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« L’éducation est une stratégie du progrès social et humain ».

M. VERMOT-GAUCHY.

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Du même auteur, aux Éditions Roudil :


LA DISSERTATION DE CULTURE GÉNÉRALE PAR L'EXEMPLE
à l'usage de tous ceux qui préparent un examen ou concours comportant une
dissertation ou une interrogation de culture générale.
Maurice JOSEPH-GABRIEL

LA DISSERTATION PÉDAGOGIQUE
PAR L’EXEMPLE

Certificat d‘Aptitude pédagogique,


Brevet supérieur de capacité, Certificat de Fin d'Etudes normales
Certificat de Pédagogie pratique Certificat de Pshyco-pédagogie

ÉDITIONS CLASSIQUES ROUDIL


53, rue Saint-Jacques - PARIS-Ve
Enseigner est un métier difficile parce qu'on ne peut jamais s'installer, être content de
soi, mais qu'il faut toujours adapter, inventer, chercher.

PLAN DE LA PREMIÈRE PARTIE DE L'OUVRAGE

1- Conseils pratiques pour la Dissertation pédagogique.


2- Comment faire un devoir de pédagogie.
3- Textes officiels concernant le C.A.P.
4- Arrêté du 21 juillet 1971 concernant le C.A.P.
5- Textes officiels relatifs au B.S.C.
6- Programme du B.S.C. (lrc Partie).
7- Autres documents officiels concernant le C.A.P. et le B.S.C.

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CONSEILS PRATIQUES POUR LA DISSERTATION PEDAGOGIQUE

« Conseiller, c'est presque aider. (PLAUTE)

Aucune intention de présenter un Cours de Dissertation pédagogique aux futurs


Candidats au C.A.P. et au B.S.C.
Chacun exprime ce qu’il sait et comme il le peut. On peut même dire qu’il existe
autant de manières de rédiger un développement qu’il y a de rédacteurs. En principe,
chaque devoir traduit une personnalité. C’est pourquoi, il est difficile d’édicter des
règles stricte», voire, impératives, en la matière.
La manière classique de présenter un devoir, qu’il soit de littérature, de philosophie
ou de pédagogie, est connue de tous. Cependant, il ne suffit pas de la connaître, il
faut, surtout, parvenir à l’appliquer. Il arrive, d’ailleurs, que deux devoirs, présentés de
façons très différentes, soient jugés-également bons, pour leur contenu, des
Correcteurs...
La majeure partie des développements présentés au C.A.P. et au B.S.C.,
témoignent d’un manque évident de méthode de la part de leurs auteurs. Très
souvent, au départ, ceux-ci traitent du hors sujet.
Pour d’autres, plutôt dilués, on regrette une absence presque totale de
personnalité, même quand on leur demande ce qu’ils pensent du sujet proposé. A la
session de Mars 1966, un Candidat au C.A.P., invité à dire ce qu’il pensait d’une
affirmation de Kant, sur le but et le sens profonds de l’action éducative, a prouvé que
l’état actuel et l’état futur de la société se confondent, sinon, se résument à l’état
passé. Il ne faut point omettre le style incorrect et confus ainsi que les fautes de tous
genres qui, parfois, émaillent les développements remis. En ce qui a trait à la précision
du style* La Bruyère écrit : Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre
une seule de vos pensées, il n’y en a qu’une qui soit la bonne ».
Malgré tout, je me permets quelques rapides conseils, fort élémentaires, d’ailleurs,
constituant comme l’esquisse d’une méthode de composition :
a) A l’examen du C.A.P. comme à celui du B.S.C., deux sujets sont proposés aux
Candidats. Premier soin : les lire très attentivement avant d’en choisir un, en déployant
un sérieux effort de compréhension de chacun d’eux, pour bien dégager le problème
qu’il soulève ainsi que les questions qu'il pose. Le choix est dicté par ses
connaissances et ses préférences. Votre décision, une fois prise, doit être définitive.
b) Relire à plusieurs reprises le sommaire du sujet retenu, s’attacher à déterminer
nettement le sens et les limites de la question à traiter. Ne point oublier d’accorder
autant d’importance aux questions posées qu’à la pensée ou au passage à expliquer.
c) Fixer sur une feuille les idées relatives au devoir choisi, dans l’ordre où elles
vous viennent : passages des I.O., citations avec leurs noms d’auteurs, termes et
expressions techniques et caractéristiques, disciplines scolaires à évoquer, exemples
à fournir...
d) Bâtir un plan net et classer les idées à l'aide de numéros en rouge.
L’introduction doit accrocher, de suite, le sujet. Circonscrire de façon étroite et serrée,
le ou les problèmes à étudier. Ici, se faire siens, deux préceptes énoncés par Boileau
dans son Art Poétique :
1“) « Le sujet n’est jamais, assez tôt annoncé ».
2°) « Quo le début soit simple et n’ait rien d’affecté ».
Le développement sera fait de paragraphes s’enchaînant logiquement, liés entre
eux par des phrases d« transition, dont le nombre, la disposition, l’étendue sont
variables.
Certains sujets sont binaires, d’autres, ternaires. Quand le sujet précis d’expliquer,
de commenter ou de discuter, chacun de ces mots doit constituer une étape
déterminée du développement.
e) Il importe, maintenant, de rédiger sur la feuille d’examen. « Travail hérissé
d’épines», dit A. Thierry. Il faut, en effet, que le style soit clair et précis, et, pour cela,
employer le mot adéquat à l’idée que l’on veut rendre, que l’on s’efforce d’éviter les
fautes de toutes espèces. Ne jamais oublier que forme et fond contribuent à la valeur
du devoir. Le fond du devoir doit être substantiel. Des idées forces, des passages des
I.O. déterminés, des termes techniques précis doivent s’y retrouver forcément. Si
variés que puissent être les modes de présentation, il est des idées sans lesquelles tel
devoir ne pourrait se concevoir. Ainsi, un devoir de pédagogie spéciale sur la
grammaire ne saurait se concevoir sans les expressions : enseignement indirect,
méthode inductive, aller de l’exemple à la règle, de la règle à l’application, partir des
faits de la langue parlée et de la langue écrite, observation des faits grammaticaux,
règle et exemples inséparables, correction et progression grammaticales, applications
orales et écrites, etc...
D’autre part, le développement doit progresser.
La conclusion ne doit pas émettre d’idées nouvelles, mais, ramasser en une brève
synthèse celles qui ont été exposées au cours du développement. Elle doit, surtout,
traduire la personnalité du Candidat.
En somme, il n’y a qu’un moyen pour parvenir à bien rédiger, c’est de s’entraîner
régulièrement. Là plus qu’ailleurs, «c’est en forgeant que l’on devient forgeron».
Pour conclure, je soumets à la méditation des futurs Candidats aux différents
examens pédagogiques le sage conseil d’Alain : « On ne parvient pas à écrire bien en
écrivant vite, mais, on parvient à écrire vite en écrivant bien».

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Que peut-on dire de définitif en pédagogie ?

CONSEILS SUR LA MANIERE DE FAIRE UN DEVOIR

I. LA DECOUVERTE DU PROBLEME :

Le sujet posé est semblable à un énoncé de problème, avec des données précises
et des questions qui mettent en jeu ces données.
Avant toute rédaction, avant tout brouillon, toute esquisse de plan, il nous faut
analyser soigneusement le texte proposé, en peser les termes, mesurer la valeur des
nuances, retourner les propositions. Très généralement, le sujet (même lorsqu’il
comporte une longue citation) doit pouvoir être ramené à un « titre » de quelques
mots, à une ou deux questions, très simples et très précises qui limitent le problème.
Prenons un exemple.
« La plupart des théories sur l’éducation convergent vers cette conclusion : un des
buts de l’éducation, c’est de préparer « l’homme de demain ». Quelles peuvent être,
en ce domaine, les ambitions de l’Ecole primaire ? »
Le pire serait ici, de discuter des théories sur l’éducation, d’énoncer les buts de
chacune. Notre attention doit, au contraire, se porter sur la question posée, et tout
particulièrement sur le mot « ambitions ». Et le sujet peut alors se réduire à ceci en
première analyse :
Que peut l’école pour préparer l’homme de demain ?
Réfléchissons encore. Le « pouvoir » et les « ambitions » sont-ils de même nature ?
Ne préparons-nous pas un contre sens monumental sur l’expression « pouvoir » ?
Entre ce que l’EcoIe peut faire et ce qu’elle voudrait, ce qu’elle «ambitionne» de faire,
n’y a-t-il pas une certaine distance... et pourquoi ? Mais, par ailleurs, cette
impuissance ne va-t-elle pas nous conduire hors du sujet ?
De plus, prêtons attention à « l’homme de demain ». Quel sera-t-il, dans quel
milieu vivra-t-il ? Que lui faudra-t-il pour s’harmoniser avec ce milieu, c’est-à-dire pour
être « heureux » ?
Nous arrivons donc à deux thèmes de réflexion :
a) Ce dont aura besoin l’homme de demain.
b) Ce que peut l’école d’aujourd’hui dans ce sens.

II. LA MEDITATION :
Dans les jours qui suivent, revenons sur ces problèmes. N’avons- nous rien lu qui
s’y rapporte ? II est bien rare qu’un article de revue, une page de manuel, voire une
discussion avec des collègues ou le souvenir d’un cours n’aient laissé aucune trace
dans notre mémoire. Notons, hâtivement, ce qu’il en reste, retrouvons si possible,
l’article ou le manuel.
Et puis, réfléchissons. Cet « homme de demain » (que nous voyons d’une façon
assez imprécise, il faut l’avouer), nous «avons surtout qu’il sera différent de celui
d’aujourd’hui. Est-il donc impossible de le préparer? Nous sommes conduits à
souhaiter une sorte de disponibilité, une sorte de souplesse qui amènera l’homme de
demain à une facile adaptation... Notons encore tout ceci...
En relisant, les esquisses de notre réflexion, une inquiétude surgira : cette
disponibilité, cette souplesse ne conduiront-elles pas au consentement, à
l’acceptation, à une sorte de fatalisme ?
D’où la nécessité de donner aussi à l’homme de demain conscience de son pouvoir
sur le monde ou, tout au moins, conscience exacte de sa juste place parmi ses
semblables.
Puis, nous serons obligés de « redescendre » aux problèmes pédagogiques, et ce
sera le second temps de notre méditation.
Nous découvrirons facilement la nécessité des connaissances de base (lire...
écrire... compter...). Nous mesurerons la nécessité impérieuse de la formation de
l’esprit (curiosité, esprit critique, rectitude de jugement) et du caractère (sens de la
dignité, de la solidarité).
. Mais, il nous faut aller au-delà, jusqu’à l’exercice quotidien de notre métier. Et
dans, cette perspective très précise, nous poser maintenant la question : « Comment,
dans ma classe, assurer ces connaissances, cette formation de l’esprit et du cœur ? »
Tout en faisant la classe, dans les jours qui suivront, nous prendrons davantage
conscience des données de ce nouveau problème. Il nous arrivera de fortifier, chez un
timide, la confiance en lui-même par des encouragements ; il nous arrivera de
modérer, chez un autre, des ambitions formelles démesurées ; nous aurons l’occasion
(histoire, sciences) de bien montrer comment l’homme a conquis son pouvoir sur la
nature, comment il a su utiliser ce pouvoir et nous aurons conduit nos plus grands à
un commencement de réflexion...
Tout ceci poussera précieux pour notre devoir.
An bout .d’une semaine, nous aurons ainsi plusieurs pages de notes hâtive*.

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III. LA MISE EN ORDRE :

C’est alors, et alors seulement que commence la rédaction du traditionnel brouillon


(qui n’est absolument pas une improvisation...). Il s’agit de rassembler les éléments
épars d’une même idée générale, de bâtir un plan qui sous-entende une démarche
logique de l’esprit, de ménager une transition entre chaque paragraphe... Enfin, il faut
— et, seulement à ce moment, — rédiger une introduction qui pose bien le problème
tel qu’il nous apparait, et une conclusion qui fasse état de notre position, de no«
réserves, et peut-être, des questions que nous laissons sans réponse...
Tout ce travail gagnera à ne pas être remis au propre immédiatement. Quelques
jours passant, l’ordre d’importance de tels arguments, ou la succession des
paragraphes peuvent se trouver inversés.
« Mais, noua dira-t-on, c’est un processus qui s’étale sur quinze jours ! Comment
ferai-je, le jour de l’examen ? Je ne disposerai alors que de trois heures ! »
Nous affirmons avec l’expérience que cette minutieuse et lente méditation est la
meilleure préparation... Nous connaissons des candidats très méthodiques qui ont
suivi ce conseil pendant toute la première année de leur préparation. Pois, au seuil de
là seconde année, ils ont raccourci les délais... deux on trois devoirs étaient faits dans
le cadre d’un seul jour. Enfin, à quelques mois de l’examen, ils s’entraînaient à rédiger
dans la limite des trois heures imparties.
Par ailleurs, cette méditation pénétrant dans la pratique pour y puiser sa substance
est une excellente recette pour obtenir une rapide maîtrise du métier...

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TEXTES OFFICIELS RELATIFS AU CERTIFICAT D'APTITUDE PEDAGOGIQUE

Aux termes de la Loi du 3 Août 1926, modifiant celle du 30 Octobre 1926, «Nul ne peut
être nommé Instituteur titulaire s’il n’a fait un stage de deux ans au moins dans une école
publique, s’il n’est pourvu du Certificat d’Aptitude Pédagogique et s’il n’a été porté sur la
liste d’admissibilité aux fonctions d’instituteur dressée par le Conseil Départemental».
Actuellement, l’Examen du Certificat d’Aptitude Pédagogique est subi d’après les
règles suivantes :

I. CONDITIONS REQUISES DES CANDIDATS :


a) Conditions d’âge :
Vingt ans révolus au 31 Décembre de l’année de l’Examen. Aucune dispense n’est
accordée. (D. du 18 Octobre 1887). Toutefois, en application du Décret du 18 Octobre
1958, et au profit exclusif des Elèves-Maîtres et des Elèves-Maîtresses, une dispense
peut être accordée par le Recteur, sur proposition de l’inspecteur d’Académie, et sans
limitation de durée. Cette disposition permet la titularisation par promotion.
b) Condition de Stage :
Etre susceptible de compter, au 31 Décembre de l’année de l’Examen, deux années
de stage dans une école publique ou privée. (D. Org. 1889, mod. : 3 Août 1926). Le stage
dans une école privée est constaté par un certificat d’exercice délivré par le Chef
d’Etablissement et certifié par l’inspecteur d’Académie.
c) Dispositions particulières :
Compte pour le stage : Le temps passé à l’Ecole Normale depuis l’âge de dix-huit ans.
Pour les Remplaçants qui sont restés à la disposition de l’inspecteur d’Académie
pendant deux ans au moins depuis leur première suppléance jusqu’au 31 Décembre de
l’année de l’Examen, il suffit d’une moyenne de trente jours par trimestre, soit, deux cent
quarante jours pour deux ans. (Loi Org. Art. 23, mod. 3 Août 1926 et Cire. 15 Février
1926).
Comptent pour la moitié du Stage exigé : c’est-à-dire, pour 120 jours au maximum ;
quelle que soit la durée réelle, les services accomplis par les Suppléants éventuels
pourvus du Baccalauréat, l" Partie ou du B.E.
• Ne comptent pas pour le stage : Les années de service militaire (Durée légale) ; les
congés pour convenances personnelles, sans traitement ; les années d’Ecole Normale,
redoublées pour cause d’insuccès.
Des dispenses peuvent être accordées par le Recteur, sur proposition de l’inspecteur
d’Académie, aux Elèves-Maitres sortants. (Ar. du 26 Déc. 1958) ainsi qu’aux Candidats
appelés ou maintenus soue les drapeaux. (Cir. du
5 Octobre 1956).

d) Diplômes exigés :
Baccalauréat ou Brevet Supérieur de Capacité, ou B.E. ou D.C.E.S.
Nota : Le B.E.P.C. et le Baccalauréat l" Partie ne permettent pas d’être Candidat.

II. CONSTITUTION DU DOSSIER D'INSCRIPTION :


Pièces à fournir : Demande d’inscription sur papier libre, écrite, datée et signée par le
Candidat. Fiche d’état civil. Diplôme ou copie certifiée conforme par le Maire ou le
Commissaire -de Police. Etat des Services sur papier libre, (le décompte est,
généralement fait ou approuvé par les bureaux de l’inspection académique).

III. SESSIONS :
«Une session par an». (D. du 18 Janvier 1887). Toutefois, un décret du 3 Mars 1956 a
institué, à titre provisoire, pour une durée de cinq ans, une seconde session de l’épreuve
écrite, organisée dans la seconde quinzaine de Septembre. Un décret du 23 Mai 1960 a
prorogé cette disposition pour une nouvelle période de cinq ans, à compter du l*r Janvier
1961.
La première session est généralement ouverte en Février, à la date fixée dan» chaque
Département par l’inspecteur d’Académie.
Ne sont autorisés à se présenter à la seconde session que les Candidats qui, pour des
raisons de force majeure laissées à l’appréciation de l’inspecteur d’Académie, n’ont pu se
présenter à la première, et ceux qui, ayant échoué à l’épreuve écrite de Février, ont
obtenu au moins la note 6 sur 20.

IV. ÉPREUVES :
Régies, actuellement, par l’Arrêté du 17 Août 1962. Elles comprennent : Deux
Epreuves écrites, une Epreuve pratique et une Epreuve orale.
a) Epreuves écrites :
Les deux épreuves écrites obligatoires portent, l’une-sur la Pédagogie générale,
l’autre, sur la Pédagogie appliquée aux disciplines de l’Ecole primaire. Candidats et
Candidates ont le choix entre deux sujets de Pédagogie générale et entre deux- sujets de
Pédagogie appliquée. Les Candidates ont, en outré, la possibilité dé choisir un sujet de
Pédagogie appliquée relatif aux activités de l’Ecole maternelle.
Chacune des épreuves écrites est notée de 0 à 20. L’épreuve de Pédagogie générale
est affectée du coefficient 3 celle de Pédagogie appliquée, du coefficient 2. La première
est d’une durée de 3 heures : la seconde, de 2 heures;
Tout Candidat ayant obtenu pour, l’ensemble des deux épreuves écrites une moyenne
égale ou supérieure à 10 sur 20, est déclaré admissible.
20
Sont dispensés de cette épreuve : Les candidats pourvus du C.F.E.N. ou du B.S. de
Capacité créé par l’Ordonnance du 20 Septembre 1958.
h) Epreuve pratique :
Classe de 3 heures comportant, obligatoirement, une leçon d’exercices physiques et
une leçon de chant. Cette épreuve est immédiatement suivie des :
c) Epreuves orales : Elles comportent :
1) Une interrogation sur des sujets de Pédagogie pratique : (Programmes ;
instructions, méthodes et procédés, organisation pédagogique dé la classé,- etc... ).
2) Une interrogation sur l’Administration scolaire : (Programmes des E.N.), limitée, en
principe, aux principales dispositions des lois, décrets et arrêtés organiques, et aux
règlements les plus importants de l’Administration scolaire.
3) L’appréciation d’un cahier : de devoirs journaliers ou d’un cahier de devoirs
mensuels, où d’un cahier de roulement.
Notation de l’épreuve pratique : sur 20.
Notation de chacune des épreuves orales : sur 20.
N.B. Un Candidat qui n’obtient pas une moyenne de 10 points pour l’ensemble des
trois épreuves orales est ajourné.
La note obtenue pour l’épreuve orale ne rachète pas une note insuffisante en pratique
et vice versa.

V. DISPOSITIONS DIVERSES :
Les épreuves pratiques et orales, ont lieu, en principe, avant le l*r Décembre, dans la
classe même de l’Ecole publique ou privée, où le Candidat exerce.
Toutefois, si une Candidate exerçant dans une école de filles demande à subir
l’épreuve pratique dans une école maternelle, ou vice versa, l’inspecteur d’Académie
désigne l’Ecole.
Les Elèves-Maîtres et les Elèves-Maitresses, titulaires da C.F.E.N. sont dispensés des
épreuves orales.
« Tout. Candidat doit avoir Trois Chances par an. Un écrit et deux oraux, ou, un
deuxième écrit et moral, s’il a obtenu, au moins, la note sur 20 au premier écrit. »
(Cir. Min. du 6 Janvier 1959).

VI. BREFS CONSEILS SE RAPPORTANT AUX DIFFERENTES ÉPREUVES :


A) Ceux qui se rapportent aux épreuves écrites sont donnés plus avant.

B) EPREUVE PRATIQUE :
Ces conseils sont inspirés de ceux donnés par M. Maire, Inspecteur Honoraire de la
Seine.
L’épreuve pratique est capitale, puisqu’elle confirme l’aptitude professionnelle. On s’y
prépare en « s’efforçant, dès l’entrée en fonctions, de suivre et d’appliquer intelligemment,
les directives du Manuel de Pédagogie, celles de l’inspecteur primaire », celles qui sont
données à l’occasion des stages effectués à l’Ecole Normale, aux journées et
Conférences pédagogiques, celles fournies par le Directeur et les Collègues
expérimentés de l’Ecole où l’on exerce. C’est une préparation de longue haleine, un long
apprentissage du métier, pendant lequel, « le futur Candidat doit avoir pour devise :
Aujourd’hui, mieux qu’hier ».
Dès le premier jour, le jeune Remplaçant doit, « sans jamais ralentir son effort, mettre
progressivement son enseignement au point ».
Sitôt qu’il a été avisé de son succès à l’épreuve écrite, il doit s’attendre à recevoir, « à
plus ou moins brève échéance », la visite de la Commission d’Examen. Il continuera
d’apporter « tous ses 6oins à la préparation quotidienne de la classe ; mais, il se gardera
bien, en prévision de l’événement, de passer des heures, voire des nuits, à noircir des
f:ches ou les pages de son cahier journal ». Ce faisant, il se fatiguerait inutilement et
perdrait son temps. Il doit être persuadé, que la préparation écrite, sobre, précise,
réfléchie, demeure le moyen excellent de la préparation mentale, et que, si paradoxal que
cela puisse paraître, à première vue, « son rôle est de permettre au Maître, de se passer
d’elle». Il importe que le Candidat soit capable de diriger sa classe, d’exposer toute
catégorie de leçons, sans recourir constamment à ses notes écrites. Ainsi, son
enseignement gagnera en valeur, en aisance et en autorité.
Enfin, arrive le grand jour... Le candidat doit rester calme et « ne pas perdre pied ». De
plus, qu’il se persuade que la Commission vient avec le désir d’admettre tout Candidat,
au moins passable.
Ce jour là, procéder comme à l’ordinaire : mise en rangs et entrées silencieuses et
ordonnées. Pas de temps à perdre : début rapide, emploi du temps suivi d’aussi près que
possible, discipline de la classe assurée, participation des élèves aux différents leçons et
exercices, les différents groupes, constamment et utilement occupés, pas de temps
creux...
Enfin, s’efforcer d’être soi-même, « ne pas vouloir trop bien faire, mais, faire de son
mieux». Fournir la preuve .flue si l’on ne possède pas encore à fond la technique du
métier, on est, cependant, sur la bonne voie, qu’on se révèle, à la fois, désireux et
capable de se perfectionner.
C) EPREUVES ORALES:
1) Interrogation sur des sujets de Pédagogie pratique : Elle prend une physionomie
particulière dans chaque Circonscription d’Inspection primaire. Elle consiste, certes,
toujours en une interrogation relative à la Pédagogie pratique. Mais, ici, elle porte sur la
leçon la moins réussie par le Candidat, à l’épreuve pratique, là, sur une discipline
importante ou accessoire que le Candidat n’a pas eu à présenter, ailleurs, sur la
psychologie appliquée, à l’éducation... Afin de bien s’y entraîner, il est vivement
recommandé eux Candidats de connaître les Programmes Officiels de chaque matière et
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de chaque clas3e primaire, les Instructions Officielles concernant chaque discipline, de
posséder de solides notions de psychologie appliquée à l’éducation. A cet effet, consulter
des ouvrages de Psychologie de l’Enfant, comme le Collins ou le Ferre, de Pédagogie
comme le Souche ou le Leif et Rustin et les Instructions commentées...
2) Interrogation sur l’administration scolaire : Elle porte sur un programme assez vaste
: (Principaux articles de la Loi du 30 Octobre 1886, des Décret et Arrêté du 18 Janvier,
des Règlements les plus importants relatifs à l’Administration scolaire, les modifications
qui ont été apportées à ces derniers en 1936, 1938, 1943, 1945 et les récentes Lois
concernant la réforme et la démocratisation de l’Enseignement).
En fait, s’il y a des questions importantes, souvent posées, il n’existe pas .de liste
limitative de questions à apprendre. Le Candidat doit, bien entendu, savoir les genres de
congés attribués aux Instituteurs, le rôle du Maire et de toutes les Autorités académiques
en matière d’école, les attributions de la C.A.P.D., les récompenses et punitions des
Instituteurs, l’organisation actuelle de l’Enseignement primaire, le. règlement scolaire
modèle des Ecoles primaires élémentaires,. etc... mais, il ne doit nullement se borner à
ces questions, car, il en existe d’aussi importantes et même des cas pratiques et concrets
sur lesquels la Commission peut l’interroger. Qu’il se persuade qu’il ne sera jamais trop
renseigné en ce domaine.
3) Appréciation d’un cahier : Des écueils à éviter : aller à l’aventure, formuler des
remarques banales, se montrer indécis ou trop tranchant pour conclure. Observer
attentivement le cahier et savoir s’il est de devoirs journaliers, de devoirs mensuels ou de
roulement. Voir en tête de la première page ou sur la couverture, le3 renseignements
concernant l’Elève : date de naissance, cours et année du cours dont il fait partie. On sait,
de suite, s’il est rangé dans le cours correspondant à son âge, s’il est en avance ou en
retard.
Examiner l’écriture et la présentation des exercices. Y a-t-il du soin ? Considérer le
choix, la variété des devoirs, leur progression, s’ils correspondent aux programmes...
Apprécier la correction faite par le Maître et par l’Elève : régulière, sérieuse, irrégulière ou
insuffisante de la part de l’un et de l’autre. Le Maître, vérifie-t-il les corrections faites par
l’Elève ? .Les appréciations et annotations marginales sont-elles modérées dans la forme
et écrites lisiblement ? Sont-elles de nature à éclairer l’Elève, à le guider, à l’encourager à
mieux faire ? La note chiffrée, correspond-elle à la valeur exacte du devoir ?
Enfin, conclure : dire si le niveau de l’Elève paraît normal, insuffisant ou supérieur à ce
qu’on pourrait exiger. En termes précis et mesurés, conclure sur la valeur de
l’enseignement donné : méthodique, gradué, adapté, profitable ? Si besoin est, formuler
les réserves nécessaires.
Quelques remarques spéciales : S’il s’agit d’un cahier de devoirs mensuels, il peut
englober plusieurs années de scolarité. Dans ce cas, le Maître doit, au début de chacune
d’elles, indiquer le nouveau cours et son année dont l’Elève fait partie. Les compositions
sont-elles faites régulièrement ? Si l’Elève est absent à l’une d’entre elles, cette absence
doit être mentionnée. Cela est-il fait ?

ARRÊTÉ DU 21 JUILLET 1971

(Vu art. 23 de L. 30-10-1886; D. organique 18-1-1887; A. 18-1-1887 et not. art. 156,


157, 158 et 159 mod.; D. 15-7-1922; A. 10-10-1958; A. 12-8-1965).

Objet : CERTIFICAT D'APTITUDE PÉDAGOGIQUE.


ARTICLE PREMIER. — Les articles 156, 157, 158 et 159 modifiés de l’arrêté du 18 janvier
1887 susvisé relatifs au certificat d’aptitude pédagogique sont abrogés et remplacés par
les articles suivants :
Article 156 (nouveau)
L’examen du certificat d’aptitude pédagogique comprend deux épreuves écrites, une
épreuve pratique et une épreuve orale.
Ces épreuves sont les suivantes :
I. — Epreuves d’admissibilité
Epreuves écrites :
1. Etude d’un ou plusieurs textes ou de documents relatifs à la pédagogie et à la
connaissance de l’enfant. Le candidat sera amené à dégager les notions essentielles et à
rédiger un commentaire critique. Le cas échéant, des questions accompagneront les
textes proposés (durée de l’épreuve : trois heures; coefficient 1).
Í. Préparation d’une séquence d’activités scolaires:
A partir d’une documentation fournie au candidat, celui-ci aura le choix entre trois
types d’activités soit à l’école élémentaire, soit à l’école maternelle :
Le premier relatif & la langue française;
Le deuxième à la mathématique;
Le troisième aux activités d’éveil.
Pour chaque type d’activité, un ou deux sujets pourront être proposés au choix des
candidats.
Pour élaborer son travail, le candidat indiquera la durée et la progression de la
séquence en justifiant brièvement par des considérations d’ordre pédagogique, logique,
psychologique les exercices pédagogiques correspondants. Il précisera les objectifs qu’il
poursuit, les moyens pédagogiques qu’il met en œuvre.
(Durée de l’épreuve : trois heures; coefficient 1.)
Les copies doivent être rendues anonymes avant la correction. Les examinateurs ne
connaissent les noms des candidats qu’après la délibération du jury.
II. — Epreuves d’admission
1. Epreuve pratique :
Elle consiste24en la conduite d’une classe au travers des diverses activités composant
le tiers temps pédagogique.
L’épreuve se déroule dans la classe du candidat, au cours d’une seule demi-journée.
Toutefois :
1° Les candidats exerçant dans des classes de C.E.G. ou dans des classes pratiques
ou de transition peuvent demander l’autorisation de subir cette épreuve dans une classe
élémentaire mise à leur disposition par l’inspecteur d’académie à cet effet;
2° Les candidats exerçant à l’étranger ou dans les territoires d’outre-mer peuvent, s’il
n’est pas possible de réunir une commission d’examen sur place, demander au ministre
de l’Education nationale l’autorisation de subir cette épreuve dans un département
métropolitain de leur choix, au cours d’un congé régulier en France;
3° Les aspirantes peuvent, à leur choix, subir cette épreuve dans une classe
maternelle ou une classe élémentaire.
(Coefficient 2.)
2. Epreuve orale :
Elle a lieu à la suite de l’épreuve pratique et consiste en :
a) Un entretien de caractère pédagogique centré sur un ou plusieurs des exercices
présentés en classe;
b) Un examen critique de travaux d’élèves;
c) Des questions de législation scolaire en rapport avec les activités professionnelles
de l’instituteur et l’orientation des élèves. Cette interrogation pourra être conçue à partir
de documents fournis au candidat.
(Durée de l’épreuve : trente minutes; coefficient 1.)
Article 157 (nouveau)
Sont dispensés des épreuves écrites :
Les candidats titulaires du brevet supérieur (ancien régime) (décret du 15 juillet 1922);
Les candidats titulaires du brevet supérieur de capacité (arrêté du 10 octobre 1958).
Sont dispensés des épreuves écrites et orale ;
Les élèves maîtres et élèves maîtresses titulaires du certificat de fin d’études normales
ou du certificat de fin d’études normales adapté à l’enseignement dans les C.E.G. (arrêté
du 12 août 1965).
Article 158 (nouveau)
Chaque épreuve est notée de 0 à 20.
Pour être déclarés admissibles aux épreuves pratique et orale, les candidats doivent
avoir obtenu une moyenne de (8 sur 20) à l’ensemble des épreuves écrites. Pour être
déclarés admis, ils doivent avoir obtenu la moyenne de 10 sur 20 à l’épreuve pratique et
la moyenne de 10 sur 20 pour l’ensemble des épreuves (écrites éventuellement, pratique
et orale).
Les candidats ayant échoué aux épreuves d’admission conservent pour la session
suivante le bénéfice des épreuves d’admissibilité s’ils ont obtenu la moyenne de 10 sur 20
à ces épreuves. Il en est de même pour l’épreuve pratique s’ils ont obtenu la moyenne de
10 sur 20 à cette épreuve.
Article 159 (nouveau)
L’inspecteur d’académie propose à l’approbation du recteur les sujets des épreuves
écrites. Il fixe la date de l’examen et celle de la clôture du registre des inscriptions.
Le ministre de l’Education nationale fixe chaque année la liste des centres ouverts à
l’étranger et dans les territoires d’outre-mer, pour les épreuves écrites, la date de
l’examen et celle de la clôture du registre des inscription».
ART. 2. — Les dispositions de l’arrêté du 17 août 1962 sont abrogées.
ART. 3. — Le présent arrêté prendra effet à la session de 1972.
Art. 4. — Le directeur chargé des Personnels enseignants est chargé de l’exécution du
présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française.
Pour le ministre et par délégation : Le directeur adjoint du Cabinet, Michel BENOIST.
(J. O. du 1 août 1971.)

26
TEXTES OFFICIELS RELATIFS AU BREVET SUPERIEUR DE CAPACITÉ

(Extraits du B.O.E.N., N" 35, du Jeudi 8 Décembre 1960)

INTRODUCTION.
Jusqu'à la parution de la Loi du 3 Août 1926 qui a modifié la Loi organique du 16
Juin 1881, et mis le Baccalauréat et le Diplôme complémentaire d’études secondaires
au rang des titres de capacité pour l’Enseignement primaire, le Brevet supérieur était le
diplômé permettant l’accès normal à la fonction d’instituteur public ; il était préparé dans
les Ecoles normales primaires et dans certaines Ecoles primaires supérieures.
La Loi du 18 Septembre 1940 supprima les Ecoles Normales, à compter du 1er
Octobre 19 il et la Loi du 28 Novembre 1940, en fixant le nouveau régime des études
des Elèves-Maîtres et des Elèves-Maîtresses, mit fin au Brevet supérieur. Les dernières
sessions normales de cet examen eurent lieu eu .1945, certaines sessions spéciales
ayant été ouvertes, ensuite, pour les seuls Candidats victimes de la guerre. Le diplôme
complémentaire d’études secondaires cessa, également, d’être délivré en 1946.
Le Baccalauréat est donc devenu le diplôme requis pour enseigner dans les Ecoles
primaires élémentaires. Mais, depuis quelques années, les difficultés de recrutement
rencontrées dans la plupart des Départements, ont obligé les Autorités académiques à
employer, en qualité d’instituteurs auxiliaires, (Suppléants éventuels ou Remplaçants
provisoires), des milliers de Maîtres ayant que le Brevet Elémentaire ou la Première
Partie du Baccalauréat.
Avant l’Ordonnance du 20-9-58, les dispositions en vigueur ne permettaient pas de
titulariser ce Personnel, même en cas de réussite au Certificat d’Aptitude Pédagogique
— seuls les Maîtres ayant le B.E. remplissaient la condition de titres pour se présenter à
cet Examen — car, l’Arrêté du 21 Octobre 1953, (B.O. N° 39 du 5-11-53), n’autorisait la
titularisation des Maîtres possesseurs du B.E. que si, d’autre part, ils avaient obtenu lé
Certificat d’Aptitude Pédagogique avant le l" Janvier 1946.
A noter : Pour les Départements d’Outre-Mer, il existe une Réglementation Spéciale
(Article 2. du Décret du 28 Octobre 1952), permettant l’inscription normale sur la liste
des Remplaçants, après concoure, si le Candidat s’engage à exercer 10 ans dans le
Département considéré, à partir de sa titularisation.
La création du Brevet Supérieur de Capacité permet de régler la situation de ces
Maîtres. L’Ordonnance du 20 Septembre 1958, (J.O. du 21-9-58 B.O. du 2-10-58),
complète à cet effet, la Loi du 3 Août 1926 ; elle stipule que :
« A compter du 1er Janvier 1959, et pendant une période de cinq ans, les Maîtres de
l’Enseignement du Premier Degré pourvus du Brevet Elémentaire ou de la Première
Partie du Baccalauréat, provisoirement inscrits sur la liste départementale des
Instituteurs Remplaçants, pourrait être délégués dans les fonctions d’instituteur ou
d’institutrice stagiaire, selon les dispositions prévues par la Loi du 8 Mai 1951, s’ils ont
satisfait aux épreuves d’un Brevet Supérieur de Capacité dont les modalités seront
fixées par Arrêté Ministériel».
N.B. La Loi du 8 Mai 1951 concerne la situation du Personnel Remplaçant de
l’Enseignement du Premier Degré. (Voir Dossiers Documentaires de Novembre et
Décembre 1957).

I. - L'ORGANISATION DU BREVET SUPÉRIEUR DE CAPACITÉ


(Ar. du 14-10-58-B-0. N° 39 du 30-10-1958).
Les épreuves du B.S.Ç. sont divisées en deux parties ; nul ne peut se présenter à la
deuxième partie s’il n’a été admis à la première partie depuis un an au moins.

A. CONDITIONS D'INSCRIPTION.
Peuvent faire acte de candidature les Instituteurs Suppléants et Remplaçants
pourvus du Brevet Elémentaire bu de la Première Partie du Baccalauréat et
remplissant les deux conditions suivantes :
1° Avoir été inscrits provisoirement sur la liste départementale des Instituteurs
Remplaçants ;
2° Avoir été à la disposition de l’inspecteur d’Académie en qualité de Suppléant ou
de Remplaçant, pendant deux années scolaires au moins, y compris l’année scolaire
au cours de laquelle ils se présentent.
L’inscription a lieu deux mois avant la date de l’examen à l’inspection académique
du Département, (Pour la Seine, au Service des Examens : 3 bis, Rue Mabillon à
Paris). La demande datée et signée par le Candidat est accompagnée, soit du Diplôme
du Brevet Elémentaire, soit d’une Attestation de la Première Partie du Baccalauréat.

CAS DES INSTRUCTEURS DU PLAN DE SCOLARISATION.


L’Arrêté du 30 Mai 1959 stipule que peuvent faire acte de candidature à ce diplôme les
Instituteurs suppléants et les Instructeurs du Plan de Scolarisation en Algérie,
remplissant les mêmes conditions de diplôme et d’exercice en l’une ou l’autre de ces
qualités, inscrits sur une liste d’aptitude interdépartementale après avis de la
Commission Administrative Paritaire compétente.
Les Instructeurs ' munis du Diplôme de Fin d’Etudes des Lycées d’Enseignement
franco-musulman, {première ou deuxième partie) ou du diplôme d’études secondaires
des médersas, peuvent être dispensés par le Recteur de l’Académie d’Alger des titres
universitaires réglementairement requis.
Les Instructeurs ne peuvent être admis dans le cadre des Instituteurs qu’après
réussite au Brevet Supérieur de Capacité ou, bien entendu, au Baccalauréat.
28

B. ORGANISATION DES SESSIONS.

Pour chacune des parties de l’examen, deux Sessions sont organisées chaque
année au chef-lieu du Département aux dates fixées par le Ministre.
La deuxième session est réservée aux Candidats qui, ou bien, ayant échoué en
Juillet, ont totalisé le tiers du maximum des points à la première session, pu bien, n’ont
pu s’y présenter pour raison dé force majeure laissée à l’appréciation du Recteur.
Les Candidats subissent les épreuves du B.S.C. (première et deuxième parties)
dans le Département où ils exercent. Si les Candidats inscrits dans un Département ne
sont pas assez nombreux pour justifier la constitution d’une Commission ils subiront
l’examen dans un autre Département de l’Académie désigné par le Recteur, ou dans
une Académie voisine.

C. LES COMMISSIONS D'EXAMEN.

Elles sont nommées par le Recteur sur la proposition de l’inspecteur d’Académie et


comprennent, outre, l’inspecteur d’Académie, président ;
— Le Directeur et la Directrice des Ecoles Normales ;

— Deux Inspecteurs on Inspectrices de l’Enseignement du Premier degré ;


— Deux Professeurs de l’Ecole Normale ;

— Deux membres choisis parmi les Principaux, Directrices, Professeurs de Collège,


Directeurs, Directrices, Professeurs des Cours Complémentaires :
— Deux Instituteurs ou Institutrices titulaires de l’Enseignement public pourvus du

Brevet Supérieur ou du Baccalauréat.


Ces Commissions ne peuvent délibérer régulièrement sur l’admission des
Candidats qu’autant que les deux tiers des Membres sont présents. Les délibérations
sont prises à la majorité des suffrages, la voix du Président étant prépondérante.
D. LES EPREUVES DU BREVET SUPERIEUR DE CAPACITE

PREMIÈRE PARTIE
1) Composition écrite sur an sujet de pédagogie et de psychologie de l’enfant.
(Trois heures ; coefficient ; 2) ; Les Candidates auront le choix entre deux sujets.
2)Interrogation orale comportant :
a) Une interrogation orale sur la morale professionnelle et l’éducation civique et
morale (coefficient : 1).
b) Une épreuve d’élocution et de culture générale comportant, après une préparation
de vingt minutes, un exposé simple, en dix minutes environ, sur une question pouvant
faire l’objet d’une leçon à l’école primaire : explication d’un texte, développement,
raisonnée d’un problème d’arithmétique, question de grammaire française, ou
d’histoire, ou de géographie, ou de sciences, etc... (coefficient : 1).
c) Epreuve de dessin ou de travail manuel (deux heures et demie ; coefficient. 1/2).
Cette épreuve comportera :
Pour les Aspirants ; une composition de dessin (dessin à vue ou croquis côté)..
Pour les Aspirantes ; soit une composition de dessin, soit l’exécution de travaux
manuels.
Elle comportera, en outre, pour tous les Candidats, l’exécution de modèles d’écriture.
d) Une épreuve de musique ou d’éducation physique (coefficient : 1/2).
Cette épreuve comporte :
Soit, l’exécution d’un chant choisi sur une liste de cinq chants présentés par le
Candidat, suivie d’une interrogation sur les notions élémentaires de solfège ;
Soit en une leçon d’éducation physique.

DEUXIÈME PARTIE
Epreuves écrites :
1) Composition française sur un sujet littéraire ou sur un sujet de culture générale
(trois heures ; coefficient : 2). Les Candidats auront le choix entre deux sujets.
2) Composition de mathématiques portant :
a) sur une question de cours d’arithmétique on de géométrie ;
b) sur un problème d’arithmétique, d’algèbre on de géométrie (trois heures,
coefficient : 2).
Epreuves orales :
1) Lecture et explication grammaticale et littérale d’un texte français
(coefficient 2).
2) Interrogation de sciences et d’hygiène (coefficient : 1).
Portant :
a) Pour les Candidats et les Candidates, sur un sujet de sciences ;
b) Pour les Candidates, sur un sujet de puériculture. ou d’économie domestique ;
Pour les Candidats, sur un sujet d’hygiène générale.
L’interrogation de sciences pourra comporter l’exécution et l’explication d’une
expérience simple de physique ou de chimie et une observation commentée de
sciences naturelles telles qu’elles sont pratiquées dans les classes primaires
élémentaires et les cours complémentaires.
3) Interrogation d’histoire et de géographie (coefficient : 1).
Cette interrogation s’appuiera, autant que possible, 6ur l’examen et le commentaire
des documents d’ordre historique ou géographique.
4) Epreuve de langue et littérature étrangères (coefficient : 1).
Cette épreuve comportera, au choix du Candidat ;
— Soit la: traduction d’un texte moderne de langue étrangère ;

— Soit une interrogation sur de grandes, œuvres des littératures étrangères ou

anciennes, (l’interrogation a lieu en français, les Candidats répondent également en


français).

