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Christian Huemer

Mascarades de désintéressement : le Connoisseurship


et les instruments de la salle des ventes

La nécessité d’appliquer l’intelligence des affaires au « dispositif de produc-


tion » de la salle de ventes fut, comme l’a observé Steve Edwards, l’un des éléments
moteurs du développement de l’histoire de l’art en tant que discipline académique :
« Pendant une grande partie du xxe siècle, l’histoire de l’art a été modelée en
fonction de son rôle sur le marché de l’art : le catalogue raisonné, la monogra-
phie, l’exposition individuelle, ainsi que tous les concepts basiques du travail
– provenance, attribution, authentification – sont tous destinés à établir le
“parfait état de santé” du produit artistique 1. »

L’amalgame entre volonté d’érudition et ambition commerciale est tout par-


ticulièrement marqué dans un catalogue raisonné, un ouvrage de référence qui, en
une suite logique, répertorie toutes les œuvres authentiques d’un artiste particulier.
Des marchands d’art notoires furent les premiers à s’essayer à ce genre littéraire : en
1757, le Catalogue raisonné de toutes les pièces qui forment l’œuvre de Rembrandt,
publication posthume d’Edme-François Gersaint, et A Catalogue raisonné of the
Works of the Most Eminent Dutch, Flemish & French Painters… de John Smith,
publié entre 1829 et 1842 2. Ce dernier déclencha une controverse sur les notions
d’originalité et d’œil désintéressé car il alla jusqu’à attribuer une valeur à de nom-
breuses peintures dans cet ouvrage 3. Le rôle ambigu du catalogue raisonné perdure
encore de nos jours.
En 1900, lors de l’Exposition universelle de Paris, une médaille d’or accor-
dée au projet du somptueux catalogue raisonné de Rembrandt effaça la fron-
tière entre intérêt commercial et connoisseurship impartial (fig. 1) 4. L’éditeur de
cet ouvrage en huit volumes illustrés était l’un des marchands d’art parisiens les
plus importants de l’époque : Charles Sedelmeyer (1837-1925). Durant sa longue

1. Steve Edwards, Art and its Histories: A Reader, New Haven (Conn.), Yale University Press, 1999, p. 10.
2. Antoinette Roesler-Friedenthal, « “[…] par le peu de bonnefoi, ou l’ignorance de quelques Marchands […]” :
Prolegomena zur Entstehung des Catalogue raisonné im Spannungsfeld von Handel und Wissenschaft », dans Pascal
Griener & Kornelia Imesch (eds.), Klassizismen und Kosmopolitismus : Programm oder Problem ? Austausch in
Kunst und Kunsttheorie im 18. Jahrhundert, Zürich, Schweizerisches Institut für Kunstwissenschaft (Outlines, 2), 2004,
p. 107-124.
3. Charles Sebag-Montefiore & Julia I. Armstrong-Totten, A Dynasty of Dealers: John Smith and Successors, 1801-1924.
A Study of the Art Market in Nineteenth-Century London, Arundel, Roxburghe Club, 2013, p. 107-110.
4. Wilhelm Bode, L’œuvre complet de Rembrandt, 8 vol., Paris, Charles Sedelmeyer, 1897-1906.

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carrière, environ une centaine de peintures attribuées à Rembrandt sont passées par
sa galerie de la rue de la Rochefoucault 5. Un de ses principaux clients, le directeur
de la Gemäldegalerie de Berlin, a servi d’auteur à cette publication monumentale.
Pour développer la collection de ce musée national allemand, Wilhelm Bode s’était
constitué un vaste réseau de marchands et de collectionneurs à travers l’Europe.
À la même époque, notamment grâce à son avide politique d’acquisition pour
laquelle il entreprit de nombreux voyages, il devint un connoisseur reconnu de
l’art hollandais, un titre très prisé qui fut utilisé par les marchands haut de gamme
comme Sedelmeyer. Pour inspirer confiance à ses clients internationaux, et plus
particulièrement en Amérique, le marchand, qui connaissait l’importance de garantir
l’authenticité de ses peintures des maîtres anciens, engagea des experts comme Bode
pour effectuer des expertises. Cela rendit encore moins transparente la relation
déjà complexe entre histoire de l’art, politique d’acquisition muséale et commerce
de l’art. Cet article souhaite apporter un éclairage sur le lien étroit entre érudition
et commerce de l’art autour de l’année 1900, en prenant l’exemple de Charles
Sedelmeyer 6.
Un portrait de Charles Sedelmeyer dans son studiolo, conservé au musée
Carnavalet (fig. 2), dépeint le marchand âgé de soixante-quatorze ans en digne
connoisseur des maîtres anciens. Sedelmeyer examine attentivement une peinture
à l’aide d’une loupe. Sur une étagère à l’arrière-plan, on aperçoit la fameuse « bible
Rembrandt » qui fut produite par Wilhelm Bode et lui-même. À la même époque,
alors que ses collègues marchands, tels Vollard et Kahnweiler, avaient leurs portraits
peints dans le style cubiste de Picasso, Sedelmeyer posait pour le lauréat du Prix
de Rome, Gabriel Ferrier 7. Ses réticences à l’égard de l’impressionnisme et de tous
les mouvements qui ont suivi ont finalement amené le monde de l’histoire de l’art
à presque l’oublier après sa mort.
Né en avril 1837, de toute évidence à Vienne, dans un milieu modeste, Karl
Sedelmeyer commença sa carrière de marchand d’art dès l’âge de dix-sept ans.
Dans sa ville natale, il participa à la formation des collections privées les plus
importantes. L’impact le plus significatif de Sedelmeyer sur le goût, à Vienne, fut
l’importation précoce de peintures françaises de l’École de Barbizon, activité pour
laquelle il se rendit à Paris à intervalles réguliers à partir des années 1850. À la

