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Ouvrage publié sous la direction de
CATHERINE MAILLARD

Titre original : Auf der Flügeln der Pferde

© Ulrike Dietmann, 2010

Traduit de l’allemand par Eva Reifler, Delphine Colombani,


Cécile Lavault.

© Le Courrier du Livre, 2012

ISBN : 978-2-702-91895-1

www.editions-tredaniel.com
info@guytredaniel.fr

Note importante : les méthodes présentées dans ce livre ne peuvent en aucune


façon être considérées comme une formation pour cavalier ou pour un
quelconque travail avec les chevaux. L’auteur et l’éditeur déclinent toute
responsabilité quant aux conséquences directes ou indirectes de la lecture de ce
livre.

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Pour les étoiles filantes
Martin, Lea, Joël

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« Maintes choses sont vraies,
nous le savons profondément dans
notre âme, qu’importe ce que
certains en disent. »
Shelley Rosenberg,
entraîneur de chevaux

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Sommaire
Remerciements
Préface
Avant-propos : La préface est importante
Étape Une : Qui es-tu ?
Étape Deux : L’appel à l’aventure
Étape Trois : La blessure
Étape quatre : Le but
Étape cinq : La connexion
Étape six : Le cœur de la créature
Étape sept : L’épreuve
Étape huit : L’échec
Étape neuf : La catastrophe
Étape dix : L’apothéose
Étape onze : Épilogue
Consignes de sécurité
Cahier pratique pour effectuer les onze étapes du voyage du héros
Bibliographie
À propos

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Remerciements
J’ai écrit ce livre en 2008. À ce moment, le travail avec les chevaux était une
vision. Aujourd’hui, il est une réalité impressionnante. Tout d’abord, j’aimerais
remercier ma collègue française, l’instructrice Epona, Eva Reifler, qui a traduit ce
livre si merveilleusement avec l’aide de Delphine Colombani et de Cécile Lavault.
Eva m’a été d’une inspiration constante et une amie chère pendant toutes ces
dernières années.
J’exprime toute ma gratitude à Linda Kohanov, la brillante auteure et visionnaire
qui a ouvert notre regard aux profondeurs de l’âme humaine comme personne
encore. Précisément là où l’âme s’amalgame avec celle des chevaux et leur sagesse.
Je remercie aussi l’équipe qui entoure Linda Kohanov ; des femmes sages, dont
j’ai énormément appris : Carol Roush, Mary-Louise Gould et Shelley Rosenberg,
ainsi que Sharon Bringleson, Lynne Silver et Sarah Barron. Je remercie mes alliées
du grand voyage : Rosie Withey, Kath Garnett, Ingrid Krimmer, Caroline Morgan,
Dellarose Baevski, Astrid Dielhenn, Uschi Schröder, Heike Gäßler, Natalie Frey,
Ulrike Mayer et les nombreuses autres.
Beaucoup de magnifiques chevaux ont été mes maîtres. Tout d’abord ma jument
arabe et sœur d’âme Tinnia Alwirathe Jeszna, qui me surprend encore et encore
avec sa douceur, son intelligence et son inconditionnel amour.
L’« Approche Epona® » créée par Linda Kohanov a beaucoup de succès en
Allemagne et en France. Ma vie en a été fondamentalement transformée. Je voyage
de centre en centre et rencontre des gens dont j’ignorais l’existence. Je vis beaucoup
de miracles. Les chevaux et leur calme message, plein de confiance, touche une
nostalgie ancestrale et réveille un rêve que nous ne pouvons pas oublier. Ces jours-
ci, ce rêve semble revenir en force. Ce qui se passe réveille une grande gratitude
chez tous ceux qui le touchent. C’est pourquoi je remercie tous les frères et sœurs,
qui appartiennent à la grande famille des êtres vivants de cette planète.

Kirchheim, le 13.12.2011
Ulrike Dietmann

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Préface
Ulrike Dietmann, auteur talentueux qui a établi en Allemagne son propre
programme de développement assisté par le cheval basé sur l’approche Epona,
enseigne la créativité, le leadership, et les outils de développement personnel qui
aident chacun à ressentir et à suivre son appel intérieur personnel. Son nouveau livre
récemment traduit en France, « On the wings of horses » (Le cheval, guérisseur de
l’homme) qui décrit le voyage du héros jusqu’au cœur de la créature, le dit très
bien : « Les animaux reflètent nos états intérieurs. Leur comportement suit une
énergie invisible. Ceci m’étonne encore et encore. Ils rendent l’invisible visible. »
En tant qu’êtres sociaux forts, non-prédateurs et intensément intelligents, les
chevaux sont les guides ultimes dans notre quête à la découverte d’une forme de
puissance plus équilibrée tout en cultivant des relations basées sur la liberté. Une
innovation pastorale reliée à ce que les Bouddhistes de langue anglaise appellent
« dependent co-rising » (la co-élévation dépendante).

Linda Kohanov

Fondatrice de l’approche
Epona, et auteur du Tao du cheval.

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Avant-propos
La préface est importante
Si tu souhaites tirer un profit très personnel de cet ouvrage, je t’invite à
commencer la lecture par la préface, car tu pourras y apprendre comment travailler
avec le livre.
Je te tutoie, pour tu puisses te sentir pleinement toi-même.
Ce voyage est très personnel. Il t’emmènera dans des contrées de la conscience et
des sentiments que tu n’as peut-être pas encore explorés.
Je serai ton guide dans ce voyage, mais il te faudra franchir seule les différentes
étapes.
Ne lis ce livre qu’une seule fois. Son impact sera plus fort ainsi.
C’est la raison pour laquelle je t’incite à lire les chapitres l’un après l’autre et à
réaliser les exercices correspondants. Le livre se présente comme un voyage où
chaque étape se construit grâce à la précédente.
Si tu commences par feuilleter le livre pour voir à quoi t’attendre, tu prendras
trop de distance et tu perdras une partie des possibilités auxquelles t’invite le livre.
C’est à toi de décider. Je tenais juste à t’informer, avant que tu ne te lances dans
cette lecture.
Le livre est basé sur le principe du voyage du héros.
Qu’entend-on par « voyage du héros » ?
Le voyage du héros est un modèle mythologique, développé par le chercheur de
renommée universelle Joseph Campbell.
Il s’est interrogé sur tout ce que les histoires du monde entier et de tous les temps
avaient en commun et y a découvert une structure.
Le voyage du héros est la rencontre fortuite avec l’inconscient. Il permet
d’atteindre la reconnaissance, il permet de se retrouver soi-même profondément.
C’est un modèle précieux pour décrire l’expérience particulière que peuvent faire
les gens lorsqu’ils rencontrent vraiment les chevaux.
Le voyage du héros s’applique aussi bien aux mythes des peuples premiers qu’à
la superproduction hollywoodienne.
Hollywood utilise cette forme de récit pour la création de ses scenarii.
Le premier film qui est devenu une superproduction à grand succès grâce à cette
forme de récit est La guerre des étoiles de George Lucas.
Un film comme Pretty Woman est aussi construit selon cette structure du voyage
du héros.
Mais, ce n’est pas notre sujet, je voulais seulement te donner quelques
informations sur le contexte.
J’ai découvert cette forme de récit, lorsque je suis devenue scénariste. Depuis, je
l’utilise pour tous mes écrits. Je l’enseigne également.
J’ai expérimenté le voyage du héros dans toutes les variantes possibles et
imaginables et n’ai jamais eu que de bonnes expériences.
Il n’est pas seulement une clé pour raconter des histoires, il est aussi une clé pour
Être.
Après avoir appris à communiquer avec les chevaux et à travailler avec eux d’une
façon totalement novatrice, je me suis demandé, si le voyage du héros pouvait être
un modèle satisfaisant pour restituer ce moment presque indescriptible. Et ce livre

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est né.
Mon travail avec les chevaux s’inspire des livres de Linda Kohanov et de la
méthode qu’elle a développée en collaboration avec des gens de chevaux
particulièrement innovants.
L’idée fondamentale de ce travail repose sur le fait que ce n’est pas le cheval qui
doit s’adapter, mais l’être humain. Qu’une vraie communication avec le cheval est
possible uniquement quand l’être humain redevient ce qu’il est profondément : un
être de la Nature, une créature qui recherche l’amour, la connexion et
l’épanouissement, comme tout être vivant. Les chevaux nous mènent sur ce chemin.
Le voyage du héros combine les mythes des dieux et des déesses, des prêtres et
des prêtresses, des chamans et des chamanes avec les histoires modernes de notre
civilisation, en s’appuyant sur notre psychologie individuelle. Grâce au voyage du
héros nous sommes les deux : des êtres humains du présent et des initiés primitifs.
Avant tout, il se passe une chose sur ce chemin : nous nous approchons de ce que les
chevaux ont vraiment à nous dire et à nous enseigner.
Grâce aux chevaux, notre regard sur la Création tout entière change, ainsi que
notre regard sur nous-mêmes. Nous nous transformons en ce que nous avons
toujours été : des êtres humains naturels.
Le voyage du héros existe sous différentes formes qui respectent toutes le même
principe fondamental : le développement de la personnalité avec un passage obligé
par la rencontre avec l’ombre, qui certes peut être douloureuse, mais qui conduit
toujours à la guérison.
Ce livre est au service de ton propre développement personnel. Il est aussi à ton
service pour une meilleure compréhension des chevaux, pour une collaboration plus
harmonieuse avec ces êtres si particuliers.
Peu importe si tu es propriétaire d’un cheval ou cavalière de loisir, si tu exerces
un métier du cheval, ou si tu te sens simplement attirée par eux, tu pourras tirer
profit à ta façon des enseignements de cet ouvrage.
Chaque chapitre correspond à une étape du voyage. Chaque étape décrit une
thématique. Tu trouveras à la fin de l’ouvrage le résumé des thématiques.
À la fin de chaque thème, tu trouveras des exercices à faire. Tes réponses et tes
découvertes se rassembleront en un ensemble cohérent.
Les exercices sont clairement mis en évidence par un marquage en gras dans le
texte. Tu peux les faire pendant la lecture ou à la fin de chaque chapitre.
L’essence d’un voyage réside dans le fait qu’on est en marche. Ce n’est pas tant
l’arrivée qui importe, que de faire les pas.
Et cependant, il existe un cadre plus vaste, dans lequel tout trouve sa place.
Nos pas appartiennent à un ordre qui met en relation toutes les parties et leur
donne du sens.
Tu peux faire confiance à la dynamique du voyage du héros, elle te portera. C’est
pourquoi il est important que tu fasses un pas après l’autre. Si tu mélanges l’ordre,
tu obtiendras un autre résultat.
Tu apprendras dans chaque chapitre ce que signifient les pas individuels. Je
raconterai des histoires que j’ai vécues moi-même, je t’en raconterai d’autres qui
m’ont été rapportées, dont j’ai pu vérifier la véracité. Dans quelques histoires, j’ai
combiné plusieurs événements pour montrer plus clairement leur sens. J’ai souvent

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changé le nom des participants pour protéger leur identité.
En outre, tu apprendras beaucoup sur les fondements de la communication
intuitive avec les chevaux, sur comment on peut trouver une vraie connexion et
accéder à la sagesse et au pouvoir guérisseur de la Nature.
Je te recommande d’écrire un journal, dans lequel tu puisses travailler les
exercices et noter tes pensées. Tu peux aussi peindre ou dessiner, si tu préfères.
Tu n’es pas obligée d’accomplir méticuleusement tous les exercices. Choisis ceux
qui te correspondent le mieux. Donne-toi toute liberté, suis ton inspiration.
Ne sois pas parfaite, sois juste honnête avec toi-même. C’est entièrement
suffisant. Je te souhaite un bon voyage.
Ulrike

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Étape Une
Qui es-tu ?
Ceci ne signifie rien ; ceci n’est pas la réalité, pensais-je, alors que je suis assise
sur un cheval, les yeux fermés, et que je me fais porter. Ce que j’ai cru être mon
monde, la réalité palpable, n’est qu’un fragment d’un ensemble plus vaste. Mon
monde connu tombe comme une vieille peau et, derrière, apparaît quelque chose de
nouveau, quelque chose d’attrayant. La tentation alterne avec la peur exacerbée.
Que m’arrive-t-il ? Je tremble de tout mon être, alors que le dos du cheval se
balance au-dessous de moi, comme une barque en haute mer.
Les mouettes de la mer toute proche crient dans le ciel, elles déchirent l’air, un
son qui raisonne dans mes jambes, mes bras et surtout dans ma poitrine, où a lieu la
lutte entre « garder le contrôle » et « me laisser tomber ». Entre s’accrocher au
monde connu et lâcher prise. Suis-je en train de perdre la raison ?
Les images viennent, elles viennent de plus en plus souvent et récurrentes. Une
fatigue chaude, veloutée me comble et le balancement du corps du cheval m’apaise.
Mais soudain, le cheval, lui non plus, ne me rassure plus du tout.
Tandis qu’une nouvelle vague de peur m’envahit, je perds l’équilibre sur le
cheval.
Le Journey Ride, le voyage guidé sur le dos du cheval, exige que je garde les
yeux fermés. Mes cuisses se crispent, comme si j’étais assise pour la première fois
sur le dos d’un cheval.
Ce que je connaissais, ce que je savais, qui j’étais, est parti en fumée. L’image
d’un cheval arabe, les yeux élargis de peur, apparaît devant mon œil intérieur et je
me sens très vulnérable.
J’ai toujours eu le sentiment d’être ainsi : sans protection. Mais je m’en rends
compte seulement maintenant. Seulement maintenant, je m’aperçois qu’aucun
souffle, aucun battement de cils, aucun fouraillement de la queue de mon cheval ne
se passe sans que l’événement n’ait une place bien précise dans un ordre
incompréhensible. J’entends le cheval soupirer. C’est sa façon de me dire qu’il
partage mon opinion. C’est l’instant où tout commence. L’instant où je commence à
appréhender mon monde, non plus uniquement avec ma raison, mais aussi avec le
cœur, le corps, avec tout mon être. L’instant où les chevaux m’entraînent dans un
voyage, dans une aventure aussi vieille que l’humanité elle-même que nous
menaçons d’oubli avec notre mode de vie civilisé. Un voyage dans le cœur de la
Création, dans le cœur du Vivant, dans le cœur de la créature. Un voyage âgé de
millions d’années qui se renouvelle à chaque fois qu’un nouvel être vivant vient au
monde.
Le soleil a dû percer la densité des nuages. Sa chaleur caresse mon visage,
chauffe mes épaules et quelque chose en moi se déplace. J’ai accepté ma peur, le
soupir de mon hongre m’a tranquillisée ; il est présent, je le ressens, et à travers lui
je suis, moi aussi, présente. Mes cuisses se détendent, je suis arrivée sur le dos du
cheval.
Suis-je destinée à être un auteur spirituel, demandais-je à mon partenaire équin –
quoi que cela puisse signifier exactement. Le concept de spiritualité ne fait pas
partie de mon vocabulaire. D’où vient cette question tout à coup ? Je ne le sais pas
non plus. Et encore moins où elle va m’emmener. Jusqu’à présent j’étais un auteur

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de romans sur les chevaux, de romans d’amour, de textes sur commande.
Son nom est Ambrose. Il m’envoie l’image de l’univers tapissé d’un nombre
infini d’étoiles. J’acquiesce de la tête. C’est ta source, ajoute Ambrose. La source de
toute créativité. Je pense qu’écrire est un acte spirituel, car c’est un acte créatif. Et
comme tout acte créatif, il prend sa source dans un monde au-delà de l’intelligible.
Toute créativité, mais également tout être vivant est nourri par deux mondes, par
celui-ci et celui-là, par le monde connu et le monde caché que je viens de découvrir.
Tu trouveras beaucoup de sources, dit Ambrose. Bizarre, qu’un cheval me parle.
Ou peut-être pas. Ce n’est bizarre que pour mon ancien point de vue restreint.
Ambrose ne semble pas y trouver la moindre bizarrerie. Il semble qu’il n’y ait rien
de plus normal pour lui. Cette nouvelle perspective me plaît !
L’image de l’univers scintillant d’étoiles se transforme en une steppe. Voir ces
images me semble complètement dans l’ordre des choses, tout en sachant que c’est
Ambrose qui me les envoie. Je vois une vallée qui s’étend à l’infini, avec des
collines qui s’élèvent doucement, telle un récipient aux courbes douces, incurvé
vers l’intérieur, et traversé par le vent. L’herbe ondule, comme si une main la
caressait. Elle est jaune et desséchée et les sabots s’y enfoncent en silence.
Ma peur a maintenant entièrement disparu. C’est ainsi que nous traversons la vie,
dit Ambrose, toi et moi, libres et cependant reliés. Et pas seulement maintenant,
mais pour toujours. Notre âme est toujours ici, à l’endroit où vit la liberté, à
l’endroit où nous sommes un.
Qu’as-tu encore pour moi ? L’univers, la steppe… Est-ce audacieux de ma part de
t’en demander encore un peu plus ? Allons-donc, dit Ambrose, pourquoi penser
cela ? Qui dit que la sagesse, l’amour et la communication ne sont disponibles que
conditionnés en boîte ? Seuls des êtres humains sont capables d’en arriver à ce
genre de choses, pensais-je.
Le voyage se poursuit. Ambrose me montre la coupe dorée. Le soleil se lève sur
les bords du calice.
Je me trouve, la coupe à la main devant ce corps lumineux qui s’étend, et je ris de
ce quelque chose d’incompréhensible qui monte en moi, tel un soleil à son zénith.
Je suis toute emplie de cette lumière qui coule à travers mon corps et qui
déclenche un sentiment de bonheur à peine descriptible.
Le dos du cheval se balance toujours sous moi, mais maintenant j’ai le sentiment
d’être vraiment connectée à lui. La limite entre le corps d’Ambrose et le mien se
dissout. Je sens ses muscles, je sens sa façon de lever les jambes, je sens le
détachement dans sa façon de marcher. C’est ainsi que je devrais toujours monter.
C’est la vraie assiette du cavalier.
La coupe dorée.
Que signifie-t-elle, demandais-je à Ambrose. À l’instant même où je pose la
question, j’obtiens la réponse.
La coupe est le récipient universel, elle signifie tout. L’âme, la Création, le monde
dans lequel nous vivons. La coupe signifie la lumière qui devient forme. Elle est la
forme originelle qui est à la source de tout. Elle peut se transformer en tout, en dieu,
en déesse, en art, en connaissance. Je pense aux cornes d’abondance sur les
reproductions des anciennes déesses, au Saint Graal qui fut la quête des chevaliers,
au calice de la Cène dans la religion chrétienne.

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Je veux continuer mon voyage, en savoir davantage, car je viens de trouver
l’accès à une source intarissable de sagesse. Au même moment, je prends
conscience que mon voyage ne durera pas éternellement. Vingt minutes, dit Yvonne
Monhanan, animatrice de l’atelier. Je suis triste que tout se termine bientôt. J’ai peur
de ne plus jamais pouvoir retourner dans cet endroit, où la lumière brille et où toutes
les questions trouvent une réponse. Je veux m’accrocher à ce nouveau monde
inconnu. Plus je le retiens, plus je réalise qu’il s’évapore. C’est moi-même qui le
laisse disparaître, avec mes doutes et ma peur. Peut-être n’ai-je fait que m’imaginer
tout cela, pensais-je tout à coup. Je ne fais qu’être assise sur un cheval, je ne le
monte même pas, je suis menée – et la lumière que j’ai vue, c’est le soleil qui
émergeait des nuages et perçait mes paupières fermées. Tout le reste n’était rien
d’autre que mon imagination en surchauffe.
Je me sens coupable vis-à-vis d’Ambrose, parce que je n’ai pris la sagesse qu’il
partageait avec moi que pour du non-sens. Mais comment ai-je pu avoir l’idée qu’un
cheval pouvait me parler ? Je me sens minable. Toute la magie a disparu. J’aimerais
plus que tout ouvrir les yeux, descendre de cheval et rentrer chez moi.
Comment ai-je pu dépenser autant d’argent pour un atelier qui s’appelle : Self
Discovery through the Way of the Horse1 et pour lequel j’ai pris l’avion jusqu’en
Irlande ?
Quelle part de moi-même m’y a poussée, et qu’est ce que j’en espérais ?
Je ne me sens plus du tout bien à cheval. La connexion avec Ambrose est
interrompue ; je me sens fatiguée et quelque part triste. Mais ce n’est pas vraiment
un sentiment, en fait, je ne sens rien du tout. Cela m’effraie. Où a-t-il disparu, ce
monde magique qui vient de me combler ?
La séance guidée à cheval se termine. Nous mettons pied à terre, saluons nos
chevaux, et chacun a le temps d’assimiler ce qu’il vient de vivre.
Je suis déprimée pour le reste de la journée. Je note ce que j’ai vécu, dessine la
coupe et le soleil. Le sentiment se ranime encore une fois quelques instants. Et il en
reste quelque chose, quand bien même je ne suis pas en mesure d’expliquer
comment tout cela fonctionne : je suis certaine que c’est Ambrose qui m’a
communiqué toutes ces choses. Comment puis-je en avoir le cœur net ? Eh bien, ce
n’était pas un monologue que je menais sur le cheval. Un monologue se ressent
différemment.
Et si c’était vraiment possible qu’un cheval communique avec un être humain ?
Non seulement cela, mais aussi qu’il initie les hommes à la Sagesse ?
Qu’est ce que cela signifie pour notre relation avec les chevaux, avec les animaux
en général ? Si cela est vrai, mon monde en sera complètement retourné.
Le soir, dans ma chambre d’hôte, je suis encore triste. Mary Buckley, mon
hôtesse, tente de me réconforter avec du thé, des gâteaux et des sandwichs.
Je pense que cela prendra des années avant de pouvoir comprendre ce qu’il s’est
passé, ce qu’Ambrose a partagé avec moi et les conséquences que cela aura.
En réalité, ma vie aura tellement changé avant la fin de l’année qu’avec le recul
cette expérience ne représentera guère plus que celle de tremper le gros orteil dans
l’eau froide. Tout changera dès l’instant où j’abandonnerai la pensée au profit du
ressenti. Depuis dix ans, je m’intéresse à la forme de récit du voyage du héros de
Joseph Campbell. Je suis auteur, c’est mon métier d’inventer des histoires. Les

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mythes, dit Joseph Campbell, sont la fenêtre secrète à travers laquelle l’énergie
inépuisable du cosmos coule dans notre réalité.
Le voyage du héros est le méga-mythe, la grande fractale qui se ramifie en
d’innombrables petites fractales. Le voyage du héros est la découverte que toutes les
histoires, aux quatre coins du monde, à toutes les époques, ont un noyau commun.
Le voyage du héros a déjà été raconté au coin du feu à l’époque de nos ancêtres,
quand ils rentraient de la chasse. Et nous aussi, gens de chevaux, nous faisons ce
voyage, même si nous n’en sommes absolument pas conscients.
Même les chevaux…
Oui, les chevaux ! Ils sont là pour nous guider, nous, dans notre voyage. Voilà à
quoi ressemble de nos jours le voyage du héros des chevaux. Maintenant qu’ils
n’ont plus d’utilité économique, que nous ne faisons plus la guerre sur leur dos, que
nous ne les attelons plus à nos charrettes, ils sont là pour nous porter dans le monde
de l’ombre. Onze millions de personnes en Allemagne s’intéressent aux chevaux, le
nombre des chevaux a triplé ces trente-cinq dernières années. Par conséquent, il y a
beaucoup de voyageurs de l’ombre.
Qui est le héros avant qu’il ne se mette en route ? Cette question se pose au début
du grand voyage. Elle marque le premier pas. Prendre conscience de qui je suis,
aujourd’hui, maintenant, à cet instant. Beaucoup de gens trouvent bizarre de poser
cette question. Qui cela intéresse-t-il ? À quoi cela peut-il bien servir ? Il est
beaucoup plus fréquent que je me demande ce que je veux, ce que je peux, ce que je
dois. Mais qui suis-je ?

QUI ES-TU ?
Peux-tu répondre à cette question sans y réfléchir longuement ?
C’est ton premier exercice. Note ce qui te vient à l’esprit. Écris jusqu’à ce
que tu aies une réponse que tu puisses ressentir dans ton corps. Elle est exacte,
quand tu la trouves dans ton corps.

Il y a des années, lorsque je postulais à l’institut d’études supérieures en écriture


scénaristique de Munich, j’ai dû composer un autoportrait. Je me suis définie
comme quelqu’un qui saisissait l’essentiel. Par exemple, si je traversais la savane
africaine desséchée avec des amis et que notre voiture tombait en panne d’essence,
c’était moi qui me souvenais d’avoir vu un tas de bouteilles de vin couvertes de
poussière à quelques pas d’ici. Des bouteilles de vin utilisées pour vendre de
l’essence.
Les chevaux aussi se concentrent sur l’essentiel. Sur la prochaine bouchée
d’herbe. Sur la brusque réaction de défense d’un membre de la harde, dont le
museau s’approche trop près. Ils sont aussi extrêmement précis dans leurs
enseignements.
Max, un cowboy reconnu du Wyoming, m’a fait le récit d’un épisode de son
adolescence, au cours duquel, débordant de testostérone, il courait derrière son
cheval et soulevait la poussière de la pointe de ses bottes avec exubérance.
Son hongre perturbé dans sa tranquillité se prépara à porter le coup et botta la

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boule de glace du cornet que Max tenait dans sa main. Le cornet resta intact, et Max
aussi heureusement. Depuis, me dit Max, son respect envers les chevaux aurait
considérablement augmenté. Celui qui a déjà observé de jeunes étalons dans leurs
bagarres s’étonne de la manière avec laquelle ils peuvent s’agresser avec leurs
sabots et leurs dents sans se blesser véritablement.
Ainsi donc, je suis quelqu’un qui a l’œil pour l’essentiel. Mon point fort : savoir
trouver la sécurité et avoir le sens de l’orientation.

QUELS SONT TES POINTS FORTS ?


Prends le temps d’y réfléchir. Trouve une réponse particulière, personnelle,
quelque chose caractérisant ton être. Interroge ton corps pour qu’il te fasse
ressentir une émotion. Si tu veux, tu peux t’aider des exemples ci-dessous :
La joie, la gratitude, l’impassibilité, le contentement, l’assurance, la
gentillesse, la capacité d’aimer, la clarté, la curiosité, la robustesse, la
viabilité, l’épanouissement, la tranquillité, la douceur, la compassion,
l’engouement …
Où en étais-tu dans ta vie, avant que ton voyage aux côtés des chevaux ne
démarre ?

Lisa n’avait pas vu grand chose du monde à part les cloisons de sa chambre
d’enfant, le parc et le terrain de jeux quand elle ouvrit pour la première fois le livre
d’images portant le titre Ma ferme. Pourtant, l’éclat dans ses yeux se lut facilement
lorsqu’elle le découvrit et que ses doigts cheminèrent vers le dada. Peut-être le
reconnut-elle avant même de découvrir dans le livre d’images le dessin du cheval,
ses yeux ronds comme des billes et son regard rieur. Peut-être cette image a-t-elle
éveillé un souvenir qui sommeillait dans son âme d’enfant. Une image archétypale
dont le psychiatre C.G. Jung dit qu’elles sont ancrées dans le subconscient de tous
les êtres humains.

QUELLE EST TON HISTOIRE AVEC LES CHEVAUX À CE JOUR ?


Comment a-t-elle démarré ? Où t’a-t-elle menée ? Et où en es-tu aujourd’hui ?
Quelles questions as-tu à poser aux chevaux et à toi-même ? Prends ton
journal et note quelques mots ou fais un dessin.

Quand j’étais enfant, je dessinais des têtes de cheval, des centaines, à chaque
opportunité, comme si je dessinais un cheval dans mon cœur. C’était toujours la
même tête, celle de l’étalon arabe Hadban Enzahi du haras officiel du Land Bade-
Wurtemberg à Marbach. Sa carte postale était accrochée à mon mur. C’était
l’incarnation de mes rêves, réalistes ou non. Hadban Enzahi devint une part de ma
vie au moment où je reçus la carte postale dans mes mains. Les chevaux arabes
coûtaient un prix exorbitant à l’époque, un produit de luxe pour les gens riches.
Néanmoins je planifiais une écurie, un pré pour mon cheval arabe, dans les champs,
devant la porte de notre maison.

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Il est important de savoir qui je suis avant que le voyage ne commence, car je ne
serai plus la même à la fin. J’étais auteur en littérature de consommation et
notamment de romans animaliers sur les chevaux. Aujourd’hui, je dirige une école
d’écriture et je mène des ateliers de communication intuitive avec des chevaux. Que
serai-je demain ?
Caroline, monitrice d’équitation, me racontait une scène typique qu’elle observe
encore et encore dans son centre équestre en Angleterre. Elle explique bien où en
sont les êtres humains avant de commencer le voyage avec les chevaux : « Un
couple fait son entrée dans le couloir de l’écurie. Les yeux de la femme deviennent
humides à la vue des chevaux sommeillant dans leurs boxes. L’homme se prête
volontiers au jeu des premières leçons. Après tout, c’était un cadeau d’anniversaire
pour sa femme. Non ! Ai-je envie de crier à chaque fois. Retournez dans vos
bistrots, vos salles de gym, votre vie agréable. Mais cela ne servirait à rien.
Quelques semaines plus tard, l’homme arrête les leçons d’équitation, il a des choses
plus importantes à faire. Il revient une fois, lorsque l’on aborde le sujet de
l’acquisition d’un cheval. Non ! Ai-je envie de crier. Mais cela ne servirait à rien.
Les choses suivent leur cours. Quelques mois plus tard, le soir, j’aperçois de la
lumière dans l’écurie. Je me glisse sur la pointe des pieds hors de l’écurie, pour que
personne ne puisse m’entendre. Provenant d’un des box du bout du couloir,
j’entends les pleurs silencieux d’une femme qui s’épanche auprès de son cheval. Le
divorce ne tardera alors pas. C’est comme une « loi supérieure. »
La sémillante Joanne, qui travaille dans le secteur des relations publiques et
s’occupe d’une star du cinéma, a vécu une autre histoire :
« Je me suis réveillée un jour et j’ai démissionné de mon emploi. Mon nouvel
objectif était étonnamment clair : je voulais trouver la sagesse la plus élevée que le
monde d’aujourd’hui ait à nous offrir. Je n’avais encore jamais eu affaire aux
chevaux de ma vie, je vivais à Londres, au milieu de la foule fébrile. Quelqu’un
m’avait parlé d’une femme qui monte ses chevaux sans filet et sans selle. C’était
pour moi quelque chose de si inconcevable, que je savais que c’était là que je devais
chercher la réponse. »
Joanne a abandonné sa vie ; elle est en route à la recherche de la sagesse des
chevaux.
Les points forts font partie intégrante des premiers pas du voyage du héros ; tout
comme les points faibles d’ailleurs. Les points forts font avancer la voyageuse. Les
points faibles l’interrompent, la font douter, presque renoncer.
Sur le chemin, ces points forts, vaguement à fleur de conscience au début,
contribuent à donner une dimension héroïque toujours plus grande au voyage. Ces
points faibles, un possible souvenir insurmonté au début, contribuent à développer
une blessure qui n’a de cesse de se rouvrir et qui engloutit l’âme de celui qui
cherche, comme Jonas avalé par la baleine.
Une blessure, qui est plus grande que ce qu’une seule âme est capable de porter.
Appelons-la la blessure de la créature. Elle a de nombreux visages. L’un d’eux est la
blessure que nous nous sommes infligés à nous-mêmes en commençant à soumettre
les favoris des dieux, les chevaux. C’est la blessure que les êtres humains ont
infligée à l’organisme communautaire des chevaux en 6 000 ans de domestication,
infligée à la mémoire collective de ces nobles créatures nées du vent. Une blessure

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que chaque poulain qui naît au printemps porte en lui et n’oublie pas, même si les
humains le traitent aussi prudemment et affectueusement que possible.
Quand une âme s’éveille à cette blessure, comme ces femmes qui viennent à
l’écurie de Caroline – et ce ne sont pas seulement les amoureux des chevaux qui se
font surprendre par ce sentiment, mais quiconque attrape furtivement le regard
mélancolique d’une jument – quand cette blessure éclate, il n’y a pas de guérison
rapide. Dans ce cas, le chemin sera très long.
Un jour ou l’autre, l’amoureux des chevaux ouvre un livre et lit. Il se rend compte
que notre civilisation s’est construite sur le dos des chevaux. Que les chevaux nous
ont ouvert l’accès au monde et permis de voyager. Que les chevaux nous ont portés
au cours de batailles et sont morts en grand nombre pour quelque chose qui les
rebute parfaitement et qui est à l’encontre de leur nature. Que les chevaux ont
permis d’ériger des royaumes et aussi de les détruire. Le talon d’Achille de tous les
anciens empires était la cavalerie, la capacité ou non de tisser des liens avec le
cheval, de l’amener à être de son côté.
L’entraînement des cadres dirigeants à l’aide des chevaux est une nouvelle
variante de l’art équestre. Les chevaux forgent le caractère. On ne peut pas mener
un cheval par la violence ou la soumission. Les dirigeants d’autrefois apprenaient
leur métier de dirigeant par le biais des chevaux. Est-ce le message des statues de
cavalier dans les villes de ce monde ? Le cheval porte l’empereur. Le dirigeant
véritable est-il un homme de cheval, un horseman ?
Aujourd’hui plus de femmes que d’hommes sont en contact avec les chevaux.
Derrière ce constat se cache un bouleversement historique révolutionnaire qui
s’opère de façon presqu’inaperçue. Les femmes des anciennes civilisations,
pratiquement sans exception, n’avaient pas accès aux chevaux.
Aujourd’hui les femmes ont choisi les chevaux comme partenaires sur leur
chemin vers l’autodétermination… ou seraient-ce les chevaux qui les ont choisies
pensant avoir plus de chance avec elles pour enfin faire passer leur message aux
hommes, aux êtres humains.

Quand je parle avec des cavalières, nous avons l’occasion d’aborder le sujet de la
spiritualité et je suis étonnée de constater à quel point ces femmes se rendent
compte dans quelle culture spirituelle nous vivons. Les chevaux les ont encouragées
à se poser la question. Notre tradition culturelle a rompu le lien profond qui nous
attache à la Nature. Les animaux sont assujettis à l’homme. Les capacités des
animaux à être des compagnons et des maîtres ne sont plus perçues. Qui les
percevait était considéré comme sorcière. L’amour des sorcières pour les chats,
considérés comme démoniaques, n’était rien d’autre qu’une communication
naturelle entre les créatures. Beaucoup d’animaux passent pour des symboles d’une
sexualité effrénée et sont ainsi dévalorisés. Les hommes ricanent quand ils
apprennent qu’une femme s’adonne à l’art de l’équitation, beaucoup ne pouvant pas
s’abstenir de faire une remarque de mauvais goût. Une femme et un étalon :
qu’estce qui vient tout de suite à l’esprit d’un contemporain ?
J’ai assisté au rituel de l’enterrement de Midnight Merlin, l’étalon adoré de Linda
Kohanov, au centre Epona en Arizona. Parmi les nombreuses femmes présentes,
toutes parlaient du respect profond de la force naturelle masculine et de la tristesse

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que cette dernière soit autant déformée dans notre société, tout comme la force
naturelle féminine.
Saint François d’Assise reste une exception parmi les saints chrétiens. Il prêchait
aux oiseaux : « Toutes les créatures de cette terre ressentent comme nous, toutes les
créatures de cette terre cherchent le bonheur comme nous, toutes les créatures de
cette terre souffrent, aiment et meurent comme nous, elles sont alors nos égales sur
l’échelle des œuvres du créateur tout-puissant. »
Une femme aisée, lady de la société d’une petite ville conservatrice, me disait un
jour : « Je ne vais pas à l’église le dimanche, je fais une randonnée à cheval. C’est
ma messe à moi. »

PEUX-TU DÉCRIRE TA FAIBLESSE ?


La peur de te sortir d’une société qui ne te donne pas la sécurité dont tu as
besoin ? La peur d’être différente ? Le fait que tu trouves chez les chevaux ce
que tu cherches en vain chez les êtres humains ?
Ta vulnérabilité, ta capacité à te mettre à la place des autres te semblent des
faiblesses ? Ton incapacité à prendre ta vie en main pour incarner ce que notre
société entend par un homme qui réussit, débordant de force, puissant, doté
d’une confiance en soi inébranlable ? Ton désespoir dans les relations ? Ton
vide intérieur ? L’incertitude de ce que tu dois faire de ta vie ?