E. PROGRAMMES ET CHOIX DES SUJETS.


30
Les Programmes relatifs aux diverses matières de l’Examen sont établis par Arrêté
ministériel. Les sujets des compositions écrites sont choisis dans chaque Académie par
le Recteur et transmis, seras plis cachetés, au Président de la Commission qui les
ouvre en présence des Candidats. (Voir, plus loin, les derniers Programmes du B.S.C.
relatifs aux D.Q.M.).
F. CAS DES CANDIDATS POSSEDANT LE C.A.P.
Ils sont dispensés de l’épreuve écrite de Pédagogie et de Psychologie prévue à
la première Partie de l’Examen, mais, ils sont tenus de subir, avant la seconde
partie, lés autres épreuves de la Première partie. (Ils doivent obtenir la moyenne
pour l’ensemble des trois épreuves).

G. ADMISSION.
PREMIÈRE PARTIE : Sont reçus, les. Candidats ayant obtenu 50 points, s’ils
ont subi toutes les épreuves, 30 points, s’ils sont dispensés de la composition
écrite de Pédagogie.
DEUXIÈME PARTIE: Sont reçus, les Candidats, ayant obtenu, pour l’ensemble
des Epreuves de la première et seconde parties 140 points ou 120 points, s’ils
sont dispensés de la composition écrite de Pédagogie.
La NOTE ZÉRO est ÉLIMINATOIRE, si elle est maintenue après délibération du
JURY.
PEUVENT ETRE ÉLIMINÉS, après délibération du JURY, les Candidats qui ont
obtenu pour, l’une des Epreuves une NOTE INFÉRIEURE AU QUART DU
MAXIMUM de l’EPREUVE.
La liste des Candidats admis i chacune des deux parties du Brevet Supérieur
de’ Capacité est établie après examen du dossier des Candidats qui doit
comporter obligatoirement la COPIE de leur DERNIER RAPPORT d’INSPECTION.
Les Diplômes sont délivrés par le Recteur.
H. DISPOSITIONS PARTICULIERES.
La possession da Brevet Supérieur de Capacité dispense de l’EPREUVE ECRITE
da Certificat d’Aptitude Pédagogique.
L’article du D.O. du 18 janvier 1887, concernant le» fraudes dans les Examens, ainsi
que les Articles 136, 140, 143 et 144 de l’A.O. da 18 janvier
1886, concernant l’organisation et la surveillance des Examens, sont applicables au

Brevet Supérieur de capacité.


NOTA (TRÈS IMPORTANT) : Les Instituteurs de l’ENSEIGNEMENT PRIVÉ,
pourvus da Brevet Elémentaire ou employés au titre de la Circulaire du 8 décembre
1958 (B.O. N® 46 du 18-12-58), avec la PREMIÈRE PARTIE du BACCALAURÉAT, NE
PEUVENT ÊTRE CANDIDATS au Brevet Supérieur de Capacité.

LES ÉPREUVES
Les Epreuves du B.S.C. portent sur un Programme fixé par Arrêté Ministériel. Le
programme fixé pour 1959 est maintenu pour 1961 par l’Arrêté du 9 mai 1960, à
l’exception, pour la Seconde ; partie du Programme d’Histoire et de Géographie et de
celui, (renouvelable chaque année par moitié), des œuvres dans lesquelles seront
choisis les sujets de la composition écrite de français et de l’interrogation orale de
littératures étrangères et anciennes.
Il est permis de tirer de ce programme et de la réglementation générale de l’examen,
les caractéristiques principales des diverses' compositions.

A. PREMIERE PARTIE.
PÉDAGOGIE et PSYCHOLOGIE : Il est recommandé aux Candidats de mettre en
œuvre dans cette composition écrite, non seulement leurs connaissances théoriques,
mais aussi, l’expérience pratique qu’ils auront acquise au contact des élèves.
DESSIN et TRAVAIL MANUEL : Les Candidates feront connaître, au moment de
leur inscription, si elles désirent subir, une épreuve de dessin ou une épreuve de
travaux manuels.
L’épreuve de travaux manuels féminins, coupe, couture, tricot, raccommodage —-,
portera sur des exercices prévus aux programmes des classes d’écoles primaires et
des cours complémentaires.
L’épreuve de dessin (pour les Candidats), celle de dessin ou de travaux manuels
(pour les Candidates), sera accompagnée d’une épreuve d’écriture. On notera
globalement l’ensemble dessin-écriture ou travaux manuels-écriture. (La part réservée
à l’écriture pouvant être de l’ordre d’un tiers).
CHANT-ÊDUCATION PHYSIQUE : Les Candidats et Candidates feront connaître au
moment de l’inscription, s’ils désirent subir une épreuve de chant ou d’éducation
physique.
Pour le chant, ils présenteront une liste de cinq chants choisis parmi les morceaux
pouvant être enseignés dans les classes d’école primaire ou de cours complémentaire.
Pour l’éducation physique, ils devront établir, après tirage au sort, le plan d’une
séance d’activités physiques à préparer pour une classe déterminée, avec adaptation à
la saison, aux moyens matériels dont on dispose. Chaque séance comportera une
partie d’exercices de maintien et des exercices naturels ou d’initiation sportive
présentés sous forme jouée ou non.
Si les circonstances locales, en particulier, le nombre élevé de Candidats, ne
permettait pas de prévoir l’organisation effective des classes d’éducation physique,
l’épreuve comporterait, outre la composition effective d’une séance d’éducation
physique, l’exécution de mouvements par le Candidat et une interrogation portant sur
des connaissances théoriques et pédagogiques, (se référer, dans ce cas, au
programme d’interrogations orales prévues au Brevet Elémentaire pour les Candidats
dispensés de l’épreuve pratique d’éducation physique. Circulaire du 1*' octobre 1958
B.O. N° 38 du 23 32 octobre 1958).

B. DEUXIÈME PARTIE.
COMPOSITION FRANÇAISE : Le sujet littéraire exige, non seulement une
connaissance précise des œuvres inscrites au programme, mais, elle aura pour but de
révéler la culture générale des Candidats, l’étendue de leurs lectures et leur aptitude à
la réflexion personnelle. L’épreuve orale d’explication de texte portera sur les œuvres
inscrites au programme. Le programme est renouvelé, chaque année, par moitié.
MATHÉMATIQUES et SCIENCES : L’organisation de ces épreuves écrites et orales
n’appelle aucun commentaire particulier.
HISTOIRE : Il s’agira de l’analyse et du commentaire d’un ou plusieurs documents
historiques (textes, statistiques, gravures, photographies, dessins, cartes ou plans)
concernant l’histoire politique, sociale, économique ou artistique de la France et
comportant la connaissance des éléments historiques essentiels de la période à
laquelle se rapporte le ou les documents choisis.
On pourra, pour toutes les périodes, faire usage de documents concernant l’histoire
locale ou régionale s’ils ont un rapport direct avec l’histoire générale.
GÉOGRAPHIE: II s’agira de l’analyse et du commentaire d’un ou de plusieurs
documents géographiques, (cartes, plans, croquis, coupes, dessins, gravures,
photographies ou éléments de statistiques graphiques ou numériques) se rapportant à
la France et à la Communauté et comportant la connaissance des éléments principaux
de la géographie générale physique, humaine et économique et de celle de la France et
de la Communauté.
On pourra faire usage de documents de géographie locale concernant la région où
se déroule l’examen.
NOTA : Pour les deux épreuves, les Candidats disposent de 15 minutes de
préparation.
LA PRÉPARATION AU BREVET SUPÉRIEUR DE CAPACITÉ

Une préparation par correspondance à cet Examen, fonctionne, pour les deux
Parties au CENTRE NATIONAL l’ENSEIGNEMENT par CORRESPONDANCE, 6 rue
MOLIÈRE à PARIS.
Signalons, pour terminer cette étude, que, dès cette année, dans plusieurs
Départements, un certain nombre de Jeunes Gens rempliront les conditions requises
pour se présenter aux deux parties de l’examen. Il s’agit des Remplaçants, NON
BACHELIERS, qui 6ont depuis un an, titulaires du Certificat d’Aptitude Pédagogique,
assimilé alors à la première partie du Brevet Supérieur de Capacité. Ils se trouveront,
de ce fait, dispensés de l’épreuve écrite de la première partie de l’examen et n’auront
plus à subir que les épreuves orales. Ils pourront se présenter à la première session de
juin, à la fois, aux épreuves orales de la Première Partie, et, (sous réserve, bien
entendu, qu’ils aient obtenu les 30 points requis pour être reçus), immédiatement après,
aux épreuves de la deuxième partie de l’Examen.
Bien que, sauf cas de force majeure, ces Candidats soient tenus de se présenter aux
.deux Parties de l’Examen au cours de la 1ère Session, (juin), un Candidat qui
échouerait en juin aux épreuves orales de la Première Partie, pourrait subir, de
nouveau, ces épreuves à la Session de septembre et, en cas de succès, se présenter à
cette même session de septembre, à lit deuxième partie do l’examen.

34
PROGRAMME DU BREVET SUPÉRIEUR DE CAPACITÉ

ACADÉMIE de BORDEAUX VICE-RECTORAT de la MARTINIQUE


PREMIÈRE PARTIE
(Adressé le 13 mai 1966, dans les écoles).

A. PEDAGOGIE ET PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT.


(Epreuve écrite)

1) PÉDAGOGIE GÉNÉRALE :
L’éducation : Différentes conceptions-Légitimité de l’action éducatrice.
Rôle de la famille, de l’école, de l’Etat dans l’éducation.
Importance de l’éducation dans une démocratie.
Les différents aspects de l’éducation (éducation physique, intellectuelle, esthétique et
morale). Notions sur les grandes doctrines pédagogiques.
L’ordre, la discipline et ses différentes formes. Les conditions de l’autorité. Les
sanctions.
Organisation pédagogique de l’Ecole et de la classe. L’école à classe unique.
Préparation de la classe. La leçon, les devoirs écrits. L’utilisation du livre et du
matériel d’enseignement. Moyens audio-visuels.
Le contrôle. Interrogations. Révisions. Compositions.
Le jeu.
L’école maternelle, son objet, son organisation et ses méthodes, son influence
sociale.
Notions sur l’enseignement spécial : écoles et classes de perfectionnement. Ecoles
et classes de plein air.
L’école rurale : orientation de son enseignement ; son rôle dans la formation de la
vacation paysanne.
II) PEDAGOGIE SPECIALE
Etude de chacun des enseignements de l’Ecole primaire ; valeur éducative ou
pratique ; esprit dans lequel il doit être donné ; méthodes et pro- cédés.qui lui
conviennent.
Etude des Instructions Officielles pour l’enseignement du premier degré.
NOTA : On saura gré aux Candidats de mettre en œuvre dans leur composition
écrite, non seulement, leurs connaissances théoriques, mais aussi, l’expérience
pratique qu’ils auront acquise au contact des élèves. 35

III) PSYCHOLOGIE :
Le développement de l’enfant et ses phases. Les âges de l’enfance. Esquisse
générale des phases et des « crises », de la naissance à l’âge adulte.
Notions sommaires sur l’évolution des diverses fonctions psychologiques.
L’affectivité, les intérêts, la connaissance du monde extérieur, le langage, la
formation de l’intelligence et du caractère.
Cette étude nécessite une connaissance élémentaire des tests, mais, elle procède,
surtout, de l’observation du comportement scolaire aux divers âges.

B. MORALE PROFESSIONNELLE - ÉDUCATION CIVIQUE ET MORALE.

(Interrogation Orale)

I) MORALE PROFESSIONNELLE :
L’Educateur : sa mission, sa responsabilité.
De la nécessité de maintenir et de développer sa culture générale et sa culture
professionnelle.
La neutralité scolaire et les obligations de l’instituteur laïque.
La conscience professionnelle, les devoirs envers les élèves, envers les Familles,
envers l'Etat, les devoirs envers les Autorités scolaires.
Les relations avec les collègues et les autres Membres de l’Université. L’Instituteur et
le syndicalisme.
La vie privée et la vie publique de l’instituteur, son rôle moral et social dans la
Commune.
Œuvres complémentaires de l’Ecole.
II) EDUCATION MORALE ET CIVIQUE:
La conscience. La dignité humaine.
Principaux devoirs de la vie individuelle.
Principaux devoirs de la vie familiale et sociale.
Justice et solidarité. Devoirs envers la Patrie.
Dignité des différentes formes de travail.
L’organisation politique, administrative et judiciaire de la France. L'Etat, le
Département et la Commune.
Les devoirs et les droits du citoyen. La devise républicaine. La déclaration des droits
de l’homme et du citoyen.
Les rapports entre les Nations.

C. DESSINS - TRAVAUX MANUELS.

Les Candidates feront connaître au moment de leur inscription si elles désirent subir
36
une épreuve de dessin ou une épreuve de travaux manuels.
L’épreuve de travaux manuels féminins : coupe, couture, tricot, raccommodage,
portera sur des exercices prévus au programme des classes d’écoles primaires et de
cours complémentaires.
L’épreuve de dessin, (pour les Candidats), celle de dessin ou de travaux manuels
(pour les Candidates), sera accompagnée d’une épreuve d’écriture. On notera
globalement l’ensemble dessin-écriture ou travaux manuels, écriture. A titre indicatif, la
part réservée à l’écriture pourrait être de l’ordre d’un tiers.

D. EDUCATION PHYSIQUE.

Les Candidats devront établir, après tirage au sort, le plan d’une séance d’activités
physiques, à préparer pour une classe déterminée, avec adaptation à la saison et aux
moyens matériels dont on dispose.
Chaque séance comportera une partie d’exercices de maintien et des exercices
naturels d’initiation sportive présentée sous forme jouée ou non. Les Candidats doivent
se reporter aux Instructions de 1946.
Les candidats auront, en outre, à diriger une partie de cette séance exécutée par un
groupe d’élèves (20 au minimum), d’âge correspondant au cours envisagé, (durée de 15
à 20 minutes). La préparation sera notée sur 8, la direction de séance ainsi que
l’aptitude à démontrer, sur 12.
Si les circonstances locales, en particulier, le nombre élevé des Candidats ne
permettaient pas de prévoir l’organisation effective de classes d’éducation physique,
l’épreuve comporterait, outre la composition d’une séance d’éducation physique,
l’exécution de mouvements par le Candidat et une interrogation portant sur des
connaissances théoriques et pédagogiques, (se référer au programme des
interrogations orales prévues au Brevet Elémentaire pour les Candidats dispensés de
l’épreuve pratique d’éducation physique), (Circulaire du 1er octobre 1958. Bulletin Officiel
N° 38).

37
DEUXIÈME PARTIE

PÉDAGOGIE GÉNÉRALE

35
« L'idéal du Maître c'est de devenir Inutile pour son élève. »

PLAN DE LA DEUXIEME PARTIE


(PÉDAGOGIE GÉNÉRALE)

I. PROBLÈMES GENERAUX PSYCHO-PEDAGOGIQUES.


1 On oublie vite ce qu’on a appris, mais on n'oublie guère ce qu’on a trouvé.
2 Tête bien faite et non bien pleine convient-elle à l’éducation de notre temps ?
3 Nous ne sommes plus à l'âge ou il suffisait pour vivre de réciter les cours.
4 Pédagogie traditionnelle et pédagogie nouvelle.
5 La pédagogie moderne devrait combiner deux principes.
6 La pédagogie moderne embrasse l’enfant dans son individualité entière.
7 L’enfant doit-être habitué à travailler à l’école.
8 On ne laissera à Emile prendre aucune habitude.
9 Plus un homme à d’habitudes moins il est libre.
10 Profits que l'on peut tirer de l'observation des élèves.
11 L'idéal de l’EcoIe primaire n’est pas d'enseigner beaucoup mais de bien enseigner.
12 La méthode de l’EcoIe primaire doit-être intuitive, inductive et active.
13 Etudiez vos enfants car vous ne les connaissez point.
14 Trois instruments toujours inutiles et pernicieux : le sentiment, le raisonnement, la
colère.
15 Jamais de comparaisons avec d’autres enfants.
16 Dangers et inconvénients de la routine.
17 La méthode interrogative et sa caricature.
18 Le contrôle des acquisitions.
19 Importance à attribuer aux devoirs écrits.
20 Part du livre et part de l'enseignement oral dans la classe.
21Je hais les livres... Que le livre soit l'instituteur en chef.
22 Comment concilier la discipline et le développement de la personnalité de l'enfant.
23 L’emploi universel des techniques audio-visuelles.
24 Travail métier vocation.
25 L’utilisation du matériel d'enseignement.
II. L'ART DU MAITRE. 37

26 L'idéal du maître c’est de devenir inutile pour son disciple.


27 « Enseigner, c'est choisir ».
28 « Enseigner, c’est apprendre deux fois. »
29 Un peu de savoir, beaucoup de bon sens et infiniment de dévouement : voilà le bon
maître.
30 Enseigner le moins possible, faire trouver le plus possible.
31 On parle trop, on ne dessine pas assez.
32 II existe un art de faire une leçon.
33 Une bonne leçon suppose, la collaboration du maître et des élèves.
34 l’instituteur se doit à tous ses élèves et pas à quelques uns.
35 La classe homogène.
36 Pour que les élèves ne perdent pas leur temps, il faut que les Maîtres apprennent à
perdre le leur
37 C’est perdre du temps à gaspiller de l'énergie (I.O).
38 II est bien peu d'esprits qui n'aient leur accès.
39 L’éducateur toujours plus ou moins exclu d'un groupe.
40 Je n'ai pas confiance dans tous ces jardins d'enfants.
41 L'homme heureux trouve son plaisir dans son travail.
42 Etre heureux c’est se donner à une œuvre dans laquelle on a foi.
43 II n'y a de progrès seulement qu'en ce que fait l’écolier.
44 Le Maître doit faire preuve d'esprit d’initiative.
45 Le rôle du Maître est d'enseigner des fondations solides et durables de tout l’édifice
scolaire.
46 L’Ecole primaire offre ce spectacle ridicule d'un homme qui fait des cours.
47 Ce qui intéresse n’instruit jamais.
48 Je ne crois pas à ces leçons amusantes qui sont comme la suite des jeux.
49 L'art d'enseigner n’est que l'art d'éveiller la curiosité.
50 La qualité d'une éducation tient à celle de l'homme qui la donne.
51 Votre élève se fait en faisant.
52 L’enfant conquérant de son savoir et artisan de son éducation.
53 Le Maître est pour l'élève le vrai manuel.
III. DIFFÉRENTES CONCEPTIONS EDUCATIVES.
54 Le pédagogue doit aborder chaque être humain avec une hypothèse optimiste.
55 Vos classes sont terminées vos études commencent.
56 La réalité présente n’est pas la seule réalité.
57 L'éducation est l'art de faire passer le conscient dans l'inconscient.
58 C'est en fonction d’un état futur que l'on doit éduquer.
59 II faut enseigner tout à tous.
60 Faut-il que l’Ecole soit ouverte ou fermée ?
61 Une éducation qui n'exerce pas les volontés déprave l'âme.
62 Toute doctrine
38
pédagogique fait une part au dressage et une part à l'éducation.
63 L’Education a pour but d'enseigner à l'enfant, à apprendre ce qu'il aura besoin de
savoir.
64 Notre pédagogie devrait provoquer le désir et la curiosité.
65 Le but de l'école est de développer au maximum la personnalité de l’enfant.
66 L'éducation, œuvre de la vie entière.
67 La méthode sévère d'Alain.
68 Faire agir grand principe de l’enseignement.
69 Faut-il supprimer les matières comme les leçons de choses, l'histoire ?
70 L’éducation esthétique à l’Ecole primaire.

IV. FACULTÉS ET TENDANCES ENFANTINES.


71 Caractères de l'attention enfantine. Comment la provoquer et la retenir ?
72 L'inattention des élèves, condamnation du maître.
73 Ne commandez pas l’attention de vos élèves.
74 La mémoire de l’enfant : Exercices développant la mémoire des élèves.
75 Lin jugement de Duhamel sur. la culture de la mémoire.
76 II faut réhabiliter la mémoire.
77 Rapports de la mémoire avec l’intelligence, le jugement, l'imagination.
78 La curiosité enfantine.
79 L’esprit d’observation : ses éléments constituants, comment le cultiver.
80 L'esprit critique : occasions et moyens da le développer.
81 Le jeu a une profonde signification.
82 Le jeu et la classe attrayante.
83 Je veux qu’on donne le merveilleux à l'enfant.

V. LA CULTURE ET L'INSTITUTEUR.
84 Le Maître s’instruira sans cesse.
85 Eduquer les autres, c’est se rééduquer soi-même.
86 Avantages d’une excellente préparation de la classe.

VI. AUTOUR DE L'ÉCOLE.


87 L’Ecole est une seconde famille.
88 La famille prépare, soutient et complète l’éducation publique.
89 Les initiatives de l’école et la collaboration des parents.
90 NI substitution, ni subordination, aux familles.
Sujet N°1
Expliquez et commentez cette affirmation :
« On oublie vite ce qu'on a apprit, mais, on n'oublie guère ce qu'on a trouvé. »
(C.A.P. Martinique, Session d'octobre 1966)

Une manière, entre mille, de concevoir le devoir:


I. EN GUISE D'INTRODUCTION.
L’homme, et plus encore l’enfant, oublient assez facilement. L’oubli est le fait, qu’un
souvenir n’a pas été rappelé ou ne peut plus être rappelé, et, non point, comme le pense
le sens commun, la disparition complète d’un souvenir du champ de la conscience, Qui
pourrait préciser les souvenirs totalement disparus de la mémoire...
Cependant, il existe des degrés dans l'oubli. C’est ainsi qu’on parle d'oubli volontaire,
ou involontaire, d'altération de souvenirs, d’impossibilité momentanée ou définitive de
rappeler ceux-ci. Parmi les humains, les uns oublient rapidement d'autres, moins
facilement, quelques-uns, pas du tout... L’affirmation à examiner évoque deux formes
d'oubli : On oublie vite... mais, on n'oublie guère.

II. EXPLICATION DE L'AFFIRMATION:


Le sens de quatre mots ou expressions de l’affirmation en question, s’avère
indispensable à son explication correcte.
a) ON OUBLIE VITE. Quand les souvenirs disparaissent, sans tarder, peu de temps
après, disons, plutôt, rapidement, du conservatoire de la mémoire. A peine, laissent-ils de
traces.
b) ON N’OUBLIE GUÈRE. Lorsque la mémoire est plus rebelle à l'oubli, quand elle se
montre toujours capable de contrôler la présence de souvenirs déterminés en les
rappelant, dans leur précision et leur fidélité, en un mot, quand ceux-ci ne s'effacent
presque pas.
c) APPRENDRE. Dans l'affirmation, prend le sens, de recevoir ses informations de
l’extérieur, parfois, bon gré, tantôt, malgré soi. Ce qui laisse penser que, dans ce cas, le
désir d'apprendre ne fonctionne pas toujours à souhait ou à plein rendement. Apprendre
devient, dès lors, plutôt une nécessité s'imposant du dehors ou un désir purement
passager. (Ex : l'élève qui apprend pour plaire à son Maître).
d) TROUVER. Suppose une recherche préalable ; que l'on s'est posé une question,
que l’on est décidé à résoudre un problème quelconque, que l’on s’oriente volontairement
et délibérément vers la résolution d’un sujet déterminé... Peut-être, par nécessité vitale,
parce que, poussé par un sentiment intérieur puissant, parce que la recherche faite
répond à une curiosité, sans cessé, en éveil ou à un besoin psychologique interne de
notre être.
Ces rapides explications permettent de comprendre pourquoi :
A) ON OUBLIE VITE, assez FACILEMENT, ce qu’on a APPRIS :
Apprendre suppose un apport étranger. Il sous-entend une information fournie par les
autres, qui devient difficile à bien assimiler parce qu'on n'y a presque pas contribué et,
surtout, parce qu'il ne cadre pas toujours avec la personnalité, les aspirations intrinsèques
de celui qui reçoit.
Qui peut nier que le rendement est meilleur dans tous les domaines en particulier,
celui de la mémoire, lorsque l'individu trouve un intérêt à ce qu’il fait !....
Et puis, on oublie vite, parce que l'on apprend, dans ce cas, sans même se poser des
questions.
La conservation des souvenirs dépend de leur nature, mais, avant tout, de la manière
dont se fait leur mémorisation.
B) MAIS, on N’OUBLIE GUÈRE ce qu’on a TROUVÉ ;
Car, trouver suppose un travail de méditation et de recherche personnelle une
participation active et intéressée de la part du chercheur. On apprend ce que l'on veut
apprendre et au moment où on désire l’apprendre. On entreprend un travail intellectuel en
harmonie avec ses moyens, ses goûts, et ses aspirations.
Trouver, signifie découvrir par le travail propre de sa pensée ; don, attitude du véritable
chercheur, mise en branle de l'esprit, sous sa forme scientifique qui conditionne le vrai
savoir. Ces connaissances « ouvrent l'entendement par les choses», dit Kant, et laissent
dans la mémoire, traces durables, sinon définitives. Elle peut toujours les rappeler,
précises et fidèles. Cette forme de savoir ne s'oublie presque pas.
III. COMMENTAIRE :
L'enfant ou celui qui apprend, dans le sens de l'affirmation, reçoit des vérités. Il ne se
pose aucune question interprète souvent mal et ne fait nullement travailler son sens
critique.
Tout autre est celui qui trouve. Il cherche de lui-même, et parfois, sous la direction de
son maître. Il participe directement à la recherche de la vérité. Celle-ci étant mieux
assimilée, il interprète correctement et fournit des réponses justes. Il est sûr de retenir ce
qui lui parait clair et qu'il comprend.
Mieux, ce qu'on a cherché reste lié: intimement à la vie de l'individu et à celle de son
esprit.
Ce qu’on a cherché déclenche la joie de la découverte qui naît de l'effort, de la fierté
de la réussite et du sentiment d'originalité qu'offre la découverte faite.
N'est-ce pas dans le sens même de la pensée examinée que le savant Ed. Bouty
déclare : « On ne sait que ce que l'on a découvert, vu, compris, par ses propres moyens ?
Dans le domaine pédagogique cette pensée demeure une précieuse règle de
conduite pour tout Maître soucieux de communiquer un enseignement durable. Elle
porte un coup sérieux au dogmatisme et* ouvre le règne des méthodes actives. Elle
41
conduit l’instituteur à se demander si, à côté du travail collectif de tous les jours, il ne
devient pas nécessaire de prévoir une individualisation de l'enseignement.
La leçon collective, n'a de valeur pédagogique réelle que lorsque le maître
recherche, sans cesse, les moyens de rendre sa classe active, c'est- à-dire, amène ses
élèves à observer, à mesurer, à comparer, à vérifier, à réfléchir et s’ils se trompent, à
recommencer, à corriger leurs fautes. Ainsi comprise, elle offre un double avantage :
chaque élève progresse et la classe devient une communauté de travail où les faibles
sont, en quelque sorte, entraînés par les forts.
Pourtant la pédagogie contemporaine ne s’en contente pas. Elle suggère une
individualisation, de plus en plus poussée de l’enseignement, pour éviter que le travail
collectif fasse perdre un temps précieux à une large fraction de classe (cas de
rattrapage de certains élèves), et surtout parce qu’elle entend initier tous les élèves aux
méthodes de travail personnel. Le type de cet enseignement a connu un très large
succès avant la guerre de 1914, dans les pays anglo-saxons, sous le nom de Plan
Dalton. L'élève s'y trouve conduit à apprendre — à apprendre seul, car il travaille sur
des documents, au lieu d’écouter passivement et de digérer des leçons toutes faites.
On parle aujourd’hui de travail par équipes, de fiches auto-correctives, d'enseignement
programmé ou de machines à enseigner. Ces derniers appareils apportent aux élèves
des informations, des tâches, de contrôle, chacune, pour vérifier si l'information
précédente a été assimilée ou non et savoir si l’on peut passer à la suivante ou s'il faut
apporter une information supplémentaire. Les boîtes enseignantes Freinet ne sont que
de simples bandes comportant une information (règle de grammaire par exemple), un
exercice et son corrigé.
Apprendre ne doit plus consister, pour l’élève, à écouter et retenir les paroles du
Maître. Un tel enseignement est irrémédiablement condamné à l’oubli.
Apprendre doit devenir une recherche personnelle, une participation active et
intéressée dé l'élève, effectuée avec la discrète participation de son Maître.
L’instruction devient une lente et patiente conquête de l’élève. Si, par des méthodes
pédagogiques appropriées, le Maître parvient à faire de son élève, le conquérant de
son savoir et l'artisan de son éducation, ce dernier n’oubliera pas du tout ce qu’il a
trouvé.
En science : observation et expérimentation, contact avec la réalité, par l’élève.
En calcul : manipulations d’objets, exercices pratiques de mesures, découvertes
des formules et de vérités mathématiques élémentaires...
En grammaire découverte et énoncé de la règle.
Bref, participation et collaboration active de l’enfant au point que les vérités qu’il
acquière, par lui-même, s’incorporent à sa personnalité et en deviennent inséparables.
L’activité créatrice, la recherche personnelle, l'effort de découverte, confèrent solidité et
fidélité aux connaissances conquises et font qu’on n'oublie presque plus ces dernières.
Aussi, dit-on souvent : « La mémoire ne retient sûrement que ce dont elle s’est rendu
compte. »
SUJET N° 2

Depuis le célèbre propos de Montaigne sur « tête bien faite » et « tête bien
pleine », les conceptions touchant à la nature du savoir ont
considérablement évolué.
Indiquez le sens de cette évolution, tout en étudiant son incidence sur votre tâche
quotidienne, puis, essayez de formuler une théorie pédagogique qui conviendrait
à l'École de notre temps.

I. INTRODUCTION :
Voici du temps déjà qu’on répète l’Ecole primaire n’est plus adaptée à l’époque
actuelle. Presque tous les congrès d’Enseignants syndicaux et professionnels
inscrivent, en priorité, à leur ordre du jour : l’Ecole dans la société contemporaine. De
partout, on parle de réforme, de démocratisation de l’enseignement et de refonte des
programmes primaires...
Tout laisse croire que, non seulement, les conceptions touchant à h nature du savoir
à inculquer à l’élève primaire ont évolué, mais, surtout, que les principes essentiels de
notre système éducatif sont à rénover...

II. NOS CONCEPTIONS ÉDUCATIVES ONT-ELLES ÉVOLUÉ?


A) NATURE DU SAVOIR :
Il y a environ soixante ans, à l’époque dite de stabilité, la tâche du maître d’Ecole
primaire paraissait plus facile qu’aujourd’hui. Sa mission consistait essentiellement à
transmettre à ses élèves une science, sinon fixée, du moins, sûre dans ses principes et
ses éléments. Son idéal se confondait presque avec celui de Montaigne : « mieux vaut
une tête bien faîte, qu’une tête bien pleine ».
Aujourd’hui, la forme du savoir à enseigner à l’élève est autre.
Il en est de même de celle à posséder par le maître lui-même. Cela se comprend
aisément. L’école doit s’adapter à son temps. Or, les caractéristiques de notre époque
ne ressemblent en rien à celles de 1900. Notre siècle a subi les « pulsations de
l’histoire ». Il a éprouvé des transformations si rapides qu’on le dirait en marche. Nous
vivons l’ère technicienne. Le monde change sans cesse. Des rapports nouveaux se
tissent entre l’Ecole, les parents de ses élèves et les sociétés qui l’entourent dans le
petit village comme des les grands ensembles. La société moderne impose à l’enfant
des conditions de vie qui risquent d’être autant d’obstacles à son développement
équilibré. Plus que jamais, l’Ecole doit offrir à ceux qui la fréquentent un « milieu
équilibrant » dans lequel l’organisation du travail, le rythme et la nature des activités,
visant une éducation complète, tendent à créer une heureuse harmonie entre la
formation intellectuelle, l’acquisition des connaissances, l’épanouissement physique et
sensoriel.
Il semblé important de signaler qu’une démocratisation véritable de l'enseignement
et les fins d'une éducation laïque, impliquent l'absolue nécessité de donner à tous les
enfants, sans discrimination, d’égales possibilités de développement de leurs aptitudes,
de leurs inclinations et de leurs goûts. Si les élèves n’y sont pas sérieusement
préparés, ils risquent, plus tard de vivre et d’agir dans une société technicienne
pouvant les asservir s'ils n’en dominent pas l'évolution. Pour faire face à ces impératifs
nouveaux, une modification assez conséquente du savoir à inculquer à nos élèves, de
sérieuses révisions, un allègement substantiel des programmes primaires devenus
démentiels, en vue de leur parfaite adaptation à notre époque, s'imposent. Le maître ne
peut plus se contenter de transmettre à ses élèves une science qui est déjà celle du
passé, alors même qu'elle figure dans les programmes et les manuels. Dans l'esprit
même de la C.M. d'octobre 1960, ii est permis de se demander si l'Ecole a toujours
comme but premier d'apporter directement toute la connaissance à l’élève. Sort rôle
fondamental, comme le précisait dernièrement un rédacteur de l'E.N. n'est-il pas
désormais « d'apprendre à trier, interpréter, ordonner, juger des notions puisées par
l'enfant hors de tout contrôle scolaire dans l'école parallèle de l’information visuelle, du
magazine, du cinéma, de la télévision ».

B)EDUCATION PROPREMENT DITE:


Il semble aussi logique qu'à une situation nouvelle, corresponde une éducation
nouvelle. Il appartient encore certes au maître d'école de se pencher avec
bienveillance et sollicitude sur l'éducation de ses élèves. Pourtant l'orientation générale
de notre formule éducative doit change. C'est ce que signale J. Rostand dans une
conférence qu’il vient de prononcer à la Session générale et syndicale d'études pour
l'année 1965. II dit : « Dans l'état présent de la Société, il y a une immense
déperdition» un immense gaspillage de valeurs. Plus je vais, plus je vieillis, et plus forte
se fait en moi la conviction qu’un grand nombre des humains portent en eux des
virtualités bien supérieures à celles que les conditions de leur vie leur permettent de
réaliser ».
Désormais, l'orientation doit devenir la recherche et l’ouverture des voies permettant
à chaque élève de s'épanouir pleinement en tant qu'homme, citoyen, travailleur, quelle
que soit son activité professionnelle.

III. INCIDENCE SUR NOTRE TÂCHE QUOTIDIENNE :


Pareille situation trouve son Incidence sur la tâche journalière du maître d’Ecole. Ce
dernier garde l'impression que l'enseignement qu'il dispense est déplacé, sinon ne
cadre plus avec l'époque qu’il vit parce que, en retard sur la connaissance. Ses
méthodes d’enseignement, le contenu même des programmes ne semblent plus
répondre aux exigences du moment. Ses élèves eux mêmes, sollicités par des bruits
extérieurs de toutes sortes sont inattentifs et examinent tout superficiellement. Les
machines à étudier : cinéma, radio, épiscope, magnétophone, disque', télévision,
trouvent, de plus en plus, place à l'école et semblent réduire la participation du maître
qui est, par contre, absorbé par le réseau considérable d’œuvres post et péri scolaires,
gravitant autour de l'école et auxquelles il doit apporter sa collaboration.
En dépit.des I.O. qui le guident, un peu surannées, il faut l'avouer, le maître repense
sa tâche, cherche patiemment à adapter sa théorie éducative à son temps. Il s'en suit
une modification dans sa manière même d’enseigner, dans les programmes qu’il
parcourt et même dans sa façon de considérer les rapports Maîtres-Elèves.
Il ne perd pas de vue que les élèves qui fréquentent sa classe atteindront l’âge
d'hommes faits d’ici 20 ans. C’est donc la génération de 1987 ou de l’an 2.000 qu’il lui
faut préparer. Le grand point d’interrogation est de prévoir, quel savoir, quelles
aptitudes exigera d'eux la civilisation de cette époque.

IV. LA THÉORIE PÉDAGOGIQUE QUI CONVIENDRAIT A L'ÉCOLE DE NOTRE


TEMPS :
Une pédagogie tournée vers l’avenir serait à adopter. Il semble que pour l’homme
de 1987, la qualité essentielle sera moins de savoir que d’être resté capable
d’apprendre du nouveau.
Il faut reconnaître qu’il nous sera terriblement difficile de quitter nos habitudes
éducatives dans lesquelles notre situation de ^maître se trouve si bien définie, et où
nous avons la joie d’amener l’acquisition de connaissances, des progrès intellectuels.
L’essentiel n’est pourtant pas là. Il vaudrait peut-être mieux, habituer l’élève à acquérir
seul des connaissances, à exploiter des documents, à juger une situation, à procéder à
des essais, à des mesures, à des contrôles. Cette pédagogie est à découvrir parce
qu’elle diffère profondément de celle d’aujourd’hui qui demande presque exclusivement
aux élèves d’emmagasiner un certain savoir, puis, de le restituer aussi fidèlement que
possible, le jour de l’examen.
A tous les niveaux de l’école primaire, la pédagogie devrait chercher à être
prospective, c'est-à-dire, à préparer l’avenir.
Dans son ouvrage : Une éducation pour notre temps M. André Grand- pierre résume
les finalités de l’éducation par la double expression : retour aux sources et formation de
la personnalité.
Il ne manque point de formuler des orientations générales dont les principales sont :
a)Approfondir l’instruction dans les connaissances fondamentales, en renonçant
délibérément aux enseignements encyclopédiques.
b) Donner le plus grand soin à l’éducation du caractère en s’efforçant de développer
les qualités de jugement, de courage, de sens civique et social, ainsi que
l’enthousiasme vers un idéal élevé.
c) Faire acquérir à chacun de solides méthodes de travail personnel ou le goût du
travail en équipe.
d) Etablir le plus de liaisons possibles entre l'enseignement et la vie concrète.
e) Humaniser également par l'éveil du sens artistique. Ouvrir l’esprit et le cœur à la
vie sociale nationale et Internationale. Donner la valeur qui s’y attache à l'éducation
physique et sportive pour la santé du corps et l'équilibre de la personnalité.

V. CONCLUSION :
Du point de vue nature du savoir à inculquer à l'élève, l'effort éducatif se schématise
par la phrase de M. Jean Capelle, ancien dirigeant du premier degré : « Si la société du
début du siècle s'accommodait d'un qualifié pour quatre non qualifiés, celte de 1970
exigera quatre qualifiés pour un non qualifié. »
SUJET N°3
Expliquez et commentez cette opinion d'un pédagogue contemporain.
« Nous ne sommes plus à l'âge où il suffisait, pour vivre, de réciter les cours,
c'est-à-dire, de faire seulement appel à ses connaissances. »
(C.A.P. Martinique, Octobre 1966)

Une manière de concevoir le sujet

I. EN GUISE D'INTRODUCTION :
Notre époque est en mouvement, et, même en marche. On parle de « l’accélération
de l’histoire ». Chaque jour apporte des inventions et des découvertes nouvelles. Les
progrès se précipitent à une cadence qui nous étonne. De toutes parts, les vieilles
théories scientifiques que l’on croyait établies, une fois pour toutes, sont ébranlées et
remises en question. « La distance et le temps sont vaincus », comme le dit si bien
Vigny ». Les connaissances acquises au cours de notre scolarité semblent instables et
précaires au point que l’on se demande si l’homme moderne peut encore se contenter
de « réciter les cours, c’est-à-dire, de faire seulement appel à ses connaissances. *

II. EXPLICATION RAPIDE DE L'OPINION :


L’auteur dès la pensée établit une sorte de similitude entre les expressions « réciter
les cours » et faire seulement appel à ses connaissances ». Le terme, c’est-à-dire, placé
entre les deux, en témoigne.
Réciter les cours, c’est faire étalage de ce qu’on a appris à l’école, de ce qu’on sait.
C’est fonder son adaptation au milieu social, sur le seul contenu de sa mémoire. C’est
en somme, faire preuve d’une « tête bien pleine ».
Aujourd'hui, une telle forme de savoir ne saurait suffire pour assurer notre adaptation
à la vie, car le champ de nos connaissances est devenu immense. Il y a tant de choses
à apprendre qu'un seul homme ne peut tout savoir comme du temps de Pic de la
Mirándole et de L. de Vinci. Ce dernier se signala par l’étendue de ses connaissances
car, il fut, à la fois, dessinateur, anatomiste, sculpteur, architecte, ingénieur, écrivain,
musicien, scientifique; ainsi que le confirment 'les innombrables notes qu’il a laissées.
Nos connaissances se sont étendues au degré que mêmes les spécialistes ne
peuvent parvenir à connaître tout ce qui concerne leur domaine propre. Il s’en suit que
l’époque actuelle réclame une toute autre forme de savoir que celle fondée
exclusivement sur la mémoire. Pour vivre, l'homme de notre âge ne peut se contenter
de « réciter ses cours ». Il doit posséder des connaissances de base, très bien
assimilées, susceptibles d'être toujours reconverties, une dose de savoir prospectif lui
assurant une perpétuelle disponibilité de l'esprit qui lui permet de s’adapter, sans
cesse... A époque nouvelle, nouvelle forme de connaissance :

III. COMMENTAIRE ET CONSEQUENCES PEDAGOGIQUES :


Cette opinion trouve des conséquences sur le plan pédagogique. Elle pousse à se
poser deux questions :
A notre époque, quel doit être le but majeur de l'action éducative ?
Quelles méthodes pédagogiques mettre en ouvre pour l’atteindre ? Quand on
examine la première question, elle conduit automatiquement à opposer la pédagogie
classique à l'active.
La première n’avait pour moyens que l’exposé autoritaire, la leçon dogmatique. Elle
faisait un usage abusif de la mémoire et exigeait la récitation par cœur des cours. Elle
visait à la tête bien pleine », même si elle était « mal faite ».
L’école des temps anciens préparait les enfants à la vie, formait les hommes de
demain. Elle les instruisait, leur apprenait à bien lire, à bien écrire, et à compter avec
sûreté. En outre, elle se préoccupait d'éducation physique et formait le cœur de ses
élèves. But normal et idéal très noble pour l’époque, puisque la science progressait
lentement et les connaissances ne changeaient guère. Cet âge exigeait, avant tout, des
gens ayant des connaissances solides, en vue de remplir des fonctions prévues
d’avance.
Notre monde en mouvement, en progrès accélérés, est en train de vivre une
immense mutation. Il en prend mieux conscience chaque jour. Les civilisations savent,
maintenant, qu'elles « sont mortelles », comme l’avait pressenti P. Valéry. Le monde vit
dangereusement. Les armes atomiques peuvent le détruire en un instant. Par contre, le
niveau de vie de l’homme a considérablement augmenté. Mais, que de crises nouvelles
envahissent notre civilisation ! (surproduction, chômage, démographie galopante
entraînant une forte densité de population, vie bruyante, haletante, agitée, épuisante).
On en vient à penser que, puisque la vérité scientifique d’aujourd'hui sera dépassée,
il ne sert plus à rien d'apprendre la science de nos jours.
Les jeunes actuels ont surtout, besoin d’acquérir de solides connaissances de base
et de nouvelles 48 méthodes de travail.
Il faut, surtout, développer l’esprit critique de nos élèves, leurs possibilités
d’adaptation, créer chez eux, « l'instrument du travail intellectuel », les habituer à la
réflexion féconde.
Il en découle une pédagogie toute nouvelle, qui consiste à placer l'enfant face aux
objets, aux documents expressifs, aux problèmes de la vie, pour qu'il appréhende le
réel.
Il importe qu'il s'habitue à, se poser des questions, à se critiquer à juger ses œuvres,
à dégager l'essentiel d’une question, d'un problème, d'une expérience. (Donner des
exemples à puiser, en sciences, histoire et géographie).
La pédagogie de notre âge ne saurait se contenter d'un constant appel à ses
connaissances. Elle réclame, plutôt, que l'écolier devienne l’artisan de son savoir.
Le maître de nos jours n’est plus l’absolu qui parle seul, enseigne et commande. II
devient le guide, le conseiller de ses élèves. Il doit en être de même, en dehors du plan
de la scolarité pure,. Loin d'être un robot, l'homme de demain devra être un perpétuel
disponible d’esprit. La pédagogie scolaire actuelle doit s'en pénétrer.
Le dernier Congrès de la Ligue internationale d'Action laïque résume comme suit
l’éducation de notre temps.
« Dans un monde qui se transforme avec une accélération parfois tumultueuse,
l'éducation ne peut être la simple transmission de connaissances et de valeurs
considérées comme définitives ou immuables. Elle doit éveiller et entretenir chez
l'individu une disponibilité qui lui permette, dans tous les domaines de la pensée et de
l’action, d'affirmer sa personnalité tout en participant à l’Evolution Générale. Elle doit
créer, chez l'homme, le besoin de se dépasser et lui donner la volonté et lès moyens de
satisfaire ce besoin ».
SUJET N°4
Pédagogie traditionnelle et pédagogie nouvelle.
Essayez d'en préciser les différences fondamentales et dites, en vous justifiant,
celle qui vous paraît la plus apte à réaliser la meilleure éducation.