5. D’après les luxueux catalogues illustrés de la galerie publiés par Sedelmeyer entre 1894 et 1914. Voir aussi Michael J.
Ripps, “Bond Street Picture Dealers and the International Trade in Dutch Old Masters, 1882-1914”, PhD thesis, Oxford
University, 2010, p. 85.
6. Basé sur nos propres recherches sur la vie et l’œuvre du marchand d’art ainsi que sur les articles récents de Dorothea
Peters au sujet de Bode dans lesquels sont attentivement analysées les cinq cent soixante-douze lettres échangées entre
Bode et Sedelmeyer entre 1882 et 1925 et conservées dans le Zentralarchiv – Staatliche Museen zu Berlin : Dorothea
Peters, « Original-Kopie-Fälschung ? Kunstkennerschaft und der Diskurs über die Echtheit von Rembrandtwerken um
1900 », dans Lena Bader, Martin Gaier & Falk Wolf (eds.), Vergleichendes Sehen, Paderborn, Wilhelm Fink, 2010, p. 315-331 ;
D. Peters, « Wilhelm Bodes Œuvre de Rembrandt (1897-1905) : Von der fotografischen Kampagne zur illustrierten
Künstlermonographie », dans Katharina Krause, Klaus Niehr (dir.) Kunstwerk-Abbild-Buch : Das illustrierte Kunstbuch
von 1730-1930, Munich, Deutscher Kunstverlag, 2007, p. 131-172 ; Christian Huemer, « Charles Sedelmeyer (1837-1925) :
Kunst und Spekulation am Kunstmarkt in Paris », Belvedere, 2, automne 1999, p. 4-19 ; C. Huemer, “Crossing Thresholds:
The Hybrid Identity of Late Nineteenth-Century Art Dealers”, dans Jaynie Anderson (ed.) Crossing Cultures: Conflict,
Migration, Convergence, Carlton, Miegunyah Press, 2009, p. 1007-1011. Les actes de la conférence CIHA à Nuremberg
en 2012 contiennent un article de Michael J. Ripps sur “A Faustian Bargain? Charles Sedelmeyer, Wilhelm Bode, and the
Expansion of Rembrandt’s Painted Corpus, 1883-1914”, imprimé après la date limite de soumission de ce présent volume.
7. Gabriel Ferrier, né le 27 septembre 1847 à Nîmes, mort à Paris le 6 juin 1914 était un portraitiste et orientaliste français.

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fin de la guerre austro-prussienne de 1866, il vendit sa collection et s’installa défi-


nitivement dans la capitale française. À Paris, malgré de nombreuses difficultés,
Sedelmeyer réussit rapidement à s’insérer dans le cercle des marchands interna-
tionaux les plus éminents. Selon Bode, Sedelmeyer ne manquait pas de savoir-faire
mais d’argent, ne pouvant compter sur un quelconque héritage, et il dut ainsi ses
succès en affaires à ses talents de marchand autodidacte 8. Sedelmeyer retourna
régulièrement à Vienne pour organiser d’importantes ventes aux enchères, puis
ses affaires entre Vienne et Paris prirent progressivement une autre direction. La
galerie Sedelmeyer devint un tremplin pour de nombreux artistes austro-hongrois
installés à Paris, dont le notoire Mihály Munkácsy qu’elle représenta de manière
exclusive pendant dix ans. Une analyse statistique des nationalités des artistes
présents dans les livres d’inventaire de son concurrent Goupil & Cie suggère que, dans
les années 1870 et 1880, Sedelmeyer recruta principalement son écurie d’artistes
autrichiens auprès de ce marchand 9.
À ses débuts, et à l’image de la plupart de ses collègues marchands, Charles
Sedelmeyer découvrit que travailler en étroite collaboration avec l’hôtel Drouot, la
maison de ventes aux enchères contrôlée par l’État, offrait de nombreuses oppor-
tunités. Située à quelques pas de la Bourse et du boulevard des Italiens, le quartier
à la mode, l’hôtel Drouot fut décrit par les écrivains tels qu’Henri Rochefort, Philip
Burty et Champfleury, comme une sorte de bourse aux objets d’art ou comme une
maison de jeux où les collectionneurs remplaçaient les joueurs de roulette ou de
loterie. Dans les romans contemporains, comme l’a montré Christophe Reffait
dans sa thèse sur « Le Roman de la Bourse dans la seconde moitié du xixe siècle »,
la Bourse était devenue un symbole d’un ordre social atomisé et de démocratisa-
tion du capital qui, dans les hautes sphères de la société, engendrait la peur d’un
possible chaos social 10. La dissolution des hiérarchies traditionnelles fermement
établies, qui dérivaient de la circulation constante des biens et de l’argent, impré-
gnait également des descriptions précoces de l’hôtel Drouot. Selon Rochefort, la
maison de ventes aux enchères offrait en miniature l’image parfaite des fluctua-
tions sociales auxquelles était soumise la société parisienne à l’époque. « Tous les
rangs sont confondus », écrit Champfleury, […] là se trouvent en contact et égaux
l’homme riche qui quelque fois mange sa fortune en folles acquisitions d’objets
d’art, et l’Auvergnat qui avec dix francs en poche achètera avant dix ans le château
entier de ce même homme riche […] Tout y est matière à rivalité. Mais un même
but rapproche tout ce monde : acheter 11. » Passer de quelques francs à un châ-
teau en dix ans résume quasiment l’histoire incroyable de l’ascension sociale de
Charles Sedelmeyer. À la fin de sa vie en effet, il était propriétaire d’un manoir
Renaissance en Île-de-France : le château d’Ambleville (fig. 3). Sa galerie, rue de
la Rochefoucault (fig. 4), était décrite comme étant « un hôtel princier de style

