 000) à 1dix millions (10. 000 000) respect de sa vie privée. Les juges
FCFA toute personne qui fixe, peuvent prendre les mesures
enregistre ou transmet à titre onéreux conservatoires, notamment le séquestre
ou gratuit l’image présentant les actes et la saisie en vue d’empêcher ou de faire
de pédophilie sur un mineur par voie de cesser toute atteinte au droit à la vie
communications électroniques ou d’un privée »28.
système d’information27. A l’évidence, le droit au respect de la vie
S’agissant des données confidentielles, privée n’est pas absolu. Il connait ainsi
l’article 74 prévoit une peine des dérogations.
d’emprisonnement allant d’un (01) à II. L’admission des dérogations au
deux (02) ans et d’une amende d’un droit à la vie privée dans les médias
million (1. 000. 000) à cinq millions
Bien que la protection de la vie privée
(5. 000. 000) FCFA, quiconque, au
soit reconnue comme une restriction
moyen d’un procédé quelconque porte
légitime au droit à l’information, il
atteinte à l’intimité de la vie privée
existe bien des circonstances ou alors
d’autrui en fixant, enregistrant ou
des hypothèses dans lesquelles le droit
transmettant, sans le consentement de
à l’information prédomine sur la vie
leur auteur, des données électroniques
privée.
ayant un caractère privé ou
confidentiel. Par-là, on comprend aisément que le
droit à la vie privée n’est pas absolu et
par conséquent, il peut s’effriter face

27 28
Art. 80 al. 1 ibidem. Art. 41 de la loi de 2010 précitée.

51
aux nécessités de l’information sous vices. Ainsi, si une partie donne son
certaines conditions. autorisation pour que son image soit

En effet, la protection de la vie privée se diffusée ou publiée, elle ne peut en

fragilise en cas de consentement donné retour invoquer l’atteinte à sa vie

par la personne concernée (A) et aussi privée.

en cas de nécessité de l’information (B) Elément subjectif par excellence et en


précisément lorsque celle-ci a un tant que manifestation de la volonté, le
caractère d’intérêt général ou encore consentement occupe une place
lorsque les nécessités de l’actualité prépondérante dans le conflit qui
imposent la divulgation des aspects de oppose le droit à l’information à la
la vie privée. protection de la vie privée. En

A. Une dérogation justifiée par le effet, chacun a droit au respect de sa vie

consentement des intéressés privée et l’autorisation apparait comme


l’exception qui fait échec à la mise en
En règle générale, les informations
œuvre de toute protection29.
relatives à la vie privée ne devraient pas
être rendues publiques sans le La résolution du conflit ne soulève

consentement de la personne aucune difficulté particulière si

concernée. Le consentement est un l’intéressé a lui-même consenti à ce que

élément important pour déterminer si la presse ou un média quelconque

la publication d’un détail de la vie privée s’empare d’éléments de sa vie privée.

porte atteinte au droit à la vie privée. Le Il ne saurait juridiquement se prévaloir


consentement des parties peut être d’une quelconque atteinte suite à une
exprès ou tacite et doit être exempt de diffusion qui, en raison de cette

29
Le consentement est l’une des conditions de
validité du contrat issues de l’art. 1108 du code
civil.

52
autorisation, est devenue parfaitement Plus généralement, les personnalités
licite30. publiques sont des personnes qui ont

L’application de ce principe un rôle à jouer dans la vie publique, qu’il

directement lié au caractère légitime de s’agisse de la politique, de l’économie,

l’indiscrétion ne peut faire l’objet des arts, de la sphère sociale, du sport

d’aucune critique. Le consentement est ou autres.

donc nécessaire pour légitimer toute La vie des personnalités publiques est
immixtion dans la vie privée. Ainsi, la devenue une denrée très lucrative pour
jurisprudence française avait admis en certains médias. Les cibles sont pour la
1970 que si chaque individu a droit au plupart ces personnalités publiques
respect de sa vie privée et peut être puisque les détails de leur vie privée
fondé à obtenir réparation au cas où il y servent à doper les ventes. Pourtant,
serait, il n’en était pas moins reconnu ces personnalités devraient savoir que
que « la personne privée a seule le droit la position qu’elles occupent dans la
de fixer les limites de ce qui peut être société, souvent par choix, entraîne
publié sur sa vie intime, en même temps automatiquement une pression accrue
que les circonstances et les conditions sur leur vie privée.
dans lesquelles ces publications peuvent En effet, la doctrine admet facilement
31
intervenir » . que les personnages publics, du fait
Le consentement peut également être même qu’ils sortent du cercle restreint
tacite. C’est le cas fréquemment de leur vie privée, se retrouvent en état
observé chez les personnalités de représentation permanente, ce qui
publiques. Il s’agit des personnes impliquerait un consentement tacite à
occupant des fonctions publiques et/ou la relation de faits relatifs soit à une
utilisant des ressources publiques. activité publique, soit à leur vie

30 31
KAMENI (G.-M.), op. Cit. p. 151. CA. Paris, 17 mars 1966, D, 1966, JP p.749.

53
professionnelle. Alors, l’on peut en la publication de cette image »33, ce qui
déduire que « l’autorisation de publier n’est pas toujours le cas. Le
est considérée comme tacitement consentement peut donc être tacite ou
donnée lorsque la volonté de livrer sa exprès.
personnalité au public parait évidente, C’est la position de la Cour d’appel de
« … ». Il en est ainsi en dehors des Paris qui retient que : « les souvenirs de
hommes politiques, des acteurs, des la vie privée d’un individu appartiennent
personnalités du monde des arts et à son patrimoine moral. Nul n’a le droit
autres qui non seulement tolèrent, mais de les publier, même sans intention
32
recherchent la publicité » . malveillante, sans l’autorisation expresse
Il y’a lieu de considérer que et non équivoque de celui dont on
l’autorisation tacite concerne aussi bien raconte la vie ». Quelques soient les
la réalisation et la publication des circonstances ayant précédé la
photographies que celles d’articles divulgation, quel que soit le sujet
relatant des éléments relevant de la vie principal de l’article, le juge applique
privée des intéressés. indifféremment le même

Dans l’analyse critique qu’il donne à la raisonnement.

théorie du consentement tacite, La protection de la vie privée des


RAVANAS, indique que « prétendre que hommes publics est également limitée
la personne représentée autorise dans le du fait de l’actualité. En effet, c’est dans
cadre de sa vie publique, la reproduction l’intérêt du public, à être informé, que
de son effigie, c’est reconnaitre, par là se situe la publication.
même et à contrario, qu’elle avait le
pouvoir de s’opposer à la réalisation et à

32 33
SARRAUTE (R.), « Le respect de la vie privée RAVANAS (J.), L’image d’un bien saisi par le
et les certitudes de la gloire », In Gdp, 1966, droit, D.n°2, P.169.
spéc, n°6 p.13.

54
Ainsi, KAYSER critique l’idée largement B. Une dérogation justifiée par les
répandue selon laquelle la licéité des nécessités du droit à l’information
investigations et des publications Le droit à l’information est une limite
concernant la vie publique d’une légitime à la protection de la vie privée.
personne seraient fondées sur son Le terme « information » s’analyse
consentement tacite. Il affirme ainsi comme l’acte par lequel sont rendus
que les activités publiques des publics certains faits ou certaines
personnes a-t-on soutenu peuvent être opinions. Mais le support de diffusion
l’objet d’investigations et de ne doit pas être ignoré.
divulgations licites parce qu’en sortant
Ainsi, l’information est entendue
du cercle de leur vie privée, elles
comme l’acte par lequel sont rendus
donnent un consentement tacite à ces
publics certains faits ou certaines
investigations et à des divulgations.
opinions au moyen de supports visuels
Cette explication repose sur une fiction ou auditifs34. Ces procédés de diffusion
car la personne qui sort de sa vie privée de l’information que l’on a coutume de
pour se livrer à une activité publique ne rassembler sur le vocable de « médias »
songe pas à donner son consentement sont actuellement la presse écrite, la
à la divulgation de cette activité. Elle radio, la télévision, l’internet et les
pense moins encore à donner son médias sociaux.
autorisation à des recherches relatives à
Le droit à l’information désigne la
ces activités publiques.
possibilité à toute personne de
Une seconde dérogation s’impose à la rechercher, de traiter et de diffuser les
vie privée et se justifie cette fois par les informations quel que soit le support et
nécessités du droit à l’information. sans considération de frontière.

34
AGOSTINELLI (X), Le droit à l’information face Cité par KAMENI (G.-M.), La vie privée en droit
à la protection civile de la vie privée, 1994, p.60. Camerounais, op. Cit, p. 130.

55
Il s’entend dans deux sens en ce qui l’article 19 de la constitution
concerne ces sujets. camerounaise qui dispose que : « Toute

Dans son sens actif, ce droit appartient personne a droit à la liberté d’opinion et

de prime à bord au droit des d’expression ; ce droit inclut le droit de

journalistes35 à l’information et dans un ne pas être inquiété pour ses opinions et

sens passif au droit du public à celui de chercher, de recevoir et de

l’information. répandre, sans considération de


frontières, les informations et les idées
Les journalistes se présentent alors
par quelques moyens d’expression que ce
comme les premiers bénéficiaires de ce
soit ».
droit en ce sens qu’il leur revient
l’obligation de rechercher et de La reconnaissance au plan international

communiquer les informations au d’un droit à l’information a été l’une des

public. Ce droit est consacré aussi bien toutes premières préoccupations de

par les textes à valeur nationale l’Organisation des Nations Unies. Ce

qu’internationale. droit à l’information tire son fondement


juridique sur le plan international de la
Sur le plan national, il est déplorable de
Déclaration Universelle des Droits de
remarquer qu’au Cameroun, il n’existe
l’Homme (DUDH) et du Pacte
aucun texte spécifique au droit à
International relatif aux Droits Civils et
l’information. On retrouve cependant
Politiques (PIDCP). Sur le continent
dans des textes épars quelques
africain, ce droit est consacré par la
garanties. Le droit d’accès à
l’information peut alors être déduit de

35
Le décret de 2002 fixant les modalités de a pour occupation principale et rétribuée, des
délivrance de la carte de presse désigne tâches effectives de rédaction, de reportage, de
comme journaliste en son article 2 : « Toute collecte et de traitement de l’information, pour
personne qui, sur la base de ses facultés le compte d’un ou de plusieurs supports
intellectuelles, de sa formation ou de ses talents, médiatiques»

56
Charte Africaine des Droits de l’Homme son choix ». L’alinéa 3 du même article
et des Peuples (CADHP). poursuit en précisant que : « L’exercice

Ces instruments juridiques ont été de ces libertés comportant des devoirs et

ratifiés par bon nombre d’États africains des responsabilités peut être soumis à

dont le Cameroun. certaines formalités, conditions,


restrictions ou sanctions prévues par la
S’agissant de la DUDH, son article 19
loi ».
dispose que : « Tout individu a droit à la
liberté d’opinion et d’expression, ce qui Il ressort de ces principes qui ont été

implique le droit de ne pas être inquiété adoptés dans le PIDCP et la CADHP, que

pour ses opinions et celui de chercher, de la faculté d’avoir une opinion, un point

recevoir et de répandre, sans de vue, une conviction et de l’exprimer

considération des frontières, les c’est- à - dire de la faire connaître, est un

informations et les idées par quelque droit fondamental lié à l’essence même

moyen d’expression que ce soit ». Cette de l’homme. Ce droit fondamental de

déclaration consacre ainsi le droit l’homme se manifeste d’une part par la

d’informer et d’être informé sans recherche de l’information et d’autre

considération de frontière. part par le désir inné de recevoir des


informations venant de partout sans
L’article 19 alinéa 2 du PIDCP prévoit à
restriction.
son tour que : « Toute personne a droit à
la liberté d’expression ; ce droit Le droit à l’information met ainsi en

comprend la liberté de rechercher, de difficulté la protection de la vie privée

recevoir et de rependre des informations ainsi qu’on peut le constater en mettant

et des idées de toute espèce, sans en jeux les deux aspects de ce droit.

considération de frontières, sous une S’agissant du droit à l’information des


forme orale, écrite, imprimée ou journalistes, ces derniers sont en droit
artistique, ou par tout autre moyen de de traiter des sujets qui intéressent la

57
vie en société. Pour ce fait, il est donc médiatiques. Il s’agit par exemple des
impossible de traiter des différents situations relatives à l’exploitation
aspects de la vie en société sans pour sexuelle et commerciale des enfants,
autant faire appel aux aspects de la vie les enfants de la rue, le travail des
privée. enfants, leur éducation etc. le

Le journaliste est ainsi appelé à traiter journaliste dans le traitement de ces

des sujets relatifs à la vie en société sujets doit s’abstenir de porter atteinte

notamment les sujets d’ordre politique, à l’image du mineur. En effet, le

économique, social, culturel etc. journaliste a l’obligation de protéger


l’anonymat de l’enfant surtout lorsque
Cependant, le journaliste bien qu’étant
celui-ci est victime ou simple témoin.
libre de traiter les informations doit
observer une certaine prudence dans le La rigueur de cette protection s’impose

cadre du traitement des sujets sensibles lorsque le mineur est victime d’une

notamment ceux relatifs au droit des agression sexuelle, d’un viol ou lorsqu’il

mineurs. En effet, cette mesure de est impliqué dans les affaires d’inceste.

prudence découle du fait que les Cette obligation de protéger

mineurs sont considérés comme la l’anonymat des mineurs ressort

couche sociale vulnérable. clairement du guide de la FIJ qui dispose


que : « les journalistes s’abstiendront de
Il est donc recommandé de traiter de
toute identification visuelle inutile
tels sujets avec beaucoup de précaution
d’enfants et, le cas échéant, (…) useront
en vue de ne pas compromettre leur
de pseudonymes dans leurs interviews ».
droit dans l’avenir.
Cette position semble être en
En effet, les sujets relatifs aux enfants
contradiction avec la CDE36, qui sans du
font l’objet de nombreux traitements

36
Il s’agit de la Convention des Nations Unies convention a été adoptée par l’Assemblée
relatives aux droits de l’Enfant (CDE). Cette générale des Nations Unies en 1989. Elle a été

58
tout penser au travail des médias, peuvent à juste titre l’intéresser, attirer
affirme que « l’enfant est aussitôt son attention ou le toucher de manière
enregistré à sa naissance et a dès celle- significative. Les domaines jugés
ci le droit à un nom »37. d’intérêt public sont de façon non

Plusieurs mesures pratiques exhaustive l’abus d’une charge

permettent d’assurer l’anonymat dans publique à des fins personnelles, la

un reportage médiatique. Il s’agit sécurité et l’environnement, la

notamment pour ce qui est des protection de la sécurité nationale, la

reportages télévisés des voix « off » ; criminalité et les comportements

des enregistrements hors caméras ; la sociaux ainsi que des sujets politiques et

prise de vue dans la pénombre ; les socio-économiques similaires38.

plans montrant l’interlocuteur de dos ; Les journalistes peuvent par exemple


des traits de visages rendus flous et voix publier les informations sur la vie privée
modifiée par des manipulations lorsqu’elles sont d’une valeur telle
électroniques. qu’elles peuvent être utilisées pour

L’intérêt du public constitue également débattre d’un sujet d’intérêt public39.

une dérogation au droit à la vie privée. Ainsi, les journalistes peuvent réutiliser,
D’une manière générale, l’intérêt public pour les publier, des informations
concerne des questions sensibles qui relatives à la vie privée déjà rendues

39
ratifiée par tous les pays du monde à C’est d’ailleurs ce qui ressort de l’article 75 al.
l’exception de quelques-uns. Les diverses 2 de la loi de 2010 qui précise bel et bien que « le
obligations qu’elle contient relèvent de la présent article (art. 75 al.1) n’est pas applicable
responsabilité directe des États signataires. lorsque l’enregistrement et la diffusion résultant
Mais plusieurs d’entre elles impliquent les de l’exercice d’une profession ayant pour objet
médias et les journalistes quant à leur d’informer le public ou sont réalisés afin de servir
application concrète. de preuve en justice conformément aux
37
V. art. 7 de la CDE. dispositions du code de procédure pénale ».
38
Lignes directrices sur la protection de la vie
privée dans les médias p.10.

59
publiques par la personne concernée. les dirigeants d’une part et d’autre part
Dans l’affaire Krone Verlag Gmbh et Co. d’avoir connaissance des faits
KG c. Autriche40, un journaliste a pris une d’actualité afin de se faire son opinion.
photo d’un homme politique sur le site Il est cependant difficile de définir
internet du parlement et l’a utilisée afin clairement l’intérêt public car l’on
d’illustrer un article révélant qu’il aurait risque d’exclure certaines questions ou
reçu des salaires illégaux. Les d’en proposer une définition trop
journalistes peuvent également étroite. La décision de publier ou non
réutiliser des informations et des des informations à caractère personnel
photographies des particuliers qui ont sur un personnage public ou une
été initialement publiées avec leur personne privée dépendra toujours des
consentement, dans la mesure où ces circonstances de l’espèce.
informations sont d’un intérêt public
Les journalistes devraient donc
légitime.
appliquer le test de l’intérêt public et
Si le droit à la protection de la vie privée chercher, pour chaque affaire, un juste
des personnes se trouve limité par le équilibre entre les arguments pour ou
droit à l’information du journaliste, ce contre la divulgation41. Pour évaluer
droit serait davantage limité lorsqu’il l’intérêt public, les journalistes devront
entre en concurrence avec le droit du déterminer en priorité si le reportage
public à l’information. d’information peut contribuer à un
En effet, le public a un grand intérêt à débat d’intérêt général et non à
recevoir l’information. Cette dernière chercher à savoir s’ils parviendront à
permet au public d’avoir connaissance atteindre pleinement cet objectif.
de la gestion de la chose publique par

40 41
Krone Verlag GmbH & Co. KGc. Autriche, Lignes directrices sur la protection de la vie
n°34315/96, 26 février 2002. privée dans les médias p.10.

60
L’intérêt public s’applique, entre autres, informations sur la vie privée d’autrui
à des sujets susceptibles de soulever est de se demander si le reportage
une controverse considérable ou qui contribue à un débat d’intérêt général.
concernent un problème qui pourrait Ce concept n’est pas sensiblement
intéresser le citoyen. Il ne peut être différent du concept d’intérêt public, de
réduit à sa soif d’information sur la vie sorte qu’une contribution à un débat
privée des autres, ni au goût du lecteur d’intérêt général définit l’objectif d’un
pour le sensationnalisme, voire le « intérêt public ».
voyeurisme. Ainsi, l’examen de quelques exemples
Si un article est publié dans le seul but tirés de la jurisprudence de la Cour de
de satisfaire la curiosité du lecteur sur cassation française permet de mieux
les détails de la vie privée d’une rendre compte de la réalité.
personne, cet article ne peut pas être Dans l’affaire Couderc et Hachette
considéré comme contribuant à un Filipacchi Associés France43, un magazine
débat d’intérêt général. français avait publié un reportage sur
En Europe, le législateur estime que les l’enfant conçu hors mariage par le
informations doivent être diffusées prince Albert II de Monaco. La
quand elles sont « d’intérêt général ». publication de ces informations a servi
Ce terme remplace la notion de l’intérêt du public d’être informé des
« nécessités de l’actualité »42. L’intérêt règles de succession qui pourraient
général justifie également l’atteinte à la empêcher les enfants nés hors mariage
vie privée. En effet, le principal critère de succéder au trône. En outre, les
qu’un journaliste doit examiner pour membres de la famille du monarque
décider s’il peut publier des font également partie de l’histoire

42 43
Voir KAMENI (G.-M.), La vie privé en droit Couderc et Hachette Filipacchi Associés c/
camerounais, op. Cit., p. 127. France (GC), n°40454/07, 10 novembre 2015.