Une manière de concevoir le sujet:


II est devenu presque coutume d’opposer pédagogie traditionnelle et pédagogie
nouvelle. Y a-t-il vraiment abîme entre elles ? Les différences qui les séparent sont-elles
irréductibles ? Commençons par les définir :

I. DEFINISSONS :

A) PÉDAGOGIE TRADITIONNELLE :
C’est simplement celle des temps anciens, inspirée de la conception scolastique et
jésuitique de l’éducation qui consiste en un dressage Intellectuel et moral. Ce dernier
suppose des méthodes autoritaires et conduit inévitablement au dogmatisme.
Aujourd’hui encore beaucoup de Maîtres continuent à l’employer. Ils donnent un
enseignement autoritaire, mécanique, livresque, formel. Leurs élèves restent souvent
passifs. Ces Maîtres font davantage appel à la mémoire qu’à l’observation et à
l’imagination créatrice des élèves. Les Cours sont préparés d’avance, professés ex-
cathedra et suivis d’exercices standardisés. Du coup, l’enfant cesse d’être initié à l’esprit
même de la science qui est l’esprit de recherche, de découverte, d’organisation
rationnelle des faits. Plus il apprend, plus il s’éloigne des vraies méthodes de la pensée
scientifique.

B)PÉDAGOGIE NOUVELLE:
Depuis la Renaissance, une pédagogie proprement française, inspirée des principes
de Rabelais, Montaigne, Descartes, puis, Rousseau est née et se met encore au point
aujourd’hui Ses principes essentiels sont la fol dans la liberté et la spontanéité de
l’enfant et la croyance en l’existence d’une nature enfantine. Les I.O. de 1887, de 1923
de 1938 et de 1945 s’en inspirent. Elles préconisent des consignes pédagogiques
nouvelles. Elles diminuent la part du savoir mémorisé et des exercices mécanisés. Elles
insistent sur le devoir de ne rien enseigner qui ne soit intelligible. Elles recommandent
de solliciter sans cesse l’observation, l’expérience et conseillent l’enseignement par
l’action intellectuelle et manuelle. Le meilleur moyen de comprendre, c’est de faire :
(learning by doulg disent les Anglais). Elles se fondent sur ce principe : le savoir conquis
est plus intelligible que le savoir acquis.
L’enfant n'est plus un adulte en miniature. Il a une nature qui lui est propre et une
personnalité originale. L’éducation doit se conformer à son développement naturel et
devenir, autant que peut, individuelle : (l'école sur mesure). Pour bien connaître l'enfant,
on l'étudie en lui-même, dans les différents milieux où il vit. Il convient de favoriser une
certaine liberté tout en lui apprenant à discipliner sa personne (self-government).

II. DIFFÉRENCES :
Les moyens et méthodes mis en œuvre par ces deux formes de pédagogie diffèrent
nettement.
L’école traditionnelle est austère. L’enfant y déploie, sans cesse, attention, volonté,
effort du devoir. Le Maître en est le personnage essentiel. Les enfants gravitent autour
de lui. On réclame à ceux-ci d’être « toujours en effort, toujours en -ascension », comme
le dit Alain. Ils y règnent verbalisme, dogmatisme et contrainte. Lès méthodes
employées se révèlent, à la longue fastidieuses à l’élève. Il y reçoit « un savoir appliqué
sur la mémoire avec de la mauvaise colle de salive » écrit un pédagogue.
La pédagogie nouvelle emploie des méthodes qui tiennent compte de l'intérêt de
l'enfant, « le seul mobile qui mène sûrement et loin. » Elle respecte de façon absolue la
personnalité de l'élève et lui laisse une forte dose de liberté. Il devient l’idole et c’est le
Maître qui tourne autour de lui. L’Instituteur étudie son élève et règle son acte
pédagogique sur la psychologie de ce dernier. Bref, il pratique la psycho-pédagogie.

III. LAQUELLE EST PLUS APTE A REALISER LA MEILLEURE EDUCATION ?


Les -détracteurs de la pédagogie traditionnelle lui reprochent son caractère fastidieux
et contraignant. Ceux de la pédagogie nouvelle se plaignent qu’elle ne cultive pas la
volonté et le goût de l'effort chez l'enfant.
L’Ecole traditionnelle n’est pas uniquement remplie de « somnolents qui n'attrapent
que des miettes de connaissances », comme le croit, J. Payot,
L'école nouvelle ne produit pas, non plus, que des êtres sans volonté. L’élève des
écoles Decroly, « acquiert une admirable discipline au travail. »
Entre « les pédagogues ankylosés et les frénétiques du libéralisme, il y a place pour
les ennemis de tout fanatisme », pense Ferrière.
Les pédagogues de cette dernière espèce savent que la bonne pédagogie mêle
harmonieusement l'action et la réflexion, le plaisir et l'effort, la liberté et la
contrainte. Elle respecte l'intérêt de l'enfant pour les êtres,
les choses et les faits, le place au contact des réalités. Elle est soucieuse d’éduquer et
conduit habilement à découvrir, à travers la matière, la vérité abstraite, à laquelle nul
n’accède sans effort opiniâtre de l’esprit.
On finit par en conclure comme un pédagogue contemporain que la qualité d'une
'éducation tient infiniment moins à celle des méthodes employées qu’à celle de l’homme
qui les emploie. Ce qui compte, avant tout, dans la pédagogie, c’est l’esprit avec lequel
on applique cette dernière. La pédagogie utilisée dans les classes de transition actuelles
deviendra demain, peut-être, celle qu’il faudra appliquer aux classes primaires. On
retrouve à sa base, une conception plus psychologique de la vie de l’élève et qui aboutit
à trois conséquences pédagogiques essentielles.
a) Pour grandir, l’enfant doit s’aider de ses camarades. La nécessité du travail en
équipes ou en groupes s’impose.
b) Les comparaisons chiffrées des élèves entre eux doivent disparaître, sinon
évoluer.
c) Le Maître doit partiellement abandonner des leçons collectives, notamment dans
les disciplines d’éveil (histoire, géographie sciences).
Là où la pédagogie traditionnelle a achevé avec certains enfants, il faut en essayer
une autre forme car, on a plus vite fait de changer les méthodes que les élèves.
SUJET N°5

« La pédagogie moderne devrait, plus qu'elle ne le fait,... combiner deux


principes : l'un qui est la pédagogie traditionnelle de montage impeccable
des automatismes, et l'autre, la pédagogie moderne, le principe de l'intérêt de
l'enfant. »
Commentez et tirez-en des applications pratiques.

I. UNE MANIÈRE D'INTRODUIRE:


L’école doit dispenser une éducation intégrale, c’est-à-dire, qu’elle vise à développer
toutes les possibilités de l’élève sans en négliger aucune. Une telle culture de l’être
humain n’est possible que si elle repose sur dos bases solides et larges, sinon, elle
risque de rester superficielle. Par ailleurs, toute méthode d’enseignement qui se veut
efficace implique participation, collaboration de l’éduqué. Le travail consenti se révèle
généralement supérieur en qualité et en rendement à celui qui est imposé. Aussi,
’apparaît-il très souhaitable d’intéresser le sujet à sa propre éducation. C’est, sans
doute, pensant à la conciliation de ces deux impératifs pédagogiques que le
psychologue Zazzo écrit : « La pédagogie moderne devrait... le principe de l’intérêt de
l’enfant ».

II. EXPLICATION ET COMMENTAIRE :


Monter impeccablement des automatismes chez un élève, c’est lui fournir de façon
certaine- et définitive les connaissances de base. C’est lui enseigner des mécanismes
indispensables à toute culture ultérieure. Ceux-là lui confèrent le pouvoir de faire face,
de manière automatique et imperturbable à des situations difficiles, délicates ou même
imprévues, susceptibles de se poser à lui.
La pédagogie traditionnelle accorde et, à raison, une grande valeur à ces
automatismes. On lit, en effet, dans les Instructions officielles de 1938. « Dans
l’enseignement du premier degré, Il y a une part inévitable de mécanisme qu’il faut avoir
le courage de reconnaître et à laquelle, il faut, non pas, se résigner, mais, consacrer
volontairement du temps, des efforts et de l’intelligence ». Ces mécanismes sont
particulièrement indispensables dans les disciplines instrumentales : lecture, écriture,
calcul, français. Ainsi, rien ne peut être fait sans une parfaite aisance en lecture, (lecture
silencieuse, exacte,. rapide et comprise), en écriture, (lisible, bien ordonnée), en calcul
(sûreté parfaite dans la numération, le calcul opératoire, connaissance imperturbable
des tables. 53En langue française, sûreté parfaite des règles de conjugaison,
d’orthographe, de syntaxe élémentaire). Ces mécanismes -constituent comme une clé
permettant l’accès au niveau intellectuel élevé.
En outre, l'acquisition de ces automatismes est nécessaire pour une plus grande
liberté ultérieure de l’esprit.
Cependant, il ne faut point s’attendre que l’enfant s’intéresse, un jour, de lui-même,
aux tables de multiplication, d’addition, aux terminaisons des verbes du 1er ou 2e
groupe, aux sens des opérations ou à la signification profonde des dates historiques ou
des villes arrosées par la Seine.
C’est pourquoi Zazzo propose de créer, plutôt, artificiellement, d'ailleurs, un intérêt
pour ces acquisitions indispensables. Puisque ces dernières sont plus ou moins forcées,
sinon imposées, il importe de les rendre attrayantes à l'enfant, en faisant appel à ses
intérêts.
Ce compromis, apparaissant comme une nécessité pédagogique, il importe quo
l’éducateur y oriente naturellement l’élève en sollicitant les ressorts psychologiques qu’il
porte en lui et qu’on appelle intérêts.
Dès lors, l’éducation déterminée en fonction des goûts et possibilités de l’enfant,
conduira ce dernier à s’y associer et à y participer.
En fait, l’intérêt est l’attrait que l'on éprouve pour un objet, un acte une idée. Mais,
chaque intérêt reste lié à un besoin dont il est l'expression.
Dans chaque intérêt, on distingue quatre éléments : un intellectuel qui stimule la
curiosité ; un moteur qui pousse à l’action ; un affectif qui crée le désir de l'idée ou de
l'objet et un subjectif qui pousse à attribuer à ce dernier une grande valeur.
L’Intérêt apparaît avoir un caractère global et semble toucher à tous les processus
mentaux de l’élève. Il s’en suit qu’une pédagogie fondée sur l’intérêt crée dans la classe
une atmosphère détendue, favorable au travail et, surtout, rend réceptif l'élève aux idées
qui, auparavant, lui apparaissaient rebelles. Il déclenche le dynamisme de l’enfant,
mais, risque de lui faire croire que la vie est perpétuelle détente. C’est, pourquoi, il vaut
mieux associer le montage impeccable des automatismes qui exige un effort imposé au
principe de l’intérêt qui implique la participation effective du sujet éduqué.

III. APPLICATIONS PÉDAGOGIQUES :

Il en découle d'importantes :
a) De nombreux automatismes sont à créer chez l’élève à éduquer : tables à
apprendre, dates à retenir, règles et noms à imposer, exceptions à connaître. Ils
représentent les bases solides indispensables à toute culture future.
b) Associer, chaque fois que cela est possible, le couple intérêt- effort. Aucune
divergence entre le premier et le second, maïs, plutôt deux pédagogies
complémentaires.
Dans sa Philosophie de l’Education nouvelle, M. A. -Bloch écrit : « L’effort que l’on
provoque sans le stimulant naturel de l’intérêt et à l’aide des stimulants artificiels des
sanctions scolaires est pathologique et stérile. L’effort qui «'engendre de -lui-même, sur
la base, dans la ligne et le prolongement des Intérêts spontanés de l’enfant est sain et
normal. »
SUJET N° 6

« La pédagogie nouvelle tend à embrasser l'enfant dans son individualité,


l'éduquer en tenant compte de ses besoins de son âge et de sa nature
propre, et non pas lui inculquer des notions toutes faites du dehors », écrit
Angela Medici.
Expliquez cette affirmation. En quoi trouvez-vous qu'elle s'oppose à l'école
traditionnelle ?

INTRODUCTION POSSIBLE :
L’affirmation à expliquer est extraite de l’Education Nouvelle d’A. Médici. Elle
constitue une attaque directe, mais surtout apparente à la pédagogie ancienne et
célèbre la nouvelle. Elle pose les rapports que doivent entretenir la pédagogie et la
psychologie de l’enfant. Elle exprime concrètement que toute pédagogie qui se veut
constructive s’appuie sur la connaissance de l’élève à éduquer.

I. EXPLICATION DE L'AFFIRMATION :
En l’examinant de près, on s'aperçoit nettement que son auteur fonde la pédagogie
nouvelle sur trois caractéristiques bien déterminées.
La première, c'est qu'elle tient le plus grand compte de l'individualité de chaque
enfant. Elle considère ce dernier comme une personnalité originale, se signalant par des
dispositions psychologiques spécifiques. C'est erreur de croire pareils
psychologiquement, tous les élèves d'une même classe. C’est s’égarer que de vouloir
les traiter pareillement. L'être enfantin, à part qu'il a des manières propres de voir, de
sentir et d'agir et est en perpétuel devenir, ne reste pas identique à lui-même, d'un bout
de la scolarité à l'autre. Chaque enfant est porteur d’aptitudes spéciales. Le rôle
essentiel du maître serait de favoriser ces dispositions personnelles, autrement dit,
l'enseignement donné devrait nécessairement s’individualiser et se différencier en
fonction de la diversité des aptitudes qui se manifestent dans la classe. Certes, on ne
peut uniquement se fier aux prétendues aptitudes de l'enfant pour orienter
l'enseignement car, en fait, il importe que la classe entière soit initiée au moins aux
disciplines de base. En outre, l'éducateur, est-il toujours capable de détecter les
aptitudes de ses écoliers ? On s'aperçoit, dès lors, que la pédagogie des aptitudes se
trouve menacée par la tentation de la facilité. Et puis, n'est-ce pas aussi former la
volonté et le caractère que d’accoutumer, d'obliger même l'enfant à se livrer à des
activités pour lesquelles il n'a, a priori, que peu de goût ? C'est peut-être une manière de
le forcer à £e révéler ou de provoquer ce que la psychologie moderne appelle des «
renversements d'aptitudes ».
La seconde, c’est que la Pédagogie nouvelle prétend éduquer l’élève en tenant
compte de son âge, de ses besoins. Le mot besoin traduit les impératifs de la nature
enfantine : son activité, son goût du merveilleux, des responsabilités, son désir de se
socialiser, celui de «passer de la robe à la culotte », de grandir, de savoir. Les négliger,
c’est ne pas connaître la vraie nature psychologique de l’enfant. La psychologie des
anormaux révèle qu’à un âge physiologique déterminé ne correspond pas toujours le
stade Intellectuel qu’il suppose. Elle apprend qu’il est assez rare que le degré intellectuel
d’un anormal, même majeur, surpasse celui d’un enfant normal d’environ 12 ans. A
chaque âge, ses plaisirs, ses jeux, ses occupations. Il faudrait donc tenir grand compte
de ses penchants fréquents comme la liberté de suivre ses inclinaisons, celle de
travailler à ses heures et selon ses possibilités de l-’instant, la versatilité de ses goûts du
moment.
La troisième, c’est que la Pédagogie nouvelle ne prétend pas inculquer du dehors
des notions toutes faites. Ce principe fait disparaître renseignement dogmatique et se
propose de réaliser un travail d’assimilation de l'enseignement dispensé au contact du
milieu naturel et humain. Elle prétend imposer à l'élève une attitude de chercheur qui est
en miniature celle d'Archimède, d'Arago, d’Ampère, qui fait de l'enfant l'artisan de sa
propre éducation. On lui laisse la liberté des d’études, (Ex: textes libres de Freinet).

II. CETTE AFFIRMATION ET L'ECOLE TRADITIONNELLE I


Elle contient une critique sérieuse à l’égard de l’Ecole traditionnelle qui s’explique
aisément. Les sciences humaines ont accompli des progrès considérables depuis un
demi-siècle, il en est résulté une nouvelle conception de l’éducation. Bref, des
problèmes que soulève cette dernière sont désormais Vus sous un jour nouveau.
Les études psychologiques sur la perception, le syncrétisme, la vision globale ou
pointilliste enfantine de Decroly ou Delaunay ont renouvelé les conditions
d’enseignement de la lecture. Celles de Piaget sur 'les formes et les modes puérils de
pensées, les notions de nombre, de quantité de temps ont fait apparaître les données
nouvelles de la didactique psychologique. La vie affective de l’enfant a pris subitement
de l'importance, à la suite des recherches psychanatitiques de Freud. Dès lors, la
formation du caractère et de la personnalité devient une préoccupation essentielle, alors
que jusque là l’acquisition des connaissances intellectuelles avait constitué l'exclusif
objectif des maîtres primaires. Désormais, la pédagogie appartient au complexe des
sciences humaines de l'éducation. L'expérience du praticien devient un facteur
Indispensable de 'l’éducation. L’étude des tests apporte des données utiles sur les
possibilités de chaque enfant. L’intuition et la sympathie prennent rang parmi les modes
de connaissances irremplaçables (A. Binet). L’image -même du groupe scolaire change.
La classe apparaît comme une petite société spéciale au sein de laquelle peuvent se
passer des phénomènes spécifiques (Durkhelm). La notion d'aptitude fait apparaître
trois facteurs solidaires, ceux de fonction, de besoin et d'intérêt. D’eux est née la
pédagogie fonctionnelle.
N’oublions point que les méthodes de l’Ecole ancienne s'imposaient par leur
caractère fastidieux et leur contrainte. Il fallait que l'enfant fasse ce qui ne lui plaisait pas.
Il y régnait verbalisme, dogmatisme. Le maître planait sur la société scolaire comme un
chef qui s’imposait.
« Je m’ennuie d’un savoir appliqué sur la mémoire avec de la mauvaise colle de
salive », s’écrit E. Gillard.
Il faut reconnaître que depuis, l’Ecole traditionnelle voit sous -un autre angle l’enfant.
Un nouveau style éducatif se fait jour. On donne à l’enfant une culture physique, une
culture intellectuelle une culture morale et même une culture esthétique. L’école
ancienne fait aussi preuve d’un Incessant souci d’adaptation. Il est précisé dans les I.O.
« Le maître doit varier son enseignement, selon les besoins de ses élèves, choisir et
doser, suivant leur âge ; les connaissances qu’ils auront à assimiler ».
Reste à savoir si c’est utiliser les méthodes Intuitive, Inductive ou active que
d’inculquer du dehors, à l’enfant, des connaissances toutes faites ou s’il est préférable
de faire appel à sa spontanéité, à son effort personnel et l’associer au maître dans la
recherche de la vérité I

III. CONCLUSION :
Tout compte fait, l’attaque que la réflexion d’Angela Medici porte à la Pédagogie
traditionnelle est plus apparente que réelle. La Pédagogie ancienne n’est pas comme le
croit Ferrière, uniquement remplie de « somnolents sans énergie qui n’attrapent que des
miettes de connaissances ». Toute méthode d’éducation, même ancienne, redevient
nouvelle aux mains du praticien habile et souple.
SUJET N°7
Expliquez, commentez et discutez Ce texte de Kant :
« .„L'enfant doit donc être habitué à travailler. Où donc qu'on peut lui donner le
goût du travail sinon à l'école ? L'enfant doit avoir un temps pour jouer, mais, il
doit en avoir un autre pour travailler. »

I. PROBLÈME POSE PAR LE TEXTE :


Il est d’ordre éducatif, culturel et met en jeu la mission même, de l’école. Celle-ci doit-
elle habituer, sinon, obliger l’enfant à travailler ? Pour ce faire, l’éducation doit-elle
s'opérer dans la contrainte?

II. QUELQUES IDEES :


Sur la philosophie éducative de Kant, indispensables à l'explication du Passage. Elles
sont exposées dans son ouvrage « De la Pédagogie.
a) Kant est disciple et fervent admirateur de Rousseau, au point, qu'il l’appelle «
l'illustre philosophe » et prône des 'idées, pour te moins, semblables. Il a lu et relu te
Contrat Social et l’Emile. A propos de ce dernier, il écrit : « Aucun livre ne m'a aussi
profondément remué ».
b) Comme son maître Rousseau, Kant croit à la bonté de la nature. « Il n’y a pas
chez l'homme de disposition au mal, le mal vient de ce que la nature n'est pas réglée. Il
n'y a en l'homme que les germes du bien ». Il pense que le mal n'est qu’une déviation,
un accident de la nature humaine, foncièrement bonne et disposée au bien. Il pense
qu'éduquer, c'est essentiellement aider au développement naturel qui. s'il n’est pas
contrarié, s’il est intelligemment favorisé, permettra à l'homme « d'atteindre sa
destination »... Il insiste sur le fait que l'intervention éducative est nécessaire, sinon
Indispensable, car, à la différence de l'animal qui n’a pas besoin d'éducation et n'est pas
éducable, l'homme doit recevoir une éducation appropriée à l'épanouissement de sa
nature, et « c'est seulement, l'éducation qui fera de lui un homme ».
e) Comme Rousseau, Kant admet l’idée de la liberté naturelle individuelle absolue.
Par espèce morale, il entend ce que devient l'homme naturel après qu'il ait subi l’action
de l'éducation. Il écrit : « Ce n’est pas en fonction de l'état actuel mais en fonction d'un
état futur le meilleur qui soit que l'on doit éduquer ». Il est pénétré que l'homme est
indéfiniment perfectible. « Peut-être, que l'éducation va s'améliorant continuellement, et
que chaque génération fera un pas en avant vers 1a perfection de l’humanité, cars c'est
l'éduc3tion qui recèle le grand secret de la perfection humaine ». Mais, un obstacle
surgit. L’homme ne peut être éduqué que par des hommes comme M, qui eux-aussi, ont
été éduqués par d'autres hommes. Et Kant de rêver : « Si un jour, un être de nature
supérieure s occupait de notre éducation, on verrait alors de quoi l'espèce humaine est
capable ».
d) Pour Kant, le sens du progrès de l'éducation sera celui de la liberté, elle-même. «
L'homme s'arrache à l'animalité à mesure qu’il se discipline et se soumet aux lois de sa
raison ». Ainsi, Il devient un être « agissant librement de lui-même ». C'est uniquement
cette progression que l'éducation doit se proposer. Seul, l'avenir de l'espèce doit
préoccuper l'éducateur.

III. EXPLICATION :
Comme Rousseau, Kant pense que l'enfant à sa nature propre. Il n'est pas un «
adulte en raccourci ». Chaque enfant naît avec ses passions « dans son sac de peau »,
(Alain). Il est doué d'une ambition : « tendre vers l'état d'homme ». Il aspire qu'on l'aide à
sortir de sa •condition d'enfance. Dès lois, éduquer, c’est transformer. L’éducation
s'adresse à l'être que l'élève deviendra et non à celui qu'il est aujourd'hui. C'est
pourquoi, deux éléments majeurs doivent intéresser l'éducateur. D’une part, la
destination de l'être éduqué, c'est-à-dire, le sort qui lui est réservé à sa sortie de l’école,
et, d'autre part, sa nature, parfois, « indomptable et rebelle ». Mais, pour Kant, une
existence humaine, vraiment digne, est faite de liberté, de raison et d'autonomie. De
suite, se fait jour, le conflit : nature, société, autonomie. Pourtant, un impératif s'impose à
l’instituteur : « Faire de l’enfant un être social, soumis aux inévitables contraintes de la
vie », dit M. Beslais. Dès 1766, Kant avait solutionné ce conflit ardu. « Les élèves
doivent aller à l’école, non pour y apprendre des pensées mais, pour y apprendre à
penser et à se conduire ».
Certes, il y a, d’un côté l’école et, de l’autre, la vie. Il ne faut pas de barrière, pas de
cloison étanche entre les deux. La solution idéale serait que l’école conciliât le sens de
sa mission aux impératifs de la vie. Si le rôle essentiel de l’école est d’instruire l’enfant, il
est aussi important pour elle, sinon plus, de lui fournir des armes, « des griffes », comme
dirait Alain, qui l’aideront à dépouiller les problèmes pratiques que la vie lui posera.
a) Par nature, l’homme a tendance à s'abandonner à l’indolence, l'inertie, la paresse.
Sa nature propre l'y prédispose, et puis, souvent, le travail n’est pas agréable par lui-
même. Or, c'est par le travail qu'il peut adapter le monde à ses besoins. Kant constate
avec justesse : « Plus on a pris l'habitude de la paresse, plus, il est difficile de se
résoudre à travailler ».
b) L’homme ne parvient pas toujours à se discipliner. Son animalité reprend ses
droits et l’homme porte préjudice à ses semblables, à la société ou à l'humanité. Il est,
comme le dit A Comte : « un humain bâti sur un fond d'animalité ». Il est un être double.
Le plus difficile, pour lui, c'est de passer de la nature animale à la nature raisonnable. Il
ne peut y accéder de lui-même. Le concours d'autrui lui est indispensable, car, il ne
passe d'un état à l'autre que sous la contrainte. Voilà pourquoi l’éducation est culture
de contrainte. Le rôle normal de l'école est d'aider l'homme en la personne de l’enfant, à
se détourner de sa nature animale, l'obliger à contracter l'habitude du travail qui est sa
raison d'exister, et le contraindre à se cultiver pour qu’il atteigne le maximum de
perfection -et accède à l'autonomie.
Mais, Kant, nuance sa pensée. Il dissocie jeu et travail. Il les considère comme deux
formes d’activités qu’il faut séparer à tout prix... Le premier est libre activité, le second,
activité sérieuse. Il ne s'oppose point à ce que l'enfant joue. Au contraire, ¡1 croit le jeu
nécessaire à son expansion. Mais, le repos le mieux goûté est celui qui suit le travail.
Kant n'est pas, non plus d’avis, que l'on instruise en jouant. Le travail est activité
accompagnée d'obligation. Le jeu est libre détente. Il pense même qu’il y a danger
grave à ne pas habituer l’enfant à les distinguer.

IV. COMMENTAIRE ET DISCUSSION :


A première vue, le texte de Kant, eu égard aux expressions : habitué à travailler,
culture de contrainte, chose funeste, parait rigide, d'allure dogmatique et traditionnelle.
Son rigorisme n’est qu'apparent. Une riche substance pédagogique s'en dégage.
a) Kant distingue éducation de dressage. « Dresser n'est pas encore former », écrit-
il. On dresse un animal, mais on éduque l'homme. Ce dernier est « la seule créature qui
doive être éduquée ». Il reconnaît la dignité de l'homme puisqu’il demande de toujours «
considérer l'humanité comme une fin et jamais comme un moyen ». « Je dois
accoutumer mon élève à supporter une contrainte à sa liberté, et je dois, en même
temps, lui apprendre à faire bon usage de sa liberté. Sans cette condition, tout n'est que
mécanisme et celui qui a été élevé de la sorte, ne sait pas se servir de sa liberté ».
b) Kant veut que le jeu soit rigoureusement séparé du travail, mais, il ne s’oppose
pas à ce que l’on fasse appel à la curiosité ou à l’intérêt de l'enfant. Il considère
l'éducation comme œuvre de discipline mais, non, de servilité. Alain et Hegel sont de cet
avis. Dans le travail « l'attention est élevée d'un degré ». Tout travail est forcé. Le travail
est sérieux.
c) Ce qui est important pour Kant, c’est que l’enfant contracte l'habitude du travail,
qu'il acquière le sens de la tâche à accomplir, qu’il soit exercé à poursuivre un but ajusté
à ses moyens, qu’il soit amené à comprendre la portée de l'effort soutenu, l'utilité et la
beauté du travail.
d) Comme le pense Alain, le repos, la récompense, vient après la difficulté vaincue.
La tension des forces physiques est un tonique puissant. C’est un fait que ¡’enfant
commence par s’ennuyer au travail, mais, il finira par en contracter l'habitude et ira à
l'école pour travailler comme son père va au bureau ou à l’usine. Rien à créer, ni à
construire dans l'enfant. Il suffit d’éveiller ses dispositions latentes, d'en favoriser
l'éclosion. L’éducateur ne doit pas faire plus, mais, ne peut pas faire moins.
e) « L’homme est d'une Insociable sociabilité ». Il a tendance à user de sa liberté.
Comme frein à cet usage immodéré de la liberté, il lui faut, à tout prix un maitre. C’est
pourquoi, l'action éducative se concrétise par l’intervention d’un autre homme. De plus,
l’éducation civilise et moralise l'homme. Elle le rend apte à « devenir membre du
royaume des fins ».

RÉSERVES:
a) La théorie éducative kantienne, soulève des problèmes délicats, à existence plus
fictive qu’effective.
Elle semble heurter de front les méthodes attrayantes, basées sur le seul souci des
Intérêts vitaux de l'enfant.
b) Elle est à base morale. Elle part du postulat de la bonté humaine. Elle est dominée
par un point de vue universel. Elle serait idéaliste et non viable, s'il était prouvé que
l'homme est de nature foncièrement perverse.
c) Enfin, comme Comte, Kant ne s’arrête pas à la réalité individuelle et sociale, mais,
s'élève à l'humanité, pour y découvrir le moyen de formuler des lois de nature
universelle.
SUJET N°8
Expliquez et commentez cette pensée de Rousseau :
« On ne laissera prendre à Emile aucune habitude si ce n'est de n'en avoir
aucune. »
Quel rôle vous semble devoir jouer l'habitude, pour l'élève et pour le Maître, au niveau
de l'École primaire élémentaire ?

I. INTRODUCTION POSSIBLE:
Certains penseurs condamnent catégoriquement l’habitude parce que, disent-ils, elle
dispense de la réflexion et substitue l’automatisme à la décision volontaire. Parmi eux
Rousseau entendrait la supprimer carrément. Aussi, écrit-il dans son Emile : « La seule
habitude qu'on doit laisser prendre à l’enfant est de n’en contracter aucune ».

II. EXPLICATION DE LA PENSEE :


Le sens de la pensée de Rousseau parait clair. Parmi les habitudes, il n’en est
qu’une qui soit bonne et qu’il faut acquérir : c’est celle de ne jamais agir par habitude.
Au départ, le mot habitude employé par Rousseau fait penser aux routines qui
ankylosent l’esprit et aux besoins qui asservissent. Mais, il existe aussi des habitudes
qui, au contraire, facilitent le travail d’invention et libèrent des besoins s'opposant au jeu
de la liberté.
Quand on revient au contexte on s’aperçoit que c'est surtout la création des besoins
artificiels que Rousseau veut empêcher chez l'enfant. (Ex : l'habituer dans une chambre
toujours éclairée, il ne pourra plus supporter les ténèbres). Il s'en suit, écrit Rousseau, «
le désir ne vient plus du besoin, mais, de l’habitude, ou plutôt, l'habitude ajoute un
nouveau besoin à celui de la nature : voilà ce qu'il faut prévenir ». Préparer de loin le
règne de la liberté de l’enfant, en le mettant en état d'être toujours maître de lui-même,
et de faire, en toute chose, sa volonté, sitôt qu'il en aura une. Il apparait, dès lors, que
Rousseau entendrait empêcher que les enfants prennent des habitudes capables de
restreindre le jeu de leur liberté.
Cependant, quand on pénètre dans la suite de l’Emile on entend Rousseau déclarer :
« L'éducation n'est qu’une habitude ». De ce fait, le précepteur d'Emile doit s'attacher à
ce que son élève contracte de bonnes habitudes. Par ailleurs, il semble qu’il condamne,
non seulement, les habitudes passives de la routine et du besoin, mais encore,
l'habitude active, c’est-à-dire, la facilité et l'habileté que donne l'expérience.
Selon lui, l'habitude tue le sentiment. Elle tue l'imagination. Il condamne même celle
qui facilite l’action. Bien qu'il demande à y recourir lorsque ses effets sont heureux, par
préjugé, sans doute, il évite de reconnaître qu'elle a du bon. Il va jusqu'à écrire : «
L'attrait de l'habitude vient de la paresse naturelle à l'homme et cette paresse augmente
en s'y livrant... La seule habitude utile aux enfants est de s'asservir sans peine à la
nécessité des choses et la seule habitude aux hommes est de s’asservir sans peine à la
raison. Toute autre habitude est un vice ».

III. COMMENTAIRE :
Sans abonder dans le sens de Rousseau, il faut reconnaître le danger des habitudes
et aussi leur nécessité. Rousseau a clairement vu leur danger et leur œuvre destructive-
Des réserves s'imposent, malgré tout. C'est vrai que l'habitude risque de dégénérer en
routine et celle-ci est la mort de la pensée inventrice. Mais, on sait bien que l'esprit le
plus inventif ne peut se passer d'habitudes et même de routines qui conditionnent son
invention. Il ne faut pourtant pas, s'en tenir à la routine et s'assoupir dans l'automatisme.
De là l’intransigeance de Rousseau : « II, (Emile), ne sait ce que c'est que routine,
usage, habitude ; ce qu'il fit hier n'influe point sur ce qu’il fait aujourd'hui ».
Dans le monde psychologique comme dans le monde physique rien ne se perd ; nos
actes nous suivent et s'enchaînent. La formation d'habitudes est inévitable. On peut y
voir même une nécessité de nature. Ce dernier mot traduit une chimère du pur esprit
qu'est Rousseau.
Cette nécessité de .nature est d’ailleurs heureuse, car les habitudes étant
nécessaires pour la bonne exécution des actes les plus simples, en apparence, sans
elles, l'homme serait désarmé dans sa lutte pour la vie. Prétendre, comme Rousseau,
qu’il ne faut agir qu'après un jugement réfléchi et ne jamais recourir aux mécanismes
montés en soi par la répétition, c’est fermer les yeux sur l'étroitesse de notre champ
d’attention ; c'est, d'ailleurs, ce que déclare Hamelin : « Si les êtres qu'on observe sont
réduits à n’être que des automates dans l'immense majorité de leurs actes, c'est qu'ils
n'ont pour ainsi dire, qu'un petit capital de conscience et qu'ils sont tenus de
l'économiser ». (Ex : La légende du Mille pattes). Ce sont les habitudes qui se chargent
de guider l'activité de nos bras, de nos jambes, de notre langue et même de notre
pensée. Sans elles, nous serions réduits à l'inaction et privés de cette maîtrise dans
laquelle Rousseau voit le plus grand des biens.
En fait, il n’y a pas entre l'habitude et la pensée, l'opposition que pense Rousseau
car, pensée et habitude collaborent et se renforcent. « Sans l’intelligence, la vie n’aurait
point certains automatismes, et sans automatisme l’être humain ne pourrait même pas
être intelligent », écrit Pra- dines dans sa Psychologie Générale. C'est pourquoi, s'il est
63
des domaines où la bonne habitude est de n'en avoir aucune, il reste vrai que l’homme
vaut par la somme de bonnes habitudes qu'il parvient à acquérir. L'acquisition de ces
saines habitudes constitue, comme le croit Rousseau, lui- même, l'objet essentiel de
l'éducation.
IV. ROLE DE L'HABITUDE EN EDUCATION :
a) POUR L’ÉLÈVE:
Rousseau n’est pas seul à condamner l’habitude en éducation. Kant fait de même,
pour la raison que : « Plus un homme a d’habitudes, moins il est libre et indépendant ».
L’idéal du premier et du second serait une liberté toujours agissante que rien ne
gênerait une liberté toujours en éveil, toujours en mouvement qui se déterminerait, à
nouveau, par un effort spécial dans toutes les circonstances de la vie. Or, l’habitude est
une obéissance puisqu'elle nous enchaîne au passé. Il est impossible de réaliser cet
idéal, car, on ne peut demander à chaque instant de l’existence, ce déploiement
d’énergie que suppose tout exercice nouveau de la volonté. La faiblesse humaine est
trop heureuse de pouvoir s’appuyer sur de bonnes habitudes qui la dispensent d’efforts,
sans cesse renouvelés et qui lui rendent facile, aisé, et presque instinctif
l'accomplissement du devoir ; D’ailleurs, d'autres pédagogues soutiennent une thèse
contraire à celle de Rousseau. Pour eux, tout l'art de l'éducation consiste à faire prendre
de bonne heure, à l'enfant le plus de bonnes habitudes possibles. « L'éducation a pour
but de former la conduite ; les habitudes sont l'étoffe même de cette dernière », écrit W.
James. 1er, il importe de distinguer accoutumances d'aptitudes. Les premières sont des
habitudes passives rendant l'enfant esclave des choses et des personnes et lui
interdisant l'accès à l'autonomie. Les secondes sont des habitudes actives, une
accommodation souple et active qui permet, sans abdication de soi de se soumettre aux
lois de la nature pour la commander, ensuite. Or, le but d'une éducation bien comprise
est d’aider l’enfant à se dégager, de plus en plus, de l'emprise des choses et à les
dominer grâce à une adaptation sans raideur. Or, ce sont les aptitudes qui, dans tous les
domaines tendent à ce résultat. En dernière analyse, éduquer un enfant c'est le pourvoir
de ces habitudes de qualité supérieure, d'ordre physique, intellectuel et moral que sont
les aptitudes.
b) POUR LE MAITRE:
L’habitude, ne semble pas, par contre, devoir jouer le même rôle chez l'instituteur. Si
son rôle consiste à doter son élève d'excellentes habitudes il importe qu’il se garde d’en
contracter pour lui-même. Il commencera, bien entendu, par prendre 'l’habitude
d’accomplir scrupuleusement sa tâche. Mais, au travers de son style éducatif propre, il
doit pouvoir adapter ses méthodes aux possibilités de son auditoire et ne jamais les
laisser dégénérer en routine. C’est bien cette consigne que lui donnent les instructions
officielles dans le passage suivant.
« Le grand ennemi de l’éducateur, c'est l'habitude. Elle tend à transformer en
routines mécaniques les pratiques mêmes qui étaient destinées à lutter contre la routine
et le mécanisme64
».
SUJET N°9

« Plus un homme a d'habitudes, moins il est libre et indépendant. »


Appréciez ce jugement de Kant, dites si on peut en tirer des applications
pédagogiques.

INTRODUCTION POSSIBLE :
Personne n’est mieux placé que Kant pour parler d’habitude. Pendant un demi-siècle
environ, il accomplit sa promenade journalière avec une régularité d’horloge. Une seule
fois, les habitants de Koenigsberg, purent constater que cette promenade s’était
allongée. Ce jour là, était parvenue à Kant, la nouvelle de la Révolution française.