8. Wilhelm Bode, Mein Leben, vol. I, Berlin, H. Reckendorf, 1930, p. 163.


9. C. Huemer et Agnès Penot, « Un’eccezionale prova documentaria : gli archivi Goupil al Getty Research Institute »,
dans Paolo Serafini (dir.), La Maison Goupil e l’Italia : Il successo degli italiani a Parigi negli anni dell’impressionismo,
Milan, Silvana Editoriale, 2013, p. 68.
10. Christophe Reffait, « Le Roman de la Bourse dans la seconde moitié du xixe siècle : généalogie et logique d’un
discours romanesque », thèse de doctorat, université de Paris-Sorbonne, 2003.
11. Champfleury, L’hôtel des commissaires-priseurs, Paris, Dentu, 1867, p. VIII-X.

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Premier Empire 12 », d’ambiance noble, qui servait toutes ses activités : l’achat et
la vente de peintures de maîtres anciens haut de gamme, la publication de somp-
tueux livres et estampes, l’organisation de ventes aux enchères et d’expositions
d’artistes vivants plus ou moins établis. Selon les témoignages contemporains, on
approchait de la galerie par un jardin aussi vaste qu’un parc, les portes étaient
ornées d’arabesques en émail éclatant et les murs étaient recouverts de riches
tissus : « Tout présente des airs d’une résidence privée luxueuse et bien entrete-
nue jusqu’à ce que vous entriez dans les vastes galeries, ou plutôt les entrepôts »,
a rapporté The Art Amateur en 1900 13. L’élégance et le caractère exclusif des salons
de Sedelmeyer visaient à séparer ce lieu de rencontre privilégié des gens cultivés
et influents, du monde bourgeois des échanges de transactions, tout en affirmant sa
différence sociale avec les nombreux marchands de couleurs, tels que le Père Tanguy.
L’image de l’entreprise Sedelmeyer était basée sur un goût raffiné, un grand profes-
sionnalisme, et des prix exorbitants. Parce qu’il garantissait l’authenticité de ses toiles
de maîtres anciens de bon gré, il acquit non seulement la confiance de nombreux
collectionneurs, mais aussi une réputation d’excellent connoisseur.
Sedelmeyer avait conçu une sorte de mise en scène pour traiter avec ses
clients, encadrés par un maître de cérémonie et une équipe de serviteurs en uni-
formes. Sedelmeyer conduisait lui-même les clients importants vers le dépôt à
l’étage supérieur de son hôtel particulier où se tenaient à leur disposition, sous
une lumière du jour tamisée et des lampes artificielles, de superbes surprises. On
disait de lui qu’il comprenait la psyché de ses importants clients, les Américains
principalement, qui ne recherchaient pas le Van Dyck ou le Rembrandt qui était
accroché en évidence dans la galerie publique du bas. À l’étage, dans l’étroite galerie
et protégé derrière des murs en acier, il y avait un monde mystérieux de délices 14.
Bode s’est rappelé arriver un jour à la galerie à son retour de Londres. Sedelmeyer
lui montra quelques peintures qu’il jugea trop inférieures pour son musée. Bode
confia alors à Sedelmeyer qu’il aurait dû acheter les deux Rembrandt, Suzanne et
les Vieillards (fig. 5) et La vision de Daniel, que Sir S. Lechmere avait montrés lors
de la dernière exposition d’hiver de la Royal Academy. Sedelmeyer « tira un rideau,
et là devant moi il y avait les deux peintures que je voulais 15 » ! En 1883, grâce à
l’acquisition pour la Gemäldegalerie d’une troisième peinture majeure du maître
hollandais auprès de Sedelmeyer, Joseph et l’épouse de Putiphar, Bode renforça sa
position d’expert de l’œuvre de Rembrandt 16.
L’historien de l’art Wilhem Bode et le marchand d’art Sedelmeyer se connais-
saient depuis la fin des années 1870. Ils partageaient le même intérêt pour l’art
hollandais et étaient tous deux reconnus pour leur connaissance de Rembrandt.
Bode remarquait ainsi que presque un dixième des peintures du maître était passé
par les mains de Sedelmeyer 17. Il notait également que, grâce à sa compréhension