J’ai rencontré Celia en Arizona. J’utilise les mots de Celia pour parler de ma
faiblesse :
« La plupart des gens ne réalise pas ce qu’il m’arrive. Ils ne savent pas comment
s’y prendre avec moi. En tous cas, c’est souvent ce que j’ai entendu en parlant avec
eux. D’une certaine façon, les êtres humains comme toi et moi sont très silencieux,
même quand nous parlons. Cela vient du fait que nous évoluons dans un état
réceptif et que le canal de réception est toujours sur « on ». Je crois que celui qui ne
le connaît pas lui-même ne peut pas le reconnaître ou le comprendre. Je crois que
nous sommes perçues comme ce que j’appelle affectueusement, l’énergie de la
jument sauvage. Ce caractère sauvage tient au fait que nous ne savons pas ce qui va
arriver ni ce que nous allons devenir. Parce que tout peut arriver, parce que tout peut
être dit ou être fait, quand tu suis uniquement ton intuition. La plupart du temps,
c’est imprévisible et incompréhensible aux personnes extérieures. Nous ne faisons
pas tout cela pour le plaisir. Bien sûr nous pouvons aussi nous amuser, seulement
nous amuser, mais la plupart du temps nous sommes en train de recevoir, d’envoyer
et de relayer quelques messages. Je crois que cela semble étrange pour les personnes
extérieures. Nous avons cette connexion intense et nous sommes toujours emmêlées
dans quelque chose. »
Ma faiblesse est que je me sens rapidement submergée et démunie face à trop de
ressentis.
J’ai froid en l’écrivant. Je tremble, mon corps me dit que je me suis mise dans
une position vulnérable. Je dévoile beaucoup. Je pourrais rayer ce passage, mais je
ne le fais pas, parce que toi ou quelqu’un d’autre s’y retrouve peut-être, ou parce

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que tu ressens peut-être ta vulnérabilité en le lisant. La faiblesse et la vulnérabilité
sont des sujets impopulaires dans cette société où nous travaillons sans cesse à être
forts et sans faille.
Pourtant, les chevaux rient de nous lorsque nous arrivons au trot devant eux, avec
cette manière de faire la démonstration de notre force, telle que l’on nous l’a
inculquée. Ce n’est pas la force telle qu’ils la connaissent. Ce n’est pas une force
véritable, mais une force inoculée. Devant les chevaux, elle part en fumée comme
un pétard du Nouvel An. Alors je préfère une faiblesse véritable.
Une faiblesse véritable est un bon point de départ. Grâce à elle, les chevaux
peuvent vraiment nous voir. Face à une faiblesse authentique, ils baissent la tête et
disent : Ah, te voilà ! Nous sommes amis. C’est là tout le secret de la
communication avec les chevaux.
Mes deux chats, Mia et Momo, sont allongés sur leur poste d’observation pendant
que j’écris ceci. Ils regardent dans des directions opposées, Momo vers l’intérieur
de la pièce et Mia dans le jardin. Momo est replié sur lui-même, regarde vers
l’intérieur, Mia, fascinée, poursuit un oiseau du regard. Les deux chats donnent une
image du parfait équilibre entre l’intérieur et l’extérieur. Je me retrouve
complètement là-dedans et l’interprète comme une validation de mon texte.
Les animaux reflètent nos états intérieurs. Leurs comportements suivent des
énergies invisibles. C’est un fait qui m’émerveille toujours autant à chaque fois. Ils
rendent l’invisible visible.

Peux-tu décrire ta faiblesse ? Une faiblesse récurrente dans ta vie ?


Une faiblesse que tu as pu observer sur toi-même ces derniers jours, semaines,
mois ? Une faiblesse que tu ressens à cet instant ?
Peux-tu répondre à ces trois questions ? Faiblesse qui te suit toute ta vie ?
Faiblesse ces derniers temps ? Faiblesse à cet instant ? Peux-tu identifier un
lien entre les réponses, un sujet commun ? Prends le temps de chercher la
réponse ou de l’attendre – jusqu’à ce que tu l’aies trouvée.
Peut-être as-tu déjà remarqué que la faiblesse ne représente pas une
performance. La question n’est pas de savoir si tu sais bien nager ou non, bien
monter à cheval ou non, ou encore bien faire ton travail ou non. Par faiblesse,
on entend plutôt quelque chose de personnel, un sentiment récurrent dont tu
ne veux pas, ou une habitude de ton esprit, comme le manque de
concentration, la fuite de la réalité ou la tendance à dominer et à écraser les
autres, à être agressif et incontrôlable.
Peut-être es-tu insatisfaite de toi-même en permanence, tu doutes de tout,
ou tout t’ennuie et t’indiffère. Si tu prends un moment pour t’observer toi-
même, tu trouveras ta faiblesse. Ne recherche pas des faiblesses insignifiantes,
cherche une faiblesse qui te fait vraiment mal, qui t’inquiète vraiment. Tu
sauras que tu l’as trouvée, parce que tu l’éprouveras dans ton corps. Tu peux
t’aider de ces exemples :
fatigue, épuisement, dépression, indifférence, te sentir à part, léthargie,
envie, jalousie, vulnérabilité, solitude, amertume, rage, sensibilité à la douleur,

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anxiété, tendance à paniquer, colère, soif de vengeance, tristesse, désespoir,
découragement, rigidité, honte, culpabilité, sentiment d’infériorité, sentiment
d’être repoussée, stress, tension, confusion, indécision, impatience, frustration,
déception, agacement …

Quand tu as obtenu la réponse à la question « qui es-tu ? » « Quels sont tes points
faibles et tes points forts ? » sous forme de ressenti, tu as remporté avec succès la
première étape du voyage.
Veux-tu continuer avec moi sur ton chemin personnel ? Entrons-nous ensemble
dans le voyage du héros, chacun à notre façon mais quand même ensemble, en
compagnie de tous ceux qui, invisibles, marchent avec nous ? Sur ce chemin très
ancien que beaucoup, avant nous, ont emprunté et qui mène au cœur de la créature ?
Alors, en route !

1 À la découverte de soi-même par la voie du cheval

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Étape Deux
L’appel à l’aventure
Joanne était anglaise. Elle s’était débarrassée de son emploi bien payé pour se
mettre à la recherche de la plus grande sagesse de notre temps. Elle rendit donc
visite à la femme de chevaux dont elle avait entendue parler. L’écurie se situait aux
environs de Londres. Joanne voulait voir de ses propres yeux ce qu’elle considérait
comme un miracle : voir une femme sur un cheval sans harnachement éveillait en
elle bien plus que la problématique de l’art inhabituel de monter à cheval. Voir cette
femme éveillait en elle la problématique de l’art de mener sa vie.
Quel est le lien avec le cheval ? Comment un animal, généralement considéré
comme limité, censé être dominé et malmené par le mors et la cravache des êtres
humains, peut-il s’engager dans une telle relation de confiance et accepter de la
porter de son plein gré sur son dos ?
Si un cheval est prêt à une chose pareille, y suis-je prête moi aussi ? Prête à ne
plus me maltraiter, me forcer, me soumettre, me contenir, me cravacher, me
rabaisser, me considérer comme idiote et limitée ?
Peut-être ai-je mérité d’être traitée avec sensibilité, empathie et compréhension,
non seulement par les autres, mais aussi par moi-même ? Peut-être ai-je mérité de
bouger sans crainte, d’avoir confiance, de suivre mon instinct, mes sentiments et de
me sentir bien partout ? D’être créative, de coopérer, de danser, heureuse et
contente, en sécurité et d’être gardée ? D’être traitée non pas comme un monstre de
la civilisation mais comme une créature innocente.
« La plupart des gens ne se rendent pas compte, dit Ted Andrews, praticien de
communication intuitive, qu’ils traitent les animaux comme ils se traitent eux-
mêmes. »
L’histoire de Joanne est un exemple typique d’appel à l’aventure. Elle commence
par un motif d’insatisfaction, un malaise, un doute ou une chose qui éveille la
curiosité et une ouverture d’esprit à la nouveauté. Tout à coup, une phrase tombe,
une information s’y révèle et quelque chose se met en marche.
L’élément déclencheur peut être insignifiant, fortuit.
L’appel à l’aventure, l’invitation au voyage du héros est souvent tissé dans une
toile d’événements qui, sans se faire remarquer, se développe tout au long de la vie.
De nombreux petits événements s’ajoutent les uns aux autres pour former un unique
tout. Soudain, des portes s’ouvrent. Les gens hochent la tête et disent oui, parce
qu’ils sentent que le courant inhérent à ces événements les traverse, parce qu’ils
deviennent eux-mêmes une partie de ce tout.
L’appel à l’aventure que j’ai vécu a commencé comme celui de beaucoup de
femmes, alors que je menais une vie qui ressemblait à celle de beaucoup de femmes.
J’avais une famille, des enfants, et nos prochaines vacances devaient avoir lieu dans
une ferme. Ma fille Léa s’était révélée être une amoureuse inconditionnelle des
chevaux. Je remontais alors à cheval pour la première fois depuis des années. Le
souvenir des chevauchées avec mon grand-père revint.
Tout cela ne m’aurait pas préoccupé plus que cela, si Hadban Enzahi, le prince,
n’était pas réapparu pendant l’une de ces sorties.
Le bonheur, disent les psychologues, est la réalisation d’un rêve d’enfant.
Un cheval arabe blanc, en chair et en os, gravit légèrement la colline devant mes

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yeux, la queue au vent et les jambes dansantes. Quelque chose, enfoui depuis
longtemps, éclate alors ; des images et des sentiments remontent d’une source,
comme si elle n’avait jamais cessé de jaillir.
À leur façon, les chevaux donnent une identité aux êtres humains. Mon identité
tourne autour des chevaux arabes, aussi étrange que cela puisse me paraître assez
fréquemment. Incompréhensible même.
Les événements s’agrègent en un tableau sensé. Mon mari avait un nouveau
travail, nous allions déménager dans une petite ville de la forêt noire à l’écart de la
civilisation. J’allais perdre ma meilleure amie et laisser derrière moi toute une vie.
Récemment, mon agent littéraire m’avait posé la question : « Vous y connaissez-
vous en chevaux ? ». Il cherchait un auteur pour des romans équins. Je désirais un
contrat pour l’écriture d’un livre plus qu’un cheval.
Lors d’une foire aux chevaux, j’ai acheté un cheval sous forme de jouet, supposé
me porter chance. Il s’en suivit un contrat puis l’un des quatre box de notre centre
équestre s’est libéré. Hadban Enzahi a suivi sous une forme féminine.
Le cheval est resté à l’état de rêve jusqu’au jour où il s’est trouvé derrière moi,
dans le van, en route vers la forêt noire. Je jouais à la bataille navale avec ma fille
pendant que l’ancienne propriétaire me disait que mon signe du zodiaque était
verseau.
Depuis, j’ai derrière moi ce que les américains appellent une courbe
d’apprentissage très pentue. Le cheval était jeune et venait d’être débourré. On
obtient ce qu’on demande.
Je suis capable d’identifier le moment exact de l’appel à l’aventure. C’était
Hadban Enzahi, l’ancêtre, qui me fit signe, en ce jour d’août, au bord du lac Lech.
Demande à un propriétaire de cheval et il te dira le moment exact de son appel.
L’histoire sera peut-être beaucoup plus dramatique que la mienne. L’important n’est
pas à quel point elle est dramatique, mais le degré de son intensité.
L’histoire de notre vie tisse continuellement une toile d’instants jusqu’à ce que
nous soyons réceptifs à notre appel, jusqu’à ce que quelque chose en nous réponde.
Aujourd’hui, ma mission est d’être l’accompagnatrice des gens qui ont entendu
leur appel. Intérieurement, je me donne le nom de Spirit Buddy. J’aime cette
mission. L’appel surgit sous d’innombrables formes. Un appel téléphonique, des
bribes de phrase, une image, les paroles d’une chanson, un rêve, quelque chose qui
s’extrait du tourbillon quotidien et qui t’interpelle. C’est à toi en personne que l’on
s’adresse ! Tu y vois le fruit de ton imagination, de la pure fantaisie, pourtant
l’appel revient.
Annika avait vendu son cheval arabe indomptable et était à la recherche d’un
Haflinger calme, correspondant mieux à ses capacités. Elle a cherché en vain
pendant longtemps pour finalement abandonner complètement l’idée d’avoir un
cheval. Au cours d’une promenade, elle eut une vision jaillie de nulle part. Devant
son œil intérieur, elle vit une jument arabe grise et obtint quelques informations sur
son âge et sa taille : une jument de cinq ans, débourrée, d’une hauteur au garrot d’
un mètre cinquante. Elle vit très distinctement la tête du cheval. Deux années
s’écoulèrent. Un jour, alors qu’elle entrait dans une écurie, elle vit le cheval de sa
vision dans un box. Elle se renseigna sur son âge : cinq ans, et la jument venait juste
d’être débourrée. Elle était à vendre. Annika interrogea le propriétaire sur la hauteur

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au garrot du cheval : un mètre cinquante. Le propriétaire de l’écurie devint son mari
et aujourd’hui Annika gère un élevage de pur-sang arabes.
L’appel à l’aventure est souvent accompagné de synchronicités, de coïncidences
qui sont bien plus que des coïncidences.
Irini avait reçu sa lettre de licenciement et avait, en plus, été humainement déçue
par le patron de l’entreprise. La recherche d’un nouvel emploi se révéla sans issue.
Dans un moment de grand découragement elle vit devant elle une voiture portant
l’inscription « GO, GO ». La voiture tourna dans une rue qui s’appelait « rue
Jacques ». À cet instant, elle se rappela qu’elle avait toujours souhaité faire le
pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle. Elle partit avec très peu d’argent et un
sac de couchage. Après une série de hauts et de bas bien plus intenses que pendant
sa période de chômage, elle retrouva finalement la confiance et sut qu’elle serait
portée par la vie quoi qu’il advienne.
Il se peut que l’appel te parvienne au cours d’une situation à laquelle tu es
préparée. Tu n’as plus alors qu’à attendre le signe, une permission supérieure. Il se
peut aussi que l’appel te dépasse à un moment qui ne convient pas du tout à ta vie
présente.
Vera était tombée amoureuse de Sundance, un mustang, qui vivait dans un ranch
aux États-Unis.
À ce moment là, sa carrière dans une banque suisse était en pleine croissance, ce
qui lui permettait de financer le transport du cheval depuis l’autre coté de
l’Atlantique, ainsi que son entretien en Suisse.
Un point noir demeurait : tellement absorbée par son nouveau poste, elle n’aurait
pas le temps de s’occuper du cheval. Elle savait très bien qu’elle ne pouvait pas
laisser à l’écurie, à côté de Zurich, un Mustang habitué aux étendues infinies et à la
vie en troupeau pour passer le voir seulement le week-end.
Sundance ne lui sortait pas de la tête.
Elle rêvait de lui et réfléchissait à chaque minute qu’elle avait de libre elle
réfléchissait à la meilleure façon de l’intégrer à sa vie. Son obsession l’éloigna
considérablement de son cercle d’amis et elle devint un véritable ermite jusqu’à ce
qu’elle décide de sauter le pas.
Le propriétaire lui laissa Sundance pour deux mille dollars et elle trouva une
société pour s’occuper du transport par avion.
Enfin, son rêve se réalisait. Puis, la nouvelle de la mort de Sundance, peu après
l’atterrissage à Amsterdam des suites d’une colique, tomba. Le choc fut si profond
que Vera se traînait à peine au travail. Elle se sentait coupable de la mort du cheval.
Cette idée de ramener en Europe un Mustang ayant toujours vécu en liberté avait été
complètement absurde. Elle ne comprenait pas comment elle avait pu se laisser
piéger à ce point.
« Je l’aimais comme aucun être dans ma vie auparavant », me disait-elle. Je lui
demandais de me raconter sa première rencontre avec Sundance.
« J’étais assise au milieu de la prairie, sous un peuplier, complètement silencieuse
et repliée sur moi-même. Tout à coup quelque chose m’incita à me retourner.
Derrière moi, un cheval me regardait. Personne ne m’avait jamais regardée ainsi,
comme s’il pouvait lire dans les plus profonds recoins de mon âme. Il me
comprenait totalement. »

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Six mois plus tard Vera abandonna son emploi à la banque et vécut pendant un
moment sur ses économies. Elle voulait se réorienter.
C’était émouvant de partager avec elle comment ce lien qu’elle avait tissé avec
Sundance se développait au-delà de la mort.
« Il m’emmène toujours vers une nouvelle vie ». Elle commença une formation
de thérapeute par l’art, profession qu’elle pratique aujourd’hui. Souvent, elle
consacre ses vacances à un séjour au ranch pour se rendre à l’endroit où elle a
rencontré Sundance. À ce jour, elle ne s’est toujours pas acheté son propre cheval.
« J’ai déjà un cheval », dit-elle en souriant.
L’appel à l’aventure contient à l’origine une histoire, dont le récit s’écrira tout au
long de ta vie, si tu le suis. Même s’il ne te mène pas toujours vers le bonheur, il te
mène malgré tout vers ta propre vérité.
« Sundance, dit Vera aujourd’hui, représente ma nostalgie de la liberté et de la
relation véritable. Cette liberté et cette relation authentique, je les trouve dans ma
nouvelle profession. Je suis infiniment reconnaissante envers ce cheval, car, toute
seule, je n’aurais jamais vraiment trouvé le chemin.
Dans l’appel à l’aventure se trouve un profond besoin de notre âme. Un besoin
dont souvent nous n’avons pas conscience au moment de l’appel. Tout ce que nous
percevons alors est une urgence, une tension, un désir qui ne disparaît pas. Nous
devons le suivre. Tout le reste se met en arrière-plan, perd son pouvoir d’attraction.
Parfois l’appel parvient par étape. Tout d’abord très silencieusement, puis de plus
en plus fortement. Il peut devenir tellement intrusif que l’air te manque si tu ne le
suis pas. C’est une douleur corporelle, qui se dissipe seulement quand tu cèdes à
l’appel. L’appel te ramène dans ton corps, l’appel te ramène dans ta vraie vie.
La Bible et les histoires saintes sont remplies de récits de telles vocations. Saint-
François d’Assise, issu d’une riche famille marchande, rêvait de devenir chevalier.
Il était cultivé et brillait dans sa société. Ses expériences de la guerre l’ébranlèrent
tellement que sur le chemin vers une nouvelle bataille il laissa ses habits de noble à
un mendiant, se brouilla avec son père et mena une vie de solitude et de pauvreté
qui inspira beaucoup d’autres personnes.
L’appel du jeune bouddha a eu lieu quand il a quitté pour la première fois son
palais et vécu la misère dans les rues. Il ne revint jamais plus au palais et trouva le
chemin vers l’illumination qui transcende toute la souffrance.
Je mentionne ces exemples dramatiques pour clarifier cette idée de l’appel. Dans
la vie de chaque être humain, il existe des moments semblables qui donnent une
nouvelle direction.
Je suis certaine qu’au cours de ta vie tu as déjà vécu de tels moments, événements
ou évolutions. Prends un peu de temps pour les retrouver dans ta biographie. Quand
tu en as trouvé deux ou trois, notes-les. Quand a eu lieu l’appel ? D’où venait-il ?
Par qui ? Que s’est-il passé exactement ? Qu’as-tu ressenti ? Était-ce une expérience
douloureuse ou joyeuse ?
Demande-toi ce qu’il est advenu de cet appel, ce qu’il en est ressorti. Quel sens
s’est révélé à travers ces découvertes ? Certaines motivations t’apparaissent peut-
être pour la première fois.

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QUEL EST TON APPEL ?
Je suis certaine qu’au cours de ta vie tu as déjà vécu de tels moments,
événements ou évolutions. Prends un peu de temps pour les retrouver dans ta
biographie. Quand tu en as trouvé deux ou trois, notes-les. Quand a eu lieu
l’appel ? D’où venait-il ? Par qui ? Que s’est-il passé exactement ? Qu’as-tu
ressenti ? Était-ce une expérience douloureuse ou joyeuse ?
Demande toi ce qu’il est advenu de cet appel, ce qu’il en est ressorti. Quel
sens s’est révélé à travers ces découvertes ? Certaines motivations
t’apparaissent peut-être pour la première fois.
Y a-t-il un appel en rapport avec les chevaux ? Sont-ce les chevaux qui t’ont
appelée ? Est-ce un cheval en particulier qui t’a révélée et éveillée ?
Peux-tu observer l’appel à l’aventure dans la vie d’autres personnes ?
Notamment dans les films et les romans ? La plupart des films contiennent cet
appel. Dans le film Pretty Woman par exemple, c’est le moment où la
prostituée, Vivian, monte dans la voiture du riche Edward Luis pour lui
montrer le chemin vers Beverly Hills. Un événement apparemment
insignifiant qui a changé sa vie.

L’appel à l’aventure peut aussi te rattraper sous la forme d’un livre, – comme cela
m’est arrivé à moi, quand j’ai déniché le livre The Tao of Equus (en français : « Le
Tao du Cheval », édité par Ronan Denniel) de Linda Kohanov dans la librairie New
Yorkaise The Strand. Le livre était pour moi, comme pour beaucoup d’autres, le
signal de départ vers une nouvelle dimension dans l’approche du cheval et a, en fin
de compte, complètement chamboulé ma vision du monde. Cet ouvrage m’a
conduite là où je suis aujourd’hui.
En ce moment, je vis une expérience de l’appel à l’aventure assez dure. Il m’a
rattrapée ces dernières semaines et est l’illustration parfaite du fait que l’appel peut
mener les personnes vers des contrées du psychisme particulièrement reculées.
Ces dernières semaines, donc, mon corps s’est lié à la mort. La mort m’appelait
sous la forme d’un jeune homme séduisant qui me prenait la main et voulait
m’emmener dans son royaume. Je me suis alors réveillée en sursaut, baignée de
sueur, parce que je ne voulais pas voir ce qui m’attendait là-bas.
Mais quand je fermais les yeux, la mort se plantait devant moi, séduisante. Quand
j’étais en état de méditation profonde, je la voyais qui m’attendait là-bas. Je ne
voulais pas la suivre, car j’avais peur de mourir au pas suivant. Ce rêve, je le fis
pour la première fois il y a six mois. Autour de moi, la mort. Il suffisait juste que je
décroche mon téléphone ou que j’ouvre ma boîte mail pour que mon interlocuteur
m’apprenne le décès de sa mère, de son fils ou de son cheval.
La semaine dernière, pendant mon séjour au centre Epona en Arizona, l’étalon de
Linda Kohanov, Midnight Merlin, est décédé. Midnight Merlin était l’un des
chevaux les plus importants dans la carrière de Linda. Sa mort, bien que cruelle,
était emplie d’un sens transcendant qui a ouvert à tous les participants une
perspective vers un nouveau monde. Merlin était un cheval difficile, mais son coté

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visionnaire compensait toutes les difficultés. Dans une vision, il se révéla à son
propriétaire comme la réincarnation d’un cheval de guerre tué par le coup d’une
lance en plein poitrail. Sa tête avait été coupée pour lui dérober sa force. Linda le
prit pour ce qu’il était : un grand maître. Il mourut à l’âge de vingt-trois ans, tel que
Linda l’avait vu des années auparavant dans sa vision. Non pas par une lance, mais
par un piquet métallique unique en son genre dans le ranch clôturé, par ailleurs, par
des piquets en bois.
Il existe un dessin de l’étalon sur lequel Merlin se trouve face à face avec son fils
Spirit. Il fait partie du jeu de cartes oracle équin de Linda Kohanov et porte le nom
du cheval : Midnight Merlin. Le matin de l’enterrement de Merlin, j’étais assise non
loin d’un paddock et, en levant les yeux, j’ai vu deux chevaux en chair et en os
s’affronter face à face, comme sur la carte de Merlin. Les deux chevaux qui
incarnaient si parfaitement l’esprit de Merlin à travers leur posture m’apportaient un
message concernant l’essence de la mort. La mort n’est pas une fin, mais une
transition. Je n’aurais pas compris le message si, ce matin-là, les chevaux ne
s’étaient pas tenus l’un en face de l’autre, comme s’ils avaient voulu m’y conduire
avec leur nez. Et je n’aurais pas compris non plus si ma capacité à décoder les
messages des chevaux n’avait été suffisante… Les chevaux nous parlent tout bas et
pour les comprendre nous devons écouter avec les oreilles grandes ouvertes,
regarder avec les yeux grands ouverts et ressentir avec toute notre énergie. Dès lors
que nous avons appris ce langage, dès lors que nous avons compris qu’ils
s’adressent à nous, nous les comprenons facilement et nous sommes étonnés d’avoir
manqué l’évidence.
Mon histoire avec la mort ne s’est pas arrêtée là. Quelques semaines plus tard, à
quelques kilomètres de mon domicile, se produisit la folie meurtrière de cet
adolescent de dix-sept ans qui massacra seize personnes d’une balle dans la tête
pour la plupart d’entre elles, avant de s’en tirer une lui-même.
Dans la nuit qui suivit, je rêvai que ma chatte venait poser à mes pieds la tête
arrachée de notre chat.
Enfin, la mort m’atteignit moi-même. Les jours qui suivirent, je me sentais
comme si mon Moi se délabrait, comme un oignon épluché couche après couche.
C’était un processus effrayant qui déclenchait en moi le sentiment que rien de ce
que je fus autrefois ne restait.
Mon ancien Moi était mort. Liquéfiée par la peur, j’appelai alors Lynne, l’expert
en méditation qui accompagnait l’atelier en Arizona et lui demandai conseil.
« Tu te trouves au milieu d’un processus de transformation », dit-elle. « Que dois-
je faire ? » demandai-je.
« Fais confiance au processus », me répondit-elle. « Laisse-toi porter par le
processus. »
Je comprends maintenant ce que voulaient dire mes rêves de mort, son invitation
à la suivre : une partie de moi devait mourir.
La mort de l’ancien Moi est une partie de la naissance du nouveau Moi. C’est
l’histoire racontée par le voyage du héros. J’ai été étonnée, lorsque j’ai pris
conscience de comment ce processus s’était immiscé imperceptiblement dans ma
propre vie. Et de comment l’étalon Merlin et les chats y avaient joué un rôle.
Lorsque je suis revenue à un état plus serein, j’ai décidé de suivre la mort dans

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son royaume pendant une séance de méditation. Le royaume de la mort était un
jardin fleurissant et au milieu de l’abondante Nature j’ai trouvé une jeune fille avec
un cheval, avec Hadban Enzahi, le noble étalon arabe. J’ai réussi à récupérer cette
partie de moi oubliée qui pouvait désirer et rêver innocemment. La mort m’était
alors devenue un élixir vital.
Les animaux ont la capacité de nous lier avec le monde de l’invisible et du
spirituel. Leur force symbolique nous aide à dépasser notre conscience d’éveil
habituelle.
« Il suffit juste de reconnaître que toutes les visions et images que nous vivons
dans la Nature ou dans notre fort intérieur sont valides, écrit Ted Andrews dans son
livre Le tarot de sagesse animale ». Lorsque nous observons attentivement la
Nature, elle se transforme en livre ouvert. C’est ainsi que partout nous sommes
capable de percevoir l’appel à l’aventure, l’appel pour démarrer le voyage, pour se
mettre en route et retrouver ce monde que nos ancêtres connaissaient si bien. Monde
dont il semble que seuls les animaux restent les ambassadeurs à ce jour. L’homme
date d’environ cinq millions d’années et pendant 4 999 millions d’années la Nature
était son maître.
« Ce seront les animaux, dit mon amie Celia, qui nous sortirons de la misère dans
laquelle nous végétons. Comme personne ne le fera à leur place, et s’ils ne le font
pas, nous seront perdus ». Nous avons perdu tant de notre savoir instinctif, de cette
conscience qui nous montre comment survivre, que nous traversons le monde
comme des aveugles. Nous ne reconnaîtrions pas la solution, même si nous l’avions
sous le nez.
C’est la raison pour laquelle il est important que nous suivions cet appel, quand il
retentit. Si nous le faisons d’une façon juste, il nous ramène dans le cœur de la
créature et nous relie à une force plus forte que nous-mêmes, dans le rythme et
l’énergie du cosmos.
Des femmes de tous les coins du monde sont venues assister à l’enterrement de
Merlin. Elles le connaissaient et avaient été ses élèves. Elles se tenaient en cercle,
autour de sa sépulture de pierres érigée dans le ranch. Elles racontaient des histoires,
des histoires intelligentes et sages, racontées par des femmes intelligentes et sages.
Un court instant, on sentit s’élever autour de la sépulture la douceur du matriarcat
qui unit la vie et la mort, l’un appartenant à l’autre et inversement.
Lorsque j’ai pris des photos de la sépulture de Merlin avant de quitter le ranch,
j’ai vu poindre, entre les nuages dans le ciel bleu, un bout d’arc en ciel.

REPOSE-TOI ENTIÈREMENT SUR UN ANIMAL


Si tu as un animal ou si tu es en contact avec un animal, prends le temps de
t’occuper un peu de lui. Tu peux aussi aller dans la Nature et écouter les
oiseaux ou observer les vaches, les moutons, les chevaux et les chèvres dans
leurs prés.
Repose-toi entièrement sur l’animal, développe et affine ta capacité à
percevoir, apprends à comprendre les messages à travers les mouvements, les
bruits, les gestes, et enfin capte les images intuitives qu’ils éveillent en toi.

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C’est le plus important.
Si tu écoutes bien un animal, tu découvriras qu’il a un message pour toi.
Peut-être attends-tu un appel depuis longtemps, te sens-tu épuisée et fatiguée,
ou es-tu impatiente et curieuse. L’appel est en toi, il attend d’être entendu.
Vas-y et demande aux animaux. Et puis suis-les.

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Étape Trois
La blessure
L’appel à l’aventure apparait sous différentes formes. Mais lorsqu’un cheval en
fait partie, la vulnérabilité joue toujours un rôle. Linda Kohanov aborde dans ses
livres la différence entre la peur et la vulnérabilité, si importante pour les personnes
qui ont à faire aux chevaux. Les gens de chevaux ne sont pas les seuls concernés, on
peut élargir le cercle à toutes les personnes créatives en général, voire à tout être
vivant sur cette planète. La peur est une réaction provoquée par une menace
extérieure qui nous pousse à nous mettre en sécurité. La vulnérabilité est une
réaction provoquée par une menace intérieure. Quand nous sommes vraiment
créatifs, nous nous ouvrons à l’inconnu, à l’imprévisible. Grâce à cette ouverture
nous puisons une grande force dans notre vie, car nous nous relions à la magie de la
Création, mais nous quittons ainsi d’anciennes sécurités et règles, dans lesquelles
nous nous sentions bien. Cela éveille une peur difficilement maîtrisable qui n’a pas
de causes extérieures.
L’appel à l’aventure nous a catapultés hors de nos habitudes. Tout à coup, il y a
un cheval dans notre vie. Il est grand, il est dangereux, nous ne connaissons pas
encore sa nature. Nous nous approchons, il recule, nous lui demandons de faire
quelque chose, il s’oppose. Il reste immobile ou il part en courant, il fait des ruades,
il a peur, il mord, il botte, il nous traîne au bout de la longe à travers le manège.
Peu de gens réalisent leur rêve d’avoir leur propre cheval, se doutent qu’en plus
de leur coûter du temps et de l’argent, celui-ci va semer une terrible pagaille dans le
monde affectif bien ordonné et rassurant qu’ils s’étaient construit. Que celui-ci va
les transformer en un nouvel être humain.
Dans la vie de chaque cavalier arrive le moment où le cheval lui révèle une
blessure, physique ou psychique.
La troisième étape du voyage du héros traite de la blessure que nous portons en
nous, que les chevaux détectent avec leur flair infaillible.
Nous avons suivi l’appel, mais ce qui nous attend n’est pas une simple balade du
dimanche. C’est seulement maintenant que le voyage commence. L’enchantement
du début s’est envolé. La réalité de notre nouveau monde nous accueille. Le cheval
est dans l’écurie et fait du crottin. Il a faim et a des exigences nutritionnelles qui
doivent être conformes aux besoins de son espèce. Lui jeter un tas de foin une fois
par jour n’est pas suffisant. Les estomacs équins veulent être occupés vingt-quatre
heures sur vingt-quatre. Le cheval demande à être sorti, même s’il pleut des cordes.
La nouvelle selle exerce des pressions et le filet n’est pas à la bonne taille. Le
cheval développe des tics et des marottes en moins de temps qu’il ne faut pour le
dire. Nous pouvons compenser par nos stratégies habituelles, mais c’est alors
qu’arrive le moment où le cheval découvre la blessure. Il trouve notre angle mort,
cette ombre que nous refusons de reconnaître.
Ce sentiment de vulnérabilité que nous essayons de cacher quand nous entrons
dans l’écurie avec assurance. Il voit clair dans notre mise en scène.
Stéphanie, une jeune femme aux entrées fracassantes et experte en blagues et
autres jeux de mots, est tombée amoureuse de Timberland, un hongre pur-sang,
jeune et puissant, exactement le cheval dont elle avait toujours rêvé, jeune et
malléable.

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Beaucoup d’amateurs de chevaux achètent des chevaux à moitié dressés, d’une
part, parce qu’ils peuvent les éduquer à leur image, d’autre part parce qu’ils sont
abordables financièrement. C’est ainsi que des cavaliers inexpérimentés rencontrent
des chevaux inexpérimentés. Dans un premier temps, la relation entre Stéphanie et
Timberland se développa positivement. Chaque jour, après le travail, Stéphanie
apparaissait à l’écurie, nettoyait et soignait son cheval jusqu’à ce que les sabots
brillent.
Elle se promenait avec Timberland, qui au début la suivait gentiment. C’est grâce
au mouvement du Natural Horsemanship que les jeunes chevaux sont éduqués au
sol avec beaucoup de patience. Cela signifie qu’ils apprennent à céder à la pression,
à se laisser toucher partout et à réagir aux aides fines, avant que le cavalier ne
s’installe sur son dos, comme un prédateur qui assène le coup fatal. De cette
manière, le cheval gagne en assurance et en confiance en l’être humain.
Stéphanie, toutefois, faisait partie de ces cavaliers impatients de monter leur
cheval et de chevaucher en direction du coucher de soleil. J’aimerais faire
remarquer ici que je ne valais guère mieux. Bien que je fusse familiarisée avec le
travail au sol, je préférais me voir comme cowgirl qui planait sur son oiseau arabe.
Ce qui m’a sauvée du destin de Stéphanie fut peut-être la chance.
Quelques semaines plus tard, je vis Stéphanie se promener avec Timberland et je
retins mon souffle. Le cheval était si rempli d’énergie que je craignais qu’il
n’explose à chaque instant. Sa tête était étirée vers le haut, les yeux écarquillés, les
flancs vibraient. Les jeunes chevaux sont imprévisibles. En l’espace d’une seconde,
ils peuvent détaler pour un frémissement dans un buisson et entraîner avec eux
l’être humain qui les mène, par le manque de coordination qui caractérise leur jeune
âge.
Je demandai à Stéphanie si tout allait bien. Elle sourit joyeusement et dit : « Il est
seulement un peu exubérant. Il va se calmer. » Le fait que Stéphanie n’ait pas l’air
de se rendre compte du danger m’effrayait plus que le cheval. Au contraire, elle
était fière de son courage. Mon cœur se brisait en mille morceaux. Je me sentais
obligée de partager mon inquiétude. « Ne penses-tu pas qu’il serait préférable de
faire des exercices dans un espace clos avec Timberland avant de le sortir ? »
« Occupe-toi plutôt de ton propre cheval. Il n’est pas particulièrement super
calme non plus. » Le regard de Stéphanie aurait pu tuer un éléphant. Je compris
alors que son apparente assurance n’était qu’une fine couche de protection. Elle
n’était pas du tout l’amazone forte qu’elle voulait laisser paraître. En outre, cette
attitude n’est pas du tout celle qu’il convient d’adopter avec les chevaux, même si
beaucoup le croient.
Les chevaux ressentent notre peur. Il n’y a pas un seul endroit dans notre corps,
nos émotions, nos pensées, notre conscience où nous pouvons la leur dissimuler. La
perception des chevaux est beaucoup plus sensible que ce que la plupart des gens
s’imaginent.
Stéphanie ne contrôlait pas son cheval, parce qu’il ne lui faisait pas confiance.
Timberland n’arrêtait pas de recevoir des signaux contradictoires de sa part. Nous
connaissons cela aussi dans le comportement des gens. Quelqu’un veut donner une
image de force et nous ressentons parfaitement qu’elle n’est pas authentique. Alors
que Stéphanie apparaissait ostensiblement insouciante, Timberland ressentait la peur

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et le sentiment d’insécurité qui se manifestaient dans son corps tendu. Le jeune
cheval se sentait abandonné par son cavalier et réagissait par la panique.
Les chevaux ont besoin d’un guide en accord avec lui-même, dont le corps n’est
pas séparé de sa tête. Une « rupture » pourtant fort répandue dans notre civilisation.
Nous n’avons pas appris à être en harmonie avec notre corps et nos sentiments.
Nous vivons principalement dans notre tête.
Nos pensées vont de-ci de-là, nous effleurons à peine le moment présent, alors
que les chevaux y résident à chaque instant. Eux, au contraire, vivent dans la
présence pure et une tête sans corps est à leurs yeux une apparition effrayante.
Stéphanie s’était acheté une selle coûteuse, des bottes, un filet, une cravache. Un
jour, alors que j’arrivais à l’écurie, une ambulance attendait devant le portail.
Stéphanie était sortie pour la première fois en promenade ; Timberland l’avait
désarçonnée. L’un des sabots avait percuté sa poitrine, l’autre frôlé son crâne. Elle
aurait pu mourir.