I. EXPLICATION ET APPRÉCIATION :
L’habitude naît de la répétition d’un même acte. Qu’importe que cette répétition soit
volontaire ou non. Chacun sait qu’il y a des habitudes que nous cherchons à acquérir et
d’autres que nous contractons à notre insu. D’une façon ou d’une autre, une fois
l’habitude contractée, l’action se produit automatiquement, aisément et si
impérieusement qu’il coûte beaucoup de peine à s’en délivrer. Il est difficile au fumeur
de se débarrasser de son habitude.
A noter que chacun de nous a ses habitudes : les tics et manies des uns, les
grimaces ou manières de parler ou de faire des autres.
Ces habitudes, élémentaires d’apparence, ne semblent nullement mettre en péril
notre liberté.
On admettra facilement que le vieux professeur dont les tics réjouissent la malice de
ses élèves, soit capable des inventions verbales et intellectuelles au moment même où il
répète les mêmes gestes habituels comme : se frotter les mains, se gratter le nez,
reprendre des mots qui lui sont chers...
Cependant, ces ridicules sont à craindre, non pas en eux-mêmes mais, comme étant
les signes d’un automatisme plus profond et plus grave. L’habitude déjà contractée
demeure un obstacle à l’acquisition d’habitudes nouvelles. En ce sens, l’habitude
diminue notre indépendance, puisqu’elle nous emprisonne dans certaines actions, et
qu’il faut, pour la perdre, ou en acquérir de nouvelles, un difficile apprentissage. On en
arrive à ne pas être accoutumé à des actions, mais, aussi, à des sensations. Il en
résulte un esclavage humiliant pour l'être humain.
Aristote est le premier à avoir dit : « L’habitude est comme une nature », (phrase
passée en dicton : l’habitude est une seconde nature).
Sort influence sur la personnalité, consiste souvent à la transformer complètement,
et l'acquis peut recouvrir totalement l’être.
Ceci se perçoit dans les cas limités comme : la déformation professionnelle, la
routine, le conformisme. Elle finit par devenir une mentalité, «ne moralité et fait perdre,
dès lors, toute liberté et toute indépendance.
Cependant, nous pouvons présenter la défense de l’habitude en la comparant à la
mémoire. Ces deux facultés assurent la résistance du passé dans le présent et ne sont
peut être que le double aspect d'une même fonction considérée, tantôt du point de vue
de l’intelligence tantôt, du point de vue de l'activité.
La mémoire rend de précieux services à l’intelligence. Elle n’est pas cette dernière et
ne saurait la suppléer, mais lui fournit la matière qu'elle a à utiliser. Sans la mémoire,
l’intelligence serait obligée de réapprendre continuellement les moindres choses et elle
ne serait capable d'aucun progrès.
Il en est de même de l'habitude. C’est elle qui assure automatiquement la conduite
de la vie inférieure, laissant l’esprit libre pour créer. Marcher, manger, boire, parler
seraient pour nous des problèmes comme ils le sont pour l’enfant, si nos muscles et nos
organes habitués, n'ÿ pourvoyaient d'eux-mêmes, sans que nous ayons besoin de leur
commander.
Enfin, il est des habitudes qui nous assujettissent, d'autres qui nous libèrent. Les
dernières perfectionnent notre nature. « L’habitude rend le corps fluide », dit Hegel,
disciple de Kant.
En réalité, l’habitude n'est pas à supprimer quand elle demeure sous le contrôle de
l’esprit. Elle nous fait perdre liberté et indépendance quand elle nous envahit et risque
de nous paralyser dans la répétition stérile dos mêmes actes et des mêmes pensées.
Dans le cas contraire, elle permet à l'homme de réaliser sa pleine possession par lui-
même.

II. QUE PEUT EN TIRER LA PÉDAGOGIE?


Les avis des pédagogues diffèrent quant à la place à faire, à l’habitude en éducation.
Rousseau et Kant, son disciple, condamnent catégoriquement les habitudes et ne
veulent pas que le maître en impose à ‘l’élève. « La seule habitude qu’on doit laisser
prendre à l’enfant est de n’en contracter aucune ». (Rousseau) « Il faut empêcher les
enfants de s’habituer à quelque chose et ne laisser naître en eux aucune habitude »
(Kant).
Par contre, d’autres soutiennent que tout l'art de l'éducation consiste à faire prendre,
de bonne heure, à l’enfant, le plus d'habitudes possible. « L’éducation a pour but de
former la conduite ; les habitudes sont l'étoffe même de cette dernière. » (W. James)
Pour savoir la place exacte à attribuer à l’habitude en éducation, disons que
psychologiquement, celle-ci est un genre à deux espèces : los accoutumances et les
aptitudes.
Les premières sont le résultat d’une accommodation plutôt passive de l’enfant aux
influences du milieu. A son insu, il se plie aux circonstances, subit et accepte
passivement la contrainte des choses et des êtres qui l’entourent. On les nomme
habitudes passives. Dans ce cas, Il est inexact de dire que l’enfant prend des habitudes.
Il serait plus juste de dire, qu’il est pris par des habitudes.
Les secondes résultent au contraire, d'une accommodation active de l’enfant aux
choses et aux événements. Elles sont dites habitudes actives. Il y a initiative et activité
consciente soutenue de sa part. L'écolier peut contracter les deux espèces. Ex: Il peut
contracter l’habitude toute passive, d’occuper toujours la même place en classe, mais,
aussi celle d’y être attentif.
L’éducation semble se ramener tout entière à doter l’enfant d'aptitudes (d’habitudes
actives), les plus variées. Une éducation bien comprise se propose d’aider l’enfant à se
dégager, de plus en plus, de l’emprise des choses et à les dominer grâce à une
adaptation sans raideur. Or, lés aptitudes, dans tous les domaines, tendent à ce résultat.
L’éducateur ne doit point perdre de vue, que la bonne éducation :
a) consiste à donner d'excellentes habitudes à l’élève, mais, qu'une éducation qui ne
donnerait que des habitudes serait incomplète,
b) doit fortifier la volonté de l’élève sinon, elle déprave son âme ».
SUJET N°10
Quel profit« le Maître peut-il retirer, de l'observation des enfants pour la
préparation et l'exécution du travail à l'École Primaire ?

EN GUISE D'INTRODUCTION :
Parmi les moyens propres à réaliser les fins de l’éducation, la psychologie-révèle
que la connaissance générale de l’enfant ainsi que celle des -natures Individuelles sont
d’une importance capitale pour l’éducateur.
Ces deux moyens l’éclairent dans le choix des programmes et des méthodes
d’enseignement
Outre que Je Maître doit faire preuve d’une information psychologique se rapportant
à l’enfant, il importe qu’il procède, lui-même, à l’observation de ses élèves et même qu’il
ait recours à l’expérimentation. Cependant, l’information psychologique si large «doit-
elle ne saurait suppléer l’observation directe de chaque élève de la classe.

I. EN QUOI CONSISTE L'OBSERVATION DE L'ENFANT ?


Disons, au départ qu’elle peut être directe -ou indirecte. Elle est directe quand elle
s'effectue sur le vif, par l’éducateur lui-même, et indirecte quand elle a Heu par d’autres
personnes auprès de qui le Maître peut se renseigner. L’observation directe est
primordiale pour le Maître parce qu’il en tire des profits capitaux pour la préparation et
l'exécution de son travail de classe.
Observer directement l’enfant, c’est le suivre avec attention et sympathie, non
seulement dans son travail à l’école, mais, dans ses jeux, dans ses réactions motrices,
ses gestes, ses réflexes, ses comportements, ses pensées les plus secrètes, en
récréation, à l’extérieur de la classe et dans ses activités libres...
Cette connaissance suppose, non seulement la finesse du regard, mais « la
divination du cœur, plus prompte et plus aiguë que celle de l'esprit et qui seule, pénètre
au fond des âmes ».
La compréhension de l’âme enfantine est, en grande partie, d’ordre intuitif. En fait, ce
sont la perspicacité, la finesse, le tact qui distinguent l'éducateur né du praticien de
l’enseignement même le plus expert. « Que de choses, l'instituteur, s’il est doué de ce
sens de la divination psychologique, pourra remarquer à la mine et à l'air de ses élèves I
», s'écrie F. Vial. « Grâce à lui, il lira comme à livre ouvert sur leur visage, tous les
mouvements de leur esprit, y démêlera d'un coup d’œil, les sentiments qu’éveillent ses
paroles, curiosité, étonnement, indifférence, ennui, devinera, enfin, ce qu'attend, ce que
devine confusément leur pensée ».
II. PROFITS QUE LE MAITRE PEUT EN TIRER :
Le premier et, sans doute, le plus important, est que le Maître peut porter sur l'enfant
un diagnostic sûr et d’autant plus nuancé qu’il connaît la psychologie enfantine.
Il en découle aussi une adaptation comme sur mesure de ('Enseignement qu’il
dispense. Connaître les possibilités, les virtualités, les faiblesses et incapacités de
chaque élève permet au Maître d'ajuster son tir. Il s'efforce d'entrer dans le point de vue
de l’enfant et ne se confine plus dans sa mentalité d’adulte, cultivé. Il se penche sur 'lui
pour essayer de découvrir ce qui l'intéresse et ce qu’il souhaite afin de lui apporter - des
éléments assimilables capables de s’intégrer organiquement à sa substance et de
l'enrichir». Autrement dit, son programme sera établi en fonction de la loi naturelle, de
(’évolution intellectuelle de l'enfant, du développement graduel de ses facultés.
Il en sera de même des méthodes. Pour trouver le chemin des esprits, et des cœurs,
l’éducateur devra comprendre les possibilités et les limites intellectuelles de ses élèves
comme aussi l’orientation spontanée de leurs intérêts. L’exécution de la tâche de
l'éducateur relève surtout de la pédagogie pratique. Celle-ci, à son tour, repose sur la
psychologie de l’enfant. Comme le dit si bien Claparède, la psychologie « convie le
Maître à une révolution copernicienne : « Celle des méthodes des programmes gravitant
autour de l’enfant et non plus,, l'enfant, tournant, tant bien que mal, autour d'un
programme arrêté en dehors de lui ».
C’est, sans doute, parce que la connaissance des élèves est essentielle aux Maîtres
que Rousseau leur recommandait de façon impérative : « Commencez par mieux
étudier vos élèves, car, très assurément, vous ne les connaissez point ».
Aujourd'hui l'action pédagogique se fonde sur la psychologie de l'enfant. Ainsi est
née la psycho-pédagogie.
La connaissance individuelle des élèves est d'une importance considérable,
Claparède disait : « La pédagogie doit reposer sur la connaissance de l'enfant comme
l'horticulture repose sur celle des plantes ». Toute éducation est accommodation et
adaptation. Ces dernières supposent la connaissance du sujet à éduquer.
En outre, l’évolution de l’enfant n’est pas seulement développement autonome, mais
aussi, acquisition des expériences sociale, familiale et scolaire.
Pour bien remplir sa tâche, l’éducateur doit en tenir compte et harmoniser ses
modes d'action, ses méthodes, et ses programmes à ce double aspect de la
personnalité enfantine.
De plus, l'enfant n’est pas fait pour l’école. 11 n’appartient pas à l'élève de s’adapter
à l’école. C’est, plutôt, l’école à s’adapter à l’enfant. Telle doit être la « révolution
copernicienne » de notre pédagogie.
L’école sur mesura ou l’école adaptée à la mentalité de chacun des élèves, «
s'accommode aux formes des esprits comme un vêtement ou une chaussure Je sont à
Celles du corps ou des pieds. » (Claparède)
« L'action éducative ne réclame pas seulement l'adaptation à un type69 psychologique,
à un âge mental. Elle réclame aussi 4’adaptation de chaque élève que nous devons
essayer de rendre aussi parfaite que possible ».
Enfin, la connaissance individuelle permet à l’éducateur de classer les élèves par
groupes.
SUJET N° 11

« L'idéal de l'Ecole primaire n'est pas d'enseigner beaucoup mais de bien


enseigner. »
Développez cette pensée. Indiquez les directives d'ordre pédagogique pratique
qui s'en dégagent.

QUELQUES IDEES SUR LE DEVOIR :


Le premier souci des auteurs des I.O. a été de simplifier les programmes primaires.
Cette préoccupation dominante s’inspire de la nécessité pour l'Ecole primaire
d’atteindre l’essentiel de sa mission : enseigner peu, mais bien.

I. EXPLICATION ET DÉVELOPPEMENT DE LA PENSEE :


a) QU'EST-CE QU’ENSEIGNER BEAUCOUP?
Cette expression peut-être définie de façons différentes. C’est, dit Montaigne, «
criailler à nos oreilles comme qui verserait dans un entonnoir » ou « regorger 6a
science toute crue » dans le but exclusif d'obtenir une « tête bien pleine ». C'est encore
enseigner à la lettre à l'enfant toutes les notions prévues par les programmes officiels
sans souci de sélection, de dosage, de progression, même de jugement et de
méthode. C’est, vouloir en somme, comme le dit bien O Greard, embrasser dans les
différentes branches auxquelles touche l’enseignement primaire « tout ce qu’il est
possible de savoir». Les I.O. elles-mêmes précisent de façon indirecte, le sens de cette
expression : « Encombrer la mémoire de nos élèves d’une multitude de détails au
milieu desquels leur esprit se perd si bien que rien n'y reste pas même l’essentiel ».
Elles ajoutent : « Surcharger leur mémoire de souvenirs mutilés et confus qui
s’associent au gré du hasard ». Il n’y a plus lieu, dès lors, de s’étonner des deux
consignes essentielles imposées au maître. Elles justifient la réaction des
responsables à la tendance, trop souvent constatée chez les maîtres primaires à
enseigner beaucoup.
La première insiste sur le fait qu’il vaudrait moins apprendre mais, bien faire retenir.
Mieux vaudrait, disent les I.O. « moins de souvenirs mais, des souvenirs complets et
ordonnés ».
La seconde attire l’attention du maître sur la qualité principale de l’enseignement
primaire : la sobriété.
70
Elle recommande de bien apprendre dans chaque discipline : ce
qu’il n’est pas permis d’ignorer » et, à cette fin, « savoir choisir et doser avec soin », les
connaissances que les élèves primaires ont à assimiler.
b) QU’EST-CE QUE BIEN ENSEIGNER ?
Les I.O renseignent aussi sur le sens de cette expression. C'est d'abord, savoir
distinguer l'essentiel de- l’accessoire et être à même de jouir de la grande liberté
laissée au maître d’adapter l’enseignement dispensé aux besoins de ses élèves et aux
réalités de la vie locale pour distribuer, en somme, une instruction sur mesure. C’est
offrir à ses élèves «une nourriture pour laquelle ils ont du goût -et que leur esprit digère
aisément. » C'est utiliser des méthodes actives permettant aux élèves de conquérir
leur propre instruction, savoir allumer entretenir, satisfaire leur curiosité avant de
progresser.
Bien enseigner conduit à penser qu'une leçon bien faite vaut mieux qu'une leçon
bien pleine. P. Vial disait avec raison qu'à l'Ecole primaire « la pédagogie doit avoir le
pas sur la science. Si l'école parvient à réaliser l'idéal d'enseigner peu mais bien, elle
aide vraiment ses élèves à acquérir des bases solides pour une instruction plus
poussée ».

II. DIRECTIVES PEDAGOGIQUES QUI S'EN DEGAGENT :


La première est qu’il faut que le maître domine sa profession, qu’il sache bien lui-
même, ce qu’il enseigne.
L’enseignement, même le plus élémentaire, exige du maître des connaissances
très sûres et très étendues. « C’est grâce à une instruction supérieure que l’on s'élève
à la simplicité », écrit Vinet.
La seconde est qu’il faut bien connaître ceux que l'on enseigne pour adapter son
enseignement à leur niveau psychologique.
La troisième se résume en ce qu'il faut savoir doser -et choisir avec soin les notions
à inculquer et, pour ce faire, user de la latitude que laissent les 1.0. « d'aborder ou
d'écarter, d'exposer ou d’ajourner telle ou telle question ». En outre, il importe de
repenser sans cesse son métier, toujours parfaire sa culture professionnelle, se
renouveler constamment. Ne dit-on pas avec justesse « qu’enseigner c'est apprendre
deux fois ».
Enseigner peu et bien se résume 'à connaître son métier et surtout savoir et choisir
avec grand soin les notions à enseigner à ses élèves.
« La méthode de l'École Primaire doit être intuitive, inductive, et active... » «
L'enseignement primaire a l'ambition d'être utilitaire et éducatif, de préparer
l'enfant à la vie et cultiver son esprit. »
Expliquez ces lignes extraites des Instructions officielles.

I. MÉTHODE INTUITIVE :
Philosophiquement, intuitif est un mot assez vague, à signification mal 75 délimitée.

C'est la connaissance directe que l’on acquiert, du coup, comme par un simple regard
de l’esprit, sans l’intermédiaire d’une opération intellectuelle. Elle peut être, aussi bien,
la connaissance d’une réalité extérieure comme la pluie qui tombe, un engin qui file
dans l'espace comme celle d'une réalité Intérieure comme la durée bergsonienne ou
un état d’âme. On connaît les intuitions : sensible, intellectuelle et morale...
La pédagogie, en employant ce mot, en a encore distendu le sens. La méthode
intuitive est -aussi bien celle qui emploie les choses, l’exercice des sens ou le
concret... On en arrive même à confondre les enseignements intuitif, inductif,
interrogatif ou maïeutique socratique. F. Buisson nomme méthode intuitive, l’appel à
'l’activité de l’enfant, l’invitation, l'exhortation è penser par lui-même, que nous
appelons aujourd’hui, méthode active. On relève dans le Dictionnaire pédagogique : «
On peut dire que l’on instruit l'enfant par intuition, alors même qu'on ne montre ni
objets, ni images ; toutes les fois, qu’au lieu de lui faire suivre passivement son maître
et répéter docilement la leçon faite, on le provoque à chercher, on l’aide à trouver, on
le met sur la voie, suivant une bien juste image, lui faisant, ensuite, le mérite d’y
ajouter quelque chose par lui-même.
Il semble que les Instructions officielles, elles-mêmes, entretiennent cette
imprécision de vocabulaire. Celles de 1887 définissent un enseignement intuitif : «
Celui qui compte, avant tout, sur le bon sens naturel, sur la force de l'évidence, sur
cette puissance qu’à l'esprit humain de saisir, du premier regard et sans
démonstration, les vérités les plus simples et les plus fondamentales. »
C'est aussi celui qui, « pour commencer, se sert d'objets sensibles fait voir et
toucher les choses, met les enfants en présence des réalités concrètes, puis, peu à
peu, les exerce à en dégager l’idée abstraite, à comparer, à généraliser, à raisonner...
C’est encore celui qui, procédant du connu à l'inconnu, du facile au difficile, conduit les
enfants, par l'enchaînement des questions, à découvrir les conséquences d'un
principe, les applications d’une règle »...
Les Instructions officielles de 1923, introduisent deux, autres expressions :
enseignement par ¡l’aspect et méthode concrète, le premier étant une forme
intéressante de la seconde. Toutes ces notions, il est vrai, sont bien proches. Il semble
préférable de préciser comme le font les Allemands, qu’un enseignement intuitif
s'exerce par les sens, à partir des choses et se centre sur l'observation. A noter que
l'emploi de la méthode intuitive a ses .limites. Trop prolongée, elle risque d'entretenir la
passivité de l'esprit. On en trouve 'la preuve dans l’inefficacité de l’enseignement par le
cinéma.
II. METHODE INDUCTIVE :
La logique l’oppose à la déduction ou méthode descendante, très en honneur dans
les mathématiques. Cette méthode montante est de recherche et non d’enseignement.
Mais, puisque la marche de l’esprit est la même qu’elle découvre ou communique la
vérité, on s’en sert comme méthode d’enseignement. Elle consiste à partir des faits,
d’exemples, afin de dégager une conclusion, une règle, une loi. C’est la méthode
employée en sciences, grammaire, histoire, géographie, et même en morale. Elle
constitue, par excellence, la méthode à employer avec les élèves des cours
76 inférieurs
de l’école primaire. Cela s'explique aisément, en raison même des possibilités de
l'esprit enfantin à pratiquer le raisonnement hypothético-déductif, seulement vers 15-
16 ans et que ses sens jouent un rôle capital dans ses premières acquisitions. L’enfant
aime voir, toucher et se plaît quand il baigne dans la réalité concrète. Mais, il importe
de le détacher progressivement du concret à mesure qu’il grandit et de l’exercer à se
familiariser avec les idées générales et abstraites. En recommandant de pratiquer la
méthode inductive, les Instructions officielles s'accordent avec les données de la
psychologie de l'enfant.

III. MÉTHODE ACTIVE :


Elle requiert, avant tout, l'activité de l'esprit. Elle consiste à provoquer et à stimuler
la curiosité et l’intérêt enfantins. Elle invite à une recherche silencieuse et féconde. Elle
accorde une place de choix à l'observation, la réflexion, l'expérimentation, la liberté et
la vie. Elle est l'effort libre et joyeux, consenti par l’enfant. Elle a tendance à faire de
l’enfant un créateur et réclame de lui des actes, des œuvres, des recherches, des
essais. F. Buisson recommandait : « Faites-vous aider par l'élève lui-même. C'est
votre plus sûr auxiliaire, votre collaborateur le plus efficace. » La méthode active se
base sur le fait que c'est par l’expérience que s'acquiert la connaissance véritable.
L'Emile de Rousseau offre l'exemple d'un élève conquérant son savoir, sous le regard
agile de son précepteur.

IV. AMBITION D'ÊTRE UTILITAIRE ET EDUCATIF :


Utilitaire: qui sert plus tard, qui rend service: susceptible d’avoir une valeur
pragmatique et utile, d’être adapté aux diverses circonstances de la vie.
Educatif : capable d'initier à la propension des facultés physiques, intellectuelles et
morales ; qui confère aussi le pouvoir d'adaptation.
Au stade primaire élémentaire, l'enseignement se propose un triple objet : Faire
acquérir par l’enfant les connaissances de base indispensables, lui fournir des
instruments lui permettant de poursuivre sa culture soit scientifique, soit technique,
l’adapter au milieu social, politique et professionnel dans lequel il est appelé à vivre... Il
faut que l'école primaire mette l’enfant en mesure de continuer à poursuivre, à étendre
et approfondir l'éducation nécessaire, les connaissances, les méthodes de travail, les
habitudes d'esprit. Si l’Enseignement primaire ne sert pas de moyen à un
enseignement plus poussé, il n’est rien. Il est essentiellement préparation à
l’acquisition des cultures supérieures, plus spéciales ou complètes.

Y. CULTIVER L'ESPRIT ET PRÉPARER A LA VIE :


Cultiver l'esprit, c'est le garnir, le meubler de connaissances indispensables à la vie
de tous les jours, lui conférer des habitudes, des méthodes, des possibilités
d'extension. Déjà, en tant qu’éducatif, l’enseignement primaire doit se donner dé façon
que chaque connaissance acquise devienne un point d’appui, une piste 77
d’envoi d’où
l'esprit s'élance à la conquête de connaissances nouvelles. Elle devient, comme dit
Herbart « une idée apercevante qui sert à l'appréhension des idées nouvelles ».
L’enseignement qui prouve le mieux que l’école primaire réalise cette double
ambition, est le calcul. Les Instructions officielles précisent d'ailleurs, que cet
enseignement doit être utilitaire et éducatif, mais soulignant aussi; qu'il faut être
éducatif pour être utilitaire et qu’il faut accorder priorité à l'éducatif, sur l'utilitaire. C’est
seulement en promouvant une pédagogie soucieuse de former et de développer l’esprit
de l’enfant que l’on aura des chances de lui faire acquérir un savoir utile et efficace.
Pratiquer le calcul, c’est acquérir un langage -simplifié, qui met en branle mémoire,
réflexion, raisonnement, jugement, c'est-à-dire, toute une activité intelligente. Pour
toutes les classes et en particulier, pour celles de Fin d’Etudes, les Instructions
officielles insistent sur l’intérêt qu'il y a, à greffer l'Enseignement du calcul sur des
exemples pratiques, à puiser les textes des applications et problèmes dans la vie de
tous les jours. A signaler l'esprit de l'Enseignement de cette classe : applications,
problèmes, concrets de la vie pratique à -la maison, à la ferme, à l’atelier sur le
chantier, au magasin... Celles de 1938 ajoutant: La classe de F. E. doit servir de
transition entre l’école et la vie. « L’enfant doit s’initier aux problèmes concrets si variés
que lui poseront, dans la vie, sa profession future... On veut lui montrer qu’il peut
résoudre ces problèmes à l’aide de notions qu'il a acquises à l'école, il faut parvenir,
par un enseignement, plus que jamais, concret, exigeant une activité toujours plus
grande, des élèves, à propos des questions les mieux adaptées aux goûts et moyens
de chacun d'eux, à les lancer dans la vie, plus armés que naguère, préparés à
résoudre les difficultés de tout ordre, qu'ils auront à surmonter ». En conclusion :
enseignement orienté vers la vie courante et pratique.

78
SUJET N°13
« Étudiez vos enfants, car, en vérité, vous ne les connaissez point », s'écrie
Rousseau.
Que pensez-vous de ce conseil ? Dégagez en sa force et sa valeur.

I. INTRODUCTION :
Dans la préface de son Emile, Rousseau déclare qu'on ne «connaît point l’enfance
». De plus, il constate que même « les plus sages cherchent toujours l'homme dans
l’enfant sans penser à ce qu’il est avant que d'être homme ». C'est pourquoi il
recommande : « Commencez donc par mieux étudier vos élèves, car, très assurément
vous ne les connaissez point ».

II. QU'EST-CE QU'ÉTUDIER L'ENFANT?


C’est chercher à connaître la psychologie de l’enfant en général. C’est aussi pénétrer
les natures individuelles, découvrir les lois de -leur évolution, leurs caractéristiques
propres afin d’essayer d’y adapter nos méthodes et procédés d'enseignement... Jusqu’à
Rousseau on a considéré l'enfant comme un homme en miniature ayant en raccourci les
mêmes traits, les mêmes besoins et les mêmes facultés que l'adulte. Il demande de «
considérer l’homme dans l’homme » et « l’enfant dans l'enfant », parce que l’enfance a
« des manières de voir et de sentir qui lui sont propres ». Ainsi est née la psycho-
pédagogie.
La psychologie de l’enfant révèle que ce dernier est un être en constante évolution,
en perpétuel devenir et qu’il « tend à l'état adulte comme à son état d’équilibre. » Son
évolution n'est pas seulement développement autonome, mais aussi, acquisition de
l'expérience sociale, familiale et scolaire.
L’étude des natures individuelles permet d’étudier les aptitudes et défauts de chaque
élève, l’influence de l'hérédité de la famille et du milieu social ainsi que du genre de vie
qu'il mène.
Dans son étude de l’enfant l'éducateur est aidé par des ouvrages de psychologie
enfantine mais, il importe qu'il procède lui-même, à l’observation directe de l'enfant en
ayant recours à l'expérimentation. L'information psychologique (ouvrages et revues) fait
éviter des tâtonnements et des erreurs au maître et lui fournît «'les clefs pour pénétrer
dans l’âme de l’enfant ». Cependant, dans ce domaine rien ne peut suppléer
l’observation et79l’expérience personnelles du maître.
« Cette faculté de pénétrer dans l'âme d'un enfant, ce tact nécessaire dans une
situation donnée sont l'alpha et l'oméga de l'art éducatif et la psychologie ne nous aide
pas le moins du monde à l'acquérir », écrit W. James dans ses Causeries
pédagogiques.
L’expérimentation tient aussi une large place dans l’étude de l’enfant. Les épreuves
expérimentales du genre (tests) sont souhaitables quand on en a la possibilité : « La
pédagogie doit-être fondée sur l'observation et sur l’expérience ; elle doit-être, avant
tout, expérimentale », écrit A. Binet.

III. VALEUR ET FORCE DU CONSEIL DE ROUSSEAU :


Les services que la psychologie de l'enfant rend à la pédagogie mettent en relief la
valeur et la force du conseil de Rousseau.
« La pédagogie disait Claparède, doit reposer sur la connaissance de l'enfant comme
l'horticulture repose sur celle des plantes ».
Dans le choix des moyens propres à réaliser les fins de l’éducation, la psychologie
rend de précieux services aux éducateurs. Outre qu'elle enseigne la connaissance des
enfants en général et les différences de natures individuelles qui les séparent, elle
éclaire sur bon nombre d'aspects de la technique éducative.
La psychologie de l'enfant permet d'individualiser l’enseignement dispensé et de
tendre vers l'école sur mesure que Claparède définit : une école adaptée à la mentalité
de chacun, une école qui soit aussi bien accommodée aux formes des esprits qu’un
vêtement ou une chaussure le sont à celles du corps ou des pieds ».
L’action éducative idéale ne réclame pas seulement l'adaptation à un type
psychologique, à un âge mental. Elle exige une adaptation à chaque individu laquelle
doit-être la moins imparfaite possible.
Il faut ajouter que la connaissance individuelle de ses élèves aide le maître non
seulement dans son enseignement quotidien, mais dans le classement en groupes, mais
aussi dans les avis qu'il aura à formuler à propos de chaque élève, en fin d'année
scolaire. Ceux-ci décident de l’orientation professionnelle de chaque élève.
De plus, la connaissance de l'enfant et des natures individuelles oriente l'éducateur
dans le choix des programmes comme dans celui des méthodes. Claparède résume : «
la révolution copernicienne à laquelle la psychologie convie l’éducateur : les méthodes et
les programmes gravitant autour de l'enfant et non plus l'enfant, tournant tant bien que
mal, autour d’un programme arrêté en dehors de lui ».
L’éducateur psychologique abandonne sa mentalité d'adulte et s'efforce de pénétrer
dans le point de vue de l’enfant. Il se penche avec sollicitude sur lui pour découvrir ce
qui l’intéresse ce qu’il peut et ce qu'il souhaite. En un mot, II établit son programme en
fonction de l’évolution intellectuelle de l'enfant et du développement graduel de ses
facultés.
Il en sera de même de ses méthodes. Pour trouver le chemin des esprits et des
cœurs de ses élèves l'éducateur essaiera de comprendre leurs possibilités et leurs
limites intellectuelles et, surtout l'orientation spontanée de leurs intérêts.

IV. CONCLUSION :
Le conseil de Rousseau prend de plus en plus de valeur avec le développement
moderne de la psychologie de l'enfant. Il rappelle au maitre débutant d'éviter de croire
pareils tous les enfants, de s'imaginer qu'un élève reste identique à lui-même d’un bout
de la scolarité à l'autre et de traiter les enfants comme de petits hommes.

81
SUJET N°14
« Je ne savais employer auprès d'eux que trois instruments toujours inutiles
et souvent pernicieux auprès des enfants : le sentiment, le raisonnement et la
colère. »
Qu'en pensez-vous ? Existe-t-il d'autres moyens d'action sur les enfants ?

Une manière de concevoir le sujet:


Le texte pose Je problème des moyens d’action sur l’enfant dans le domaine
pédagogique. Rousseau n’hésitait point à reconnaître ses erreurs et ses fautes. Aussi,
avoue-t-il son insuccès dans l’éducation des enfanta de M. de Mably, dont il était le
précepteur. Il s’accuse de 'l’échec de 'J'éducation de ses élèves, parce qu'il n'a employé
que trois Instruments qu’il juge « toujours inutiles et souvent pernicieux auprès des
enfants : le sentiment, le raisonnement et la colère». Que faut-il en penser?

A) LE SENTIMENT :
Faire du sentiment, c’est s’adresser au cœur, à la gentillesse, à l’affection que l’élève
peut avoir pour son précepteur afin de l'amener à obéir et à travailler.
Le sentiment, en dépit de ce qu’en pense Rousseau, demeure l’un des plus puissants
moyens d’action sur autrui. Mais, il s'agit dans le jugement à expliquer, d'enfants et non
d'adultes à éduquer. Dans son livre III de l’Emile, Rousseau indique que la sensibilité
morale de l’enfant n’étant pas suffisamment développée, celui-ci demeure réfractaire à
certaines émotions. Il poursuit : « Certaines natures, chez qui le développement de la
sensibilité morale est tardif sont particulièrement rebelles à l'ascendant du maître par
l'affection. D'autres demeurent indifférentes à toute action du sentiment par l'influence
des parents, qui ont pris l’habitude du persiflage et de la moquerie ». C’était sans doute,
le cas des enfants de Mably.
On voit souvent des maîtres dont l’enseignement est clair, précis et qui n’obtiennent
que de médiocres résultats à cause de leur froideur. L’indifférence, chez le maître, a
quelque chose de déprimant, de stérilisant pour l’enfant dont elle méconnaît la bonne
volonté et refroidit le besoin d’affection. La confiance témoignée aux élèves est une
excitation à bien faire. Le souci de mériter cette confiance et d’obtenir l’approbation d’un
maître contribue à leur progrès. Il arrive que pour obtenir du travail, un rendement
scolaire efficace, le maître fasse appel au sentiment de l’élève et obtienne d’excellents
résultats. Jusqu'au C.E., l'enfant reste sensible à ce genre d’argument, mais, moins,
après cet âge. C'est une manière de dire que nous ne suivons pas tout à fait la
conception de Rousseau
A mesure que l’enfant grandit, il s’intéresse au travail, non pour faire plaisir à son
maître, mais plutôt parce qu’il prend plaisir au travail, comprend le sens et la valeur de
l’effort et saisit que le progrès ne peut dériver que du travail bien fait.
Rousseau a été conduit à considérer le sentiment comme un instrument d'éducation
inutile et pernicieux parce qu'il a eu, peut être à élever des natures mauvaises, mal
douées quant au cœur et gâtées par la famille. Peut être surtout, que Rousseau a forcé
et faussé le ressort. Le sentiment doit être contrôlé et réglé. Quand « les ondes de
passion » se succèdent au hasard des circonstances, elles ne produisent
qu'incohérence et faiblesse. Celui qui ne se possède pas ne peut pas diriger les autres.
D’autre part, la passion ayant une puissance contagieuse, il serait dangereux de confier
des enfants à un instituteur aussi peu maitre de lui que l’était Rousseau.

B) LE RAISONNEMENT :

Rousseau ne nie point que les élèves puissent raisonner. Au contraire, dit-il. « Je
vois qu’ils raisonnent très bien dans tout ce qu’ils connaissent et qui se rapporte à leur
intérêt présent et sensible. Mais, c'est sur leurs connaissances que l'on se trompe, en
leur prêtant celles qu’ils n'ont pas, en les faisant raisonner sur ce qu’ils ne sauraient
comprendre ».
Cependant, Rousseau voulait que l'on prouvât toujours à l'élève l'utilité de ce qu’il
apprend. C’est désirable pour qu'il sente que les directions reçues ne sont point
inspirées par le caprice. Mais la chose n'est pas toujours possible. Rousseau condamne
le raisonnement parce que la connaissance intuitive est préférable à la connaissance
raisonnée, hors de la portée des enfants. Ensuite, il conduit à trop discuter avec l'enfant
et on aboutit à en faire un raisonneur, un ergoteur ou un moqueur ridicule. Dans l’emploi
du raisonnement comme moyen éducatif, il faut retenir une inaptitude, une impuissance
de l’élève, mais, aussi une maladresse de la part du «maître à l'utiliser.
Pour exciter l'enfant au travail, mieux vaut compter sur l'intérêt de ce qu'on lui
enseigne et éviter les discussions oiseuses. D’ailleurs, l’approbation des sujets d’étude
par l’esprit de l’élève, la convenance des ordres qu’on lui donne, rendent, très souvent,
inutile tout raisonnement.

C) LA COLÈRE:

Ici, on peut être absolument d’accord avec Rousseau. La colère sincère ou simulée
est, toujours mauvaise conseillère. Elle aboutit à deux résultats.
Lorsque l'enfant n’y est pas habitué, elle l’effraie et’ l’arrête dans 'l’accomplissement
de l’acte défendu. Cependant elle ne le rend ni plus zélé, ni plus studieux. La crainte
provoque le trouble et le désarroi des facultés.

83
Quand le maître use souvent de ce moyen, l'enfant s’y accoutume. Il se détache de
son maître. Quelquefois même, il s'en moque et en rît.
Elle conduit le maître à perdre son autorité.
Cependant, l’amener de l'indépendance au désir de la bravade ou même de crâner
devant ses camarades entraînent parfois, l'écolier à braver la fureur de l’instituteur
incapable de se posséder.
C’est en ce sens, surtout, que la colère est un moyen d’éducation pernicieux. La
colère apparaît aux enfants comme un aveu d'impuissance. Elle choque le sens de la
justice des enfants et n'agit sur eux que superficiellement. S’ils cèdent à la crainte, c'est
avec le désir plus ou moins avéré de secouer le joug dès que l'occasion le permettra.
Enfin, il est une colère légitime que tout honnête homme peut éprouver. «H est bon et
utile pour soi et pour autrui, quelquefois de se courroucer » dit Charron. Conçoit-on un
éducateur qui ne s’indignerait point d'une grave faute commise : vol, mensonge?
En réalité, si la colère est à condamner, les deux premiers moyens ne sont pas
toujours inutiles et, moins encore, pernicieux. Mais, ce ne sont pas les meilleurs
instruments pédagogiques, parce qu'ils ne touchent pas directement les intérêts
immédiats et profonds de l'enfant.

D) LES AUTRES MOYENS :


L’enfant a besoin d’agir. Faisons appel à son activité. Il a besoin de s’affirmer.
Mesurons les travaux qui lui donnent confiance en lui-même. Encourageons-le dans ces
travaux. Il a besoin de sécurité, établissons un climat de confiance entre le maître et -lui.
Il a besoin de se mesurer avec autrui. Utilisons, et, à bon escient, l'émulation. Amenons-
le à se comparer aux autres, puis, à lui-même. Il a besoin de justice, soyons juste envers
lui et que les sanctions qu’on lui inflige soient les mêmes pour tous et proportionnées à
la faute commise.
Enfin, notre sentiment vis-à-vis de l'enfant n’a pas à s’extérioriser sous des aspects
puérils. Un excès de paternalisme nuit à la bonne marche de l'éducation. On ne
convaincra point les enfants en se contentant de leur dire qu'on les aime et qu’on se
dévoue pour eux.

E) CONCLUSION :
En réalité, le sentiment et la raison étaient impuissants sur les élèves de Rousseau,
parce que ceux-ci savaient, qu’à bout de persuasion et d'arguments, leur précepteur
crierait et menacerait. L'échec de ces deux moyens, tenait à la même cause :
prédominance du sentiment qui submergeait la raison et la volonté. Dans son Emile,
Rousseau paraît homme de réflexion et de sagesse, mais, Emile est un imaginaire qui a
crée un système. Si Rousseau fut un célèbre théoricien, il demeura un piètre éducateur,
car, il lui manquait cette raison, cette possession de soi, cette élévation d’âme qui font,
en grande partie, les vrais éducateurs.
SUJET N°15
J.-J. Rousseau recommande pour son Emile : « Jamais de comparaisons avec
d'autres enfants... J'aime cent fois mieux qu'il n'apprenne point ce qu'il
n'apprendrait que par jalousie ou par vanité. »
A l'opposé, A. Binet conseille aux éducateurs « de ne pas se priver de la
ressource que représente l'émulation... Un maître intelligent saura toujours
en tirer parti ».
Comparez ces deux attitudes et faites connaître votre point de vue sur cette
ressource pédagogique.

I. EN MANIÈRE D'INTRODUCTION :
Les pédagogues n’attribuent pas la même valeur éducative à l’émulation. Les uns
trouvent qu’il serait dangereux de l’introduire à l’école. Les autres au contraire, la
considèrent comme un puissant ressort pédagogique. Aussi, comprend-on que
Rousseau refuse catégoriquement de s’en servir pour son Emile, car elle risque
d’entrainer ce dernier à apprendre « par jalousie et vanité », et que Binet, à l’opposé,
conseille au maître intelligent de ne pas s'en priver car « il saura toujours en tirer parti ».

II. QU'EST-CE-QUE L'ÉMULATION ?


En général, c'est un sentiment qui porte à vouloir, faire bien ou mieux que nos
semblables. Chez l’enfant, dit le Dictionnaire de la Pédagogie, elle exprime deux
tendances : l’instinct d’imitation et le besoin d’approbation, apparenté, lui-même, à
l’instinct de domination.
L’enfant reproduit spontanément les actes qu’il voit faire et les mots qu’il entend.
Cette imitation prend un caractère plus personnel et plus volontaire à mesure qu’il
grandit, mais il y a émulation chez lui dès qu’il se plait à imiter, qu’il imite avec une
certaine ardeur et qu’il fait effort pour imiter le mieux possible. Cette forme d’émulation
est antérieure 'à toute éducation méthodique.
De plus, l'enfant ne vit pas seul à l’école. A côté de lui, se trouvent ses camarades et-
son maître. Avec ce dernier intervient l’idée du devoir, celle d'un but à atteindre, d’une
tâche à remplir, d’une difficulté à vaincre, d’un effort à fournir. Dès lors, l’émulation se
complique du besoin d'approbation, du sentiment et de la notion du mérite. Le succès au
travail diffère du succès au Jeu. S’il est beau de travailler et d’apprendre, il est bon que
celui, qui travaille bien soit digne d'éloges et celui qui travaille mal soit blâmé.
L’émulation apparaît alors comme une satisfaction qui nait du travail.
Enfin, on a essayé de confondre émulation et concurrence. II faut reconnaître qu’il n’y
a pas d’émulation sans concurrence,' mais, celle-ci est la source de sentiments très
divers. Le problème réel devient, non pas d’expulser la concurrence de l’émulation,
mais, de purifier les sentiments qui naissent de la concurrence.

III. ETUDE DU POINT DE VUE DE ROUSSEAU :


Il pense qu’habituer Emile à se comparer avec d'autres-enfants, c’est aboutir à lui
faire apprendre par jalousie ou par vanité. Il signale, de façon exagérée, peut-être, deux
inconvénients réels de l'émulation.
Personne ne nie que l’émulation, scolaire, mal comprise, développe un
individualisme outrancier chez les élèves, s’opposant à la culture de l’esprit social et au
sens de l’effort collectif. Nombre d’éducateurs modernes admettent la rivalité des
équipes de jeu et de travail créées au sein d’une classe.
Les élèves ou les équipes qui réussissent le mieux sont visiblement désignés à
l'admiration des autres, qui eux, sont voués au mépris.
Ce faisant, on développe chez les premiers, des sentiments d’orgueil, de vanité, le
goût des honneurs, des compliments, et aussi de jalousie envers quiconque menace de
les surpasser, bref, un esprit de vanité de valeur sociale médiocre.
Ces défauts ont frappé le grand éducateur moderne qu’est Sanderson. Il propose de
remplacer la concurrence par la collaboration et demande d’intéresser un groupe
d'élèves à un travail qui exige la collaboration active de tous : (Ex : préparation d'une
exposition scientifique, d'appareils construits à l'école et présentés aux visiteurs par les
écoliers, collaboration de la classe entière à une chorale, préparation d'une
représentation dramatique, préparation en commun d'une question historique ou
économique). Son idéal demeure : substituer l’esprit d’équipe à l'esprit de rivalité.
Comment naissent la jalousie et la vanité dont parle Rousseau ?
L’égoïsme naturel chez l’écolier revêt si le maître n’y prend garde, une forme sociale
bien connue : l’amour propre. C’est le désir immodéré d'être apprécié par autrui. L’amour
propre satisfait fait naître la vanité. Déçu, il engendre la jalousie.
Les revers de l’amour propre sont pénibles pour l’enfant. Il ressent de dures
blessures quand, par exemple, M n’arrive pas à s'accaparer des pensées d'autrui ou
quand il ne parvient pas à faire partager ses idées par les autres ou quand 11 sent qu'un
écolier,' autre que lui, reçoit les félicitations du maître, parce' qu’il réussit toujours bien
ses devoirs et travaille de façon idéale à l’école. Il supporte mal au point d’en devenir
jaloux qu’on adresse, devant lui, des éloges à un autre petit camarade. Ce sentiment de
jalousie rendra insupportable pour l’enfant toute supériorité chez autrui, surtout, si cette
supériorité, est reconnue et proclamée par tous. Il montre facilement sa profonde
conviction d'être frustré d'un bien qui est à lui et rien qu'à lui.
La vanité chez l'enfant révèle du désir de l'approbation d'autrui. || déploie à cet effet,
gestes et attitudes. Il serait curieux d'examiner les prétextes auxquels l’enfant a recours
pour gagner l'approbation d’autrui. D'après Ribot, la vanité n'est qu’une hypertrophie du
moi qui, de proche en proche, tend à assimiler tout ce qui l’entoure particulièrement les
autres hommes dont il veut occuper toutes les pensées. L'enfant que l'on habitue à se
comparer aux autres et non à lui-même, peut faire usage d’une émulation de mauvais
aloi. Il en arrive ainsi à placer à la base de l’instruction qu’il doit acquérir fa jalousie, 1a
vanité. Rousseau a bien raison de signaler ces deux dangers possibles d'une émulation
mal comprise. Il a d'ailleurs soin d’ajouter : « point de rivaux, point de concurrents,
même à la course, aussitôt qu’il commence à raisonner ». ‘Peut-être, veut-il sous-
entendre que l’émulation ne comporte les graves dangers qu’il signale qu'à partir de
l'âge de raison et qu'il y aurait une éducation de l’émulation à tenter.