12. Roger Riordan, “Gleanings from Paris”, The Art Amateur, 43, 4, 1900, p. 92.
13. Ibidem.
14. B.[ode], « Zwei Tote », Der Cicerone, septembre 1925, p. 876, 877.
15. W. Bode, op. cit. note 8, vol. II, p. 6.
16. Catherine B. Scallen, Rembrandt: Reputation, and the Practice of Connoisseurship, Amsterdam, Amsterdam
University Press, 2004, p. 85.
17. W. Bode, “Author’s Preface”, dans id., op. cit. note 4, vol. I, n. p.

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exceptionnelle des maîtres anciens, et plus particulièrement de l’art hollandais,


le marchand avait acquis des chefs-d’œuvre de Frans Hals, Rembrandt et van Goyen
bien avant qu’ils deviennent à la mode. À un certain moment, environ une centaine
de peintures de toutes les périodes de la production de Jan van Goyen était exposée
dans le « musée Sedelmeyer » : il n’existait pas meilleur endroit pour étudier le pro-
cessus créatif de l’artiste 18. Sedelmeyer fut également l’un des premiers marchands
européens à s’essayer au marché américain des maîtres anciens haut de gamme. En
1887, il proposa au jeune Metropolitan Museum of Art de New York une sélection
de sa collection de tableaux hollandais et flamands composée de Rembrandt, Hals,
van Goyen, Rubens, Van Dyke, etc. Cependant, par manque de fonds, le comité
d’administration fut obligé de refuser l’offre de vente, pourtant avantageuse, de
cent mille dollars pour trente-trois peintures 19.

Dans son ouvrage de 1883, Studien zur Geschichte der holländischen Malerei,
Wilhelm Bode révélait déjà son projet d’écrire un catalogue raisonné de l’œuvre
de Rembrandt qui ferait autorité et qui serait illustré de reproductions photogra-
phiques de toutes les peintures connues, avec des descriptions détaillées et des
précisions sur leur histoire 20. Bode envisageait un inventaire visuel systématique
de l’œuvre de Rembrandt comparable à celui que le Prince Albert avait initié sur
l’œuvre de Raphaël. Néanmoins, rechercher une maison d’édition s’avéra extrê-
mement difficile ; personne ne voulait prendre le risque de financer un projet si
onéreux, et toutes les maisons d’édition allemandes lui demandaient d’apporter
des fonds. Durant l’été 1890, Wilhelm Bode et Charles Sedelmeyer séjournèrent
aux mêmes dates à Pontresina en Suisse. Peu après, Sedelmeyer écrivit à Bode :
« Concernant le projet Rembrandt, je n’hésiterai pas à prendre le risque et dépenser
l’argent pour. […] Élaborez au brouillon s’il vous plaît un programme avec vos
idées 21 ». Sedelmeyer songea immédiatement à une grande et luxueuse publica-
tion. Les ambitions du marchand dépassaient de loin les attentes de l’historien
de l’art. Charles Sedelmeyer était déterminé à ériger un « monument » pour le
maître, et était décidé à aller « jusqu’au bout » pour offrir au public quelque chose
de durable et d’inégalable. Au lieu des trois volumes de taille moyenne prévus par
Bode, Sedelmeyer voulut huit volumes de « dimensions presque colossales 22 ». Les
dimensions de cette publication semblent avoir été un critère aussi déterminant que
dans le cas de ses commandes aux artistes contemporains. L’Œuvre de Rembrandt
devait contenir presque six cents photogravures et être distribué en trois éditions
dans le monde entier – en anglais, français et allemand –, pour un coût total de trois
cent mille francs 23.

18. W. Bode, op. cit. note 8, vol. I, p. 163.


19. Lettre de Charles Sedelmeyer à Henry G. Marquand, 12 janvier 1887, Archives du Metropolitan Museum of Art,
New York.
20. « Hoffentlich wird es dem Verfasser gegönnt sein, auf Grund dieser Vorarbeit, deren Prüfung und Vervollständigung er
seinen Studiengenossen, zumal in England, ganz besonders ans Herz legt, später ein ausführliches Malerwerk Rembrandt’s
zu veröffentlichen, welches auch die Angaben über Herkunft, Größe, Material der Bilder, ihre Reproductionen u. f. f.
umfaßt », dans W. Bode, Studien zur Geschichte der Holländischen Malerei, Brunswick, F. Vieweg und Sohn, 1883, p. X.
21. D. Peters, art. cité note 6, p. 135, 136.
22. D. Peters, art. cité note 6, p. 136.
23. D. Peters, art. cité note 6, p. 138.