L’une de mes amies tombe systématiquement amoureuse d’hommes qui la
blessent, voire la battent. À ses yeux, ces hommes sont particulièrement sensibles et
ont besoin de beaucoup de compréhension. Elle ne comprend pas pourquoi, soudain,
ces hommes réagissent d’une façon agressive. Elle n’arrive pas à repérer les signes
avant-coureurs. Je voulais amener mon amie à ma jument pour qu’elle ressente avec
chaque fibre de son corps quand le danger menace. Mais mon amie a peur des
chevaux. Avec un peu de patience, j’ai finalement pu la convaincre de troquer ses
talons aiguilles pour des bottes en caoutchouc.
« Imagine que le cheval soit Thomas » dis-je en prononçant très clairement le
nom de sa dernière conquête. Elle flageola et trembla, pendant qu’elle se
rapprochait de ma gentille jument. Elle ne voulait pas me croire quand je lui disais
que le cheval devait avoir quelque chose à voir avec ses histoires d’hommes.
C’était époustouflant de voir comment Tinnia se blottissait contre Silke avec une
tendresse qu’on ne lui connaissait pas d’habitude. La résistance de Silke a fondu
comme neige au soleil. D’une seconde à l’autre, le cheval qui faisait tellement peur
est devenu l’amour de tous les amours. Elle pressait la jument contre son cœur et la
câlinait, comme si elle voulait la noyer de sentiments.
« Elle me comprend jusqu’au dernier recoin de mon âme, s’extasiait Silke, c’est
un amour de cheval. »
À peine sa phrase terminée, le cheval coucha les oreilles, et sa bouche, toutes
dents dehors, prête à mordre, manqua de peu d’arracher les manches de la chemise
de Silke. Effrayée, Silke recula d’un pas. Son corps se figea, son regard était absent.
Son esprit était allé se réfugier dans un endroit bien lointain.
« Ca va, Silke ? »
Tout à coup, comme si quelqu’un avait tourné l’interrupteur, elle revint parmi
nous et dit en souriant : « que veux-tu, je ne sais pas m’y prendre avec les
chevaux ».
« Ca va ? » demandai-je.
« Bien sûr, pourquoi ? »
Je ne la croyais pas du tout, ce qu’elle remarqua.
« Honnêtement, je pourrais éclater en sanglots, dit-elle tandis que sa mine joyeuse

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disparaissait. Le cheval se comporte aussi mal que Thomas. D’abord il est très
gentil et tout à coup il me tombe dessus. Ca me dépasse. Qu’ai-je fait de travers ? »
Elle voulait rentrer chez elle, mais finalement elle se décida à s’asseoir avec moi
sur un ballot de paille, à bonne distance, en sécurité.
« Tu pensais que le cheval était très gentil et puis tu t’es fait surprendre par le
contraire. »
« C’est étrange, mais au moment où je disais que le cheval était très gentil, j’ai
ressenti que ce n’était pas vrai. Cela m’est apparu surfait, exagéré, comme si je
n’avais fait que mimer le sentiment, sans véritablement l’éprouver. »
« Qu’as-tu ressenti exactement ? »
« J’ai été troublée par le fait que le cheval vienne se blottir contre moi, mais
quand j’ai commencé à l’embrasser, j’ai réalisé qu’il se retirait. Au lieu d’arrêter,
j’ai continué car je ne supportais pas qu’il me repousse. C’est à partir de là que tout
est parti de travers.
« Donc, il t’a repoussée ? »
« Pas directement. J’ai senti, qu’il se retirait. Ce n’est qu’au moment où j’ai
commencé à le contraindre qu’il s’est défendu. ». Elle resta silencieuse un moment.
« J’aurais dû m’arrêter plus tôt, dès que je me suis rendu compte que le cheval en
avait assez. Elle se tut à nouveau. « Mais si je fais ça, je ne reçois jamais l’amour
dont j’ai besoin. Probablement suis-je condamnée à la solitude éternelle, si même un
animal, grand comme le cheval, ne peut pas accueillir mes sentiments. » Silke
devint très silencieuse et triste.
Je n’attache pas ma jument, je lui ai appris à rester immobile sans corde. Pendant
que Silke se transformait en un petit tas de misère, ma jument marcha vers nous.
L’animal posa son museau sur l’épaule de Silke et resta un long moment à coté
d’elle, tout tranquille. Soudain j’entendis un sanglot. Silke restait assise calmement,
pas de déclarations d’amour démesurées, juste un moment d’attachement profond
qui se prolongeait.

Dans l’appel à l’aventure, la médaille comporte toujours deux faces : une
lumineuse et une sombre. Ma vision de Hadban Enzahi, l’étalon arabe originel, était
aussi claire que la lumière décrite dans le mythe indien sur l’origine du cheval.
« Du soleil, oh dieux étincelants, vous avez créé un cheval. » Votre vision a beau
être aussi claire que possible, il arrive toujours un moment où les premières fissures
apparaissent. Des fissures par lesquelles l’obscurité, le danger et la blessure
s’infiltrent. Le voyage du héros est une descente dans le monde des ombres, dans le
royaume des sentiments refoulés. Plus vite tu reconnaîtras l’obscurité, mieux tu
seras armée. Ainsi, tu seras capable de repérer le danger, tapi dans l’ombre aux
aguets, avant qu’il ne prenne la forme d’un sabot de cheval frappant dans ta
poitrine. Les chevaux deviennent alors non plus des sources de danger, mais des
guérisseurs, comme dans l’histoire de Silke.
« Ce que je prenais pour de l’amour, ce sentiment insatiable, n’était pas de
l’amour, me dit Silke plus tard. L’amour, c’est ce que je ressentais quand j’étais
complètement silencieuse. Le désir d’en avoir toujours plus avait disparu, car
j’avais trouvé ce que j’ai toujours cherché. Je n’en reviens toujours pas que ce soit
un cheval qui m’ait amenée à ce niveau de compréhension de moi-même. » Peu de

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temps après, Silke quittait Thomas et plus aucun autre candidat du style de ceux
qu’elle avait connus précédemment ne pointa le bout de son nez dans sa vie.
Lorsque je lui en parlai, elle me confia : « Cet après midi-là, j’ai promis à Tinnia
que je ne m’aventurerais plus jamais dans quelque chose qui ne soit pas ce qu’elle
m’a montrée. Depuis, je vais beaucoup mieux – et honnêtement, je ne suis pas
pressée du tout. »

Pourquoi nous aventurons-nous dans des voyages qui nous mènent vers
l’obscurité ? Pourquoi Stéphanie n’a-t-elle pas vendu son cheval après son accident
grave ? Pourquoi l’a-t-elle gardé ? Souvent, le voyage ne commence qu’avec
l’accident. Cela semble être le message que beaucoup trouvent à l’origine de la
douleur, tel un trésor englouti. Se séparer du cheval signifierait que l’on rejette
l’appel au voyage. Se séparer du cheval signifierait interrompre le voyage juste
après l’avoir commencé. Quelque chose dans l’âme humaine semble s’en défendre,
comme s’il en allait de sa survie. L’âme aspire au voyage. Le voyage est son seul
but. À travers le voyage, elle réalise sa raison d’être.
Pendant le voyage, l’aspect obscur de l’accident se transforme en tout autre
chose. Si l’on ne considère pas l’accident comme une coïncidence, mais comme un
appel dans son sens le plus profond, il devient un événement tragique. Le sens de la
tragédie est la catharsis, la purification. C’est du moins ce que nous enseigne le
philosophe grecque Aristote dans la première leçon de tragédie de notre civilisation.
Un événement tragique transcende notre perception unidimensionnelle de la
réalité. Le sens de la tragédie est la transcendance, le dépassement. La tragédie nous
lie à un monde au-delà du nôtre, qui inverse le sens d’un événement en son
contraire. Quelque chose de mortel devient quelque chose de vivant. La douleur
devient un chemin vers la lumière.
Pour des personnes empreintes de notre culture, ceci est difficile à comprendre.
Nous avons perdu le sens de la tragédie. Pour nous, il y a du négatif et du positif,
ceci ou cela. Un accident est négatif, nous voulons l’oublier le plus vite possible.
Les chevaux nous enseignent autre chose. Les chevaux nous enseignent que
l’obscur est clair et que le clair est obscur. Ils ne jugent pas, ils dansent. La danse de
l’ombre qui se transforme en lumière.
Stéphanie a commencé à s’occuper de son cheval sans selle chic, ni graisse pour
les pieds.
Quotidiennement, elle emmenait son hongre dans le rond de longe et essayait de
communiquer avec lui, étudiait ses réactions, ses mouvements, sa façon de
s’ébrouer et de mâchonner, le fouraillement de sa queue. Elle ressentait quand il
avait peur et quand il était calme. L’autre jour, j’ai vu comment il zigzaguait à ses
côtés, sans licol. Une chose pareille ne se produit pas sans que l’humain ne se
transforme également. Silke est toujours aussi joyeuse mais, maintenant, son
assurance est franche parce qu’elle s’est découverte. On ne peut pas découvrir le
corps d’un cheval sans ressentir son propre corps. Car, en effet, la communication
avec un cheval passe par le corps ou elle ne passe pas du tout.

Dans son livre The soul of Screenwriting (L’âme de l’écriture scénaristique), le
livre le plus impressionnant que je connaisse sur le voyage du héros, Keith

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Cunningham propose le mythe grec d’Actéon le chasseur comme exemple pour
illustrer l’essence de la tragédie. Actéon, un héros ambitieux, qui, jusqu’à présent,
réussissait en tout, est à la recherche d’une proie digne de lui. Il surprend la déesse
Artémis et ses nymphes au bain. Personne n’a jamais vu la déesse nue. La déesse
furieuse lui envoie de l’eau dans la figure : « vas-y et raconte à tout le monde que tu
as vue la déesse nue, si tu peux ». Mais avant qu’Actéon ne puisse fuir, elle le
transforme en cerf et ses chiens de chasse le déchirent en morceau.
Notre réaction contemporaine serait un sentiment de satisfaction provenant du fait
qu’il a reçu la punition adéquate. Le mythe, par contre, célèbre la mort d’Actéon
comme un accomplissement. Actéon a trouvé sa véritable proie : le fait d’avoir vu la
déesse fait mourir son Moi terrestre. La porte vers la transcendance s’est ouverte à
lui. Le héros a achevé son voyage dans la mort.
« Le sens de la tragédie, écrit Cunningham, est de dire oui aux circonstances
amenées par la vie ». Actéon a réalisé le but de son existence. Il a avancé jusqu’à la
source et reconnu son être le plus profond.
Les chevaux nous associent à une vision archaïque des choses. Pour eux, il n’y a
pas de bien ou de mal. Il y a seulement l’être dans le moment présent et il est
toujours parfait. En dehors de cela, il n’y a pas de vie, pas de créativité, seulement
des illusions, fruits de notre raison.
La présence des chevaux nous libère de ces illusions. Elles rebondissent sur eux
et s’évaporent. Nous en défaire nous remplit de joie et nous apporte une bouffée
d’oxygène.
Derrière les illusions apparaissent les vrais sentiments, comme pour Silke
l’amour vrai et pour Stéphanie, une assurance authentique. L’accident de Stéphanie
était douloureux : deux côtes cassées, un avant-bras fracturé. En un seul coup de
sabot, le cheval a pulvérisé la construction de son être. Ce qui en restait était un
corps endommagé et un Moi vidé de tout son air. Pendant des jours entiers, elle
n’osait plus regarder personne dans les yeux, car elle avait l’impression d’être une
« ratée ». Dans l’esprit de notre culture, une défaite représente un point final, une
infamie, une honte. Nous sommes à nu, notre masque s’est envolé. Le chasseur
Actéon rencontre sa vision, mais avant de pouvoir rapporter son triomphe à sa tribu,
son Moi vaniteux est déchiré en morceaux.
Là où nous baissons les bras, où nous avons l’impression d’être des ratés, c’est là
que tout commence pour les chevaux. Enfin nous sommes normaux. Enfin nous
sommes réveillés de nos rêves.

Il y a des jours où chaque pas que je fais en marge de mon chemin, quand je
m’adonne à l’immodestie, est suivi d’une douleur si intense qu’elle en est à peine
supportable. Des vagues de peur me frappent de plein fouet, ma vulnérabilité est
aussi originelle que celle d’un nouveau-né exposé à la nuit glaciale de l’hiver.
Et puis il y a des moments où la voile se déchire et où je reconnais ce qui se
cache derrière en fait : un désir trop longtemps réprimé de me retrouver moi-même,
un désir que je ne peux plus maîtriser davantage et qui me pousse en avant telle une
jument de tête à la recherche de l’eau qui fera survivre sa harde. La jument part au
galop et rien ne pourra l’arrêter.
Notre vie est pleine de blessures. Nous pourrions en établir de longues listes. Ou

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alors nous laissons de côté ces listes pour faire le compte des merveilleux moments
de bonheur. J’appartiens à la catégorie des gens joyeux qui aiment regarder la vie
comme un jeu. Que nous soyons psychoteurs dépressifs ou clowns enjoués, cela ne
fait aucune différence pour les chevaux. Ils voient tout de suite clair en nous. Il nous
suffit juste de nous rapprocher d’eux pour recevoir notre leçon. Tôt ou tard, un
cheval trouvera notre point faible, le crochet auquel nous avons suspendu notre ego.
Au moment auquel on s’y attend le moins, il extirpe notre ego de son immobilisme
avec une précision impressionnante.
Le résumé de l’éditeur de l’œuvre de Timo Ameruoso Mes deux vie ou mon
douloureux parcours vers la connaissance véritable (Zweierlei Leben – Mein
schmerzhafter Weg zu wahrer Erkenntnis) en parle : « J’étais cavalier de saut
d’obstacles ; le succès me souriait. À l’apothéose de l’hybris et de la prétention, la
vie m’a offert un coup du destin. Quand je me remémore cette période de ma vie
très active, je dirais que j’étais un cavalier comme tous les autres. Je n’ai jamais
vraiment bien compris mon cheval… Le plus difficile dans le travail avec un cheval
est le travail sur soi. » J’ai échappé à un destin comme celui de Timo Ameruoso qui
est resté cloué dans sa chaise roulante après une chute. Dieu merci ! Les chevaux
m’ont inculqué leur savoir par petites touches. Et je m’estime heureuse d’avoir pu
assimiler leurs leçons sans avoir eu besoin de passer par des expériences plus
brutales.
Ainsi, un événement apparemment insignifiant peut se transformer pour moi en
un véritable apprentissage auquel je me réfère toujours parce qu’il a un sens
particulièrement important pour mon existence et mon cheminement.
Après avoir acquis les bases du Natural Horsemanship, je me croyais capable
d’entraîner un cheval de quatre ans non encore éduqué. La propriétaire de l’écurie
qui hébergeait ma jument m’offrit de débourrer Scarlotta afin de l’utiliser plus tard
comme deuxième monture pour ma fille. J’aime les aventures et quand j’entends
que le débourrage des jeunes chevaux représente la tâche la plus difficile qui puisse
exister dans le monde du cheval, un sentiment d’ambition s’éveille en moi.
L’ambition, une qualité, qu’il est préférable de laisser à la maison quand on travaille
avec des chevaux, tout comme la vanité.
J’ai lu des livres réputés sur le sujet et suivi le Horseman Rendez-vous de Birger
Gieseke. Là, j’ai pu voir de jeunes chevaux « travaillés » par des entraîneurs très
talentueux, comme Honza Blaha, Silke Valentin, Johannes Beck Broichsitter ou
encore Bernd Hackel. Au début, j’ai fait de sérieux progrès avec Scarlotta. Elle était
intelligente et apprenait vite. Trop vite. Un jour, elle a réussi à m’arracher la longe
des mains. Elle avait gagné, et gagna encore le lendemain. J’étais déterminée à
m’accrocher, mais mes genoux flageolaient à chaque fois que je terminais la séance
d’entraînement. J’étais dépassée, mais certainement pas prête à avouer mon
incapacité à continuer. Un beau jour dans la carrière, je longeai Scarlotta selon les
instructions d’Astrid, à qui entre temps j’avais demandé conseil. J’ai réussi quelques
jolis tours de piste. Fière et je le claironnais à tous les vents.
« Regardez, comme il se déplace bien, ce cheval. » À peine la phrase terminée,
Scarlotta se mit à ruer. La longe se tendit et mon petit doigt resta coincé. Ce n’était
pas si grave et après plusieurs semaines d’immobilisation, il se rétablit. Mais depuis,
je laisse vraiment la vanité à la maison quand je rentre dans l’arène avec un cheval.

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Ma vanité m’a distraite de la situation une fraction de seconde et Scarlotta a profité
de cet instant pour donner libre cours à son exubérance.
Cette expérience me revient à l’esprit chaque fois qu’un sentiment de fierté
grandit. Vanité et fierté sont des qualités inutiles. Elles me catapultent hors de
l’instant présent, altèrent mon attention et n’apportent que l’ombre d’une
satisfaction. Je peux y renoncer.
Grâce à Scarlotta j’ai compris ce que les bouddhistes veulent dire avec le « non-
attachement », c’est-à-dire : accueillir les sentiments quand ils apparaissent, mais
continuer à faire ce que l’on est en train de faire sans être submergé. Si j’avais
maîtrisé ce savoir plus tôt, il en aurait été tout autrement avec Scarlotta.
Un cheval, et plus encore quand il est jeune, identifie instantanément la plus
infime marque d’inattention de son interlocuteur. Il perd confiance en son guide.
Les chevaux ont besoin d’un être humain présent. C’est le mieux que nous puissions
faire pour eux : être présents à chaque instant ! J’ai finalement renoncé à entraîner
Scarlotta, car je n’avais pas le niveau suffisant pour faire face à sa grande exigence
de vigilance. C’était dangereux. Elle était trop grande, trop forte, trop rapide pour
moi.
La vigilance est restée mon sujet de prédilection dans les relations avec les autres
comme dans mon travail créatif. Quand je ne suis pas vigilante, le texte que j’ai
dans la tête disparaît avant même que j’ai pu le coucher sur le papier.
La capacité d’un auteur, de tout artiste, de tout être humain dépend de l’intensité
de son attention, de la durée pendant laquelle il peut rester concentré sans se
dérober.
La vie est l’art de la vigilance.
La vigilance sous-entend que nous n’évitions pas les choses désagréables que
nous percevons. Ce n’est pas facile de vivre dans la présence. Nos petites et grandes
fuites sont des habitudes coriaces. Échapper à une situation est un réflexe de base de
notre culture qui privilégie les comportements de fuite. Le travail devient
ennuyeux ? Nous allons taper dans la réserve de chocolat. Soudain, la moitié du
paquet est vide. Où étions-nous ? Juste un petit exemple.
Les chevaux seront-ils nos entraîneurs ? Autrement dit : un entraîneur humain
est-il capable d’enseigner de façon aussi efficace qu’une jument de quatre ans ? Ces
dernières années, le coaching des dirigeants assisté par les chevaux s’est développé.
Comme les dirigeants d’autrefois forgeant leur caractère au contact des chevaux, les
hommes clés d’aujourd’hui, qui n’ont jamais vu un cheval, sont envoyés sur la piste
avec un cheval. Les chevaux peuvent-ils nous sortir de la crise économique, comme
autrefois, quand ils étaient à l’origine des réussites militaires ? Sans doute, mais
cette fois-ci pas sur le champ de bataille, mais dans le rond de longe.
Je voulais parler de blessures.
On n’atteint pas l’état de vigilance en faisant des efforts pour se concentrer. Être
vigilant signifie s’exposer à la douleur. Nous sommes tellement entraînés à fuir vers
le bonheur et le plaisir que nous saisissons notre incapacité à vivre uniquement au
moment où un cheval nous coince le petit doigt, nous marche sur le pied ou nous
casse les côtes. Un exercice simple montre tout le dilemme : marche avec ton cheval
dans un pré rempli de bone herbe sans qu’il baisse la tête pour brouter.
Mon amie Heike, professeur de qi gong pratiquant la méditation depuis des

38
années, m’a donné un exemple étonnant en matière de vigilance. Elle avait très peur
des chevaux jusqu’à ce que je l’installe avec ma jument Tinnia dans un paddock et
lui demande de méditer avec elle. Autour des minces paturons de Tinnia ondulait
l’herbe savoureuse du printemps qui montait jusqu’aux genoux. Pourtant, elle resta
immobile à côté d’Heike pendant vingt minutes. Heike avait quelque chose à lui
offrir qui l’attirait davantage que la prairie appétissante. Un exemple impressionnant
du rôle que joue la conscience dans le contact avec les chevaux.
Quand la blessure se rouvre, le combat commence. Notre besoin de fuir devient
aussi impérieux que pour un alcoolique celui de boire un verre. Nous nous
retrouvons à devoir traverser une épreuve terrible. Nous ne voulons pas voir ce qui
saigne en nous et en même temps nous savons qu’il n’y a pas de retour possible. Car
nous avons vu.
Quelle est ma blessure ? Manque de reconnaissance ? Bien que je travaille dur, je
n’arrive que difficilement à reconnaître ma propre performance. Je suis accro à la
reconnaissance et à l’approbation des autres. J’ai besoin du « tu es extraordinaire,
incroyable… » comme un alcoolique de sa bouteille. Quand la reconnaissance est
interrompue pendant un moment, quand la critique et l’échec s’accumulent, d’abord
je m’inquiète, puis je panique et pour finir, je perds la tête. Ma blessure est-elle la
peur de ne pas être assez aimée ? Je rencontre souvent cette peur chez les cavaliers.
Ils apportent des sacs remplis de carottes et passent chaque minute de leur temps
libre auprès de ces animaux au grand cœur qui ont l’air d’absorber toutes leurs
douleurs comme de gigantesques éponges.
Souvent, je pense au philosophe Friedrich Nietzsche, qui, selon des témoignages,
s’est jeté au cou d’un pauvre cheval diligencier à Turin, car il avait reconnu en lui
un frère dans la misère. Le philosophe a dû ressentir profondément en lui la
souffrance de la créature, car elle avait fait résonner la sienne. Un éclair de
conscience, un fait probablement extrêmement rare parmi ses contemporains. On
attribue toujours à Nietzsche un état d’égarement, lorsque l’on décrit cette scène,
comme si ce témoignage sur l’expression des sentiments n’était pas pensable
autrement. Je me suis souvent jetée au cou de ma jument en sanglots et je suis
certaine de ne pas être la seule. Mais moi aussi, je le fais essentiellement à l’abri des
regards.

ENTRONS PLUS PROFONDÉMENT


DANS LA BLESSURE

Entrons plus profondément dans la blessure. Quelle est ta blessure ? As-tu le


courage de l’exprimer au grand jour ? Tu t’es exposée à un processus qui suit
son cours et tu es en plein dedans. Chaque matin, tu te réveilles avec une
nouvelle douleur. Quelquefois tu réussis à la guérir. Sinon, elle t’attend le
lendemain matin. Si tu l’as guérie, une nouvelle douleur t’attend. Prends le
temps, de la contacter…

Je ne sais pas quand ma douleur s’apaisera. Je sais seulement que je suis en plein
dedans, et ce, depuis des temps immémoriaux. Mes capteurs sensoriels sont si
réceptifs que je n’ai qu’à claquer des doigts pour recevoir des informations

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intuitives, exactes pour la grande majorité d’entre elles. Ma jument Tinnia est mon
canal de transmission. Je me concentre sur elle et elle m’envoie des informations.
J’ai besoin d’elle pour m’assurer que ces informations ne proviennent pas de moi,
mais bien de la sphère de la sagesse, ou de la conscience collective, quel que soit le
nom qu’on veuille bien lui donner.
Ces jours-ci, je me suis réveillée avec une douleur poignante à l’estomac qui me
poussait toujours à de nouvelles explorations de mon Être. Quand j’ai enfin trouvé
la réponse, elle a disparu. Les douleurs, tout comme les chevaux, sont de grands
professeurs.
Aujourd’hui j’ai réussi à dissiper la douleur, uniquement pour y découvrir une
blessure plus profonde. Alors que je suis à la merci de cette faiblesse, mon ancien
Moi se consume et ma perception s’affine à tel point que je me rapproche un tout
petit peu de la perception des chevaux autrement plus affûtée. Notre douleur mal
assimilée nous empêche de voir nettement, de voir clairement. Les chevaux le
ressentent. Ils ne s’ouvrent entièrement qu’à un être humain qui connaît ses
blessures. Un être humain qui ne se connaît pas est imprévisible à leurs yeux,
indigne de confiance en tant que guide, voire en certaines circonstances, un danger
mortel. Il ne peut pas les protéger des prédateurs.

Dans une douleur extrême, après la perte de son mari, Carol se dirigeait vers le
pâturage, dans le noir, pour chercher du réconfort auprès des chevaux. L’un d’eux
s’approcha, posa sa tête sur son épaule et lui souffla dans l’oreille. Pendant
longtemps, elle resta à ses côtés, tout en ressentant sa chaleur. Une des employées
de l’Apache Springs Ranch découvrit Carol et lui demanda de s’éloigner du cheval
le plus vite possible. C’était l’étalon Merlin, qui normalement ne tolérait personne
auprès de lui. Lui qui était connu pour s’attaquer aux gens sans crier gare. Dans
notre douleur nous ne pouvons être qu’authentiques. L’authenticité de Carol réveilla
la confiance de Merlin.
Après avoir compris que c’est ici que tout commence, que l’authenticité est la
qualité la plus fondamentale de toutes celles dont nous avons besoin pour être
accepté comme interlocuteur par les chevaux, beaucoup de choses dans ma vie se
sont présentées sous un autre jour. Le monde dans lequel je vivais m’apparut encore
plus dingue qu’avant… la danse des gens perdus, coupés de toute expérience
authentique.
La douleur, la blessure sont un pont vers l’Être. La douleur est là pour nous
donner des informations sur notre guérison. La ressentir, c’est comme si l’on faisait
couler de l’eau fraîche dans une mare polluée. Transpercer cette douleur. Alors, je
peux continuer à mener ma vie sur de nouvelles bases. Alors, je peux me rapprocher
de mon cheval. Et mon écriture peut devenir plus authentique et mes relations plus
humaines.
La douleur se transforme en peur. De quoi ai-je peur ? Réponse : ce n’est pas de
la peur, mais de la vulnérabilité. Cette émotion importante, si caractéristique de
toute forme de créativité, de toute cette magie dont nous avons besoin, afin de
satisfaire l’immense sensibilité des chevaux.
Le message derrière la vulnérabilité est que nous sommes timides comme les
chevaux. Comme eux, nous aspirons à la rencontre authentique. Je me souviens que,

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déjà dans mon enfance, je cherchais l’Être derrière les apparences trompeuses, cet
état qui ressemble au soleil couchant après une chaude journée d’été. C’est pour
cela que je recherche la présence des chevaux : parce que je le retrouve auprès
d’eux.
Ce sont les chevaux qui m’ont permis, très tôt, d’accéder à ce royaume, qui m’ont
sauvée de cet état de glaciation intérieure, du pourrissement, alors que j’étais bien
vivante.
Je me sens soudain infiniment triste en réalisant combien de fois j’ai quitté ce
royaume, oublié les chevaux et la beauté toute pure qui les accompagne. Puis, le
calme revient, la tension tombe.
Je pense à mon amie Celia qui m’écrivait que l’on ne prêtait aucune attention aux
gens intuitifs, négligeant leur force intérieure, et que pour cette raison elle se sentait
exclue et non reconnue. Je veux dire à Celia que je la vois, que les chevaux nous
voient et que beaucoup de gens nous voient. Que beaucoup de gens vont trouver la
clé, comme moi je l’ai trouvée. Ne suis-je pas là, en train d’écrire ce livre ? C’est un
sentiment étrange de me voir, moi !
Voilà où se trouve ma guérison : me voir, moi. Pas mon ego, ni mon masque, ni
mon apparence extérieure, mais l’essence, la lumière.
Ce que voit mon cheval.
Puis-je rester avec moi-même et cesser de fuir ? C’est mon devoir. C’est du lait
maternel dont je suis nostalgique. Le lait, c’est moi. Je suis celle qui prépare le lait.
Je suis à la fois la nourrice et la nourriture.
Je me vois. C’est tout. C’est suffisant.
Je peux nourrir les autres et à la fois me nourrir moi-même. Les autres me
nourrissent et réciproquement.
Voilà le message. La douleur, la vulnérabilité ont disparu et mon corps se remplit
de chaleur avec un sentiment de bien-être. Mon souffle a un goût sucré, comme une
pomme fraîchement cueillie.
J’ai trouvé la réponse.
Maintenant, je peux entamer la journée et trouver des solutions pour des tâches
concrètes comme la maison, les courses.
Je remercie Tinnia. Tout à l’heure, j’irai dans la carrière avec elle et je jouerai.
Elle vient de me dire que c’est ce qu’elle souhaitait.
Le voyage du héros est un modèle de développement personnel très pratique
parce qu’il permet de donner un cadre à des événements apparemment incohérents
et insignifiants. Peu importe qu’il s’agisse d’une fiction ou de sa propre vie, d’un
voyage psychologique ou d’un voyage spirituel. Grâce au voyage du héros, les
événements sont mis en rapport les uns avec les autres. C’est ce rapport-là qui
révèle le sens. Lorsque le voyage du héros entre en scène, une histoire est tout de
suite là. Les chevaux sont des catalyseurs de ce processus. Ils nous font rencontrer
nos blessures et savent les guérir.

MAINTENANT, C’EST À TOI DE DONNER


UN NOM À TA BLESSURE.

Sois prudente et ne te laisse pas duper. Ta blessure est la porte qui mène aux

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profondeurs du voyage du héros. Elle est la clé du cœur de la créature.
Demande à ton cheval, demande au lever du soleil. N’accepte pas même un
soupçon de fausseté. Pleure, salue tes larmes. Sois gentille avec ta peur.
Choisis tes mots avec circonspection alors qu’ils jaillissent de ton âme. Fais ce
pas en avant et ne regarde pas en arrière. Quelle est ton histoire ? Quelles
blessures les chevaux t’ont-ils infligées ? As-tu demandé quel était le message
derrière tes blessures ? T’es-tu relevée et as-tu continué ? Où ton cheval t’a-t-
il menée ?
Tu comprends qu’il faut répondre honnêtement. Que toute autre réponse qui
ne sera pas honnête n’est pas une réponse. Qu’ici tu ne pourras peut-être pas
faire l’expérience du bonheur, mais plutôt celle de la guérison. Peux-tu
traverser la tempête jusqu’à ce que tu trouves la nouvelle vérité ?
Peux-tu te voir toi-même ? L’image nette – maintenant que tu es un être
humain avec des blessures, et pas seulement avec des points forts et des points
faibles.
Si tu veux, fais un dessin.
As-tu ressenti le moment où le cheval s’est montré plein d’affection envers
toi et t’a dit : « Maintenant tu es là. Bienvenue dans mon monde ! » ?

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Étape quatre
Le but
Quand il s’agit de chevaux, il y a souvent des buts en jeu. Un cheval se doit de
sauter des obstacles, un cheval se doit de se déplacer parfaitement en rythme. Il
existe des dénominations spécifiques qui permettent d’atteindre ces buts : les galops
de la FFE, les Levels *en Parelli Natural Horsemanship, les classes de dressage.
Attraper son cheval au pré ou lui faire lever le pied peut aussi être un but.
Dans tous ces buts, le cheval se doit de faire quelque chose que l’être humain lui
demande.
Comment en est-il arrivé là ? Lui qui est né pour brouter dans la steppe, pas plus.
Interrogeons-nous sur le voyage du héros des chevaux. Quel but poursuivent les
chevaux ? Pourquoi sont-ils toujours là, alors que nous n’en avons plus besoin et
qu’ils n’ont plus aucune place dans notre civilisation moderne ?
Je validais, en Irlande, le premier atelier du fameux apprentissage par
l’expérience facilité par les chevaux. La ferme d’Yvonne Monahan est située en
bord de mer, sur une terre merveilleuse, habitée par les fées et où les chevaux
broutent sous d’anciens arbres entourés de lierre. Là-bas, j’ai rencontré Cisco, un
cheval pie noir et blanc. Cisco a éveillé mon sens de l’odorat : j’étais soudain
capable de percevoir des odeurs inconnues, de papillons « citrons » saupoudrés de
cannelle, de crapauds enrobés de varech. Des odeurs, dont je ne savais même pas
qu’elles pouvaient exister. Lorsque les chevaux des enclos voisins virent à quel
point j’étais reconnaissante et heureuse, ils accoururent aux côtés de Cisco pour me
révéler encore plus de secrets. Malheureusement, l’exercice toucha à sa fin. Mais la
journée venait seulement de commencer. L’après-midi, Cisco et moi avions
l’honneur de nous rendre dans le rond de longe.
À cette époque, j’étais novice en matière de spiritualité, juste curieuse et, en tant
qu’auteur, à la recherche d’un sujet intéressant. Avant d’entrer dans le rond avec
Cisco, Yvonne Monahan m’a invitée à formuler le désir de mon cœur. Je me tournai
vers Cisco et dis : « Emmène-moi dans un voyage spirituel. » La chose qui me
semblait la plus intéressante à ce moment. Je voulais savoir.
Ce qui se produisit n’avait rien de spectaculaire ; pour les personnes extérieures,
rien de plus qu’une femme qui bouge autour d’un cheval. Pour moi, en revanche, ce
fut une expérience initiatique.
La perception de notre corps est centrale dans la méthode développée par Linda
Kohanov. Avant d’entrer dans le rond de longe, je fus invitée à désigner un endroit
douloureux ou tendu de mon corps. Je désignai mon épaule gauche. Je n’avais
aucune idée de ce que je devais faire avec Cisco dans le rond de longe. Je n’avais
pas de but précis, pas plus que lorsque je longe ma jument en liberté ou que je
travaille au sol. Et je n’avais pas la moindre idée de ce à quoi devait ressembler un
voyage spirituel avec un cheval.
Cisco et moi errions alors un peu dans le rond de longe, bien qu’il fût
ostensiblement agité. Sans cesse, il passait à coté de moi. Je me retournais, et à
nouveau il passait à côté de moi. Je craignais que tout cela ne m’amène nulle part.
Soit la méthode ne valait rien, soit j’étais trop insensible et incapable.
Je plongeais lentement mais sûrement dans le désespoir, parce que j’étais
habituée aux résultats immédiats. Là, je remarquai que les déplacements

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apparemment hasardeux de Cisco étaient en réalité méthodiques. Il essayait d’une
manière ou d’une autre de se mettre à ma gauche, pendant que je le repoussais sans
cesse à ma droite, sans m’en rendre compte, simplement pour garder le contrôle.
J’avais appris ainsi : face aux chevaux, c’est l’être humain le patron.
Lorsque je finis par le laisser passer à ma gauche, il s’arrêta, mâchonna et se
lécha les lèvres abondamment. Il était content. Moi aussi, je me sentais plus calme,
mes doutes et mon incertitude avaient disparu.
L’idée m’effleura que la position de Cisco pouvait avoir un rapport avec ma
douleur à l’épaule gauche. Je tendis la main vers l’épaule de Cisco et je le touchai.
C’était agréable. Il eut l’air d’avoir voulu exactement cela, car il baissa la tête et
soupira. Je sentis un courant chaud passer à travers mon bras. C’était l’énergie qui
venait de Cisco et qui enleva en un souffle la douleur de mon épaule comme le
duvet d’un poussin.
Cette expérience, bien que peu spectaculaire, a eu pour conséquence une
profonde transformation du sens en moi. Je ne sais pas pourquoi, mais c’était
comme un choc sur le plan existentiel. Probablement parce que j’ai alors compris
qu’un cheval disposait de quelque chose qui ressemblait à une conscience capable
de guérir. Un cheval ! Un cheval !
Cisco m’avait montré qu’il avait des pouvoirs de guérison et cela voulait dire
qu’il m’avait effectivement emmené dans un voyage spirituel.
Bien sûr, pour beaucoup de gens c’est difficile à croire. Mais pour moi, c’est une
expérience à partir de laquelle je ne pouvais plus faire machine arrière. C’est le
premier des nombreux événements à venir, qui tous m’ont confirmé la même chose :
les chevaux ont une conscience. Une révélation qui a tout changé : mon contact
avec les chevaux, ma vision des gens, ma philosophie de la vie et en fin de compte
ma vie. Lorsque j’étais entrée dans le rond de longe avec Cisco, je m’étais fixé un
objectif, peu courant pour un être humain et un cheval… Et Cisco m’a prise au mot.
Cisco, un cheval…
Justement, il me vient à l’idée d’ouvrir le Tao te King, une œuvre chinoise datant
de plus de deux mille ans sur la spiritualité naturelle, dont Linda Kohanov s’est
aussi inspirée. Je l’ouvre au hasard et je veux te faire part de l’extrait sur lequel je
suis tombée :

« Le modèle le plus simple est le plus clair.
Satisfait d’une vie ordinaire,
tu peux montrer à tous les humains le chemin,
qui les ramène vers leur propre essence vraie. »
Y-a-t-il un meilleur philosophe que Cisco ?

Les trois premières étapes du voyage du héros sont une sorte de prélude. Avec la
quatrième étape, le but, tout commence véritablement. Nous savons maintenant qui
nous sommes et armés de ce savoir nous suivons une certaine direction.
Il s’agit de direction et de décision.
Lorsque j’ai fait entrer ma jument dans ma vie, j’avais comme but de trouver
quelques moments de détente par des promenades à cheval et de l’utiliser comme
objet de recherche pour mes romans sur les chevaux. Aujourd’hui, je suis devenue

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l’objet de recherche de mon cheval. Il essaye de découvrir avec quel genre
d’aventures il peut encore m’émouvoir. Je suis ses propositions. Ma vie a beaucoup
gagné en dynamique.

QUEL EST TON BUT AVEC LES CHEVAUX ?