IV. POINT DE VUE DE BINET :


La conception qu'il se fait de l’émulation est tout autre. Il la considère, dit-il, comme «
une force, un excitant inouï pour certaines natures que l’ambition dévore ». Il précise
bien pour certaines natures et non toutes les natures et ajoute que le maître intelligent
saura toujours en tirer parti.
Il existe des individus et même chez les enfants, des natures vigoureuses pourvues
du besoin d'expansion et de rayonnement de soi, douées d'ambition, dont la violence de
l'amour propre « ressemble à ces espèces végétales et animales prolifiques et vivaces,
qui, à elles seules couvriraient toute la surface du globe ; leur extension n'est tenue en
échec que par celle des autres », écrit Ribot. De tels individus ont un sentiment très vif
de leur supériorité et deviennent facilement des meneurs ou des chefs. A en croire
Binet, le maître intelligent peut tirer parti de cet ascendant psychologique et social de
l’élève qui porte en lui le tissu de chef, afin de l’amener à prendre conscience de ses
responsabilités.
Ce n’est pas tout. L'efficacité de l’émulation, même présentée sous forme de
concurrence, a été, de tous temps, reconnue. C’est à l'ambition d'obtenir le premier prix
que le monde doit les œuvres de Sophocle et d’Euripide, ainsi que toutes les grandes
œuvres.
A l'école, l’émulation représente la vie réelle avec ses hiérarchies, ses rivalités, ses
concurrences. Quand elle est sainement comprise, elle habitue l’enfant à compter sur
ses efforts et le travail des autres.
Enfin, il est bon que l'émulation secoue la conscience des enfants et la guérisse de la
fausse, humilité dérivant de l'inaction.
La véritable humilité est celle qui suit l'action et non celle qui justifie l'immobilité.
v. POINT DE VUE PERSONNEL SUR CETTE RESSOURCE PEDAGOGIQUE :
En réalité, l'émulation scolaire n’a pas que des inconvénients. Elle offre aussi des
avantages. Pour cette raison il semble difficile de la proscrire comme le voudrait
Rousseau, de l’éducation, sous prétexte qu'elle fait apprendre l'enfant par jalousie ou
par vanité. Comme tous les autres sentiments, l’émulation demande une éducation.
« En vain, condamnerait-on l’émulation et, après lui avoir parfois trop accordé,
voudrait-on la proscrire de l’œuvre éducatrice », écrit E. Boutroux dans Questions de
Morale et d’Education. Une saine conception de l'émulation scolaire doit conduire l'élève
à accomplir son devoir par respect du devoir et non par amour de la récompense, lui
faire honorer non le succès, mais, le mérite. On sait que le premier n’est pas toujours
égal au second, Jouffroy écrit : « Ce n’est pas le succès qui importe, c’est l'effort ».
Une méthode d’usage de l'émulation, presque analogue, est employée dans la
Maison des Petits de Genève. « Il n'est question ni de récompense, ni de classement, ni
de prix. La récompense, c'est la joie de l’effort accompli, du travail acharné, du progrès
réalisé. L'enfant se compare à ses camarades, s'il le désire, et intérieurement, mais le
maître ne l’invite à se comparer qu'à lui-même. Il lui fait sentir ses progrès et ses reculs,
lui fait constater l'accroissement ou la diminution de ses forces intellectuelles et morales.
L’enfant arrive à se juger si nettement et si sincèrement qu'il prépare lui-même chaque
semaine le carnet qui doit renseigner ses parents sur son travail, sa conduite, ses
efforts, ses progrès aussi bien de cœur que d’esprit », (Cahiers du redressement
français, — l'Education naturelle de Madame M. Reynier).
Afin d’aboutir à un usage sain de l’émulation scolaire, le maître essaiera d'éliminer le
goût de la lutta, l’esprit de rivalité, l’envie, le mépris de ceux qui sont moins doués. Il
s’appliquera à créer des habitudes rendant possibles la coexistence d'un puissant esprit
d’équipe et des hiérarchies nécessaires à l'intérieur de l'équipe, il habituera l'enfant à
considérer son rang comme une conséquence de sa note et à rechercher directement la
meilleure note plutôt que le premier rang. Il cultivera chez lui, comme le demande Binet,
la noble ambition. Il lui fera sentir que arriver — est l'un des plus beaux mots de la
langue, mais que seul, l'arrivisme est condamnable parce qu'il dit arriver par tous les
moyens. Le louable bénéfice d'une émulation bien comprise, c'est de donner aux futurs
hommes le goût d’arriver et le dégoût de l’arrivisme.
Enfin, l'unique condition d'une saine émulation, c'est la justice du maître. Qu’il
n’oublie point qu’il est dans la classe pour la classe entière. Qu'il ne réserve pas tous
ses soins à la seule élite de la classe I Que tous aient un droit égal à son attention I
C'est le moyen de suivre le 6age conseil de Mme de Maintenon : « Il faut se garder des
distinctions qui élèvent trop les uns et découragent trop les autres ».
SUJET N° 16

Qu'est-ce que la routine ? A-t-elle une influence sur la vie individuelle et sur
la vie sociale ? Quels sont ses dangers et ses inconvénients en éducation ?
Que faites- vous pour l'éviter dans votre enseignement ?

I. INTRODUCTION :
L’homme est fier de son intelligence qui lui permet de créer, d’inventer, de s’adapter.
Mais en réalité, une petite fraction de son activité seulement est dirigée par
l’intelligence. Dans la plupart de ses actes, interviennent des mécanismes tout montés.
Quelques uns d’entre eux sont complètement automatiques et c’est parmi eux que se
classent les routines.

QU'EST-CE QUE LA ROUTINE?


Le mot routine, diminutif de route, signifiait primitivement un petit chemin que l’on
suivait, toujours le même, par habitude. En tant qu’enseignement, on peut la définir : un
procédé, en quelque sorte, mécanique pour enseigner une notion. C’est une pratique
transmise et devenue habituelle sans raison qui puisse la justifier ou la régler.
L’instituteur routinier imite le procédé qu’il a vu employer sans se soucier d’en
comprendre la raison ou la valeur, sans faire effort pour l’adapter à ses élèves ou le
perfectionner. La routine peut se formuler : « Aujourd'hui comme hier et demain comme
aujourd’hui ». Il en résulte que les même formules sont et seront appliquées par
l’instituteur avec autant de régularité que de monotonie.
On distingue la routine individuelle et la routine collective :

a) ROUTINE INDIVIDUELLE :
Chez l'individu, la routine est un genre d’habitude. Habitude et routine présentent des
traits identiques. Elles ont la même origine. Elles s’acquièrent par la répétition des
mêmes actes. Elles ont des effets analogues. Elles dispensent de l'attention et de la
réflexion. Elles diminuent 1a conscience et le besoin d’effort.
Pourtant, il y a de notables différences entre l’habitude et la routine et ces mots sont
loin d'être synonymes.
D'abord, on ne parle de routine que lorsqu'il s'agit des habitudes actives, se
rapportant au’ savoir faire et aux façons d’agir. Ce mot ne peut pas désigner des
habitudes passives. Ainsi, on parlera de la routine d'un gardien qui ouvre les portes et
fenêtres de l’établissement qu'il surveille
à la même heure et dans le même ordre..., de la routine de l'écolier ou de l’ouvrier qui,
matin et soir, effectuent automatiquement un trajet, parfois compliqué, pour aller de leur
domicile à l’école ou à l'atelier. Mais, on n’attribuera pas à la routine l'impossibilité de se
passer de tabac ou de boire.
Ensuite, toute habitude active n’est pas toujours une routine. Ce terme implique une
absence à peu près complète d'intelligence et de volonté. Au contraire, il n'y a pas
incompatibilité entre l’habitude et l’activité réfléchie.
En premier lieu, si l'habitude «’acquiert par répétition, celle-ci peut- être méthodique,
par conséquent, Intelligente et volontaire. Il n'en est pas de même de la routine qui se
forme d’elle-même, sans qu'on l’ait voulu et même -sans qu'on ait eu conscience de sa
formation. Ainsi, on attribuera à l’habitude, et non à la routine, l'aisance et la rapidité de
la dactylo, la facilité avec laquelle nous lisons ou écrivons. On parlera, au contraire, de
la routine du jeune paysan qui reproduit, sans les discuter, les gestes de son père et
pratique, sans songer à mieux, les procédés de culture traditionnels.
En second lieu, si le mouvement habituel est automatique, il reste sous le contrôle de
l'intelligence, qui l'adapte aux circonstances et veille à son exécution. Ainsi l’exercice
d’une habitude la développe-t-elle et a-t-elle, pour résultat un progrès ? Dans l’acte
routinier, au contraire, il n’y a pas le contrôle de l’esprit. Les actes se suivent en vertu de
la seule répétition et non par un choix implicite de l’esprit. Ils deviennent plus aisés,
mais, non pas plus habiles.

b) ROUTINE COLLECTIVE :
Si l’individu contracte si facilement un grand nombre de routines, c’est qu'il vit dans
un milieu routinier. Ses routines personnelles s’associent à des routines sociales.
a) La routine sociale est une forme particulière de la coutume. Toutes deux
consistent en des manières générales d'agir ou de se comporter. Mais, la routine sociale
demeure une forme inférieure de la coutume. Elle est une coutume inconsciente d'elle-
même et, par là-même, exclusive et asservissante. Celui qui se conforme à la coutume
sait très bien qu'on pourrait agir différemment, si bien qu’il agit autrement suivant le
milieu dans lequel il se trouve. Au contraire, celui qui agit par routine, ne pense pas qu’il
puisse procéder différemment. Ses habitudes routinières persistent même lorsque les
circonstances ont changé. Ainsi, l’employé routinier durant son activité, devenu retraité,
conserve les manies contractées et s'adapte difficilement au rythme de sa nouvelle
existence.
b) La routine sociale est encore plus. au-dessous de -la tradition. La tradition est une
coutume qu’on a conscience de tenir de ses ancêtres et à laquelle on est fidèle par
attachement à ceux de qui on descend. Rien d’analogue dans la routine vide d'affectivité
et de conscience. 87

II. INFLUENCE DE LA ROUTINE SUR LA VIE INDIVI. DUELLE :


a) De prime abord, on peut croire que la routine peut avoir sur la vie de l’individu une
influence heureuse, parce qu'elle atténue ou supprime la difficulté, libère l'attention et
permet de s'appliquer aux travaux délicats et difficiles. Il faut remarquer que certains
automatismes sont des habitudes et non des routines. C'est l'habitude du piano qui
donne au pianiste son aisance et non la routine.
b) La véritable routine a une influence néfaste. Elle supprime le progrès matériel et le
progrès spirituel. Dans le domaine matériel,, si elle permet d'exécuter sans peine, elle
empêche toute amélioration dans les procédés de travail. C'est pourquoi, dans bien des
cas, l'inexpérience totale est préférable à la routine.
Au point de vue spirituel, la routine est le sommeil de la vie de l’esprit. L’individu
mené par ses routines ne pense plus. Son existence est une mécanique montée une
fois pour toutes et aussi, montée par les autres.

III. INFLUENCE SUR LA VIE SOCIALE :


a) La vie sociale n’est possible que grâce à une certaine stabilité. On pourrait aussi
croire que les routines collectives ne peuvent avoir sur la vie sociale qu’une bienfaisante
influence conservatrice. Du point de vue social, le terme routine est impropre. Les
termes : coutumes et traditions conviennent mieux. C'est grâce à elles qu’un pays
conserve le meilleur de son passé, ce qui a fait la grandeur du peuple.
b) La routine collective est aveuglément rivée à des gestes sans pensée. Elle est
pour les sociétés un obstacle à l'adaptation. Elle rend impossible tout progrès et prépare
les grands troubles sociaux. Parfois elle perpétue des erreurs absurdes. La vie est plus
forte que la routine. C'est ce qui explique des changements de civilisation, de
gouvernement, d'administrations par des révolutions.

IV. DANGERS ET INCONVÉNIENTS DE LA ROUTINE EN EDUCATION :


A première vue, il semble qu’on doive condamner sans réserve la pratique de la
routine en éducation. Elle aboutit à un enseignement machinal, enlisé dans la pratique,
des méthodes souvent défectueuses. En réalité, la routine demeure un pis aller aux
effets déplorables pour le maître et ses élèves.

A) CHEZ LE MAITRE — Elle diminue :


a) Le pouvoir de réflexion : Le maître routinier vit dans une sorte d’apathie
intellectuelle qui le laisse indifférent, non seulement aux progrès réalisés autour de lui,
mais aux résultats de ses propres efforts. Quand il était élève, par exemple, on faisait
toujours suivre la leçon d'un résumé écrit. Devenu maître, il continue la tradition du
résumé.
b) La faculté d'invention : Un maître actif et intelligent perfectionne sans cesse ses
procédés. Il butine
88 ça et là, recherchant tout ce qui peut améliorer et vivifier son
enseignement. Comme le demande Montaigne, « il pilote pour faire un miel qui est tout
sien, et qui n'est ni thym ni marjolaine ». C'est l'exercice constant de la réflexion qui
favorise l'invention, le pouvoir de créer par soi-même, de faire œuvre de personnalité.
Tout cela est étranger au maître routinier.
c) La puissance de la volonté : Il ne fait aucun effort pour s'améliorer lui-même. Sa
volonté s'engourdit peu à peu et se laisse dominer par ses habitudes au point de devenir
un parfait automate.
B) CHEZ L’ÉLÈVE : La routine engendre :
a) La lassitude et l'ennui. Pour provoquer l’attention de l'élève piquer sa curiosité, rien
ne vaut la variété, l'imprévu.
b) Elle retarde les progrès : Une leçon non adaptée aux moyens intellectuels des
élèves, risque d'être incomprise où mal assimilée, d'où, perte de temps et d'efforts,
insuffisance des résultats, découragement même des écoliers.
c) Elle nuit à l’éducation morale : Le climat de la classe influe sur l'élève. L’apathie du
maître finit par pénétrer l’élève. Ce dernier perd toute personnalité et incline rapidement
vers la paresse.

V. COMMENT L'ÈVITSÎÎ. DANS SON ENSEIGNEMENT?


Pour se prémunir contre ia routine, l'instituteur dispose des moyens suivants :
A) Poursuivre sa culture professionnelle.
B) Parfaire sa culture personnelle.

A) COMMENT POURSUIVRE SA CUTLURE PROFESSIONNELLE?


1) L'Etude de la pédagogie est le point de départ de toute culture professionnelle,
mais elle est insuffisante pour former le bon maître. Il convient de la compléter par ¡a
lecture des grands pédagogues Montaigne, Fénelon, Rousseau, etc., et par l'observation
attentive des élèves, psychologie plus vivante que celle des livres. Le maître désireux
d'échapper à la routine s'exerce à réfléchir sur son travail en vue d'en obtenir un meilleur
rendement.
2) Il se tient au courant des progrès de la pédagogie, qui tend, à devenir
expérimentale, par la lecture des journaux professionnels ; il participe aux discussions
ouvertes dans ces publications. « Limer sa cervelle contre celle d’autrui » est un bon
moyen d’accroître et de fortifier son expérience.
3) Il prépare sa classe régulièrement. En aucun cas, il ne suit aveuglément un
manuel ou la partie scolaire d'un journal pédagogique. Si bien faits soient-ils, ils ne
s'adaptent jamais exactement à ses élèves. Par la préparation, il choisit ce qui convient
à son jeune auditoire, remédie aux défauts qu'il a pu relever dans son enseignement,
complète ses connaissances sur tel point du programme jusque là imprécis ou obscur.
4) Enfin il se livre à l'étude personnelle, non pas à l'étude sans horizon, pratiquée en
vue de la préparation à un examen, mais au travail désintéressé et de longue haleine,
qui assouplit l'esprit : lecture des ouvrages généraux relatifs à l'histoire, à la géographie,
89
aux sciences, etc...

B) COMMENT PARFAIRE SA CULTURE PERSONNELLE?


1) En dehors des ouvrages généraux intéressant les diverses matières
d’enseignement, la lecture d'ouvrages propres à élever l'âme s’impose à tout maître
soucieux de progrès. « Quand notre âme est pleine de sentiments, nos discours sont
pleins d'intérêt. » Qu'il n'évite donc pas les lectures « qui ne servent à rien », si ce n’est
à émouvoir l'âme. A ses débuts, il doit établir un itinéraire qui le conduira à travers tous
les mondes intellectuels, anciens et modernes, et lui révélera les plus nobles pensées
de tous les peuples et de tous les siècles.
2) Le goût de la recherche personnelle affine l’esprit et augmente sa puissance de
pénétration: études intéressant la région (histoire, géographie, etc...) ou les sciences
physiques et naturelles (ils ne sont pas rares, les travailleurs isolés qui ont fait accomplir
de sérieux progrès à la paléontologie,. à la botanique, etc., qui ont perfectionné des
découvertes, celle de la télégraphie sans fil, par exemple, pour prendre l’une des plus
récentes).
3) Enfin, si les voyages « forment la jeunesse », ils permettent à L’homme mûr
d'élargir ses idées, et, à tous, de réagir contre l'affaissement qui résulte d’un séjour
prolongé dans le même milieu. Malheureusement, les voyages coûtent cher, et ils ne
sont pas toujours faciles à réaliser pour celui qui a des charges de famille. Au moins,
peut-on mettre à profit la proximité d’une ville pour en visiter le musée; assister à une
conférence, représentation, etc...

VI. CONCLUSION :
C’est ainsi qu'on réussit à « se garder soi-même intact, à travers les durs hasards ou
les longues monotonies », à entretenir en soi, malgré les années qui passent, la chaleur
intérieure sous le refroidissement de la surface » (Elie Pécaut).
L'activité de l'esprit, le goût de l’action et, par-dessus tout, l'amour de son métier, tels
sont les .stimulants qui préservent 1e maître des effets dangereux de la routine, parce
qu’ils l'empêchent de glisser dans la répétition moderne, intelligente et paresseuse.

90
SUJET N°17

Faites une analyse détaillée des principes de la méthode interrogative.


Comment interroger pour apprendre à l'enfant à parler et à penser ? N'existe-t-il
pas comme une caricature de l'interrogation, à éviter dans nos classes ?

I. UNE MANIERE DE CONCEVOIR LE DEVOIR :


Les élèves de l’école primaire élémentaire ont peu de connaissances, peu
d’expérience et peu de réflexion. C’est pourquoi, à ce stade l’interrogation ne saurait
constituer une méthode exclusive d’enseignement. Toutefois, elle a .droit à une large
place parce que les connaissances que l’écolier aura acquises par lui-même, grâce à
des questions habiles, seront plus solides et plus durables que celles qu’on ¡lui
enseignerait d’autorité.
D’ordinaire, on interroge pour faire trouver ou découvrir, pour contrôler les
connaissances (avant toute leçon nouvelle), pour tenir les élèves en haleine (pendant la
leçon) et pour vérifier finalement si elle a été comprise.
Un enseignement bien conçu, fait appel à. un intérêt, profond de l’enfant et s’adresse
à sa pensée vivante. II l’incite à comprendre et non à repérer sans comprendre. Mais,
comprendre est une opération complexe qui suppose pleine activité de l’esprit : C’est
pourquoi on a pensé faire participer l’élève à; l’enseignement qu’on lui donne, en
l’interrogeant souvent. Dès lors, l’interrogation devient moyen puissant de former les
esprits au travail et de les conduire à. des notions comprises.
La méthode Interrogative a pour fondement essentiel la nécessité de comprendre.
Cousinet l’appelle « l’art de faire digérer ».
L’interrogation prend deux formes :

A) L’INTERROGATION DE DÉCOUVERTE:
Elle se présente toutes les fois que la leçon est construite avec la participation active
des élèves ; en les plaçant en face des problèmes successifs auxquels on leur demande
d’apporter points et aspects du sujet. On place l’élève devant un problème qu’il peut
résoudre et non devant une devinette. De question en question, par des observations ou
objections, on l’oblige à penser correctement et profondément, à s’exprimer avec
précision en conduisant la leçon nouvelle fortement liée à la précédente et à la structure
mentale de l’enfant. Ce dernier apprend ainsi à penser et prend l’habitude de le faire.
Cette méthode est celle recommandée par les I.O. de 1923: « La seule 91
méthode qui
convienne est celle qui entretient
entre maître et élèves On continuel échange d’idées sous des formes variées,
souples et Ingénieusement graduées ; toujours partir de ce que les enfants savent,
aller du connu à l’inconnu, du facile au difficile. », ajoutent-elles).

B) L’INTERROGATION DE CONTROLE:
Qui a pour but de vérifier les connaissances des élèves. On leur pose des
questions prouvant qu’ils ont compris. Des réponses convenables sont preuves de
fixation intellectuelle intelligente et manière d'exercer constamment l’activité spirituelle
des élèves.
La méthode interrogative est aussi appelée socratique. Elle s'oppose à la méthode
didactique. On ne verse pas les connaissances dans les têtes, mais, on les fait surgir
de l'esprit où elles se trouvent à l’état latent.
L’interrogation a valeur de test. Elle permet au maître de se rendre compte de ce
que savent ses élèves, de l’étendue et de la localisation de leurs souvenirs, de leurs
ignorances, des lacunes qui subsistent dans leur formation intellectuelle, des
difficultés qui les arrêtent. En même temps, elle stimule l’activité intellectuelle, fait
connaître progressivement les élèves, leur niveau intellectuel ou détecte les obstacles
sur lesquels ils buttent, découvre leurs incompréhensions, les confusions qui les
paralysent.

II. COMMENT INTERROGER POUR APPRENDRE A L'ENFANT A PARLER ET A


PENSER ?
Interroger est un art. Les questions à poser doivent être préparées avec soin. Il
faut qu’elles soient formulées en termes simples et clairs. Laisser aux élèves un
temps suffisant de réflexion sans toutefois exagérer. Les questions sont posées à
toute la classe. Désigner ensuite l’élève qui doit répondre en ayant soin d'interdire les
réponses collectives. Faire intervenir non seulement les élèves les plus habiles mais
aussi les moins doués et les plus timides. Encourager ces derniers par des questions
faciles.
L’Interrogation apprend à l’enfant à parler et à penser parce que :
a) Elle seconde l'inertie verbale, fréquente chez l'enfant. Elle l'amène à vaincre
peu à peu sa timidité. (Ne jamais se contenter d’une réponse formulée par oui ou par
non. Les réponses seront d'abord courtes puis progressivement plus développées et
l’interrogation déjà exercice de mémoire et d’intelligence deviendra aussi un exercice
de langage.
b) En se proposant de trouver le pourquoi et le comment des choses des faits
observés en tous domaines, elle exerce la réflexion et le jugement. Elle oblige l’élève
à suivre attentivement la pensée du maître dans l'enchaînement d’une série de
questions rigoureusement liées l’une à l'autre et contribue ainsi à développer le
raisonnement.
c) Elle apprend aussi à l’enfant à vivre. Réflexion, bon sens et jugement sont
indispensables en tous métiers et en toutes circonstances. L’interrogation enhardit.
Elle fait naître entre le maître et l'élève une solidarité d’esprit.
Elle constitue par conséquent un exercice capital à la pratique duquel
les maîtres doivent s’entraîner patiemment et avec beaucoup de
réflexion.

III. CARICATURE DE L'INTERROGATION :


Il est des choses que l'enfant peut trouver et d’autres qu’il est incapable d’inventer. (Ex:
la hauteur du Mont-Blanc, la population de Paris ou de Londres, les notes de la gamme).
Ce serait caricaturer l'interrogation que de les lui demander. Cousinet considère comme
inévitable, dans les nécessités scolaires actuelles, un glissement dans la caricature de la
méthode interrogative. « L’histoire de la méthode dite interrogative ou socratique est un
chapitre comique de la pédagogie traditionnelle. Le maître pressé d’interroger finît par
choisir ses collaborateurs : ceux qui fournissent de bonnes réponses à ses questions. Le
mài.tre parfois aussi complique ses questions au lieu de les simplifier. Celles-ci
deviennent des devinettes. II n’avance pas à proportion des forces de ses élèves. Il
s'aperçoit qu’il est forcé de rétrograder pour consolider des bases instables ».
La méthode interrogative n’est valable que 'si elle s’associe à la méthode intuitive ou
d’observation.
SUJET N°18

Le contrôle des acquisitions, son importance/ les différentes formes qu'il revêt.
Précisez à l'aide d'exemples. (C.A.P. Martinique, Session de Mars 1965)

Une manière, entre mille, de traiter le sujet :


I. IMPORTANCE AU CONTROLE DES ACQUISITIONS :
Contrôler les acquisitions c’est, sans cesse, faire le point des connaissances,
s’assurer avant de progresser que le terrain conquis est ferme. Il revêt une importance
considérable dans le domaine de l’enseignement primaire. Il s’avère même
indispensable à la fois pour le maître et pour les élèves.
A) POUR LE MAITRE :
Il répond à la nécessité d’établir une liaison entre l’ancien et le nouveau.
Il satisfait son besoin d’être fixé sur la portée de son enseignement
Il permet la mise au point de l’enseignement dispensé et demeure mode de contrôle.
Il aide à déceler les aptitudes et préférences de chaque élève. Les vifs et les lents
d’intelligence sont repérés de suite. On se rend compte clairement des creux, faiblesses
et points forts de leurs connaissances.
Bref, il demeure la base d’un enseignement progressif efficace.
B) POUR LES ÉLÈVES :
Il les renseigne sur ce qu'ils ont acquis à peu près, fermement ou pas du tout.
Il leur Indique le sens dans lequel ils doivent orienter leurs efforts.
Au départ, le contrôle des acquisitions semble s'opposer aux tests et aux examens. Le
premier permet le contrôle des facultés qui fixent ces acquisitions. Les seconds vérifient
jusqu'à quel point les connaissances, dans des branches déterminées sont assimilées.
Ainsi, une composition en histoire portant sur des dates importantes ou une de calcul,
comportant des opérations délicates à effectuer renseignent plutôt le maître sur fa
fidélité de la mémoire de ses élèves ou si ces derniers possèdent, de façon
imperturbable, les mécanismes opératoires. La réussite par ces mêmes élèves à
l'entrée en sixième ou au C.E.P.E. fixe le maître sur la portée générale de
l'enseignement qu'il dispense.
De plus, dans le domaine de l’instruction il existe une illusion de la connaissance, à
éviter. La connaissance efficace est celle qui est définitivement acquise, celle que l'on
peut évoquer, contrôler à tout instant.
Le contrôle des acquisitions doit être fréquent et organisé systématiquement car, il
permet au maître 94 de :
a) Vérifier les connaissances des élèves : I! apparaît comme un inventaire du connu
et de l'inconnu et, en fin d'année, comme le bilan des acquisitions faîtes dans un cours
déterminé.
b) Ajuster son enseignement, augmenter ou diminuer la matière, l'adapter
exactement au niveau de son auditoire, renforcer la tendance à dispenser un
enseignement comme sur mesure.
c) Conditionner la matière et la méthode d’enseignement, contrôler de façon certaine
l’enseignement qu'il dispense.
d) Avoir une prise de conscience exacte des possibilités de chacun de ses élèves.,
laquelle peut être stimulante ou décevante.

II. DIFFÉRENTES FORMES DE CONTROLE :


Il importe au départ, de signaler la valeur particulière que prennent dans le contrôle,
les corrections faites par .le maître et les autocorrections effectuées par les élèves.
De plus, le contrôle des connaissances peut être oral ou écrit.
A) LE CONTROLE ET LA CORRECTION DU MAITRE:
Reposent sur le principe que tout travail proposé (écrit ou oral) doit être vérifié.
Principe fondamental qui ne saurait être transgressé. Ce contrôle porte sur le soin, la
présentation, la forme et le fond. Il doit toujours être aussi attentif et minutieux que
possible. Le maître signale avec soin les fautes et erreurs et c'est l'élève qui les corrige.
Pour" cela, avec les grands on peut utiliser des signes conventionnels simples et peu
nombreux auxquels on initie les élèves. Ce contrôle doit-être discret. La rage correctrice
ne doit point conduire à couvrir de traits, de ratures ou d'appréciations vigoureuses les
devoirs Incorrects. Jamais, le maître ne doit se contenter de dire: Effacez vos ardoises]
C'est fini ou jeter un coup d’œil négligent sur le travail effectué par les élèves. Ils
comprennent très vite que le devoir est dénué d'importance ou d’intérêt et ils prennent
l’habitude de ne pas exécuter le travail proposé.
De plus, seule la correction exécutée avec la participation effective des élèves est
profitable. Les procédés employés sont multiples et varient avec les matières.
(Exemples : En calcul on fait reprendre le travail à partir de l’endroit où l’erreur a été
commise. De même en grammaire. En dictée, faire corriger les groupes de mots, à la
marge ou recouvrir de papier gommé les mots mal écrits et y écrire la forme correcte. En
rédaction, on reprend à la suite du devoir les phrases ou passages incorrects). Dans ce
domaine, un principe important est à respecter : La correction de l’élève donne lieu à un
nouveau contrôle du maître qui s'assure qu'elle a été faîte et de façon exacte.

B) LE PROCÉDÉ LA MARTINIÈRE :
C’est le plus connu et le plus employé dans tous les cours primaires. Il est, à la fois,
écrit et oral. Le travail s'effectue sur l'ardoise. II garde l'avantage pédagogique de
permettre un contrôle collectif et individuel. Malgré tout, il Importe de ne pas en abuser.
C) LES RÉVISIONS :
Les enseignements dits de coure : l’histoire, la géographie, les sciences, la
récitation, la grammaire, Ie8 règles de calcul doivent être toujours fréquemment
contrôlés.
En histoire, par exemple au niveau primaire élémentaire, on contrôle le résumé. Par
quelques brèves questions on reconstitue la substance de la leçon précédente et on
s'assure que le résumé sert de support à une connaissance vivante et intelligente. En
sciences, en calcul, un schéma rapide, une formule, suffisent parfois, parce qu'ils
résument l’essentiel.
En récitation, contrôle exigeant permettant de se rendre compte que le texte est su
de façon impeccable. Ne pas interrompre l’enfant. Attendre qu'il ait terminé et les mises
au point se font par les camarades. Adopter le principe de la révision permanente pour
que l'enfant conserve toujours présents à l’esprit les textes étudiés durant l’année
entière, seul bagage poétique lorsqu’il entrera dans la vie.
D) L’INTERROGATION DE CONTROLE :
Permet de se rendre compte de ce que les élèves ont retenu et compris. Elle a lieu
avant, pendant ou après la leçon.
Avant, pour avoir la preuve que l’élève a revu et étudié la précédente leçon et se
montre capable de la relier à celle du jour.
Pendant, elle coupe l'exposition et marque en quelque sorte, les étapes.
Après, ce qui permet au maître de s'assurer qu'il a été compris. Il Insiste alors sur les
parties demeurées obscures.
Elle dissipe la lassitude. « Quelques questions courtes, vives, volant ça et là dans la
classe comme des flèches, réveillent tout le monde, aiguillonnent, relèvent les têtes,
allument les regards, piquent les curiosités, ravivent l'intérêt, tiennent l’auditoire en
haleine » (dit Steeg).
E) LES COMPOSITIONS»:
Qui obligent l’élève à réviser tout un ensemble se rapportant à une des matières du
programme constituent un moyen de contrôle efficace.
Elles permettent au maître de s'assurer si ses élèves ont un savoir suffisant.
L'élève donne sa mesure et elles constituent un moyen d'émulation.
F) LES EXAMENS :
Ils constituent des épreuves contrôlant toute une scolarité.
Conséquences pédagogiques : Le contrôle ne s'improvise pas. Il faut le prévoir,
préparer les questions et les devoirs. Il est permanent.
Il existe pour les Ecoles maternelles des matériels collectifs de contrôle comme les
fiches correctives Freinet, le matériel de calcul Cuisenaire. La C.M. d'octobre 1960 parle
de contrôle après avoir évoqué « la tendance générale de notre époque à examiner
toutes choses rapidement et superficiellement ». Elle précise que le rôle du maître plus
que par le passé est d’établir les « fondations solides et durables de tout l'édifice
scolaire ».
Il n'y parvient qu'au prix de répétitions fréquentes et d'exercices nombreux. Elle
préconise de revenir au par cœur préalablement compris, « forme authentique et
durable du savoir »
SUJET N°19

« Importance que vous attribuez aux devoirs écrits. »


Quels problèmes soulèvent leur choix, leur nombre, leur correction ?

Une manière, entre mille, de traiter le sujet :

I. EN GUISE D'INTRODUCTION :
La question: devoirs écrits à l'Ecole primaire est d’actualité puis qu’elle vient d’être
réglementée par des textes assez récents.
La C.M. du 29 décembre 1956, qui n’a pas toujours recueilli l’adhésion des Parents,
supprime les devoirs à la maison au niveau de l’E.P.E. et fixe à cinq heures le temps
hebdomadaire à leur consacrer. Elle prescrit: « Aucun devoir ne sera demandé aux
élèves hors de la classe ».
Elle précise, par ailleurs que les devoirs ne sont pas supprimés pour autant. Ceux-ci
seront, désormais, faits et corrigés en classe. Us portent essentiellement sur les
disciplines principales et réservent la part la plus importante au français et au calcul.
Mieux. Elle distingue de façon formelle l’exercice du devoir. Le premier est un travail
rapide qui permet de s’assurer, sur le champ, que la leçon a été comprise. Ex :
exercices d'application de grammaire, de calcul. Le devoir lui, est une épreuve écrite
exigeant un « effort personnel et soutenu » de l’enfant, « une mise en forme et au propre
», utile à sa formation, à celle de son esprit comme à celle de son caractère. Il permet de
mesurer l’acquis de l’élève et de contrôler ses qualités de réflexion, de jugement et
d’imagination...

Il, L'IMPORTANCE A ATTRIBUER AUX DEVOIRS ÉCRITS î


Au niveau de l’E.P., le travail écrit possède des vertus spéciales qui lui confèrent
toute son importance.
a) POUR L’ELEVE:
D’abord le travail écrit bien .fait et correctement présenté n’est pas l’œuvre d’un jour.
Il est le résultat d’un effort régulier et soutenu. On apprend à rédiger et é présenter un
devoir écrit. Il conduit l’élève à acquérir des qualités morales précieuses : propreté, soin,
sens de l’effort, sentiment de satisfaction éprouvé en face de la difficulté vaincue, goût
du travail bien fait. Alain prétend que « les travaux d’élèves sont des épreuves pour le
caractère ».
Ensuite, il permet à l’élève de faire le point de son savoir, de réaliser œuvre
personnelle de réflexion, de jugement, d'imagination, d'intelligence. Il fixe son savoir,
consolide les mécanismes et met constamment à l’épreuve ses connaissances.
b) POUR LE MAITRE :
Il lui permet aussi de faire le point de son enseignement, connaître le niveau réel de
sa classe et de mesurer la portée exacte de son travail d’éducateur. Par cela même ; il
vérifie jusqu’à quel degré les connaissances qu'il a transmises sont assimilées. Bref, le
devoir écrit demeure un test pour les élèves comme pour le maître.

III. PROBLÈMES QUE SOULÈVENT :


A) LEUR CHOIX :
Bien des principes doivent guider le maître quand il choisit les devoirs écrits à
proposer à ses élèves.
a) Le travail écrit doit être sérieusement distingué de l'exercice,
b) Il ne s’improvise pas. C’est dire qu’il doit-être préparé et choisi dans une
perspective précise : but à atteindre et moyens de :le réaliser.
c) Les devoirs proposés doivent être adaptés au niveau de la classe : ni trop faciles,
ni trop difficiles. Pour qu’ils soient d'un profit certain, il faut qu’ils exigent des élèves un
effort mais, ne les découragent pas. Il importe de bien connaître sa classe afin de lui
proposer un travail efficace.
d) Il faut qu’ils soient variés pour éviter « la monotonie des redites et le dégoût du
déjà vu ». Ils doivent obéir à une certaine progressivité, être exactement en rapport
avec les leçons apprises, ne porter que sur des règles ou connaissances récemment
acquises.
e) II importe enfin, qu'ils soient motivés. Leur donner une allure, une forme qui les
rende attrayants, qui éveille l’intérêt et la curiosité des élèves.
B) LEUR NOMBRE:
Le fait de supprimer les devoirs à domicile Implique qu'il ne faut pas en abuser. Le
maître doit se pénétrer que la qualité des devoirs écrits proposés importe davantage
que leur quantité. D’ailleurs, des devoirs écrits trop fréquents finissent par rebuter les
élèves. Il importe, avant tout, que la quantité de devoirs proposés aux élèves 'soit
appropriée à leur capacité de travail intellectuel.
La C.M. de 1959 répartit admirablement le nombre, le temps hebdomadaire à
attribuer à chaque genre de devoir. On s’aperçoit que ceux de français et de calcul (2 h
25 et 1 h 30) y occupent une place prépondérante.
Elle fait même observer que pour ces deux types de devoirs des minutes
complémentaires, jusqu'à 10 ou 15, peuvent être prélevées sur la leçon
correspondante. Ne perdons pas de vue que « l'excès du travail intellectuel nuit au
développement physique et intellectuel » de l'enfant d'âge de l'E.P.
C) LEUR CORRECTION :
La correction des devoirs écrits en est certainement le point le plus important. Elle
dérive du principe : Tout travail donné doit être contrôlé. Un devoir non corrigé n’a
aucune, valeur... Il équivaut au devoir non fait
Corriger un devoir c'est, pour le maître, en signaler les fautes mais, surtout indiquer à
l’élève comment il peut les rectifier... Les I.O. précisent que la correction se fait «
pendant les heures de classe ». Elle est généralement collective, puis, chaque élève
corrige individuellement son devoir d’après les indications fournies par le maître.
Exception est faite pour les rédactions qui, selon, les I.O. sont «corrigées par le maître
en dehors de la classe ». Pour cette matière, la correction individuelle de l’instituteur
précède la correction des élèves. Puis, suit une seconde correction de la part du maître
pour s’assurer que celle de l’élève a été faite de façon exacte. Le contrôle exercé par le
maître doit être attentif et minutieux. Il porte aussi bien sur le fond que la forme. Il
signale la faute ou ¡l'erreur, mais c’est l’élève qui la corrige. La correction effectuée
parles élèves demeure un moment essentiel. Divers procédés variant avec les matières
sont employés : (problèmes, rédactions ou dictées). J. Payot précise : « On ne corrige
pas une copie on J’annote... Ce qu’il faut corriger, c'est l’enfant... Ce qu’il faut atteindre,
ce n’est pas la copie, ce sont les causes mentales des fautes »
SUJET N°20
Quelle doit être la part du livre et celle de l'enseignement oral dans une
classe de votre choix ?

I. INTRODUCTION :
Pour le rendement de son enseignement, le maître dispose de nombreux moyens :
parole, livres, ardoise, tableau noir, dessin. Les uns conviennent mieux que les autres à
un cours précis ou à une discipline déterminée.
Essayons de préciser la part exacte qui revient au livre et à la parole du maître dans
un cours de notre choix.

II. BREF RAPPEL :


Autrefois, le livre était tout à l’école primaire. Les explications orales se faisaient
rares et courtes. Il n'y en avait presque plus. Une réaction, s’imposait. Malheureusement
elle faisait verser dans un excès contraire. L’enseignement prit un caractère totalement
oral. On ne se servait plus du livre que pour certaines matières du programme comme
l’histoire ou les sciences. Il en résulte qu’on avait abusé du livre dans les classes
primaires, puis, on l'en a banni. Enfin, on arriva à comprendre que livre et parole du
maître ne s'excluent pas mais, qu’ils s'associent dans un enseignement rationnellement
conçu...

III. LA PART DU LIVRE :


Au C.M. par exemple, la durée d'une leçon n^excède guère vingt à trente minutes. Si
elle a été bien expliquée, l'élève n'éprouve aucune difficulté à la savoir. Mais, pour ne
pas l’oublier très vite, il importe qu’il fixe dans son esprit les principales idées par la
lecture du livre. Dans ce dernier, il retrouve le fond même de la leçon faite par le maître.
S'il 'n’y revoit le développement intégral, un mot, une phrase, une gravure, -un schéma
suffit à lui rappeler les explications fournies sur un point important du sujet. Grâce au
livre, précieux mémento, il est sûr de ne rien oublier.
L’élève ne lit pas seulement dans son livre le texte de sa leçon, se mettant ainsi en
mesure de répondre aux questions qu’on peut lui poser là-dessus. Il lui faut, en outre,
apprendre par cœur le résumé de la leçon, placé à la suite du développement. Il devra
savoir ce dernier de manière impeccable. C’est à ce résumé que se rattachent ses
connaissances et souvenirs, sinon ils risquent de demeurer vagues et flottants dans son
esprit.
On rencontre des maîtres qui rédigent eux-mêmes le résumé de la leçon, l’écrivent
au tableau noir ou la font copier au tableau, en histoire et «n sciences. Ils y consignent
les Idées essentielles.
Depuis 1762, Rousseau réagit contre l’enseignement livresque en usage durant son
temps. Il « ôte les Instruments de la plus grande misère des enfants, savoir les livres. »
Il ne remplaçait pas le livre par la parole du maître mais, par l’observation directe.