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Les difficultés de réalisation de cette publication monumentale étaient


énormes : il fallut presque sept années pour livrer le premier volume et huit autres
pour terminer le projet. Le premier grand défi fut d’obtenir des photographies de
haute qualité des peintures de Rembrandt qui étaient, pour la plupart, conservées
dans des collections privées disséminées à travers l’Europe et l’Amérique du Nord.
Il fut nécessaire de reprendre des clichés d’un grand nombre d’entre elles dans leur
lieu de conservation. Des sociétés de renom, établies dans chaque pays, furent char-
gées d’établir une documentation systématique : Braun et Hanfstaengel ont travaillé
en Allemagne, Loewy à Vienne, Alinari et Anderson en Italie, Dixon en Angleterre
et Kurtz en Amérique. La décision d’organiser les œuvres de manière chronologique
plutôt que topographique, comme ce fut le cas pour Studien de Bode, obligea les
auteurs à avoir une vue exhaustive de l’ensemble de l’œuvre de Rembrandt avant
que le premier volume puisse paraître. Obtenir les photographies qui allaient être
utilisées comme sources pour les illustrations du livre fut, par conséquent, une
condition préalable à la conception de chaque volume. Comme l’a montré Dorothea
Peters, rendre possible des études comparatives des photographies et des photo-
gravures a été un élément déterminant pour la réalisation du catalogue raisonné
de Rembrandt, même s’il avait été stipulé dans le contrat que Bode ne fasse ses
descriptions des peintures que devant les originaux 24.
Dans le contrat de publication du 16 mai 1893, Bode, en tant qu’éditeur de
L’Œuvre de Rembrandt, entreprit l’écriture de l’intégralité d’un texte de neuf cents
pages. Selon Peters, il fut rémunéré l’équivalent de trois années de salaire d’un
directeur de musée par Sedelmeyer, plus les frais de voyage 25. Le jeune expert
de Rembrandt, Cornelis Hofstede de Groot, fut désigné pour l’assister dans ses
recherches sur l’histoire et la littérature des peintures, ainsi que pour rassembler
les documents sources sur la vie du maître. La correspondance entre Wilhelm
Bode et Charles Sedelmeyer, conservée dans le Zentralarchiv de Berlin, montre
des échanges animés et un discours d’experts portant sur les photographies suc-
cessivement préparées et continuellement échangées. La collaboration alla si loin
que Bode envoya son manuscrit complet à Sedelmeyer pour révision ; ce dernier
le compara à ses propres notes et en tira parfois d’autres conclusions. Par exemple,
le 9 septembre 1899, Sedelmeyer écrivit : « Je suis surpris que [vous] n’ayez pas
attribué de numéro à la charmante jeune fille à la fenêtre du Duke de Bedford.
Je n’ai pas vu la peinture, mais d’après la photogravure, elle semble être une des plus
belles créations de Rembrandt. Il s’agit certainement du même charmant modèle
que dans la Servante du Dulwich College. La tête est merveilleusement dessinée,
les effets de lumière sont typiques de Rembrandt. Cependant, la main semble être
recouverte et l’arrière-plan est sombre, mais il s’agit ici d’outrages d’un restau-
rateur peu soigneux 26. » Même si c’est à Bode, le directeur scientifique du projet,
que revenait la décision finale, Sedelmeyer tenta d’imposer ses idées au cours du
processus de décision. Il est vraiment difficile de parler de claire séparation entre
intérêts scientifiques et commerciaux dans le cas de cette publication. L’intérêt de

24. D. Peters, art. cité note 6, p. 137.


25. D. Peters, art. cité note 6, p. 138.
26. Lettre de Charles Sedelmeyer à Wilhelm Bode, 9 septembre 1899, Zentralarchiv – Staatliche Museen zu Berlin.

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voir l’œuvre de Rembrandt multipliée était en effet lié à celui de l’expansion du