Cela te semble peut-être intéressant mais un peu extravagant. Je te
comprends. Tu te dis peut-être : je ne possède pas de telles capacités pour bien
m’y prendre avec les chevaux ou pour entendre leur voix.
Je n’avais pas ces capacités-là, moi non plus. Je ne suis ni une cavalière
professionnelle, ni un médium. Celui qui y consacre un tant soit peu de son
temps libre peut, en quelques années, acquérir mes connaissances dans le
maniement des chevaux.
Si tu fais vraiment confiance à un cheval, il te répondra. Cela ne tient qu’à
toi, à toi uniquement. Es-tu prête à jeter tes préjugés par-dessus bord et à voir
les chevaux avec d’autres yeux. À reconnaître leurs remarquables facultés,
celles chantées dans les mythes. N’importe qui peut le faire !
Quel est ton but ? Note-le maintenant, avant de continuer à lire. Il changera
peut-être, lorsque tu seras arrivée à la fin du chapitre. Tu pourras toujours
revenir à l’instant, où tu as eu ta première idée. Rappelle-toi : il s’agit
d’instants. Il ne s’agit pas de correct ou faux, de bien ou de mal. Quel est ton
but avec les chevaux ? Et avec toi-même ?

Es-tu propriétaire de chevaux ? As-tu une demi-pension ? Les chevaux ont-ils été
depuis toujours des êtres spéciaux dans ta vie, même si tu n’as jamais eu trop
l’occasion d’en approcher ? Beaucoup de gens ont une relation profonde avec ces
êtres, même s’ils ne sont pas cavaliers, qu’ils vivent dans une grande ville ou encore
s’ils sont persuadés qu’il n’y a pas de place pour un cheval dans leur vie. Ils n’en
sont pas moins proches par leurs rêves, leurs pensées, leur monde affectif. Une
participante de nos ateliers décrivait dans un questionnaire, son amour pour les
chevaux, de la manière suivante :
« Dans mon enthousiasme d’enfant, une vache devait jouer le rôle du cheval, car
il n’y avait aucun cheval quand j’étais petite. Mes grands-parents avaient une petite
ferme. J’y avais apprivoisé un jeune veau que j’avais baptisé Black Beauty. J’avais
un sac et une corde en guise de selle et de rênes. Tous les soirs, lorsque ma grand-
mère m’emmenait avec elle pour la traite, je sellais Black Beauty. Mon grand-père
me hissait sur le « dos du cheval ». J’étais émerveillée que même une vache puisse
devenir un cheval. »
Il n’est pas nécessaire de posséder un cheval, ni même d’entrer dans une écurie,
pour être proche de l’esprit des chevaux. Leur esprit est disponible pour tout le
monde. La photo de l’étalon de mes rêves, Hadban Enzahi, m’a accompagnée
pendant toute ma jeunesse et m’a inspiré d’innombrables choses. C’était seulement
un bout de carton, une carte postale d’éphéméride. Pourtant, à chaque fois que je
regardais le cheval, je me sentais chez moi.

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QUELLE EST TA RELATION AVEC LES CHEVAUX ?
Quelle place ont-ils dans ta vie ? Quels rêves as-tu avec les chevaux ?

À cette étape du voyage du héros, il s’agit de manifestation. Nos rêves se


condensent en un but concret. Ils entrent dans le processus de la réalisation. Ils
doivent devenir réalité. Sans réalité, ils ne restent qu’à l’état de rêveries. Des
illusions, derrière lesquelles tu tiens enfermée la vérité sur toi et ton voyage.
Qu’est-ce que la réalité ? Une écurie pleine de crottin, un cheval boiteux, une
facture de vétérinaire élevée ?
Il est possible que le cas inverse se produise, que tu aies peu de rêves, peu
d’illusions, que ta réalité soit devenue si intransigeante que tu en as perdu la
capacité de rêver. Les rêves font partie de la vie, ils sont les jeux de ton esprit à la
recherche de solutions.
Qu’est-ce qu’un but ? C’est un panneau de signalisation en terre inconnue. Tu ne
sais pas si tu vas y arriver, si tu vas rester bloquée, faire demi-tour ou suivre un
nouveau but en cours de route. Ton but peut aussi se révéler erroné, comme pour
Christophe Colomb qui cherchait la voie maritime des Indes.
Le but te donne une direction, un motif. Il te donne l’énergie du mouvement
maîtrisé. Un but te donne la liberté de faire le premier pas.
La raison pour laquelle tu veux atteindre ton but influencera ta route. Ton but est-
il Saint-Jacques-de-Compostelle et ton motif, ta quête singulière de spiritualité ? Le
motif transforme un vulgaire chemin de randonnée en pèlerinage.
Le but donne un nom à ton voyage. Un but est un contrat que tu signes avec toi-
même. L’important à présent n’est pas que tu y arrives. L’important, c’est que tu
démarres et que tu aies une direction.
Mon but initial était d’écrire des romans sur les chevaux. Il s’est modifié !
Maintenant, mon but est d’accompagner les êtres humains dans leur voyage du
héros avec les chevaux.

QUEL EST TON BUT ?


Veux-tu être proche des chevaux ? Faire l’expérience de leur sagesse et
l’intégrer dans ta vie ? Tu lis ce livre. Pourquoi ? Qu’attends-tu de cette
lecture ?
À partir de maintenant, le but va définir la direction de ton voyage. Si tu
veux faire ce voyage, choisis un but. Note-le. Nomme-le avec des mots clairs.
Relis encore une fois ta réponse spontanée à la question sur le but au début du
chapitre. Sois simple et déterminée dans la définition de ton but. Aie le
courage d’exprimer ce que tu sais depuis longtemps. As-tu répondu aux
questions des étapes précédentes ? En effet, tout ce qui précède fait partie de
la préparation au voyage. Lorsque tu auras défi ni ton but, tu franchiras la
frontière qui te sépare de la réalisation. Tu entreras dans ce pays inconnu où le
trésor t’attend. Le cheval t’y conduira.

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Le but ne doit pas être forcément important. Il peut être insignifiant en
apparence, comme le désir de voir l’expression heureuse et satisfaite du visage
de ton cheval. Si tu aimes les défis, tu voudras peut-être placer la barre très
haut, un but inaccessible en apparence, comme Silke Valentin, qui, bien que fi
celée à sa chaise roulante, voulait devenir entraîneur de chevaux.

J’ai décidé de rendre mon but plus concret. Mon but est de finir ce livre, de
transformer mon voyage du héros en une invitation à faire ton propre voyage du
héros.
Il me vient l’idée de tirer une des cartes oracles équines de Linda Kohanov. Celles
qu’elle a conçues en collaboration avec l’artiste Kim Mc Elroy. Les quarante cartes
représentent, tout comme le voyage du héros, un chemin d’initiation.1
J’en tire une avec l’intention d’apprendre quelque chose sur le motif par lequel je
peux atteindre mon but.

JE TE PROPOSE DE TIRER UNE CARTE À TON


TOUR.

Peut-être possèdes-tu des cartes oracles comme le tarot ou tu ouvres une page
au hasard dans un livre philosophique, spirituel ou religieux ou dans la Bible,
si tu veux, ou dans le Tao te King ou dans n’importe autre livre qui t’inspire.

Voici une méthode pour chercher un message de façon intuitive. Je coupe les
cartes, faces cachées, en deux tas. Puis, je ressens, dans quel tas la carte que je
cherche se trouve. J’essaye de recevoir une information énergétique. Quand j’ai
choisi un tas, je passe à la prochaine petite étape de la sélection, jusqu’à ce qu’il ne
me reste que deux cartes, entre lesquelles je dois me décider. Même pour des sujets
spirituels, la précision peut te rassurer.

La carte : (mon chat Mia a choisi entre les deux dernières cartes, en grimpant sur
le tabouret et en mettant sa patte sur une des cartes.)
La 22 : silence
La jument grise, sage, observe son troupeau avec un esprit tranquille et un cœur
ouvert.
Le don : Patience et impassibilité, capacité à faire bonne figure, quand tu es sous
pression. Manière passive de diriger les autres.
Le défi : Le chef le plus efficace renonce à l’ambition de maîtriser la route pour
les autres afin d’être maître de lui-même.

QUEL MESSAGE AS-TU REÇU ?


Note-le. Tu as maintenant un but, peu importe à quoi il ressemble. Tu as un
message avec lequel tu pourras atteindre ton but, selon un motif, selon une
attitude. J’appelle cela un mantra, une formule mentale qui t’accompagnera
pendant toute cette phase de réalisation.
Maintenant, je t’invite à rédiger un contrat avec toi-même.

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Tu y écriras ton nom, ton but, ton motif (le mantra), ainsi que la date.
Par la présente, Nina Kolkrabe, je passe un contrat avec moi-même pour la
réalisation du but suivant :
(Exemple) Je voudrais apprendre, ce que signifie véritablement ne faire
qu’un avec un cheval.
Mon mantra : (Exemple) Qui est rigide et figé, est un élève de la mort. Qui
est souple et doux est un élève de la vie (Tao te King).
Wiesbaden, le 23 mars 2009
Signature

Le moment est venu de franchir la frontière et de nous rendre sur le terrain. Les
buts jouent un grand rôle dans notre culture, particulièrement dans le monde du
travail. Dans les entreprises, on s’accorde sur des objectifs. Le travail est divisé en
étapes, en processus, en mini-unités. Pour le travail avec les chevaux, dont le sens
de la vie n’est autre que de traverser la steppe en broutant, nous aimerions voir
reproduire ce même schéma.
Nous aimerions également avoir un système à points pour l’évolution de notre
âme, pour que nous puissions mesurer notre performance. En ce qui concerne la
voie spirituelle, il ne s’agit pas de performance mais de dévouement. Comme pour
la voie avec les chevaux. « Le mot dévouement a un arrière-goût fortement
désagréable pour nous, les gens de l’ouest, écrit le maître spirituel Ram Dass, nous
y associons toujours des choses horribles telles que le très politique « j’accepte
votre capitulation », offrir son cou dénudé comme signe de soumission maximum,
ou autres choses de ce genre. »
Le dévouement n’est rien d’autre que de l’amour. Il n’y a pas d’amour sans
dévouement. La culture de la performance et le système à points pour mesurer nos
progrès ne nous apporteront pas d’amour. Et certainement pas l’amour des chevaux
non plus. Pas même leur affection. Tout au plus leur insoumission. Est-ce pour cette
raison que nous évoluons parmi les chevaux ? Leur soumission est-elle notre but,
lorsque nous les voyons galoper à travers nos rêves, crinières au vent ?
S’il ne s’agit pas de performance pour atteindre notre but, comment faire, alors ?
Peut-on, par dévouement, atteindre un but ? Le dévouement ne signifie-t-il pas
s’abandonner au courant de la vie et aller là où il nous guide ? Ne perdons-nous pas
de vue notre but ? Performance et dévouement ont l’air de se contredire. Mais voilà
exactement l’essence du voyage du héros : atteindre un but par dévouement.
J’aimerais à nouveau citer le film Pretty Woman pour montrer qu’il ne s’agit pas
de quelque chose de mystérieux. À peu près au quart du film, le riche Edward Luis
invite la prostituée, Vivian, à passer une semaine avec lui en tant
qu’accompagnatrice professionnelle. Elle lui rétorque : « Je serai tellement gentille
avec toi, que tu ne me laisseras plus jamais partir ». Le personnage de Vivian a
révélé son but, celui qu’elle poursuivra tout au long du film. Vivian gagnera les
faveurs pleines et entières d’Edward. Comment y parvient-elle ? Par la performance,
la manipulation, le calcul ? En bouillonnant de curiosité et en décryptant chaque
désir de ses lèvres ? Non, Vivian flippe, fait plusieurs fois ses valises, le provoque,
lui dit ouvertement qu’il est un homme d’affaires cynique, doute de lui et d’elle
aussi. Elle n’est pas gentille, elle est seulement vraie. Elle s’en tient à ce qu’elle

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ressent, à ce qu’elle est. Elle vit, elle se livre. C’est dans ces conditions que naît
l’amour. Voilà pourquoi quelque chose grandit entre eux.
C’est exactement pareil avec les chevaux. Si tu veux atteindre un but avec un
cheval, la technique raffinée n’est qu’une aide limitée. Mieux vaut prendre contact.
Tu demandes au cheval s’il est prêt, comment il va et tu perçois ses signaux. Tu te
demandes si toi-même tu es prête, comment tu vas et dans quelles dispositions est
ton système « corps-âme-esprit-sentiment ».
Puis, tu te concentres sur ton but et vous pouvez y aller tous les deux. En chemin,
gardez à l’esprit le but tout autant que votre présence réciproque et votre relation.
C’est le dévouement.
Une tâche pas facile. D’autant moins pour ceux qui, jusqu’à présent, considèrent
que les chevaux, leurs semblables ainsi que leur environnement sont là uniquement
pour les dominer. Pour ceux qui ne sont conscients ni d’eux même, ni des autres.
Traiter un cheval comme un partenaire plutôt que comme un objet de dressage
peut produire une série de déclics. Au lieu d’échafauder des théories sur la
résistance de mon cheval, je pourrais aussi lui poser la question. Ma collègue Astrid,
monitrice d’équitation, a eu une expérience similaire avec un hongre qu’elle
longeait en liberté. Comme beaucoup de chevaux longés, Schuppi avait toujours
tendance à revenir vers l’intérieur du cercle. « Pourquoi fais-tu cela ? » lui
demanda-t-elle. Tout à coup, elle lut du regret dans son expression. « J’aimerais
bien faire ce que tu me demandes, mais je n’arrive pas à me défaire de mes
anciennes habitudes. Me donnes-tu encore une chance ? » Astrid se détendit et
quelques tours plus tard le problème était réglé.
Les chevaux nous donnent des indications variées sur la façon dont ils souhaitent
être approchés. Souvent, les renseignements que ces animaux nous fournissent sont
en contradiction avec les conseils que nous lisons dans des ouvrages pratiques. Ces
derniers font référence aux chevaux, en général. Mais chaque cheval est différent et
ce qui vaut de l’or pour l’un peut se révéler un véritable poison pour l’autre. Il peut
même arriver qu’un conseil de notre moniteur d’équitation bien aimé soit faux.
Tout dépend de toi, tu dois savoir, sentir, décider du meilleur pour toi et ton
cheval. Cela inclut la décision de ne pas suivre les instructions de ton moniteur.

Julia voulait charger sa jument dans le van. Depuis des semaines, elle s’entraînait
avec elle après chaque séance d’équitation. Avec le temps, la jument a accumulé une
dose de confiance suffisante pour « oser » poser ses antérieurs sur le pont du van.
Mais le chemin à parcourir était encore long. Un copain de son écurie lui raconta,
que Pat Parelli réussissait en une demi-heure à mettre n’importe quel cheval dans le
van. Julia se sentit alors plutôt nulle. Elle passa alors la longe à Reinhold qui sortit
son stick fraîchement acquis et appliqua la phase une, deux puis trois de la méthode
Parelli. La jument Haflinger, Bella, paniquait de plus en plus. Reinhold se sentait
contraint de prouver qu’il était capable de faire la même chose. Il leva le bras et fit
claquer la cordelette sur le dos de Bella. Bella se cabra, arracha son licol et s’enfuit
comme si elle était poursuivie par des furies. Il a fallu des semaines avant que Julia
ne réussisse à faire approcher Bella d’un van. « Depuis le début, je savais que cela
ne fonctionnerait pas, mais je me sentais idiote, parce que ma méthode avait été
particulièrement inefficace. »

49
Était-elle vraiment inefficace ? Peut-être que la lenteur était exactement le rythme
qui correspondait à leurs capacités. Notre ambition est souvent source de problèmes,
en particulier avec les chevaux.
La difficulté de la quatrième étape du voyage du héros, qui tourne autour de la
mise en place d’un but et de sa réalisation, réside dans le fait qu’un but réveille
immédiatement notre ambition. Cela ne signifie pas qu’un but soit quelque chose de
négatif. Un but nous donne de la structure, ce qui est très utile. L’ambition devient
dangereuse quand elle nous coupe de nos sentiments, de notre perception de nous-
mêmes et des autres. Alors, le processus commence à se figer, la créativité dépérit.
Julia ignore sa voix intérieure et ruine ainsi ses petites victoires péniblement
remportées.
Ma jument Tinnia craint l’eau, et tout autour de sa nouvelle écurie chaque chemin
passe dans l’eau. Après l’avoir désespérément contrainte pendant deux heures
devant un cours d’eau, l’avoir fait tourner en cercle et ne lui avoir laissé aucune
autre issue, il me vint l’idée de la questionner. Pour cela, nul besoin d’être une
communicatrice animalière hors pair, il suffit seulement d’arrêter pendant un
moment de se battre contre le vent.
Laisse-moi tout simplement tranquille, fut la réponse que j’ai comprise de ma
jument. Je lui laissai alors les reines longues, ma jument fit demi-tour et retourna à
l’écurie. Quelques jours plus tard, je retournai au cours d’eau et je m’en tins à la
consigne de mon cheval. Je la laissai tranquille. Elle traversa le ruisseau. Ce qui lui
importait était de pouvoir participer à la décision.

1 La signification des cartes est décrite dans le livre de Linda Kohanov :The
Way of the Horse.

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Étape cinq
La connexion
Imagine-toi le voyage du héros comme un parcours en rond, un mouvement
circulaire. Pour être encore plus précise, comme une spirale. Quand tu arrives au
bout du cercle, un nouveau cercle démarre à un autre niveau. Le voyage du héros est
le mouvement de base de tout être vivant. Il ne se termine jamais. Quand tu as
terminé un voyage, accompli une étape dans ton développement, un nouveau
voyage commence. Mais pour l’instant, nous sommes encore en plein dans celui-ci.
Notre conscience n’est pas vraiment habituée à penser en symboles. C’est une
perte réelle au regard du monde des ancêtres, car ce sont des portes qui nous ouvrent
à notre âme. Les symboles sont le langage de l’âme. À travers eux, nous trouvons
l’accès à la sagesse de la Nature.
Beaucoup de personnes se sentent attirées par la culture des indiens, des celtes,
des germains, des chinois ou d’autres peuples primitifs, qui perçoivent le monde
d’une façon symbolique. Elles tiennent compte du désir de l’âme à s’exprimer, à
entrer en contact avec nous !
Le voyage du héros constitue la structure, la dramaturgie du langage de notre
âme. Il ressemble à un rituel. Le voyage du héros existe sous différentes formes et
se compose de différentes étapes. Ce n’est pas le nombre d’étapes qui compte.
L’important est de descendre dans le monde de l’âme, ce monde obscur que les
celtes appellent l’autre monde. L’important, c’est la rencontre de la mort du Moi et
de la naissance, le développement d’une nouvelle conscience.
J’ai construit mon roman en onze étapes, car pour moi, elles représentent
l’essence. Nous en sommes arrivés à l’étape cinq sur onze. Les quatre premières
représentent le départ et définissent la direction. Nous découvrons qui nous sommes
(nos points forts et nos points faibles), ce qui nous stimule (l’appel à l’aventure), ce
que nous avons dans notre bagage (nos blessures) et quelle direction nous voulons
suivre (le but).
Nous sommes en route dans la steppe, accompagnés par une harde de chevaux en
liberté. À l’Origine, bien avant que l’homme n’arrive, la steppe leur appartenait.
L’eohippus, le plus vieil ancêtre connu à ce jour de l’espèce équine, vivait il y a
cinquante millions d’années, quarante-cinq millions d’années plus tard, le cheval
rencontra les premiers humains. Et les nourrit ! Ce n’est que cinq millions d’années
plus tard qu’un homme s’installa sur le dos d’un cheval, il y a environ six mille ans.
Ensuite, la relation entre l’homme et le cheval s’est rapidement développée. C’est
le cheval qui, jusqu’à il y a peu, a fait avancer de manière décisive le
développement de la culture humaine.
La conscience collective existe chez les êtres humains, mais aussi chez les
chevaux. En état de transe, beaucoup de gens accèdent à des temps très reculés de
l’humanité, et de la nature de l’évolution.
Lors d’une transe, j’ai eu une vision précise d’une tribu à laquelle j’appartenais.
Un groupe composé de neuf personnes qui m’a envoyée accomplir une mission.
Cette tribu a plus de deux mille ans et vit dans une grotte. Les chevaux aussi portent
en eux de telles mémoires collectives, assure Linda Kohanov. Tout d’abord, le
cheval a commencé par être de la nourriture pour l’être humain, puis il est devenu
son dieu et compagnon spirituel, puis une arme de guerre et enfin un outil de travail.

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Aujourd’hui, le cheval est un animal de compagnie et du matériel de sport. Petit à
petit, il redevient une âme sœur.
Si nous l’écoutons avec notre intuition, nous réapprenons les vieilles histoires de
sacrifice et d’initiation. Puis, nous en apprenons sur sa véritable grandeur. Le
voyage du héros est un chemin qui y mène. Pourquoi est-ce que je parle de ces
processus de conscience collective ?
Si nous voulons comprendre ce qu’il se passe dans notre psychisme, de l’autre
coté de la frontière, nous devons inclure ces images. Pour chaque peuple primitif, la
relation aux ancêtres est la base de l’équilibre social. Ils utilisent le savoir collectif
que les ancêtres mettent à disposition. Quand nous nous rendons dans la steppe, aux
côtés des chevaux, nous entrons dans le subconscient collectif, pas seulement celui
de notre espèce, mais aussi celui des chevaux. Nous pouvons alors accéder à leur
sagesse, comme le faisaient nos ancêtres avec leurs aïeux.
Dans l’étape six du voyage du héros, il s’agit de relations, du groupe auquel nous
appartenons, de l’amitié, de l’amour et de la famille. Personne ne fait le voyage
seul. Chaque être est en relation avec tous les êtres vivants. Dans l’étape six, il
s’agit de devenir conscient de nos relations. Il s’agit d’en apprendre davantage sur
les relations de ces animaux sociaux si sensibles.

J’AIMERAIS QUE TU OBSERVES DE PLUS


PRÈS UNE RELATION DANS TA VIE.

Une relation qui, maintenant, en ce moment, est importante. Il est possible que
cette relation n’ait pas une grande importance globalement dans ta vie, tout
comme il est possible que si. Le fait est qu’elle te préoccupe maintenant. La
clé est le temps présent. Décris-la par écrit.

Seul l’instant est vivant. Nous ne pouvons être créatifs que dans l’instant.
Quiconque essaie d’enseigner quelque chose à un cheval découvre à quelle vitesse
ils apprennent. Si un jour tu apparais à la clôture avec une carotte, le lendemain le
cheval t’en redemandera une. Si ton cheval t’a désarçonnée une fois, il réessayera.
Si tu as résolu un conflit dans une relation, il est résolu. Il ne se répétera pas sous
la même forme. Tu ne peux pas mettre les pieds deux fois dans la même rivière.
Chaque instant est nouveau et offre l’opportunité d’établir une connexion. Dans les
relations, il s’agit d’établir une connexion. Nous entrons ensemble dans une rivière
qui nous porte vers l’avant.

PENSE À LA RELATION QUI EST IMPORTANTE


POUR TOI À CET INSTANT.

Quel sentiment éveille-t-elle en toi ? Quel besoin ? Que te manque-t-il ?


Qu’est-ce qui te rend heureuse ? Puis, mets-toi dans la peau de ton
interlocuteur. Comment se sent ton interlocuteur ? Quel besoin a ton
interlocuteur ? Que lui manque-t-il ? Qu’est-ce qui le rend heureux ?

Imagine un rond de longe. Dans ce rond de longe, il y a un cheval.


Je vais te faire le récit d’une rencontre telle qu’elle se passe lors d’une thérapie

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assistée par le cheval. Il est vrai que tu n’as pas de cheval devant toi maintenant,
mais un livre. Néanmoins, tu auras une idée de ce qu’est un moment authentique et
par quel procédé tu peux y arriver. Ce qu’il se passe dans la relation avec un cheval
se produit aussi dans celles avec les êtres humains. Les chevaux nous enseignent de
nous engager dans des relations authentiques, qui nous guérissent.

Je vais maintenant me servir du cas de Sara, en le modifiant un peu pour protéger
son identité. Beaucoup de femmes ont des conflits similaires aux siens.
Pour résumer brièvement son histoire : Sara n’aime plus son mari. Elle le déteste
même et le lui a dit. Elle a un nouvel amant qu’elle rencontre en cachette et trois
enfants adolescents. Elle a aussi deux chevaux qui vivent en pension. Le mari de
Sara est aisé, alors qu’elle n’a pas de revenus. Il lui a annoncé aujourd’hui qu’il était
tombé amoureux d’une autre femme. Il veut que Sara quitte le domicile pour que sa
nouvelle conquête emménage et s’occupe des enfants, en plus des siens qu’elle
amène avec elle.
Sara est paniquée. Elle tremble de tous ses membres. Elle se tient dos au rond de
longe. Je demande à Sara de se concentrer sur son corps et de le scanner de haut en
bas. Elle dit ressentir son estomac comme étant l’épicentre d’une douleur intense.
J’invite alors Sara à demander une information à sa douleur.
Le questionnement a pour objectif de recevoir des informations de notre corps,
qui, lui, nous ramène dans la réalité quand notre esprit a perdu son ancrage.
« J’ai peur. »
« De quoi as-tu peur exactement ? »
« De mourir. »
J’invite Sara à se retourner vers la jument Tinnia qui s’est approchée, curieuse.
« Ta douleur se transforme-t-elle après t’être retournée vers Tinnia ? »
« Le cheval me fait peur. D’ordinaire les chevaux ne me font pas peur. Il me
semble nerveux et je n’ai pas assez de force pour le calmer. »
« Demande au cheval s’il a quelque chose à te dire. »
Sara reste plantée un moment, puis elle fond en larmes.
« Je ne peux pas. Pas aujourd’hui. Je devrais trop me concentrer pour cela,
mais… »
« Inspire profondément. Reste dans ton corps. Que ressens-tu ? »
Sara s’apaise un peu : « Je ne sais pas si cela signifie quelque chose, mais je sens
une énergie dans les pieds. »
« Demande une information à tes pieds. »
Sara me regarde désespérée : « Comment dois-je faire cela ? »
« Que te disent tes jambes et tes pieds ? » Sara fond à nouveau en larmes : « Mais
ça ne va pas aller. Mes pieds ne peuvent pas parler. »
« Que diraient tes pieds, s’ils pouvaient parler ? »
Sara soupire : « Je crois que cette énergie dans les pieds signifie quelque chose
comme être sur terre, avec les deux jambes… quelque chose comme un
enracinement. »
« Est-ce un bon sentiment ? »
« Oui, mais ça n’a rien à voir avec ma vie actuelle. »
« Mais le ressens-tu, là, à cet instant ? »

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« Oui… » Sara sourit en grimaçant : « Le cheval ne me semble plus aussi
nerveux. »
La jument Tinnia a baissé la tête mais est encore vigilante.
« Où en es-tu avec ta peur ? S’est-elle transformée ? »
« Pas beaucoup. J’ai le sentiment d’étouffer car ma situation est si épouvantable
et je… »
« Où en es-tu avec ta peur de Tinnia ? » demandé-je en interrompant Sara, à
nouveau en train de se perdre dans sa douleur.
« Je n’ai plus peur du cheval. En fait, je trouve toujours de la quiétude et de la
sûreté auprès des chevaux. Cela a toujours été ainsi. »
« Es-tu prête à entrer dans le rond de longe ? »
« Oui », dit Sara d’une voix frêle.
« Aimerais-tu emmener une chambrière, si jamais tu te sentais menacée par
Tinnia ? »
Sara préfére une corde, car c’est une corde qu’elle utilise dans son travail avec les
chevaux. Puis elle entre le rond.
Ce qu’il se passe dans le rond de longe est une affaire entre Sara et Tinnia. Je ne
suis là que pour assurer la sécurité, si jamais le cheval devient peureux ou intrusif.
En outre, j’observe le déroulement de l’échange pour ensuite pouvoir proposer mes
impressions à Sara comme feedback.
Le cheval permet de faire l’expérience des émotions, du corps et de la spiritualité.
Le processus est très fin et guère discernable de l’extérieur. « Les chevaux sont si
subtils », dit le cavalier américain Mark Rashid, « si incroyablement subtils que
nous sommes à des années-lumière de ce qu’ils peuvent faire. »
« Les gens attendent que quelque chose de grandiose se passe », dit Carol Roush,
très proche collaboratrice de Linda Kohanov et instructrice expérimentée, « mais les
processus ne sont guère visibles à l’œil nu. » Si l’on se laisse porter par le
processus, nous arrivons à percevoir certaines choses par nos sens, notre corps,
notre intuition qui peuvent d’ailleurs nous surprendre.
Voilà ce que j’observe pendant que Sara est dans le rond de longe avec Tinnia : la
jument donne des petits coups tête à Sara plusieurs fois, gentille mais déterminée.
Sara recule, Tinnia lui emboîte le pas. Sara lutte avec elle-même. Apparemment,
elle se sent trop faible pour se défendre contre Tinnia. Sara marche vers le bord du
rond de longe. Tinnia la suit, envahissante, à un point tel que j’hésite à intervenir car
le cheval coince Sara. J’attends quand même encore un peu, car je connais Tinnia et
sais qu’elle ne fait jamais rien de bien menaçant normalement. Elle veut montrer
quelque chose à Sara.
Tout à coup, Sara se fâche : « Va-t-en ! », hurle-t-elle, mais le cheval ne réagit
pas. Sara se rappelle qu’elle a une corde dans la main. Elle frappe en direction de
Tinnia avec la corde et la jument s’enfuit, effrayée. Sara s’en veut d’avoir frappé en
direction de la jument, elle tient sa main devant sa bouche, comme si elle avait fait
quelque chose de mal. Puis, elle fond en larmes. Elle court vers la jument et veut
l’embrasser, mais Tinnia prend ses distances et s’enfuit. Sara s’arrête au milieu du
rond de longe, perdue. Tinnia s’est détournée et observe les chevaux d’une pâture
éloignée.
Sara reste longtemps au milieu du rond de longe, indécise, avec un air désespéré.

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Puis elle s’enlace dans ses propres bras, comme si elle voulait se tenir elle-même.
Ce tableau me touche. Je sens que Sara a trouvé un sentiment authentique. Ce dont
semble s’être aperçu Tinnia, car elle marche vers Sara et pose sa tête sur son épaule.
Et j’entends chuchoter Sara : « Merci ».
Sara quitte le rond de longe : « Oh, mon Dieu ».
« Veux-tu que je te fasse mon retour maintenant ou préfères-tu partager ton
expérience avec moi d’abord ? » demandé-je, après nous avoir installé deux chaises
pliantes.
« Je dois absolument me libérer de ce qui s’est produit », répond Sara excitée. « Il
faut que je te le raconte avant d’oublier… et pour que j’y crois moi-même »,
bafouille-t-elle en pressant ses mains sur sa bouche.
« Peux-tu me le raconter dans l’ordre ? »
« Si j’y arrive… Bon, tout d’abord Tinnia m’a bousculée et je me disais, oui,
c’est ainsi ma vie, je suis toujours bousculée, ou plutôt : je me laisse bousculer.
Alors, toute cette situation, dont je suis moi-même la cause devient tellement grave
que j’ai plus aucune force pour me défendre. Depuis quelque temps, j’éprouve le
besoin pressant de m’extirper de la monotonie de mon couple. Mon mari est très…
dominant, tout doit être tel qu’il l’a décidé. Je n’en pouvais plus. Tout en moi se
révoltait, mais je ne savais pas comment me défendre. Puis, j’ai rencontré Volker, un
artiste. Il est indépendant, passionné, il mène sa vie, telle que je l’ai toujours rêvée.
Il est libre… Ce que je ressens avec lui, c’est ce que je ressens quand je suis avec
des chevaux. Je me disais, mais qu’est-ce que tu fabriques avec ta vie ? Tu dois
pouvoir être heureuse. Je n’osais pas parler de Volker à mon mari, car je craignais sa
réaction, mais je lui ai dit que je ne supportais plus qu’il me touche.
Sara commence à pleurer. « Tout cela, je le savais déjà d’une certaine façon et je
n’ai pas été étonnée que Tinnia me bouscule. Le plus hallucinant a été de me rendre
compte d’un coup d’un seul que Volker, à sa façon, me bouscule de la même
manière. Il est très costaud, a une forte personnalité et je ne trouve jamais rien à lui
rétorquer pour le contrer. J’ai toujours cru que Volker était ma libération, mais en
fait, vis-à-vis de lui, je me sens toujours autant misérable et dépendante. C’est
affreux de prendre conscience de cela. Puis, lorsqu’elle m’a poussée jusqu’au bord
du rond de longe, je me suis souvenue, tout à coup, que j’avais la corde et que je
pouvais me défendre. Ma réaction fut si vive que j’en ai chassé Tinnia. Cela m’a fait
de la peine ; je voulais me faire pardonner, mais elle n’a pas accepté mes excuses.
Ce que je pouvais comprendre. Je suis quelqu’un qui s’excuse sans cesse de ce qu’il
fait. Elle m’a dit droit dans les yeux : arrête de te lamenter et assume le fait de
m’avoir chassée. Je peux le supporter. Par contre, je n’aime pas du tout cette façon
que tu as de te faire toute petite. »
La mine de Sara s’éclaire et elle sourit en grimaçant. « Je trouvai qu’elle avait
raison. C’est pitoyable de se faire ainsi si petit. Après cela, je me suis sentie
complètement perdue. J’ai pensé à mes enfants, à ce que je leur fais subir et tout
mon désespoir est remonté. La seule chose qui me m’est venue à l’esprit fut de me
prendre dans mes bras. » Sara commence à trembler de tout son corps. « Tout cela
est si épouvantable. »
À nouveau, elle enlace son corps de ses bras. « Je pris soudain conscience, que je
ne l’avais jamais fait. Me prendre dans mes bras. Et c’était agréable. Je veux dire je

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trouvais cela agréable, ce pauvre Moi désarmé. Personne ne m’a encore tenue ainsi
dans ses bras, pas même Volker. Une énorme prise de conscience me tomba dessus
pour me dire que le début était là. Pour la première fois de ma vie, je me ressentais.
Et puis, Tinnia est arrivée et a posé sa tête sur mon épaule. » Sara se met à pleurer
intensément. « Comme si elle me disait : Tout va bien. Tu es quelqu’un de bien.
Incroyable. Moi… moi qui ai ruiné ma vie et celle de ma famille… quelqu’un de
bien ? »
Il faut attendre un petit moment avant que Sara se calme. « Je ne crois pas qu’un
être humain ait pu me transmettre un tel message. Je ne l’aurais pas cru d’un être
humain. Certes, j’ai du mal à croire qu’un cheval puisse me dire une chose pareille,
mais je l’ai senti. C’était vraiment là. »
« Qu’en est-il de ta peur de mourir ? »
« Elle est partie. »
Sara me demande de pouvoir rester un moment seule avec Tinnia. Lorsque, plus
tard, elle me dit au revoir, elle m’informe qu’elle a eu un long entretien avec Tinnia
qui lui a appris comment obtenir l’appui de ses propres chevaux : « Il faut que tu les
écoutes, a-t-elle dit. »
L’instant où nous entrons en relation de façon vivante peut tout changer. Nous ne
nous lions pas seulement aux autres, mais aussi à notre Moi authentique. La
guérison commence par notre Moi authentique.