61
contemporaine ; leur vie présente donc La Cour a jugé que le fait de relater les
un intérêt public. expériences personnelles du veuf

Dans l’affaire White c.Suède44, deux survivant et d’aborder des questions

journaux ont publié une série d’articles ayant trait à la sécurité des patients

dans lesquels diverses infractions constituait un aspect important des

pénales avaient été imputées à Antony soins de santé et avait le mérite de

White par un certain nombre de soulever de sérieux problèmes d’intérêt

sources, y compris le meurtre de public.

l’ancien premier ministre suédois Olof Dans une affaire Schweizerische Radio-
Palme en 1986. La Cour a estimé que le und Fernsehgesellschaft SRG c. Suisse46,
meurtre non résolu d’Olof Palme et la une prison a refusé à une chaine de
procédure d’enquête étaient des sujets télévision de réaliser une interview
d’intérêt et de préoccupation télévisée d’un prisonnier purgeant une
suffisamment graves pour intéresser le peine pour meurtre. Le média avait eu
public. l’intention de diffuser l’interview dans

Dans l’affaire Selistö c. Finlande45, un l’un des programmes les plus anciens de

journaliste a été condamné à une la télévision Suisse.

amende pour avoir diffamé un La Cour a déclaré qu’il ne faisait aucun


chirurgien en écrivant deux articles doute qu’un reportage sur un meurtrier
alléguant qu’un patiente était décédée qui avait été reconnu coupable mais qui
parce qu’il avait consommé de l’alcool avait toujours clamé son innocence
pendant la nuit précédant l’opération. attirait l’attention du public et

44 46
White c/Suède, n°42435/02, 19 septembre Schweizerische Radio- und
2006. Fernsehgesellschaft SRG c.Suisse, n°34124/06, 21
45
Selistö c/Finlande, n°56767/00, 16 novembre juin 2012.
2004.

62
contribuait au débat général sur le bon protégées à l’exemple du droit à
fonctionnement du système de justice. l’information et notamment le droit du

En définitive, les développements public à l’information. Le consentement

précédents ont permis de comprendre exprès ou tacite est également admis à

que la vie privée bénéficie certes d’une titre de dérogation au droit à la vie

protection en droit camerounais. Mais privée dans les médias camerounais.

cette protection connait de Cependant, au regard de nombreuses

nombreuses dérogations dans les atteintes portées à la vie privée de

médias. manière large, l’on s’interroge sur


l’avenir de ce droit que le législateur
Ces dérogations sont légalement
camerounais tarde à encadrer
admises en vue de concilier la vie privée
clairement le régime.
avec d’autres valeurs légalement

63
LA GESTATION POUR AUTRUI : ENTRE DROIT ET ETHIQUE
Par
De DASSE DJUMETA Curie
Doctorante en Droit Privé / Université de Dschang

INTRODUCTION Les trois premiers procédés précités


Les techniques de reproduction étaient utilisés jusqu’à ce qu’on se
artificielle (TRA) ont connu une rende compte qu’elles ne résolvaient
expansion à l’aube de la décennie 1980 pas les problèmes d’infécondité de
à la suite de la venue au monde du tout toutes les femmes, notamment celles
premier « bébé éprouvette » au qui souffraient d’une infertilité
Royaume-Uni deux ans plutôt. Cet irréversible, d’où la venue de la GPA.
enfant du nom de Louis Brown est né
Le législateur camerounais a adopté
par le concours d’une fécondation in
une loi relative à la PMA le 14 Juillet
vitro (FIV) qui est l’une des techniques
2022. Cette loi1 définit la GPA à son
d’assistance médicale à la procréation
article 3 comme le « statut dans lequel
(AMP).
une femme, appelée mère porteuse,
Il y en a d’autres comme l’insémination accepte de porter et de mettre au
artificielle (IA), l’injection monde un enfant à la demande d’un
intracytoplasmique de spermatozoïdes couple ».
(ICSI) et la GPA ou maternité pour autrui
Elle peut également être appréhendée
(MPA) qui ont vu le jour pour pallier au
sous l’angle contractuel comme une
problème d’infertilité.
convention par laquelle une femme
accepte de porter une grossesse par

1
Ce même texte à son article 48 prohibe la
pratique de la gestation pour autrui au
Cameroun.

64
assistance médicale dans le but de GPA voient en cette technique une
remettre le bébé à l’accouchement à sorte d’aide à la réalisation d’un droit :
une autre femme considérée comme la le droit à reproductif (II). Il est tout à fait
mère biologique de l’enfant né. Ainsi, la paradoxal de réaliser qu’un même fait
GPA représente-elle une aliénation des puisse arborer à la fois autant les
droits humains ou alors une aide à avantages que les inconvénients.
l’accomplissement du droit à la
I. La GPA, une forme d’atteinte à la
reproduction ?
dignité humaine
La GPA est la technique de PMA qui
Le terme dignité vient du latin
implique le plus grand nombre de
« dignitas » qui signifie honorabilité,
personnes dans son processus de
considération, estime, mérite, ou du
réalisation2 et celle également qui crée
verbe « decere », c’est-à-dire convenir,
le plus de polémiques tant d’ordres
être convenable. La dignité est la
juridiques qu’éthiques.
gravité noble qui inspire la
Ces polémiques ont fait naître des clans.
considération et commande le respect.
D’un côté on a les partisans de la GPA et
La dignité de la personne humaine est
de l’autre côté les personnes qui font
une valeur protégée tant par les
défense à la pratique de cette
technique artificielle de reproduction.

Les seconds soutiennent ainsi que la


GPA est une aliénation aux droits
humains par le fait de son atteinte à la
dignité humaine (I) et les premiers pro-

2
D’un cas à un autre on peut se retrouver avec mariée, la donneuse d’ovocytes et le donneur
six personnes impliquées dans un processus de de spermatozoïdes, le père et la mère
GPA : la gestatrice et son conjoint si elle est d’intention.

65
instruments juridiques internationaux3 avilissant et donc indigne, ceci pour
que nationaux des États4. plusieurs raisons : la GPA contrevient au
principe d’indisponibilité de la personne
Selon la philosophie kantienne dans
humaine (A) et par ailleurs représente
l’ouvrage les Fondements de la
une atteinte à l’intérêt de l’enfant (B).
Métaphysique des mœurs d’Emmanuel
Kant paru en 1785, la dignité est le fait A. Une atteinte au principe de
que la personne ne doit jamais être l’indisponibilité de la personne
traitée seulement comme un moyen, humaine
mais toujours aussi comme une fin en
On peut entendre de l’indisponibilité du
soi5.
corps humain comme le principe
Il est donc contraire à la dignité
juridique posant les limites à la libre
humaine le fait de se torturer ou de
disposition de soi, principe selon lequel
torturer autrui, de se suicider ou de
le corps humain ne serait pas une chose
commettre un meurtre, ou dans
pouvant faire l’objet d’un contrat ou
l’hypothèse de la GPA de se dégrader
d’une convention.
moralement ou de dégrader les autres6.
Ce principe est énoncé dans le code civil
Selon les opposants de la GPA, l’acte
camerounais à l’article 1128 comme
d’enfantement pour autrui est un acte
suit : « il n’y a que les choses qui sont

3 4
Les textes comme la Déclaration Universelle Il s’agit ici principalement de la constitution
des Droits de l’Homme (DUDH) du 10 qui selon la hiérarchie des normes juridiques de
Décembre 1948 qui martèle encore et encore le Hans Kelsen vient en première position et est
principe de la dignité humaine tant dans le suivie des instruments internationaux comme
préambule que dans les dispositions. On a la ceux cités à la note précédente.
5
Charte des Nations Unies encore appelé Charte “Agit de telle sorte que tu traites l’humanité
de San Francisco entrée en vigueur le 24 aussi bien dans ta propre personne que dans la
Octobre 1945. On a en Afrique la Charte personne de toute autre toujours en même
africaine des droits de l’homme et des peuples temps comme une fin et jamais simplement
adoptée le 27 Juin 1981 et entrée en vigueur le comme un moyen”.
6
21 Octobre 1986, en Europe la Convention Christophe Salvat, « L’éthique à l’épreuve de
européenne des droits de l’homme entrée en la gestation pour autrui (GPA) », Editions
vigueur le 3 Septembre 1953. Raison publique, n°23, 2018, p. 162.

66
dans le commerce qui puissent être personne par la GPA fut-ce elle altruiste
l’objet des conventions ». Les ou commerciale.
opposants de la GPA estiment que cette
Pour Sylviane Agacinski, la GPA est un
technique porte atteinte à ce principe
commerce dégradant qui « porte
de l’indisponibilité de la personne
atteinte à l’intégrité physique de la
humaine à plusieurs égards.
mère, en engageant profondément sa
Premièrement, l’atteinte au principe à vie organique et psychique sans
travers la chosification ou la réification nécessité thérapeutique »7.
du corps de la femme. En effet la
La GPA comporte dans sa réalisation un
femme, ici connue sous le nom de
risque d’exploitation et de
gestatrice ou de mère porteuse est
marchandisation du corps des femmes.
considérée comme un incubateur, un
La plupart des gestatrices sont
ventre ou plus précisément un utérus
généralement des femmes aux revenus
en location. Certains auteurs comme
réduits sortant des milieux sociaux
Gérard Abitbol, doyen de l’Union des
défavorisés. Avant que l’accès aux
avocats européens, vont encore plus
services de la GPA ne soit interdit aux
loin en parlant d’annihilation de la
étrangers en Inde par exemple, ce pays
personne humaine par la GPA. Il
était l’une des destinations préférées au
propose une condamnation ferme de la
monde car on y trouvait facilement une
GPA car selon lui une femme ne peut
femme pauvre dans une banlieue qui
être utilisée simplement comme un
voudrait réaliser le désir d’enfant d’un
moyen procréatif, au vue de
couple moyennant une somme
l’indisponibilité de son corps, il s’agirait
d’argent.
sinon de l’anéantissement de sa

7
Sylviane Agacinski : « la gestation pour autrui
est un commerce dégradant », La Croix, 16 avril
2009.

67
Ce même phénomène de « tourisme pour permettre au couple receveur de
procréatif »8 se retrouve dans bien faire établir un lien de filiation à son
d’autres États comme la Californie aux égard, que l’enfant soit conçu avec ses
États-Unis où les textes sont favorables propres gamètes ou à partir des
à la gestation pour autrui. gamètes du couples receveur »10.

Secondement, la GPA porte atteinte au Le contrat est défini comme « une


principe de l’indisponibilité du corps convention par laquelle une ou
humain à travers la chosification de plusieurs personnes s’obligent, envers
l’enfant à naître. La GPA vue sous une ou plusieurs autres, à donner, à
l’angle contractuel est une convention faire ou ne pas faire quelque chose »11.
selon laquelle une femme porte une L’article 1128 précité stipule qu’il n’y a
grossesse afin de remettre le bébé à que les choses qui peuvent faire l’objet
l’accouchement à d’autres personnes. d’un contrat. Le contrat de GPA est
La GPA ou encore maternité de l’une des rares conventions qui réunit
substitution peut dans un définition tous les types d’obligations
plus large désigner tout un ensemble de contractuels à la fois.
pratique consistant, généralement à9 «
D’abord, l’obligation de faire pour la
obtenir d’une femme, gratuitement ou
gestatrice qui est le fait de mener à bien
moyennant rémunération, qu’elle porte
la grossesse jusqu’à son terme ou
un enfant pour un autre, en
s’engageant à le confier à la naissance

8
Clotilde Brunetti-Pons, « Le « tourisme Internationale Interdisciplinaire, n°73, 2017,
procréatif », porte ouverte au trafic d’enfants p.92.
10
et d’exploitation de la misère ? », les cahiers de François Terré et Dominique Fenouillet, Droit
la justice, n°2, 2016, pp. 249-264. civil : la famille, paris, Dalloz, 8ème éd., 2011, p.
9
Richard Ouedraogo, « Saisir les enjeux de la 756.
11
maternité de substitution sous le prisme de la Définition tirée du code civil camerounais à
théorie générale du contrat : quelles son article 1101.
perspectives en France et au Québec ? », Revue

68
d’avorter si les parents d’intention le Certains opposants de la GPA trouvent
souhaitent. d’ailleurs que cette technique est une
nouvelle forme d’esclavage, de traite
Ensuite l’obligation de ne pas faire
des humains bien organisée, une
quelque chose qui se matérialise par le
nouvelle forme d’exploitation de
fait que de par l’état de gestation de la
l’homme par l’homme.
mère porteuse, elle ne peut ni manger
ni boire tous les aliments qu’elle D’un côté, on a les parents d’intention
souhaite au cours de la grossesse à très riches et les centres de fertilité, et
l’exception des aliments expressément de l’autre la gestatrice en situation
indiqués. d’indigence et enfin l’enfant objet du
contrat. Sylviane Agacinski qui est une
Lors de la gestation, la mère porteuse a
féministe différentialiste et philosophe,
complètement sa vie sous tutelle du
voit en la GPA une transgression, car à
médecin ou des parents d’intention, elle
travers elle, la logique du marché
peut même se voir être interdite d’avoir
s’accapare des relations humaines à
un quelconque rapport sexuel jusqu’au
travers la location des ventres, l’achat
terme de la grossesse. Enfin l’obligation
des bébés.
de donner qui se matérialise par la
remise du nouveau-né aux parents Il s’agit pour elle d’une apologie de la
commanditaires. toute-puissance de l’argent et de
l’exploitation de la femme. Elle milite
Il s’agit donc de cet acte de remise qui
pour le maintien de l’interdiction de la
pose le problème de la chosification de
GPA en France et plus encore pour une
l’enfant. Il est ici traité comme une
abolition internationale et universelle
chose, une marchandise, une
de la GPA ceci plus encore lorsque
commande à livrer moyennant une
l’intérêt de l’enfant n’est pas forcément
somme d’argent.
garanti après sa naissance.

69
B. Une pratique susceptible L’acte de livraison de la commande de
d’attenter à l’intérêt de l’enfant l’enfant a valu une autre définition de
l’abréviation GPA notamment
Au-delà de la réification de l’enfant
Grossesse Pour Abandon. Grossesse
comme susmentionnée, (enfant
pour abandon d’une part à cause du lien
acheté, traité non pas comme un être
in utero encore appelé lien materno-
humain mais comme une chose, un
fœtal tissé entre la gestatrice et l’enfant
bien, un objet à vendre, une
dans le ventre et d’autre part la
marchandise commandée12, fabriquée,
séparation directe de la mère et l’enfant
facturée, payée et ensuite livrée) la GPA
à la naissance.
comporte d’autres aspects qui mettent
en péril l’intérêt de l’enfant. Le Professeur Roger Henrion, membre
de l’académie nationale française de
La GPA est définie par certains
médecine parle dans le sens de la
opposants de cette technique comme
première hypothèse d’« un dialogue
une Grossesse Pour Achat. Selon eux la
subtil, très élaboré mais encore mal
gestatrice est mise en contact avec les
connu, qui se produit entre mère et
parents d’intention par les centres de
enfant par l’intermédiaire du placenta. Il
fertilité pour la commande d’un enfant
est donc difficile de nier l’importance
qu’ils ont effectué, afin que la gestatrice
des acquis prénataux »13.
porte leur enfant et le leur livre à
l’accouchement ceci moyennant une Il s’agit du problème de la rupture de
somme d’argent. cet attachement prénatal qui se crée

12 13
Marie-France Bureau et Edith Guilhermont, Roger Henrion, « Gestation pour autrui : le
« Maternité, gestation et liberté : réflexions sur pour, le contre », Hommes et Libertés n° 147,
la prohibition de la gestation pour autrui en juillet-août-septembre, 2009, p. 47.
droit québécois », Revue de droit et santé de
McGill, vol.4, n°2, 2011, p. 53.

70
entre le bébé et sa mère lors de la satisfaction du désir d’autrui, celui des
gestation. porteurs du projet parental.

Les opposants à la GPA trouvent que la En outre, on a l’atteinte à la filiation de


séparation de l’enfant de sa mère l’enfant dans la plupart des situations
gestative à la naissance est susceptible de GPA. La filiation est la chose la plus
de créer des séquelles psychologiques importante dans la vie d’un être
et même sociales sur l’enfant. Une humain ; elle participe à la construction
affirmation qui n’est pas encore de l’identité de l’être humain, de sa
prouvée à travers des études palpables. personnalité et de ses racines. Alors, en
Néanmoins certains rapprochent ici la matière de maternité de substitution, si
situation d’un enfant abandonné et la législation autorise la pratique, aucun
ensuite adopté et celle d’un enfant né problème de filiation ne saurait se poser
d’une GPA. En effet pour les anti-GPA, car tous les contours sont réglementés.
l’enfant adopté à la suite d’un abandon
Par contre, cette atteinte à l’identité
est une situation de force majeure qui
devient manifeste dans l’hypothèse des
ne dépend aucunement de personne,
pays où la législation interdit la GPA et
contrairement à la GPA dans laquelle la
que les citoyens de ces pays, pour
séparation entre l’enfant et la
satisfaire leur désir d’enfant sont dans
gestatrice est programmée et planifiée
l’obligation de se rendre dans des États
par l’homme.
où la législation est plus favorable, plus
L’adoption ne provoque pas de souple, ou alors où il n’y a pas de
séparation. Elle vient remédier à une législation encadrant la pratique, un
séparation en intervenant en faveur de vide juridique totale.
l’enfant contrairement à la GPA qui crée
C’est le cas des ressortissants français
une situation d’abandon au profit de la
ou camerounais plus récemment qui
ayant dans leur pays une législation

71
interdisant la maternité de substitution Claudine Veuillet-Combier voit sur le
sont obligés de faire ce qu’on qualifie roman des origines une triple scène qui
jusqu’ici de tourisme de procréation. concourt à l’avènement du bébé : la
première est celle du désir parental, la
Ils sortent de leur pays et se rendent
deuxième est la scène de la conception-
dans ceux où la GPA est légalisée et
fécondation ; et la troisième est celle de
après l’accouchement de la gestatrice
la gestation suivie de l’accouchement.
et remise de l’enfant entre leurs mains,
Pour elle il est crucial que « chacune de
ils retournent dans leur pays d’origine
ces étapes s’inscrive dans le discours
et se retrouvent confrontés à la dure
parental ; lorsqu’il s’agira de répondre
réalité : celle de l’établissement litigieux
aux questions de l’enfant sur les
de la filiation de l’enfant à leur égard.
conditions de sa naissance, et que les
Enfin, la GPA empiète sur l’identité de participants multiples ayant contribué à
l’enfant car dans la pratique il y a le l’accès à la parentalité trouvent place
principe de l’anonymat du don qui fait dans le récit proposé. Si l’une des
en sorte qu’il existe une sorte de secret scènes est évincée, que certains acteurs
sur les origines de l’enfant ou encore le sont passés sous silence, l’enfant sera
secret sur les circonstances de sa alors en difficulté pour se représenter
naissance. Les origines peuvent être sans « trou » l’histoire de sa venue au
entendues comme l’évènement de
notre venue au monde ainsi qu’au
« processus causal antécédent, le
phénomène même de la genèse de ce
moment évènementiel »14.

14
Il s’agit d’une définition des origines donnée 2005 relatif à l’accès aux origines, anonymat et
par le comité consultatif national d’éthique secret de la filiation, (www.ccneethique.fr), p.
français dans son avis n°90 du 24 Novembre 6.