marché de l’artiste. L’en-tête savamment élaboré d’une lettre de 1899 (fig. 6) montre
clairement que le propriétaire de la galerie a su user de ce projet pour sa propre
promotion. Grâce à son rôle d’éditeur du travail, il accrut sa réputation d’expert
de l’œuvre de Rembrandt de manière significative ; ceci fut surtout déterminant
en Amérique où aucun collectionneur ne voulut acheter de peinture qui n’était
issue de la « bible », ni de la galerie Sedelmeyer. Dès le début, comme le montre
clairement une lettre adressée à Bode en août 1891, le projet avait des objectifs
indirects. Dans cette lettre, Sedelmeyer exprima « qu’il n’y a aucune possibilité de
se faire rembourser l’énorme capital déjà investi, mais j’[Sedelmeyer] ai beaucoup
d’espoirs que je […] pourrais avoir accès à des collections privées et me positionner
en tête pour acquérir des œuvres de Rembrandt et des autres maîtres […] des prix
raisonnables, et indirectement tirer profit du projet 27 ».
Il n’hésita pas à demander à Bode d’organiser ce type d’opportunité. Le
directeur du musée confirma l’existence des spéculations de Sedelmeyer dans
ses mémoires lorsqu’il déclara : « Je ne sais pas si l’éditeur réussit à amortir son
investissement dans la publication. Il a fait un extraordinaire profit indirect, d’abord
grâce à la réputation que la publication lui fit plus particulièrement en Amérique, et
aussi grâce aux opportunités d’achats de nombreuses œuvres du maître qui étaient
jusqu’alors restées cachées dans des collections privées, et dont l’authenticité avait
été garantie par notre publication 28. » La promotion de L’Œuvre de Rembrandt
s’avéra extrêmement difficile avant la parution du premier volume en mai 1897.
Personne ne voulut s’engager à souscrire aux onéreux livres avant de s’être assuré
de ses propres yeux de leur qualité. Sedelmeyer – un maître des mises en scène
commerciales – eut une fois encore recours à une exposition spectaculaire. Au
printemps 1896, il exposa dans la galerie Grafton de Londres quatre peintures
monumentales de Julius Payer sur la fin tragique de l’expédition au Pôle Nord de
John Franklin, ainsi que quatre cents photogravures de Rembrandt. Pour compléter
l’exposition, Sedelmeyer publia une brochure à destination des bibliothécaires et des
amateurs. À l’automne 1898, l’importante exposition de Rembrandt organisée au
musée Stedelijk à Amsterdam, à l’occasion du couronnement de la reine Wilhelmina,
offrit une nouvelle occasion de faire connaître l’édition de luxe. Les cent vingt-
quatre peintures originales issues de toutes les périodes créatives de Rembrandt,
soigneusement sélectionnées par Hofstede de Groot, l’assistant de Bode, purent
être étudiées ensemble dans une exposition qui, pour Francis Haskell, marqua la
naissance du « blockbuster moderne 29 ». Sedelmeyer put exposer ses photogravures
de Rembrandt sur plusieurs murs et, ainsi, les faire connaître au public. Le fait de
pouvoir établir un parallèle entre les originaux et les reproductions de l’œuvre
dispersée de Rembrandt insuffla un nouvel élan au connoisseurship sur l’artiste ;
les questions des experts sur l’authenticité des œuvres et leur attribution furent
de plus en plus mises en avant. Comme l’expliqua Seidlitz ensuite, la communauté

27. Lettre de Charles Sedelmeyer à Wilhelm Bode, 18 août 1891, Zentralarchiv – Staatliche Museen zu Berlin.
28. W. Bode, op. cit. note 8, vol. II, p. 55.
29. Francis Haskell, The Ephemeral Museum: Old Master Paintings and the Rise of the Art Exhibition, New Haven
(Conn.), Yale University Press, 2000, p. 102.

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scientifique se partagea en deux camps : « L’un essaie de lui attribuer autant d’œuvres
que possible et considère sa personnalité comme particulièrement variée et ver-
satile ; l’autre qui tend à adhérer aux simples traits de son caractère vise plutôt à
réduire qu’augmenter son œuvre 30. »
Durant l’exposition d’Amsterdam, une controverse éclata au sujet de la pein-
ture intitulée La Femme adultère devant le Christ 31 (fig. 7) qui était passée des mains
de Sedelmeyer à celles du consul de Hambourg, Eduard F. Weber. Dans une longue
critique de l’exposition publiée dans le journal allemand Zeitschrift für bildende
Kunst, l’expert hollandais Abraham Bredius mit en doute l’authenticité de la pein-
ture de manière véhémente 32. La paternité de Rembrandt sur cette peinture n’avait
apparemment jamais été mise en doute car, depuis le xviiie, elle était restée en la
possession du duc de Marlborough au palais de Blenheim. En 1886, lorsqu’elle figura
à une vente aux enchères, l’œuvre, largement souillée, fit douter les collectionneurs
et les marchands présents. Elle fut toutefois acquise pour une somme d’argent
assez modique par le marchand amateur, devenu directeur des collections royales,
Sir Charles J. Robinson. En 1891, Charles Sedelmeyer lui acheta cette peinture pour
six mille livres – apparemment contre l’avis de Bode.
Pendant des années, Bode et Sedelmeyer avaient tenu des discours enflammés
à propos de l’authenticité de cette œuvre, des conversations qui s’étaient char-
gées d’amertume à la veille de la publication du cinquième volume du catalogue.
Sedelmeyer voulait que la peinture y soit incluse pour rassurer le propriétaire de
son honnêteté, surtout qu’il lui avait vendu deux autres Rembrandt. Il écrivit à
Bode : « Weber n’a jamais de chance avec ses Rembrandt ! Les premiers furent
gâchés par des soi-disant experts […]. Lorsqu’il acheta La Femme adultère, je lui ai
dit que cette fois il achetait une peinture garantie par une autorité suprême en qui
il pouvait faire autant confiance que dans le Gospel ; cette fois vous pourrez dormir
tranquille 33 !!! » Dans cette affaire, l’autorité suprême, Wilhelm Bode, hésita un
certain temps mais finit par inclure la peinture dans l’œuvre de Rembrandt (fig. 8).
Immédiatement après la sortie du cinquième volume, Woldemar von Seidlitz mit
en doute l’authenticité de plus de dix pour cent des œuvres présentes 34.
Ceci ne mit pas un terme à la querelle entre les experts de Rembrandt. La
controverse fut attisée – et de manière encore plus virulente – lorsque, du 20 au
22 février 1912, à Berlin, la collection Weber fut mise en vente par Lepke. Quelques
jours avant la vente, Abraham Bredius publia un article dans le Kunstschronik dans
lequel il confirmait l’attribution de La Femme adultère à l’école de Rembrandt 35. En
conséquence, personne n’osa enchérir et Sedelmeyer dut racheter la peinture. Ceci
fit tellement rager le marchand que celui-ci publia un traité de trente-huit pages
pour justifier de la paternité de Rembrandt sur la peinture grâce à une analyse des