Chacun de nous a le pouvoir de se guérir soi-même, de guérir les autres, d’être
guéri par eux. Le remède est contenu dans le lien. C’est ainsi. Les chevaux
ressentent en nous cette forme de lien. Ils nous l’indiquent, quand nous l’avons
trouvé. Ils deviennent alors doux, s’intéressent à nous, nous parlent et la force de
leur expression est étonnante.
Dès l’instant où nous entrons en lien, nous sommes créatifs. La créativité ne
signifie rien d’autre que de se lier au courant de la vie. Cela signifie retrouver
quelque chose que nous connaissions lorsque nous étions enfants : le jeu. Lorsque
nous jouons, nous trouvons des solutions. Puis, nous passons à l’étape suivante.
Lorsque nous réussissons à nous libérer d’une pensée seulement orientée vers
l’obligation de résultats, nous reconnaissons que tout dépend du procédé qui nous
permet de passer à l’étape suivante. Alors nous obtenons plus facilement des
résultats. Un chemin linéaire devient une structure tridimensionnelle, composée de
plusieurs strates et dimensions pour créer un ordre ramifié.
Ce fut une étape cruciale pour Sara de mettre à jour ses véritables sentiments à
l’égard de son nouvel amant, de reconnaître que la liberté qu’il lui promettait n’était
qu’une illusion, que Volker n’était pas intéressé par sa liberté à elle mais
uniquement par la sienne. Pour Sara, c’était une expérience importante de se
ressentir elle-même et de reconnaître que la solution à ses problèmes partait d’ici.
Ses amies lui avaient déjà dit que Volker n’était pas l’homme qu’il lui fallait,
mais elle devait le ressentir. Tout comme elle devait ressentir qui était cette vraie
Sara qui se sentait étouffée par la vie.
Idéalement, quand nous nous présentons devant un cheval, tout notre être devrait
s’assembler : nos émotions, notre corps, notre raison et notre âme. Les chevaux
l’exigent de nous. Il n’existe pas plus belle reconnaissance que lorsqu’un animal de

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six cents kilos, gracieux, plein de vigueur, âgé de millions d’années, indépendant et
ultrasensible nous dit que nous sommes entiers et parfaits maintenant.
Comment est-il possible qu’un cheval parle avec nous ?
Nous nous trouvons chacun dans un réseau infiniment large de relations avec nos
contemporains, nos ancêtres, les animaux, les plantes, avec tout ce qui est vivant.
Nous tissons ce réseau, jour et nuit, pendant que notre conscience est éveillée, et
pendant le sommeil.
Le biologiste Rupert Sheldrake appelle ce réseau le champ morphogénétique. Il
en est question dans de nombreuses doctrines spirituelles anciennes, comme par
exemple dans les chroniques indiennes d’Akasha. La théorie quantique a découvert,
il y a à peine cent ans, qu’observation et expérimentation dépendaient l’une de
l’autre, qu’il n’existe aucune réalité qui ne soit indépendante d’une participation
subjective de notre part. La science découvre sans cesse de nouveaux procédés
éminemment complexes, qui confirment ce que les peuples primitifs saisissaient
intuitivement : tout est relié.
Un réseau d’innombrables connexions détermine notre être. Certaines nous
réservent de la joie, d’autres de la peine. Lorsqu’il y a connexion, on est capable de
reconnaître que la peine n’est qu’illusion, qu’elle n’est que confusion dont l’instant
présent nous libère. Nos relations aussi y contribuent fortement. Nous nous mettons
dans des situations impossibles pour atteindre la liberté, la véritable connexion qui
est amour. Notre caractéristique : ne pouvoir y parvenir qu’en cheminant à travers
les contradictions, la confusion. Ce qui est réconfortant, c’est que nous ne pouvons
pas « tomber « de ce réseau. Les amérindiens parlent de cette expérience, lorsqu’ils
disent « nous tous sommes un ». Mitakuye Oyasin.
Une carte postale de Hadban Enzahi m’a amenée à rêver de chevaux arabes. Des
années plus tard, un cheval semblable, de chair et de sang, entra dans ma vie et
devint la porte d’accès à mon âme. D’une façon à peine perceptible au début, Tinnia
m’a emmenée en voyage, le voyage du héros.
Les chevaux m’ont ouvert les yeux sur mon travail, l’écriture. Il y a un an, je
demandai à Cisco, le cheval d’Yvonne Monahan, si je devais sérieusement me
diriger vers l’écriture de textes spirituels.
À l’époque cette option me semblait étrange. Cisco plissa les naseaux et me jeta
un regard blasé. Tu le sais depuis longtemps, me dit-il. Même aujourd’hui, après
avoir vécu beaucoup d’expériences similaires, ce qui m’est arrivé me semble
étrange. Ma raison a cependant le droit de s’étonner : la pauvre a été entraînée
pendant quarante ans à expliquer son monde dans les moindres détails.
Je dois apprendre à laisser un peu de temps à moi-même, à ma raison, à mes
contemporains pour comprendre l’idée. Je crains d’être considérée par mes proches
comme bizarre, naïve ou folle. Pourtant je ne peux pas oublier la vérité, une fois
reconnue. Et l’amour est toujours là. Chacun a sa tâche. Nous ne sommes jamais
seuls.
Lorsque quelqu’un commence à se voir lui-même, à voir son véritable noyau, il
invite également les autres à laisser tomber leurs masques, à renoncer au cynisme et
à agir avec davantage de bienveillance à l’égard d’eux-mêmes.
Être un cheval sous forme humaine est contagieux. Plus nous absorbons la
sagesse des chevaux, plus nous la colportons dans les villes et les grandes

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agglomérations auprès de gens qui ne connaissent ni l’odeur de leur transpiration, ni
l’impact d’une galette de boue éjectée de leur sabot quand ils galopent près de nous.
Mais peut-être qu’une petite fille recevra de la main de quelqu’un une carte postale
de Hadban Enzahi et qu’elle ressentira en elle les battements d’un cœur sauvage. Le
souvenir des chevaux nous portera encore longtemps, même s’ils semblent ne plus
avoir de place dans notre temps. Notre histoire commune est trop ancienne. Et peut-
être que seuls les chevaux peuvent nous guérir.
« Nous éradiquons la vie, car nous faisons fausse route sur son caractère. Nous la
traitons aussi cruellement, car nous la considérons comme une mécanique, un amas
de vieilleries. De la même manière, notre sentiment vis-à-vis de la Nature est
moribond. Notre compréhension des êtres vivants décidera de notre avenir », écrit le
biologiste Andreas Weber dans son livre Alles fühlt (Les sentiments sont partout et
dans tout).
Si nous voulons nous guérir nous-mêmes, nous devons guérir notre histoire avec
les chevaux. Je sens que je suis devenue une partie de cette mission. Je tiens à
préciser que nous ne sommes pas redevables de quoi que ce soit envers les chevaux.
Ils ne connaissent pas le sentiment de culpabilité. Cela vient de beaucoup plus loin,
c’est archaïque. Pour vraiment comprendre, nous devons remonter aux mythes des
origines où la conscience des hommes et des chevaux n’était pas encore séparée.
Bien que l’être humain ait infligé d’immenses souffrances aux chevaux, son rôle
n’est pas de leur demander pardon ou de les mettre sur un piédestal pour les adorer.
Les chevaux ne veulent rien d’autre et n’ont jamais rien voulu d’autre que faire en
sorte que nous devenions entiers, que nous retournions en nous-mêmes. Nous ne
devons pas guérir les chevaux, mais nous-mêmes.
Caroline Morgan, monitrice d’équitation et cavalière de dressage, accrut ma
sensibilité sur ce point lorsqu’elle prononça ces mots : « Je me rends compte
désormais que ce n’est pas ma relation aux chevaux que je dois améliorer, mais ma
relation à moi-même. »
Les chevaux, la Nature tout entière s’intéressent à la guérison, et nous, êtres
humains, en faisons partie. C’est notre état naturel. En prenant conscience de notre
histoire avec les chevaux, nous prenons conscience à quel point nous nous sommes
éloignés de nous-mêmes. En prenant conscience de cela, nous dépassons le fait
d’être devenus des étrangers pour nous-mêmes.
Les êtres humains ressentent cette nécessité. Sinon, pourquoi y aurait-il
aujourd’hui trois fois plus de chevaux qu’à l’époque où ils étaient encore des bêtes
de somme ? Malgré un entretien coûteux, difficile qui prend du temps, malgré le fait
que les chevaux ne soient plus qu’un loisir plaisant, pourquoi les chevaux jouent-ils
toujours un grand rôle dans le développement de notre culture ? Ils nous montrent la
direction et comment nous mouvoir ; ils nous montrent où sont nos solutions et
notre avenir.
Les chevaux veulent que nous allions de l’autre côté, que nous reconnaissions la
véritable nature de nos relations.
Dans le Tao te King (600 ans av. J.-C. par Lao Tseu),« Si les rois et les vassaux
peuvent le conserver (le Tao), tous les êtres se convertiront. Si, une fois convertis,
ils veulent encore se mettre en mouvement, je les contiendrai à l’aide de l’être
simple qui n’a pas de nom (c’est-à-dire le Tao). L’être simple qui n’a pas de nom, il

58
ne faut pas même le désirer. »
Quand nous commençons à voir avec les yeux des chevaux, nous trouvons
partout leurs traces. Et leurs traces indiquent toujours la même sagesse.
Je me suis toujours demandé, d’où venait le nom de ma jument Tinnia. Elle
s’appelait ainsi quand je l’ai achetée. Il y a peu, Tinnia m’a incitée, à l’occasion de
l’un de nos dialogues, entre-temps devenus habituels, d’aller à Stuttgart, au musée
du Land de Württemberg. Un détail important dans mes recherches pour mon roman
sur les celtes m’y attendait. Mais pas seulement : dans la section archéologique, j’ai
découvert un tableau explicatif sur la divinité étrusque principale. Le nom de cette
divinité : Tinnia. J’étais étonnée.
Une autre trace est apparue lorsque récemment j’ai téléphoné à mon père. J’ai
appris que les deux têtes de chevaux en fonte, fixées à la façade d’une maison
devant laquelle je passe pleine d’admiration depuis quarante ans, appartenaient à
mon arrière grand-père. Il était maître sellier et faisait partie des dragons bleus. Sa
maison a été détruite pendant la guerre, les têtes de chevaux ont rejoint une autre
ville entre des mains inconnues pour finir sur cette façade, depuis laquelle elles
m’ont déjà maintes fois saluée. Ce n’est que maintenant que j’ai connaissance de
cette connexion avec à mon arrière-grand-père.
Si nous nous ouvrons au grand réseau, notre vie se remplit de messages et de
connexions semblables. Je tiens un journal à ce sujet, pour me souvenir
qu’effectivement je vis de telles choses et qu’elles sont inhabituelles.
Ce livre aussi résulte de ce type de messages et de ce type d’événements. Je
trouve un grand réconfort dans le fait que les chevaux m’envoient des messages en
rêve, dans lesquels ils m’assurent que je ne dois pas me faire de souci, car ils
accompagneront le livre sur son chemin dans le monde. Il est autant leur livre que le
mien.
Je suis certaine que ta vie contient des épisodes semblables. Quand je discute
avec quelqu’un et que j’aborde le thème du cheval, pratiquement tout le monde a
une histoire à raconter. Les histoires racontent les relations à travers les époques, la
mort et l’au-delà, l’accident, le danger, la fidélité et le grand amour. Maintenant, il
est temps pour toi de raconter ton histoire. Il te reste encore deux exercices à
accomplir pour cette étape du voyage.

QUELLES HISTOIRES AS-TU AU SUJET DES


CHEVAUX ?

Tu te retrouveras dans ces histoires. Regarde bien et essaie d’entendre le


message des chevaux. Note l’histoire et trouve le message.

Prochain exercice
Je t’ai invitée à regarder de plus près une relation qui te préoccupe en ce
moment. Maintenant, rejoins ton cheval dans son écurie ou dans son pré. Si
possible, utilise une carrière, un rond de longe ou toute autre surface clôturée,
seule avec ton cheval. Traduis dans ton corps cette relation qui te préoccupe,
c’est-à-dire : concentre-toi sur cette relation et ressens la tension qu’elle
génère dans ton corps.

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Puis, demande une information à cette partie tendue de ton corps. Comment
te sens-tu dans cette relation ? Tourne-toi alors vers le cheval et retourne dans
ton corps. Essaie d’entrer en contact avec ton cheval et concentre-toi en même
temps sur la relation qui te préoccupe.
Observe les réactions de ton cheval. Observe comment tes émotions se
transforment, et comment le cheval y réagit de nouveau. Suis le processus
jusqu’à ce que tu ressentes qu’il est arrivé à une conclusion. Tu t’en rends
compte quand la tension s’est dissipée et que tu es calme et bien en toi. Ce
n’est pas toujours facile de trouver le message qui t’apporte la solution.
Accroche-toi. Sois attentive à ton cheval. Quand tu es arrivée au bout du
processus, repasse-le encore une fois en pensées. Écris-le, cela va t’aider à
prendre conscience du mode de fonctionnement de tes émotions.
Essaie de vivre de bout en bout deux processus émotionnels similaires sur
des sujets différents. Pour le deuxième processus, tu n’es pas obligée de
choisir un sujet relationnel. Il peut aussi s’agir d’une décision professionnelle,
ou quelque chose qui a à voir avec toi-même.
Le plus important est que tu trouves la connexion. Une fois que tu as appris
à trouver la connexion, tu peux y revenir encore et toujours. Ton cheval
deviendra pour toi un grand professeur, ainsi qu’un conseiller ; fonctions
amenées à grandir au fur et à mesure de ton apprentissage de ces processus.
La Nature en personne sera ta conseillère.

Je sais que tout cela a l’air énigmatique, c’est pourquoi j’aimerais te donner
encore un peu de théorie sur ton chemin. Les chevaux cherchent naturellement la
détente et le sentiment de bien-être et ils les trouvent dans la relation avec leurs
congénères et d’autres êtres vivants, comme par exemple l’être humain. Il en va de
même pour tous les êtres vivants, pas seulement les chevaux.
« Les organismes ne sont pas des mécanismes d’horlogerie composés d’éléments
proprement séparés. Ce sont des unités maintenues ensemble par une force
puissante : le ressenti de ce qui leur fait du bien et de ce qui leur fait du mal » écrit
Andreas Weber. Quand nous entrons en connexion avec les chevaux, ils absorbent
nos émotions et nous les renvoient par un effet de miroir. Ce dernier phénomène est
bien connu des cavaliers. Dans leur quête de bien-être permanent, les chevaux
traitent nos émotions et les évacuent. Les chevaux ne passent pas leur temps à
ruminer les problèmes, ils ne restent pas non plus bloqués dans leurs émotions, elles
se trouvent plutôt dans un courant constant. Pour les chevaux, les émotions sont des
informations qui les incitent à agir dans le but d’établir une sensation de bien-être.
Nous pouvons nous reconnaître dans leur comportement, miroir de notre propre
comportement. Soudain, nous nous ressentons, au lieu de nous penser. Soudain,
nous sommes dans notre corps, au lieu d’être dans notre tête.
Le problème n’est pas tant nos émotions, mais notre façon de les gérer : nous les
nions, les refoulons ou nous y abandonnons, au lieu de nous laisser porter par leur
courant. Les chevaux nous ramènent dans le courant de nos émotions. Nous nous
détendons et ils viennent vers nous, se mettent en relation et se sentent bien,
collectivement avec nous. Selon des recherches scientifiques récentes, ce transfert
d’émotions se passe à travers un champ électromagnétique qui entoure notre corps.

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Et pas seulement notre cerveau, mais aussi notre cœur, dont le champ magnétique
est cinq mille fois plus grand. Les émotions sont des porteurs d’information bien
plus puissants que les pensées. Grâce à elles, nous sommes en contact avec notre
environnement. Une prise de conscience que nous amènent les chevaux.

61
Étape six
Le cœur de la créature
Bien que les chevaux soient grands et forts, ils sont vulnérables. Et nous, les êtres
humains, le sommes aussi ; c’est un terrain favorable pour les miracles.
La sixième étape du voyage du héros marque le milieu du voyage. Dans les films,
elle se situe après la première moitié et dans les livres, la seconde. À ce moment
précis du récit se joue une étape particulièrement chargée d’émotions.
À ce moment précis, la voyageuse ne trouve pas encore ce qu’elle a cherché, mais
elle rencontre son désir le plus profond, ainsi que la certitude que son voyage sera
porté par cette valeur. Dans les histoires d’amour, c’est le vrai amour. Le couple ne
se forme pas encore ; il doit avant passer d’autres épreuves. Mais l’amour est vrai et
il n’y a plus de retour possible. Qui aime, aime. Ce que je sais profondément en
moi, je le sais. C’est ce savoir émotionnel que je rencontre au milieu du voyage.
« Maintes choses sont vraies, nous le savons profondément dans notre âme,
qu’importe ce que certains en disent » écrit Shelley Rosenberg, brillante cavalière
de dressage et entraîneur de chevaux, dans son livre My Horses, my Healers (Mes
chevaux, mes guérisseurs).
J’ai antéposé cette citation à mon livre, car il décrit très exactement, ce que nous
trouvons au centre du voyage.
Ce n’est pas ce que j’écris dans ce livre ou bien ce que quelqu’un te raconte qui
est important. Ce qui compte, c’est ce que tu sais et ce que tu crois.
« Seul l’amour est certain » m’a communiqué un jour ma jument. C’est mon
savoir le plus profond. Le savoir le plus profond n’est pas une connaissance
produite par la raison. Le savoir le plus profond est un savoir qui satisfait notre être
entier : corps, raison, sentiment et spiritualité.
Un tel savoir ressenti aussi profondément nous donne une force qui nous permet
d’endurer beaucoup de choses. Les martyrs chrétiens ont donné leur vie pour cela.
Un tel savoir a traversé les âges sous de nombreuses formes, dans le Tao te King,
tout comme dans d’autres doctrines spirituelles. Un tel savoir nous donne un
puissant appui, un ancrage dans la vie.
Autrefois, les êtres humains avaient intégré des systèmes de croyances qui
reposaient sur ce savoir. Aujourd’hui, nous vivons dans une société individualiste
où beaucoup se mettent à la recherche de ce savoir par leurs propres moyens, une
quête des origines, une quête qui fait partie des buts les plus élémentaires et nobles
de l’humanité.

Lorsque l’on finit par ressentir et voir à quel point la créature cheval est douce et
sensible, on ne peut plus faire certaines choses. Quand les êtres humains ont
reconnu ce que faisaient les coups à un enfant, ils se sont arrêtés de les battre.
Quand les êtres humains ont reconnu que les esclaves de couleur avaient les mêmes
émotions qu’eux, ils les ont libérés. Quand les êtres humains ont reconnu que tous
avaient le même droit de vivre et le même droit à l’auto-détermination, ils ont mis
en marche une révolution.
La sixième étape du voyage du héros est une initiation. Je viens de parler du
voyage du héros dans le cinéma. Maintenant, je vais un peu plus loin. Dans les
films, le voyage du héros touche principalement le niveau émotionnel. Dans une

62
initiation, il s’agit de faire une percée dans une conscience au-delà de la vie
quotidienne. Dans la psychologie moderne, elle est appelée zone transpersonnelle.
Les peuples primitifs ont développé des rituels pour cela. Dans notre société
occidentale, la connexion avec cette zone transpersonnelle a largement disparu et
avec elle une partie de nos capacités humaines.
Il m’est impossible de proposer de vivre une expérience initiatique à travers un
livre. Je peux en revanche te décrire de quoi elle se compose et où tu pourras peut-
être en trouver.
Notre perception et notre expérience sont imprégnées de transpersonnel, le plus
souvent sans que nous nous en rendions compte. Chaque rêve est une expérience
transpersonnelle. En apprenant à décrypter son message, nous apprenons quelque
chose sur notre véritable Nous. Cette autre sphère contient des informations vitales,
et une source de sagesse. La méditation aussi en offre un accès privilégié, la prière,
l’art et le contact conscient avec les chevaux.
« Il existe une large variété de pratiques anciennes et orientales spécialement
pensées pour faciliter l’accès à la sphère transpersonnelle. L’ensemble de cet
éventail d’expériences est décrit par des historiens, anthropologues et scientifiques
des religions. Il est à mettre en relation avec différents procédés issus des chamanes,
des rites de passage et des cérémonies de guérison chez des peuples primitifs, ou
encore les mystères de la mort et de la renaissance ainsi que les danses de transe
dans les religions extatiques. La recherche dans le domaine de la conscience a créé
pour la première fois une véritable synthèse entre la sagesse des temps anciens et la
science moderne » écrit le psychiatre américain et chercheur sur les états modifiés
de la conscience humaine, Stanislav Grof dans son livre Les nouvelles dimensions
de la conscience.
Une véritable initiation contient les quatre dimensions de l’être humain qui
peuvent être également classées par élément : la terre (corps), l’eau (émotions), l’air
(pensée) et le feu (spiritualité). Quand toutes ces dimensions se rejoignent, une
transformation puissante se produit alors.
Le jeune indien se retire trois jours durant dans le monde de la vie sauvage. C’est
ici qu’il reçoit son nouveau nom, celui de son âme qui lui est dévoilé par un esprit
de cet autre monde. Il apprend la tâche qu’il devra accomplir dans sa vie. Il
reconnaît sa place dans la communauté.
L’initiation de l’homme ou de la femme de cheval (appelons cela ainsi dans ce
contexte) lui révèle la véritable nature des chevaux. Lorsque tu as reconnu la
véritable nature des chevaux, tu peux les rencontrer, libres. C’est alors que tu
pourras gagner leur collaboration, sans contraintes, que tu pourras jouer avec eux,
entrer vraiment dans la danse. Voilà ce qu’enseigne Klaus Ferdinand Hempfling
dans son livre Die Botschaft der Pferde (Le message des chevaux), dans lequel il
témoigne de son propre parcours initiatique.
Vera a ramené en Suisse Sundance, le mustang, mais il est mort pendant le
transport. Cette mort changea sa vie, car elle comprit ce qui était véritablement
important pour elle. Elle ne voulait pas continuer à travailler dans une banque, mais
voulait aider les gens à trouver leur propre expression. C’était sa valeur la plus
importante, celle avec laquelle elle a trouvé son Être authentique.
Après que Britta eut réalisé qu’elle était trop vieille pour avoir des enfants, elle

63
s’acheta un frison, un hongre. Ses relations avec les hommes ne s’étaient jamais
déroulées de façon très sympathique. Elle aspirait à une rencontre avec un être à qui
elle pourrait offrir l’amour immense qu’elle portait en elle, un être qui ne
l’abandonnerait jamais. Bientôt, elle s’acheta une jument frison et la fit saillir. Elle
se brouilla avec le propriétaire de l’écurie, loua un petit coin de terre et monta sa
propre écurie. Pour la construction des bâtiments, elle prit un crédit. La grossesse de
la jument se compliqua, le poulain naquit trop tôt et ne put survivre qu’avec des
soins vétérinaires onéreux. Britta continua quand même et se consacra pleinement
au poulain.
Puis, dans le cadre de licenciements économiques, elle perdit son emploi de
chimiste. Les frais d’entretien des chevaux la plongèrent dans de telles difficultés
financières qu’elle dut vendre son logement, et quelque temps plus tard, les
chevaux. Une séparation qui la plongea dans un profond état de déprime. Elle
n’était même plus capable de se bouger pour passer un entretien d’embauche. Elle
était persuadée que ce à quoi elle aspirait tant dans la vie, à savoir un amour
durable, ne viendrait jamais.
Un jour, Britta rendit visite à une amie, bénévole dans un refuge pour animaux.
Elle comprit alors qu’il ne s’agissait pas tellement d’être aimée mais plutôt d’être
utile aux êtres vivants qui ont besoin d’elle. Le jour même, elle devint membre de
l’association. Sa mission lui donna une force nouvelle et elle commença à
reconstruire sa vie de zéro.

OÙ ES-TU ARRIVÉE DANS TON VOYAGE ?


Y a-t-il une porte qui s’est ouverte pour toi ? Ressens-tu de la peur à l’idée de
regarder dans l’œil du cyclone ? Es-tu ballotée entre faire demi-tour et
continuer ? Le cœur de la créature, le milieu du voyage, n’est pas un endroit
douillet auprès du feu crépitant de la cheminée. Un vent fort souffle dans le
cœur de la créature, le monde prend feu, des inondations ont lieu, le sol
disparaît dans la putréfaction et la moisissure. Avant que le renouveau ne
puisse naître, l’ancien doit mourir. Se rendre à cet endroit demande du
courage. Car c’est là que tu rencontres ta plus grande peur. Mon amie Celia
l’appelle Firewalk, la marche sur le feu.
Qui es-tu véritablement ? À quoi aspires-tu véritablement ? Quels fantômes
guettent dans l’obscurité ? Qu’est-ce qui te fait le plus peur ? Donne un nom
au souhait le plus important pour toi et à ta peur la plus grande. Maintenant.

Depuis que je fais ce voyage, ma vie est entrée dans un tourbillon. Un jour, j’ai
reçu une image complètement dingue mais non moins pleine de sens : je suis assise
dans un bateau fait en peaux de bananes.
Regarder dans l’œil d’un cheval, dans le cœur de la créature peut révéler une
vérité profonde qui progressivement commence à transformer ta vie. Qui a vu la
vérité ne peut plus revenir en arrière. On peut la remettre à plus tard, la refouler,
mais pas l’oublier.
Pour certains, elle est le début d’un sentier pavé d’angoisses. Mais que signifie

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cette peur face à ce qui se révèle à travers elle ?
Nous allons arriver chez nous, le seul endroit où il y a de la sécurité et de la
confiance.
À quel point sommes-nous bénis, dit le maître spirituel Ram Dass, de savoir qu’il
existe bel et bien un tel chemin. Une monitrice d’équitation anglaise renonça à sa
carrière et rendit visite à tous les gens de chevaux dont les livres l’avait
impressionnée : Linda Kohanov, Klaus Ferdinand Hempfling, Alexander Nevzorov,
Carolyn Resnick, Mark Rashid. Après avoir perçu le champ des possibles, il était
inenvisageable pour elle de retourner dans sa vie ordinaire.
« Il est humiliant de voir mes élèves changer de moniteur » dit-elle dans The Path
of the Horse (La voie du cheval), le film documentaire sur ses expériences vécues.
Pendant mon apprentissage chez Linda Kohanov en Arizona, j’ai rencontré
plusieurs personnes, qui du jour au lendemain ne pouvaient plus continuer. « À
chaque fois, je fondais systématiquement en larmes », disait une ancienne cavalière
de compétition de haut niveau. « Les gens de l’écurie ont commencé par être
étonnés de ce qui m’arrivait, puis ils se sont habitués. »
C’est un processus auquel notre civilisation moderne ne nous prépare pas. Dans
les cultures anciennes, ce chemin spirituel était inscrit dans les rituels qui
protégeaient les voyageurs. La psychothérapie et la religion traditionnelle ne
peuvent capter que partiellement la portée de ces processus. Ce qui se passe dans ce
voyage ne se déroule ni dans un cadre psychologique, ni dans un cadre traditionnel
chrétien. C’est un processus propre à la créature, spirituel au-delà de la personne. Il
ne peut être mené et guéri qu’à ce niveau. Je ne suis pas psychothérapeute, ni
ecclésiastique, mais une artiste, pour la vie. Au théâtre, j’ai appris ce que signifie
l’authenticité. Mon propre Firewalk est lardé de nids de poule, de montagnes russes
et de tempêtes à n’en plus finir. En faisant cela, j’ai découvert quelque chose en moi
que j’appelle Stormrider (cavalier de la tempête).
Le chasseur de fantômes amérindien Philip Whiteman Jr. parle de la force du
buffle, vénéré par les amérindiens pour sa capacité à entrer dans la tempête et à en
ressortir à l’autre bout. L’énergie du Stormrider en moi a quelque chose de
semblable. Ma bonne connaissance du travail créatif m’aide à surmonter les
tempêtes transpersonnelles, car la créativité et la spiritualité se ressemblent
beaucoup. Écrire comme je le fais est une pratique spirituelle.
Nul besoin d’être artiste pour démarrer le voyage. Chaque être humain fait son
voyage à sa façon, avec les capacités grâce auxquelles il s’est éduqué et avec les
points forts qu’il possède naturellement. Chaque être humain se trouve déjà dans un
voyage, qu’il en soit conscient ou non, car il démarre dès notre naissance et peut-
être même avant.
Ram Dass, autrefois professeur à Harvard, parle d’une participante dans une de
ses conférences hautement spirituelles. La dame était assise au premier rang, en
tailleur Chanel, coiffée d’un chapeau décoré avec des fleurs en tissu. Elle détonnait
complètement parmi ce public hippie des années soixante-dix, barbu et à la
chevelure rasta. Pourtant, la dame hochait la tête avec ferveur à chacun de ses mots.
Quand il lui demanda plus tard, comment elle arrivait apparemment à accéder à la
Connaissance que d’autres ne trouvaient qu’à travers des trips de LSD, sa réponse
fut : faire du crochet.

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Avait-il bien entendu ? Oui, faire du crochet. Il réalisa que ce n’est pas l’activité
en elle-même qui est importante, mais l’attitude dans laquelle elle est effectuée.

Y A-T-IL UNE ACTIVITÉ DANS TA VIE QUI


ÉVEILLE UN ÉTAT MÉDITATIF EN TOI ?

Si tu es cavalière ou propriétaire d’un cheval, c’est peut-être le fait de le


monter ou l’interaction avec lui. Quelles activités ou quels arts ont un
caractère méditatif pour toi ? Dresse une liste et décris l’activité en quelques
mots. Peux-tu y reconnaître une pratique spirituelle dont tu n’avais pas
clairement conscience auparavant ?

Parler de la méditation et des processus de conscience ne fait pas partie des


conversations usuelles des cavaliers. Quand je rencontre des gens de cheval, je
m’intéresse à leurs expériences émotionnelles avec les chevaux. Souvent, j’entends
des histoires émouvantes. Je n’ai jamais rencontré un homme de cheval qui ne sache
intuitivement ce que les chevaux lui donnent. Pourtant la plupart d’entre eux n’ont
pas encore pris la peine de comprendre ce qui les attire autant chez les chevaux, et
pourquoi, quand ils reviennent de l’écurie, ils se sentent si fringants.
Jutta, autrefois cavalière de compétition, me raconta la chose suivante : « Pendant
mes études de droit, j’en étais arrivée à un point où je voulais tout abandonner, je ne
voyais aucune possibilité pour moi d’assimiler ce programme énorme. Je n’étais
même plus sûre de vouloir devenir juriste, sans savoir par ailleurs ce que je voulais
faire à la place. J’étais dans une crise profonde. Même en compétition je n’avais
plus aucun élan, je songeais même à vendre mon cheval, une jument hanovrienne
adorable.
Je me suis alors retirée du monde pendant une semaine pour réfléchir et ne rien
faire, pour évacuer la pression et observer ce qu’il se passerait si j’étais libérée des
obligations extérieures. Et qu’est-ce que j’ai fait pendant cette semaine ? Chaque
matin, après le café, j’étais attirée par l’écurie. Pas pour faire mes exercices
habituels dans le manège. Non. Je prenais Alexa en longe pour faire une promenade
en main. Nous cheminions à travers la campagne pendant des heures. Jamais je
n’avais fait une chose pareille auparavant. Ce qui se produisait lors de ces
promenades était dingue. En sa présence, mes pensées, mes sentiments chaotiques
commençaient à s’organiser tout seuls. Quand je rentrais à la maison, je me sentais
plus calme et chaque jour un peu mieux. À la fin de la semaine, j’étais très
reconnaissante envers mon cheval. J’avais du mal à croire qu’Alexa ait provoqué
une chose pareille en moi, et pourtant je savais bien que c’était elle. Il m’est alors
apparu clairement que je voulais étudier le droit, non pas parce que je voulais
devenir avocate et tordre la loi, mais parce que j’avais un sens très développé de la
justice. » Jutta travaille en tant que juge aujourd’hui. « Être avec mon cheval, dit-
elle, me donne la force nécessaire. »

Même si le Firewalk, le voyage du héros, est un chemin dans l’obscure sphère
imprévisible de notre psychisme, une partie du chemin s’avère être très terre à terre :
un véritable travail. Une activité que nous répétons encore et encore, pendant que

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nous acquérons de la dextérité. Voilà ce que mon amie Celia en dit : « C’est comme
si tu possédais une maison immense et que tu devais décrasser chaque chambre,
chaque coin, recoin et débarras à genoux avec tes propres mains, toute seule,
jusqu’à ce que tout soit propre et brillant. »
L’apprentissage d’un instrument, d’un sport ou d’une langue peut aussi être ton
exercice. Cela peut être curer des boxes. Cet exercice t’aide à atteindre le point où ta
sagesse intérieure se manifeste.
Souviens-toi de la carte que tu as tirée ou de la maxime que tu as trouvée pour
accéder à ton but (étape quatre). Peut-être trouveras-tu ici un élément qui t’inspire
pour une activité et un exercice réguliers. La répétition constante de la même
activité est une porte vers cet endroit où tu rencontres ton Moi authentique. La
révélation ne doit pas forcément survenir par un coup de timbale. Souvent elle
survient tranquillement et petit à petit. De façon à peine perceptible ta vie se
transforme.
Tu connais peut-être cela de ton travail avec les chevaux. Tu t’entraînes encore et
encore, et tout à coup, ton cheval a appris un nouveau mouvement, une nouvelle
figure, une nouvelle aptitude. Il ne te donne pas seulement l’impression d’avoir
changé physiquement mais aussi psychiquement.
Il y a de nombreux chemins et pays qui peuvent être visités. Ce qui est décisif
n’est pas « lequel », mais « comment ». C’est là toute la différence pour les
chevaux. Quand on observe un véritable homme, ou femme de cheval, on constate
qu’ils font souvent la même chose, comme n’importe quel autre cavalier et
entraîneur. Quand on observe comment Monty Roberts ou Pat Parelli motivent un
cheval anxieux à monter dans un van en peu de temps, l’essentiel est à peine visible.
L’essentiel, c’est l’état d’esprit.

PEUX-TU NOTER UN CHANGEMENT DANS


TON ACTIVITÉ MÉDITATIVE ?

As-tu déjà fait l’expérience d’une rupture, d’une ouverture, une ou plusieurs
fois ? Rétrospectivement, peux-tu identifier, comment quelque chose de
fondamental a changé dans ta vie ?

Quand tu te livres consciemment à ce processus, un jour ou l’autre arrive le


moment où tu atteins un autre niveau. Tu ne peux pas maîtriser ce chemin seulement
par la force et la persévérance. Tu ne peux pas non plus le parcourir par la seule
raison. Ton chemin mène à travers un territoire situé derrière la frontière, derrière le
rideau. Là-bas règnent des forces qui sont plus grandes que toi. Tu peux en faire
usage. Tout ce qu’il te reste à faire, c’est de t’y plonger et d’avoir confiance.
Peut-être fais-tu déjà ton propre voyage, mais tu ne t’en rends pas compte. Seule
la rétrospective te permet d’en reconnaître certaines traits. Tâche d’identifier les
stations du voyage du héros auxquelles tu es déjà descendue. Dans notre vie, nous
faisons plusieurs grands voyages du héros. Devenir adulte, rencontrer le grand
amour, la naissance d’un enfant, une carrière professionnelle intense contiennent
souvent un voyage du héros.
Qu’est-ce qui vient donc à ta rencontre au milieu du voyage ? Tu trouves ton Moi

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véritable, ta vocation, ta tâche de toute une vie. Mais tu ne les ramasses pas comme
un trésor au bord de la route. Si c’était aussi facile, tu te serais trouvée depuis
longtemps déjà. Dans notre monde débordant de propositions et de tentations, on
peut en apparence tout trouver, si l’on est prêt à y mettre le prix. L’enjeu de la
trouvaille que tu découvriras pendant l’étape six du voyage du héros, est supérieur.
L’enjeu, c’est toi-même.
Connais-tu l’histoire de Job, l’homme riche de la Bible, à qui tout a été enlevé
pour mettre sa croyance à l’épreuve ?
Ton cheval, vient-il vers toi, quand tu vas au pré pour l’attraper ? Ou bien n’es-tu
que ton intention de l’attraper, si bien qu’il recule et s’enfuit ? Est-ce que les gens
reculent devant toi, parce qu’ils sentent ton intention de les accaparer, de les utiliser,
de les escroquer ? Tu n’arrives pas à apaiser ton enfant nouveau-né et tu désespères
de plus en plus ? Est-ce que les hommes ou les femmes dont tu es amoureuse te
repoussent, te quittent, te trompent ? D’où vient cette faiblesse qui te tient à sa
merci lorsque tu te rends à cette place du milieu, dans le cœur de la créature, ton
propre cœur ?
Dans le cœur de la créature, tu es faible, très faible. Et plus faible tu es, plus forte
tu deviendras. C’est la loi du voyage. Cette étape en est le centre. La faiblesse
requiert du courage. Être faible est une capacité importante.
Je suis faible. Il est vrai que j’ai toujours la force que j’avais auparavant, mais j’ai
perdu la volonté de m’en servir. Je ne peux plus modifier sans arrêt mes livres selon
le bon vouloir des uns ou des autres. D’autant plus après avoir compris qu’un livre a
sa propre personnalité, sa propre âme, que moi, l’auteur, je dois préserver. Rien à
voir avec de l’autosatisfaction. J’en ai pris conscience seulement quand j’ai laissé
mon ego à la porte.
À cet endroit, beaucoup de choses s’inversent. C’est comme si je voyais le monde
en négatif, par derrière, par en-dessous, sens dessus dessous.