IV. LA PART DE LA PAROLE DU MAITRE :


Avant la leçon, le maître lit dans le livre même de l'élève le texte de la leçon. Ce
dernier constitue le thème de son développement. Il consulte aussi d'autres livres qui
peuvent lui apporter des compléments sans trop s'éloigner du livre de l'élève. Il pense
ainsi que la leçon sera plus facile à saisir par l’élève, parce qu'il la comprendra aisément
par la simple lecture de son livre.- Le maître s’efforce surtout de mettre en lumière les
points essentiels du sujet en les expliquant par leurs causes, leurs conséquences. Ainsi
dan3 une leçon d'histoire sur la lutte de Richelieu contre les protestants, 11 montrera
que le cardinal combat les protestants, non parce qu’ils forment un parti religieux, mais
parce qu'ils constituent un parti politique, il indiquera les raisons pour lesquelles cette
lutte était nécessaire en raison du danger qu'offrait l’alliance des protestants avec les
grands seigneurs et l'étranger : danger de voir briser l’unité, de la France. Il Insistera sur
la modération de Richelieu après sa victoire, par la paix d’Alaix, laisse aux protestants la
liberté de conscience et de culte.
Le livre présente ces faits sous une forme abrégée, concise, immuable, souvent
obscure pour l'élève. A l’aide d’expressions variées, le maître s'efforce de bien se mettre
à la portée des jeunes intelligences. Il développe ce qui n'est que sobrement Indiqué et,
quand il le juge nécessaire, dit ce que le livre ne dit pas.
Bien entendu, il ne parle pas seul. De temps à autre, une question d’intelligence vient
ranimer l'attention des élèves. Ex. : Pourquoi les protestants français faisaient-ils appel
aux Anglais, plutôt qu’aux Espagnols ou à un -autre peuple voisin ? De plus, le maitre
veut s'assurer que ses explications sont comprises. A deux ou trois reprises, il
interrompt son exposé pour interroger ses élèves. Quand, par les réponses obtenues, il
est sûr d’avoir été suivi, il reprend le développement de son sujet pour s’arrêter bientôt
et poser de nouveau, quelques questions. De même qu'un escalier a des paliers où
chacun peut se reposer, une leçon doit avoir ses arrêts, permettant à la classe de se
détendre un peu.
Enfin, lorsque la leçon est terminée, une récapitulation générale à laquelle
collaborent tous les élèves, vient en rappeler les points essentiels.
Pourtant, Il faut reconnaître que l'exposé oral, même vivant et méthodique, risque de
ne laisser que des traces éphémères dans la mémoire des enfants et non des
conquêtes précises, bien enchaînées et solides. Seul, le livre bien utilisé peut rendre
durables ces traces.
V. LIVRE OU PAROLE ?
Il semble qu’il serait dangereux de bannir le livre de classe. Ses avocats sont
d'ailleurs nombreux. Prévost dit : « Pour enseigner l’élève un bon livre importe autant
qu’un bon maître. J'allais dire qu’il importe plus ». Le livre est comme un maître toujours
prêt à renouveler sa leçon.
Il ne faut pas non plus, abuser de la parole du maître qui a une si grande emprise sur
les intelligences et les cœurs.
C'est dire que pour éviter des connaissances vagues et éphémères d'un côté, froides
et obscures de l'autre, il vaut mieux associer enseignement oral et livre qui, d’ailleurs, se
prêtent un mutuel appui. L’enseignement oral vient vivifier et éclairer le livre. De son
côté, le livre condense, fixe les idée6 essentielles de l’exposition orale.

103
SUJET N°21
Dans son livre III de l'Emile, Rousseau écrit : « Je hais les livres ; ils n'apprennent à
parler que de ce qu'on ne sait pas. » Dans son Propos 41, Alain déclare : « Que le
livre soit l'instituteur en chef et que vous soyez, vous, les adjoints du livre. »
Commentez ces deux opinions et donnez votre avis.

Une manière de concevoir le devoir:


Alors que Rousseau prononce un réquisitoire très sérieux contre le livre, Alain plaide
la cause de ce dernier.
Examinons chacune de ces attitudes envers le livre et précisons celle que l’éducateur
doit adopter.

I. EXAMEN DE LA THÈSE DE ROUSSEAU :


Il faut d’abord rappeler que Rousseau est le défenseur de l’émancipation de l’enfant.
Dès lors, on ne s’étonne plu9 qu’il s’élève contre toutes les tyrannies, jusqu’à celle du
livre.
En s’écriant qu’il hait les livres, il réagit contre l’enseignement livresque, à la manière
de Rabelais et de Montaigne. Ceux-ci considéraient cette forme d’enseignement comme
« de seconde main et susceptible d’introduire le verbalisme à l’école ».
Pestalozzi et Spencer épousent une attitude semblable à l’égard du livre. Le premier
accuse l’invention de l’imprimerie « d’avoir fait perdre aux hommes l’usage de leurs sens
en réduisant le rôle des yeux à l’étude de cette nouvelle idole qu’est le livre. » Le second
reproche à l’enseignement livresque « d’émousser les perceptions et le jugement. »
Rousseau va jusqu’à ajouter : « Le livre est le fléau de l’enfance et presque la seule
occupation qu’on sait lui donner. A peine, à douze ans, Emile saura-t-il ce que c’est
qu’un livre. »

II. EXAMEN DE LA THÈSE D'ALAIN :


II adopte une attitude tout à fait opposée à celle de Rousseau, en face du livre. A ses
yeux, on juge une école par la place qui y est faite à la lecture. « ... Si les enfants lisent,
tout va bien. »
Pour lui, « pas de culture sans lecture ». II ajoute même que s'il * était Directeur de
l’enseignement primaire, il se proposerait comme but unique d’apprendre à lire à tous
les Français et toutes les leçons seraient de lecture. »
Une telle conception de l’enseignement est viable à une double condition :
l’intelligence des
104 élèves se règle d’après le livre, et, pour le Maître, qu’il s'agisse
d'histoire, de physique ou morale, il doit se soumettre au livre. «Il lit clairement,
éloquemment, comme il faut lire, ensuite, les enfants- reliront la même page et plus
d’une fois. »
C'est donc la croisade de l'enseignement par le livre que prêche Alain. Il fait du livre
le centre de toute élévation intellectuelle.
III. SYNTHÈSE:
Le jugement de Rousseau apparaît sévère et raide.
Le livre, bien utilisé, peut devenir pour le Maître comme pour l'élève, un
incomparable instrument de culture. G. Sand en fait un « ami, un conseil éloquent et
calme dont elle ne veut pas vite épuiser les ressources et qu'elle garde pour les grandes
occasions. »
Pour G. Duhamel, le livre est l'instrument de culture par excellence, parce qu’il
permet la réflexion et le choix. F. de Miomandre en souligne « la puissance persuasive
que n’égale 'aucun orateur, pas même le plus éloquent. »
Rousseau, lui-même doit beaucoup aux œuvres de Platon, Montaigne et Locke.
« Le livre devient l’instrument de plus grande misère des enfants. » quand il est mal
utilisé.
La vie de Montaigne illustre éloquemment les avantages que l’on peut tirer du «
commerce des livres ». Lire, peu, bien comprendre ce que l'on lit ne peut que contribuer
à faire de nous des hommes cultivés. » On comprend P. Bernard qui dit : « L'essentiel
n'est pas tant de lire beaucoup que de lire comme il faut et ce qu’il faut. »
Alain est' de ceux qui proscrivent les leçons qui « tombent dru comme la pluie ». Selon
lui, « nul ne s’instruit en écoutant, c’est en lisant qu'on s'instruit ».
Heureusement qu'il ne fait pas de la lecture l'unique instrument de la culture puisqu’il
ajoute : « Ce n'est pas en écoutant, les bras croisés, ce n'est pas seulement en lisant,
mais, en écrivant, calculant, dessinant, chantant, copiant et recopiant que l’enfant
retiendra quelque chose. » II reconnaît, par ailleurs, que « la lecture qui ânonne ne sert
à rien. » Tout le monde sait, d’ailleurs 3ue, même longtemps après qu'il ait appris à lire,
l'enfant reste encore incapable de se cultiver par le livre.
Le livre demeure, par conséquent, un instrument assez difficile à manier par l'enfant.
J. Ferry indiquait aux Maîtres comment s'en servir. « Le livre est fait pour vous et non
vous pour -le livre. Il est comme votre conseiller et votre guide, mais, c’est vous qui
devez rester le guide et le conseiller par excellence, de vos élèves. »
En réalité, pour se cultiver, comme le pense si bien Alain, il faut « remonter à la
source et boire dans le creux de sa main, non point dans une coupe empruntée ».
C’est dire, du coup, l’importance qu’il faut attribuer au choix du manuel et à son
utilisation.

105
A) CHOIX DU MANUEL:
Il doit être choisi après mûre réflexion. Depuis environ 30 ans l’édition scolaire
française a accompli de remarquables progrès. L’art du livre a progressé au même
rythme que la pédagogie. Pour bien choisir le manuel il faut le confronter à loisir avec
plusieurs d’une même discipline, du même niveau et se livrer à un sérieux examen des
spécimens reçus. II Importe de se demander si le manuel choisi répond à l’esprit
nouveau de l’enseignement, s’il est d’une utilisation pédagogique commode, se soucier
de la valeur des textes qu’il contient, de la simplicité, de l'intérêt, du choix des
documents, de la pertinence des questionnaires et de la qualité des résumés.
B) UTILISATION DU MANUEL:
Il est un recueil de documents, une somme d'exercices. Il aide à la formation du goût
et doit surtout conduire l’élève au travail personnel. II faut que l'élève soit initié à se
servir du manuel qu’il possède et sache en faire une utilisation rationnelle. Toute leçon
faite par le maître doit s'achever par l’exploration du manuel de l'élève, la lecture,
l'explication des gravures et du résumé à apprendre. Ainsi compris le livre demeure le
meilleur moyen de culture qui soit.
SUJET N°22
Comment peut-on arriver à concilier la nécessité de la discipline et de
l'obéissance à l'école avec le devoir de développer la personnalité de l'enfant ?

I. UNE MANIÈRE DE CONCEVOIR LE DEVOIR :


1) Une classe est une société en miniature. Elle a son chef, l’instituteur et sa loi, le
règlement scolaire. L’ordre et la discipline sont conditions essentielles de sa prospérité
et de son bon renom. Mais l’école a surtout pour mission de favoriser l’épanouissement
de la personnalité enfantine. Comment concilier les deux impératifs : discipline et
développement de la personnalité de l’enfant ?
2) Personne ne conteste l’absolue nécessité de la discipline scolaire. Qu’adviendrait-
il d’une classe dans laquelle les quarante ou cinquante élèves la constituant agiraient à
leur guise ? Le désordre et l'anarchie feraient vite de s'y installer. S’en suivraient
l'inefficacité de l'enseignement dispensé et une absence de résultats... Cependant, le
maître a pour devoir de respecter et de développer la personnalité de l'enfant, c'est-à-
dire « sa manière propre de voir, de sentir et d'agir », comme dirait Rousseau. N'est-il
pas à craindre que, pour obtenir un travail fructueux, l’instituteur obligeant son élève à
obéir ne paralyse la volonté de ce dernier et n'étouffe sa personnalité naissante ?
3) Les principes humanistes chers à la démocratie admettent que l'ordre moral et la
véritable discipline dérivent du développement même de la vitalité des élèves d'une
classe, de leur esprit d’initiative et de leur volonté personnelle.
C’est penser, au départ, qu'il est parfaitement possible de concilier la discipline à
l'école avec 'le développement de la personnalité enfantine Comment s’y prendre?

II. COMMENT ARRIVER A CONCILIER, A L'ÉCOLE, LA DISCIPLINE ET


L'OBÉISSANCE AVEC LE DÉVELOPPEMENT DE LA PERSONNALITÉ DE
L'ENFANT?
Concilier ces deux impératifs est un problème pédagogique délicat, sinon difficile.
Cependant, le maître avisé voit aisément comment orienter son action pour y parvenir. Il
s'inspire des principes essentiels suivants :
A) Les I.O. recommandent, dans le domaine scolaire, la pratique d'une « discipline
libérale et formative ». Elles vont même jusqu'à préconiser l'autodiscipline et l'auto-
éducation. La discipline autoritaire d’autrefois a disparu. Celle pratiquée, aujourd'hui, à
l'école, loin de contraindre et de soumettre
J'élève, veut l’améliorer
107 et le gagner. Loin de briser sa volonté, elle s’évertue à
l'assouplir et prétend la diriger sans l’affaiblir. Elle s’efforce d'obtenir une action franche
et profonde, celle de susciter la personnalité enfantine du dedans et non de modeler
l’individu du dehors. L’obéissance exigée de l'élève n'est plus la passive, mais, la
volontaire, celle qui s’adresse à la raison et la conscience. Une éducation bien conçue -
n’annihile pas les personnalités enfantines. Elle se soucie, au contraire, de former
positivement et efficacement des personnes aptes à régler « leur conduite par des
décisions réfléchies prises avec le sentiment de responsabilité et en connaissance de
cause ». L’homme éduqué de façon idéale cherche sa voie, choisit son chemin et le
choisit bien. Il pense et juge correctement par lui-même. Il est conscient de ce qu’il veut
et doit faire. La discipline* scolaire souhaitable est celle qui vise à l'autonomie
intellectuelle par la libre activité et à l'autonomie morale par le primat de la raison.
Montaigne affirme que c’est se tromper de croire que l’enfant doit être, d’abord dompté,
avant d'être transformé en écolier. Ce faisant, « nous le rendons servile et couard pour
ne lui laisser la liberté de ne rien faire de soi ». Dans le même esprit Ellen Key disait : «
Le grand secret de l'éducation c’est de ne pas éduquer ». L’excellente discipline
éducative et constructive, la moralité idéale s’édifient activement par le respect des
personnalités enfantines, par l'expérience progressive des enfants, eux-mêmes,
discrètement guidés. Rousseau en avait déjà tracé le schéma en réclamant que l’Ecole
cesse d’être le milieu artificiel qu’elle est d'ordinaire afin, qu’au contact des réalités
l’enfant se scolarise et se discipline lui-même.
B) Une loi est d'autant mieux observée qu’elle est connue et comprise. S’il faut lire le
règlement scolaire aux élèves, il Importe de leur en expliquer l'utilité. Ils s’y plieront
d’autant mieux qu’ils en auront compris la nécessité. C’est parce que chacun d’eux se
décide à le respecter que la classe, puis, l'Ecole fonctionnent de façon idéale. Les
Ecoles types nouvelles réalisent un milieu d’éducation actif, d'éducation morale,
générateur d’une discipline spontanée, émanant des élèves eux-mêmes. Qu'il s'agisse
de l'Ecole des Petits de Mme Montessori, des Ecoles Nouvelles du type anglais ou
allemand de l’Ecole des Roches, fondée en 1899 dans l'Eure par Edm. Demolins, du
Scoutisme de Baden-Powel, c’est la libre éducation basée sur le travail organisé.
C) De plus, l'équité exige que le règlement scolaire soit appliqué à tous et par tous
les élèves. Mais, si la règle est une, les caractères des élèves sont infiniment variés.
Grâce à son tact et à sa connaissance particulière de chacun de ses élèves, le maître
saura, par des paroles appropriées, aggraver ou diminuer une punition, accroître ou
amoindrir une récompense, appliquer à chacun de façon souple et adaptée la règle. La
punition ou la récompense qui convient à une nature sensible ne sera pas la même pour
le tempérament indifférent. Elle subira des variantes en harmonie avec la spécificité du
caractère de chaque élève.
D) Enfin, le maître n'oubliera Jamais que le travail professionnel, mal exécuté,
entraîne l’indiscipline. Un Instituteur qui ne prépare pas sa classe ou qui ne respecte
pas l’emploi du temps, n’aura jamais en mains sa classe.
Le travail régulier, accompli avec conscience et dévouement, entraîne la discipline
automatique et efficace.

III. CONCLUSION :
Le maître qui s'attache à gagner l'affection de ses élèves, qui leur accorde une
confiance de plus en plus grande à mesure qu'ils grandissent,* qui s'ingénie à se rendre
inutile auprès d'eux, qui organise sans aucune défaillance son travail quotidien, qui les
entraîne au respect volontaire et spontané des règlements scolaires, n'aura aucune
peine à concilier dans sa classe, la discipline avec le respect des personnalités
enfantines.

109
SUJET N° 23

« S'il faut se garder de conseiller l'emploi universel des techniques audio-


visuelles, on serait nettement fautif de refuser d'y avoir recours. »
Expliquez rapidement cette opinion de l'inspecteur général Vettier en soulignant la
valeur pédagogique des techniques audio-visuelles. Distinguez les moyens
pédagogiques visuels, des auditifs et des audio-visuels.

EXPLICATION ET VALEUR PÉDAGOGIQUE :


De nos jours le développement croissant des techniques audio-visuelles pose un
problème important dans le domaine pédagogique. L’enfant d’aujourd’hui vit dans un
monde peuplé de moyens d’information et de distractions. Même dans les milieux
modestes on trouve une radio, un électrophone et parfois même, un magnétophone. Le
cinéma et la télévision ont fait partout -leur apparition. Une récente enquête statistique
révèle que 4 foyers sur 5 possèdent une radio et un sur 4 détiennent un poste de
télévision.
Cette réalité extérieure ne peut laisser indifférente l’école. Une adaptation est
devenue nécessaire, sinon le divorce entre l’école et la vie risque de s’accentuer.
Comme le dit si bien Freinet : « Il y a, d’une part, à l’école, les leçons, les bras croisés, le
par cœur, les exercices morts, et, hors de l'école, l’enivrement des images, des Illustrés
et du cinéma.»
L’emploi des techniques audio-visuelles peut contribuer à éviter la rupture école-vie
et, en même temps, contribuer à la formation de l’esprit de ¡’écolier.
Essayons de préciser la valeur pédagogique de ces techniques et recherchons dans
quelle mesure II faut les employer.
Des théoriciens crient à la catastrophe quand on prétend remplacer le maitre par des
appareils. Ils estiment irremplaçable le contact humain direct. Si radio et télévision ne
peuvent se substituer au Maitre, elles sont appelées, néanmoins, à rendre d’indéniables
services. Il serait souhaitable qu’on leur accorde une place dans les horaires scolaires,
mais, pas une, excessive. La saturation intervient d’autant plus vite que l’enfant est plus
jeune. Un long défilé de sons et d’images le laissent indifférent et, souvent il se révèle
incapable de bien raconter ce qu’il a vu.
Il ne faut pas, non plus, croire que l'emploi, d’un moyen audio-visuel améliore, à coup
sûr, la qualité pédagogique d’une leçon faite. Une bonne gravure de dimensions
suffisantes, bien adaptée au but à atteindre pourra rendre de plus grands services
qu’une collection de diapositives d’où aucune Idée directrice ne ressort. Un croquis
suggestif tracé au tableau par le Maître sera supérieur à une photographie compliquée
et confuse. Parfois, la bonne diction du Maître en récitation ou l'interprétation nuancée
qu'il donne d'un chant peuvent être supérieures à un disque ou à une émission de radio
mal adaptée à la classe qu'il dirige.
Enfin, employer, une technique, quelle qu'elle soit, implique une préparation, une
formation. Celle-ci s’acquiert à la suite d’un stage effectué par des Instituts spécialisés
(F.O..L, C.E.M.E.A., I.C.E.M.j. On peut aussi s'initier soi-même au moyen d'ouvrages
spéciaux, li est aussi possible de recevoir l’aide d'un collègue qualifié.
Une projection cinématographique ne suppose pas seulement la connaissance de la
manière de placer un film, savoir régler l’objectif ou doser l'intensité sonore, pouvoir
mettre rapidement en place le matériel. Il faut savoir, surtout, comment expliquer,
exposer le document, rendre profitable le film aux élèves, sinon lé profit qu’ils en tirent
est mince ou illusoire.

DISTINCTION ENTRE LES MOYENS VISUELS ET AUDITIFS :

A) MOYENS VISUELS :
Parmi eux, citons la photographie, l'épiscope et le diascope.
a) La photographie est la plus ancienne et la plus simple. C'est apprendre à observer
à l’enfant que de l’entraîner à fixer sur la pellicule, telle scène de la rue, tel paysage,
telle attitude d'un animal, Les documents ainsi obtenus prennent un autre intérêt que
ceux achetés dans le commerce. Certaines écoles bien équipées possèdent même un
laboratoire pour développer et même agrandir les vues prises. C'est une très grande
satisfaction pour l'enfant de se sentir le réalisateur d'une œuvre, au sens propre du mot.
b) L’épiscope encore appelé projecteur de documents opaques est un appareil peu
répandu en raison de son prix élevé qui offre beaucoup d’intérêt. 11 permet de projeter
et d’agrandir au besoin des documents opaques des petits objets ou des détails
d’objets plus grands, (gravures d'un livre, pièces de monnaie, coquilles minces, ailes
d'un Insecte, médailles dont l’examen individuel ferait perdre du temps). Par le
grossissement, il permet des observations que l’enfant ferait difficilement par un
examen direct.
c) Le diascope ou projecteur de diapositives se rencontre dans beaucoup d’écoles.
Les derniers modèles sont équipés de dispositifs pour le passage de films fixes.
Son utilisation implique une préparation sérieuse qui évite que la séance ne
dégénère en bavardage. Il importe toujours de consacrer quelques secondes à
l’observation silencieuse de chaque image. C'est le moment privilégié où l’enfant doit se
poser des questions. Le géographe Max Sorre écrit : « Le document ne doit être nî un
hors d'œuvre, ni un dessert, mais, le plat de résistance de la leçon.» II vaut mieux
sélectionner 6 à 8 images typiques que l’on exploite à loisir, plutôt de projeter 20 ou 30
images non expliquées.
B) MOYENS AUDITIFS :
111
a) L’électrophone que l’on trouve dans beaucoup d'écoles. Les disques peuvent être
employés pour l’éducation rythmique, l’étude des chants, la diction, l’initiation aux
grandes œuvres littéraires, la documentation.
b) La radio, la plus utilisée actuellement. L'O.R.T.F. en accord avec J'I.P.N. apporte
des émissions directement assimilables aux enfants, (radio scolaire).
c) Le magnétophone est le dernier né de la série des appareils auditifs. Il peut servir
à enregistrer à une heure où les élèves ne sont pas en classe, des émissions de radio
(concert, pièce radiophonique, reportage). Le document est mis en réserve et peut être
employé 'à tout moment.
Enregistrer un commentaire que l’on prépare tout à loisir ou d'une bande dans un
ordre correct. Faire de l’autocorrection du langage des fautes de prononciation et
devenir un moyen de création artistique.
C) MOYENS AUDIO-VISUELS :
a) Le cinéma, appareil de projection plus compliqué que le simple projecteur et plus
couteux mais très riche de possibilités. Le modèle 16 m/m est sans contredit celui qui
fournit les meilleurs films pédagogiques, surtout en raison de la grandeur de l'image et
son excellente qualité.
Le grand avantage du cinéma est le mouvement et aussi sa valeur esthétique
remarquable. On peut ralentir, accélérer. Apporter au préalable, aux enfants les notions
indispensables à une compréhension satisfaisante. Les enfants de 7 et 11 ans ne
doivent pas voir les mêmes films. L’effet de la séance doit se prolonger par le dessin,
l’observation, la recherche des documents, la discussion. Le Maître pour dominer son
sujet doit l’examiner au préalable en dehors des élèves.
b) La télévision : Elle allie l’attrait du cinéma à l’aisance de l'emploi de la radio. Elle a
d'immenses possibilités mais son. prix demeure élevé. C'est pour l’élève une fenêtre
ouverte sur le monde, moderne si on s’en sert rationnellement.
Comme le dit si bien H. Louis Cros, les techniques audiovisuelles « ne trouvent leur
véritable signification .que dans la mesure où elles pourront provoquer et renouveler
l’effort personnel sans lequel il n'est pas d’éducation ». (Lire : les techniques audio-
visuelles au service de l'enseignement.)
SUJET N°24
Travail, métier vocation.

I. TRAVAIL :
Chacun connaît la malédiction biblique: «Tu gagneras ton pain à la sueur de ton
front et tu enfanteras dans la douleur. » Pour avoir désobéi aux ordres du créateur, le
premier homme, sa compagne et toute leur descendance doivent subir une punition, soit
par le travail, soit par les affres de l’enfantement.
En somme, personne n'échappe à la loi du travail puisque les besoins
physiologiques et économiques la renouvellent.
D’ailleurs, si l'on se réfère à ses origines étymologiques, on retient que le mot travail
évoque l'idée de punition par la souffrance. Le mot bas latin tripalus désignait une
machine composée de trois pals entre lesquels on plaçait le cheval à dresser et,
aujourd’hui, le maréchal ferrant utilise encore un travail pour ferrer les animaux rétifs.
Jadis, à ce même travail on liait aussi les esclaves punis si bien que le verbe latin
tripaliarer signifie torturer.
Nous n’avons retenu du mot travail que l'idée de notre activité quotidienne. Les
Grecs utilisaient deux mots : ergon et ponos, les latins : opus et labor... Le dernier
(labor) désignait le travail pénible que l'on imposait aux esclaves, alors que le premier
désignait le travail des hommes libres.
Aujourd'hui un seul terme suffit pour désigner le dur travail du manœuvre qui
échange son énergie contre un salaire et le travail créateur de l'ingénieur, du savant, de
l'artiste.' Le mot travail n’a pas le même sens pour le physicien, l’économiste et pour le
sociologue. On parle de travail physique, de travail économique et même de travail
manuel et intellectuel. Disons en passant qu’aucun travail ne saurait être purement
manuel ou purement Intellectuel. Le travail est le fait de l’homme seul, de l’homme
normal, puisqu’il est refusé par le criminel et inaccessible à l’aliéné. Pour Janet bien des
faits psychologiques dépendent de cette notion fondamentale du travail : (l’attention
volontaire bien différente de l’attention spontanée, la patience pour supporter l’attente,
l’ennui, la fatigue, l’initiative, la persévérance, l’unité de la vie, la cohérence des actes et
des caractères, toutes choses qui ne sont pas seulement des vertus, mais des fonctions
psychologiques supérieures).
Le travail de l’instituteur est un peu spécial. Il reflète non seulement l’application qu’il
apporte dans l’exécution de sa tâche, mais surtout le résultat de son effort. Il vise à
former des corps robustes sains et vigoureux, à garnir des esprits et des intelligences, à
tremper des caractères, à construire des consciences soucieuses113de leur propre
destinée. Le travail de l’instituteur est double : il instruit et éduque. Il tient, à la fois, du
manuel et de l’intellectuel, mais dépend plus du second que du premier. Sa délicatesse
réside surtout dans le fait que toute éducation demeure un risque dont l'instituteur doit
endosser la responsabilité.
II se résume à se cultiver, à compléter sans cesse sa culture personnelle et parfaire
sa culture professionnelle.
Tâche jamais achevée, labeur quotidien et continuel peut-on dire.
Les passages que l’on pourrait citer là-dessus sont nombreux.

II. MÉTIER :
Le métier de l'instituteur est d’enseigner et d'éduquer. Le titre de l'ouvrage de M. A
Ferré « Enseigner, métier difficile » Indique bien la délicatesse de la tâche de
l'instituteur. Il faut enseigner et aussi éduquer. Mais n’enseigne ni éduque bien qui veut.
Pour bien enseigner, Il ne suffit pas de posséder le savoir à transmettre, d'être bien
informé sur les moyens de cette transmission, ni même de savoir faire preuve d'habileté
technique. Il Importe d’être intelligent et doué du pouvoir d’agir sur les esprits, vouloir
consacrer à sa tâche toutes les ressources de son âme, avoir confiance en la destinée
de son œuvre, posséder un style enseignant bien à soi. Enseigner sous une forme
élevée, c'est rechercher et découvrir sa personnalité et l’affirmer.
Eduquer, à son tour, suppose surtout, outre ce qui précède, aimer l’enfant, c'est-à-
dire porter en soi la vocation de l’éducation.

III. VOCATION :
C’est se sentir comme appelé, comme élu, comme désigné pour une tâche définie.
Cet appel vient de l'enfant lui-même. M. R. Hubert définit l'amour de l'enfant : « C'est ce
goût qui porte spontanément vers les êtres les plus faibles, les plus ouverts à toutes les
influences, les plus confiants dans la force et la bonté d'autrui ». Cet amour ressemble
un peu à celui que La Fontaine donne d'un ami. « Qu'un ami véritable est une douce
chose ». Il faut qu’il soit positif et concret, qu'il devienne un attachement réel, une
tendresse avouée, une Joie de se trouver au milieu des enfants, de participer à leur
gaieté et même à leurs jeux. C’est l’aptitude naturelle à les comprendre, à saisir leur
langage, traduire leurs Idées, à respecter ce qu’ils portent en eux de spontané et
d'ingénu. C'est croire que ce petit être est riche de possibilités latentes et avoir le désir
de faire épanouir ses virtualités et d'assurer le développement complet de son être
entier. Aimer les enfants, c'est aimer par avance la somme de bonheur qu’ils portent en
eux ». L'homme dont le cœur est de glace, à qui il manque la chaleur communicative ne
fera jamais un bon éducateur. Que le maître ou l’élève se donne en premier, qu'importe
puisqu’il faut que ce don soit réciproque. L'éducation est un courant à double sens. Si
l’élève a beaucoup à tirer du maitre, ce dernier a aussi beaucoup à tirer de l’élève.
Cependant, la vocation suppose mieux encore, le sens de la mission.
C'est la conscience pour l’éducateur de la responsabilité qu'il assume vis-à-vis de
l'enfant... Pour ce faire, une obligation s'impose à l’éducateur : celle de l’abstraction de
lui-même. En choisissant sa profession, il opère le don complet de lui-même. Sa peine,
ses soucis trouveront leur récompense dans les enfants qui lui sont confiés. Il s'attache
à son métier pour les satisfactions que les enfants lui donnent. Sa vie même se
passerait tout entière avec eux.
En réalité, la vocation de l’éducateur comprend trois éléments : amour de l’enfance,
amour de l’idéal que l'on conçoit pour elle, vouloir lui en communiquer la flamme.

IV. CONCLUSION :
La profession d’instituteur demande un travail assidu, un effort jamais relâché, une
sérieuse tendance vers le mieux, une conscience professionnelle à toute épreuve et la
claire vision du mieux être de l’enfant qui nous est confié.
C'est dire que pour l’éducateur, la vocation vivifie travail et métier.
Le progrès pour P. Valéry, « c’est plus de conscience ». « Mieux faire la classe, c'est
savoir plus clairement, à chaque moment qu'on la fait, pourquoi on la fait, et quelles
raisons on a de la faire ainsi et pas autrement » dit M. A. Ferre.

115
SUJET N°25
« Un matériel, un objet ne sont pas en eux-mêmes sources d'activité. Ils ne
peuvent le devenir que si l'éducateur sait les utiliser d'une certaine façon » dit
un pédagogue contemporain.
Que devons-nous entendre par là ? Comment l'instituteur doit utiliser le matériel
scolaire?

INTRODUCTION :
Plus que dans les écoles anciennes, le maître des classes d’aujourd’hui dispose d’un
matériel varié et divers.
On peut même dire qu’aucune école moderne n’est privée de matériel scientifique, de
calcul, de travail manuel, de dessin, de gravures de documents d’histoire, de cartes, de
maquettes, des photos pour la géographie. Le maître n’a que l’embarras du choix.
Cependant cette abondance de matériel ne devient profitable à la classe que si le maître
sait s’en servir de façon rationnelle. C'est pourquoi un pédagogue affirme que le matériel
ou l’objet dont dispose l’éducateur ne « deviennent sources d’activité que si ce dernier
sait les utiliser d’une certaine manière. »

I. QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR LA?

Disons au départ que même le meilleur matériel dégénère entre les mains du
mauvais maître. Le profit qu’on en tire est en fonction de l’art du maître à s’en servir. Le
matériel prend la valeur que parvient à lut donner le maître. Un éducateur surtout savant
arrive à transformer une leçon de choses faite avec des objets courants en une
démonstration technique compliquée et sans aucun effort pour l’enfant.
Un emploi rationnel du matériel rend renseignement concret et actif. Il devient un
enseignement par les choses, par l’action, par l’observation directe et fait disparaître les
mots et les discours. En bref, Il semble que tout le progrès de notre pédagogie soit
associé au progrès de l’instituteur à se servir du matériel.
Des conditions pourtant, sont à remplir par ce matériel. Il importe qu’il soit simple,
robuste, persuasif, qu’on l’utilise de manière réfléchie. On ne se bornera pas à faire une
simple illustration de la leçon autrement celle- ci sera scindée en deux. La leçon se
poursuit tout au long de l’expérience et chemin faisant, des conclusions se rapportant à
l’essentiel de la leçon sont tirées après observation.

II. Comment L'Educateur doit utiliser le matériel ?


Il existe une manière de se servir du matériel pour qu’il soit source d’activité. Il faut
avant tout, que son emploi soit intégré à la leçon et que celle-ci soit pensée autour de
l’utilisation d'un matériel précis et déterminé. Le déroulement de la leçon varie avec la
matière étudiée. Ou bien elle a comme point de départ l’observation d’une expérience,
ou bien, celle-ci intervient dans le courant ou à la fin de la leçon. On peut se proposer
aussi d’éclairer un point particulier de la leçon (propriétés, fabrication d’un gaz, usages
d'un objet déterminé). La méthode la meilleure consiste à penser à la leçon d’abord et
de la déduire en équilibre avec le matériel à utiliser.
Il va depuis la simple phrase Inductive de la leçon de grammaire, du rectangle ou au
carré collectif ou individuel dont on se sert en géométrie, au tube à essais, à la balance,
aux échantillons de roches, d’engrais, tout en comprenant les documents d’histoire ou
les cartes de géographie, qui y entrent aussi, les aides audio-visuelles, la projection fixe,
le film, les disques, la radio, la télévision...

III. PRENONS DES EXEMPLES :


A) UN FILM D’ENSEIGNEMENT:
Il peut être documentaire ou d’enseignement proprement dit. Les uns sont muets, les
autres sonores.
Les premiers doivent permettre un commentaire du maître, exactement adapté. Ils
réclament un gros effort de préparation. Quand le film est sonore, la diction doit être
claire et lente, le bruitage réduit et d’assez longues séquences doivent faciliter sa
compréhension. De plus, dans l’emploi du film, il importe de distinguer la préparation et
l’exploitation.
a) La préparation nécessite le visionnage et l’étude préalable du film par le maître.
Elle est Indispensable et, c’est faute grave de ne pas la faire.
On indique le questionnaire aux élèves avant la projection. Ils sont invités à chercher
les réponses aux questions posées.
Au préalable, quelques explications du maître marquent les passages difficiles et
permettent la compréhension des parties subtiles.
b) Pour exploiter, faire raconter le film après la projection. Expliquer pendant la
projection ce qui peut être Incompris. Intégrer enfin le film à la vie de la classe et
orienter les travaux personnels des élèves en fonction de ce qu’ils ont vu dans le film.
B) LE CALCUL AU C.P. :
Employer une méthode essentiellement sensorielle et expérimentale. Se servir des
bûchettes ou bâtonnets parce qu’ils sont facilement maniables et qu’ils se prêtent
aisément aux exercices pratiques d’initiation à la numération, au sens des opérations.
Employer aussi des schémas constellants, des jetons ou boutons et un matériel
collectif comme les dominos géants, la toile Istrex, le boulier compteur, le tableau noir,
des représentations graphiques, des symboles coloriés. 117

C) EXPÉRIENCE SCIENTIFIQUE :
Matériel collectif et si possible Individuel indispensables... Chaque élève dispose d’un
carnet personnel d’observations. Le rôle du maître se résume à guider l’élève. « Il est
capital dans sa discrétion. » Le dessin joue un rôle fort important en science. Il complète
des explications et permet de comprendre ce qui échappe à l’œil nu. Un beau croquis
vaut mieux qu’un beau discours.
Avec de telles précautions le matériel scolaire devient véritable source d’activité.

118
119
SUJET N° 26
« L'idéal d'un maître, comme celui d'un Gouverneur doit-être de se rendre
inutile. »
Expliquez cette pensée. Dans quelle mesure, peut-on l'appliquer à l'École primaire?

Une manière de concevoir le devoir:


I. INTRODUCTION :
Il semble normal de penser pour que l’éducation d'un élève soit bien conduite il
importerait que la présence du maître aux côtés de ce dernier se fasse sentir de façon
efficace et continue, qu’il l'aide et le guide presque en permanence.
Aussi, de prime abord, demeure-t-on un peu surpris d'entendre dire : « L’idéal d’un
maitre comme celui d’un Gouverneur, doit-être de se rendre inutile. »

II. EXPLICATION DE LA PENSÉE :


La première explication qui vient à l'esprit est la suivante : si le maître est inutile,
autant vaut qu'il se croise les bras, se promène dans la classe ou s'asseye muet, à son
bureau. On s'aperçoit vite qu’une telle interprétation doit-être écartée. On ne peut parler
d’éducation que s'il y a action directe du maître sur l’élève et influence réciproque de
l'élève sur le maître. Pas d'éducation sans ce courant à double sens.
De plus, si on admettait la pensée dans ce sens, autant vaudrait que l'élève restât
chez lui. Il y recevrait, du moins, s’y donnerait une éducation équivalente, sinon
supérieure. L’inutilité du maître se manifestant par son absence, l’Ecole perdrait, dès
lors, tout son sens.
Il existe une façon plus rationnelle de concevoir la pensée à examiner. Travailler à
se rendre inutile, si l’on se rapporte à l’ancienne législation scolaire, c'est considérer
que, dans peu d’années, l’élève quittera l’école. Il importe que son maître le mette à
même de pouvoir continuer à s’instruire et à se bien conduire alors qu'il sera privé de la
tutelle de son instituteur et abandonné à lui-même.
Cette théorie est celle prônée par Rousseau pour Emile, qu’il veut capable de
s’instruire seul.
Mais, Il existe une façon de procéder pour parvenir à un tel résultat.
Au début, guider l'élève: Diminuer progressivement l’aide qu'on lui accorde. A la fin, le
laisser agir seul. Cette règle apparaît comme naturelle. N’est-elle pas celle qu’observe
l’oiseau qui apprend
120 à voler à ses petits, la chatte qui enseigne la chasse à ses
chatons, la mère qui montre à marcher à ses enfants ? Cet apprentissage est
désormais consacré par une expression : Apprendre à voler de ses propres ailes.
Le but suprême à poursuivre par l’éducateur, c'est d’amener son élève, lui aussi, à
voler de ses propres ailes. C’est lui conférer progressivement, son autonomie
intellectuelle et morale. Ce doit-être aussi l'idéal à atteindre par le Gouverneur chargé
de l'éducation d’un jeune prince ou d'un enfant riche.
Cette formule apparaît d'importance. Mme Montessori en fait le principe directeur de
l’Ecole active. « Aide-moi à agir seul ». La fin de l’éducation c’est faire de l’enfant un
homme au sens fort du mot, c’est-à-dire, une volonté libre, capable de juger, de se
gouverner, bref, une personne autonome. C’est, sans doute, pourquoi les I.O.
prescrivent dès le C.M. « d'apprendre à l’enfant à user de sa liberté » puis, de le
conduire progressivement à un véritable « self-government ».
La législation actuelle qui prévoit l'école obligatoire jusqu’à 16 puis, 18 ans et tend
de plus en plus, vers l'éducation permanente, renforce le principe de l'inutilité du maître
en ce sens qu’elle lui accorde plus de temps pour mettre en pratique et réaliser cet
idéal.

III. DANS QUELLE MESURE PEUT-ON L'APPLIQUER A L'ECOLE PRIMAIRE ?


Cette pensée trouve son application sur le plan de l’Ecole primaire. Il y aurait lieu
d'envisager le point de vue instruction proprement dite et celui de l’éducation.
A) DU POINT DE VUE INSTRUCTION :
Très souvent, le maître se préoccupe d'instruire son élève. Il accumule dans son
esprit des connaissances sans se soucier de développer ses facultés intellectuelles
(imagination, intelligence, raisonnement).
« il lui met dans la tête un magasin au lieu d’un outil », dirait J. Simon. L’élève
devient instruit. Il répond correctement aux questions posées. Reste à savoir si, pour
autant il laissera l’école avec une intelligence éveillée et ouverte, une imagination bien
réglée, d’excellentes habitudes d'esprit, le désir et le moyen d’accroître, plus tard, ses
connaissances I
Il est certain que si l'élève a été entraîné à observer, réfléchir, comparer, juger,
raisonner, ces habitudes lui resteront. On a provoqué chez lui le désir de se
perfectionner, il en conservera l’habitude. Il ouvrira son livre puisqu'on lui a fait acquérir
le goût de la lecture. Il agira si on a pris l'habitude de le mettre sur la voie de la
découverte. Pour provoquer le goût de l’effort chez notre élève, apprenons-lui à
marcher « au lieu de le porter constamment sur nos épaules », dit Vessiot.

B) DU POINT DE VUE ÉDUCATION :


La volonté des élèves de l’Ecole primaire est encore faible. Il Importe de l’affermir en
l’habituant à prendre des décisions, en lui Inspirant l'amour du travail, en l’amenant à
vouloir, en faisant appel à sa raison... L'éducation est très souvent œuvre de
121
persuasion. Dès que la raison fait entendre sa voix, l'élève devient apte à décider par
lui-même et par cela même, à se gouverner.
Par ses efforts quotidiens et répétés, le maître en arrive ainsi à éviter à l’élève
adolescent les défaillances et les chutes qu'entraîne fatalement la trop brusque
transition de l’école à la vie commune. Progressivement, il rend sa tutelle moins
nécessaire et fait passer insensiblement son élève de la discipline de l'école à la
discipline de sa propre raison, du gouvernement d’autrui au gouvernement exclusif de
soi-même. Ce faisant, le maître l'aura, affranchi, non pas d'un coup de baguette
magique, mais en « détachant à chaque progrès un des anneaux de la chaîne qui
attachait sa raison à la raison d'autrui ». (O. Gréard). Il aura travaillé à se rendre inutile.

122
SUJET N° 27
« Enseigner, c'est choisir. »
Expliquez et appréciez cette formule. Peut-on l'appliquer à l'Ecole primaire ?
(C.A.P. Martinique, Session, Mars 1967)

I. INTRODUCTION POSSIBLE:
Les programmes primaires sont vastes et la scolarité courte. Aussi, le maître qui
entend dispenser un enseignement efficace, doit-il procéder à une rigoureuse sélection
des connaissances à communiquer à ses élèves. Cette dernière apparaît si nécessaire
qu’il semble qu’enseigner se résume à savoir bien choisir.