30. Woldemar von Seidlitz, « Sedelmeyer gegen Bredius », Kunstchronik, 1913, p. 213.
31. Cette peinture est réapparue récemment lors de la vente du 26 octobre 2011 à la maison Bonhams, New York
(no 19224, lot 37). Dans le catalogue de vente, l’œuvre est dite « à la manière de Rembrandt Harmensz van Rijn ».
32. Abraham Bredius, « Kritische Bemerkungen zur Amsterdamer Rembrandt-Ausstellung », Zeitschrift für bildende
Kunst, 1898-1899, p. 198.
33. Lettre de Charles Sedelmeyer à Wilhelm Bode, 10 juillet 1899, Zentralarchiv – Staatliche Museen zu Berlin.
34. D. Peters, art. cité note 6, p. 328.
35. A. Bredius, « Zur Auktion Weber », Kunstchronik, 1912, p. 255, 256.

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MASCARADES DE DÉSINTÉRESSEMENT :
LE CONNOISSEURSHIP ET LES INSTRUMENTS DE LA SALLE DES VENTES

personnages, des costumes, de la couleur et de la technique ainsi qu’à une comparai-


son avec d’autres œuvres. Toutefois, le pamphlet qui avait pris la forme d’une lettre
ouverte, engagea également la crédibilité du « douteux Thomas à La Haye », ainsi
appelait-il Bredius. Cette action peu réfléchie engendra un désastre financier pour
la famille Weber qui perdit plusieurs centaines de milliers de marks. C’est dans ce
contexte que Sedelmeyer se permit de proclamer : « Abstenez-vous de calomnier
dans la presse les peintures des collections privées ou en la possession des mar-
chands. Votre conscience devrait vous dire que vous avez blessé leurs propriétaires
par vos actes 36. » Or, il n’aurait pas dû utiliser un ton si apodictique sachant qu’il
n’avait aucun argument valable à présenter et que le moindre doute suffisait à ruiner
la cote des peintures connues de Rembrandt. Sedelmeyer pensa aux instructions
de Bredius, qui recommandait de faire une analyse chimique des couleurs utilisées
dans La Femme adultère afin de révéler l’échec de l’expertise : « À l’avenir, plaisanta
le marchand, ceux qui auront des doutes sur une peinture ne devront pas invoquer
l’aide des critiques, étudiants et experts ! Ils devront l’envoyer à un laboratoire de
chimie 37 ! »
La réponse de Bredius, aussi sous la forme d’une lettre ouverte imprimée,
fut courte. Bredius se contenta de montrer que Sedelmeyer lui-même s’était à de
multiples reprises déjà trompé et que Wilhelm Bode – en opposition avec la manière
dont Sedelmeyer avait présenté son pamphlet – ne crut plus en l’authenticité de la
peinture après l’exposition d’Amsterdam. C’est Sedelmeyer qui fut ensuite isolé.
Afin de défendre son argument, Bredius lui imprima une lettre qui révélait la pen-
sée de Bode : « Je suis heureux de savoir que personne ne croit à l’authenticité de
Femme prise en adultère. Je n’y ai jamais cru moi-même, même si parfois je me suis
laissé penser autrement. Donc je me suis abstenu d’empêcher Mr. Weber d’effec-
tuer cet achat stupide. Sedelmeyer se doit maintenant de reprendre la peinture…
J’ai essayé de le dissuader de l’acheter de Sir Charles Robinson, mais en vain 38…
Après cet incident, les allégations, qui accusaient Bode d’avoir occasionnellement
été influencé par les intérêts commerciaux de Sedelmeyer dans ses expertises, se
sont répétées dans les écrits. Bredius était persuadé que Sedelmeyer aurait arrêté
la production de l’œuvre de Rembrandt si Bode ne lui avait pas rendu occasionnel-
lement service. Dans son Niederländisches Künstlerlexikon, Alfred von Wurzbach
alla même jusqu’à désigner Bode comme la « prostituée d’une société commerciale
parisienne 39.» L’Œuvre de Rembrandt, qu’il nomma de façon désobligeante « un livre
d’images », visait simplement selon lui à « inspirer confiance en des peintures dites de
Rembrandt que la société de Ch. Sedelmeyer vend sur le marché, et développer un
soi-disant cadastre ou inventaire de Rembrandt qui inclut toutes celles circulant par
la firme Sedelmeyer en plus des nombreuses peintures des galeries publiques. […]