Dès lors que tu admets le fait que tu dois évoluer en tant qu’être humain pour te
rapprocher des chevaux, c’est toute ta vie qui évolue. Les chevaux sont le symbole
de notre façon de traiter nos semblables, notre travail, nous-mêmes.
Il m’a fallu longtemps pour comprendre qu’en tant qu’auteur je suis une partie du
texte. Dans la compréhension traditionnelle que nous avons de l’écriture, de la
créativité, de notre travail en général, cette conception n’est pas monnaie courante.
Dans la compréhension traditionnelle, nous sommes des spécialistes doués, qui
avons développé un savoir-faire propre à notre don. De même en équitation. À la
rigueur, à la marge, on parle du développement de la personnalité du cavalier et
beaucoup de la souplesse du cheval. Mais qui apprend au cavalier à être souple,
décontracté, en équilibre, concentré, léger, dans l’impulsion et la propulsion ?
L’écriture de ce livre est pour moi très différente de celle d’autres livres. Je l’ai
commencée il y a environ dix jours, le livre m’a commencée. Il arrive par vagues. Je
n’ai jamais songé à ce livre comme aux autres. J’ai la sensation qu’il est disponible
comme une unité finie et qu’il se révèle pas à pas. Si seulement je pouvais toujours
écrire ainsi !
Les travaux préparatoires au livre ne provenaient pas de la pensée, mais de
l’énergie. Quand je relis mon agenda, j’y trouve des annotations telles que :

68
« Partout et toujours je vois le chiffre 23 … Je peux parler avec mon cheval et il
me donne des noms et des événements à venir, qui finissent par se produire… En
rêve, j’apprends une nouvelle façon de voler … Une immense vague d’émotion
m’envahit … C’est comme si j’avais transpercé un blocage et je suis emportée et
entraînée par le flot … Tristesse et douleur, peur, si grande que j’en ai froid de
l’intérieur pendant toute la journée … J’ai des crampes d’estomac pendant des jours
et je peux à peine manger, je souffre de douleurs dans le cou qu’aucun exercice de
détente ne parvient à apaiser … Je ne peux plus monter à cheval car je suis trop
faible, je fais des promenades à pied avec mon cheval à travers le paysage enneigé
et glacial de l’hiver, je marche à travers de la nature morte, je fonds en larmes et
suis remplie d’une gratitude et d’un amour débordants. »
Lorsque tu éprouves de telles émotions et qu’elles ne sont pas liées à un
événement dramatique dans ta vie, comme une séparation, une perte d’emploi ou un
deuil, il se peut que tu te trouves au milieu d’un voyage du héros.
En Arizona, au centre Epona de Linda Kohanov, j’ai trouvé des gens, des guides
spirituels compétents, qui m’ont soutenue dans cette crise, des chevaux avisés aussi.
J’ai trouvé mon cœur.
J’étais arrivée à un point où je croyais devoir mourir. Je ne voyais plus le chemin
pour survivre dans le monde ambiant, si destructeur, si trompeur, si étranger, mais
dont je faisais partie. J’étais envahie de sentiments de culpabilité que je ne
supportais plus.
Au centre de mon désespoir, toute cette ambiance se transformait et je pouvais y
distinguer un lien plus vaste. Ces créatures maltraitées et torturées vis-à-vis
desquelles je me sentais si coupable se penchèrent vers moi et me dirent : « Nous
allons t’offrir la vie. Tu es ici pour nous et nous sommes ici pour toi. Tu n’es pas
coupable. » Elles dirent encore : « Ta première naissance est terminée. Maintenant,
tu vas naître à un niveau supérieur de ton Être ». Je voyais des montagnes couvertes
de neige. J’étais seule, avec un cheval comme seul compagnon. Là-haut, la femme
des montagnes pleine de sagesse m’attendait. Je reçus des réponses à des questions
que j’avais posées il y a longtemps. J’ai vu ma vie et ma mort. J’ai vu que tout se
trouve dans un ordre parfait. En un après midi, j’étais guérie de beaucoup de peurs.
Ce livre est une partie de ma nouvelle voie.
Je me suis vue moi-même dans le cœur de la créature et j’étais calme. J’y ai
trouvé confiance et amour. La peur, le désespoir, la désespérance n’étaient que les
portes d’entrée. Ils sont la tempête qui t’arrache de ton ancrage et te mène à la
lumière, si tu arrives à la surmonter.
La voie vers la lumière n’est pas un lever de soleil un matin de printemps, mais le
fait de rester présent et de regarder l’obscurité de face.
Les chevaux nous astreignent à rester présents. Ils se cabrent et font des ruades,
ils prennent le mors aux dents pour nous rappeler que tout se passe ici et
maintenant. C’est une erreur de croire que nous devons corriger les chevaux. Ils
nous corrigent.

OÙ ES-TU ARRIVÉE DANS TON VOYAGE ?

69
As-tu vu la douceur des chevaux ? As-tu trouvé le lieu de la douceur en toi et
eu une idée des conséquences sur ta vie ?
As-tu ressenti ta faiblesse quand tu te détournes de tout ce qui n’est pas
vrai, de ta capacité à en imposer, de ta maîtrise de soi, des rêves de toute
puissance de ton ego ? Aussi faible qu’un cavalier qui enlève le filet et le licol
à son cheval et le voit s’enfuir. Un cavalier réalisant que, sans son matériel, il
n’a aucun pouvoir sur son cheval, et que celui-ci ne retournera pas de son
plein gré vers lui.
As-tu fait l’expérience de ton cheval galopant vers toi, alors que tu l’as
simplement attendu et que tu as arrêté de vouloir le faire venir ? As-tu fait
l’expérience de sa façon d’aimer les rencontres avec toi, d’entrer en connexion
quand tu ris ou quand tu pleures ?
Où es-tu arrivée dans ton voyage ? À l’endroit où il n’y a plus de retour ?
Qu’y as-tu trouvé ?
Peut-être as-tu trouvé des mots pour cela, des images, des histoires que tu
veux partager avec d’autres. Peut-être un silence que tu partages avec ton
cheval ou ton chien, ton chat, un arbre, une rivière, un fleuve, un nuage…
Peut-être une aspiration que tu ressens sans cesse, des signes que tu perçois.
Peut-être t’es-tu fait prendre dans un courant d’événements qui te pousse à
aller dans une nouvelle direction. Dans une tempête qui a arraché tes racines.
Peut-être y a-t-il tout à coup une nouvelle force en toi, encore méconnue, qui
te permet de maîtriser tout ce qui est difficile.

Y a-t-il une énergie qui te porte et te guide, quand bien même elle te
mènerait dans des endroits obscurs ? Une énergie qui vient de l’extérieur et en
même temps de toi-même ? Une force au-delà de ta raison ? Une énergie qui
te sculpte pendant que tu remodèles ta vie ?
Ne te laisse pas impressionner par les voyages formidables que d’autres te
racontent. Le voyage peut être très silencieux. Ne crois pas devoir vivre
certaines choses que d’autres ont vécues. Ton voyage est différent, unique !
Ecoute les histoires des autres pour reconnaître ce qu’elles ont en commun,
puis oublie-les et vit ton propre voyage. Trouve ton propre cœur de la
créature.
À cette étape du voyage du héros, c’est à toi de décider comment tu
souhaites qu’elle se manifeste. Fais en sorte qu’elle se manifeste, emmène-la
dans la réalité, rends-la visible. Il est important que tu saches que ces choses
aussi inhabituelles, étonnantes et folles qu’elles puissent te sembler se sont
véritablement produites et que tu les as ressenties et perçues.
Dessine, écris, peins, chante, photographie, construis, collectionne, pour toi
seul.
Toi et moi, nous tous, sommes une partie d’un grand ensemble qui nous
nourrit, nous protège, orienté vers la guérison. Peut-être l’as-tu aussi ressenti,
vu, reconnu, vécu.

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Peut-être quelqu’un te demande-t-il ce qui t’est arrivé et tu ne sais pas quoi
dire.

Toi et moi, nous tous, sommes une partie d’un grand ensemble qui nous nourrit,
nous protège, orienté vers la guérison. Peut-être l’as-tu aussi ressenti, vu, reconnu,
vécu.
Peut-être quelqu’un te demande-t-il ce qui t’est arrivé et tu ne sais pas quoi dire.
Tu es arrivée de l’autre côté, dans le pays derrière la frontière. Tu n’as pas encore
pris tes marques et tu n’as pas encore les mots. C’est un lieu où il n’y a que toi et toi
seule. Personne d’autre que toi ne peut en percer le secret. Ce secret n’a pas encore
de nom qui soit audible aux oreilles du monde. Si quelqu’un te demande où tu te
trouves, dis simplement : je ne sais pas.
Les chevaux, tu peux en être sûre, savent quand tu es arrivée en ce lieu. Ils te
souhaitent la bienvenue.

71
Étape sept
L’épreuve
Tu es arrivée au plus profond de toi-même ; tu as trouvé le secret. Même si cela a
été bref, tu y as été.
Mais l’ancien Moi est puissant. Tout cela était-il bien réel ? À quoi cette
expérience va-t-elle te servir ? Te permet-elle de gagner de l’argent ? Les autres
apprécieront-ils ton nouveau Moi ? Te prendront-ils pour une folle ? Attendront-ils
des preuves de tes nouvelles capacités ? Peut-être penses-tu qu’il était bien
sympathique de vivre une telle expérience, mais que maintenant la vie réelle
reprend ses droits. Reste à voir comment tu vas gérer le quotidien. Pourtant, ce
voyage était tellement fascinant que tu veux absolument le poursuivre, faire le
prochain pas. Rien n’est aussi captivant que ce voyage.
Tu es mise à l’épreuve.
Dans l’épreuve, tu es arrachée du courant. Assise dans une barque, tu rames. Tu
rames vers l’avant avec un bras et vers l’arrière avec l’autre. Le courant de la vie
coule continuellement, pendant que tu restes prisonnière d’une contradiction. Deux
principes, points de vue, valeurs, buts se contredisent et te déchirent de l’intérieur.
Ce déchirement intérieur se manifestera également, tôt ou tard, dans ta vie
extérieure.
Ou alors, c’est la vie elle-même qui se charge de déposer à tes pieds une situation
à laquelle tu ne peux échapper, une situation dans laquelle il te faut prendre ou
laisser. Tu tombes amoureuse de deux hommes. Tu reçois une proposition d’emploi
attrayante dans une autre ville. Deux chevaux te sont proposés à l’achat, les deux
sont parfaits, les deux sont fondamentalement différents.
L’épreuve est une situation dans laquelle nous sommes forcés de nous décider
entre deux alternatives diamétralement opposées. Elle est une invitation à
l’individualisation. Quand nous nous sommes décidés pour une alternative, notre
futur n’est plus le même. Avant, le champ des possibles est ouvert, ensuite, nous
nous trouvons devant une nouvelle réalité et toutes les conséquences que cela
engendre.
Une fois confrontés à une situation de mise à l’épreuve, nous devons nous
repositionner, prendre des décisions, au lieu de rester bloqués dans l’abstraction de
ce qui pourrait vaguement être possible. Les chevaux n’ont que faire de l’abstrait.
C’est un choc pour la majorité des gens qui se trouvent pour la première fois face à
l’un d’eux. Les chevaux ne réagissent ni à nos stratégies ni à nos manœuvres
prétentieuses pour nous dérober. Une des expériences les plus « lumineuses » que
font ceux qui s’approchent de la conscience des chevaux est la prise de conscience
que notre culture entière, plongée dans la torpeur de l’abstraction, crée son propre
crépuscule.
« Avec la Nature, nos émotions aussi sont moribondes. » écrit le biologiste
Andreas Weber dans l’un de ses livres, où il note un changement radical des
paradigmes dans le monde scientifique. « L’idéologie darwinienne, cette vision du
monde mécanique selon laquelle la nature fonctionne comme une horloge dénuée de
vie, est basée sur une erreur qui a des conséquences dévastatrices sur notre
psychisme », argumente l’auteur. Si nous continuons à nous éloigner de la Nature,
« nous nous appauvrissons psychiquement à un point que nous ne mesurons pas

72
encore complètement aujourd’hui. Et parce que l’âme et le corps sont liés, il sera
finalement aussi question de notre vie. »
Un seul instant suffit. Ce bref instant où le cheval tourne la tête vers l’être humain
et pose son nez sur son épaule : soudain, l’être humain comprend que ce cheval
ressent… comme lui. Il se rend compte que le cheval voit en lui quelque chose que
lui-même ne veut pas voir. Mais maintenant il sait, car un cheval le lui a rappelé.
S’en suit le moment, où l’ancienne perception, l’ancienne vision relève la tête. Le
moment où il se demande s’il n’a pas tout imaginé. Mais la sagesse du cœur s’est
éveillée en lui et il ne peut plus oublier.
Les jours qui suivent, il est en état de choc. Comment est-ce possible d’avoir été
aussi aveugle ? A-t-il vécu ainsi toute sa vie, en passant complètement à côté de
cette vérité ? Comment se fait-il que les chevaux ne soient pas seulement ces
animaux stupides qu’il avait toujours pensé ? Qu’ils soient dotés d’une si grande
intelligence émotionnelle, comme lui, et que leur conscience soit même supérieure à
certains égards ? Que des animaux, qu’il croyait un peu débiles, puissent être ses
guérisseurs, ses sauveurs, ceux-là mêmes qui lui rappellent le savoir nécessaire à sa
survie ?
Dés lors que de tout cela découle une profonde prise de conscience, l’épreuve est
inévitable. Tout doit être testé, et ce dans le feu. Chaque conviction, chaque
croyance est mise en question, un mouvement de va-et-vient entre l’ancienne et la
nouvelle vision du monde s’installe alors. Cet état peut être insupportable, car une
pensée déchue, tout comme un domino renversé, peut déclencher une réaction en
chaîne qui ne se terminera pas avant que la réponse ne soit trouvée.
Reconnaître que véritablement la Nature vit et qu’elle a la capacité de ressentir
peut en déstabiliser plus d’un. Pas uniquement parce que l’on s’est résolu par
conviction religieuse, mais parce que l’on ressent cette vie en soi comme la force la
plus importante.
Il n’est pas facile d’endurer l’épreuve. Elle parvient par poussées, par
contractions qui envahissent entièrement l’être humain. Puis-je vraiment croire ceci
ou cela ? Et comment puis-je continuer mon ancienne vie dans de telles conditions ?
JE NE VEUX PAS LE SAVOIR. JE NE VEUX PAS LE RESSENTIR.
La douleur devient physique, la charge du savoir insupportable.
Un drame humain.

La tâche qui occupe toute notre vie – je l’ai appris grâce aux chevaux – est
d’établir une relation avec d’autres êtres vivants. Nous ne pouvons établir une
relation que quand il y a quelque chose qui peut nous lier. Il faut qu’il y ait deux
protagonistes, deux chevaux ou un être humain et un cheval. Les relations se
passent mal quand l’un des deux n’est pas entièrement présent.
Un cheval ne peut pas faire autrement qu’être vraiment présent, car en tant
qu’animal de proie son instinct est animé par la survie. Un être humain se déforme
plus facilement. Il se peut que quelqu’un, de par son éducation et son expérience de
la vie, se renferme tellement en soi que pratiquement plus rien ne se ressent de son
Être.
Les chevaux réagissent à notre Être, et pas au comportement que nous affichons
ou que nous avons su rendre efficace. Ils demandent sans cesse, si tu es authentique.

73
Ils le font, pour s’assurer qu’ils peuvent te faire confiance. Ils connaissent et se
laissent porter par les aptitudes sociales des membres de la harde. Les chevaux
savent exactement quel est l’animal le plus fort pour mener la harde. Et c’est lui
qu’ils suivent.
L’animal le plus fort pour mener la harde n’est pas celui avec la posture la plus
agressive, mais l’animal le plus vigilant, l’animal le plus équilibré. Un Moi,
camouflé par des masques et des habitudes paralysantes est trop lent pour pouvoir
réagir de façon appropriée à une situation menaçante. Un cheval ne peut pas faire
confiance à un tel guide.
Les chevaux entraînent notre vigilance, nous gagnons une aptitude qui a des
conséquences sur notre vie entière. Beaucoup de gens de chevaux possèdent cette
vigilance, par le seul fait de passer beaucoup de temps avec les chevaux. Lorsque
nous faisons remonter à notre conscience ces processus, ils gagnent en force et nous
pouvons améliorer notre sensibilité. Nous devenons des chevaux sous forme
humaine.
Dans la phase de l’épreuve, nous sommes moitié présent, moitié absent.
Beaucoup de choses réussissent bizarrement, certaines échouent. L’échec est aussi
précieux que la réussite. Nous apprenons à reconnaître la différence entre les deux.
Dans notre culture, l’idéal du perfectionnisme est roi. Pourtant, le
perfectionnisme tue les esprits de la vie et nous empêche de courir des risques. Voilà
pourquoi j’adore les épreuves. La créativité signifie faire des essais, partir du
principe que la moitié va échouer ou quatre-vingt-dix-neuf pour cent. C’est ainsi
que Thomas Alpha Edison inventa l’ampoule, en essayant quatre-vingt-dix-neuf
manières de ne pas fonctionner.
En général, les perfectionnistes sont des cyniques. L’as-tu déjà remarqué ? Toi
même, peut-être ? Ils sont cyniques, parce qu’ils méprisent en eux la part d’être
humain qui échoue de temps en temps.
« Le seul courage qui nous soit demandé, est le courage pour les choses les plus
bizarres, les plus inhabituelles, les plus inexplicables que nous puissions rencontrer.
Le fait que l’humanité ait été lâche à cet égard a causé un tort infini à la vie », écrit
le poète Rainer Maria Rilke.
Quand tu es dans l’épreuve, le perfectionniste se bat avec le chaotique créatif qui
est en toi. Peux-tu imaginer ce que pensent les chevaux des êtres humains
perfectionnistes ?
As-tu aperçu une partie de la force qui sommeille en toi, de l’Être que tu es au-
delà des apparences ? Dans mes ateliers, j’accompagne un voyage qui se fait sur le
dos du cheval, les yeux fermés, le cheval guidé par une autre personne. À la fin de
ce voyage, les participants sont invités à demander un nom pour leur autre Moi, le
Moi de l’âme, le Moi créatif. Ce nom n’est destiné qu’à eux seuls. Ils le gardent
pour eux-mêmes.

TU PEUX AUSSI TE DONNER UN NOM.


Peut être as-tu besoin de créer ton propre rituel pour le trouver. Ou bien, tu vas
voir ton cheval et tu lui demandes tout simplement. Je suis certaine qu’il a un

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nom pour toi.

À chaque étape, le voyage du héros devient de plus en plus difficile, de plus en


plus intense. C’est sa loi, la loi du dramatique et la loi du vivant. Il n’y a pas de
recommencement. Comme l’automne suit l’été, la descente suit la montée, et vice
versa.
Quand nous nous abandonnons entièrement au vivant, nous sommes une partie
d’un fleuve qui nous emporte continuellement. Il n’y a pas d’arrêt, il n’y a que le
mouvement. L’arrêt est artificiel. L’arrêt signifie que nous étions emportés dans le
bras d’une eau morte et que nous avons besoin d’un nouveau courant.
S’écouler est le but de notre Être. Hier, j’ai mis dans la main de mon amie de
Berlin en visite à la maison la longe de mon cheval. Je l’ai invitée à un Spirit Walk
(randonnée spirituelle) avec Tinnia, un voyage du héros avec un cheval de chair et
de sang.
Au début, ce n’était pas facile pour Uschi de maîtriser la jument arabe,
dynamique, pleine de fougue, surtout quand des chevaux inconnus apparurent à
l’horizon et que Tinnia releva la queue pour impressionner ses congénères. Uschi,
qui n’avait aucune expérience pour mener un cheval, ne pouvait pas recourir à des
trucs et astuces qui fonctionnent bien. Elle était entièrement dépendante de ses six
sens. Je me tenais prête à prendre le cheval en charge, si nous avions, elle ou moi, le
sentiment qu’il puisse y avoir un risque.
Comme but du voyage du héros, Uschi souhaitait s’écouler avec le cheval. Son
souhait ne se réalisait pas tant qu’elle soumettait le cheval et s’érigeait en meneuse.
En revanche, il se réalisa, dès qu’elle reconnut pleinement que mener un cheval était
sacrément difficile. Qu’il est difficile de trouver l’harmonie entre coordonner ses
mouvements tout en éprouvant des sentiments agités et être attentif au cheval en
même temps qu’à l’environnement.
La fatigue, la tension et le deuil envahirent Uschi, quand elle atteignit le point le
plus profond de son voyage. « Seul le murmure du cours d’eau me donne le
sentiment que tout s’écoule, encore et toujours. C’est alors que je demande à Tinnia,
ce qui serait utile dans mon voyage à mon énergie créative, écrivit Uschi en
décrivant son expérience plus tard. Tout d’abord, elle fait comme si ma question ne
l’intéressait pas… puis elle montre mon cœur. »
Comme si ce bref moment d’échange avait apaisé la tempête dans le corps
empressé du cheval, Tinnia se calma. Uschi et Tinnia terminèrent la deuxième partie
du voyage en parfaite harmonie. Aucun professionnel n’aurait pu mieux guider
Tinnia sur le chemin du retour à l’écurie, par monts et par vaux, sur des sols
verglacés, par des passages étroits et sur la piste réservée aux courses.
Et Uschi d’ajouter : « Cette énergie créative, sauvage qui est le moteur de toute
vocation est une force difficilement apprivoisable. C’est ainsi que je ressens cette
force qui, en ce moment, sommeille en moi. Maintenant je sais qu’elle est là. Je
peux désormais annoncer à cette énergie sauvage que je l’accepte, que je lui permets
d’occuper une place… Le lendemain du Spirit Walk, je suis tombée très malade.
J’étais au lit avec de la fièvre et des maux de têtes très violents. Le matin suivant, je
me sentais déjà beaucoup mieux. Dans la soirée, tout s’est résorbé et j’ai rapidement
retrouvé la forme. Le surlendemain, j’ai voulu aller à la patinoire avec ma sœur. Le

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soleil brillait enfin et j’avais une folle envie de glisser sur la glace… il n’en sera
rien, car pour la première fois dans l’histoire de la patinoire le « Tölt at Dolder »
avait lieu le premier concours de chevaux islandais sur la patinoire de Dolder.
Encore une fois, les chevaux ont eu raison de moi. »
L’épreuve se dissipe dès l’instant où nous nous relions à notre Être authentique.
J’ai moi-même vécu un autre exemple de mise à l’épreuve avec ma jument Tinnia
et je l’ai noté :
« Ça bourdonne dans ma tête. J’ai regardé dans le cœur de la créature. Je veux
continuer sur ce chemin puissant. Dois-je commencer la formation chez Linda
Kohanov ? Elle coûte de l’argent que je n’ai pas, gagner cet argent signifie du stress,
gagner cet argent signifie de la dépendance. Est-ce là le sens ? J’interroge ma
jument pendant que nous longeons un sentier forestier désolé. Je capte une image :
un i-grec et le chiffre 2. Y 2. Qu’est-ce que cela signifie ? Je ne comprends pas.
Quelques jours plus tard j’ai une idée : l’Y représente une bifurcation, si on regarde
la lettre comme une image. À coté le chiffre deux. Deux chemins. Je ne peux en
prendre qu’un. Le cheval me renvoie que je me trouve en présence d’un cas typique
de mise à l’épreuve. À ce moment, je ne m’étonne déjà plus qu’un cheval soit
capable d’une réflexion si philosophique. »
Pour être précis, ce n’est pas le cheval qui pense en termes de lettres. Le cheval a
le don d’activer ce niveau philosophique, archétypique, en moi et de l’éveiller à ma
conscience. C’est ce qui produit ensuite l’image.
« Je demande à Tinnia comment je peux résoudre le dilemme de la bifurcation. Sa
réponse est encore cryptique. Elle m’envoie le mot anglais arbitrary. Elle répond en
anglais probablement parce que je lui ai demandé si je devais assister à un atelier en
Angleterre à la place de la formation aux États-Unis, et parce que depuis des jours
j’étais à la recherche de vols et d’hôtels. Arbitrary est un mot que je ne connais pas,
alors je le cherche dans le dictionnaire. Arbitrary veut dire “arbitraire” (rien à voir
avec la racine du mot dans ma langue maternelle, l’allemand). En lisant ce mot,
“arbitraire”, je ressens un changement dans ma conscience. Comme si à ce moment
l’arbitraire qui m’habitait me quittait, tel un fantôme sur qui l’on projetterait de la
lumière. À l’instant même, ma décision est prise. Je ne vais pas aller en Angleterre,
mais en Arizona, chez Linda Kohanov. Le cercle vicieux de mes pensées qui a duré
des jours entiers s’est dissipé. J’ai arrêté de chercher coûte que coûte une solution.
J’ai l’impression que la décision était prise depuis longtemps. Ce n’étaient que des
danses voilées et des stratégies d’esquive produites par ma raison qui me freinaient.
Du moins, rétrospectivement, cela m’apparaît ainsi. »
J’aurais pu me lancer dans une nouvelle mise à l’épreuve et me demander si tout
cela n’était pas qu’un grand tour de passe-passe, si ma raison ne se payait pas ma
tête, avec, comme acteur improvisé, un cheval.
Cette question est-elle importante ? Ou y aurait-t-il autre chose de plus
important ? Comme par exemple, le fait que j’ai retrouvé l’état de bien-être que les
chevaux maîtrisent si magistralement ? Nous ne pouvons pas dominer notre
conscience et nous ne pouvons pas non plus la réduire au silence, nous ne pouvons
que la suivre, nous écouler avec elle. Jusqu’à l’arrivé de la prochaine épreuve,
jusqu’à ce que nous prenions la prochaine décision, jusqu’à ce que nous fassions le
prochain pas dans notre processus d’individualisation.

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Cela peut demander beaucoup d’efforts de traverser une épreuve. Nous ne
validons l’épreuve que si une nouvelle certitude s’est mise en place. Nous devons
ressentir la certitude physiquement.
Un cheval te mène vers cette certitude.
Les chevaux recherchent le confort, rappelle Pat Parelli, l’entraîneur de chevaux
mondialement connu. Sa méthode consiste à lier les objectifs qu’il veut atteindre
avec les chevaux et le bien-être. Cette pratique est celle utilisée par les
comportementalistes : associer certains types de comportements à des sensations
positives.
Le futur de la psychologie, selon le psychiatre californien Stan Grof, se trouve
au-delà de la thérapie comportementale. En effet, tous les anciens modèles
psychologiques ne donnent pas de réponse à la question suivante : que se passe-t-il
dans la psyché, quand l’être humain s’enrichit spirituellement, quand sa conscience,
suivant son dynamisme intérieur, est transformée et accède à de nouveaux niveaux
de connaissance.
Les chevaux ne cherchent pas seulement le bien-être physique et mental, mais
aussi l’harmonie émotionnelle et spirituelle. Ils se régalent de l’interaction de tous
les éléments de la psyché. Ils sont eux-mêmes le cinquième élément. Là se situe le
véritable bien-être.

DANS QUELLE SITUATION DE MISE À


L’ÉPREUVE TE TROUVES-TU
ACTUELLEMENT ?
Regarde ta vie et note les situations « à prendre ou à laisser » dans
lesquelles tu es. Trouve une situation « à prendre ou à laisser » importante, qui
englobe toute ta vie, pourquoi pas de ta naissance à maintenant. Trouve une
petite situation « à prendre ou à laisser » de ta vie quotidienne, une
d’aujourd’hui. Par exemple : dois-je aller au cinéma ou plutôt faire ma
déclaration d’impôt ? Comment ressens-tu le fait de te trouver dans un
processus de décision qui attend une solution ? L’épreuve fait partie de la vie.
Elle est éprouvante, chargée de tensions. Au cinéma et dans les romans, c’est
elle qui porte une grande part de l’intrigue. Est-ce que le millionnaire Edward
et la prostituée Vivian s’aimeront ou bien leur relation restera-t-elle
strictement professionnelle ? Est-ce que Scarlett O’Hara dans Autant en
emporte le vent reconnaîtra à temps qu’elle aime Rhett Butler ?
Les épreuves ne sont en rien négatives. Nous en avons besoin pour notre
croissance personnelle. Nous prenons part aux épreuves des autres, aussi à
celles de personnages fictifs, pour apprendre et faire des expériences.
Comment te comportes-tu quand tu te trouves dans une situation de mise à
l’épreuve ? Reconnais-tu un schéma dans ton comportement ? Comment
trouves-tu des solutions ?
Maintenant, c’est le moment de prendre des notes. Ressens-tu ce pas
physiquement ? Émotionnellement ? Ou bien la solution ne se produit-elle
guère que dans ta tête ? Interroge-toi et, si tu en as l’opportunité, demande
conseil à un cheval. Peut-être a-t-il une autre réponse que celle que tu aurais
attendue.

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Étape huit
L’échec
Les origines du voyage du héros remontent à l’époque où le ressenti humain était
aligné sur les rythmes de la Nature. L’échec, le renoncement, l’accident, la mort, la
blessure n’étaient pas associés à un système d’évaluation personnelle comme dans
notre culture actuelle. En tant que membres d’une société individualiste basée sur la
performance, nous ressentons l’échec comme une culpabilité personnelle, suivie
d’un sentiment de honte particulièrement désagréable. Échouer déclenche en nous la
peur d’être expulsés, apatrides, solitaires et abandonnés.
Un jour, où j’étais avec un groupe d’amis africains à Niamey, la capitale du
Niger, un pays semi-désertique, l’un d’entre eux avait ramené une girafe en bois
sculpté, une œuvre d’art « ratée », qui ne manqua pas d’attirer nos sarcasmes.
L’expression de l’animal était si ridicule que nous avons passé la soirée à en rire
méchamment. Nos qualificatifs étaient tous plus grossiers les uns que les autres.
Éléphant rachitique pétomane, antilope obèse avec le nez qui coule, nous éclations
de rire. Le but n’était pas d’insulter le créateur, mais de nous libérer de notre propre
peur d’échouer. La girafe représentait l’ensemble de nos cruels échecs personnels.
Nous avons ri jusqu’à ne plus nous intéresser à la girafe et à être libérés de nos
peurs. Tu connais certainement Assurancetourix, le barde qui chante faux dans la
bande dessinée Astérix. Ses chants sont affreux, personne dans le village ne l’aime,
mais tous ont besoin de lui pour pouvoir faire meilleure figure.
Réussir engendre une telle pression que nous supprimons de notre conscient la
peur de l’échec.
Cette dernière envahit nos rêves et nos moments silencieux, tel un animal affamé
d’attention.
Échec et défaillance ne sont pas menaçants en soi, c’est davantage le fait de les
craindre. Pourtant ils existent depuis toujours. La Nature aussi échoue et
dysfonctionne : elle produit des arbres estropiés, des animaux aveugles et des
catastrophes. Il ne viendrait à l’idée de personne de reprocher à la Nature sa
défaillance.
Nous évaluons notre échec en fonction d’un comportement précis et d’une cible
prédéfinie. Et si cette cible n’était pas pertinente ? Et si, en se référant à une autre
unité de mesure, notre échec se transformait en réussite ? Le cavalier qui échoue
avec son cheval dans une compétition de dressage à laquelle il s’est préparé pendant
de longs mois, peut réaliser que son cheval n’était pas qualifié pour ce niveau de
dressage. Il se donne alors l’opportunité de s’épanouir, plus tard, dans un manège
sans public, en fusionnant avec son cheval dans une union parfaite, lors d’une
séance en toute liberté.
La grande spécificité du voyage du héros, la raison pour laquelle sa profondeur
n’est pas seulement psychologique, mais aussi mythique se révèle dans les deux
étapes suivantes : l’étape huit L’échec et l’étape neuf La catastrophe. Sans ces deux
étapes, pas de voyage du héros. L’héroïne part avec un but. Mais au fur et à mesure,
le but lui-même est remis en cause. Si l’héroïne persistait à poursuivre son but et
l’atteignait, rien n’aurait changé pour elle. Atteindre notre but est pourtant ce que
nous nous souhaitons tous et ce que nous promettent tous ceux qui prodiguent des
conseils censés mener infailliblement à la réussite.

79
Et pourtant… premièrement, cela ne correspond pas à notre vécu et
deuxièmement, nous n’en sortons pas grandis. Nous ne sommes pas réellement
créatifs. Nous exécutons seulement des schémas. Des parties entières de nous-
mêmes restent inaccessibles. Nos émotions sont sans saveurs, la sensation de notre
corps reste périphérique, notre spiritualité dort du sommeil de la Belle au bois
dormant, entourée de buissons épineux.
Quand nous échouons et n’atteignons pas notre but, des questions se posent alors
et nous commençons à inventer. Beaucoup d’inventions sont nées de l’échec, de la
misère et d’essais manqués. Le chemin de l’être humain est un chemin de
l’apprentissage par l’expérience. Qu’est-ce que l’expérience sinon un jeu d’échecs
et de réussites ?
Comment apprendre à se connaître soi-même, si nous ne savons pas, comment,
où, pourquoi et quand nous échouons ?
Lorsque je donne la longe à une héroïne inexpérimentée qui, de surcroît, a une
peur bleue des chevaux et que je l’invite à mener le cheval, sa peur de l’échec atteint
bien sûr son paroxysme.
L’échec se montre instantanément et ostensiblement, quand le cheval s’oppose à
la volonté d’être mené. Dans cette situation, l’héroïne peut, comme dans un
protocole expérimental, faire l’expérience de sa façon de gérer sa peur de l’échec.
Se fige-t-elle ? Se fâche-t-elle ? Réagit-elle avec frustration ? Tombe-t-elle dans un
activisme absurde ?
La question cruciale étant : perçoit-elle sa peur, son incertitude ? Si je pose cette
question et que la personne me répond que tout va bien et qu’elle n’éprouve aucune
peur, je vois généralement un cheval qui s’énerve de plus en plus, une situation qui
s’aggrave. Je vois une héroïne qui s’expose au danger sans en prendre conscience.
Ce n’est pas la peur qui est menaçante, mais notre façon de la traiter. Que les
chevaux reflètent notre peur est une lapalissade. Élève en équitation, on nous
encourage à rester décontracté et calme, quand nous nous approchons d’un cheval.
Nous devons cacher notre peur. C’est impossible. Contrairement à l’homme civilisé
déformé, le cheval perçoit la peur à un niveau physique extrêmement subtil, peu
importe qu’elle nous soit consciente ou pas. Ainsi, si nous ne réussissons pas à être
effectivement totalement calmes, le cheval saisira notre peur.
Être délibérément calme est exactement le contraire d’être véritablement calme.
Dans le premier cas, nous sommes guidés par notre volonté, dans l’autre, tout notre
être respire le calme. Un objectif exigeant, mais les chevaux n’en demandent pas
moins. Pas seulement les chevaux d’ailleurs, mais les gens aussi. Comme les
chevaux, les êtres humains saisissent nos signaux non verbaux.
Être délibérément calme signifie que nous réprimons la peur, et c’est exactement
ce qui inquiète le cheval. Il ne peut pas faire confiance à un guide qui n’est pas
conscient de son chaos intérieur. Que fera ce paquet de chaos quand quelque chose
d’important arrivera ? Certainement rien de bon.
Avec le pilotage compulsif de nos émotions, nous nous rendons fous. Nous
devenons esclaves de schémas émotionnels appris. Un jour ou l’autre, la marmite
explose, quelque chose en nous dit stop.
Reconnaître notre peur est ce dont il s’agit dans cette étape du voyage du héros.
Nous avons le droit d’échouer ou de nous tromper, de respirer un bon coup et de

80
continuer. Le véritable échec ne prend pas de temps. Ce qui prend du temps, c’est de
tenter de le refouler.
Quand nous reconnaissons notre peur, notre échec, nous créons de l’espoir à
l’inspiration suivante. Nos sentiments sont à nouveau fluides. La plupart du temps,
nous ressentons alors un sentiment de joie, de réussite ! Notre cheval, notre vis-à-vis
humain, nous-mêmes, nous faisons à nouveau confiance.
Dans l’apprentissage par l’expérience assistée par le cheval, le point de rupture
vers la réussite apparaît au moment où l’héroïne dit : « Je suis terrifiée, je n’y arrive
pas, le cheval est trop grand, trop sauvage, trop … » Elle cesse de s’opposer à la
peur et instantanément, le cheval cesse de s’opposer à elle.
Si le cheval réagit nerveusement à une personne et qu’il est impossible que sa
nervosité provienne d’une autre source (environnement inconnu, manque
d’exercice, une corde trop courte, etc.), le cheval nous dit : tu n’es pas centré, tu
n’es pas conscient.
Klaus Ferdinand Hempfling évoque dans ses livres le fait que seule une
personnalité mûre peut avoir un contact harmonieux avec un cheval. Que le
chevalier était un cavalier qui est passé par l’école du cheval où il a forgé sa
personnalité. Inutile d’être bouddhistes zen, illuminés ou chamanes équins pour
savourer l’union avec un cheval. L’union n’est rien d’autre que le moment où nous
nous percevons nous-mêmes et où le cheval nous répond avec confiance et
affection. Cet instant n’est pas plus significatif que celui où, allongée dans mon
jardin, je me chauffe au soleil, un beau rêve me survolant. Le cheval me suit dans le
fleuve.
Quand nous cultivons cette attitude, celle-ci se transpose dans notre vie, dans nos
relations, dans nos arts équestres ; pas après pas, véritablement, nous devenons plus
conscients. Être homme ou femme de cheval n’est pas un état statique. Il n’existe
pas de but à atteindre qui marque la fin du voyage. C’est l’état d’être vivant, l’état
du changement perpétuel. Nous atteignons le véritable succès, quand nous nous
enfonçons plus profondément dans le fleuve de la vie.
Une mise en garde s’impose maintenant. L’union que je décris ne signifie pas que
cet état de conscience te fera devenir un parfait cavalier ou entraîneur de chevaux. Il
y a beaucoup à apprendre sur les chevaux et sur l’équitation : des connaissances de
terrain et des connaissances pratiques. En aucun cas, tu ne dois t’approcher d’un
cheval que tu ne connais pas, croyant qu’il suffit d’être un peu conscient pour
l’avoir à tes pieds. Les chevaux sont dangereux, ils sont puissants, ils sont
imprévisibles, quand on n’a pas appris à les évaluer, quand on n’a pas appris
comment les manier.
Priorité donc à ta sécurité ! Cherche un cavalier expérimenté pour t’accompagner.
Tes capacités à évoluer avec les chevaux s’amélioreront, quand tu apprendras à être
plus conscient et quand, en même temps, tu apprendras ce qu’il y a à savoir faire, et
comment s’y exercer.
La pratique et la théorie sont tout aussi importantes que la conscience.
Finalement, tes capacités durement acquises s’épanouiront et tu rencontreras cette
chose unique dont Ray Hunt, la légende des horsemen américains, dit : « Toute la
technique ne signifie rien sans cette chose unique pour laquelle il n’y a pas de
mots. »

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MAINTENANT J’AIMERAIS TE DEMANDER
D’ALLER PLUS LOIN AVEC MOI DANS LA
SENSATION DE L’ÉCHEC.
Jusque-là, tu as reçu une base théorique. Le pas suivant est le ressenti. Va
aussi loin que tu peux. L’exercice ne consiste pas à te noyer dans la peur, mais
à la ressentir et à la reconnaître en conscience.
Comment ressens-tu la sensation de l’échec ?
Je te demande de prendre ton livre de travail et de chercher des exemples
dans ta vie pour lesquels tu as ressenti la sensation de l’échec. Notes-les et
ressens les sensations que te procure le fait d’échouer et de te tromper. Tu
peux aussi chercher des exemples, pour lesquels tu as ressenti cette sensation
par le biais de l’histoire d’autres personnes. Les journaux sont pleins
d’histoires d’échecs.