72
monde et risque alors de se confronter de faits accomplis et l’obligation de
à une impasse psychique »15. reconnaître la filiation à l’égard de leur
enfant né d’une pratique pourtant
L’enfant doit donc avoir accès à ses
illicite sur le territoire français. Cette
origines pour comprendre le scénario,
résistance est tout simplement due au
l’histoire de sa naissance. Le principe de
fait que jusqu’à présent la GPA est un
l’anonymat du don ou plutôt de la
remède efficace contre à l’infertilité.
gestatrice est une atteinte au droit à la
connaissance de ses origines par II. La GPA, un progrès médical curatif

l’enfant né d’une maternité de


L’expérience de la pratique de la GPA a
substitution surtout lorsqu’il s’agit
montré que la pénalisation de cette
d’une GPA traditionnelle dans laquelle
technique comme susdit est
la gestatrice apporte également son
complètement inutile. La prohibition de
patrimoine génétique.
la GPA sur certains horizons et sa
Malgré tous les arguments allant contre légalisation dans d’autres fait en sorte
la GPA, la pratique de celle-ci n’a pas que l’équilibre se crée. Avec
diminué dans le monde, elle continue l’avènement des méthodes d’assistance
d’exister. Même dans des pays comme à la procréation il était question de
la France où elle est interdite, les remédier à l’infertilité de la femme ou
parents partent ailleurs pour trouver celle de l’homme en usant des divers
une solution à la satisfaction de leur procédés pour aider cette dernière à
désir d’enfant. Une fois de retour de concevoir elle-même.
leur tourisme procréatif avec comme
Cependant la science à très vite fait de
invité leur enfant, ils mettent
comprendre que ces premiers procédés
l’institution française dans une situation

15
Claudine Veuillet-Combier, « Gestation pour
autrui, roman des origines, triple scène »,
Revue Dialogue, 2017, pp.59 et 60.

73
ne représentaient pas une solution à due à l’absence d’utérus, à son ablation
l’infertilité pour tout le monde surtout ou à une anomalie, à des grossesses
pour la femme. C’est pourquoi la extra-utérines répétées, des morts
maternité de substitution a vu le jour fœtales, des avortements spontanés
afin de remédier à l’infertilité répétitives, un échec de la FIV à
irréversible (A), et de permettre à ces plusieurs reprises.
parents enfin de réaliser leur désir
Ainsi un couple pour cause de stérilité
reproductif (B).
comme c’est le cas aux Pays-Bas16 (et
A. Un remède contre l’infertilité dans beaucoup d’autres pays qui
irréversible autorisent la GPA), peut donc consentir
à une convention de maternité de
La GPA n’est pas une technique ouverte
substitution en faisant appel à une mère
à tous, elle n’est réservée qu’à une
porteuse pour combler son désir
catégorie spécifique de personne et
d’enfant.
selon des exigences bien précises.
Notamment l’usage de la GPA doit être L’OMS ne fait pas une différence
à caractère thérapeutique, remédiant étanche dans leur définition entre
soit à une stérilité irréversible, soit à un l’infertilité et la stérilité. Auparavant elle
cas de présence d’une maladie grave et voyait en l’infertilité l’absence de
incurable. grossesse après plus de 12 mois de
rapports sexuels réguliers sans
Dans le premier cas il s’agit d’une
contraception ; et en la stérilité une
solution offerte aux couples souffrant
incapacité totale pour un couple
d’infertilité et qui sont dans le besoin de
d’obtenir un enfant.
satisfaire leur désir d’enfant. Il peut
s’agir d’une infertilité chez la femme

16
GRANET-LAMBRECHTS Frédérique, « La l’enfant dans des États membres de la CIEC »,
maternité de substitution et l’état civil de Février 2014, p. 10, www.ciec1.org.

74
L’infertilité se conçoit comme la système reproductif définie par
difficulté pour un couple de concevoir l’impossibilité d’obtenir une grossesse
un enfant. Cette dernière n’a donc pas clinique après douze mois ou plus de
le caractère irréversible de la stérilité rapports sexuels réguliers et non
mais il y a des situations dans lesquelles protégés18. Une définition plus simple
elle peut être irrémédiable ; comme ces de la stérilité sans distinction du statut
cas de stérilités utérines susmentionnés sociale ou matrimoniale de l’individu est
qui sont dus à l’absence d’utérus17. préférable. Il s’agit de cette acception
qui voit en la stérilité une incapacité
Par cette définition on percevait la
physiologique de concevoir
stérilité juste dans un couple, omettant
naturellement et médicalement, de
le fait qu’il s’agissait d’une situation
porter ou d’accoucher une progéniture
médicale individuelle car elle frappe
saine et viable.
également les personnes seules. L’OMS
dans le but de créer un droit à la Pour mieux élargir le champ d’analyse
reproduction pour tous, a donc opté aucune distinction ne devrait s’opérer
pour une redéfinition de la stérilité et de entre la stérilité acquise19 ou celle
l’infertilité. simplement prévisible20.

Ainsi, sur le plan clinique l’OMS définit Pour la seconde hypothèse, il devrait
l’infertilité comme une maladie du néanmoins être demandé au couple de

17
HENRION Roger, « Gestation pour autrui : le individu a le droit de se reproduire, qu’il soit
pour, le contre », Hommes et libertés, seul ou non ».
19
juillet/août/septembre 2009, p. 46. On peut entendre de la stérilité acquise
18
Le docteur David Adamson, l’un des auteurs comme celle survenue au cours de la vie. Elle
de cette redéfinition explique que « la peut survenir à la suite d’un traitement
définition de l’infertilité est maintenant écrite médicamenteux rude, d’une opération
de telle façon qu’elle comprend le droit de tous chirurgicale, d’un cancer.
20
les individus d’avoir une famille, et cela L’infertilité est dite prévisible lorsque de part
comprend les personnes célibataires et celles un certain nombre de circonstances médicales
engagées dans les relations homosexuelles. on réalise que la solution pourrait occasionner
C’est un marqueur dans le sol qui dit qu’un une infertilité ou simplement que la

75
produire les raisons pour lesquelles il d’une particulière gravité. C’est le cas
estime qu’il pourrait à l’avenir souffrir par exemple lorsque des conjoints
des problèmes d’infertilité. Cependant, confrontent le fait que l’engendrement
il doit être prohibé, le recours à la GPA naturel d’une progéniture au sein de
par des personnes qui à travers des leur union pourrait être un risque pour
procédés volontaires, des interventions la vie de ce dernier. La GPA est destinée
médicales en connaissance du fait que à éviter que la procréation de façon
des conséquences21, causeront leur naturelle mène par exemple à la
infécondité22. conception d’un enfant atteint de
pathologies génétiques graves et
C’est dans l’optique d’éviter que
incurables.
désormais pour des raisons23 autres que
pathologiques, des couples provoquent Un autre aspect supplémentaire est que
leur infertilité pour pouvoir faire appel à parfois l’enfantement ne représente
une mère porteuse tout simplement pas seulement un risque pour la vie de
parce qu’ils protègent leur corps l’enfant mais aussi pour de celle de la
principalement la femme, des aléas de mère. En droit néerlandais par exemple,
la grossesse. c’est une hypothèse dans laquelle le
recours à la GPA peut être accepté.
En outre la GPA est une solution qui
permet d’éviter la conception d’une
progéniture atteinte d’une maladie

23
circonstance médicale elle-même représente Dans d’autres pays comme les États-Unis, qui
un risque de stérilité future. ont sans aucune condition admis la MPA, on
21
Par exemple un individu qui ressort infertile assiste à des demandes (particulièrement chez
ou stérile du fait de ses différentes les femmes) pour la protection du corps des
interventions chirurgicales et des traitements aléas de la grossesse, pour ne pas nuire à leur
médicamenteux de transsexualité. Une femme silhouette, on parle aussi des raisons d’ordre
qui par des avortements (IVG) à répétition perd esthétiques, la protection d’une carrière
son utérus ou autres organes de reproduction. professionnelle (sportive, de mannequin,
22
François Terré et Dominique Fenouillet, Droit d’actrice…). Dans ce dernier cas on parle de
civil : la famille, op. cit., p. 778. « demandes à caractère sociale ».

76
Il s’agit du fait que la grossesse soit pour subsidiaire de la maternité de
la femme qui veut recourir à la MPA, un substitution qui impose que celle-ci doit
danger pour sa vie24. avoir « pour objet de remédier à
l’infertilité dont le caractère
C’est par exemple le cas lorsque cette
pathologique a été médicalement
femme est atteinte de maladies comme
diagnostiqué ou d’éviter la transmission
l’insuffisance rénale, l’hypertension
à l’enfant ou à un membre du couple
artérielle aigüe, le diabète avec
d’une maladie d’une particulière
rétinopathie. Il faut éviter par des
gravité25 ».
moyens légaux des situations dans
lesquelles les médecins ou les parents Qu’il s’agisse d’une infertilité ou du
soient dans l’urgence de choisir lors risque de transmission d’une maladie
d’un accouchement de sauver soit la vie grave, « le droit se défausse ici sur l’avis
de l’enfant ou celle de la mère. Nous médical »26. Le rôle subsidiaire de la
optons pour un droit protecteur de MPA tient du fait que la stérilité ne peut
l’être humain. être vaincue par un autre traitement, du
fait que « la stérilité est irréversible en
Les finalités poursuivies par la GPA ne
l’état actuel des connaissances
sont pas des éléments suffisants pour
scientifiques médicales »27 et donc
ouvrir le recours à tous car comme nous
autrement que par la GPA.
le verrons, il faut encore que les causes
particulières d’empêchement naturel à Dans le cas du risque de transmission
la procréation soient médicalement d’une maladie grave et incurable, la
prouvées. Il s’agit du caractère MPA peut être admise si le risque ne

24 27
Frédérique Granet, article suscité, p. 10. Raymond Guy, « La procréation artificielle et
25
LAUDE Anne, MATHIEU Bertrand, TABUTEAU le droit français », La Semaine juridique, éd.
Didier, Droit de la santé, PUF, 2007, p. 584. G.1983, n°3114.
26
François Terré et Dominique Fenouillet, Droit
civil : la famille,, op. cit., p. 778.

77
peut être écarté d’une autre manière. 1968. Dans l’acte final (la Résolution) de
Les couples commanditaires à une cette conférence, il a été énoncé que les
convention de MPA doivent ainsi être parents ont le droit fondamental de
soumis à des examens et diagnostics décider librement et en toute âme et
pour que soit certifiée leur stérilité ou conscience de la dimension de leur
alors constater l’existence d’une famille et de l’échelonnement des
maladie grave et incurable déterminée. naissances.

B. Un procédé de réalisation du désir Avant l’avènement des AMP, il y avait


d’enfant deux catégories de femmes. Celles qui
accouchaient et celles qui souffraient
Les droits reproductifs sont des droits
de stérilité. Ces dernières avaient le
de la quatrième génération reconnus à
regard social braqué sur elles : un
tous. Ils comprennent les libertés
regard accusateur, un regard qui juge et
relatives à la santé sexuelle, procréative
rejette. C’était et ça l’est encore une
et à la reproduction. Il diffère
situation causant des frustrations, des
cependant du « droit à l’enfant ». C’est
dépressions car la femme qui en souffre
depuis quelques années déjà que le
est rejetée, stigmatisée, traumatisée
souhait de l’Organisation Mondiale de
car elle ne peut procréer.
la Santé (OMS) est de faire bénéficier à
tous un droit à la reproduction, même En Afrique le traitement réservé à une
par le biais des nouvelles techniques de femme infertile fut-ce elle mariée est
reproduction médicalisées, dans encore plus sévère, car jusqu’à
lesquelles y figure la GPA. récemment la femme était encore
cantonnée dans son rôle de gestation et
L’insertion des droits reproductifs dans
de mère au foyer.
la grande famille des droits de l’homme
a débuté à la Conférence internationale La GPA est venue tendre la main en
des droits de l’homme de Téhéran en offrant une solution à la stérilité à

78
toutes ces femmes longtemps battues La GPA depuis sa création fait l’objet de
psychologiquement et parfois même controverses permanentes et en l’état
physiquement. La GPA est une pratique actuel des débats, que ce soit les
qui offre une égalité circonstancielle à opposants à la GPA ou ses défenseurs,
tout être humain de réaliser son désir chaque camp possèdent des arguments
d’avoir une progéniture. de poids pour défendre sa posture.

A la question de savoir à quoi Les anti-GPA qui soulèvent les


correspond ce désir d’enfant pour les problèmes éthiques et de droit que
parents, Hélène Lazaratou et Bernard posent cette technique de reproduction
Golse trouvent qu’il peut renvoyer à et les pro-GPA voient en elle une
« des valeurs universelles comme la solution pour la réalisation d’un droit à
conservation de l’espèce, la la santé reproductive pour ceux qui
transmission des biens, matériels et n’ont pas la capacité naturelle de
symboliques, l’inscription dans un arbre réaliser ce droit. Par ailleurs, le constat
généalogique ». Ce désir peut aussi est clair : la pénalisation de la GPA ne
renvoyer selon eux à « des valeurs réduit en aucun cas la pratique de cette
sociales comme la fondation d’une technique dans le monde.
famille, la stabilisation de la relation du Les pays qui interdisent la GPA sont
couple, la croyance commune que la contraints au final de reconnaître la
femme s’épanouit dans la maternité »28. filiation d’un enfant né de cette
technique sur un autre sol. Cette
CONCLUSION
hypothèse est récurrente en Europe,
Les techniques reproductives
avec la Cour européenne des droits de
artificielles sont des pratiques d’aide à
l’homme qui au nom de l’intérêt
l’accomplissement du droit reproductif.
supérieur de l’enfant oblige les États

28
Hélène Lazaratou et Bernard Golse : « Du médicalement assistée (PMA) », Presses
désir à l’acte : les enfants de la procréation Universitaires de France, vol.49, 2006, p. 576.

79
interdisant la GPA à reconnaître quand sociales ou médicales. Il faudrait donc
même le lien de filiation de l’enfant à trouver un moyen sain de légaliser la
l’égard des parents d’intention. GPA, complètement l’encadrer afin que
tous les droits soient équivalents dans
Pourquoi donc maintenir l’interdiction
la balance ou alors de l’abolir
de la GPA lorsque malgré tout sur les
définitivement et universellement,
faits, ses effets sont reconnus ? Un cas
comme le propose Sylviane Agacinski
pareil ne s’est pas encore présenté dans
afin de protéger d’autres droits
le contexte camerounais, néanmoins il
humains.
est impérieux que le droit soit toujours
au même niveau que les évolutions

80
LA DICHOTOMIE NORMATIVE EN MATIERE DE GARDE D’ENFANT AU NIGER
Par
ILLA IBRAHIM Abdoulaye
Master en Droit et Institutions Judiciaires/ Université d’Abomey – Calavi

INTRODUCTION qui concerne l’enfant, compte tenu de


son extrême vulnérabilité2 et surtout du
Dans son ouvrage intitulé « Histoire des
fait que l’enfant est « présent dans tous
droits de l’homme », Monsieur Kenneth
les moments de la vie sociale et familiale
MINOGUE en parlant de la faiblesse
»3.
humaine disait : « créatures
extrêmement vulnérables, les Etres Il semble alors que l’Etat, la famille ainsi
humains ont besoin d’une certaine que la société sont donc intimement et
protection. L’escargot est protégé par sa mutuellement intéressés par l’avenir de
coquille, le caméléon par son mimétisme, l’enfant surtout que la société dispose
le lion est fort et rapide, l’homme, lui est de moyens pour s’immiscer au cœur des
lent et fragile »1. foyers : obligation scolaire, prestations
familiales, action sanitaire et sociale4.
Une telle assertion ne symbolise que
Ainsi, tous les textes en la matière
l’attention toujours requise de la
consacrent le primat des intérêts de
société pour garantir à l’espèce
l’enfant et de la collectivité sur les
humaine ses droits essentiels. Il en faut
davantage les renforcer surtout en ce

1
Kenneth (MINOGUE), Anthologie des droits de DOCUMENTATION FRANCAISE, Paris, 1989, pp.
l’homme, Editions Nouveaux Horizons, 213-219.
3
Washington, 1989, p. 7. Philippe (BONFILS) et Adeline
2
Jean (FERNAND-LAURENT), « Les droits de (GOUTTENOIRE), Droit des mineurs, 2ème
l’homme, fondement de toute éthique et de édition, Dalloz, Paris, 2014, p.6.
4
toute idéologie : De la Déclaration française à la Jean (CARBONNIER), Essais sur les lois, 2ème
Déclaration universelle », in Les droits de édition, Répertoire du Notariat Defrénois,
l’homme en questions, Editions LA Paris, 1995, p.82.

81
volontés familiales5 et depuis, les Mais nous sommes dans une matière où
violences sociales et familiales à l’égard la question de la garde de l’enfant est
de l’enfant ont diminué6 dans la mesure intimement liée au régime juridique du
où elles sont aujourd’hui prévenues, statut personnel des parents et est
davantage dénoncées et plus ou moins tributaire de la complexité du droit
poursuivies et sanctionnées7. applicable au divorce. En effet, le Niger
reste aujourd’hui l’un des rares Etats de
Au Niger, le nombre d'enfants touchés
l’Afrique de l’Ouest Francophone dont
par le divorce de leurs parents ne cesse
le régime du divorce et par conséquent
de croître. Les relations des parents
celui de la garde de l’enfant reste
autour de l’enfant après dissolution du
gouverné par la loi ou la coutume selon
couple conjugal peuvent se dérouler
l’appartenance des citoyens au statut
harmonieusement mais également se
personnel civil ou coutumier ; ce que
révéler tendues, éprouvantes voire
des auteurs qualifient de pluralisme
dévastatrices pour lui. Lorsque le
juridique.
divorce est prononcé et que le foyer se
trouve anéanti, les membres de la Toutefois ce pluralisme juridique n’est
famille se trouvent affectés et c’est pas innocent car il semble constituer un
surtout l’enfant qui subit le plus véritable handicap à la recherche et la
durement les affres de cette situation8 réalisation de l’intérêt de l’enfant dans
si sa garde n’est pas organisée et l’attribution de sa garde ; d’où l’intérêt
attribuée eu égard à son seul intérêt. de cette étude sur la dichotomie

5 7
Lequette (YVES) « Quelques remarques sur le Ibidem.
8
pluralisme en droit de la famille », in Mélanges Hassane (BOUBACAR), « Prolégomènes à une
en l’honneur du Professeur Gérard Champenois, éventuelle réforme du droit de divorce au Niger
Editions Lextenso, Paris, 2012, pp. 523 et s. », in Stéphanie Lagoutte et Nina Svaneberg
6
Geoffroy (HILGER), L’enfant victime de sa (dir.), Les droits de la femme et de l’enfant :
famille, Thèse de doctorat, Université Lille 2, réflexions africaines, éditions Karthala, Paris,
2014, p. 15. 2011, pp. 123-154.