II. EXPLICATION :
Malgré les simplifications successives qui leur ont été apportées, les programmes de
l’Ecole primaire demeurent encore chargés et touffus. Ils comprennent des copieuses
notions d’enseignement moral et civique, de lecture et d’écriture, de langue française, de
calcul, d’histoire et de géographie, de science physique et naturelles, des éléments de
dessin, de chant, de travail manuel, d’éducation physique et d’activités dirigées...
Un maître ne saurait prétendre enseigner intégralement à ses élèves tout cet
ensemble. Il n’en aurait point le temps. Le législateur l’a bien compris puisqu’il lui
accorde la latitude de choisir dans ces programmes, les notions à enseigner dans
chaque cours. Tout au long des I.O. et sous des formes variées s’exprime la même
consigne.
a) « L’idéal de l’Ecole primaire n’est pas d’enseigner beaucoup mais de bien
enseigner. L’enfant qui en sort sait peu mais, sait bien ».
b) « Mieux vaudrait moins apprendre mais, bien retenir. Mieux vaudrait moins de
souvenirs, mais des souvenirs complets et ordonnés ».
c) « Pour bien enseigner aux enfants ce qu’il n’est pas permis d’ignorer, Il faut savoir
choisir et doser suivant leur âge les connaissances qu’ils auront à assimiler ».
d) L’éducation intellectuelle ne donne qu’un nombre limité de connaissances. Celles-
ci sont choisies de telle sorte qu’elles assurent à l’enfant tout le savoir pratique dont il
aura besoin dans la vie ».
Le verbe choisir qui revient à tout instant et comme un leitmotiv, Invite le maître à
procéder à une sélection méthodique des notions vraiment utiles à ses élèves et signifie
bien qu’enseigner c’est choisir.
Quelle serait la portée de l’enseignement dispensé par un maître123qui ne sait pas
choisir? Il respecterait scrupuleusement les programmes. Son effort ne saurait jamais
couronner de succès, parce qu'il n’arriverait pas à enseigner toutes les notions, ni à les
faire absorber par ses élèves.
C’est le contraire pour le maître qui sait choisir et bien adapter les programmes à la
classe qu'il dirige. Il les examine point par point. H en retranche ce qu’ils ont de trop
touffu et n’en retient que « les connaissances utiles à la généralité des hommes dans
quelque condition qu'ils se trouvent ». Il use à bon escient de la liberté qui lui est laissée
« d'aborder ou d’écarter telle ou telle question, d’exposer ou d’ajourner tel ou tel détail ».
Son enseignement gagne en clarté, en précision et en efficacité. Il enseigne peu mais
bien.

III. APPRÉCIATION :

La formule : « Enseigner c'est choisir » demeure une indication précieuse que le


maître primaire ne saurait trop méditer, moins encore, perdre de vue. L'efficacité de son
enseignement en dépend.
Les programmes officiels sont établis pour toutes les écoles de France et d’Outre-
mer. On ne peut les appliquer partout de manière uniforme. Ceux des Ecoles rurales ne
sauraient convenir aux Ecoles urbaines, ceux de la France continentale aux D.O.M. De
même, ils ne peuvent être enseignés sans avoir été sérieusement réduits dans une
école à fréquentation défectueuse. Rien de plus vrai que le propos : « Les programmes
sont faits pour les élèves et non les élèves pour les programmes ». Il en résulte que
sans un choix préalable des notions à enseigner, pas d'enseignement profitable.
De plus, enseigner équivaut à choisir à la condition que le choix des éléments à
enseigner s'opère selon des critères déterminés.
Niveau intellectuel des élèves et degré de fréquentation scolaire suivi. On ne peut
enseigner les mêmes connaissances en sciences ou en géographie aux enfants du C.E.
et à ceux du C.M. Une classe saisonnière ne saurait recevoir autant de notions qu’une
autre à fréquentation normale.
La nature de l’Ecole, les besoins du milieu commandent surtout le choix. (Distinguer
les Ecoles urbaines des Ecoles rurales, les Ecoles de Garçons, des Ecoles de Filles, les
Ecoles d’Electronique des Ecoles d’aviation, la charrue de la machine agricole,
enseigner la pêche dans les Ecoles côtières, la culture de la banane ou de l’igname
dans les Ecoles de campagne, les notions d’économie domestique dans les Ecoles de
Filles et les notions d’Electricité ou d’Electronique aux Garçons).
Enfin, choisir suivant la loi.de la progression. Redite de l’indispensable mais, tenir
compte du caractère distinct de chaque cours.
Les cours Préparatoires et les Cours Elémentaires sont d’initiation. Le Cours Moyen
est d’acquisition. La Fin d’Etudes- est de perfectionnement et d’affermissement.

124
En définitive, cette formule apparaît d'une importance telle pour le maître d'Ecole
primaire que l'on peut dire, en parodiant le vers de Boileau.
« Qui ne sut se borner ne sut jamais écrire ».
« Qui ne sut choisir ne sut jamais enseigner».

IV. APPLICATION A L'ÉCOLE PRIMAIRE :


Elle est d'une application courante et journalière à l'Ecole primaire. Disons même
qu’elle est impérative et il faut que le maître s'y réfère en permanence s'il entend
communiquer un enseignement de valeur.
Sans le choix des notions à enseigner l'Ecole primaire dévie de son but modeste de
bien enseigner l’essentiel. A l'inverse du « ce qu’il n'est pas permis d’ignorer » d'O.
Gréard, elle prétendrait enseigner « tout' ce qu'il est possible de savoir ».
Du coup, elle faillirait à sa mission fondamentale qui est d'enseigner peu et bien.
SUJET N°28

« Enseigner, c'est apprendre deux fois. »


Expliquez ce mot et dites les applications pédagogiques qui s'en dégagent. (C.A.P.
Martinique, Session de Février 1962)

1. INTERPRÉTATIONS POSSIBLES :
Le mot à expliquer peut être interprété de diverses façons :

A) PREMIER SENS :
Il se ramène sous la forme d'une déduction mathématique. Pour enseigner, il faut
savoir. Pour savoir, il faut apprendre. On apprend une fois, pour soi-même pour
connaître. On apprend une deuxième fois, on revoit, on médite, on repense pour
communiquer à autrui des connaissances authentiques. A noter que c'est cette seconde
forme d’apprendre qui constitue l’essentiel de la fonction enseignante. Là, réside tout le
métier d'instruire les autres.
Pour l’instituteur, repenser ce qu’il sait, c’est rafraîchir ses connaissances, en
dresser un inventaire sérieux. C’est aussi méditer sur la matière à enseigner pour la
savoir mieux, réfléchir sur sa portée, son but. C’est ensuite sélectionner, doser les
connaissances à enseigner. Reste à savoir si ce que l'on veut enseigner est assimilable
par ceux à qui on le transmet. Cette première interprétation amène à définir enseigner :
apprendre une fois pour soi et apprendre une autre fois pour ses élèves.
Pour enseigner, il importe non seulement de revoir ce que l’on sait déjà pour réparer
l’oubli, mais aussi acquérir de nouvelles connaissances dans la discipline à transmettre.
Et puis, n'est-ce pas par cette deuxième étude que nous conservons intact notre savoir,
que nous cultivons les qualités intellectuelles Indispensables à tout éducateur :
souplesse de l'esprit, sens critique, enthousiasme pour le bien et le beau. Si la culture
générale est Indispensable à l'instituteur, il faut qu’il renonce à une « impossible
érudition », qu'il se garde d'être « une encyclopédie vivante et monstrueuse », mais il lui
faut sans cesse fortifier sa pensée personnelle et sa culture professionnelle. Bien des
pensées viennent confirmer cette première manière de voir.
a) Toute la pédagogie du monde ne saurait faire qu’un esprit inculte parvienne à
enseigner (Payot).
b) Pour bien enseigner, la grande règle de toutes les règles, c’est de très bien savoir
soi-même ce 126 qu’on doit enseigner aux autres (F. Vial). L’enseignement le plus
élémentaire, le plus simple exige de la part du maître des connaissances très sûres et
très étendues (F. Vial).
c) La source doit-être plus haute que la fontaine.
d) C’est grâce à une instruction supérieure que l'on s’élève à la simplicité (Vinet).
e) Il faut savoir beaucoup pour enseigner peu et bien.
B)DEUXIÈME SENS:
Pour enseigner, il ne suffit pas de savoir, c’est-à-dire d’avoir appris une première fois.
II faut aussi apprendre à enseigner (deuxième fois).
Quiconque veut enseigner doit avoir appris pour savoir, (première fois). Mais, il doit
aussi savoir enseigner. Il lui faut donc apprendre à enseigner. On peut travailler ou
apprendre dans le seul but de s'instruire, de préparer un examen. On peut devenir
savant, avoir une culture d’autodidacte, savoir répondre à toute question posée. Mais,
cette position est insuffisante pour enseigner. On apprend à enseigner comme on
apprend à lire, à écrire ou à compter. Enseigner de façon normale suppose :
a) Connaître parfaitement les programmes et méthodes qui conviennent à chaque
cours.
b) Avoir une vue bien nette dé la leçon à exposer, savoir en distinguer le but, les
différentes parties, en saisir clairement l'ordonnance d'ensemble, savoir se mettre à la
portée des auditeurs, s’exprimer en une langue simple, claire et vibrante quand il faut
convaincre comme dans l'enseignement moral.
En outre, celui qui veut bien enseigner doit savoir mais. Il lui faut aussi réfléchir sur
les moyens qui lui permettront de donner à son enseignement toute l’efficacité désirable
et s’imprégner des principes essentiels de la pédagogie. Tout cela s’apprend en
formation professionnelle. Cette seconde conception fait qu’enseigner se résume à
apprendre ce que l’on doit enseigner et, en outre, apprendre à enseigner.

C) TROISIÈME SENS :
Enseigner c’est apprendre pour soi (première fois) mais aussi, apprendre à connaître
ceux que l'on instruit. Aujourd'hui, on ne dit plus pédagogie mais, psycho-pédagogie.
C’est dire que toute pédagogie bien conçue s'appuie sur une connaissance rationnelle
de ceux que l'on instruit. Cette connaissance s’acquiert en apprenant une deuxième fois.
« Commencez par mieux étudier vos élèves car, en vérité très assurément vous ne les
connaissez point », écrit Rousseau dans son Emile.
On dit aussi, que pour bien diriger un esprit, il faut le connaître.
Un maître expérimenté dont l'action quotidienne n'est point éclairée et vivifiée par la
théorie, ne sera toute sa vie qu’un simple praticien.
Une formule heureuse oppose l’ancienne pédagogie à la nouvelle.. Dans l’ancienne
c’est l'élève qui tourne autour du maître et dans la nouvelle, c’est le maître qui gravite
autour de l'élève. Claparède écrit : «la pédagogie doit reposer sur la connaissance de
l’enfant comme l'horticulture repose sur celle des plantes ». 127

Cette nouvelle conception de la pensée se résume : Enseigner, c’est apprendre pour


soi mais aussi apprendre à connaître psychologiquement ses élèves.
II. CONSÉQUENCES PÉDAGOGIQUES QUI S'EN DÉGAGENT POUR
L'INSTITUTEUR :
De la première conception de la pensée découle le principe pédagogique suivant :
A) L’instituteur doit parfaire sa culture personnelle. Pour cela :
a) Lire à part les ouvrages concernant les diverses matières d'enseignement des
livres propres à élever l'âme. La lecture devient, dès lors une conversation avec les plus
honnêtes gens des siècles passés » (Pascal).
b) Voyager pour élargir ses idées, « frotter sa cervelle contre celle d'autrui »
(Montaigne).
B) L'Instituteur doit poursuivre sa culture professionnelle :
a) Lecture des grands philosophes, pédagogues ou éducateurs : Montaigne,
Rousseau, Alain, G. Berger, G. Bachelard.
b) Se tenir au courant des progrès de la pédagogie, annales pédagogiques, journaux
professionnels.
c) Préparer régulièrement et consciencieusement sa classe.
d) Essayer de mieux accomplir chaque jour sa tâche en s'imposant un perpétue
effort de renouvellement.
e) Se renseigner, étudier en particulier, la psychologie de l’enfant et- la philosophie.
Pratiquer toutes formes d’exploration de la connaissance de l'âme enfantine. En faire le
point de départ de toute sa profession. Adapter sans cesse son enseignement aux lois
de la psychologie enfantine. Greffer sa conception éducative sur une psychologie de
l'enfant mûrement méditée.
d) Amener l’enfant à être le conquérant de son savoir, l'artisan de sa propre
éducation. Tout mettre en œuvre pour le rendre instruisable dans le sens de Montaigne
et Rousseau.

III. CONCLUSION :
Le mot suivant d’un écrivain ancien peut servir de conclusion au devoir :
« Si je me réjouis d’apprendre à nouveau, c'est pour mieux enseigner ».

128
«

129
SUJET N°29
« Un peu de savoir, beaucoup de bon sens et infiniment de dévouement, voilà
ce qu'il faut pour faire un bon maître. »
Développez et appréciez ces paroles d'un éducateur contemporain.

I. AUTOUR DU SUJET :
a) Le sujet contient une graduation marquée par les termes : un peu, beaucoup,
infiniment. Chacun d’eux indique une quantité, la dose de chacune des qualités faisant
le bon maître.
b) Examen des expressions capitales du sujet :
Un peu de savoir : Ce dernier mot suppose la connaissance, le savoir du maître.
L’expression un peu, laisserait entendre qu’il n’est pas nécessaire que le maitre soit très
instruit. Question à se poser.
Beaucoup de bon sens : sens inné qui fait distinguer l’essentiel de l’accessoire. Il
en faudrait plus que de savoir. Question à se poser aussi.
Infiniment de dévouement : Une très grande quantité, sans doute, pour s’adonner
tout entier à sa tâche. Ne pas se laisser décourager par l’indifférence ou l’ingratitude des
élèves et de leurs parents. Le maitre trouvera en lui-même la satisfaction du devoir
accompli.

II. INTRODUCTION :
Aujourd’hui on ne doute plus que pour être un bon maître, il faut, à la fois, des
qualités innées et des qualités acquises. La pensée à expliquer accorde plus
d’importance à trois d’entre elles : le savoir, le bon sens et le dévouement. Mais, elle ne
les aligne pas sur le même plan et leur assigne un rang croissant : peu de savoir,
beaucoup de bon sens, infiniment de dévouement. En somme, le sujet proposé gravite
autour de la question r
Que faut-il pour être un bon maître ? L’auteur en fournît la réponse.

III. EXPLICATION :
a) ROLE DU SAVOIR
N’est pas bon maitre qui veut, dit-on, souvent. L’excellent maître possède de très
nombreuses qualités que le texte proposé aligne en valeur croissante.
L’expression : peu de savoir, se justifiait pleinement autrefois où les élèves quittaient
l’école à 14 ans, « munis du savoir pratique dont ils avaient besoin dans la vie ». Un tel
savoir, aussi modeste,
130
se bornait aux éléments puisqu'il n’était question d’enseigner aux
élèves que le « ce qu'il n’est pas permis d’ignorer » : Le maître chargé de donner un
enseignement aussi élémentaire n'avait nullement besoin d’une science profonde. C’est
peut-être pourquoi le législateur avait jugé, qu’en ce moment, la seule possession du
B.E., pouvait suffire aux maîtres de l’école primaire.
En est-il de même aujourd'hui où l'école primaire doit donner des « clartés de tout »
et apprendre à l’enfant à s’adapter à un monde scientifique en pleine gestation, à vivre
une ère technicienne ?
Même pour enseigner peu, Il faut savoir beaucoup. Le maître qui entend dominer sa
tâche doit posséder un vaste savoir. Vinet dit : * C’est grâce à une instruction supérieure
que l'on s’élève à la simplicité ».
Le législateur lui-même s’est ravisé puisque, aujourd'hui, le titre normal pour
enseigner est le Baccalauréat auquel vient s’ajouter le C.F.E.N. ou le C.A.P.

b) ROLE DU BON SENS :


Qu’est-ce que le bon sens dont Descartes disait que c’est « la chose du monde la
mieux partagée » ? C’est la faculté de bien juger, de distinguer le vrai du faux, une sorte
d'intuition naturelle qui indique d’emblée ce qui est convenable ou ne l'est pas et qui
nous fait aussi prévoir les conséquences de nos actes. F. Thomas le définit : « la nette
vision de ce qui est, de ce qui doit être et de ce qui peut être ». La possession d’une
telle aptitude est indispensable au maitre sinon, il risque de commettre les erreurs
pédagogiques les plus graves : comme mal connaître ses élèves, ne pas pouvoir
distinguer l'essentiel de l’accessoire, ne pas savoir choisir ce qu'il faut enseigner, mal
orienter ses élèves, être de mauvais conseil pour les parents. L’éducateur, dit-on, doit-
être un « professeur de bon cens ».
D’ailleurs c'est le plus sûr moyen pour l’éducateur de pouvoir développer cette
qualité, d'utilité pratique, chez ses élèves.

c) ROLE DE DÉVOUEMENT:
Le dévouement suppose une ardeur que ne ralentissent ni les difficultés ni les
mécomptes éprouvés dans l’exercice de la profession. Il implique le don entier de soi-
même, la claire vision qu’on se donne à une tâche qu'on aime. Le maître enseigne avec
son esprit, mais aussi avec son cœur. C'est la raison pour laquelle il se penche: avec
autant de sollicitude sur le paresseux et le coléreux, pour les inciter à deviner, à mieux
rendre et à améliorer leur comportement et leur travail.
C'est parce que le dévouement du maître est immense qu'il se dépense sans
compter, qu'il n’hésite pas à recommencer une leçon déjà faite, s revenir, à insister de
nouveau sur les points demeurés obscurs et qu'il s’ingénie à porter la lumière dans
l'esprit de ses élèves. Il se soucie peu d'être récompensé ou pas. Parfois, un sentiment
d’affection ou de reconnaissance vient le récompenser... Mais, très souvent il ne trouve
autour de lui qu’indifférence ou ingratitude. Il n’est pas découragé pour autant. Il trouve
dans sa conscience la satisfaction du devoir accompli. Avec la sérénité du sage. Il
continue à faire le bien parce que c’est le bien. Il est confiant en l’avenir. Il travaille et
131
espère qu’un jour, il constatera lui-même les heureux effets de son inlassable
dévouement. L’essentiel pour lui est d’être porteur d’un Idéal qu’il réalise. C'est le
dévouement qui empêche au maître de se décourager.

IV. APPRÉCIATION :
Sous une forme lapidaire, le mot proposé énonce les qualités essentielles au bon
maître. Bien d'autres pourraient être encore énumérées : égalité d'humeur, amour de
l’enfance, sens de la justice, sérénité mais, il semble que le bon sens et le dévouement
les intègrent déjà.
Cependant, la dose de savoir exigée du maître paraît insuffisante. Pour intéresser,
nourrir et former des esprits, il faut davantage qu’un peu de savoir, mais, plutôt du
savoir, un savoir large, étendu, parce que « l’enseignement le plus élémentaire, le plus
simple exige du maître des connaissances très sûres et très étendues. » « Toute la
pédagogie du monde ne saurait faire qu’un esprit inculte parvienne à bien enseigner»
écrit F. Vial.
Les jeunes maîtres, un peu présomptueux et enclins à croire que savoir suffit pour
bien enseigner, gagneraient à méditer sérieusement cette pensée.
On peut dire que pour faire un bon maître, Il faut une forte culture, beaucoup de bon
sens et infiniment de dévouement.

132
SUJET N°30
« Il faut enseigner le moins possible et faire trouver le plus possible. »
Que pensez-vous de ce précepte ? Dans quelle mesure peut-on l'appliquer dans
l'enseignement primaire élémentaire?

UNE MANIERE D'AMORCER LE SUJET :


Pour Instruire l’élève de l’Ecole primaire qui lui est confié, l’instituteur peut employer
diverses méthodes d'enseignement. Selon H. Spencer, la meilleure est celle qui
consiste à « enseigner le moins possible et à faire trouver le plus possible ».

I. L'EXPLICATION DU PRÉCEPTE:
Au départ on s'aperçoit que la pensée proposée oppose nettement, deux méthodes
d'enseignement bien connues : l'expositive et l'interrogative.
La première est suggérée par le terme : enseigner qui signifie parler, exposer sans
interruption.
La seconde est évoquée par l'expression : faire trouver qui laisse penser à une
constante activité de l’esprit de l’élève, à l'habitude de trouvailles ou découvertes
personnelles et, surtout au profit qu'on en tirera plus tard...
De plus, les deux expressions : enseigner le moins possible et faire trouver le plus
possible concernent lé maître. C'est lui qui enseigne ou expose. Si l'élève découvre et
trouve, c’est le maître qui l'accompagne discrètement sur la voie de la découverte.
En outre, la première n'implique point que l'attitude idéale du maître se borne à être
purement passive. Bien au contraire. Enseigner le moins possible pour le maître
suppose parler peu, intervenir discrètement et parfois, abandonner « sa manie
enseignante et pédantesque » (Rousseau), bref, faire un constant appel à l'observation,
à l'imagination, au raisonnement et au jugement de ses élèves. Elle ne dit nullement qu'il
ne-faut jamais enseigner mais, recommande seulement de le faire le moins possible.
Enfin, en voulant faire trouver le plus possible le maître doit se garder de toute
exagération. Il fera toujours trouver par ses élèves mais, évitera de leur demander de
découvrir ce qui n'est pas à leur portée.
En réalité, aux yeux de Spencer, la meilleure méthode d'enseignement est
133
interrogative. Le maitre ne doit enseigner que dans les disciplines où elle s'avère
impuissante de faire découvrir par ses élèves.
II. CE QU'IL FAUT EN PENSER?
a) IMAGE D’UNE CLASSE OU LE MAITRE ENSEIGNE BEAUCOUP;
Seul le maître expose et explique. Le besoin d’activité des élèves n'est pas satisfait
puisque ceux-ci restent passifs.
Au début de la leçon ils écoutent avec une attention soutenue. Bientôt, celle-ci
somnole. Les élèves n’écoutent plus, s’ennuient et la leçon perd toute valeur ou
importance.
Les facultés vives (imagination et jugement) n’ont pas à intervenir. Elles cèdent le
pas à la mémoire qui, seule, est rudement mise à l'épreuve. Chacun connaît les
inconvénients d'un enseignement fondé sur la pure mémoire. (Rappeler : le savoir par
cœur qui n’est pas savoir et la tête bien pleine de Montaigne). Spencer en résume lui-
même les mauvais côtés : « Dire les choses à un enfant, c’est faire de lui un simple ré-
ceptable des observations d’autrui ; c’est le frustrer du plaisir de la difficulté vaincue ;
c’est remplacer l’attrait des connaissances qu’on se donne à soi-même par le dégoût
d'un enseignement formel ».
De plus, les élèves ne profitent pas toujours de l'enseignement qu'ils reçoivent, qu’ils
le suivent de façon distraite, que celui-ci ne soit pas toujours bien adapté à leur niveau
intellectuel, ou qu’ils ne le comprennent pas du tout. Dans son ouvrage : L’Education,
Spencer s’élève contre « la manie de gaver l’enfant d’une science qu’il ne peut digérer et
la conviction chez certains maîtres qu'un jeune esprit n’est qu’un récipient inerte, et que
toute instruction est nécessairement communiquée par autrui ».
Enfin, de tels élèves, n’ayant jamais développé leur esprit d'observation ni leur
aptitude à raisonner, n’auront plus tard, ni les moyens ni le goût de s'instruire.
b) IMAGE DE LA CLASSE OU LE MAITRE FAIT TROUVER BEAUCOUP :
Dans une telle classe, selon l'expression d’Alain, les élèves travaillent beaucoup et le
maitre peu. Les premiers jouent un rôle essentiellement actif. Leur esprit est toujours en
éveil. Ils observent, raisonnent et jugent sans cesse. Comme le dit si bien F. Thomas,
leurs « jeunes intelligences stimulées comme par autant de défis, par les interrogations
du maître, vont courageusement avec lui, à l’assaut de la vérité ». Les élèves, eux-
mêmes se sentent joyeux, sinon heureux, d’avoir trouvé, triomphé...
De plus, ces connaissances ainsi découvertes se fixent plus facilement dans l’esprit
des élèves. « On retient mieux ce qu'on a découvert soi- même », dit-on. Spencer met
bien en évidence ce fait : « Tout fragment de savoir conquis par lui, (l’élève), tout
problème dont il a trouvé la solution, devient son bien, sa chose, cela, par droit de
conquête.» L'activité d’esprit, la concentration de la pensée sans laquelle aucun progrès
n'est possible, l’excitation délicieuse qui accompagne le triomphe, tout concourt à graver
les faits dans la mémoire, beaucoup plus profondément que ne le ferait la lecture du
meilleur livre ou la parole du meilleur maître ».
Enfin, l'élève habitué à trouver son plaisir dans l'étude, continuera à s'instruire une
fois sorti de l'école.
134

III. DANS QUELLE MESURE PEUT-ON APPLIQUER CE PRÉCEPTE A


L'ÉCOLE PRIMAIRE ?
II est devenu un des préceptes essentiels de la pédagogie contemporaine et tout
maître doit s’en inspirer. Il est d'ailleurs, d’une application facile à l’Ecole primaire.
Cependant, il importe que le maître sache doser sagement la part de la méthode
d'exposition et celle de la méthode interrogative variant suivant la nature des leçons et
l'âge des élèves.
Ce serait erreur de croire que le maître ne doit jamais enseigner. Spencer ne le dit
d'ailleurs pas. Tout enseignement comporte une part inévitable de dogmatisme parce
que l’élève ne saurait tout trouver. Il existe des connaissances de fait ou du domaine de
la convention que l’enfant ne peut tirer de son esprit comme la date du traité des
Pyrénées ou celle de la proclamation de la première république, la population de Paris
ou la hauteur du Mont Blanc ou l’énoncé du principe d'Archimède. Il faut absolument les
lui enseigner.
Si certains enseignements comme les exercices d'observation s’accommodent fort
bien à l'emploi de la méthode interrogative, d'autres comme l’histoire, réclament un
minimum d’exposition de la part du maître. Mais rien n'empêche de couper l'exposition
quand cela est possible, par d'habiles questions, invitant l'élève à réfléchir et à découvrir.
Le maître ne doit, non plus, s’abstenir de faire trouver chaque fois que l’occasion
s’offre à lui, de recourir à ce moyen d’instruction. Mais, à mesure que les élèves
deviennent capables d'une attention plus prolongée, il diminue la part de l’interrogation
qui, d'ailleurs exige du temps et achemine ses élèves vers un mode de travail personnel.
En résumé, c'est mal comprendre le métier d'instituteur que de vouloir servir aux
élèves la science toute faite. Le bon maître ne parle pas seul. Il interroge et suggère
pour faire trouver. On peut dire que le terme suggérer équivaut à savoir enseigner.
Fidèle à son maître Rousseau, Spencer préfère soumettre son élève à l’examen
minutieux et attentif des choses qu'au verbalisme creux et Infructueux de son Instituteur.

135
SUJET N°31
« On parle trop, on ne dessine pas assez. »
Commentez ce mot de Gœthe. Quelles applications pédagogiques peut-on en tirer ?
(B.S.C.I. Martinique, Session de juin 1964)

Une manière, entre mille, de traiter le sujet :


I. LA THÉORIE EDUCATIVE DU PHILOSOPHE GŒTHE :
Dans deux romans : Les Années d'apprentissage et les Années de voyage de
Wllhem Meister, Goethe exprime ses idées pédagogiques. Meister s'y occupe de
l'éducation de son fils Jarno. Quoique ses idées aient varié au cours de son existence,
trois théories s'y font jour en permanence.
a) LA DONNEE IRREDUCTIBLE DE L’INDIVIDUALITE : A travers tous les milieux
où passe Meister, par l’effet de toutes les expériences qu’il fait, c’est sa personnalité
native qui se dégage et se révèle. Dans un poème, Goethe écrit : « Echapper, tu ne
peux à toi même. » Pourtant Meister proclame : « M’extraire de moi-même, tel que je
suis, c’était obscurément mon désir et mon intention. »
b) L’éducation doit réaliser l’épanouissement plein et entier de la personnalité. Mais
Goethe pense aussi que c’est seulement dans l’action précise, réelle, que l’individu
s’exprime et se construit. « Au commencement était l’action », écrit-il.
c) Il insiste enfin, sur l’idée que se cantonner dans son métier est le mieux qu’on
puisse faire. « Pour le médiocre, ce ne sera qu’un métier. Pour le meilleur, ce sera un
art. Il y verra le symbole de tout ce qui peut être bien fait » ajoute-t-il.

II. EXPLICATION DE LA PENSÉE :


Elle est une critique adressée à l’enseignement verbal, en usage dans les écoles de
son époque. Cette réaction se situe dans la ligne de celles de Montaigne, Pestalozzi,
Rousseau et tous les pédagogues qui ont mené une guerre ouverte contre le
verbalisme. Goethe considère parole et dessin, non seulement comme moyens
d’acquisition de connaissances, mais comme deux Instruments de communication. Par
la parole, le maître transmet des connaissances, à ses élèves. Par elle aussi, les élèves
s’expriment, émettent leurs idées et renseignement sur ce qu’ils savent. Cette
transmission, aussi possible par le dessin, se révèle plus efficace aux yeux de Goethe,
parce que plus rapide, plus évocatrice. Un dessin suggestif fait, parfois, apprendre
beaucoup plus à l’élève qu’un long discours.
De plus, le dessin
136 reflète rapidement l’âme, les goûts et possibilités du maître ou de

l'élève l'ayant exécuté. Il suffit de savoir l'observer en psychologue...


On parle trop. Ce simple mot de Goethe souligne la vanité, le ridicule et l’inefficacité,
d’un enseignement fondé sur le seul verbalisme. Parler trop, c'est « verser dans les
têtes comme dans un entonnoir » ou « remplir la panse de viande » ainsi que le dirait
Montaigne. N’est-ce pas cette forme d'enseignement que Rousseau attaque dans son
passage célèbre. « Dés mots I encore des mots ! Toujours des mots ! » Convenons à
notre tour, que c’est une excellente manière pour un maître de rendre opaques aux
intelligences enfantines, les notions communiquées... Goethe voit un remède à ce mal :
dessiner davantage qu'on ne parle. Le dessin facilite l'acquisition des connaissances et
rend plus aisée la communication maître-élèves. Par lui on se fait comprendre vite et
mieux. De plus, l'aptitude du maître à dessiner traduit son talent à enseigner. Dès lors,
le dessin s'élève au niveau d’une technique professionnelle habile qui supplée aux
redites et aux longues explications. Il s'en suit qu’une telle forme d'enseignement est
plus rapide, plus vivante, et plus efficace. C’est pourquoi, il serait Souhaitable, qu'à
l'école primaire, le dessin se substitue de plus en plus à la parole...

III. COMMENTAIRE :

Faut-il penser que Goethe accorde volontiers sa préférence au dessin sur la parole,
parce que dans le cadre de la conception qu'il se fait du métier, il y voit un procédé
d'enseignement permettant au maître de prouver qu’il exerce sa profession avec art ?
On aborderait dès lors, le talent d’enseigner. Peut-être aussi considère-t-il le dessin
comme le procédé le plus actif, une sorte de catharsis original dont dispose l'être
humain pour traduire le fond de sa personnalité. On serait alors amené à considérer le
dessin comme moyen authentique d'expression de l'homme.
Enfin, il est possible que Goethe ait considéré le dessin comme une langue. Il faut
savoir la lire pour en concevoir le tracé exécuté. Il faut savoir l'écrire pour rendre ses
idées et les faire comprendre d'autrui. 11 s'en suit que par le dessin, le maître rend plus
accessible et plus complet son enseignement. L’élève s’exprime et se fait comprendre
aisément. C’est peut-être la raison pour laquelle la nouvelle méthode de l’enseignement
du dessin prescrit que. ce dernier doit avoir un caractère personnel. De plus, le dessin, «
moins étudié, par lui-même que pour les fins générales de l'éducation », devient
enseignement de culture générale. Enfin, le procédé préconisé par Goethe touche de
plain-pied les méthodes dites d'éducation nouvelle, car, il s’agit toujours d'utiliser «les
tendances profondes qui sommeillent dans une âme d'enfant et d’obtenir qu'elles
s'épanouissent à l'occasion des exercices scolaires considérés comme un moyen et non
comme une fin ». Toute méthode active d’enseignement part des activités spontanées
des enfants, de leurs activités manuelles et constructives, de leurs goûts dominants.

137
IV. APPLICATIONS PÉDAGOGIQUES A EN TIRER :
Maintenir le dessin en liaison avec tous les autres enseignements. Dans son rôle
d'illustration, s'en servir en rédaction (textes libres conçus selon la méthode Frelnet). En
rédaction, en comptes rendus divers, le lier intimement aux sciences d'observation. Lui
conférer un caractère précis et lui imprimer une tendance scientifique. Le greffer à la
géométrie, au travail manuel.
a) Il deviendra procédé d’enseignement pour le maître. Aucune leçon ne sera
exposée sans le dessin à fa craie au tableau : considérer le dessin comme une
technique professionnelle.
b) Faire pratiquer par les élèves toutes sortes de dessins : dessin d'objets qui
plaisent et Intéressent. Arrangements décoratifs mettant en jeu, l’imagination et le goût
des enfants, les dessins de mémoire qui obligent l’élève à regarder attentivement autour
de lui et l’habituent à bien fixer dans ses yeux ce qu’il a vu. Dessins explicatifs des
leçons qui rendent plus fécond le travail de réflexion de l’élève. Dessins fibres faits en
classe ou hors la classe, permettant « d’exercer l’imagination, d’aiguiser l'esprit, de
provoquer la verve. » Dessins géométriques et croquis côté.
Mêler le dessin à toutes les activités de la classe.
La méthode de Goethe est originale et active. Elle permet de mettre à jour chez le
maître comme l'élève des qualités natives d’observation et de finesse, qui, sans le
dessin, ne se révéleraient point. Elle s’accorde avec la pédagogie moderne.
SUJET N°32
Est-il vrai qu'il existe un art de faire une leçon qui exige non seulement du
savoir, mais aussi des dons naturels, de l'expérience et encore, de
l'intelligence et l'amour de la jeunesse ? Ainsi, la leçon rayonnera d'entrain et
de vie.

Une manière, entre mille, de traiter le sujet :


Il est coutume de dire qu’une leçon bien faite équivaut à une œuvre d’art. Peut-on
accepter cette formule comme juste et vraie ?

I. QU'EXIGE L'ART DE FAIRE UNE LEÇON ?


Réussir parfaitement une leçon suppose d’abord, savoir enseigner. On peut même
dire, au départ que l’art de bien faire une leçon se confond avec celui d'enseigner.
A croire, l'auteur de la formule proposée cet art exigerait du maître la possession de
cinq éléments majeurs : le savoir, les dons naturels, l’expérience, l’intelligence et l’amour
de la Jeunesse. Dans quelle mesure chacun d’eux contribue à l’art d’enseigner ?
a) LE SAVOIR :
Il est assez difficile de se représenter un Ignorant enseignant bien. «Toute la
pédagogie du monde ne saurait faire qu’un esprit inculte parvienne à bien enseigner»,
dit F. Vial. Un enseignement même simple et élémentaire, réclame du maître des
connaissances étendues et sûres. D’ailleurs, l’instituteur qui entend dominer sa tâche
doit posséder une large culture, sans cesse renouvelée et actualisée. Cette culture ne
veut point dire qu’il faille communiquer un enseignement savant et substantiel aux
élèves de l’E.P. Bien au contraire, elle sous entend que le maitre qui la possède sera
toujours en mesure de bien mettre les questions étudiées à la portée des jeunes
intelligences que lui sont confiées. Comme le pense si bien Vinet, « l’instituteur a besoin
d’une instruction supérieure pour s'élever à la simplicité ». En outre, pour enseigner peu
et bien comme le recommandent les I.O., Il faut savoir beaucoup. D'ailleurs, ¡1 semble
normal de savoir très bien soi-même ce qu’on doit enseigner aux autres. Pour bien
montrer la contribution du savoir à l'art d'enseigner, un auteur pédagogique affirme : « la
plus excellente préparation professionnelle que puissent recevoir de futurs maîtres, c’est
une solide et complète Instruction ».
b) LES DONS 139 NATURELS :

Des écrivains pédagogiques ont Insisté; les uns, sur l’importance, les autres, sur
l’insuffisance des aptitudes naturelles de l’éducateur.
Les premiers pensent que les aptitudes naturelles ou dons ont une vertu autrement
puissante que la pédagogie. Ils les estiment indispensables sinon irremplaçables dans
l'enseignement primaire qui est particulier et astreint à des nécessités déterminées. Ils
en arrivent même à distinguer le Professeur de l'instituteur. Pour ce dernier, disent-ils,
enseigner, c’est vraiment créer, c’est « par une Invention, sans cesse renouvelée,
éveiller la curiosité, susciter l’effort, stimuler l’âme tout entière »... Ici, ni recettes, ni
procédés ne sont d'aucun secours car ils n'enseignent pas l’art de captiver les
intelligences enfantines. Pour eux, bien enseigner est « affaire de tact, de finesse, de
vivacité d'esprit, cela suppose le don ». La pédagogie ne saurait enseigner «
l'abondance et la verve ». Elles sont un don de la nature que l’étude et l’expérience
pourront cultiver mais, qu’elles ne créeront jamais. Il en résulte « qu’on naît éducateur ».
L’aptitude à éduquer est une aptitude Innée qu'on ne saurait acquérir par une étude
spéciale.
Les seconds soutiennent que même si les dons naturels existent II ne naît pas un
nombre suffisant d’éducateurs les portant et on ne connait aucun moyen précis pour les
diagnostiquer.
Le Dr. Claparède cite une enquête faite sur la vocation des Instituteurs qui a abouti à
la conclusion : Sur 35 élèves, aucun n'est entré à l’E.N. par vocation. Le rapporteur d’un
Congrès pédagogique souligne : « Qu’Il ne faudrait point nier que certaines personnes
ont le don de l'enseignement pas plus que la pratique ne l'améliore». C'est peut-être la
raison pour laquelle la pensée proposée ajoute l'expérience aux dons naturels...
c) L’EXPERIENCE:
Il n'est pas de doute, que même un maître possédant « l'intuition pédagogique,
fortifie son art d’enseigner s'il sait mettre à profit sa propre expérience et celle de ses
collègues plus anciens que lui dans le métier ».
L’expérience suppose une certaine ancienneté dans la pratique en- saignante, une
constante rectification de son savoir une mise au point et un renouvellement incessant
des procédés employés, bref, une prise de conscience très nette de la valeur de
l’enseignement que l’on dispense une foi profonde et enthousiaste dans l'œuvre
éducatrice.
Le maître débutant ressemble à un homme qui, la nuit cherche sa vole au milieu des
ténèbres. Il risque de faire perdre un temps précieux à ses élèves s'il ne réfléchit sans
cesse à l'efficacité de ses leçons, s'il ne redresse sur le champ, ses erreurs
pédagogiques, et s'il ne « lime sa cervelle contre celle d'autrui ».
Si dans le domaine éducatif, on ne veut pas admettre qu’ « expérience passe
science », il n’est pas exagéré de dire qu’expérience équivaut à science.
d) L’INTELLIGENCE:
L'intelligence est faculté d’adaptation. C’est grâce à elle que le maître dose
facilement son 140enseignement et l’adapte exactement à la classe et à chacun des
éléments la composant. Elle le conduit à ajouter ou à supprimer certains éléments de la
leçon, à accrocher solidement des éléments nouveaux à ceux déjà connus, à savoir .les
lacunes qu’il doit combler, les points sur lesquels il faut insister, bref, à adapter la leçon
orale, par son niveau, ses exemples, ses illustrations à la classe, comme un «vêtement
sur mesure». Celle-ci apparaît-comme neuve, originale, vivante, riche de couleur locale
et de vertu éducative. La parole du maître souple et expressive pénètre les esprits,
suscite' l'intérêt, met en branle toutes les puissances d'émotion des élèves. La leçon
faite avec intelligence n’est pas seulement un enseignement mais formation de l’âme
tout entière de chacun des élèves de la classe.
e) L’AMOUR DE LA JEUNESSE :
Pestalozzi fait de l'amour « l’éternel fondement de l’éducation ». Que peut un
éducateur qui n'aime pas l'enfance ? Mais, l'amour de l'enfant est une science. N’aime
pas l’enfant qui veut. L’amour de l’enfance qu’exige l'art de bien enseigner suppose
ainsi que le pense Mme P. Kergomard.
1) Une étude incessante des besoins de l’enfant, de ses aptitudes, de ses
aspirations.
2) La conviction qu’on a pour mission de lui procurer le bonheur auquel il a droit, de
faire arriver à éclosion complète tous les bons germes qu’il porte en lui.
3) Qu'il faut le protéger parce qu’il est faible et le respecter parce qu’il est pur.
4) Qu’on s'ennoblît soi-même, parce qu’on aspire à se rendre digne de lui.
C'est précisément parce qu’on comprend l’être à éduquer, que l’on devine ses
besoins, que l’on parvient à se faire comprendre de lui, son amour étant fait de
confiance et de foi, que l'art de faire la classe se teinte d’entrain et de vie.

II. LA LEÇON BIEN FAITE EST VRAIMENT UNE CEUYRE D'ART :


Elle est d’abord, une démonstration d’un relief saisissant. Dans l’œuvre d'art comme
dans la leçon bien exécutée, tout est combiné pour mettre en lumière une idée ou
tonalité dominante. L'œuvre d'art comme la leçon bien faite, jouissent d’une unité. Dans
l’une comme dans l'autre, l’idée maîtresse s’illustre d’idées secondaires et s’exprime de
façon convaincante. Tout y est clair et concis. De même que l’artiste a son style bien
original, l'instituteur a son style d'enseignement qui lui est propre. De même qu'une
formule de l'impressionnisme traduit Manet et une autre de l’art informel fait penser à J.
Paulhan, tel style d'enseignement conduit automatiquement à un éducateur déterminé.
L’œuvre d’art comme la leçon mal conçues se chargent de détails encombrants et ne
font rayonner ni entrain, ni vie :
Œuvre d'art aussi dirait A. France, que de « savoir éveiller la curiosité pour la
satisfaire ensuite ». C’est encore œuvre d’art que de donner un enseignement collectif
qui soit à la fois à la portée de chaque élève et du groupe.
On conte que Mozart, dirigeant un orchestre, entendait distinctement le son de
chaque Instrument et suivait avec une minutieuse exactitude le jeu de chaque musicien.
On peut en dire autant du bon instituteur qui possède l’art de faire une leçon. Il parle à
tous et est entendu de chacun. Il en est de son enseignement collectif comme de
l’amour d’une mère pour ses enfants.
« Chacun en a sa part et tous l'ont tout entier » (V. Hugo).
Enfin, la leçon bien faite est œuvre d'art, parce que le maître parvient à obtenir effort
joyeux, amour de l’étude, il reste en communication constante avec ses élèves, fait
circuler entre eux et lui un courant à haute tension faisant rayonner, sans cesse, dans la
classe, entrain et vie. Ces deux derniers éléments font de la leçon « collaboration du
maître et des élèves » et conduisent à penser que l’excellente pédagogie est à la fois,
science, technique et art.