36. Ch. Sedelmeyer, The Adulteress Before Christ: A Picture by Rembrand. An Open Letter to Dr. Abraham Bredius
Concerning the Authenticity of this Picture, Paris, Charles Sedelmeyer, 1912, p. 7.
37. Ch. Sedelmeyer, op. cit. note 36, p. 8.
38. A. Bredius, “The Adulteress Before Christ”: A picture by Rembrandt. A Reply to an Open Letter to Dr. Abraham
Bredius Concerning the Authenticity of this Picture, s. n., 1912, n. p.
39. Alfred von Wurzbach, Niederländisches Künstler-Lexikon, vol. II, Vienne, Halm und Goldmann, 1910, p. 394.

111
CHRISTIAN HUEMER

Il n’y a jamais eu de meilleur exemple de collaboration entre une spéculation


commerciale française et une recherche allemande rétroactive 40 ». Même avec du
recul, il est difficile de faire la part entre les motivations académiques et commerciales.
La « bible de Rembrandt », produite en « coopération active » entre un marchand
et un historien de l’art, a créé un terrain favorable à la critique. Les catalogues inté-
gralement illustrés et les expositions blockbuster des années 1900 ont transformé
le champ de la connaissance de Rembrandt. Il fut pour la première fois possible de
comparer, au même endroit, une grande quantité d’œuvres originales et leurs repro-
ductions, sans avoir recours au travail de la mémoire. Si Bode fut fier de reporter
les découvertes et additions au corps des œuvres authentiques de Rembrandt, la
génération de critiques qui suivit préféra ré-attribuer ses découvertes aux élèves
de Rembrandt. Bode concéda dans un adieu à la recherche : « L’attribution d’une
belle œuvre à Rembrandt ou à l’école de Rembrandt n’intéresse que le proprié-
taire – le marchand ou le collectionneur 41. » Étant donné les prix extraordinaires
atteints par les œuvres authentiques, toutes les précautions doivent être prises en
cas de doute sur l’attribution. Michael J. Ripps a récemment remarqué l’absence
notoire d’œuvres des contemporains de Rembrandt et de ses élèves dans les catalo-
gues imprimés de la galerie Sedelmeyer 42. Le marchand a de toute évidence choisi
d’attribuer un maximum de peintures au maître. Il n’est pas surprenant de voir que
la majorité des œuvres considérées comme inauthentiques de nos jours sont celles
qui ont fait surface sur le marché surchauffé de la longue et remarquable carrière de
Sedelmeyer 43. Équilibrer la balance du profit économique et de l’intégrité symbo-
lique fut probablement l’un des défis les importants du « courageux et désintéressé
assistant 44 » de Bode.

40. A. von Wurzbach, op. cit. note 39.


41. W. Bode, « Ein neu aufgefundenes Jugendwerk Rembrandts », Zeitschrift für bildende Kunst, 1924-1925, p. 4.
42. M. J. Ripps, op. cit. note 5, p. 89.
43. C. B. Scallen, op. cit. note 16, p. 173.
44. W. Bode, op. cit. note 4, vol. I, n. p.

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Fig. 1.
Wilhelm Bode.
L’œuvre complet de Rembrandt.
Couverture.
Paris, Charles Sedelmeyer, 1897, vol. 1.

Fig. 2.
Gabriel Ferrier.
Portrait de Charles Sedelmeyer.
1911.
Huile sur toile.
H. 1,15 ; L. 0,97 m.
Paris, musée Carnavalet.

Fig. 3. Fig. 4.
Château d’Ambleville. Hôtel Sedelmeyer.
Val d’Oise. Paris, 6, rue de la Rochefoucault.

113
Fig. 5.
Rembrandt Harmensz van Rijn.
Suzanne et les Vieillards.
1647.
Huile sur toile.
H. 0,77 ; L. 0,93 m.
Berlin, Gemäldegalerie,
Staatliche Museen zu Berlin.

Fig. 6.
Lettre de Charles Sedelmeyer
à Wilhelm Valentiner,
3 Juillet 1913.
Berlin, Succession Bode,
Zentralarchiv – Staatliche Museen
zu Berlin.

114
Fig. 7.
À la manière de Rembrandt Harmensz van Rijn.
Le Christ et la femme adultère.
N. d.
Huile sur toile.
H. 1,14 ; L. 1,37 m.
Collection particulière.

Fig. 8.
Rembrandt Harmensz van Rijn.
Le Christ et la femme adultère.
D’après Wilhelm Bode,
L’œuvre complet de Rembrandt,
Paris, Charles Sedelmeyer, 1901,
vol. 5, p. 86.

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