82
normative en matière de garde par le juge compétent, de se prononcer
d’enfant. sur la garde des enfants, la pension
alimentaire et les frais de scolarité
En effet, depuis l’indépendance,
éventuellement à allouer à ceux-ci, ainsi
l’option consacrée par le législateur
que la dévolution, s’il y a lieu, des biens
nigérien pour le règlement des litiges
communs ».
afférents au droit de la famille est
plurielle au regard de la Loi n° 2018-37 du Certes ! Mais la réalité est que le droit du
1er juin 2018 fixant l’organisation et la divorce au Niger est essentiellement
compétence des juridictions en coutumier et le législateur s’est montré
République du Niger, notamment en réaliste ou du moins pragmatique en
son article 72 qui dispose que : « sous autorisant expressément les tribunaux
réserve du respect des conventions à appliquer la coutume des parties
internationales régulièrement ratifiées, toutes les fois que celles-ci n’y ont pas
des dispositions législatives ou des règles renoncé, sous réserve toutefois de leur
fondamentales concernant l’ordre public conformité aux instruments juridiques
ou la liberté des personnes, les internationaux de protection des droits
juridictions appliquent la coutume des humains9.
parties… dans les affaires concernant le
Cependant, ce pragmatisme normatif
divorce… ».
semble être insuffisant, voire inefficace
L’article 106 poursuit en ces termes : « le et source de confusion en ce que les
tribunal d’instance saisi par l’époux aux juridictions n’ont pas su effectivement
fins de faire constater la répudiation de subroger le droit aux faits. Le fait est
son conjoint est tenu, sauf accord qu’en matière de divorce au Niger, dans
amiables des parties, dument homologué la plupart de cas où il est fait application

9
Voir Bachir (TALFI IDRISSA), Cours de droit
coutumier approfondi, 2020-2021, inédit.

83
de la coutume des parties, comme mineurs, « l’objectif de l’approche de la
l’exige cette loi, la garde des enfants est justice pour les enfants est de veiller ce
systématiquement confiée à la mère ( le qu’ils soient mieux servis et protégés par
garçon jusqu’à la puberté, la fille jusqu’à les systèmes judiciaires. Elle vise en
son mariage)10, mais le plus souvent, au particulier à garantir une application des
meilleur des cas, la femme ne pourra normes et règles internationales à tous
garder son enfant que jusqu’à l’âge de les enfants rentrant en contact avec les
sept (7) ans11, au pire des cas, on le lui systèmes judiciaires et les systèmes
retirera quel que soit son âge. associés en tant que victimes, témoins et
responsables présumés d’une infraction ;
D’ailleurs, le Comité des Droits de
ou pour d’autres raisons lorsqu’une
l’Enfant a noté que les attitudes
intervention judiciaire ou administrative
sociétales traditionnelles, enracinées
est nécessaire ; par exemple en ce qui
dans le droit coutumier, entravent
concerne leur prise en charge, le droit de
l’application judiciaire de la CDE. Bien
garde et leur protection »13.
que les tribunaux du Niger aient cité la
CDE dans une poignée de treize (13) cas Pourtant, il faut le rappeler, le Niger est
d’adoption, il n’y a pas d’autres cas partie à de nombreuses conventions
publiés impliquant d’autres domaines internationales de protection des droits
du droit qui s’y réfèrent12, alors que de l’enfant qui ne sont que le
selon l’approche commune des Nations prolongement logique de la prise en
Unies en matière de justice pour compte des spécificités de l’enfance

10 12
Hassane (BOUBACAR), « Rupture du lien White Case, L’accès des enfants à la justice :
matrimonial, pluralisme juridique et droits des Cas du Niger,
femmes en Afrique de l’Ouest francophone : https://www.crin.org/en/node/41580, consulté
Cas du Niger », Institut danois des droits de le 10 mars 2023 à 14h 10 minutes.
13
l’homme, Bamako, Dakar, Niamey et Rapport final sur la cartographie et l’analyse
Copenhague, 2014, pp. 133-151. sur le système de protection de l’enfant au
11
Voir, Tribunal régional de Niamey : Jugement Niger, réalisé en Février 2011 par l’Alliance
n° 239 du 7/10/1980, Affaire G.T c/ O. et le internationale Save the Children, p.10.
Jugement coutumier n° 054 du 30/8/2002.

84
amorcée depuis le temps des lumières. Mais de quels inconvénients s’agit-il en
Dans cette perspective, le Niger a signé réalité ? Comment ils se manifestent ?
deux (2) grands instruments
De ces questions posées, il en découle
internationaux relatif aux droits de
de cette étude deux (2) intérêts.
14
l’enfant. Il en ainsi de la CDE et de la
D’un point de vue théorique, cette
CADBE15. Ces deux (2) textes, loin de
étude se veut comme une contribution
promouvoir le pouvoir parental qui était
à la réflexion sur l’efficacité des règles
toujours considéré comme d’essence
relatives à l’attribution du droit garde
divine16 limitent celui-ci pour ne se
de l’enfant dans le contexte nigérien du
fonder que sur les besoins exclusifs de
contentieux du divorce, eu égard aux
l’enfant dans toutes les actions le
développements de la conception
concernant.
internationale des droits de l’enfant à
Dès lors, il est évident que l’option
laquelle le Niger est partie. Aussi, faut-il
pluraliste consacrée par le législateur
partir de ce que déplore la plupart des
nigérien n’est pas, pour le moment, en
auteurs à ce sujet pour constater que
mesure de satisfaire à l’exigence
cette étude permettra de débusquer
fondamentale du droit de garde de
l’insuffisance dans l’application des
l’enfant qu’est la recherche et la
principes devant gouverner
sauvegarde de son intérêt supérieur.
l’attribution de la garde de l’enfant.
Cette option semble être ainsi un
L’intérêt pratique permettra aux
handicap à la réalisation des droits de
justiciables de disposer des instruments
l’enfant en raison de ses inconvénients.
au travers de l’art de se servir des armes

14
La CIDE ou Convention Internationale des Abeba en Ethiopie lors de la Vingt-sixième
Droits de L’enfant fut adoptée par l’Assemblée conférence des chefs d’Etat et de
générale des Nations Unies le 20 novembre Gouvernements de l’OUA tenue en juillet 1990
1989. et entrée en vigueur le 29 novembre 1999.
15 16
La CADBE ou la Charte Africaine des Droits et John (LOCKE), Traité du Gouvernement civil,
du Bien-être de l’Enfant fut adoptée à Addis- Paris, Flammarion, 1992, Chapitre 6, p. 284.

85
juridiques créées et établies par le qui font du principe de l’intérêt
législateur afin d’opérer des mutations supérieur de l’enfant un principe phare.
judicieuses pouvant participer à une Qu’il soit effectivement respecté ou
application effective de règles quotidiennement bafoué17, l’intérêt
gouvernant la garde de l’enfant. supérieur de l’enfant et au-delà les
droits fondamentaux de l’enfant sont
A la mesure de la problématique posée
devenus des critères à l’aune desquels
par ce travail et de ses intérêts, il
se mesure le fonctionnement des
conviendra de démontrer, dans une
Etats18.
perspective théorique, l’antagonisme
conceptuel du critère de l’intérêt S’agissant spécifiquement du critère de
supérieur de l’enfant (I) et dans une l’intérêt supérieur de l’enfant dans
perspective plus moins ou moins toutes les actions qui intéressent ce
pratique, l’attribution controversée de dernier, c’est un concept imaginé et mis
la garde d’enfant (II). en place par l’ensemble des textes
internationaux et régionaux relatifs aux
I. Un antagonisme conceptuel du
droits de l’homme en général et de
critère de l’intérêt supérieur de
l’enfant en particulier. Son caractère
l’enfant.
fondamental n’est pas discuté.
La reconnaissance de la nécessité de
Cependant au Niger, ce concept (A),
protéger les droits de l’enfant dans
n’est limité qu’aux critères subjectifs de
l’attribution de sa garde a été
l’enfant dans son application
finalement réalisée par des textes
coutumière (B).
africains, conformément au
rayonnement des textes extra-africains

17
Théodore (HOLO), in Aboubacar (MAIDOKA) l’homme au Niger : théorie ou réalité, INDRAP,
et alii, (dir.) Théodore Holo, Les droits de Niamey, 2001, p.12.
18
Ibidem.

86
A. Le concept de l’intérêt supérieur de 1. Au plan matériel.
l’enfant.
Le principe de l’intérêt supérieur de
Le concept de l’intérêt supérieur de l’enfant ne naît pas de la CIDE ni de la
l’enfant fait partie des alternatives CADBE dont respectivement les articles
20 21
imaginées pour une meilleure 4 (1) et 3 (1) exigent sa prise en
protection des droits de l’enfant. Etant compte dans toute décision ou action
devenu un enjeu et une dimension qui concerne l’enfant et quelle qu’en
essentielle pour la vie sociale et soit l’origine. Ce principe a été consacré
politique contemporaine19, il est apparu bien avant l’adoption des conventions
nécessaire et primordial, à la suite de la relatives aux droits fondamentaux de
seconde guerre mondiale, en réaction l’enfant22. On le retrouve déjà aux
aux atrocités massives constatées, de Principes 2 et 7 de la Déclaration des
les affirmer pour que leur protection droits de l’enfant du 20 novembre 1959,
devienne une préoccupation de la dans la Convention sur l’élimination de
communauté internationale. Partant de toutes les formes de discrimination à
cela, il conviendra de s’appesantir sur le l’égard des femmes du 18 décembre
contenu de ce concept dans ses deux 1979 (art. 5 b) et 16, par. 1 d)), voire dans
(2) aspects : matériel (1) et substantiel d’autres instruments nationaux et
(2). internationaux. Pour tout dire, en droit
international des droits de l’homme, les

19 21
Aboubacar (MAIDOKA), « La problématique Voir art. 3. Cet article stipule que : « Dans
des droits de l’homme », in, Aboubacar toutes les actions concernant les enfants,
Maidoka et alii, (dir.) Théodore Holo, Les droits qu’elles soient menées par des institutions de
de l’homme au Niger : théorie ou réalité, op.cit., protection sociale publiques ou privées, des
pp. 20-75. tribunaux, des organes législatifs ou des
20
Voir art. 4, al.1. Cet article dispose que : « Dans autorités administratives, l’intérêt supérieur de
toute action concernant un enfant, entreprise l’enfant doit être une considération
par une quelconque personne ou autorité, primordiale ».
22
l’intérêt supérieur de l’enfant sera la Dominique (CHAGNOLLAUD) et Guillaume
considération primordiale » (DRAGO), Dictionnaire des droits
fondamentaux, Dalloz, Paris, 2010, p. 402.

87
quelques références conventionnelles Mais aujourd’hui, avec le CAEDBE,
au principe de l’intérêt supérieur considère qu’il s’agit d’un concept
concernent uniquement les enfants et indéterminé. Diverses sociétés et
portent sur des points très spécifiques. périodes historiques le conçoivent
Le sens de cette expression se dégage différemment selon les domaines. Il
notamment de l’interprétation de revêt un caractère vague, flou, fuyant,
différentes dispositions insaisissable24 dont la détermination à
conventionnelles ou législatives priori du contenu est totalement
adoptées avant la CIDE. impossible25.

Cependant, les auteurs de la CIDE Malgré son usage très anciennement


n’avaient pas jugé opportun de définir établi26, la notion d’intérêt de l’enfant
ce concept en estimant que sa n’a pas encore été définie dans les
signification semblait avoir été textes nationaux et internationaux27 ;
considérée comme « allant de soi », ou d’où la persistance de l’imprécision
comme n’ayant nullement quant à son contenu. L’intérêt est une
d’importance23. C’est ainsi que, la notion fonctionnelle qu’on a pu définir
signification et les implications du comme ce qui importe à une personne
principe de l’intérêt supérieur de de quelque manière que ce soit par
l’enfant n’ont pas fait l’objet de débats
au stade de la rédaction de la CIDE.

23
Mumbala Abelungu (JUNIOR), « l’intérêt respect, éditions Anthemis, Limal, 2013, pp. 154-
supérieur de l’enfant dans la CADBE », Africa 183.
25
Focus, n°35, Kinshasa, 2022, pp. 90-126. Mumbala Abelungu (JUNIOR), « l’intérêt
24
Moreau (THIERRY) « Intérêt et droits de supérieur de l’enfant dans la CADBE », loc.cit.
26
l’enfant ou les deux éléments constitutifs du Cogliati (ISABELLE), « Adoption
droit de l’enfant au respect. L’exemple du internationale et respect de l’enfant »,
placement et de la privation de liberté », in http://helios.univ-reims.fr, Consulté le
Moreau Thierry ; Rasson-Roland, Anne 03/11/2022.
27
Verdussen et Marc (dir.), Le droit de l’enfant au Ibidem.

88
l’avantage qu’elle obtient28. C’est aussi rend possible une application variable
la satisfaction morale, matérielle ou du concept32.
intellectuelle à laquelle on aspire au
En effet pour le CAEDBE, ce principe
bout d’un effort ou du fait de son
vise à assurer la réalisation complète et
29
statut .
effective de tous les droits de l’enfant
Par ailleurs, il est admis que l’intérêt ainsi que son développement global.
supérieur de l’enfant peut recevoir Font partie des principes énoncés par la
deux significations. Premièrement, il CABDE, l’épanouissement harmonieux
s’agit d’une « norme générale et de l’enfant par l’éducation scolaire
abstraite » d’un « standard idéal- obligatoire jusqu’à l’âge de seize (16)
typique »30. Pour le CAEDBE, la notion ans et la protection de son intégrité
d’intérêt supérieur de l’enfant se physique et morale, occupent une place
rapporte à une situation particulière, importante33.
concrète de l’enfant. Ils vont sans dire
Cela signifie qu’avant de prendre toute
que cette notion constitue « un principe
décision sur le sort de l’enfant, les
d’interprétation qui contraint les
juridictions doivent, dans la mesure du
autorités à respecter les spécificités de
possible, prendre en compte son avis
l’enfant et à en tenir compte dans
sur ses préférences, ses désirs, ses
l’implémentation des droits de l’enfant ».
loisirs… ; ce qui loin d’être une réalité
31
Mieux, c’est un concept englobant ;
au Niger où les décisions en matière de
son indétermination est à la fois
répudiation se prennent quasiment en
volontaire et nécessaire en ce qu’elle
l’absence autant de la mère que de

28 31
Cyril (CHABERT), « L’applicabilité directe de la Grégoire (LOISEAU), Le droit des personnes,
Convention de New York sur les droits de 2ème édition, Editions Ellipses, Paris, 2020, p. 171.
32
l’enfant : une question de réexamen ? », RRJ, Ibidem.
33
vol. 2, Aix-Marseille, 1997, pp. 615- 650. Mbandji Mbéna (ETIENNE), Les droits
29
Ibidem. fondamentaux de l’enfant en droit camerounais,
30
Mumbala Abelungu (JUNIOR), « l’intérêt Thèse de doctorat, Université de Douala,
supérieur de l’enfant dans la CADBE », loc.cit. février 2013, p.89.

89
l’enfant34. Cela constitue évidemment de l’enfant ; le substantiel étant ce qui
une carence dans la protection des renfermant tout ce qui touche au fond
droits de l’enfant qui devrait pourtant, du droit (subjectif)36.
compte tenu de sa vulnérabilité, être
Ainsi, le CAEDBE révèle par sa
mieux protégés. Tel est le contenu
démarche, à travers ses observations
matériel du concept de l’intérêt
générales, finales et recommandations,
supérieur de l’enfant, complété par son
que l’intérêt supérieur de l’enfant est
contenu substantiel.
effectivement un droit de fond, un
2. Au plan substantiel. principe juridique interprétatif
fondamental et une règle de
Sous l’angle substantiel, l’intérêt
procédure37.
supérieur doit, apporter un avantage
tangible aux enfants dans tous les Quoiqu’étant un concept changeant,
aspects procéduraux ou dans tous les dynamique, évolutif et adaptable au cas
domaines. En effet, la prise en par cas, le CAEDBE sous l’œuvre de la
considération de l’intérêt supérieur de doctrine a essayé de le systématiser
l’enfant requiert une certaine célérité voire le théoriser dans les procédures
dans le traitement des dossiers relatifs judiciaires.
aux enfants notamment au niveau
Ainsi, afin de veiller sur l’intérêt
35
judiciaire . Le concept de l’intérêt
supérieur de l’enfant, sous l’angle
supérieur de l’enfant renvoie aux
procédural, le CAEDBE considère que
considérations procédurales
les États doivent mettre en place des
indispensables à la protection des droits
« garanties procédurales » à chaque

34 36
La plus part du temps, ce n’est qu’après avoir Cornu (GERARD), Vocabulaire juridique,
eu connaissance du certificat de répudiation op.cit., p. 2097.
que la femme saisit le juge par rapport à la ²37 Mumbala Abelungu (JUNIOR), « l’intérêt
garde d’enfant et à la pension alimentaire. supérieur de l’enfant dans la CADBE », loc.cit.
35
Mumbala Abelungu (JUNIOR), « l’intérêt
supérieur de l’enfant dans la CADBE », loc.cit.

90
étape du processus de justice engagé nom de la mère, certes parfois imposé
contre les femmes. Mais c’est surtout par des données sociologiques
Monsieur Cyril CHABERT qui a su le faire inhérentes à la filiation naturelle, est
en s’inspirant de deux (2) grande porteur d’un risque de différenciation ».
jurisprudences françaises à savoir celle
Monsieur Cyril CHABERT constate à
rendue par la Cour d’Appel de
travers cet arrêt que, « L’enseignement
38
Versailles et celle rendue par la Cour
est indéniable ». Cette décision se fonde
39
d’appel de Rennes .
sur le droit. L’intérêt de l’enfant serait
S’agissant de la première jurisprudence, ici la recherche de ses droits proclamés
elle préconise une appréciation in par les Conventions internationales
abstracto du concept. La Cour d’Appel notamment, le droit au nom, à l’identité
de Versailles était saisie d’un recours en et, à la non-discrimination40.
changement du nom d’un enfant de
Quant à la seconde jurisprudence, elle
moins de quatre (4) ans, formulé par sa
est l’œuvre de la Cour d’Appel de
mère, qui consistait en la substitution
Rennes dans une espèce presque
de son nom par celui du père naturel.
semblable à la précédente.
Pour donner droit à sa demande, les
En effet un enfant naturel avait été
juges ont estimé dans un attendu
reconnu par un premier père qui lui
implacable qu’il porte le nom de son
avait transmis son nom avant de le
père comme « […] critère de définition
légitimer. Plus tard, par l’action d’un
personnelle, de rattachement effectif et
second, ce lien de filiation sera anéanti
de reconnaissance culturelle et sociale
judiciairement et une demande sera
inhérent au type d’organisation humaine
adressée au Juge pour que le nom de la
en vigueur et au regard duquel le port du

38 40
CA Versailles, 21 Mars 1991, D.1992, Somm. P. Cyril (CHABERT), L’intérêt de l’enfant et les
173, Obs. GRANET-LAMBRECHTS. conflits de lois, PU Aix-Marseille, Paris, 2001, p.
39
CA Rennes 24 Janv. 1992, D.1993, Somm, p. 47.
168, Obs. GRANET-LAMBRECHTS.

91
mère porté par l’enfant soit substitué Tel est l’intérêt concret dont la
par celui de l’intéressé conformément à recherche s’opère à la fois dans la règle
l’article 334 alinéa 3 du Code civil de droit et dans les circonstances des
français. Pour rejeter cette deuxième faits43. Il reviendra alors au juge de le
prétention, les juges de la cour d’appel déterminer et de l’apprécier au cas par
de Rennes ont estimé que « seul cas, en confrontant les « éléments
l’intérêt de l’enfant doit être pris en extrinsèques » ou ayant un lien étroit
considération dans le changement de avec ses parents et son entourage
nom ». familial44, aux « éléments intrinsèques »
propres à l’enfant45.
Ainsi soutiendront-ils que dans le cas de
« cet enfant qui a successivement porté Ces jurisprudences illustrent
les noms de sa mère, du mari de sa mère, suffisamment le caractère primordial de
puis de nouveau le nom de sa mère, qu’il l’intérêt supérieur de l’enfant qui, en
vit actuellement avec sa mère mariée matière d’attribution de la garde de
avec son concubin, qu’il est connu de son l’enfant consécutive au divorce, dépend
entourage notamment à l’école, sous ce des circonstances de l’espèce, du moins
nom, qu’un nouveau changement est dans son appréciation. Mais tel n’est
susceptible de le perturber »41. pas le cas au Niger où les éléments
d’appréciation sont préétablis et limité
De ce fait, la Cour d’appel de Rennes se
aux critères subjectifs.
réfère directement à la pertinence des
faits et les répercussions d’un nouveau B. Un concept limité aux critères
changement d’état sur sa personne42. subjectifs en droit coutumier.