Les comédies se nourrissent de la peur d’échouer et leurs héros tombent toujours


plus profondément dans le chaos, le ridicule innommable, le tourbillon de l’échec.
Pourtant, je t’invite à ne pas immédiatement te détourner du sentiment d’échec par
le rire, mais de le tenir. Les émotions sont porteuses d’informations précieuses.
Elles représentent l’élément eau, où tout est mouvement. Ainsi, elles mettent au jour
des solutions qui viennent à notre esprit sous forme de connaissances, d’impulsions
au mouvement, voire sous forme de révélations.
Nettoyer ses sentiments ressemble au nettoyage de notre corps. Après, nous nous
sentons rafraîchis et en harmonie avec nous-mêmes. Nos chevaux peuvent nous
assister pour entreprendre un tel nettoyage, mais d’abord je t’invite à le faire pour
toi seule.
Maintenant, je vais aller un peu plus loin dans la peur d’échouer. Si tu le
souhaites, tu peux me suivre ou bien être observatrice. Il s’agit de la sensation que
j’éprouve face à la peur de l’échec, la tienne peut ressembler à tout autre chose.
L’émotion de l’échec :
Un sentiment de grande faiblesse. Un endroit, peuplé de gens faibles que j’aime
beaucoup. Je ressens maintenant de l’amour envers ces gens et je vois la lumière qui
les entoure. Je vois un homme qui souffre d’une maladie grave et je vois qu’il est
entouré d’une lumière rayonnante. Je ressens une grande tristesse de ne pas pouvoir
toujours voir cette lumière, de le percevoir comme faible, tout en sachant qu’il ne
l’est pas. Tout en sachant également, que je suis aussi faible que lui, que tous les
gens sont aussi faibles… et si rayonnants. Voilà mon échec. Je tremble, il fait froid à
cet endroit. Il fait froid à l’endroit de la vérité. Il me fait peur, l’endroit de la vérité.
J’y suis sans protection. Quand quelque chose d’extérieur, un projet extérieur
échoue, qu’on me critique durement, je me trouve à cet endroit de la faiblesse,
ensemble avec d’autres qui ont échoué. Je suis avec eux, je les aime, mais je perçois
cela encore comme un échec.
À cet endroit, je vois un autre homme atteint d’une maladie psychique. Sa
souffrance est grande, il ne trouve pas d’appui dans le monde. Il fait de fréquents
séjours en clinique et ne peut pas trouver de travail, il est sujet à beaucoup
d’attaques, ses amis se moquent de lui. Je veux le voir plus clairement, je demande

82
une image plus nette. Je vois un récipient dans ses mains et j’y vois le berceau du
monde, un récipient d’où tout est né. Il le tient dans ses mains. Je vois une grande
sagesse. Je ressens un amour profond envers lui, qui tient le monde dans ses mains.
Je vois mon cheval, l’expression vulnérable dans les yeux de la jument. Elle vit
dans cette vulnérabilité mais n’en souffre pas. Sa vulnérabilité m’enseigne que ceci
est l’endroit de l’amour.
Je me sens faible, je tremble, j’ai très froid. Si je veux rester à cet endroit de
l’amour, je dois renoncer à beaucoup de choses. J’échouerai aux yeux du monde. Et
qui sont les yeux du monde ? Mes yeux ?
Je pense à un homme qui est très en colère. On a muselé et coupé sa force. Il
porte le poids du monde sur ses épaules. Il est tellement puissant, et pourtant on le
craint. On lui jette des pierres, non pas parce qu’il est faible, mais parce qu’il est
trop fort. Je pense à Merlin, l’étalon indomptable de Linda Kohanov, à propos
duquel Yvonne Monahan écrit : « Le roi apparaît, nous nous inclinons devant sa
splendeur, son pouvoir, son éclat. Mais il a peu de pitié pour ceux qui ne
reconnaissent pas sa grandeur. Il sait seulement que ceux qui vont essayer de le
contraindre seront humiliés. »
Ceci est une autre forme d’échec : le refus de reconnaître ma grandeur et la
grandeur des autres. Derrière la peur d’échouer se trouve la peur de voir la véritable
grandeur.
Je commence par échouer à des tâches extérieures, mais en y regardant de plus
près, c’est face à ma propre vérité que j’échoue. Cet échec est amer et triste. C’est
de l’amour que j’ai refusé. Le plus grand miracle que j’ai pu vivre est que, malgré
tout, cet amour revient à moi. Que l’amour est toujours là. Qu’il n’y a pas d’échec
réel, pas de défaillance réelle.

JE T’INVITE À CHOISIR UN ÉVÉNEMENT OU


UNE RELATION DE TA VIE, DANS LAQUELLE
TU AS ÉCHOUÉ
et de faire le voyage dans le cœur de ton échec. Mon voyage n’était qu’un
exemple. Libère-t’en. Tu éprouveras peut-être quelque chose de complètement
différent. Reste avec toi et tes sentiments et note ce que tu ressens, sans y
réfléchir. Ne relis pas encore. N’essaye pas de corriger. Laisse tes notes, telles
qu’elles sont.

Les chevaux sont doux et nous aussi. Mais il y a un cocon autour de nous, si
impénétrable que nous ne percevons plus notre douceur. Nous nous réfugions auprès
des chevaux pour nous le rappeler.
Je veux être aussi douce que les chevaux, libérée des désirs qui me rapetissent,
libérée de l’ambition, du besoin de me mettre en valeur. Je veux être belle, parfaite.
Non pas parce que je veux exhiber l’argent, la gloire, des titres et des honneurs,
mais parce que je le suis de toute façon.
Je suis devenue allergique à la course au succès et à la grandeur. Que ce soit moi
qu’elle taraude ou bien les autres, d’ailleurs. J’ai la peau fine, je me tiens à l’écart de
cette énergie. Je suis injuste, mais dans cette phase, une telle rigueur s’impose. Un
jour, une deuxième peau repoussera moins rigide, plus perméable. Jusqu’à ce jour,

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je dois me protéger. Je me dois de faire attention à ce que la « vieille peau dure » ne
refasse pas surface.
Je dois me tenir à l’écart de ce qui déclenche d’anciens réflexes en moi, comme
un alcoolique pour lequel un verre de vin représente un danger. Mes « canaux de
perception » sont tellement ouverts que j’absorbe tout. J’ai du mal à discerner ce qui
est bien pour moi et ce qui ne l’est pas. J’ai arrêté de juger. Je suis brute et
saisissable. Je rame à travers le brouillard et je n’ai pas de boussole. Seul un vague
pressentiment et quelques prises de conscience. Tout est en jeu.
Je ne sais pas combien de temps le processus durera, si je le surmonte ou
l’interromps prématurément, si je peux maintenir ma vie quotidienne en l’état ou si
je cours à la catastrophe. De temps en temps, je rechute dans le besoin de tout
contrôler, de dominer ma vie et moi-même.
Je ne peux plus écouter certains types de musique, ni lire certains livres, regarder
certains films, ni supporter la présence de certaines personnes. Je cherche la
proximité de celles qui sont faibles. Leur montrer mon amour m’enthousiasme au
plus haut point.
Mais je ne suis pas seulement faible. En même temps, je suis forte. J’éprouve le
bonheur comme jamais auparavant. Je suis inspirée. Je m’émerveille, je ris, je fais la
fête. Je cherche la proximité de gens qui sont forts, en contact avec leur véritable
puissance. La vraie faiblesse et la vraie force nous démontrent clairement que la
mission de notre vie consiste à nous libérer des contraintes extérieures et de nous
éveiller à notre Moi-Équin doux et fort. Les défaites sont une porte vers l’amour.
J’aspire à une culture de la vulnérabilité. Nous ne devons pas essayer de l’éviter à
tout prix. Car la vulnérabilité est l’essence du développement, de la créativité et de
l’amour. Sans elle nous sommes condamnés à l’arrêt.
Je souhaite une culture de la force, une culture du vrai pouvoir, de la puissance et
de la beauté.
Les chevaux incarnent les deux : la force et la vulnérabilité. Dans leur peur face à
un bout de plastique virevoltant, nous retrouvons la nôtre, face aux impondérables
du quotidien. Dans leur attitude fière avec leurs congénères, nous retrouvons notre
propre beauté, notre fierté, nos moments de triomphe.
Nous avons appris que nous devons dominer les chevaux. Tout comme les
chevaux qui organisent leur communauté de façon hiérarchique, nous devons être
l’animal de tête pour gagner leur confi ance.
Que signifie dominer ?
Nous apprenons que la majorité des problèmes entre le cavalier et le cheval
trouve son origine dans des rapports de force non résolus. On nous transmet que
nous échouons, car nous ne possédons pas assez de force pour mener. Concernant
notre échec dans le monde des êtres humains, on nous transmet la même chose : pas
assez de mordant, pas assez d’affirmation de soi, pas assez d’ambition, de pouvoir.
Dans son livre Die Wahrheit über Pferdeflüsterer (La vérité sur les chuchoteurs),
traduit en anglais par The Horse breakers (Les casseurs de chevaux) Clive
Richardson a rassemblé des exemples illustrant comment les gens ont soumis les
chevaux. Cordes autour des membres et du ventre pour les jeter à terre. Les chevaux
étaient rendus dociles par une immobilisation pendant des jours. Une camisole de
force pour chevaux a même été inventée : une sangle en cuir attachée sous le ventre,

84
autour des jambes antérieures et postérieures.
Un cheval soumis, dont la volonté est brisée, ne peut développer aucune
confiance en l’homme. Il reste récalcitrant, souvent il en vient à mordre, devient
méchant ou il s’exécute sans entrain et doit être sollicité sans arrêt. Il se blesse et
tombe malade. Tout comme un être humain exposé à l’oppression et à l’abus de
pouvoir.
Il ne peut pas s’agir d’une telle forme de domination. Mais que sous-entendons-
nous par dominer ?
« Sa longue expérience lui permettait de prévoir le comportement du cheval dans
les moments critiques sur une simple tension musculaire et ainsi d’éviter un coup »,
écrit l’auteur en mentionnant la méthode de John Rarey, dompteur de chevaux
anglais de la fin du XIXe siècle. Ce dernier possédait un don de vigilance
remarquable. Il était en relation si intime avec les chevaux, que leurs tensions
corporelles se transmettaient à son propre corps, sans passer par le mental. Il est
impossible pour un être humain de dominer physiquement un cheval, tout
simplement parce qu’il pèse davantage et possède dix fois plus de force musculaire.
La domination doit être transposée. La volonté seule ne suffit pas.
Le cheval ne s’intéresse pas à ma volonté de le mener, mais à ma capacité à le
faire. Je peux le guider si je possède à la fois conscience et fermeté. Si ma volonté et
mon être sont unis, alors il en sera de même pour mon cheval.
Cela me rappelle une récente discussion avec un ancien médecin-chef en
psychiatrie. Il m’avoua, à propos de son travail avec des patients psychotiques
facilement irritables : « Mon outil thérapeutique était mon propre corps. Je savais
quand un patient perdait le contrôle de lui-même et quand je devais changer ma
stratégie thérapeutique. Je le sentais par un tiraillement dans le dos. »
Une psychothérapeute me racontait qu’une patiente emmenait toujours son chien
en séance. « Je savais que la thérapie avait été efficace, quand cet animal posait sa
tête sur les genoux de sa patiente. Son chien ne se trompait pas. »
C’est le niveau où nous gagnons la confiance des chevaux. Dans une harde de
chevaux, ce sont le plus souvent les vieilles juments expérimentées qui sont les
animaux de tête. Des animaux pour lesquels il n’est pas question d’exhiber leur
pouvoir, mais d’être en harmonie et en sécurité dans leur harde.
Quand nous voulons diriger les chevaux, nous devons nous mettre à leur place,
entrer dans un échange avec eux. C’est ainsi que nous entrons dans le fleuve du
mouvement, des impulsions, de la joie, de la peur, de l’attention, de la fermeté.
C’est cela le secret de la domination.
C’est un grand et un petit art. Chaque être humain le maîtrise. Même s’il n’a
jamais eu affaire à des chevaux, il réussira la plupart du temps à établir cette
relation. Peu importe, s’il est fort ou faible, puissant ou fragile, homme ou femme.
C’est la communication entre les créatures que décrit Andreas Weber : « Depuis des
siècles, la science nous explique que notre joie vis-à-vis d’autres êtres vivants serait
une illusion sentimentale. Un tel point de vue ignore la capacité profonde de l’être
humain à ressentir. Aujourd’hui, les chercheurs découvrent que ce sont justement
les émotions qui conduisent aux questions essentielles des sciences de la Nature. Le
message est bien sûr si radical que, jusqu’à présent, il n’a pas toujours été compris.
Il ne signifie rien d’autre, que le monde n’est pas un endroit inconnu… Nous le

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partageons avec d’autres organismes, innombrables, pleins d’émotions, comme
nous. »

RETOURNE ENCORE UNE FOIS À L’ENDROIT


DE TON ÉCHEC ET VERS LES GENS QUI Y
DEMEURENT.
Quelle est ta relation avec ces gens ? Les domines-tu ? Te dominent-ils ? Ou
êtes-vous pareils ? À quoi est dû l’échec de tes relations ? Es-tu prisonnière du
cercle vicieux du jeu des soumissions ? Es-tu devenue dépendante de ta
relation comme d’une drogue ? Ou bien es-tu libre et forte ?
Quelle est ta relation avec ton cheval ? Avec les chevaux en général ? À
quoi est dû l’échec de tes relations avec les chevaux ? Évolues-tu dans un
cercle vicieux de domination et de résistance avec ton cheval ? Es-tu à la
recherche de résultats et ne trouves-tu que des échecs ? En quoi échoues-tu
vraiment ?
Peux-tu voir tes relations comme elles sont et les changer depuis ici ?
Peux-tu ressentir la force qui se trouve derrière ton échec ?

86
Étape neuf
La catastrophe
J’aimerais m’enfuir loin, très loin. Il semble qu’il n’y ait pas de place pour moi
dans ce monde. Je suis seule, personne ne me comprend, personne ne voit les choses
comme moi. Je pleure la créature maltraitée, à qui tant de peine a été infligée – et
quand j’ai le courage d’être honnête, je pleure sur moi-même. Les animaux n’ont
pas besoin de mes larmes. C’est encore une leçon qu’ils m’ont délivrée. Il ne me
reste même pas l’excuse de pleurer les pauvres chevaux, prétendument plus faibles.
Ces « faibles » rejettent obstinément ma pitié – de sorte qu’elle me retombe dessus.
C’est moi qui suis faible. Il est difficile de regarder cette vérité en face. J’ai vécu à
côté de ma faiblesse. Je ne sais pas combien de façons je connais pour dissimuler et
nier ma faiblesse. Le répertoire de ma souveraineté est impressionnant.
Maintenant que je suis en train de deviner ses intentions, je prends peur. Je ne
peux plus jouer à ces jeux, je ne peux plus porter ces masques. Il ne reste quasiment
plus rien de moi. Je peux à peine rester debout.
« Le cœur d’un être humain se durcit, quand il se détache de la Nature », dit le
chef Luther Standing Bar des Sioux Lakota. Je ressens cet « être dur » en moi. Tout
à coup, au milieu d’une phrase, je me tais, je m’interromps en plein geste. Comment
ai-je pu laisser cette dureté s’installer, m’entraîner, s’imposer à moi comme
modèle ?
Je vois les gens d’une façon différente. Je vois derrière la personnalité que la
civilisation a façonnée pour eux. Je vois les membres d’une tribu, les enfants de la
Nature qui vit toujours en eux. Je vois les blessures que la civilisation leur a
infligées. Je vois les masques grotesques qu’ils ont mis sur leur visage pour se
protéger. Je les comprends, je les aime comme des frères et des sœurs. Ils sont des
chevaux. Des membres de la harde.
« Les chevaux espèrent inlassablement que l’humanité se réveille », dit Kate
Solisti-Mattelon dans son livre Conversations with Horses (Conversations avec les
chevaux).
Le réveil est douloureux. Je me sens incapable de faire un pas, car j’ai perdu la
direction. Je frémis de peur face à l’inconnu, je suis pliée de douleur. La douleur, le
froid me forcent à rester dans mon corps. Le corps est le seul endroit sûr. La peur te
force à rester éveillée.
Comment puis-je continuer à fonctionner dans le monde ?
Il y a un grand STOP en moi !
« Malgré les nombreux prix de renom que j’ai reçus pour mon travail et la
sensation de surfer sur la vague, je ne pouvais pas ignorer ce vide grandissant et ce
sentiment que ma vie s’était déséquilibrée, écrit le photographe Tony Stromberg
dans la préface de son album photographique Spirit Horses. Du moment où j’ai
laissé plus de place au chuchotement sous la surface, mon besoin de reconnaissance
extérieure a disparu. »
J’ai soif de reconnaissance comme la plupart de mes contemporains. Il n’y en a
jamais assez : prix, augmentations de salaire, notes, coupures, louanges, flatteries.
Le fait d’être coupés de la Nature réveille-t-il en nous cette soif inextinguible ?
« Nous ne comprenons pas ce que veulent les blancs », disaient les indiens, en
voyant les blancs massacrer les bisons, délimiter la terre et la retourner pour y

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trouver de l’or.
Pendant que la glace fond, un grand manque de confiance surgit en moi. En tant
qu’artiste, je me suis considérée comme la personnification d’un ressenti collectif.
Je me rends compte maintenant à quel point ce collectif est sans fondement. Je dois
me sauver en rejoignant la rive pour ne pas sombrer avec lui. Je viens tout juste d’y
arriver. Une survivante !
Dans un cauchemar, je perds le contact avec mon groupe. Des chevaux
m’attendent. Maintenant, ce sont mes compagnons, mon pays.
Il y a une scène émouvante dans le documentaire Cloud de Ginger Kathrens qui a
observé des chevaux sauvages pendant de nombreuses années. L’étalon nommé
Cloud se bat contre son rival pour avoir sa propre harde, avec ses juments. Son
combat est vain jusqu’à ce qu’il remarque qu’une des juments est restée en retrait,
avec son tout jeune poulain, alors que la harde avance. Il les prend, elle et son
poulain, sous sa protection. Cloud a trouvé sa harde, non pas en ayant exercé une
forme de domination, mais bien par un acte de compassion.
« Par leur innocence et leur sagesse, par leur connexion à la terre et leurs rythmes
ancestraux, les animaux nous montrent un chemin qui mène à un pays qu’eux n’ont
jamais quitté », écrit Susan Chernak Mc Elroy dans Animals as Teachers and
Healers (Les animaux, maîtres et guérisseurs).
La catastrophe, dans le voyage du héros, est le moment où le héros perd tout. Il
n’a pas seulement échoué, mais il a abîmé son âme. Son ancien système de valeurs
s’écroule. Il y a des pertes, de vrais morts ou la mort de parties de soi-même. La
perte n’est pas seulement une peur, elle est réelle. Elle a des conséquences. Une
relation, un mariage s’est brisé. Un emploi a été supprimé, un cheval est mort. Nous
devons avancer à travers la douleur, la peur et l’insécurité.
Notre monde se révèle être une illusion, l’amant formidable un imposteur, le job
bien payé un cauchemar et l’associé est en faillite. Notre cheval, le chouchou
adorable, commence à nous désarçonner et à s’emballer. Que faire quand nous
avons perdu notre latin ?
Le chemin n’est pas terminé ; il nous faut traverser l’épreuve du feu ! Peu
importe notre succès, une crise nous attend un jour ou l’autre, une rupture, une
séparation. Nous pouvons combiner notre ancienne vie et la nouvelle pendant un
certain temps, mais un jour ou l’autre nous devons nous décider. Un jour ou l’autre
la vie en nous décide. Un jour ou l’autre nous nous réveillons.
La vie authentique demande des sacrifices. Nous ne sommes pas habitués à en
faire. Les sacrifices sont tabous dans notre culture où l’affirmation de soi domine.
Dans des civilisations anciennes, le sacrifice est considéré comme un honneur. Il
s’inscrit dans les rituels, comme une étape incontournable, et il apporte une force
nouvelle, la connexion avec les dieux. Quand nous suivons le désir de notre cœur,
nous arrivons à un point où un sacrifice est exigé de nous.

TE SOUVIENS-TU DU BUT QUE TU T’ES FIXÉ


DANS L’ÉTAPE QUATRE DU VOYAGE ?

L’as-tu atteint ? L’as-tu perdu de vue sur le chemin ? N’as-tu pas réussi à
l’atteindre ? Je t’invite à revoir tes notes et à te demander ce qu’il est advenu

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de ton but.

Mon but était de finir ce livre. Mon défi était de ne pas maîtriser le chemin pour
d’autres, mais d’être un maître pour moi-même. J’ai presque fini d’écrire le livre. Je
ne me prends pas pour autant pour une championne. Tout au plus, je suis sur le
chemin.

QUEL EST TON DÉFI ?


Quelle attitude, quel motif, quel mantra devrait t’accompagner sur ton
chemin ? Que s’est-il vraiment passé lors de ton voyage ? Y a-t-il un point
douloureux pour toi ? Un ombre par-dessus laquelle tu ne peux pas sauter ?

Quand nous suivons le désir de notre cœur, nous en arrivons à un point où rien ne
va plus. Nous ne pouvons plus rester dans une relation sans amour, ni suivre un
travail qui écrase notre âme. Nous ne pouvons plus enfermer notre cheval dans un
box. Nous nous séparons des amis, des employeurs, des idées commerciales et des
formations. Des logements, des villes, des pays, des associations, des clubs, des
loisirs, des membres de la famille et aussi des chevaux.
Et quand nous en avons terminé avec toute cette séparation, nous allons à l’écurie
ou vers la clôture d’un pré. Les chevaux sont toujours là. Parmi les chevaux, nous
sommes importants, reconnus et appréciés, non pas en tant que grands egos, mais en
tant qu’êtres qui sont bien là. Et nous n’avons jamais eu besoin de plus. Nous avons
dû faire des sacrifices pour enfin être plus près de nous-mêmes.
La catastrophe est le feu nettoyant.

TON EXERCICE : ALLUME UNE TORCHE.


Traverse ta vie. Trouve tout ce qui est desséché et facilement combustible.
Trouve toutes les confusions, tout ce qui est vague et bancal, tout ce qui est en
train de flétrir depuis longtemps. Brûle-le ! Attise le grand feu. Lances-y tes
offrandes pour la déesse.
Lorsque tu as terminé, rends-toi à l’écurie et fais quelque chose de simple
avec ton cheval. Quelque chose de TRÈS simple. Sans ambition, sans loucher
sur un but. Respire avec ton cheval. N’oublie jamais cet instant.

Qu’est-ce que l’art ? Qu’est-ce que l’écriture ? Que fais-je depuis vingt ans ? Que
fais-je avec mon prochain, mes enfants, avec moi-même ? Tony Stromberg, acteur à
succès du monde de la photographie publicitaire, écrit : « J’ai fini par quitter le
monde des fausses sécurités et de la culture d’entreprise pour embarquer sur le
chemin qui a nourri le monde du vivant et la spiritualité, plutôt que de le nier. » La
rencontre avec les chevaux et les valeurs perdues qu’ils incarnent éveillait en Tony
Stromberg « le vague espoir d’une nouvelle croyance que je pouvais faire quelque
chose que j’aimais et qui nourrissait mon âme. » N’est-ce pas un peu fou qu’un
homme, qui a eu toute sa vie un travail créatif, ait un tel ressenti ? Que la vraie

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créativité commence seulement maintenant pour lui ?
Anna Halprin, fondatrice de l’art-thérapie expressive, traversa une crise similaire
après avoir été atteinte d’un cancer.
« À cette époque, la danse moderne c’était de la danse sur des thèmes tels que la
mythologie grecque ou bien la musique et autres choses abstraites. Finalement, je ne
m’intéressais plus aux choses abstraites. Je commençais à explorer d’autres voies
pour danser sur des thèmes qui relevaient de la vie réelle – ma vie… tu dois exposer
ta vie à ce qui est… Cela peut être un vrai défi, sombre et désagréable. Mais la
disposition à utiliser des procédés artistiques pour dépasser les blocages, voilà
quelque chose de créatif. »

S’agit-il de créer où d’être ? Il y a deux ans, j’ai collé une affirmation sur le coin
supérieur de mon écran : Je suis un medium. Je vais maintenant enlever cette phrase.
Je suis un medium. Quand est-ce que je commence à être moi-même ? Je ne suis
plus une figure de pouvoir qui contrôle et qui contraint ou reçoit mollement et subit
– mes enfants, mon cheval, mon prochain, moi-même ? Perdre du pouvoir est un
des aspects de la catastrophe.
L’autre aspect est d’enfin reconnaître ma force. Cette catastrophe serait-elle la
pire ? « Notre plus grande crainte, dit la poète Marianne Williamson, n’est pas que
nous soyons insuffisants, faibles et médiocres, mais que notre puissance pulvérise
tous les records. »
Sommes-nous des héroïnes, plus que tout autre chose ? La catastrophe
consisterait-t-elle à nous empêcher d’être forts, d’aimer, de voir, d’établir des
relations ? À nous confronter à d’innombrables « mais » ? À attendre la permission
d’être créatifs et uniques ? À ne pas supporter que quelqu’un nous critique, nous
rejette ? À reprendre servilement notre vérité ? Pour rendre service à qui ?
Certainement pas à nous-mêmes ni aux autres, car les autres ne sont-ils pas des
poules mouillées comme nous ? Pourquoi les autres ont-ils besoin de nous, si ce
n’est pour progresser et dire : ici, à cet endroit, nous irons bien. Tel que les chevaux
nous le font toujours et inlassablement comprendre.
La grande catastrophe, à ce point du voyage du héros, est de savoir et d’avoir
expérimenté où habite notre cœur. Si nous ne pouvons pas vivre à cet endroit, nous
sommes des damnés.
Les amoureux qui ne sont pas aimés en retour, peuvent-ils malgré tout vivre à
l’endroit de leur amour ? Oui. Celui qui cherche et ne trouve pas, peut-il vivre à
l’endroit de sa recherche ? L’artiste qui ne trouve pas l’inspiration, peut-elle vivre à
l’endroit de sa déficience ? La cavalière à qui le cheval se refuse, peut-elle rester à
l’endroit de son impuissance ? La suicidaire qui ne trouve pas d’accès au monde,
peut-elle habiter l’endroit de sa solitude, sans en finir avec sa vie, jusqu’à ce que la
vie revienne ? Tous ces héros peuvent-ils endurer la vie sans fuir dans des illusions ?
Peuvent-ils supporter la douleur jusqu’à ce que quelque chose de nouveau naisse ?
Sur le chemin du retour vers l’Allemagne depuis le Centre Epona en Arizona, j’ai
fait une longue escale à Atlanta, un des aéroports les plus grands du monde où
atterrissent et décollent quotidiennement deux cent mille voyageurs. Quelqu’un a eu
l’idée d’installer un piano à queue au beau milieu du flot de ces milliers de
personnes. Un pianiste ébouriffé, d’un certain âge, jouait des improvisations de

90
Schumann. J’ai éclaté en sanglots. J’avais honte de mon manque de contrôle, mais
je ne vis personne me regarder de haut, comme je le craignais. Je vis plutôt que ces
gens ressentaient, comme moi, la peur, la douleur, la faiblesse et la beauté de la
musique. Le hall de l’aéroport reflétait une certaine image de la communauté
humaine. Des gens agités, angoissés, plongés dans leurs pensées, et dans leur centre
la beauté de leur âme, personnifiée par le jeu du musicien.
La vraie catastrophe consiste à ne pas pouvoir vivre nous-mêmes, empêchés par
quelque chose, et que ce quelque chose, que nous sommes, soit si difficile à trouver.
Nous en avons une représentation impressionnante dans le film Titanic, au moment
du naufrage, juste avant que le Titanic ne sombre dans la mer glacée. Lors du
naufrage, l’essence des passagers se révèle. Les uns dansent, les autres ramassent
des choses, le capitaine se fige.
Un traumatisme unique ou un long processus d’adaptation a déplacé l’accès à
notre noyau. Nous devons retourner vers cette jonction, vers cette source d’où jaillit
le béton qui se déverse dans notre vie. Allons chez les chevaux, demandons-leur
comment nous pouvons obtenir réparation.
Il n’y a pas de culpabilité, disent les chevaux. Ce pour quoi ou pour qui tu te sens
coupable est la porte d’accès à ta libération. Ta douleur est le pont vers l’amour. Ta
peur, ta rage sont tes sauveurs.
Tout un chacun dispose d’une porte, d’un pont, de sauveurs. Pour Shelley
Rosenberg, cavalière de dressage et manager du ranch du centre Epona, le chemin a
débuté lorsqu’elle avait deux ans, alors qu’elle fut abusée par son grand-père et
qu’elle ne supportait plus que la compagnie des chevaux. Elle a écrit un livre sur
son chemin qui finalement l’amena très près des chevaux, comme jamais elle
n’aurait pu l’imaginer. Avec ce livre, elle donne aux autres le courage de partager
leurs histoires. Pas celles de succès, mais des histoires d’authenticité.
Peu importe ce que tu fais, à quel point tu es bien et appliquée, combien tu
t’aimes, combien tu t’inquiètes et comment tu te bats, tu ne réussiras jamais à être
autre chose que toi-même.
C’est l’essence de la catastrophe. Tu n’en vaux pas la peine, tu ne le mérites pas.
Tu n’atteindras jamais la sagesse. Tu ne trouveras jamais comment établir des
relations avec les chevaux, tu n’entendras pas leur voix, leur amour, tu ne sentiras
pas leur douleur. Crois-tu à cela ?

CONNAIS-TU TOUTES CES PETITES PHRASES


ASSASSINES QUE TU AS PRONONCÉES À TON
ENCONTRE ?
Je ne suis pas…
Je ne serai jamais…
Je n’ai pas le droit de…
Je ne peux pas…
Je suis trop…
Je n’ai aucun droit à…
Jamais…
Complète ta liste. Note tout ce qui te vient à l’esprit, tout ce qui t’empêche
d’être toi-même, maintenant, à cet instant. Et puis rouspète un bon coup.

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Prononce une petite phrase assassine à ce tas de fumier. Fais ce qu’il te plaît et
puis défoule-toi. Désormais, c’est terminé, une fois pour toutes.

Que fais-tu quand quelqu’un veut te refiler de la camelote à un prix prohibitif ?


Tu renonces à l’achat.
Que fais-tu quand tu réalises que la marchandise que tu as achetée est abîmée ?
Tu réclames ton argent.
Que fais-tu quand l’amour que quelqu’un t’a promis se révèle n’être que du
vent ? Tu dis : adieu à tout jamais !
Les petites phrases assassines qui hantent ton esprit sont de la camelote que
quelqu’un t’a refilée. Tu peux les rendre. Tu n’es pas cela. Tu as le droit de vivre.
Même le droit d’être heureuse. Tu ne crois pas ? Aussi le droit d’être divine.
Le cheval sensible devient le guide de la harde, car il perçoit le danger plus tôt
que les autres. Pendant que les arrogants bronzent à la lumière de leur force, le
cheval vigilant appelle à la fuite. Ne laisse pas ce prédateur s’approcher
d’avantage !

QUELS SONT LES PRÉDATEURS QUI


MENACENT TA VIE ?

Demande à ton corps. Demande à ton cheval. Nomme le nom du prédateur et


ressens son énergie. L’animal sensible à ton côté te dira jusqu’où tu dois fuir.
Ni trop peu de pas, ni trop non plus. Les chevaux économisent leur énergie.
Mets-toi en sécurité.
Au milieu, dans la tempête, où sont tes panneaux indicateurs ? Peux-tu
garder ton sang froid et demander la direction à un connaisseur des lieux ?
Trouves-tu l’information qui te montre le chemin pour sortir de la tempête ?
Peux-tu ressentir que quelque chose bouge, même si de l’extérieur cela
ressemble à un arrêt ? Est-ce une partie de ton chemin de ne plus faire
certaines choses, avant que tu ne commences à faire quelque chose ?
Peux-tu trouver la vraie connexion à toi-même au milieu de la catastrophe ?
Trouves-tu la porte ? Est-ce la musique ? Est-ce être tranquillement avec ton
cheval ? Est-ce l’inquiétude pour une personne que tu aimes ? Ou est-ce autre
chose ?

Parfois, je rencontre des gens qui me plaignent d’avoir un cheval : un animal qui
demande tant de travail, de temps, d’argent. Souvent, c’est ce qui nous inquiète,
nous fatigue, nous laisse dans le désespoir qui en réalité nous ouvre la porte.
Seulement, nous ignorons que c’est dans la difficulté que nous trouvons notre
chemin.
Récemment, j’ai demandé à mon maréchal ferrant, s’il remarquait que la crise
économique incitait les gens à vendre leurs chevaux. Selon lui, ils préfèrent
renoncer à tout le reste. (Soixante-dix à quatre-vingts pour cent des propriétaires ont
des femmes). Avons-nous besoin de catastrophes, car elles ouvrent le chemin qui
mène à notre libération ?
Ma réponse est : Oui.

92
Étape dix
L’apothéose
A leap of faith (un acte de foi), disent les dramaturges Hollywoodiens, fait partie
de l’apothéose. Un saut dans l’aventure, une confiance aveugle. L’instant où
l’obscurité devient lumière. C’est l’apothéose du voyage du héros. C’est l’instant où
le démon se volatilise, car son nom a été prononcé. L’instant où nous lâchons.
Grand ou petit pas, ce n’est pas l’important.

Ingrid avait été invitée à présenter son travail avec les chevaux, basé sur le
Natural Horsemanship, à un nombre important de personnes intéressées. C’était sa
première intervention en public. Ingrid était nerveuse et réalisa rapidement que le
cheval qui lui avait été attribué, la jument Appaloosa Mariah, était impossible à
bouger et que sa prestation allait tourner à la catastrophe. Au lieu de faire semblant
de maîtriser la situation, elle se tourna vers l’auditoire et dit : « Je suis navrée, mais
le cheval n’est pas prêt et moi non plus. Je ne peux rien vous montrer. »
Ingrid se sentait misérable. À sa grande surprise, elle fut applaudie au lieu d’être
huée. Les spectateurs étaient impressionnés que l’on puisse oser accepter et
exprimer l’évidence, au lieu de faire semblant. Chacun d’eux connaissait ces
moments avec un cheval, tout comme le sentiment d’impuissance qui
l’accompagne. Les spectateurs comprenaient que là était en fait le message. La
jument qui n’arrêtait pas de se montrer hostile se tourna vers Ingrid et posa sa tête
sur son épaule.
L’apothéose est l’instant où le cheval vient vers nous, l’instant de la connexion.
Quand le cheval est là, il est là. Pas à moitié ou au quart, mais entièrement là. Au
début, nous nous en apercevons peut-être à peine. La différence est infime. Pourquoi
le cheval collabore-t-il tout à coup ? Pourquoi vient-il vers moi et me souffle-t-il
dans l’oreille ? On a peine à croire que cela ait un rapport avec soi. Nous
considérons que c’est un caprice de sa part. Et voilà qu’il disparaît de nouveau. Et
de nouveau, nous interprétons ces agissements, sans rapport de causes à effets avec
le nôtre. Pourtant le cheval s’approchait bien grâce à nous, et il s’éloignait aussi à
cause de nous.
La difficulté dans le maniement des chevaux réside dans leur perception trop fine
pour nos sens devenus insensibles. Nous n’entendons pas le message de la Nature,
car il se trouve à la limite de notre perceptibilité. Lorsque nous affinons notre
perceptibilité, un nouveau monde s’ouvre à nous.
Toute personne qui le vit en reste sans voix.
À l’apothéose du voyage du héros, tu attends peut-être quelque chose de
grandiose, un message qui transforme ta vie. Une formule magique ou un miracle.
Mais c’est quelque chose de silencieux, quelque chose d’à peine perceptible, qui se
produit.

QUE SE PASSE-T-IL DANS TA VIE À


L’INSTANT MÊME ?

Qu’est-ce qui te rend triste, impatiente, heureuse, excitée, fâchée, blessée ?


L’instant, l’émotion que tu ressens à cette seconde est ta porte. Peu importe

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comment tu te sens maintenant, ceci est ton point de départ. C’est ici que tu
trouves la réponse. Si tu ne la trouves pas ici, tu ne la trouveras nulle part
ailleurs.