41 43
Cyril (CHABERT), L’intérêt de l’enfant et les Ibidem.
44
conflits de lois, PU Aix-Marseille, Paris, 2001, p. Cyril (CHABERT), L’intérêt de l’enfant et les
47. conflits de lois, op.cit., p. 75.
42 45
Mbandji Mbéna (ETIENNE), Les droits Ibidem, p. 76.
fondamentaux de l’enfant en droit camerounais,
op.cit., p. 157.

92
Le concept de l’intérêt supérieur de La position des juridictions du fond est
l’enfant est un conglomérat et un d’attribuer la garde de l’enfant de moins
contenant de diverses exigences. S’il de sept (7) ans à la mère, et après cet
est correctement vu par les tribunaux âge, au père. Cette position peut se
nigériens, du moins dans son contenu confirmer à travers une décision rendue
matériel, tel n’est pas le cas du contenu par le Tribunal régional de Niamey dans
substantiel et surtout s’agissant de l’Affaire Mohamed Hama dit Fouta
l’attribution coutumière de la garde. contre son épouse Thérèse Yahouza.
Dans ce dernier cas, les tribunaux se Dans cette espèce, le Sieur Fouta
penchent plutôt et uniquement sur interjetait appel le 15 octobre 2001
l’âge (1) et le sexe de l’enfant (2). contre la décision rendue le 1er octobre
confiant la garde de l’enfant Oumoulher
1. Le primat de l’âge de l’enfant.
âgée de 8 ans à sa mère.
Le principe en droit coutumier nigérien
En effet, suite au divorce intervenu en
est que l’enfant appartient à la ligne
1997, l’enfant n’ayant pas encore sept
paternelle en cas de divorce entre les
(7) ans a été confié à sa mère jusqu’à
parents. Ce principe de droit coutumier
l’âge de sept (7) ans. A l’issue de ce
correspondrait au point 156 du
délai, la mère expliquait vouloir
Coutumier du Dahomey qui prévoit
continuer de garder leur fille. Mais le
que : « … les enfants restent au mari, la
tribunal infirma la décision du 1er
mère les garde s’ils sont trop jeunes
octobre 2001 en ces termes : « Attendu
jusqu’à l’âge de trois (3) ou quatre (4) ans
qu’en matière coutumière, la garde de
(période d’allaitement) »46.
l’enfant revient d’office au père dès que
l’enfant atteint l’âge de 7 ans… Qu’il y a

46
Le Coutumier du Dahomey est un recueil qui 1931. A ce propos, voir Gbago Barnabé
rassemble en son sein les différentes coutumes (GEORGES), Introduction historique au droit,
du Dahomey, (actuelle République du Benin) 1ère édition, Ets SOUKOU, Cotonou, non daté, p.
intervenu par la Circulaire A.P. 128 du 19 Mars 112.

93
lieu dans l’intérêt de l’enfant, de confier effet pour le CAEDBE, ce principe vise à
la garde de Omoulher à son père »47. assurer la réalisation complète et
effective de tous les droits de l’enfant
A la lumière de ces décisions, il faut
ainsi que son développement global.
constater que les tribunaux nigériens
statuent rarement en tenant compte de 2. La prise en compte variée du sexe de
l’intérêt supérieur de l’enfant. l’enfant.

Au lieu d’identifier lequel des parents Si pour Véronique Akankossi


remplit les conditions pour pouvoir DEGUENON, « l’intérêt de l’enfant se
assurer pleinement l’avenir de l’enfant, présenterait comme l’aptitude à
les tribunaux statuant en matière subvenir aux besoins de matériels et à
coutumière se fondent plutôt garantir l’épanouissement de l’enfant
uniquement sur le critère d’âge pour afin d’en faire un homme complet à tout
l’attribution de la garde d’enfant. point de vue »48, que dire si l’intérêt se
Pourtant, cette situation n’est dénuée mesure en fonction du sexe de
de toute conséquence pour l’enfant qui l’enfant ?
peut se retrouver en situation
La considération du sexe de l’enfant
d’insécurité alimentaire, de mauvaise
dans l’attribution de la garde de celui-ci
éducation, voire à la délinquance
par les tribunaux nigériens est
juvénile.
intimement liée à la loi sur
De toute évidence, le principe de l’organisation et la compétence des
l’intérêt supérieur va au-delà de juridictions en République du Niger.
l’appréciation qu’il reçoit des juges
Actuellement régit par la loi 2018-37 du
nigériens en matière de divorce. En
1er juin 2018 qui dispose en son article 72

47
Voir, Tribunal régional de Niamey, Jugement RBSJA, n° spécial, Cotonou, décembre 1990,
coutumier n°052 du 09 aout 2002. pp. 25-41.
48
Akankossi Deguenon (VERONIQUE), « De
l’intérêt de l’enfant en droit positif béninois »,

94
que : « sous réserve du respect des lesquelles le système matrilinéaire
conventions internationales prévaut51.
régulièrement ratifiées, des dispositions
II. Une attribution controversée de la
législatives ou des règles fondamentales
garde d’enfant.
concernant l’ordre public ou la liberté
Des contradictions constatées au
des personnes, les juridictions appliquent
niveau de l’appréciation du critère de
la coutume des parties… ».
l’intérêt supérieur de l’enfant, il découle
Cette loi autorise les juridictions à
une conséquence sur l’attribution de la
appliquer la coutume toutes les fois
garde. L’intérêt supérieur étant mal ou
qu’il est question du statut personnel
insuffisamment appréhendé,
des parties, notamment sur les
l’attribution ne peut logiquement
questions relatives à la garde d’enfant.
qu’être emprunte de quelques
Elle les oblige seulement, avant toute
controverses théoriquement justifiées
décision, de s’adjoindre deux (2)
(A). Toutefois, dans une perspective
49
assesseurs coutumiers représentant
d’amélioration, quelques solutions
la coutume à laquelle appartiendraient
paraissent nécessaires (B).
les parties, sous peine de nullité. Or
A. Une justification théoriquement
dans diverses coutumes nigériennes les
admise.
garçons reviennent de droit au père et
les filles à la mère50. Toutefois, ce Deux (2) idées servent de moteur à
principe n’est pas admis par les cette justification : l’une concerne la
coutumes touaregs et bororos dans question de la spécialisation du juge (1)
et l’autre question, non moins

49
Voir art. 84 de la loi 2018-37 du 1er juin 2018. 51
Idé (ADAMOU), Etudes sur les règles générales
50
Moumoni Dady (FATOUMATA), Les effets de de formation et de dissolution du mariage en
la dissolution du mariage à l’égard des enfants en droit traditionnel au Niger, INDRAP, Niamey,
droit nigérien, op.cit., p. 7. 1981, p.39.

95
pertinente concerne l’impartialité du ce sont les tribunaux de première
juge face à la coutume (2). instance et les tribunaux de grande
instance qui sont compétents55.
1. La problématique de l’absence d’un
juge spécialisé. Cette répartition de compétence entre
plusieurs juridictions régulièrement
Le Code civil applicable au Niger a
critiquées, est en partie inopérante
toujours laissé le sort de l’enfant
surtout en ce qui concerne la multitude
impliqué par ses parents dans une
de tâches assignées au Juge de paix.
procédure de divorce entre les mains de
C’est un juge qui est pratiquement
plusieurs juges en fonction de la
inconnu et inactif, parfois assimilé à la
question à eux soumise. Actuellement,
juridiction du Président du TPI, ou
en matière coutumière, pour toutes les
plutôt au Juge de droit commun
questions relatives aux prévisions de
statuant en matière civile du TGI.
l’article 72 de la loi sur l’organisation et
la compétence des juridictions en C’est pourquoi il est possible de penser
République du Niger, le législateur qu’il serait préférable que le législateur
attribue leur connaissance tantôt aux nigérien revoit le dispositif actuel relatif
tribunaux d’arrondissement à la compétence des juridictions en
communaux52, tantôt aux tribunaux matière de divorce et par conséquent
d’instance53 ou aux tribunaux en matière de garde d’enfant, en
communaux54, communément appelés instituant un juge spécialement chargé
justice de proximité ou de paix ; alors des affaires familiales comme c’est le
que selon les dispositions du Code civil, cas en France56. La préférence en faveur

52
Voir Art. 84 de la Loi n° 2018- 37 du 1er juin 2018 54
Voir Art. 92 de la Loi n° 2018- 37 du 1er juin 2018
fixant l’organisation et la compétence des fixant l’organisation et la compétence des
juridictions en République du Niger. juridictions en République du Niger.
53
Voir Art. 90 de la Loi n° 2018- 37 du 1er juin 2018 55
Voir les articles 229 à 305 du Code civil
fixant l’organisation et la compétence des applicable au Niger .
56
juridictions en République du Niger. Ce juge est intervenu en France par la loi du 8
janvier 1993 modifiant le code civil relative à

96
d’un Juge aux affaires familiales doit manières. La problématique de sa
être marquée en vue de remettre la préservation traverse les époques.
protection de l’enfant dans les rapports
Au Niger, la question des droits de
familiaux, aux mains d’un juge
l’enfant sont empruntes des idées
57
spécialiste des questions familiales en
religieuses et ne laissent pas les juges
lieu et place d’un juge « multitâches »
indifférents lorsqu’ils font face à celles-
dont l’impartialité est souvent sujette à
ci lors du divorce. Cela peut s’observer
discussion.
par la résistance simulée des juges
2. La difficile impartialité du juge face nigériens à appliquer de manière
au poids de la coutume. effective les instruments juridiques de
protection de l’enfant parce qu’issus
La question de l’impartialité des
eux du même corps social et le plus
magistrats se trouve au cœur même de
souvent attachés aux mêmes coutumes
l’idée de justice58. Le principe de
et religion que les parties à l’instance de
l’impartialité est une notion ancienne
divorce59.
qui se fonde sur le principe Nemo judex
in re sua « Nul n’est juge en sa propre Or, la loi qui exige du magistrat qu’il soit
cause » ou encore, « Nul ne saurait être indépendant, impartial et intègre et lui
juge et partie ». Elle se définit d’ordinaire reconnaît les droits et obligations qui
par l’absence de préjugé ou de partie résultent de ces principes
pris et peut s’apprécier de diverses fondamentaux, base de la confiance du

l’état civil, à la famille et aux droits de l’enfant et à la probité du magistrat », in les actes de la
et instituant le juge aux affaires familiales, dans 3ème rencontre trimestrielle de la Cour Suprême
la perspective de mettre le droit français en et les juridictions du fond, Abomey, les 25 et 26
conformité avec la Convention internationale février 2015, pp. 63-73.
59
sur les droits de l’enfant. Hassan (BOUBACAR), « Rupture du lien
57
Mbandji Mbéna (ETIENNE), Les droits matrimonial, pluralisme juridique et droits des
fondamentaux de l’enfant en droit camerounais, femmes en Afrique de l’Ouest francophone :
op.cit., p. 451. Cas du Niger », op.cit.
58
Félicité Sodjiedo† (RITA), « Causerie sur les
questions relatives à l’impartialité, à la dignité

97
public, gage auprès de celui-ci de sa catégorie sociale à laquelle ils
dignité, de sa probité autant que de son appartiennent »62.
honneur60. Cela implique, pour lui,
L’indépendance du juge doit exister et
intégrité, loyauté, respect de la loi,
demeurer vis-à-vis des contraintes plus
protection des libertés individuelles,
ou moins diffuses de son milieu social,
réserve et attention à la dignité d’autrui
et même de ses engagements
comme à celle de l’institution
personnels63, ce d’autant plus qu’il ne
judiciaire61.
peut pas, et il doit le savoir,
De ce qui précède, il s’infère que la « s’abandonner aux mirages d’une
protection du justiciable contre les sentimentalité changeante et arbitraire »
convictions personnelles du juge peut alors que « le justiciable, confronté à ses
être vue comme une garantie de problèmes concrets, ne comprend pas
l’impartialité. Réduites à l’essentiel, toujours la nuance »64.
l’indépendance et l’impartialité du juge
La réinstauration de ces deux (2)
peuvent se confondre à sa neutralité qui
principes fondamentaux du procès peut
« s’oppose à ce que celui-ci, dans la
entériner l’aménagement des règles de
décision qu’il va rendre, tienne compte
fonctionnement de l’attendu juge en
des justiciables en présence et de
charges des affaires familiales au Niger.
l’inclination ou de la réserve qu’il éprouve
à l’égard de leur personne ou de la

60
Félicité Sodjiedo† (RITA), « Causerie sur les Institutions judicaires : Organisation
questions relatives à l’impartialité, à la dignité juridictinnelle, gens de justice, 8ème édition,
et à la probité du magistrat », op.cit. Dalloz, Paris, 2005, p. 209.
61 63
Félicité Sodjiedo† (RITA), « Causerie sur les Ibidem.
64
questions relatives à l’impartialité, à la dignité Serge (GUINCHARD), Gabriel
et à la probité du magistrat », op.cit. (MONTAGNIER) et André (VARINARD),
62
Jean (VINCENT), Serge (GUINCHARD), Institutions juridictionnelles, 9ème édition,
Gabriel (MONTAGNIER) et André (VARINARD), Dalloz, Paris, 2007, p. 183.

98
B. Une nécessaire harmonisation des internationales, il faut préciser que
règles juridiques gouvernant la ceux-ci n’étaient pas précédés d’un
garde de l’enfant. diagnostic capable à même de prendre
en compte les spécificités socio-
L’état actuel du droit de garde d’enfant
culturelles nigériennes. Dès lors il
né principalement de certaines
importe de s’interroger sur les
pratiques coutumières en
orientations à donner à l’impératif d’un
contradictions avec le droit moderne
éventuel renforcement. Comment et
écrit, mérite une certaine réponse
que réformer pour atteindre
radicale de la part du législateur.
l’effectivité dans l’application des règles
Au demeurant, les efforts de révision et protégeant l’enfant lors de l’attribution
d’adaptation du droit interne au droit de sa garde ?
international amorcés par le législateur
1. L’adoption attendue d’un code de la
s’avèrent encore parcellaires en vertu
famille judicieux.
de l’absence d’un diagnostic préalable65
de l’ensemble des changements Comme l’indique Marc ANCEL, « des
indispensables à effectuer pour une graves options sont à prendre entre le
mise à jour efficiente du droit de divorce passé et l’avenir, comme entre les
et par conséquent du droit de garde. influences diverses qui peuvent s’exercer
contre le législateur »66. Il est temps que
Si bien que ces efforts de reformer le
le législateur nigérien se rend à
droit du divorce procède de la volonté
l’évidence des mesures radicales que
du législateur de mieux protéger les
nécessite la situation actuelle dans
droits fondamentaux de l’enfant et en
l’attribution de sa garde.
même satisfaire aux obligations

65 66
Mbandji Mbéna (ETIENNE), Les droits Marc (ANCEL), Préface à l’ouvrage collectif,
fondamentaux de l’enfant en droit camerounais, in Kéba (MBAYE) (Dir), Le droit de la famille en
op.cit., p. 315. Afrique noire et à Madagascar, Edition G.P.
Maisonneuve, Paris, 1968, p.10.

99
Cependant, toute la difficulté réside sur C’est pour ces raisons, peut-être, que
la manière d’y procéder. Quelle les diverses tentatives d’adoption d’un
technique utiliser ? Le législateur code de la famille ont jusque-là échoué
devrait-il s'interdire absolument au Niger71. C’est pourquoi nous
d'établir un modèle familial ? proposons comme alternative à la
situation actuelle, l’adoption d’un code
Un modèle est « un idéal dessiné à partir
de la famille en incorporant, autant que
d’un consensus. Mais il n’est pas de
faire se peut, les droits fondamentaux
consensus qui n’ait ses dissidences, pas
de l’enfant.
d’idéal qui n’essouffle le réel »67. C’est
pourtant une entreprise complexe68 L’adoption d’un code de la famille en
parce qu’ici, plus qu’ailleurs, « le faveur d’un droit de garde uniforme et
législateur travaille sur une matière non effectif est une urgence au Niger,
inerte mais vivante et, qui plus est, certes. Mais dans son désir de satisfaire
intelligente voire astucieuse »69 et parce à cette urgence, le législateur ne doit
que « réformer le droit de la famille c’est pas occulter une certaine réalité
toucher à un domaine très sensible du historique et indéniable pour le succès
droit parce que très proche de l’individu d’une telle entreprise : trois (3) projets
et de son intimité »70. de code de la famille ont échoué à cause
des « pesanteurs sociales et religieuses
très fortes, l’affaiblissement de l’autorité

67
Jean (CARBONNIER), Essais sur les lois, 2ème Contribution au débat sur l’avenir de la famille
édition, Paris, LGDJ, 2013, p. 50. sénégalaise », Contribution au débat sur
68
Daphtone Lékébé (OUMOUALI), « Les l’avenir de la famille sénégalaise », Revue
réformes u droit de la famille dans les Etats sénégalaise de la faculté de droit de
d’Afrique Noire francophone : tendances l’Université de Toulouse, n°4, septembre
maliennes », https://www.lega.vox.org, Dakar, 2005, pp. 9-22.
71
consulté le 17 Octobre 2022 à 9h 13 minutes. Le premier projet de Code de la famille au
69
Jean (CARBONNIER), Essais sur les lois, Niger remonte à 1993, le deuxième en 1994 et
op.cit., p.9. le dernier en 2010.
70
Abdoulaye (CISSE), « Regards sur le « projet
de Code de statut personnel islamique »

100
de l’Etat, la prudence des hommes et démontre Monsieur Jean PRADEL,
partis politiques, le manque de tact et de « l’avocat est aguerri pour veiller à la
méthode dont on fait preuve les bonne application de la justice et du
rédacteurs du Code, la force des droit »73, mais également permet pour
associations islamiques et l’hostilité l’une ou l’autre partie de voir ses droits
sourde mais réelle de l’ensemble de reconnus par le tribunal appelé à
l’opinion publique»72. statuer. C’est en effet une garantie de
bonne justice.
Dès lors, il est évident de penser que la
réussite d’un futur code de la famille La présence d’un avocat conseil pour la
passe nécessairement par la prise en femme et l’enfant dans tout le cours de
compte de l’identité culturelle et la la procédure se justifie eu égard à la
correction des causes de l’échec des complexité des droits à protéger et
précédents codes. présente comme une arme face à leur
état de vulnérabilité.
2. La concrétisation de l’assistance
judiciaire en matière de garde Au Niger, il existe en effet un organe
d’enfant. investi par la loi pour l’assistance
judiciaire74, mais la loi n’a pas prévu
Il est indéniable que dans toute
expressément l’obligation pour cet
procédure juridictionnelle, la présence
organe d’assister la femme en manque
d’un avocat augmente non seulement
de moyens de se faire assister d’un
les chances dans la mesure où comme le

72
Mahaman (ALIO), « Une révolution avortée : l’article 31 de la loi n° 2011-42 du 14 décembre
le code de la famille au Niger », communication 2011. Cette nouvelle institution devra s’occuper
au Colloque « Quel droit de la famille pour le des requêtes en assistance juridique.
Niger ?, Niamey du 21 au 23 novembre 2005, in Officiellement lancée le 27 mars 2015. Pour les
Actes du Colloque, FSEJ/IDDH, pp.167-181. statuts de l’ANAJJ, voir :
73
Jean (PRADEL), Procédure pénale, 8ème http://www.justice.gouv.ne/sites/default/files/
édition, revue et augmentée CUJAS, Paris, statuts de l’Agence Nationale de l’Assistance
2013, p. 213 et 214. Juridique et Judiciaire.pdf, consulté le 3 janvier
74
C’est L'Agence Nationale de l'Assistance 2023 à 20 heures 03 minutes.
Juridique et Judiciaire (ANAJJ) créée par

101
avocat lors d’une procédure judiciaire, légiférant comme il l’a fait en matière
bien qu’il prévoit un système pénale77, en rendant effectif le système
d’assistance judiciaire d’office pour la d’avocat commis d’office pour la
femme et l’enfant75. femme et l’enfant ne disposant pas de
moyens de se doter de ce service. Ainsi
Cet organe devrait être un outil de
toute personne aura le droit, chaque
défense et d’assistance des personnes
fois que l’intérêt de la justice l’exigera,
vulnérables telles que la femme et
de se voir attribuer d’office un avocat
l’enfant ; ce qui est loin de se réaliser en
sans frais, s’il n’a pas les moyens de le
l’état actuel des choses à cause de
rémunérer. Parallèlement, les
l’opposition farouche de l’Ordre des
associations professionnelles d’avocats
avocats du Niger qui voit en cet organe
doivent promouvoir des programmes
un mécanisme de supplantation de leur
visant à informer les justiciables de leurs
métier76. Pourtant l’Etat doit garantir
droits fondamentaux.
l’accès à toute personne aux services
d’avocats et aux services juridiques en Cependant, il ne suffira pas de prévoir
prévoyant des procédures efficaces et formellement un tel mécanisme,
des mécanismes adéquats. faudra-t-il encore l’accompagner de
certaines mesures contraignantes ou
Le législateur nigérien doit alors faire
preuve d’une œuvre créatrice en

75 76
L’article 18 de la loi n° 2011- 42 du 14 décembre Voir “Création de l’Agence nationale
2011, fixant les règles applicables à l’assistance d’assistance juridique et judiciaire: L’Ordre des
juridique et judiciaire et créant un avocats s’insurge et menace de saisir la
établissement public à caractère administratif Commission de l’UEMOA”, Niger Diaspora, 8
dénommé «Agence nationale de l’assistance avril 2015, disponible en français à
juridique et judiciaire» dispose que : « Le http://nigerdiaspora.net/, Consulté le 3 janvier
bénéfice de l’assistance judiciaire est accordé 2023 à 19heures 57 minutes.
77
d’office, sans exigence de production de la Voir les articles 39 al. 3 ; 71 al. 3 ; 108 al. 2 et
preuve d’indigence aux personnes suivantes : 109.
- femmes qui sollicitent le paiement d’une
pension alimentaire, la liquidation d’une
succession ou la garde d’un enfant ».

102
tout plus des sanctions en cas de non- quatre-vingt, il était temps qu’une
respect. évaluation de l’impact sur le droit de
garde dans le contexte nigérien soit
A cet effet, le législateur peut prévoir la
faite. Si les transformations matérielles
nullité de toute procédure de divorce
tardent à être résolument engagées par
dans laquelle la femme et l’enfant n’ont
le législateur, les juges sont aussi
pas été représentés. De même, le
attentistes79, ce qui approfondit les
système de rémunération des avocats
clivages entre le statut effectif de
commis d’office doit être pensé dans la
l’enfant et les droits proclamés par les
perspective de favoriser leur maintien
standards internationaux de protection
jusqu’à la fin de la procédure, car celui
en cours d’intégration dans la plupart
qui prévaut actuellement en matière
des systèmes juridiques comparés80.
pénale78 n’est pas du tout un modèle.
C’est en cela que nous proposons que le Pour parvenir à un droit de garde
législateur prévoie un fond spécial efficace et efficient qui promeut un
annuel destiné à la rémunération des meilleur respect des droits de l’enfant,
avocats. c'est-à-dire à la transposition réussie en
droit interne des instruments juridiques
CONCLUSION
internationaux y relatifs, l’articulation
Confrontée aux exigences
de nouvelles règles juridiques par
contemporaines de la vision des droits
l’élaboration des nouveaux textes, la
de l’enfant véhiculée par les
garantie judiciaire par une activité
instruments juridiques internationaux
jurisprudentielle conséquente,
en vigueur depuis la fin des années

78 79
Les frais et honoraires d’avocats commis Mbandji Mbéna (ETIENNE), Les droits
d’office sont à la charge du Trésor public. Etant fondamentaux de l’enfant en droit camerounais,
donné la longueur de la procédure de p. 516.
80
rémunération, les avocats commis d’office Ibidem.
déchantent dès la seconde audience et le
prévenu sera parfois entendu seul.

103
l’aménagement d’un cadre exempt de trop de lacunes et de
institutionnel adapté, sont autant de contradictions »81.
centres d’intérêt d’une bonne réforme.
Le législateur nigérien doit donc
Une telle réforme entraînera
s’enrichir des vertus du « bon législateur
nécessairement l’harmonisation de
» de PORTALIS, celui qui possède « en
l’ensemble du dispositif civil de
soi des qualités convenables à sa nature,
protection des personnes et de la
à sa destination, à l’emploi qui s’en doit
famille, afin d’assurer une parfaite
faire »82.
concordance entre diverses sources de
l’ordre juridique.

La convergence entre les règles


protégeant l’enfant et celles
protégeant les parents apparait
d’ailleurs à travers ces propos du
Professeur Jean-Louis BERGEL qui
indique que « la coordination de textes
différents peut s’opérer en fonction de
considérations tenant à la cohérence
générale du système juridique pour
préserver les qualités d’harmonie, de
complétude, d’économie qui sont
inhérentes à l’organisation de l’ordre
social même, structuré et équilibré,

81 82
Jean-Louis (BERGEL), Théorie générale du Jean-Louis (SOURIOUX), « Le bon législateur
droit, coll. Méthodes du droit, 5ème édition, selon PORTALIS » in Mélanges en l’honneur de
Dalloz, Paris, 2012, p.47. Philippe JESTAZ, Paris, DALLOZ, 2006, pp. 515-
518.

104
CHRONIQUES

105
LA FIGURE DE L’AVOCAT MEDIATIQUE
Par
ISSOUFA Abdoul Malik
Master en Droit International et Droits de l’Homme

INTRODUCTION l’ampleur d’un phénomène qui se


normalise.
Une anomalie supplémentaire !
Au Niger, beaucoup de téléspectateurs
C’est le commentaire que pourraient
connaissent par exemple Souley
inspirer les avocats médiatiques.
Oumarou, Daouda Samna et Boudal
Constitués pour la défense des intérêts
Effred Mouloul. Au Burkina Faso,
de leurs clients, les enceintes judiciaires
Benewendé Stanislas Sankara et
semblent – pour le commun des
Prosper Farama sont des habitués du
mortels - le cadre approprié et,
petit écran. En France tout le monde,
certainement, le plus efficace à
ou presque, a vu Jacques Vergès et Eric
l’expression des avocats. Que ceux-ci
Dupont-Moretti etc. Tous, par la
en viennent à « plaider » dans la presse,
fréquence de leurs interventions dans
s’apparente sinon à un dédoublement
la presse, et sur différentes affaires,
professionnel (journaliste et avocat à la
incarnent illustrativement la figure de
fois ?) du moins à une montée d’hybris
l’avocat médiatique.
(s’agissant d’individus réputés
éloquents, suspectés de saisir toute Outre les interrogations sur un
occasion de s’entendre parler !)1 éventuel dédoublement professionnel
ou les reproches de narcissisme, les
De telles impressions sont d’autant
avocats médiatiques sont soupçonnés
plus fondées, que les avocats
d’instrumentaliser la presse, accusés
médiatiques se multiplient avec
d’attenter au prestige de leur
profession - en se démonétisant par

1
D’autant que, prévient Pascal BONIFACE, faussaires : Le triomphe médiatique des experts
« Une fois mis sur orbite médiatique, on ne en mensonge, Paris, Jean-Claude Gawsewitch
redescend pas sur terre ». Les intellectuels Editeur, 2011, p. 8.

106
une présence intempestive dans les I. Précisions et nuances
médias. Comme on l’a écrit de longue
De prime abord, il convient de préciser
date, « [...] Rien n’est plus contraire à la
que rien, légalement, n’interdit le
dignité du barreau que les efforts
cumul des professions d’avocat et de
continus que l’on fait souvent dans
journaliste. Si, à titre illustratif, l’Acte
certaines causes pour égayer
uniforme OHADA sur le droit
l’auditoire, parce que les ris sont pour
commercial général pose une
2
le peuple et le mépris pour l’avocat ».
incompatibilité entre les fonctions
D’où, il convient de s’interroger : les d’avocat et de commerçant3, il en va
avocats médiatiques seraient-ils des autrement des lois portant régime de la
têtes brulées ? Leur présence dans la liberté de presse et celle réglementant
presse est-elle nécessairement la profession d’avocat au Niger.
suspecte ou néfaste à la corporation ?
Aucune disposition des deux lois ne
Les liens entre les membres du barreau
pose d’incompatibilité entre les
et les journalistes sont-ils indécents ?
fonctions de journaliste et d’avocat, du
Ici, comme ailleurs, toute moins pas absolument4. Ensuite, ayant
généralisation serait excessive et toutes « la parole » pour support de
empêcherait une compréhension - travail, se crée entre celles-ci une forme
parfaite et nuancée – du phénomène. de passerelle et un air de parenté,

2
Arrêt de la Cour royale de Rouen du 7 mars toutes fonctions publiques…ou la qualité
1835, cité par GAZZANIGA, Jean-Louis. Notes d’employé du secteur privé ». Néanmoins, il
sur la liberté de parole de l’avocat In : Études faut réserver les cas où, par exemple, un
d’histoire de la profession d’avocat : Défendre journaliste accédant à la profession d’avocat
par la parole et par l’écrit [en ligne]. Toulouse : décide de consacrer ses heures perdues et
Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, bénévolement à un organe de presse ; ou, y
2004 (généré le 17 décembre 2022). Disponible intervient – en qualité de journaliste-
sur Internet consultant dans le cadre d’un contrat de
:<http://books.openedition.org/putc/12959>. consultance. De jure, le consultant n’est pas
ISBN : 9782379281013. DOI : assimilable à un employé mais à l’entrepreneur
https://doi.org/10.4000/books.putc.12959 . du contrat d’entreprise, qui ne souffre aucun
3
V. Article 9. lien de subordination. (V. Phillipe MALAURIE &
4
En effet, l’article 53 de la loi n° 2004-42 du 8 alii, Droit des contrats spéciaux, Paris, L.G.D.J,
juin 2004 réglementant la profession d’avocat 2016, n° 717, 718 et 766). En ce cas, il est
(au Niger) dispose que : « L’exercice de la possible de cumuler les fonctions d’avocat et
profession d’avocat est incompatible avec… de journaliste-consultant.

107
toutes proportions gardées. Ceci par particulièrement l’attention du public ;
ailleurs pourrait expliquer cela. au point que, le gouvernement -
souvent directement, parfois par la
Toutefois, l’avocat-journaliste ou –
voix du ministère public – se croit en
c’est selon -, le journaliste-avocat ne
devoir de communiquer pour éclairer
correspond guère rigoureusement à la
l’opinion. Or, à l’occasion de telles
figure de l’avocat médiatique. Il en est
communications – auxquelles
ainsi dans la mesure où dans le premier
s’ajoutent parfois celles des avocats
cas, une personne exerce deux
des parties civiles – la présomption
fonctions distinctes et distinguables
d’innocence des personnes poursuivies
selon les cadres (tribunal ou organe de
est mise à mal par une présentation des
presse). Or, l’avocat médiatique
faits subjective à outrance6.
n’assume qu’une fonction : il reste
avocat de son cabinet aux locaux des L’objectif sous-jacent à ces actes de
organes de presse en passant par le communication consiste, parfois, à
palais de justice. Du reste, qu’il soit s’attirer la faveur du « tribunal de
fréquent dans les médias, sans être l’opinion » avant celle du tribunal
journaliste, n’est pas (toujours) une judiciaire. Dans cette configuration des
anomalie5. choses, il est tout à fait légitime voire
indispensable que l’avocat use des
II. Les motifs d’une présence
médias pour « communiquer » à son
médiatique remarquée…
tour, en vue de contrecarrer les
Impliquant des personnalités publiques
allégations des parties adverses. Dès
ou touchant aux mœurs, certaines
lors qu’il est constitué, en effet, «
procédures judiciaires suscitent

5
Observons néanmoins que le recours, par les les règlements intérieurs des différents
avocats, aux médias (sociaux) fait l'objet d'un barreaux.
6
encadrement soucieux de l'éthique et de la A ce sujet, ironise l’écrivain-magistrat
dignité professionnelles ! V. notamment burkinabé Sidbéwendin Issouf KABRE, le «
l'article 45 du Règlement principe fondamental de la présomption
n°05/CM/UEMOA/2014 du 25 septembre 2014, d’innocence [...] est une plaisanterie pour
relatif à l'harmonisation des règles régissant la nombre de parquetiers [...] », L’Affaire du car
profession d'avocat dans l'espace UEMOA et de Rakaye, Ouagadougou, L’Harmattan
Burkina, 2009, p. 9.

108
l'avocat est obligé d'embrasser avec De même, il arrive que l’avocat doive
zèle l'intérêt de ses parties »7 dans le préserver - outre les droits de son client
prétoire mais également aux yeux du - son image publique. En ce cas il lui faut
public. démentir ou relativiser, dans les
médias, les accusations portées contre
On se rappelle, par exemple, toute la
son client ; lors même que ni le
bataille médiatique – entre le ministère
procureur ni les avocats de la partie
public et les parties civiles, d’une part
civile n’ont porté, pour ainsi dire, la
et, d’autre part, les avocats de
première estocade médiatique. Le
Guillaume Soro8 (ancien député à
droit de réponse9 fonde juridiquement
l'Assemblée nationale de Côte d’Ivoire
une telle présence médiatique, appelée
et ex-président de ladite institution)
à se prolonger au gré du nombre des
dans la procédure enclenchée à son
organes de presse mettant son client
encontre en décembre 2019. D’une
en cause.
manière générale, dans cette affaire, le
principe du contradictoire se sera joué En effet, dans la mesure où, « les
moins au tribunal que dans la presse ; médias peuvent causer des dommages
en sorte que, la seule défense considérables… aux personnes
médiatique de Guillaume Soro - par ses compte tenu de l’effet démultiplicateur
avocats - aura convaincu une partie de qui s’attache à toute publication »10, le
l’opinion, à tort ou à raison, du silence de l’avocat - préférant réserver
caractère prétendument politique de l’exclusivité de ses arguments à la
sa condamnation.

7
G.-Y. Grouard, Galerie de littérature, de décembre et l'émission NCI 360 (sur la chaine
législation et de morale, Volume 1, Testu et Ce., NCI) consacrée à l’affaire Guillaume Soro en
1818, p. 161. V. Dans le même sens V. Cour EDH, mai 2020 avec la participation de ses avocats.
9
Nikula c. Finlande, n° 31611/96, § 54. V. Article 31 de la loi portant régime de la
8
V à ce sujet le communiqué du procureur de liberté de presse.
10
la République (de Côte d'Ivoire) Adou Richard Emmanuel DREYER in X. Dupré DE BOULOIS,
en date du 23 décembre 2019 sur la chaine RTI Les grands arrêts du droit des libertés
1 ; celui de Me Affoussiata Bamba Lamine du 25 fondamentales, Paris, Dalloz, 2e éd, 2019,
décembre lu sur les réseaux sociaux ; la commentaire n° 85 §2.
conférence de presse du Procureur du 26

109
justice - n’est pas toujours de bonne Puis, comme pour contenir
méthode. l'indignation du public, il explique que
la fraude fiscale n'est pas synonyme de
Encore que, dans certaines situations
détournement de deniers publics : « Il
l’avocat prend l’initiative d’un
n'y a pas un centime d'argent public
traitement médiatique de l’affaire,
[...] en cause dans ce dossier ». L’idée
généralement en accord avec le client
que l’agent pénal reconnaisse
prêt à plaider coupable. Cette défense
publiquement son infraction devrait,
médiatique vise, à grands renforts
espère-t-on, émouvoir les juges. N’est-
d’explications, de nuances et de mises
ce pas que faute avouée est à moitié
en contexte, à atténuer l’indignation
pardonnée ?
du public et s’attirer la clémence du
tribunal. Enfin, dans les Etats où le lawfare12 est
partie intégrante du jeu politique – en
On peut à cet égard mentionner
sorte que l’issue des procès est
l'entretien accordé par Me Éric Dupont-
ordinairement d’avance connue –,
Moretti (avocat de Patrick Balkany,
l’utilité des avocats se résume à celui
ancien député et Maire de Levallois-
des comparses. Dès lors, les médias
Perret (France), poursuivi notamment
constituent le rempart ultime pour
pour fraude fiscale) à l'émission C à
prendre le public à témoin des dérives
vous du 13 mai 2019, sur France 511.
de la gouvernance, mais encore, de la
Au cours de cette émission, l'avocat
défectuosité du service publique de la
prit les devants en annonçant qu'à
justice13.
l'audience son client plaidera coupable
Il s’agit, par ailleurs, de tirer la sonnette
pour l'infraction de fraude fiscale.
d’alarme en direction de la

11
Consulté sur Youtube.com 18 décembre juridiques », Focus stratégique, n° 108, avril
2022. 2022, p. 11.
12 13
On entend par lawfare « une utilisation du V. Par exemple. CEDH, gr. ch., 23 avril 2015,
droit visant à établir, pérenniser ou renverser n° 29369/10, Morice c/ France, D. 2015. 974 ; AJ
un rapport de force dans le but de contraindre pénal
un adversaire [...] ». Amélie FEREY, « Vers une 2015. 428, obs. C. Porteron.
guerre des normes ? Du lawfare aux opérations

110
14
communauté dite internationale dysfonctionnements de nature à nuire
et/ou des organisations de défense des à la bonne marche d’une instruction »16.
droits humains.
D’une manière générale, note le juge
Cette fonction d'alerte, y compris par européen – qui inspire son homologue
voie médiatique, est d'autant plus africain17 - « l’avocat doit pouvoir attirer
nécessaire que selon la jurisprudence, « l’attention du public sur d’éventuels
[...] les avocats occupent une position dysfonctionnements judiciaires,
centrale dans l’administration de la l’autorité judiciaire pouvant tirer un
justice en leur qualité d’intermédiaires bénéfice d’une critique constructive»18.
entre les justiciables et les tribunaux ;
III. Entre crainte de démonétisation
c’est d’ailleurs à ce titre qu’ils jouent un
et véritable sensibilisation du
rôle clé pour assurer la confiance du
public…
public dans l’action des tribunaux, dont
L’idée qu’en « parlant tout le temps
la mission est fondamentale dans une
dans la presse », l’avocat entame son
démocratie et un État de droit »15.
prestige et, plus généralement, celle de
Aussi, « la défense d’un client peut se
sa corporation ne doit pas être
poursuivre avec une apparition dans un
exagérée. Hors les cas évoqués plus
journal télévisé ou une intervention
haut qui, du reste, ne sont pas
dans la presse et, à cette occasion, avec
nombreux, il est rare que les Hommes
une information du public sur des
du barreau aient besoin de recourir aux

14
V par exemple Jacques Vergès, Dictionnaire Samson Mwin Sôg Mè DABIRE, La dérogation
amoureux de la justice, Paris, Plon, 2002. V. aux droits de l’Homme en Afrique : Le droit
Entrée Passion de défendre, sous entrée Un africain des droits de l’homme et des peuples à
dernier verre au Ritz. l’épreuve des circonstances exceptionnelles,
15
Cour EDH, 5e section, 23 avril 2015, Thèse de Doctorat, Droit, Université de
n° 26690/11, François c/ France, § 51. V. plus Genève, 2020, p. 53.
16
systémiquement en Afrique : Augustin LOADA Cour EDH, François c/ France, op cit, § 158.
17
et Luc Marius IBRIGA, Droit constitutionnel et V. Abdou-Khadre DIOP, « L’influence de la
institutions politiques, Ouagadougou, PADEG, jurisprudence européenne sur le système
2007, n° 492. ; Daouda DIA, Les dynamiques de africain de protection des droits de l’homme »,
démocratisation en Afrique noire francophone, Revue québécoise de droit international, Hors-
Thèse de doctorat, Science Politique, série, 2020, p. 594 et s.
18
Université Jean Moulin Lyon 3, 2010, p. 88. ; Cour EDH, François c/ France, op cit, § 167.