Aujourd’hui, je lutte avec le sentiment que tout va trop lentement, que je ne peux
pas atteindre ni réaliser mes buts, mes rêves, ou satisfaire mes désirs aussi
rapidement que je le souhaiterais. Cela me rappelle une période douloureuse, quand
j’avais dix-sept ans et que j’étais malheureuse en amour. J’étais assise à la fenêtre
pendant des heures et j’attendais que le garçon que j’aimais apparaisse sur sa moto.
Il n’est pas venu et pourtant je ne pouvais pas m’empêcher d’attendre. À
l’apothéose. Durant ton cheminement, au lieu de rechercher la formule magique qui
te permette de réaliser tes rêves, je t’invite à accueillir dans ta vie l’instant de
l’attente, de l’expectative, du souhait et de l’espoir. Pendant que j’attendais cet
amour malheureux, j’ai connu l’essence de l’attente, une sagesse qui m’a
accompagnée toute ma vie.
Quand nous attendons, nous avons le sentiment que rien ne se passe. Nous ne
nous rendons pas compte qu’il se passe toujours quelque chose. C’est difficile à
croire pour nous qui vivons sous la pression constante du temps et du succès, que
l’attente soit ainsi un mouvement. Dans la Nature il existe beaucoup de moments
d’attente et de transition, pendant lesquels il ne se passe apparemment rien. Tout à
coup, une chenille devient papillon. Tout à coup, les arbres bourgeonnent. Nous, les
adeptes du bonheur instantané, essayons sans cesse d’éliminer l’attente de notre
existence. Ce faisant, nous lui en ôtons tout le sel.
La vie bouge, encore et toujours. Cesse de la fixer du regard. Si tu savais à quel
point ta vie est vivante, tu en tomberais à la renverse.
Maintenant, en quoi consiste l’apothéose dans le voyage du héros avec les
chevaux ?
Si nous vivions à une autre époque, je t’ensorcèlerais par une apothéose à l’allure
d’un grandiose feu d’artifice de sens et d’illuminations. Mais assez de tout cela.
Nous sommes cernés et harcelés par des apothéoses remarquables.
S’ouvrir aux chevaux se produit quand les chevaux nous croient. À chaque fois,
comme si c’était la première fois. À chaque instant, comme si c’était le premier
instant. Le plus dur dans l’art dramatique est de rester assis sur une chaise,
immobile, au point que toute une salle en retienne son souffle. Un art, comme le
maîtrise uniquement un acteur parfaitement authentique. C’est un art du lâcher
prise, de l’être dans le non-être.
La connexion aux chevaux est quelque chose d’invisible. L’apothéose dans le
voyage avec les chevaux est une anti-apothéose. C’est un va-et-vient silencieux
d’énergie. Une demande et une réponse. Une fusion. Une révélation, un oubli. Voilà
pourquoi nous sommes encore et toujours attirés vers l’écurie : quelque chose nous
dit qu’il ne s’agit que de cela. Que tout échec, toute catastrophe y aboutit.
L’attachement silencieux aux chevaux semble n’être rien, mais il est tout. Nous
parlons la langue de la Nature et la Nature nous répond.
Nous sommes devenus les membres d’une tribu. Nous avons trouvé l’accès à nos
ancêtres. Nous voyons le monde avec l’œil intérieur. Tout à coup, nous savons avec
certitude. Tout à coup, nous aimons pour toujours. Tout à coup, notre vie n’est plus

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un show. Tout à coup, nous sommes signifiants. Tout à coup, nous avons une
mission. Tout à coup, les décisions sont faciles. Tout à coup, nos blessures
guérissent. Tout à coup, nous atteignons nos buts.
Le voyage n’est pas terminé. Nous continuons à chaque inspiration, au-delà de
notre mort.
Je parle d’immortalité. Il est tout à fait remarquable de constater que nos ancêtres,
les celtes, se distinguaient par leur croyance en l’immortalité. Il est possible que
mon long travail sur les celtes m’ait conduite à considérer l’immortalité de tout être
vivant comme évidente et à l’inverse, la croyance que l’âme d’une personne
disparaît après sa mort comme complètement absurde.
Prends la liberté de croire en ce qui te semble juste, même si cela ne correspond
pas à ce que tu as appris sur la religion. Si nous n’avons pas de liberté en matière de
spiritualité, quelles véritables libertés avons-nous alors ?

EN QUOI CROIS-TU ?
Quelle est ta croyance très personnelle, celle qui ne vaut que pour toi ? La
croyance en l’immortalité de l’âme, en Dieu, le karma, la réincarnation, la
beauté, le fait que tu étais une déesse, une sorcière ou une prêtresse dans une
vie antérieure ? En l’Atlantide ou un cercle de sages qui t’a envoyée sur terre
avec une mission ? Es-tu une athée, une nihiliste, une existentialiste, ou bien
est-ce désagréable de croire en quelque chose qui porte un nom ? Tu es libre
de croire en tout ce qui te donne du courage et te conduit à l’accomplissement.
Note ta vision ou dessine-la ou alors cherche quelque chose dans la Nature qui
reflète ta croyance.

Alors que je travaillais à un livre sur les celtes, j’ai eu une vision qui me
transporta à cette époque. L’événement était si réel que j’avais l’impression d’être
arrivée à cette époque en empruntant un canal temporel, par voie directe ou tout du
moins par un champ de mémoire collective. Je pouvais parler aux gens de cette
époque, leur poser des questions. Les réponses étaient plus pertinentes que tout ce
que j’avais lu sur eux. Depuis, je sais que la vie est infinie et que nous sommes
connectés à nos ancêtres.
Deux ans après cette vision, je suis tombé face à face avec un bloc de pierre de
taille posé au beau milieu d’une place très fréquentée de la ville où nous avions
emménagé entretemps. (Je suis tombée sur un bloc de pierre de taille posé au beau
milieu d’une place très fréquentée de la ville où nous avions emménagé. Des
symboles celtes gravés dessus me sautèrent aux yeux. Entre autres, un personnage
avec un chapeau triangulaire que j’avais aperçu auparavant dans ma vision. Au dos
de la pierre était écrit : « De 400 ans avant Jésus Christ à 100 ans après Jésus Christ,
les celtes vivaient de part et d’autre de l’actuelle rue de Stuttgart ». Là où mon mari
et moi venions d’acheter une maison. Sans l’avoir aucunement prémédité, j’habite
aujourd’hui une terre, qui autrefois était celte.
J’aime à partager la croyance des celtes en l’immortalité. Je leur dois beaucoup
en matière de prise de conscience, d’amour et de compréhension. Inutile de dire que

95
les celtes étaient un grand peuple de cavaliers et que les chevaux imprègnent leur
mythologie et leur symbolique. Le livre porte sur la déesse des chevaux celte
Epona. La recherche pour ce livre m’a conduite au Centre Epona de Linda Kohanov
et dans une nouvelle vie, au cours de laquelle non seulement j’écris sur les celtes,
mais où je m’inspire aussi de leur vision du monde.
La croyance en l’immortalité contient un message d’une importance toute
particulière pour tous ceux qui sont persuadés ne pas avoir assez de temps pour
accomplir tout ce qu’ils comptent faire. Autant dire chacun d’entre nous.
Il n’y a jamais trop peu de temps, ai-je appris des celtes. Il n’y a jamais trop de
temps non plus. Chacun d’entre nous dispose exactement du temps dont il a besoin.
Parfois un progrès dans l’entraînement des chevaux se fait rapidement, parfois il
dure des mois. Le processus d’apprentissage des chevaux suit un rythme naturel ; il
suit leur capacité, leur croissance.
Lorsque nous apprenons à ne plus contrôler le temps et à percevoir le mouvement
dans l’immobilité, nous vivons une véritable apothéose. Elle peut être grande et
explosive comme un événement qui change la vie, ou petite comme un souffle dans
lequel nous surmontons notre état intérieur de séparation.
Je sais que cela demande beaucoup de résister à l’agitation intérieure, mais ce
n’est pas plus difficile que de supporter ce que l’on exige de nous vingt-quantre
heures sur vingt-quatre. Sois patiente avec toi-même. Beaucoup d’apothéoses
t’attendent.
« Sur mon chemin, pendant ma recherche infatigable, les chevaux m’ont enseigné
que tout être vivant se déplace indéfiniment. À chaque fois que j’ai senti une
avancée dans mon processus d’apprentissage, j’ouvrais la porte et mon cheval me
disait : enfin, il était temps. Je t’ai attendu. Quelques semaines plus tard, je vivais
une nouvelle avancée. J’ouvrais la porte et mon cheval était encore là. Jusqu’à
présent, je n’ai jamais trouvé de limite à part la mienne. » Dominique Barbier La
steppe s’ouvre à toutes les directions. Sur la colline, là où notre regard parcourt
librement la lande, nous inspirons l’odeur épicée des herbes. Les peuples de la
steppe, les Mongols, les Huns, ont mis de grands empires à genoux. Dès lors qu’ils
ont avancé dans la civilisation, ils ont dépéri. Leurs chevaux ne trouvaient plus de
nourriture. Leur courage naturel diminuait au point de ne plus chercher qu’à se
divertir.

PEUX-TU TROUVER LA STEPPE EN TOI ?


L’endroit du courage ? L’endroit où ta vision n’est pas altérée et d’où tu peux
avoir une vue d’ensemble sur le tout ? Ce point de vue surélevé depuis lequel
tu trouves la connaissance, la sécurité, la sagesse ? Que vois-tu là-bas ?

Il est fort plaisant d’être le témoin de la transformation des personnes, à travers


un processus créatif, à travers la rencontre avec les chevaux, même si le voyage se
passe mal, même si un cheval tombe malade ou meurt, même si une personne doit
subir l’épreuve du feu. Lorsque Christina s’est rendue la première fois dans le
Wyoming pour passer ses vacances dans un ranch, elle est tombée amoureuse du

96
silence de la prairie. Il lui a pourtant semblé impossible de rester vivre là-bas à long
terme. Elle avait deux chevaux à charge et un travail. Aujourd’hui, Christina passe
la majeure partie de l’année là-bas, et travaille au ranch. Son ancienne entreprise a
accepté qu’elle poursuive son activité en Suisse seulement pendant les mois d’hiver
durant lesquels elle a trouvé une personne charmante pour s’occuper de ses
chevaux. Tout s’enchaîne positivement quand le désir est assez fort. Christina a
trouvé son bonheur.
La réalisation des rêves apparemment inaccessibles est aujourd’hui devenue plus
probable, depuis que le monde entier s’est mis à bouger. Même le vieux rêve des
êtres humains de ne faire qu’un avec les chevaux progresse. Si cela n’est pas une
apothéose…

97
Étape onze
Épilogue
L’héroïne est visiblement transformée, elle a personnellement mûri, a intégré ses
faiblesses dans une personnalité parachevée. C’est la définition de la dernière étape
du voyage du héros.

OÙ ES-TU ARRIVÉE À LA FIN


DE TON VOYAGE ?

Te souviens-tu de tes débuts ? Ta faiblesse ? Ta force ? Comment ces deux


qualités se sont-elles développées ? Comment ont-elles façonné ton chemin ?
As-tu pu combiner ces deux qualités et les intégrer à ta personnalité ? Peux-
tu voir la faiblesse dans ta force et la force dans ta faiblesse ? Peux-tu voir
comment les deux font partie d’un même tout ? As-tu trouvé ton centre ? Ton
nom ? Cherche-toi une image ou un objet qui représente la fin de ton voyage.
Un cadeau pour les adieux.

Où en suis-je arrivée avec ma force de voir l’essentiel et ma faiblesse d’absorber


trop de choses non filtrées ? C’en est devenu un livre qui oscille entre ordre et
désordre ou qui les fond l’un dans l’autre.
Avant tout, c’est un livre personnel. Dans ma longue carrière d’auteur, je n’ai
jamais écrit sur moi-même. J’ai brisé ce tabou. Et pas parce que je me sens si
formidable et importante. Quelque chose d’autre s’est produit. Lynne Silver,
praticienne en méditation au Texas, une de nos instructrices au Centre Epona, décrit
le phénomène ainsi : « Ici, il s’agit d’une autre sorte de créativité. Tu n’es pas celle
qui arrive à faire quelque chose de créatif, mais c’est toi qui es recréée. »

À QUEL ENDROIT ES-TU ARRIVÉE,


où tu n’as encore jamais été ? Quel tabou, quel interdit intérieur as-tu
surmonté ?

La dernière étape dans les films est parfois un commentaire ironique, comme
dans Pretty Woman, où un passant dit : « Ici, c’est Hollywood. Ici les rêves se
réalisent. »
Dans l’avant-dernière étape « l’apothéose », nous sommes sur la colline et nous
voyons le clocher de l’église d’en haut, sa structure, son agencement, son modèle.
Nous percevons comme tout est lié et s’organise pour former une grande image.
Dans la dernière étape, nous faisons nos adieux. L’image devient un souvenir, elle
se fige en un symbole polysémique, une maxime, un cliché instantané.
Je me souviens de ma peur d’être une marginale. La peur existe toujours. Elle a
même grandi, car je m’expose totalement avec ce livre. Mais si j’y regarde de plus
près, cela ne m’effraie pas vraiment, car maintenant je sais que je ne suis plus seule.
Il n’est pas seulement question de rencontres avec nombre de personnes qui
éprouvent les mêmes émotions que moi – j’ai des animaux à mes côtés. Un rêve a
symbolisé ma confiance nouvelle, des images que je me rappelle quand la peur

98
revient : je suis assise sur un banc public dans le parc d’une grande ville où passe
beaucoup de monde et je dors comme un enfant innocent.
À cette occasion de l’épilogue, j’aimerais te donner quelques informations
supplémentaires pour ton cheminement sur la communication intuitive avec les
animaux, sur la façon d’apprendre à parler avec eux. Chaque être humain est
intuitif. Cela fait partie de son équipement de survie. Chaque être humain a des
rêves, des intuitions, des pressentiments, des visions. Chaque être humain peut
ressentir ce que ressent un autre être. Un nourrisson maîtrise toute la gamme
émotionnelle, sans l’avoir jamais apprise de quiconque. C’est ce qu’ont prouvé les
travaux des chercheurs américains sur la cognition, Andrew Meltzoff et Keith
Moore au milieu des années quatre-vingt-dix. Nous n’avons pas besoin d’autres
capacités que celles qui nous ont été données, alors que nous n’étions encore que
des nourrissons.
« Les nourrissons savent apparemment que le corps maternel porte les mêmes
aptitudes à ressentir profondément » écrit Andreas Weber sur les tentatives des
nourrissons à communiquer avec leur entourage.
Il en est de même pour la communication intuitive avec les animaux.
Nous n’avons pas besoin d’apprendre la communication intuitive avec les
animaux. Nous devons seulement détruire les blocages qui nous empêchent
d’écouter, de voir et de ressentir, ce que de toute façon nous percevons. Les
animaux nous parlent à travers des voies intuitives, chacun à sa manière. Certains
entendent des mots, d’autres voient des images, captent des odeurs, des couleurs,
des sons, de la musique ou des tensions dans leur corps.
Dans tous les ateliers au cours desquels j’ai fait pratiquer des exercices sur
l’intuition, je n’ai jamais vu personne incapable de recevoir ces messages subtils.
Cette capacité s’affûte par des exercices. La concentration étant l’une des
conditions. Chacun possède ses propres rituels. Un rituel pour affûter sa perception
peut être aussi simple que d’écouter le bruit d’une épingle tombant sur le sol.

PRENDS UNE FEUILLE DE PAPIER, DESSINE


QUELQUE CHOSE QUI TE VIENT À L’ESPRIT ET
CONTEMPLE LE DESSIN.
Si tu te concentres dessus pendant un moment, il commencera à te parler. Si tu
demandes à un animal de t’aider à lire le dessin, tu recevras des informations
intéressantes. Voilà un exemple parmi tant d’autres. Trouve tes propres
exercices, tes propres voies. Sois attentive à tes rêves.

Petit à petit, les animaux t’ouvriront l’accès à cette autre réalité. Cela deviendra
de plus en plus facile par la suite. Les animaux te guideront. Ton Être authentique te
guidera.
Je repense au rêve que j’avais fait à propos de mes chats Momo et Mia, dans
lequel Mia était venue déposer à mes pieds la tête arrachée de Momo. J’avais fait ce
rêve dans la nuit qui avait suivi la folie meurtrière à l’école de Winnenden. La tête
et le corps sont séparés, voilà l’état psychique de notre société.
Il y a peu, ma fille de quatorze ans, Léa, a reçu un message de son cheval qui
avait un sens similaire. Carry your thoughts, cette phrase apparut tout à coup dans la

99
tête de Lea, quand elle ramenait la jument à l’écurie. « Porte tes pensées », donne-
leur un corps. La nuit suivante, elle rêva qu’elle était médecin et qu’elle trouvait le
bon traitement pour un patient. Chiron, le puissant archétype du guérisseur fit une
apparition dans l’expérience de Léa, ainsi que dans son rêve, comme s’il voulait lui
donner une importance particulière. Chiron, l’inventeur grec de l’art de la médecine,
est un être avec un torse d’homme et le corps d’un cheval. La guérison s’opère,
quand nous replaçons la tête sur le corps. Quand nous connectons notre tête
humaine au corps animal.

Nous avons besoin d’êtres humains complets, si nous voulons trouver des
solutions pour notre futur. La violente séparation de la tête et du corps est l’image
marquante qui finalement me saute aux yeux, si je prends un peu de hauteur.
« Toute ma vie, on m’a dit que mon sens intuitif, c’était de la folie ; toute ma vie,
on m’a dit que mon sens intuitif, c’était mauvais, me disait récemment une
participante du séminaire. Et qui dit mauvais, dit inutile. »
Je dédie ce livre à tous ceux qui ont le courage et le cœur de tirer parti de leur
potentiel intuitif et d’apporter une contribution importante à notre société. Sur le
chemin du nourrisson vers l’adulte, nous apprenons à nous séparer de nos têtes,
mais nous n’apprenons pas la guérison. Les animaux rappellent à notre bon souvenir
que nous avons un corps. Ils nous disent qu’il est divisé, comme mes chats dans ce
rêve. Les animaux nous le disent sans reproche, comme une simple constatation.
Avec le même naturel, ils nous offrent de beaux rêves, comme ce rêve récent dans
lequel je chevauchais avec ma jument, sans selle et sans filet, à travers un endroit
peuplé, ma tête sur mon corps, et mon corps ne faisant qu’un avec celui de mon
cheval.
Réunir la tête et le corps, c’est le rituel que de nombreuses personnes
accomplissent lorsqu’elles vont à l’écurie. Lorsqu’elles commencent, elles sont
séparées, lorsqu’elles reviennent, elles sont entières. Quelque chose se passe en
nous, quand nous entrons en relation avec ces animaux, avec leurs grands corps
communicants, leurs cœurs sensibles et leurs regards doux.
Nous sommes amoureux de la culture indienne du continent américain. Pouvons-
nous être aussi nos propres indiens ? Nous pouvons apprendre des Celtes, nos
ancêtres indiens, que cette conscience est également vivante dans notre histoire.
« Les Celtes s’expriment par de courtes phrases énigmatiques qui souvent ont un
double sens, l’un superficiel et l’autre qui en révèle la profondeur », rapporte le
poète grec Diodore. Les Celtes habitaient les deux mondes, celui d’ici et celui de
l’au-delà. Pouvons-nous retrouver leur conscience à notre époque ?
Il n’est pas facile de s’en souvenir, mais notre survie pourrait en dépendre.
Sors dans la vie, héroïne.
Vole sur les ailes des chevaux…

100
Consignes de sécurité
La façon d’évoluer avec des chevaux décrite dans ce livre est destinée à affûter
notre conscience pour entrer en communication avec eux qui sont naturellement
plus subtils.
L’ultime priorité, en revanche, est la sécurité de l’être humain et de l’animal en
présence des chevaux.
Je t’invite à ne pas faire d’expérimentations sans encadrement. La méthode n’est
pas magique et quand elle provoque apparemment des miracles, c’est par une
perception plus consciente, une relation plus authentique de l’être humain à lui-
même et à son cheval. Ce chemin consiste en beaucoup de petits pas, même si
parfois il y a des situations de rupture grandioses. Si tu es attentive, tu reconnaîtras
toi-même ce que ton cheval et toi vous vous sentez capables de faire ensemble. Si tu
te sens incertaine, si tu as un doute, demande de l’aide à quelqu’un qui a
l’expérience de la vie avec les chevaux.
Le cheval avec lequel tu travailles doit être suffisamment éduqué pour se sentir à
l’aise en présence de gens. Même détaché, il est équilibré.
Un cheval n’a pas besoin d’entraînement particulier pour être affecté aux stages
d’apprentissage par l’expérience assisté par le cheval, car ce mode de
communication intuitive lui est naturel. Par contre, il existe des chevaux qui
n’aiment pas ce genre d’interaction, des chevaux qui généralement n’aiment pas le
contact avec l’être humain. D’un autre côté, les chevaux peuvent aussi grandir à
travers ce travail, devenir plus sûrs d’eux-mêmes et plus vivants.
La condition pour une rencontre est un cadre protégé dans lequel ni la personne ni
le cheval ne se retrouve dans une situation difficile.

101
Cahier pratique pour effectuer
les onze étapes
du voyage du héros
Étape Une : Qui suis-je ?
• Qui suis-je, maintenant, aujourd’hui, à l’instant ? Réponds spontanément.
Note la réponse, jusqu’à ce que tu la ressentes physiquement.
• Quelle est ta force ? Trouve une réponse particulière, personnelle. Cherche à
ressentir en toi l’émotion qui lui correspond.
• Quelle est ton histoire avec les chevaux à ce jour ? Comment a-t-elle
commencé ? Où te conduit-elle ? Où en es-tu aujourd’hui ? Quelles
questions as-tu à poser aux chevaux et à toi-même ?
• Peux-tu décrire ta faiblesse ? Une faiblesse récurrente dans ta vie ? Une
faiblesse que tu as pu observer sur toi-même ces dernières semaines, ces
derniers mois ? Une faiblesse que tu ressens à cet instant ? Peux-tu
reconnaître un rapport entre les réponses, un sujet en commun ?



102
Étape Deux : L’appel à l’aventure
• Trouve deux ou trois événements dans ta vie qui représentent l’appel à
l’aventure et note-les. Demande-toi ce qui s’est développé par la suite. Quel
sens est apparu grâce aux évolutions consécutives à cet appel à l’aventure ?
• Y a-t-il un appel en rapport avec les chevaux ?
• Peux-tu observer l’appel à l’aventure dans la vie d’autres personnes ? Dans
des films et des romans ?



103
Étape Trois : La blessure
• La blessure est la clé qui ouvre la porte du cœur de la créature. N’accepte pas
le moindre soupçon de fausseté. Salue tes larmes. Sois gentille avec ta peur.
Choisis tes mots avec considération quand ils viennent de ton âme.
• Quelles blessures les chevaux t’ont-ils infligées ?
• Peux-tu reconnaître le message derrière tes blessures ? Vers quelle émotion
vraie t’ont-elles conduite ?
• Peux-tu te voir toi-même ? L’image complète ? Si tu veux, fais un dessin.
• As-tu ressenti le moment où le cheval s’est montré plein d’affection envers
toi, car tu étais entièrement toi ?



104
Étape Quatre : Le but
• Quel est ton but avec les chevaux ? Note la première chose qui te vient à
l’esprit.
• Quelle est ta relation avec les chevaux ? Quels rêves as-tu à leur égard ?
• Choisis un but. Sois claire et déterminée dans la définition de ton but.
• Tire une carte oracle ou ouvre une page au hasard d’un livre philosophique ou
spirituel. Que te dit la carte ou le texte au sujet du mantra ou du motif qui
t’accompagne pendant la réalisation de ton but ?
• Rédige un contrat avec toi-même qui contient ton but et ton mantra, avec date
et signature.



105
Étape Cinq : La connexion
• Repense à une relation qui t’est chère en ce moment. Quel sentiment éveille-
t-elle en toi ? Quel besoin ? Que te manque-t-il ? Qu’est-ce qui te rend
heureuse ? Mets-toi maintenant dans la peau de ton interlocuteur. Comment
se sent ton interlocuteur ? Quel besoin a ton interlocuteur ? Que manque-t-il
à ton interlocuteur ? Qu’est-ce qui le rend heureux ?
• Quelles histoires as-tu au sujet des chevaux ? Tu te retrouveras dans ces
histoires. Note l’histoire et trouve le message qui t’y est adressé.
• Rends-toi dans un rond de longe ou tout autre espace clôturé avec ton cheval.
Concentre-toi sur la relation qui actuellement est importante pour toi et
ressens la tension qu’elle crée dans ton corps. Puis demande une information
de cette partie de ton corps. Tourne-toi vers ton cheval et retourne dans ton
corps. Essaie d’entrer en contact avec ton cheval. Observe la réaction de ton
cheval. Observe comment tes sentiments se transforment et quelle est la
réaction du cheval face à cette transformation. Suis le processus jusqu’à ce
qu’il en soit arrivé à une fin. Tu le sauras en ressentant la tension se dissiper.
Note ce que tu as vécu.
• Essaie de refaire cette expérience du processus émotionnel deux autres fois
sur des sujets différents. Les deux expériences suivantes ne doivent pas
forcément porter sur un sujet relationnel. L’important étant que tu trouves la
connexion.



106
Étape Six : Le cœur de la créature
• As-tu trouvé l’endroit de la douceur en toi et eu une idée des conséquences
que cela peut avoir sur ta vie ?
• As-tu éprouvé à quel point tu es faible sans les rêves de pouvoir absolu de ton
ego ?
• As-tu fait l’expérience de ton cheval se penchant vers toi, quand tu es
profondément toi-même, quand tu ris ou pleures ?
• Y a-t-il une activité méditative que tu pratiques régulièrement et peux-tu y
reconnaître un développement ? Y a-t-il un point de rupture ?
• As-tu trouvé une force qui émane de toi tout en étant extérieure à toi ?
• As-tu trouvé ton propre cœur de la créature, indépendant du chemin des
autres ?
• Où es-tu arrivée dans ton voyage ? Qu’y as-tu trouvé ? Dans cette étape du
voyage du héros, c’est à toi de décider comment tu exprimes tes
expériences : par des mots, des images, des actions. Mais exprime-les pour
que tu puisses t’en souvenir.



107
Étape Sept : L’épreuve
• Crée un rituel pour te trouver un deuxième nom, ton Moi invisible, ou va
chez ton cheval lui demander.
• Regarde ta vie et note les épreuves dans lesquelles tu te trouves. Trouve une
importante situation « à prendre ou à laisser » qui englobe toute ta vie.
Trouve une petite situation « à prendre ou à laisser » dans ta vie quotidienne,
aujourd’hui.
• Comment ressens-tu le fait d’être en plein processus de décision qui attend
une solution ? Comment te comportes-tu quand tu te trouves dans une
épreuve ? Reconnais-tu un schéma dans ton comportement ?
• Comment trouves-tu des solutions dans une épreuve ? Quelles sont les
émotions, les sensations que tu éprouves, lorsque tu as la solution ? Est-ce
une vraie solution ou se produit-elle seulement dans ta tête ?
• Interroge-toi toi-même et, si tu en as l’opportunité, demande conseil à un
cheval. Peut-être a-t-il une réponse complètement différente.



108
Étape Huit : L’échec
• Je t’invite à chercher des exemples dans ta vie où tu as ressenti la sensation
d’échouer. Tu peux aussi chercher des exemples où tu as ressenti cette
sensation par le biais d’histoires d’autres personnes.
• Choisis un événement et fais un voyage au cœur de ton échec. Reste
connectée à toi-même et à tes émotions. Note ce que tu ressens, sans y
réfléchir. Ne relis pas encore. N’essaye pas de corriger. Laisse tes notes,
telles qu’elles sont.
• Retourne encore une fois à l’endroit de ton échec. Quelles personnes y
demeurent ? Quelle est ta relation avec ces personnes ? Les domines-tu ? Te
dominent-elles ? Ou êtes-vous pareils ?
• Quelle est ta relation avec ton cheval ? Avec les chevaux en général ? À quoi
est dû l’échec de tes relations avec les chevaux ? Peux-tu voir tes relations
telles qu’elles sont et les changer d’ici ? Peux-tu sentir la force qui se cache
derrière ton échec ?



109
Étape Neuf : La catastrophe
• Souviens-toi du but que tu t’es fixé dans l’étape quatre du voyage. Relis tes
notes et demande-toi ce qui est arrivé à ton but.
• Quel motif ou quel mantra devrait t’accompagner sur ton chemin ? Que s’est-
il vraiment passé dans ton voyage ?
• Y a-t-il un point douloureux pour toi ? Une ombre par-dessus laquelle tu ne
peux pas sauter ?
• Allume une torche. Et traverse ta vie. Trouve tout ce qui est desséché et
facilement combustible. Trouve toutes les confusions, tout ce qui est vague
et bancal, tout ce qui est en train de flétrir depuis longtemps. Et brûle-le !
Attise ce grand feu. Puis va à l’écurie et fais quelque chose de très simple
avec ton cheval.
• Note toutes les petites phrases assassines que tu t’es infligées.
Je ne suis pas…
Je ne serai jamais…
Je n’ai pas le droit de…
Je ne peux pas…
Je suis trop…
Je n’ai pas droit à …
Jamais…
Note tout ce qui t’empêche de suivre tes rêves tout de suite, maintenant, à
cet instant. Et puis rouspète. Prononce une petite phrase assassine à
l’encontre de ce tas de fumier.
• Quels sont les prédateurs qui menacent ta vie ? Demande à ton corps.
Demande à ton cheval. Dis le nom du prédateur et ressens son énergie.
L’animal sensible à tes côtés te dira jusqu’où tu dois fuir. Mets-toi à l’abri.
• Au milieu de la tempête, où sont tes panneaux indicateurs ? Peux-tu garder
ton sang froid et demander la direction à un connaisseur des lieux ? Trouves-
tu l’information qui te montre le chemin pour sortir de la tempête ?
• Peux-tu ressentir que quelque chose bouge, même si de l’extérieur cela donne
plutôt une impression d’immobilité ?
• Peux-tu trouver la vraie connexion avec toi-même au milieu de la
catastrophe ? Trouves-tu la porte ? Donne-lui un nom.



110
Étape Dix : L’apothéose
• Que se passe-t-il dans ta vie à l’instant même ? Qu’est-ce qui te rend triste,
impatiente, heureuse, excitée, fâchée, blessée ? L’émotion, que tu ressens à
cette seconde, est ta porte. Peu importe comment tu te sens maintenant, c’est
ton point de départ.
• En quoi crois-tu ? Quelle est ta croyance personnelle, celle qui ne vaut que
pour toi ? La croyance en l’immortalité de l’âme, en Dieu, le karma, la
réincarnation, la beauté ? Tu es libre de croire en tout ce qui te donne du
courage et te conduit à l’accomplissement. Note ta vision ou dessine-la.
• Peux-tu trouver la steppe en toi ? L’endroit du courage ? L’endroit où ta
vision n’est pas altérée et d’où tu peux avoir une vue d’ensemble sur le
tout ? Ce point de vue surélevé, depuis lequel tu trouves la connaissance, la
sécurité, la sagesse ? Que vois-tu là-bas ?



111
Étape onze : Épilogue
• Où es-tu arrivée à la fin de ton voyage ? Te souviens-tu de tes débuts ? Ta
faiblesse ? Ta force ? Comment ces deux qualités se sont-elles développées ?
Comment ont-elles façonné ton chemin ? As-tu pu combiner ces deux
qualités et les intégrer à ta personnalité ? Peux-tu voir la faiblesse dans ta
force et la force dans ta faiblesse ? Peux-tu voir, comment les deux font
partie d’un même tout ? As-tu trouvé ton centre ? Ton nom ? Cherche-toi
une image ou un objet qui représente la fin de ton voyage. Un cadeau pour
les adieux.
• À quel endroit es-tu arrivée, où tu n’as encore jamais été ? Quel tabou, quel
interdit intérieur as-tu surmontés ?
• Prends une feuille de papier, dessine quelque chose, qui te vient à l’esprit et
contemple le dessin. Si tu te concentres dessus pendant un moment, il
commencera à te parler. Si tu demandes à un animal de t’aider à lire le
dessin, tu recevras des informations intéressantes. Voilà un exemple parmi
tant d’autres. Trouve tes propres exercices, tes propres voies.
• Sors dans la vie, héroïne et connecte-toi.

112
Bibliographie
Elaine N. Aron : Ces gens qui ont peur d’avoir peur, Les Éditions de l’Homme,
2005
Ted Andrews : Comment rencontrer vos guides spirituels et travailler avec eux,
A. Labussière, 1997
Beate Bunzel-Dürlich : Medialität und Hellsichtigkeit, Windpferd Verlagsges,
2007
Joseph Campbell : Puissance du mythe, Éditions Oxus, 2009
Paolo Coelho : L’alchimiste, Éditions 84, 1996
Keith Cunningham : The Soul of Screenwriting, Continuum International
Publishing Group Ltd., 2008
Ram Dass : Journey of Awakening, Bantam USA, 1997
Stanislav Grof : Les nouvelles dimensions de la conscience, Éditions du Rocher,
1989
Stanislav et Christina Grof : À la recherche de soi, Éditions du Rocher, 1996
Michael Harner : Chamane : Les secrets d’un sorcier indien d’Amérique du Nord,
Albin Michel, 1982
Klaus Ferdinand Hempfling : Die Botschaft der Pferde Le message du cheval,
Goldmann, 1998
Sue Monk Kidd : When the heart waits, HarperOne, 2006
Linda Kohanov : Le Tao du cheval, Ronan Denniel, 2003
Linda Kohanov : Riding between the worlds, New World Library, 2007
Linda Kohanov : The way of the Horse, New World Library, 2007
Karla McLaren : Emotional Genius, Sounds True, 2000
Daniel H. Pink : L’homme aux deux cerveaux, Robert Laffont, 2007
Shelley Rosenberg : My horses, My Healers, AuthorHouse, 2006
Susanne E. Schwaiger : Le chemin avec les chevaux – Un chemin vers moi.,
Kosmos Verlags-GmbH, 2000
Tony Stromberg : Spirit Horses (album photo), New World Library, 2005
Laotse : Tao Te King (traduction de Stephen Mitchell), Frances Lincoln Publishers
Ltd, 1999
Eckart Tolle : Le pouvoir du moment présent, Ariane, 2000
Eckart Tolle : Nouvelle Terre, Ariane Editions, 2005
Andreas Weber : Alles fühlt (les sentiments sont partout et en tout), Berliner
Taschenbuch Verl, 2008
DVD : Stormy May Productions : The Path of The Horse, Stormy May
Productions, 2008

113
À propos
L’auteure :
Ulrike Dietmann, née en 1961 à Wurtzbourg, Allemagne, a étudié la
philosophie et l’écriture créative avec Heiner Müller, à l’université des arts de
Berlin. Auteur de nombreuses pièces de théâtre et de nouvelles, elle a reçu
beaucoup de récompenses littéraires et a obtenu des bourses d’études. Son
parcours l’a conduite vers le professorat en écriture créative, des activités de
cavalière et des activités en communication intuitive avec le cheval. Elle mène
avec succès des ateliers d’apprentissage par l’expérience facilité par le cheval en
Allemagne : www.spirithorse.info.
Les traductrices :
Eva Reifler est une instructrice certifiée d’Epona et une analyste reconnue.
Elle enseigne « l’Approche Epona® », une approche de développement personnel
facilité par le cheval. Elle fait profiter de sa grande expérience d’organisatrice à
de grands groupes internationaux et à l’industrie du tourisme. Eva parle français,
anglais et allemand couramment. www.visionpure.fr

Delphine Colombani est actuellement chef de projet web éditorial. Son
parcours universitaire l’a menée en France et en Allemagne sur ses thèmes
favoris, la littérature et le théâtre de langue allemande, qu’elle abandonne pour
faire le grand saut professionnel dans la bulle internet à ses débuts. C’est une
passionnée de chevaux depuis son plus jeune âge. Son attirance pour les
spécimens difficiles et rares l’oblige à en apprendre toujours plus sur le langage
de la Nature. Bientôt, avec l’aide des chevaux, elle sera à même de le transmettre
à son tour, sous une forme qu’ils lui indiqueront.

Cécile Lavault est accompagnatrice en communication d’entreprise. À partir
d’une écoute active, elle orientent dirigeants et créateurs dans la construction
d’une communication qui leur ressemble, différenciatrice et authentique. Les
chevaux, sont pour Cécile, une façon d’apprendre à mieux entendre et à exprimer
plus clairement un message. www.sisicommunication.com

114
Table of Contents
Couverture 2
Page de titre 3
Page de copyright 4
Pour les étoiles filantes 5
« Maintes choses sont vraies, nous 6
Table des matières 7
Remerciements 8
Préface 9
Avant-propos : La préface est importante 10
Étape Une : Qui es-tu ? 13
Étape Deux : L’appel à l’aventure 23
Étape Trois : La blessure 31
Étape quatre : Le but 43
Étape cinq : La connexion 51
Étape six : Le cœur de la créature 62
Étape sept : L’épreuve 72
Étape huit : L’échec 79
Étape neuf : La catastrophe 87
Étape dix : L’apothéose 93
Étape onze : Épilogue 98
Consignes de sécurité 101
Cahier pratique pour effectuer les onze étapes du voyage du héros 102
Bibliographie 113
À propos 114

115

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