111
médias. L’essentiel de leur activité Enfin, à l’ère du numérique où la presse
s’exerce dans les palais de justice et/ou traditionnelle côtoie les réseaux
dans le secret de leurs cabinets. sociaux, les sources des contenus
éducatifs n’en sont que démultipliées.
Ensuite, l’intérêt que le public
Aussi, une sérieuse attention prêtée
témoigne aux avocats médiatiques est
aux avocats médiatiques, dans le
la preuve même que la presse
déploiement de leurs arguments,
contribue à accroitre leur prestige et à
apporte potentiellement un plus à la
susciter des vocations. Que d’étudiants
culture générale sur des sujets d’intérêt
ont choisi le barreau, inspirés qu’ils
tout aussi général.
furent par des avocats célèbres y
compris médiatiques !

112
LEGISLATION

113
REPUBLIQUE DUNIGER Loi n° 2014-62
Fraternité-Travail-Progrès du 05 novembre 2014
Portant Code de la Route

Vu la Constitution du 25 novembre 2010 ;


Vu l’ordonnance n° 86-001 du 10 janvier 1986 portant régime général des
Etablissements publics, Sociétés d’Etat et Sociétés d’économie mixte ;

L’Assemblée Nationale a délibéré et adopté,

Le Président de la République promulgue

La loi dont la teneur suit :

TITRE PREMIER : DES DISPOSITIONS GENERALES ET DES DEFINITIONS

CHAPITRE PREMIER : DES DISPOSITIONS GENERALES

Article Premier : La présente loi porte Code de la Route en République du Niger.

Article 2 : Les dispositions du Code de la Route s’appliquent à tous les véhicules ainsi
qu’à tous les usagers de la route qui circulent sur le territoire de la République du
Niger.

Elles régissent l’usage des voies routières ouvertes à la circulation publique.

CHAPITRE II : DES DEFINITIONS

Article 3 : au sens de la présente loi on entend par :

114
« Automobile » : désigne ceux des véhicules à moteur qui servent normalement au
transport sur route de personnes ou de biens ou à la traction sur route de véhicules
utilisés pour le transport de personnes ou de biens ;

« Chaussée » : désigne la partie de la route normalement utilisée pour la circulation


des véhicules ; une route peut comporter plusieurs chaussées nettement séparées les
unes des autres ;

« Conducteur » : désigne toute personne qui assure la direction d'un véhicule


automobile ou qui, sur une route, guide des bestiaux, isolés ou en troupeaux, ou des
animaux de trait, de charges ou de selle ;

« Conducteur professionnel » : désigne le conducteur qui fait de la conduite


automobile sa profession ;

« Cyclomoteur » : désigne tout véhicule à deux ou trois roues qui est pourvu d'un
moteur thermique de propulsion, de cylindrée inférieure à 50 cm3.

« Education routière » : désigne la mise en œuvre des moyens éducatifs propres à


faciliter l'adaptation de l'individu dans le sens de son éducation en matière
decirculation routière ;

« Ensemble de véhicules » : désigne des véhicules couplés qui participent à la


circulation routière comme une unité ;

« Motocyclette » ou « motocycle » : désigne tout véhicule à deux roues, avec ou sans


side-car, pourvu d'un moteur thermique de propulsion de cylindrée supérieure ou
égale à 125 cm3 ou assimilé ;

« Politique de sécurité routière » : désigne un ensemble d’actions de sécurité


planifiées, conçues et mises en œuvre et un système institutionnel mis en place pour
gérer l'ensemble des activités de sécurité routière et des interventions ;

« Route » : désigne toute l'emprise de tout chemin ouvert à la circulation publique ;

115
« Remorque » : désigne tout véhicule destiné à être attelé à un véhicule à moteur. Ce
terme n'englobe pas les semi-remorques ;

« Semi-remorque » : désigne toute remorque destinée à être accouplée à une


automobile de telle manière qu'elle repose en partie sur celle-ci et qu'une partie
appréciable de son poids et du poids de son chargement soit supportée par ladite
automobile ;

« Tricycle et quadricycle à moteur » : désignent tout véhicule à trois ou quatre roues


: pourvu d'un moteur dont la cylindrée n'excède pas 350 centimètres cubes ; d'un
poids à vide n'excédant pas 400 kg ; et qui ne répond pas à la définition du
cyclomoteur ;

« Trottoir » : désigne toute partie de la route située de part et d’autre de la chaussée


destinée à la circulation des piétons ;

« Véhicule à moteur » : désigne, à l'exception des véhicules sur rails, tout véhicule
pourvu d'un moteur de propulsion.

« Véhicule non motorisé » : désigne le moyen de transport terrestre mu par l'énergie


humaine ou animale : bicyclette, tricycle, charrette à traction animale ;

« Voie » : désigne l’une quelconque des subdivisions de la chaussée ayant une largeur
suffisante pour permettre la circulation d’une file de véhicules automobiles
matérialisée ou non par des marques routières longitudinales ;

« Vélomoteur » : désigne tout véhicule à deux ou trois roues qui est pourvu d'un
moteur thermique de propulsion, de cylindrée supérieure ou égale à 50 cm3 et
inférieure à 125 cm3.

« Code de la route » : désigne l’ensemble des lois et règlements relatifs à l’utilisation


des voies publiques (trottoirs, chaussées, autoroutes, etc.) ;

« Parc automobile » : désigne le nombre de véhicules immatriculés à une date


donnée dans un pays et autorisés à utiliser les routes ouvertes à la circulation
publique ;

116
« Passage à niveau » : désigne le croisement au même niveau d’une voie de chemin de
de fer et d’une route ;

« Permis de conduire » : est une autorisation administrative écrite requise pour


conduire un véhicule automobile.

TITRE II : DES CONDITIONS DE LA CIRCULATION SUR LA VOIE PUBLIQUE

CHAPITRE II : DU PERMIS DE CONDUIRE

Article 4 : Nul ne peut conduire un véhicule à moteur dont la cylindrée est supérieure
à 50 cm3 ou un ensemble de véhicules sur la voie ouverte à la circulation publique sans
être titulaire d’un permis de conduire en cours de validité, délivré par l’administration
des transports, correspondant à la catégorie du véhicule ou de l’ensemble des
véhicules.

Article 5 : Par dérogation aux dispositions de l’article 4 ci-dessus :

1) le conducteur militaire, titulaire d’un permis de conduire délivré par l’autorité


dont il relève, peut conduire sur la voie ouverte à la circulation publique le
véhicule militaire correspondant à la catégorie de son permis de conduire, sous
réserve de respecter les règles de circulation fixées par la présente loi et les
textes pris pour son application ;
2) tout titulaire d’un permis de conduire international, délivré dans un pays ayant
signé la Convention de Vienne du 8 Novembre 1968, peut conduire sur le
territoire de la République du Niger, sans aucune formalité, les véhicules des
catégories prévues par ce permis ;
3) tout titulaire d’un permis de conduire, ressortissant d’un Etat avec lequel le
Niger est lié par des accords de réciprocité, peut conduire sur le territoire
national les véhicules des catégories prévues par ce permis, conformément aux
dispositions de ces accords ;
4) tout titulaire d’un permis de conduire étranger, dont le pays n’a pas d’accord
de réciprocité avec le Niger peut conduire les véhicules de catégories prévues
par ce permis sur le territoire national, sous réserve de l’obtention d’une

117
autorisation de conduire délivrée par l’administration des transports pendant
une durée n’excédant pas trois (3) mois. A l’expiration de ce délai, il est tenu
d’échanger son permis ;
5) tout candidat au permis de conduire accompagné d’un moniteur dans un
véhicule d’établissement d’enseignement de conduite automobile, peut
conduire ledit véhicule , sous réserve de respecter les règles de circulation
fixées par la présente loi et les textes pris pour son application.

Article 6 : Les conditions d’échange de permis de conduire sont fixées par voie
réglementaire.

Article 7 : Nul ne peut conduire un véhicule agricole à moteur, un véhicule forestier à


moteur, un engin de travaux publics ou un engin spécial à moteur, sur la voie ouverte
à la circulation publique, sans être titulaire d’un permis de conduire délivré
conformément à l’article 4 ci-dessus.

Article 8 : La catégorie du permis de conduire est déterminée selon la ou les


catégories du véhicule.

Les catégories de permis de conduire sont déterminées par voie réglementaire.

Article 9 : Les conditions d’obtention de délivrance et de retrait du permis de


conduire sont fixées par voie réglementaire.

Article 10 : Nul ne peut utiliser, à titre professionnel, le permis de conduire s’il ne


dispose d’une carte de conducteur professionnel.

La carte de conducteur professionnel est délivrée par l’administration des transports


au demandeur ayant suivi une formation de qualification initiale et après avoir subi
avec succès un examen d’aptitude professionnelle.

Article 11 : La formation de qualification initiale et l’examen d’aptitude


professionnelle visés à l’article précédent sont assurés par des établissements agréés
à cet effet par l’administration des transports.

118
Article 12 : Le programme des formations de qualification initiale et continue ainsi
que les modalités des examens sont fixés par voie règlementaire.

CHAPITRE II : DU VEHICULE

Article 13 : Les véhicules ou ensembles de véhicules doivent être construits,


aménagés, commercialisés, exploités, utilisés, entretenus et le cas échéant réparés
de façon à assurer la sécurité de ses occupants ainsi que des usagers de la voie
ouverte à la circulation publique et à minimiser la consommation d’énergie, la création
de déchets non valorisables, les émissions des substances polluantes et les nuisances
sonores.

Article 14 : Les règles d’équipement mécanique et d’aménagement des véhicules


selon l’usage auquel ils sont destinés, établies par l’administration des transports,
doivent assurer de garanties suffisantes de solidité et de sécurité, permettant au
conducteur de garder le contrôle de son véhicule et de réduire autant que possible
les risques et les conséquences d’accidents, aussi bien pour les occupants du véhicule
que pour les autres usagers de la voie ouverte à la circulation publique.

Ces règles sont fixées par voie réglementaire.

Article 15 : L’âge des véhicules importés est fixé par voie réglementaire.

Article 16 : Afin de s’assurer qu’un véhicule à moteur ou un ensemble de véhicules


peut être admis à circuler sur la voie ouverte à la circulation publique, le centre de
contrôle technique et d’homologation homologue le véhicule en contrôlant le
respect des normes et règlements techniques énoncés dans la présente loi et dans
les textes pris pour son application.

Les dispositions du présent article s’appliquent aux vélomoteurs, aux motocycles,


aux tricycles à moteur et aux quadricycles dont la cylindrée est supérieure ou égale à
50 cm3ainsi qu’aux remorques lorsque leur poids total en charge est supérieur à sept
cent cinquante (750) kilogrammes.

119
L’homologation donne lieu à l’établissement d’un procès-verbal d’homologation,
dont la forme et le contenu sont fixés par voie réglementaire.

Article 17 : Tout propriétaire, avant de mettre pour la première fois en circulation un


véhicule à moteur, remorque ou semi- remorque dont le poids total, dont le poids
total autorisé en charge est supérieur à sept cent cinquante (750) kilogrammes,
doit procéder à son immatriculation.

Un certificat d’immatriculation (carte grise) lui est délivré par l’administration des
transports.

CHAPITRE III : DE L’ASSURANCE EN MATIERE DE CIRCULATION DE VEHICULES


TERRESTRES A MOTEUR

Article 18 : Tout propriétaire de véhicule à moteur, remorque ou semi- remorque dont


le poids total, dont le poids total autorisé en charge est supérieur à sept cent
cinquante (750) kilogrammes, doit, pour faire circuler ledit véhicule, souscrire à une
police d’assurance garantissant sa responsabilité civile.

Article 19 : L’obligation d’assurance ne s’applique pas aux véhicules de l’Etat.

Article 20 : Les conditions de souscription à une police d’assurance, l’étendue de la


garantie ainsi que les modalités d’établissement et de validité des documents
justificatifs sont déterminées par la loi instituant l’obligation d’assurance et les textes
pris pour son application.

CHAPITRE IV : DES FICHIERS ADMINISTRATIFS RELATIFS AUX PERMIS DE CONDUIRE


ET AUX VEHICULES

Article 21 : Il est institué deux fichiers administratifs concernant les permis de


conduire et les véhicules, dits respectivement « fichier national du permis de
conduire » et « fichier national du véhicule », dans lesquels sont inscrites d’office, les
données relatives à ces domaines prévus par voie réglementaire.

120
Article 22 : Sous peine de sanctions, aucune information enregistrée dans les fichiers
ne peut être communiquée ou divulguée à l’exception des cas expressément prévus
par voie réglementaire.

Article 23 : Les personnes chargées de la tenue des fichiers, à quelque titre que ce
soit, sont tenues au secret professionnel.

CHAPITRE V : DES REGLES DE LA CIRCULATION ROUTIERE ET DE LA CONSERVATION


DE LA VOIE OUVERTE A LA CIRCULATION PUBLIQUE

Article 24 : Les règles de circulation définissent les obligations qui incombent aux
usagers de la voie ouverte à la circulation publique.

Ces règles sont fixées par voie règlementaire afin de préserver en tous lieux et en
toutes circonstances, l’ordre public, la sécurité publique, la sécurité des conducteurs
et de leurs passagers, la sauvegarde de la santé des personnes et la qualité de
l’environnement, la protection des biens meubles et immeubles des usagers, des
personnes publiques ou privées et la protection de la voie ouverte à la circulation
publique et la protection du patrimoine routier.

Article 25 : Les règles de la circulation sur la voie ouverte à la circulation publique,


fondées sur les principes posés à l’article précédent, doivent permettre d’assurer la
commodité de la circulation des usagers de la voie ouverte à la circulation publique et
la fluidité de la circulation des véhicules, le transport sécurisé des personnes et des
biens, l’usage des véhicules sans gêne pour les autres usagers de la voie ouverte à la
circulation publique.

Article 26 : Lors de l’usage de la voie ouverte à la circulation publique, tout


conducteur doit :

1) Être dans un état physique et mental lui permettant de maîtriser


constamment son véhicule ou ses animaux ;
2) Avoir les connaissances et habileté nécessaires à la conduite de son véhicule;
3) S’interdire de conduire notamment :

121
- sous l’influence de l’alcool, de substances stupéfiantes ou de certaines
substances médicamenteuses contre-indiquées pour la conduite des
véhicules ;
- dans l’état de fatigue ou de manque de sommeil.
4) se tenir constamment en état et en position d’exécuter commodément et
immédiatement les manœuvres qui lui incombent. Ses possibilités
d’attention et de mouvement et son champ de vision ne doivent pas être
réduits notamment par l’utilisation d’appareils, par le nombre ou la position
des passagers, par les objets transportés ou par l’apposition d’objets non
transparents sur les vitres aussi bien de l’intérieur que de l’extérieur ;
5) s’assurer constamment de pouvoir circuler sans causer de dommages, en
raison des dimensions de son véhicule ou de son chargement, à la voie
ouverte à la circulation publique, aux équipements situés sur la voie
ouverte à la circulation publique, ou sans présenter de danger pour les
autres usagers de la voie ouverte à la circulation publique ;
6) respecter le temps de repos fixé par la réglementation.

Article 27 : Lors de l’usage de la voie ouverte à la circulation publique, tout piéton


doit :

1) prendre les précautions nécessaires pour éviter tout danger, soit pour lui,
soit pour autrui ;
2) s’interdire tout acte pouvant porter atteinte à la route et à ses
équipements.
Les règles de circulation concernant le piéton sont fixées par voie réglementaire.

Article 28 : Il est interdit d’établir sur la voie ouverte à la circulation publique des
panneaux publicitaires, enseignes ou autres dispositifs qui obstruent la vue des
conducteurs, les éblouissent, les induisent en erreur, représentent ou imitent même
partiellement des signaux routiers, se confondent à distance avec des signaux ou
nuisent de toute autre manière à l’efficacité des signaux règlementaires.

122
Article 29 : Sans préjudice des interdictions prévues par d’autres dispositions
législatives et réglementaires relatives aux destructions, dégradations et dommages
causés à la voie ouverte à la circulation publique, il est interdit :

1) d’empiéter sur l’emprise de la route ;


2) de dégrader les équipements, les monuments, les chaussées et autres
constructions faisant partie de la voie ouverte à la circulation publique
ainsi que les ouvrages établis dans l’intérêt de la circulation, d’utilité
publique ou de décoration publique ;
3) de laisser se répandre ou déverser sur la chaussée tout liquide ou des
matières susceptibles de nuire à la salubrité publique, à la sécurité et à la
commodité de la circulation ;
4) de jeter des objets en flammes ou inflammables sur la voie ouverte à la
circulation publique et ses dépendances ;
5) de procéder à tout affichage ou poser toute inscription ou tout dessin, ou
forme sur les équipements de la route.
Article 30 : Sauf autorisation préalable accordée par les autorités compétentes, il est
interdit :

1) d’organiser des courses de véhicules à moteur sur la voie ouverte à la


circulation publique ;
2) de déposer sur l’emprise de la voie ouverte à la circulation publique des
objets quelconques ou de procéder à des installations de quelque nature
qu’elles soient ;
3) d’exercer sur l’emprise de la voie ouverte à la circulation publique, même
à titre temporaire, soit individuellement, soit collectivement toute activité
de quelque nature qu’elle soit ;
4) d’ouvrir des accès sur l’emprise de la voie ouverte à la circulation
publique ;
5) de réaliser des franchissements aériens ou traversées souterraines de
l’emprise de la voie ouverte à la circulation publique, notamment par des

123
lignes électriques, téléphoniques, passerelles ou de tout autre ouvrage
quelle qu’en soit la nature.

TITRE III : DU CONTROLE TECHNIQUE, DE L’EXPERTISE AUTOMOBILE, DE


L’ENSEIGNEMENT DE LA CONDUITE ET DES REGLES DE SECURITE ROUTIERE

CHAPITRE PREMIER : DU CONTROLE TECHNIQUE ET DES CENTRES DE CONTROLE


TECHNIQUES ET D’HOMOLOGATION

Article 31 : Les véhicules à moteur dont la cylindrée est supérieure ou égale à 125 cm3
et les remorques dont le poids total à charge autorisé dépasse sept cent cinquante
(750) kilogrammes sont astreints à un contrôle technique périodique.

Article 32 : Le contrôle technique est l’opération qui a pour but de constater que le
véhicule qui y est astreint est conforme à son identification et à son bon état de
marche fixés par la présente loi et les textes pris pour son application.

Article 33 : L’opération de contrôle technique donne lieu à la délivrance d’un


document attestant ce contrôle. Ce document doit obligatoirement être à bord du
véhicule lors de la circulation sur la voie ouverte à la circulation publique.

La périodicité du contrôle technique du véhicule, la procédure du contrôle, les


organes du véhicule à contrôler, la forme et le type de documents de contrôle
technique sont fixés par voie réglementaire.

Article 34 : Le contrôle technique et l’homologation des véhicules à moteur, des


ensembles de véhicules et des remorques et semi-remorques est effectué soit par
l’administration des transports, soit par des centres de contrôle technique agréés à
cet effet par l’administration des transports.

Article 35 : Les modalités d’obtention de l’autorisation d’ouverture et d’exploitation


d’un centre ou un réseau de centres de contrôle technique et d’homologation sont
déterminées par voie réglementaire.

124
CHAPITRE II : DE L’EXPERTISE AUTOMOBILE

Article 36 : Nul ne peut avoir la qualité d’expert en automobile s’il a fait l’objet de
condamnation pour des infractions qualifiées de crimes ou délits contre la probité et
les bonnes mœurs.

Article 37 : Les prestations de l’expert en automobile recouvrent les activités


suivantes :

1) la détermination de l’année de fabrication et/ou de première mise en


circulation et de la valeur des véhicules automobiles ;
2) le conseil aux tiers à l’occasion des transactions ou des litiges ;
3) la rédaction à titre habituel de rapports destinés à des tiers et relatifs à tous
dommages causés aux véhicules à moteur avec ou sans remorques ainsi
qu’aux cycles et à leurs dérivés, notamment toutes opérations et études
nécessaires à la détermination de l’origine, de la consistance, de la valeur
de ces dommages et à leur réparation.
Article 38 : L’exercice de la profession d’expert en automobile est incompatible avec :

1) la détention d’une charge d’officier public ou ministériel ;


2) l’exercice d’activités touchant à la production, la vente, la location, la
réparation et la représentation de véhicules à moteur et des pièces
accessoires ;
3) l’exercice de la profession d’assureur ;
4) l’accomplissement d’actes de nature à porter atteinte à son indépendance.
Article 39 : Tout expert en automobile doit être couvert par un contrat d’assurance
garantissant la responsabilité civile qu’il peut encourir en raison des activités
mentionnées à l’article 37 ci-dessus.

Article 40 : Les conditions de qualification professionnelle ainsi que les


règles professionnelles applicables à l’expert en automobile sont déterminées
par voie réglementaire.

125
CHAPITRE III : DE L’ENSEIGNEMENT DE LA CONDUITE AUTOMOBILE ET DE
L’EDUCATION A LA SECURITE ROUTIERE

Article 41 : L’enseignement de la conduite automobile et des règles de la sécurité


routière ne peut être dispensé que dans un établissement dont l’ouverture et
l’exploitation sont subordonnées à une autorisation délivrée à cet effet par
l’administration des transports.

Article 42 : Les conditions d’obtention de l’autorisation d’ouverture et d’exploitation


d’un établissement de l’enseignement de la conduite automobile et des règles de la
sécurité routière visée à l’article précédent sont déterminées par voie réglementaire.

Article 43 : L’enseignement dispensé dans les établissements d’enseignement de la


conduite automobile et des règles de la sécurité routière au public doit être conforme
au programme national de formation à la conduite des véhicules à moteur et aux
règles de la sécurité routière adopté par l’administration des transports.

Article 44 : Sont dispensés de l’autorisation d’exploitation visée par la présente loi,


les organismes et établissements de l’Etat qui dispensent exclusivement ou à titre
principal un enseignement débouchant sur la délivrance du diplôme de conducteur
professionnel ou de formateur de l’enseignement de la conduite automobile à
moteur et des règles de la sécurité routière.

CHAPITRE IV : DE LA SECURITE ROUTIERE

Article 45 : Il est institué l’éducation à la sécurité routière dans les cycles primaires et
secondaires des établissements publics et privés ainsi que dans les centres
d’alphabétisation.

Article 46 : L’éducation à la sécurité routière porte sur :

1) la circulation et la signalisation routières ;

2) les principales causes et les conséquences des accidents de la circulation


routière ;

126
3) le secourisme.

Article 47 : Les modalités d’application des dispositions du présent titre sont définies
par voie réglementaire.

Article 48 : Il est créé un établissement public à caractère administratif dénommé


« Agence Nigérienne de la Sécurité Routière » en abrégé (ANISER), Etablissement
Public à Caractère Administratif. Elle est placée sous la tutelle technique du Ministère
en charge des Transports et sous la tutelle du Ministère en charge des Finances.

TITRE V : DES SANCTIONS

CHAPITRE PREMIER : DES SANCTIONS ADMINISTRATIVES

Article 49 : Sans préjudice des sanctions pénales, la suspension du permis de conduire


pour une durée pouvant aller jusqu’à deux (2) ans peut être prononcée par
l’administration des transports lorsque le titulaire a commis des infractions relatives
aux dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application, constatées
par un procès-verbal.

Article 50 : Sans préjudice des sanctions pénales, le retrait du permis de conduire peut
être prononcé par l’administration des transports lorsque le titulaire a commis des
infractions aux dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application,
constatées par un procès-verbal.

Article 51 : La liste des infractions et la procédure d’établissement du procès-verbal de


suspension ou du retrait du permis de conduire sont fixées par voie réglementaire.

Article 52 : L’immobilisation du véhicule est l'ordre donné, à titre préventif, par


l'agent verbalisateur au conducteur d'arrêter son véhicule, sur le lieu de constatation
de l'infraction ou à proximité de celui-ci, tout en se conformant aux règles relatives
au stationnement.

Pendant la durée de son immobilisation, le véhicule demeure sous la responsabilité


juridique de son conducteur ou de son propriétaire.

127
En cas d'absence du conducteur ou du propriétaire, ou lorsque celui-ci refuse de
déplacer son véhicule ou lorsqu'il est dans l'incapacité de conduire, l'immobilisation
de ce véhicule peut être assurée par un moyen mécanique à la charge du
contrevenant et sous sa responsabilité. A défaut, l'agent verbalisateur peut prendre
toutes mesures nécessaires destinées à placer le véhicule en stationnement régulier,
aux frais du propriétaire.

Article 53 : En cas de violation des dispositions relatives aux règles de circulation ou


de stationnement, les véhicules peuvent être immobilisés dans les cas et conditions
prévus par voie réglementaire.

Article 54 : La mise en fourrière est le transfert et la garde d'un véhicule en un endroit


désigné par l'agent verbalisateur, par l'autorité compétente ou par l'autorité
judiciaire, en vue d'y être retenu pendant la période prescrite, aux frais du propriétaire
du véhicule.

Article 55 : Les cas et les conditions dans lesquels un véhicule en infraction aux
dispositions du présent code et des textes pris pour son application, peut être mis ou
enlevé de la fourrière seront déterminés par voie réglementaire.

Article 56 : Lorsqu’au cours d’une opération d’inspection d’un centre de contrôle


technique, il est constaté que les locaux, les équipements de contrôle technique ou
les moyens humains ne sont pas conformes au cahier des charges ou tout autre
manquement aux clauses dudit cahier des charges, l’administration des transports en
informe, par rapport motivé, le titulaire en vue de faire cesser les violations dans le
délai qui lui est fixé dans la mise en demeure.

Article 57 : Les conditions de retrait des autorisations d’ouverture et d’exploitation


d’un centre ou d’un réseau de centres de contrôle technique ainsi que l’autorisation
d’exercer de l’agent visiteur sont fixés par voie réglementaire.

Article 58 : Lorsqu’au cours d’une opération d’inspection d’un établissement


d’enseignement de conduite et des règles de la sécurité routière, les agents ou
organismes de l’administration des transports habilités constatent que les locaux ou

128
équipements ne sont pas conformes au programme national de formation ou tout
autre manquement au cahier des charges, l’administration en informe, par rapport
motivé, le titulaire et le met en demeure de faire cesser les violations dans le délai fixé
dans la mise en demeure.

Article 59 : Les conditions de retrait des autorisations d’ouverture et d’exploitation


d’un établissement d’enseignement de la conduite et des règles de la sécurité
routière sont fixées par voie réglementaire.

CHAPITRE II : DES SANCTIONS PENALES

Article 60 : Toute personne qui conduit un véhicule à moteur avec ou sans remorques
sans être titulaire du permis de conduire valable pour la catégorie du véhicule utilisé
est punie d’un emprisonnement de dix (10) jours à trois (3) mois et d’une amende de
50.000 F à 500.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement.

Est puni des mêmes peines quiconque abandonne sciemment la conduite d’un
véhicule à un tiers non titulaire du permis exigé pour la conduite de ce véhicule.

Toutefois, les peines prévues à l’alinéa 1er ne sont pas applicables à toute personne
justifiant qu’elle apprend à conduire en se conformant à la réglementation en vigueur
à la condition qu’elle soit accompagnée d’une personne titulaire du permis de
conduire correspondant à la catégorie du véhicule et que ledit véhicule soit, à ce
moment, utilisé à cette seule fin, exclusion faite notamment du transport de tout
passager.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la cylindrée du


véhicule utilisé n’excède pas 50 cm3.

Article 61 : Toute personne qui, malgré la notification qui lui a été faite d’une décision
administrative prononçant à son encontre la suspension ou le retrait du permis de
conduire, continue à conduire un véhicule à moteur pour la conduite duquel une telle
pièce est exigée, est punie d’un emprisonnement de trente (30) jours à six (6) mois et
d’une amende de 100.000 à 1.000.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement.

129
Article 62 : Est punie d’un emprisonnement de soixante (60) jours à six (6) mois et
d’une amende de 100.000 F à 1.000.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement,
toute personne qui :

1) fait des fausses déclarations d’identité ou se substitue ou tente de se


substituer à un candidat à l’examen du permis de conduire ;
2) fraude à l’examen du permis de conduire.

Article 63 : Est punie des peines prévues par le code pénal, toute personne qui :

1) contrefait ou falsifie un permis de conduire ;


2) tente de corrompre les examinateurs par tous moyens.

Article 64 : Est puni des peines prévues par le code pénal, sans préjudice des sanctions
disciplinaires, tout agent de l’administration des transports qui, dans l’exercice de ses
fonctions :

1) délivre ou tente de délivrer un faux permis de conduire, seul ou de


connivence avec d’autres ;
2) fausse les résultats des examens.

Article 65 : Est puni d’un emprisonnement de dix (10) jours à trois (3) mois et d’une
amende de 50 000 F à 500 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement, tout
conducteur qui dépasse la vitesse maximale autorisée.

La vitesse maximale autorisée est fixée par voie réglementaire.

Article 66 : Est punie d’un emprisonnement de vingt (20) jours à six (6) mois et d’une
amende de 100 000 F à 1 000 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement, toute
personne qui :

1) conduit un véhicule de transport public ou privé de marchandises dont le


chargement excède le poids total autorisé inscrit sur le certificat
d’immatriculation ;

130
2) conduit un véhicule de transport public ou privé de personnes ayant à bord
plus du nombre de passagers inscrits sur le certificat d’immatriculation ;
3) fait du transport mixte sur les axes où il est interdit.

Article 67 : Est puni d’un emprisonnement de dix (10) jours à trois ( 3) mois et d’une
amende de 10.000 F à 100.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement, tout
conducteur qui, sommé de s’arrêter par l’agent verbalisateur ou l’un des
fonctionnaires ou agents chargés de constater les infractions à la présente loi et aux
textes pris pour son application, munis des signes extérieurs et apparents de leur
qualité,

1) a sciemment refusé de s’exécuter ou de se soumettre aux vérifications


prescrites ;

2) ne respecte pas l’ordre d’immobilisation du véhicule ;

3) refuse de conduire, ou de faire conduire son véhicule à la fourrière ;

4) refuse d’obtempérer aux instructions légales qui lui sont faites.

Article 68 : Tout conducteur qui, ayant causé ou occasionné un accident de la


circulation routière et qui ne s’arrête pas et tente soit en prenant la fuite, soit en
modifiant l’état des lieux, soit par tout autre moyen d’échapper à la responsabilité
pénale et/ou civile qu’il peut encourir, est puni des peines prévues par le code pénal.

Article 69 : Toute personne qui, même en l’absence de tout signe d’ivresse manifeste,
conduit un véhicule à moteur, alors qu’elle se trouve en état d’ivresse ou sous
l’influence de l’alcool, caractérisée par la présence dans l’air expiré ou dans le sang
d’un taux d’alcool fixé par voie réglementaire ou sous l’influence de substances
stupéfiantes ou sous l’effet de certaines substances médicamenteuses contre
indiquées pour la conduite d’un véhicule, est punie d’un emprisonnement de trois (3)
mois à un (1) an et d’une amende de100.000 F à 1.000.000 F ou de l’une de ces deux
peines seulement.

131
Article 70 : Quiconque, en vue d’entraver ou de gêner la circulation, place ou tente de
placer, sur une voie ouverte à la circulation publique, un objet faisant obstacle au
passage des véhicules ou qui emploie ou tente d’employer un moyen quelconque
pour y faire obstacle, est puni d’un emprisonnement de dix (10) jours à six(6) mois et
d’une amende de 10.000 F à 100.000 F, ou de l’une de ces deux peines seulement.

Article 71 : Quiconque occasionne des dégradations sur la voie ouverte à la circulation


publique et ses dépendances est puni des peines prévues par le code pénal.

Le contrevenant est, en outre, tenu de remettre en l’état les lieux dégradés, sans
préjudice de paiement, le cas échéant, des dommages et intérêts.

Article 72 : Ceux qui organisent sur la voie ouverte à la circulation publique des
courses de véhicules à moteur les cortèges de mariage à l’exception des cortèges des
cérémonies officielles et de deuil, sans autorisation préalable des autorités
compétentes, sont punis d’un emprisonnement de dix (10) jours à six (6) mois et
d’une amende de 50.000 F à 500.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement.

Article 73 : Est puni d’un emprisonnement de deux (2) mois à deux (2) ans et d’une
amende de 50.000 F à 100.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement, quiconque
conduit sciemment un véhicule dont l’orientation et l’aménagement des phares,
lanternes, feux, vitres et dispositifs accessoires d’éclairage aura été volontairement
modifié de telle sorte que ces modifications cessent d’être conformes aux dispositifs
et constituent un danger pour les autres usagers de la route.

Article 74 : Est puni d’un emprisonnement d’un (1) mois à six (6) mois et d’une
amende de 100.000 F à 1.000.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement, tout
conducteur, concessionnaire, importateur ou propriétaire de véhicule qui :

1) présente à la vente un ou plusieurs véhicules non conformes au type


homologué ;
2) refuse ou néglige de soumettre à l’homologation son ou ses véhicules ;
3) présente à l’homologation des faux documents sur les caractéristiques
techniques d’un véhicule, notamment le poids total maximum pour lequel

132
le véhicule est construit ou le poids total roulant admissible de l’ensemble
de véhicules ou de l’ensemble que l’on peut former à partir du
véhicule.

Lorsque le contrevenant est une personne morale, il est puni d’une amende de
200.000F à 2.000.000 F sans préjudice des peines qui peuvent être prononcées à
l’encontre de ses dirigeants.

Le tribunal peut également prononcer la confiscation du véhicule au profit de l’Etat.

Article 75 : Tout propriétaire de véhicule soumis à l’immatriculation qui place


sciemment sur son véhicule une fausse plaque d’immatriculation, tout conducteur qui
fait sciemment circuler ledit véhicule, toute personne qui fait usage frauduleux du
certificat d’immatriculation d’un véhicule et quiconque donne sciemment un
renseignement faux ou trompeur lors d’une demande d’immatriculation d’un
véhicule ou lors de sa cession à un nouveau propriétaire, est puni d’un
emprisonnement d’un (1) mois à six (6) mois et d’une amende de 50.000 F à 500.000
F ou de l’une de ces deux peines seulement.

Le véhicule est mis en fourrière jusqu’à sa mise en conformité aux dispositions de la


présente loi et des textes pris pour son application.

Lorsque cette conformité ne peut avoir lieu, le tribunal ordonne la confiscation du


véhicule au profit de l’Etat.

Article 76 : Tout conducteur, propriétaire ou détenteur, qui met en circulation un


véhicule soumis à l’immatriculation sans avoir obtenu un certificat d’immatriculation,
est puni d’une amende de 20.000 F à 200.000 F

Le véhicule concerné est mis en fourrière jusqu’à sa mise en conformité aux


dispositions de la présente loi et des textes pris pour son application.

Lorsque cette conformité ne peut pas avoir lieu, le tribunal ordonne la confiscation
du véhicule au profit de l’Etat.

133
Article 77 : Tout conducteur d’un véhicule à moteur soumis à l’immatriculation
dépourvu de plaques d’immatriculation, tout propriétaire ou tout détenteur qui met
en circulation ou qui autorise la circulation de son véhicule sans lesdites plaques est
puni d’une amende de 20.000F à 200.000 F.

Le véhicule est mis en fourrière jusqu’à sa mise en conformité aux dispositions de la


présente loi et des textes pris pour son application.

Lorsque cette mise en conformité ne peut avoir lieu, le tribunal ordonne la


confiscation du véhicule au profit de l’Etat.

Article 78 : Est puni d’un emprisonnement de deux (2) mois à un (1) an et d’une
amende de 20 000 F à 200 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement, tout
conducteur qui par maladresse, imprudence, inattention, négligence, manquement à
une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la présente loi ou par les textes
pris pour son application cause involontairement à autrui des blessures, ou une
maladie consécutifs à un accident de la circulation, entraînant une incapacité
temporaire de travail de plus de dix (10) jours.

Article 79 : Est puni d’un emprisonnement de trois (3) mois à trois (3) ans et d’une
amende de 20.000 F à 200.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement, tout
conducteur qui par maladresse, imprudence, inattention, négligence, manquement à
une obligation de sécurité ou de prudence prévue par la présente loi ou par les textes
pris pour son application, commet un homicide involontaire.

Article 80 : Tout conducteur d’un véhicule est responsable pénalement des


infractions commises par lui dans la conduite dudit véhicule.

Article 81 : Par dérogation aux dispositions de l’article précédent, le titulaire du


certificat d’immatriculation du véhicule est responsable pécuniairement des
infractions à la réglementation sur le stationnement des véhicules pour lesquelles
seule une peine d’amende est encourue à moins qu’il ne fournisse des
renseignements permettant d’identifier l’auteur véritable de l’infraction.

134
Dans le cas où le véhicule est loué à un tiers, cette responsabilité pèse, avec les
mêmes réserves, sur le locataire.

Lorsque le certificat d’immatriculation du véhicule est établi au nom d’une personne


morale, la responsabilité pécuniaire prévue à l’alinéa premier incombe, sous les
mêmes réserves, à son représentant légal.

Article 82 : Est puni d’un emprisonnement de dix (10) jours à trois (03) mois et d’une
amende de 5000 F à 25 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement
quiconque met en circulation un véhicule à moteur qui n’a pas été soumis au contrôle
technique dans les délais réglementaires.

Article 83 : Tout gérant d’un centre ou d’un réseau de centres de contrôle technique
de véhicules qui délivre sciemment un faux certificat de contrôle technique d’un
véhicule ou tout agent contrôleur qui délivre sciemment un faux certificat de contrôle
technique, est puni d’un emprisonnement de six (6) mois à trois (3) ans et d’une
amende de 200.000 F à 1.000.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement.

Article 84 : Tout titulaire d’une autorisation d’ouverture et d’exploitation d’un


établissement d’enseignement de la conduite et des règles de la sécurité routière,
tout gérant ou formateur qui utilise de moyens frauduleux pour dénaturer les
résultats d’une épreuve de permis de conduire est puni d’un emprisonnement de
quinze (15) jours à trois (3) mois et d’une amende de 100.000 F à 1.000.000 F ou de
l’une de ces deux peines seulement.

Article 85 : L’exercice illégal de la profession d’expert en automobile est puni d’un


emprisonnement de six (6) mois à trois (3) ans et d’une amende de 100.000 F à
1.000.000 F ou de l’une de ces deux peines seulement.

TITRE VI : DES DISPOSITIONS FINALES

Article 86 : Des décrets pris en Conseil des Ministres déterminent et précisent, en


tant que de besoin, les modalités d’application du présent Code.

135
Article 87 : Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires à la présente loi,
notamment la loi n°63-28 du 7 mai 1963, portant Code de la Route.

Article 88 : La présente loi est publiée au Journal Officiel de la République du Niger


et exécutée comme loi de l’Etat.

Signé :

ISSOUFOU MAHAMADOU

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JURISPRUDENCE

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