142
SUJET N°33

Une bonne leçon suppose, dit-on, la collaboration du Maître et des élèves.


Est-ce vrai ?

I. QUELQUES MOTS PERMETTANT DE COMPRENDRE LE SUJET :


a) Au sens strict du mot, on appelle leçon un enseignement communiqué en public
ou en particulier sur une science ou un art, par un Maître, précepteur ou gouverneur. Si
elle suppose nécessairement l'intervention du Maître, elle n'exclut pas, pour autant, la
participation des disciples (leur collaboration).
b) La bonne leçon est celle qui s'ajuste exactement, à la fois, à la classe et à chacun
des élèves auxquels elle est destinée. Elle se révèle, dès lors, œuvre d’art, parce qu’elle
en revêt toutes les qualités : excellente construction, richesse de substance, unité
indiscutable.
c) Collaborer : c’est travailler ensemble à une œuvre commune : c’est pour l'élève,
participer de manière active, en même temps que son maître, à la découverte de la
vérité. Selon le texte, le disciple doit contribuer à acquérir ses connaissances, à être, en
somme, l'artisan de son savoir.
II. QU'APPORTE LA LEÇON A LAQUELLE L'ÉLÈVE NE COLLABORE PAS ?
C’est la leçon dogmatique, dite ex-cathedra. Alain définit ce qu’il entend par une telle
leçon : « ... C’est parler, en tenant sous son regard trente têtes dressées ». Il faut y
ajouter une autre image. « Ces trente âmes altérées, boivent, pour ainsi dire, les paroles
du Maître comme une rosée bienfaisante. » Il en résulte, seul, le maître parle et les
élèves sont réduits à écouter passivement. Elle demeure transvasement des
connaissances. Elle est austère et aride à saisir par les élèves. Elle met à rude épreuve
leur mémoire.
Il est permis de douter du profit réel tiré par l’élève d’une telle leçon, car II parait
difficile de verser la vérité d’un esprit dans un autre et de s’instruire rien qu’en écoutant.
La culture est une œuvre personnelle et dynamique-. Elle demeure une conquête jamais
achevée. Déjà Montaigne condamnait ces écoles ou « on ne cesse de criailler à nos
oreilles comme qui verserait dans un entonnoir ». Alain, lui-même, précise ce que l’élève
en tire. « D’une leçon magistrale, il ne reste presque plus rien après huit jours et après
quinze jours il ne reste rien du tout ». Aussi, condamne-t-il, sans appel, ces leçons qui «
tombent dru comme la pluie ».
III. QUE TIRE L'ÉLÊVE DE LA LEÇON A LAQUELLE IL COLLABORE ?
C’est la leçon, style éducation nouvelle qui se soucie davantage de l'épanouissement
de la personnalité143 de l'enfant que des connaissances à acquérir. La pédagogie nouvelle
prétend embrasser l’enfant dans son Individualité, en tenant compte de ses besoins, de
son âge, de sa nature propre. Elle ne veut pas lui Inculquer des notions toutes faites, du
dehors. Elle supprime l’enseignement dogmatique. Elle se propose de réaliser un travail
d'assimilation au contact du milieu naturel et humain. Elle veut faire éprouver par l’enfant
une attitude de chercheur, celle d’un être qui participe activement à la découverte
personnelle. Elle lui laisse, enfin, une certaine liberté dans le choix des sujets d'étude.
Elle s'efforce d'obtenir de l'élève effort libre et Joyeux parce que, plus créateur.
L’inactivité du Maître n'est qu’apparence, car, bien comprise, elle favorise l’activité de
l’élève. Un tel style d'éducation libère l’enfant de la passivité et de la contrainte. 11 lui fait
acquérir des habitudes de recherche et de découverte- Il ne le rebute jamais, puisque
basé sur l’intérêt présent, ¡le seul qui, selon Rousseau, « mène sûrement et loin. » Mais
il reste à craindre, que trop poussé, il n’affaiblisse la volonté, tue le goût de l’effort et
laisse à l'enfant un excès de liberté, toujours nuisible.

IV. OU SE TROUVE LA BONNE LEÇON ?


La bonne leçon est une réussite. Elle ne saurait émaner du Maître seul, pas plus
qu’elle pourrait résulter de l’unique travail des élèves. C’est pourquoi on voit d'un bon œil
qu’elle soit collaboration.
On ne peut pas nier les vertus de la parole d’un maître, ni la part foncière et
nécessaire de dogmatisme que comporte notre école primaire. C’est cette parole souple
d’un Maître, «tantôt aimable, tantôt persuasive, qui s’insinue dans les esprits et les
cœurs des élèves », qui permet le dosage exact des notions enseignées. Simple ou
expressive, elle peut mettre en branle toutes les puissances d’émotion des élèves,
susciter leur intérêt, leur attention, diriger leur effort personnel de recherche. L’instituteur
qui a le don parle, à la fois, à tous et à chacun. Il ajoute ou retranche, règle son allure
pour qu’il soit suivi de tous. C'est peut- être ce qui justifie que le verbalisme n'a pas
encore disparu de nos écoles. Claparède prouve, d’ailleurs, que le dogmatisme n’est
une arme dangereuse qu'aux mains des mauvais maîtres... Par ailleurs, il est des vérités
que l’élève ne peut découvrir par lui-même, faute de temps et de moyens. Même avec
les méthodes les plus actives que peut-il découvrir en morde, sur l’échelle des valeurs
du bien et du mal ou en histoire sur la signification des faits et dates ? Cependant,
l’écolier est une personnalité à former, afin d’en faire une personne autonome, capable
de régler librement sa conduite. Il importe que le dressage du début fasse place, de plus
en plus à l'éducation. Il semble Indispensable d’adapter nos méthodes d'enseignement
aux possibilités psychologiques de l’élève. Il faut d’abord le mettre sur la route avant de
l’engager seul dans la voie, et l'habituer à résoudre « les problèmes que les choses
posent à son esprit ».
Essayons d’obtenir son attention, de solliciter sa collaboration au moment même où il
est en mesure de les fournir et d’en tirer tout le profit souhaitable.

144
SUJET N°34
« Le maître ne peut se donner à quelques uns, il se doit à tous ; c'est par les
résultats obtenus sur l'ensemble de sa classe et non pas sur une élite
seulement que son œuvre pédagogique doit être jugée. »
Indiquez les raisons de cette recommandation et parlez du constant souci que doit
avoir tout maître de l'observer dans sa classe. Comment le maître peut-il s'y
prendre pour faire travailler toute sa classe ?

Une manière, entre mille, de concevoir le devoir:

I. RAISONS DE CETTE RECOMMANDATION :


Le passage à examiner est un extrait des I.O. de 1887, repris dans ses grandes
lignes par celles de 1923.
Il se comprend aisément car si les élèves d'un même cours sont plus ou moins
homogènes d'âge, ils ne le sont pas toujours, en tant que niveau d'instruction. .Dans une
même classe, on rencontre de bons élèves, de moyens, des médiocres et de très
faibles. Aussi, est-il fréquent de trouver dans un même cours des divisions constituées
d'après le savoir de3 élèves et leur facilité d'adaptation.
Dès lors, une tendance qui nuit à l'homogénéité de la classe se fait jour. Les maîtres
inexpérimentés, les jeunes en particulier, s’intéressent aux bons élèves et négligent les
médiocres. Ils Interrogent et font travailler les premiers, tandis que les autres assistent,
muets et passifs, au déroulement de la classe. Seuls les forts de la classe progressent.
C'est pour réagir contre cette fâcheuse tendance que le législateur recommande aux
maîtres de se donner à tous et non à uns élite.
Se devoir à tous signifie que c’est une obligation pour le maître de s’occuper, à la
fois, de toute sa classe et de chacun des élèves la constituant. Le caractère collectif de
la pédagogie française impose que l'œuvre du maître soit appréciée d'après les résultats
donnés par l'ensemble de la classe qu'il dirige. Il est chargé de 30 à 40 élèves. C'est
d’après les progrès de ces derniers qu'on peut se prononcer sur la valeur de son action.
S'il conçoit autrement son rôle, il risque d'aller au contraire de la mission éducative qui
lui est confiée. Il donnera satisfaction à une minorité de parents mais, en mécontentera
une majorité. Il manquera de générosité en privant les élèves les plus déshérités de son
aide précieuse, faisant d'eux des découragés ou des dégoûtés définitifs.
Le législateur a tout prévu contre cette tendance. C’est pour la prévenir qu'il insiste
sur le fait que le classement des élèves en début d’année ne 145 saurait se faire
uniquement d’après l'âge. Un enfant de 10 ans peut n'avoir que l’instruction d'un de 8
ans. Dès lors, sa place se trouve au C.E. et non au C.M. De même un élève précoce de
9 ans peut avoir la maturité d’un de 11 ans. «Chaque année, à la rentrée, les élèves,
suivant leur degré d’instruction sont répartis dans les diverses classes par le Directeur
sous le contrôle de l'inspecteur primaire» (Art. 14 de l’Arrêté du 18-1-87). Cet article
précise que ce classement peut subir des modifications en fin du premier trimestre.
Dans le même sens, Oct. Greard écrivait : « Chaque enfant doit trouver son niveau
dans une classe, c'est-à-dire, être réuni à des enfants qui en savent juste autant que lui
et n’en savent pas plus que lui ».

II. CONSTANT SOUCI QUE DOIT AVOIR LE MAITRE D'OBSERVER CETTE


CONSIGNE :
Il y a intérêt que le maître observe cette consigne capitale dans la pratique
journalière de sa classe. Des raisons de temps, de travail profitable à tous et de
responsabilité l’y obligent :

a) Temps :
Quand la classe est partagée en divisions, le maître n’a pas le temps de passer
d’une division à l’autre. Force lui est d’avoir recours à des moniteurs. Ceux-ci pratiquent
du gardiennage et non de l’éducation parce qu’ils n’ont ni la culture, ni la formation
professionnelle suffisantes pour éduquer. Les élèves dont s’occupe le moniteur sont en
somme inoccupés. Ils se livrent au bavardage et deviennent désordonnés. L’émulation
entre eux disparaît. Les groupes distincts « empêchent de se former ces grands
courants d’émulation si utiles au progrès », écrit O. Greard. Ce morcellement de la
classe en divisions impose au maître une fatigue excessive l’obligeant à reprendre les
mêmes leçons sous des formes plus ou moins adaptées à chaque division. Pressé par
l’heure, il dispense un enseignement rapide, parfois sec et aride.

b) Résultats :
Il importe que tous les élèves d’un même cours puissent profiter de l’enseignement
qui leur est dispensé. Sinon, il se formera une queue qui deviendra de plus en plus
importante. Aucun élève d’une classe ne saurait être négligé. Les I.O. de 1887
précisent: «J-’école doit agir non sur quelques enfants pris à part, mais, sur la masse de
la population enfantine. Il est un minimum de connaissances que l’enseignement
primaire doit communiquer sauf des exceptions très rares à tous les élèves Ce niveau
sera facilement dépassé par quelques uns mais, le fût-il, s’il n’est pas atteint par tout le
reste de la classe le maître n’a pas bien compris sa tâche ou ne l’a pas entièrement
remplie » (I.O. de 1887).

146
c) Responsabilité :
Le maître est chargé d’une classe et non de quelques élèves de la classe. Il lui faut
s’occuper de tout le monde. Il a le devoir d'assurer à chacun un minimum de
connaissances et un minimum d'aptitudes. Son rôle est d'unifier et non de séparer. En
procédant autrement, il met en jeu sa responsabilité vis-à-vis des parents et de l'Etat.

III. COMMENT FAIRE TRAVAILLER TOUT LE MONDE?


Pour y parvenir certains principes majeurs doivent être respectés
a) Dans une classe, quelle qu’elle soit, il y a toujours des élèves forts et des faibles. Il
ne faut nullement s'en affliger. « Il faut, au contraire, selon Oct. Gréard, s’en applaudir
pour la direction des études ». C'est sur le pas des élèves moyens que le maître doit
régler sa marche. En même temps qu’il tend la main aux derniers en exigeant d'eux un
effort suffisant, il oblige les premiers à revenir en arrière, à mieux se rendre compte de
ce qu’ils savent:
b) L’homogénéité absolue n’est jamais dé mise dans une classe. Les élèves qui-sont
de même niveau aujourd’hui ne le seront plus demain. Il importe de réduire le plus
possible le nombre de sections d'une classe et faire des leçons communes dont le
contenu est dosé à la force des sections (dictée, lecture, calcul, exemples à donner).
c) S'adresser souvent aux élèves qui ont l’esprit peu ouvert, mettre les explications à
leur portée, leur accorder plus de temps qu'aux bien doués. Evidemment, les élèves
intelligents ne doivent pas souffrir des soins spéciaux accordés aux élèves faibles. On
n'a pas le droit de sacrifier ceux-là à ceux-ci. Il appartient au maître seul de concilier ce
qu'ii doit à l’élite et à la médiocrité.
d) Se garder de briser l'élan des très bons élèves. Dans toute leçon leur réserver des
explications plus complètes et dans les exercices écrits une ou plusieurs questions
supplémentaires. En même temps, adapter, doser, comprendre les faibles, leur
proposer des devoirs bien à leur portée.
e) CONTRADICTION DE LA PÉDAGOGIE FRANÇAISE : Elle est collective et
prétend que l’on s’occupe à la fois de tous et de chacun. Elle veut que l’instituteur fasse
à la fois, un travail Individuel et d’équipes saines et rationnelles. Le maître devient alors
précepteur et éducateur. Avouons qu'avec les effectifs pléthoriques de nos classes,
c'est une tâche surhumaine qui réclame art, tact, Ingéniosité, bon sens de la part du
maître. C'est pourquoi F. Buisson résume l’art du maître : « Presser Ies plus lents sans
ralentir les plus vifs ».
147
SUJET N°35

Un Instituteur expérimenté disait un jour à un jeune Remplaçant :


« Vous voulez une classe bien homogène ! Vous avez tort ! Une bonne classe
doit recevoir des faibles et de forts. Les faibles vous obligent à répéter, les
forts serviront d'animateurs et créeront l'émulation indispensable. »
Que pensez-vous de ce jugement ?

INTRODUCTION POSSIBLE :
L’organisation pédagogique rationnelle d’une classe commande que celle-ci soit
homogène du point de vue niveau intellectuel des élèves la composant. C’est surtout
ce que souhaitent les Instituteurs débutants. Mais il est rare qu’il en soit ainsi. Les
Elèves groupés dans une même classe n’ont jamais le même âge mental, ni les
mêmes aptitudes. Un vieil instituteur pense que c’est un tort pour un jeune
remplaçant d’avoir à conduire une classe homogène en tant que degré d’instruction
des élèves, parce que la bonne classe doit recevoir des élèves faibles et des élèves
forts. Les premiers obligent à répéter et les seconds créent l’émulation.
Que faut-il penser de ce jugement ?

I. LES FAIBLES OBLIGENT A RÉPÉTER :


Ordinairement, les faibles ne sont pas toujours des arriérés ou des débiles, mais,
plutôt des enfants moins doués ou moins travailleurs, ou retardés par la maladie et
qui traînent à la queue de la classe. Ils comprennent moins bien et moins vite que les
forts. Ils ne sont pas toujours en mesure de profiter, du coup, de l’enseignement qui
leur est donné. Ils obligent forcément le maître qui entend tirer le maximum
d’efficacité de ses leçons, à répéter constamment.
O Gréard pense que « loin de s’en affliger, il faut s’en applaudir pour la direction
des études. Les faibles enseignent au maître que c’est sur le pas des élèves moyens
que l’instituteur doit régler sa marche et non sur les forts. Ils lui rappellent qu’en leur
tendant la main, il revient en arrière et se rend mieux compte de leur niveau réel ». Ils
lui enseignent surtout que la répétition est l’âme de renseignement et un principe
fondamental à l’E.P. Les I.O. disent qu’il « vaudrait moins savoir mais, bien savoir »,
que mieux « vaudrait moins de souvenirs mais des souvenirs bien ordonnés ».
D’ailleurs, c’est la répétition qui fait revivre les souvenirs anciens.
De plus, on constate chez les débutants, une tendance marquée à s’intéresser
aux forts et à négliger les médiocres. Fâcheuse tendance contre laquelle il Importe
148
que le jeune maître réagisse. Les O.I., de 1887 rappellent : « L'école doit agir non sur
quelques élèves pris à part -mais, sur la masse de la population enfantine... que le
maître ne peut le donner seulement à quelques uns... que c'est par les résultats
obtenus sur l'ensemble de sa classe et non pas sur une élite seulement que son
œuvre pédagogique sera appréciée... qu'il est un minimum de connaissances que
l’enseignement primaire doit communiquer... Ce niveau est facilement dépassé par
les forts, mais, s’il n'est pas atteint par tout le reste de la classe, le maître n’a pas
bien compris sa tâche ou ne l’a pas entièrement remplie ».
II. LES FORTS SERVENT D'ANIMATEURS ET CRÉENT ^ÉMULATION :
Les élèves forts constituent d’ordinaire, l’élite de la classe. Ils ont l’intelligence
ouverte, comprennent vite et assimilent bien l’enseignement qui leur est dispensé. Il
n’est nullement question de briser leur élan. Il importe dans toute leçon de leur
réserver des explications plus complètes et une ou plusieurs questions
supplémentaires dans les exercices écrits. Il faut surtout, qu’ils deviennent les
entraîneurs des faibles et créent l’émulation dans la classe.
Il importe d’abord de distinguer l’émulation de la concurrence. On la définit
d’ordinaire : « sentiment qui nous porte à vouloir faire aussi bien ou mieux que nos
semblables ». Elle exprime chez l’enfant, deux tendances : l’instinct d’imitation et le
désir d’approbation. L’émulation scolaire suppose ce sous-entendu : Il est beau de
travailler, il est bon d’apprendre. Celui qui travaille bien est digne d’éloges. Elle
apparaît alors comme une satisfaction qui accompagne le jeu ou le travail et surtout
qui naît du jeu ou du travail. Il reste bien entendu, que l'unique condition d’une saine
émulation c’est la justice du maître. Celle-ci implique forcément que le maître rie
réserve pas tous ses soins à l’élite, qu'il se penche avec sollicitude sur ceux qu’Alain
appelle « les déshérités ». Un classement devient dangereux quand il établit une
séparation entre ceux dont on s’occupe et ceux dont on ne s'occupe pas. « Il faut se
garder des distinctions qui élèvent trop les uns et découragent trop les autres », dit
sagement Mme de Maintenon. Une saine pratique de l'émulation conduit à
récompenser aussi bien l’effort de certains élèves que le succès d’autres.
EN CONCLUSION.
Le conseil donné par l'instituteur expérimenté au jeune remplaçant est plein de
sagesse. Une classe, si elle pouvait être bien homogène en tant que niveau
intellectuel d'élèves, serait à déconseiller. La présence des forts et des faibles dans
une classe est comme un mal pédagogique nécessaire. C’est en luttant contre ce
mal que le maître affine son expérience, comprend le rôle des uns et des autres et
s'efforce d'accomplir avec intelligence sa tâche. Il parvient à se persuader que si l’on
n'a pas le droit de sacrifier les élèves intelligents aux médiocres, il faut savoir
concilier ce qu'on doit à l'élite et aux faibles. L'Instituteur est ainsi conduit à
individualiser son enseignement. Il se fait sien ce conseil de F. Buisson : « Presser
les plus lents et faibles sans ralentir les plus vifs et les plus forts : tel est J’art du
maître » 149
SUJET N°36

« Pour que les élèves ne perdent pas leur temps, il faut que les maîtres
apprennent à perdre le leur. »
Commentez cette phrase des I.O. de 1923.

I. INTRODUCTION :
Les programmes primaires élémentaires sont chargés et la scolarité courte. Dès
lors, le temps devient à l’école un élément précieux dont le maître doit faire un emploi
judicieux. Loin d’en perdre, il lui faut toujours chercher à en gagner. L’opinion à
commenter exprime une idée contraire : « Pour que les élèves ne perdent pas leur
temps, il faut que les maîtres apprennent à perdre le leur. »
Commençons par l'expliquer.

II. EXPLICATION :
L’emploi du temps règle la marche d’une classe. Il précise l'utilisation des heures
de chaque journée. Le maître est tenu de le suivre presque à la lettre. Alors comment
peut-il perdre son temps ?
L’expression : perdre son temps prend un sens différent suivant quelle s'applique
au maître ou aux élèves. Le maître qui se contente de faire lire par l’élève un chapitre
de son livre de sciences ou d'histoire au lieu d’exposer sa leçon ou fournir les
explications indispensables perd son temps. Il fait de même s'il pratique des séances
d'une heure au lieu d’une demi- heure en éducation physique ou en dessin. Il en est
de même s’il ne corrige pas les exercices et devoirs proposés à ses élèves, s'il ne
s’assure pas que les précédentes leçons sont sues des élèves avant d'en exposer de
nouvelles. Il perd son temps et gaspille son énergie, précisent les I.O. s’il dispense à
ses élèves un enseignement que ceux-ci ne sont pas à même de comprendre.
L'élève qui, au lieu de résoudre son problème lit un feuilleton illustré perd son
temps. Celui qui arrive toujours en retard, qui ne suit pas les explications du maître,
qui manque la classe sans motif sérieux, qui n'apprend pas ses leçons perd encore
son temps.
Le maître apprend à perdre son temps chaque fois qu'il médite et repense son
métier, quand il use de la latitude que lui laissent les 1.0. de s’attarder à telle notion
instrumentale, (entrainement à la lecture courante, mécanisme des opérations,
récitation des tables et de règles de grammaire) dont, la connaissance Imperturbable
se révèle indispensable au progrès de ses élèves. C'est encore s’exercer 150 à perdre
son temps que de revenir en arrière pour s’assurer que certaines connaissances de
base sont bien assimilées ou s’arrêter pour consolider d’autres qu'il sent flottantes
chez les élèves. (Savoir copier exactement un texte, comment apprendre une leçon,
poser une opération avec soin, s’assurer qu'ils en ont acquis le mécanisme jusqu'à
l'automatisme, qu'ils connaissent les dates essentielles en histoire, les règles et
formules de calcul).
Le maître avisé ne considère pas la répétition comme le procédé fondamental de
toute instruction, mais comme un entrainement méthodique à surmonter une
difficulté donnée. Il n’hésite pas à revenir en arrière chaque fois que cela s'avère
nécessaire et à accorder aux révisions le temps qu’elles méritent.
D’ailleurs les I.O. recommandent, dans chaque cours, de s'assurer que les
enfants possèdent bien les notions inscrites aux programmes et de procéder
périodiquement à des révisions.
En réalité, pour le maître, apprendre à perdre son temps, c’est acquérir
l'expérience do son métier. Cette perte de temps n’est qu’apparente. Elle est
bénéfique à la fois au maître et à l’élève.
Ex : le maître qui s'attache au mécanisme de la soustraction avec retenue, à
l'accord du verbe avec son sujet, la manière de lire avec expression, fait gagner un
temps précieux aux élèves puisque ceux-ci acquièrent, même après un temps long,
des éléments sans lesquels il est impossible de s’instruire par soi-même.

III. COMMENTAIRE :
Dans une classe les actions du maître et des élèves sont solidaires. C’est
pourquoi lorsqu’il feint de perdre son temps, c'est qu’il veut être utile à ses élèves.
Surtout à la rentrée d'octobre, il convient que l'élève réapprenne son métier d’écolier.
Le maître n’y parvient que s’il apprend à perdre son temps. Les I.O. mettent bien en
évidence que nos élèves n'ont pas de temps à perdre en « théories savantes ». Elles
insistent sur Ie3 côtés pratique et utilitaire de notre enseignement et soulignent les
caractères réaliste et désintéressé de l’éducation primaire.
Elles n'hésitent pas à inciter le maître à perdre son temps à adapter son
enseignement aux besoins locaux et aux possibilités de ses élèves.
« Mieux vaudrait moins apprendre, mais bien retenir ; mieux vaudrait moins de
souvenirs mais, des souvenirs complets et ordonnés »
Pour offrir aux élèves une nourriture que leur esprit peut digérer le maître doit se
faire sienne ces deux règles, l'une, formulée par Boileau, l’autre par Rousseau.
« Hâte-toi lentement » (Boileau).
« La principale règle de tout enseignement est qu'il faut perdre du temps pour en
gagner (Rousseau).

151
SUJET N°37

On lit dans les I.O. : « C'est perdre du temps et gaspiller l'énergie des maîtres
et des élèves que d'offrir à ceux-ci une nourriture pour laquelle ils n'ont pas
de goût et que leur esprit ne saurait digérer. »
Développez et justifiez ce texte.

I. INTRODUCTION :
L’enfant vient à l’école pour recevoir des connaissances et s'instruire. Mais, on ne
peut tout lui enseigner, d'une part, faute de temps, de l'autre, il ne saurait absorber
l'intégralité des programmes. Ceux-ci sont démentiels et la scolarité courte.

II. DÉVELOPPEMENT ET JUSTIFICATION :


Dès lors, la tâche la plus importante qui s'impose au maitre c'est de « savoir
choisir et doser avec soin selon l’âge de ses élèves, les connaissances que ceux-ci
auront à assimiler ». Le texte à développer précise que le caractère essentiel d’un
enseignement profitable, c'est d'être gradué.
Graduer: signifie augmenter par degrés (sens propre). Dans l'esprit du texte, un
enseignement gradué signifie progressif, dont.les difficultés se développent en
harmonie avec les capacités intellectuelles et le pouvoir d'adaptation des élèves. Le
leitmotiv essentiel du maitre doit être de toujours se demander si son enseignement
est assimilable par ceux à qui il le transmet.
Il y a dans le texte une comparaison entre la nourriture indigeste à absorber par
un estomac délicat et l'instruction à assimiler par l'esprit de l'enfant qui est en classe.
L’instruction, elle aussi est nourriture. De même qu'un aliment n’est assimilable
que s'il a été avalé avec goût et s'il s'adapte aux possibilités de digestion de
l’estomac, qui le triture, l’instruction n'est profitable à l'enfant que si elle parvient à
éveiller son appétit intellectuel.
A. France dit : « Pour digérer le savoir, il faut l’avoir avalé avec appétit ».
Une alimentation mal choisie, mal préparée, mal présentée peut nuire à
l'organisme. Un enseignement mal dosé, mal adapté, mal communiqué nuit aussi au
développement de l'intelligence enfantine.
Il y a bien perte de temps et dépense folle de travail tant pour le maitre que pour
l’élève si ce dernier ne s'intéresse pas à l’enseignement qu'il reçoit parce que celui-ci
n’épouse pas harmonieusement
152 les capacités et possibilités de l'être à instruire. Les
I.O. n'hésitent pas à se prononcer dans ce sens.
« Mieux vaut laisser l'enfant dans l'ignorance que lui imposer un enseignement
prématuré. »
III. CONSEQUENCES PEDAGOGIQUES QUI EN DECOULENT:
Des conséquences pédagogiques incalculables peuvent eh résulter pour le maître
et pour l’élève :
a) Pour le Maître : Il se fatigue en vain. Son œuvre éducative demeure sans
portée. Il perd l’estime et la considération de ses supérieurs hiérarchiques, des
parents et des élèves. Une condition aussi humiliante peut l’inciter à abandonner le
métier dans lequel il ne réussit pas.
b) Pour les Elèves : Ils ont conscience qu'ils ne progressent pas. Ils se rendent
bien compte qu’ils perdent leur temps puisqu’ils se dépensent vainement, ils ne
tardent pas à prendre l’école en aversion et cherchent par tout moyen, à la fuir.
C’est pour prévenir des Conséquences aussi désastreuses que les I.O. laissent
liberté et initiative aux maîtres pour adapter les programmes à parcourir aux
nécessités des élèves. « Il peut aborder ou écarter telle ou telle question, exposer ou
ajourner tel ou tel détail. »

153
SUJET N° 38
« Il est bien peu d'esprits qui n'aient leur accès, et, le plus souvent, il faut bien
l'avouer, ce n'est pas l'élève qui fait défaut au maître mais le maître qui fait
défaut à l'élève. »
Expliquez et appréciez cette pensée.

I. EN GUISE D'INTRODUCTION :
C'est un fait prouvé qu'on rencontre des élèves inappliqués, inintelligents ou
paresseux, des enfants ne comprenant pas, des caractériels, des opposants ou même
des agressifs. Le maître les néglige ou les abandonne. Est-ce une attitude intelligente et
prudente ?

II. EXPLICATION DE LA PENSEE :


A) IL EST PEU D'ESPRITS QUI N’AIENT LEUR ACCES : signifie qu'il n'existe
d'esprits dans lesquels on ne puisse pénétrer ou entrer et se faire comprendre d’eux
Voici un élève qui parait avoir l'esprit fermé. Cependant, quand on le regarde jouer dans
la cour ou discuter avec ses camarades, on n'a plus la même impression. Ne
comprendrait-il pas si l'explication fournie avait été donnée en termes plus clairs ?
Tel autre, apathique, nonchalant ne s'intéresse à rien. A-t-on, même une fois, essayé
de piquer sa curiosité, son amour propre ou de l'encourager? Un troisième est capricieux
ou mobile. A-t-on tenté de l’intéresser vraiment afin de parvenir à fixer ou retenir ¿on
attention ? S’est-on demandé si l'enseignement qu'on lui dispense s'adapte à sa
personnalité ?
Faut-Il abandonner à eux-mêmes ces pauvres enfants ? Le bon maître ne le fera
jamais. Ce serait se délivrer un brevet d'incapacité. Il étudiera et essaiera de
comprendre l'esprit de chacun d'eux. Il les contournera pour essayer d’y pénétrer.
L’accès est désormais trouvé. Le premier accès frayé, les autres suivront. Tel un coin de
fer introduit dans le bois et qui s'enfonce peu à peu jusqu'au cœur de l'arbre 1e plus dur.
Le reste est désormais facile.
B) CE N’EST PAS L’ÉLÈVE QUI FAIT DÉFAUT AU MAITRE : L’élève d'apparence
paresseux, inintelligent, se soumet bien volontiers à l'examen du maître dont il peut être
l'objet. Il ne se dérobe pas et se prête de bon gré aux petites expériences tentées sur lui.
Il est sujet docile. Il devine qu'il a tout intérêt que le maître réussisse dans ses
recherches.
C) C’EST LE MAITRE QUI FAIT DÉFAUT A L’ÉLÈVE : Parfois, 154
par manque
d’initiative et de persévérance, d’intelligence, de pénétration d'esprit, de patience, de
connaissances psychologiques peut-être, aussi temps... N'a t-il pas à s'occuper de 40 ou
50 élèves?
Ce faisant, il s'avère inférieur à sa tâche. Le dédain de la fatigue, le fait qu’il ne doit
jamais se décourager, le dévouement, le tact pédagogique, la foi en l'œuvre éducative
sont indispensables à l'éducateur.
III. CONSÉQUENCES PRATIQUES :
Des mesures pédagogiques, à la fois, positives et négatives s'imposent :
A) POSITIVES :
a) Remonter aux causes du mal. La paresse peut être d'ordre physique (croissance,
sous-alimentation, insuffisance Intellectuelle ou affective). En rechercher les origines en
causant avec l’élève et en s'entretenant avec sa famille. Demander l’avis du
psychologue scolaire.
b) Rechercher et appliquer le traitement qu'il faut. Au débile mental, au caractériel,
s’attacher de façon attentive et sympathique. Pas de règles strictes. L’enfant s'intéresse
et on note un démarrage.
B) NÉGATIVES :
a) Ne pas abandonner le difficile, lui accorder sa vigilance et sa générosité.
b) Ne pas prendre d'attitude renforçant l’inadaptation. Le paresseux toujours traité
comme tel, jouera au paresseux. Pas de reproches publics. Evitez les punitions sans
effet. Les mesures négatives ont parfois plus d'influence qu’on ne le suppose.

IV. APPRÉCIATION :
A signaler que l'auteur de la pensée n’a pas dit... tous les esprits. Il a précisé très
peu, c'est-à-dire, un très petit nombre qui relève plus de l'hôpital psychiatrique que de
l'Ecole. C’est à force d'observation, d’ingéniosité et d'application que le maître peut
obtenir un bon résultat avec eux. (Courage, patience). De même qu'il y a la clé des
cœurs il y a la clé des intelligences.
La pensée est juste et nous devons nous en inspirer. Aucun élève ne doit demeurer
en dehors de l’action du maître. La queue dans une classe est inéluctable. Elle grandit
souvent parce que les élèves sont abandonnés à eux mêmes intellectuellement et
moralement.
Ouvrir l'esprit des enfants mal doués est œuvre difficile et délicate.
L’instituteur actif, réfléchi et persévérant ne désespère jamais du succès.

155
SUJET N°39

Dans nos sociétés modernes où l'enseignement ne peut être que collectif,


l'éducateur se trouve toujours en face d'un groupe dont il est plus ou moins
exclu.
Après avoir évoqué avantages et inconvénients de cette situation, précisez par
quels moyens et par quelles méthodes vous résolvez les problèmes ainsi posés.

I. UNE INTRODUCTION POSSIBLE :


Chateaubriand et, après lui. P. Valéry avaient prévu « la société ruche où l'homme
ne serait plus qu’une abeille, qu'une roue dans la machine, qu'un atome dans la
matière organisée », ainsi que les dangers, d'une civilisation de masse dans laquelle, la
société ferait peser lourdement son joug sur l'individu. A notre époque technicienne et
de démographie galopante, il semble que le caractère collectif de notre pédagogie
s'accuse davantage. On parle de culture de masse, d'éducation permanente.
La tâche du maître, loin de se simplifier, se complique en ce sens qu'il lui devient de
moins en moins possible de consacrer un temps particulier à chaque élément de la
société scolaire dont il est le chef.
Mieux. Il semble même qu'il soit exclu, — bien malgré lui, sans doute, - d'une fraction
de la classe. C'est ce problème précis que pose le texte à étudier. Son étude objective
conduit à méditer sur les relations existant entre l'éducateur et le groupe scolaire, sur la
vie de l'instituteur dans sa classe et sa position en dehors d'une partie du groupe
scolaire.
II. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DE CETTE SITUATION :
De prime abord, il semble que seuls des inconvénients résultent d'une telle situation.
Mais quand on l'examine de plus près on s'aperçoit qu'elle présente un gros avantage :
celui pour le maître de disposer, d'une certaine autorité sur le groupe qu’il dirige de
l’extérieur. Il faut, cependant, reconnaître que cette autorité s’apparente à la simple
contrainte et qui, comme telle, reste plutôt illusoire sur le plan éducatif. Le dressage
n’est pas l'éducation. Maîtriser tout un groupe par l'ascendant de son autorité n'entraîne
pas forcément une éducation efficace. On peut, dès lors, se demander si cette
contrainte du maître ne constitue pas un obstacle sérieux à l'éducation en profondeur.
En dehors du groupe, peut-il le connaître ainsi que les éléments le composant ? Il
semble que non. Or l'éducation bien comprise se fonde sur la connaissance
psychologique approfondie
156
de chaque élément le constituant. Toute pédagogie saine
repose sur la connaissance sérieuse des élèves. La bonne pédagogie se définit par
celle qui gravite autour de l'enfant. Il est impossible d’éduquer un sujet que l'on ne
connaît’ pas. La délicatesse de la tâche du maître primaire réside dans le fait qu’il doit
bien connaître, à la fois, chacun et tous ses élèves.
III. MOYENS ET MÉTHODES POUR RÉSOUDRE LES PROBLÈMES POSÉS :
S’introduire dans le groupe. Pour cela :
a)D’abord, aimer ses élèves, retrouver son âme d’enfant pour essayer de les
comprendre, deviner leurs besoins au fond de leur cœur pour harmoniser son
enseignement à leurs goûts et leurs intérêts.
b) Puis, créer, un climat de confiance absolue entre sa classe et soi. Seule, cette
confiance permet l’épanchement des sentiments, des désirs de chaque élève et
d'assurer une orientation efficace à l'enseignement dispensé.
c) Ensuite, en employant les méthodes actives, créer, de manière naturelle, le
besoin du recours à l'adulte, dans toutes les activités de l'école et gravitant autour de
l'école (enquêtes, questionnaires, fichiers, jeux).

CONCLUSION :
On peut dire qu’il n'existe pas d'éducation efficace sans communication de
consciences. C'est pourquoi, même si le système d'éducation en usage dans notre
pays favorise l'exclusion du maître d’un groupe, il lui faut, par des procédés fondés sur
l’amour de l'enfant, l'estime, la confiance réciproque, la compréhension de chaque
élève, s’introduire dans le groupe.

157
SUJET N° 40
« Je n'ai pas confiance dans tous ces jardins d'enfants et toutes ces inventions
au moyen desquels on veut instruire en amusant. Aux enfants qui ont tant de
force, tant de fraîcheur et tant de curiosité avide, je ne veux pas qu'on donne
une noix épluchée. L'art d'instruire doit être d'amener les enfants à prendre la
peine de se hausser à l'état d'homme. »
Que pensez-vous de ce mot d'Alain ? :

EN GUISE D'INTRODUCTION :
Chacun connaît les jardins d'enfants ainsi désignés par Froebel, dans lesquels le jeu
occupe la place privilégiée. Dans ces établissements de pré éducation, les petits de 2 à
3 ans exercent leurs sens, tout particulièrement le toucher et la vue au moyen d’un
matériel approprié à leur âge, facile à manier et d’une valeur éducative certaine. Ils
observent plantes et fleurs lisent à leur manière dans le grand livre de la nature. Par le
véhicule, sensoriel, arrivent à leur cerveau maintes sensations qui deviendront les
premiers éléments de leurs pensées. Avec leurs cubes, leurs lattes, leurs bâtonnets, ils
donnent libre cours à leur initiative, sont géomètres, architectes, artistes. Ils créent et
s’instruisent en s'amusant. Alain ne partage pas cette manière d'instruire. Aussi écrit-il
dans ses Propos sur l’éducation : « Je n’ai pas confiance... se hausser à l'état d’homme
».

I. EXPLICATION DE LA PENSÉE :
D'emblée, on s'aperçoit qu’Alain dénonce avec vigueur les méthodes éducatives qui
masquent l’effort à l'enfant et entretiennent chez lui le goût de la facilité. Il ne lui
échappe point que nos écoles ne sont plus des « geôles de jeunesse captive », mais
plutôt des lieux de plaisir, où l'on voit des manèges de chevaux de bois, des
balançoires, des chaises berceuses, des lits, des marionnettes, le cinéma, des boules à
ranger, bref, tout un attirail plus susceptible de charmer l’enfant que de l’instruire. Alain
pense que les procédés actuels utilisés pour éduquer les tout jeunes enfants sont
incapables de laisser trace durable dans leurs esprits. Il doute de leur pouvoir éducatif
et n’en espère aucun résultat efficace et tangible. Pour lui, ils relèvent de la fiction... Il
les considère comme artificiels et ne cadrant pas avec le naturel de l’enfant. Aussi, les
nomme-t-il inventions, c'est-à-dire des découvertes, des combinaisons, des mensonges
étudiés pour tromper ces petits êtres naïfs et Innocents, encore à la fleur de l'âge.
Il va plus loin et estime que c'est abuser de la candeur et de la crédulité de l'enfant
que de lui donner l'impression que tout est facile. Chartier a horreur du factice. Il préfère
le naturel. Il n'aime ni le facile, ni l'aisé. A quoi sert, se demande-t-il, de dissimuler à
l'enfant que la vie est une lutte. Bien au contraire, il croit qu’il n’est jamais trop tôt pour
l'entraîner à l’effort et lui en donner le goût. « Tout ce qui est facile est mauvais », écrit-
il.
Alain considère l'instruction comme une lente, laborieuse et pénible conquête et la
culture comme une patiente maturation. Les deux s'élaborent se conquièrent au prix
d’efforts répétés et soutenus, mais ne se transmettent pas toutes faites. Il faut être
capable de s'élever jusqu’à elles. Pour conduire l'enfant au savoir, il importe de lui
inculquer le sens, la beauté de l'effort, la beauté du travail bien fait, lui enseigner le
respect de la difficulté à vaincre. C'est l'heureuse manière de l’amener à mesurer sa
force, son intelligence, à prendre conscience de sa grandeur « d'homme en herbe ».
C’est bien à dessein qu'il emploie l'expression « une noix épluchée », signifiant une
instruction toute digérée. Par elle, il fait allusion à la fable bien connue de la Fontaine :
la guenon, le singe et la noix. Une jeune guenon fort inexpérimentée, * cueille une noix
verte. Elle y porte la dent, fait la grimace ». D’où la moralité de La Fontaine, pleine de
sagesse... * Sans un peu de travail, point de plaisir ». Quel magnifique symbole dans
l’esprit d'Alain I La guenon représente l'enfant qu'il faut instruire et le singe, « l’état
d’homme » auquel l'éducateur doit amener l'enfant à se hausser.

II. QUE FAUT-IL EN PENSER :


Creusons davantage la pensée d'Alain afin d'en mieux examiner le bien fondé.
Disons, au départ, que par le mot instruction, il entend plutôt éducation.
L'enfant que l'on éduque doit devenir un homme. Il n'aura droit à ce titre que s’il sait
regarder en face, la vérité à vaincre et s’il parvient à en prendre conscience. Il est
ridicule de vouloir faire croire à l'enfant ce qui n’est pas. Le père de Montaigne, éveille
en douce musique le petit Michel afin de lui éviter le pénible arrachement au rêve. Alain
pense qu’il vaudrait mieux le réveiller brusquement et passer, sans transition, de
l'inconscience au réveil. Pas de scénario en éducation. Puisque l’enfant de l’E.P. doit
connaître sa table de multiplication, enseignons-la-lui sans détour. Faisons lui
comprendre très tôt que la solution d'aucun problème ne sera possible, sans la
connaissance imperturbable de cet élément clé. Le plaisir avilit l’homme qui s’en fait un
esclave. L'enfant doit être mis au courant des difficultés qu'il aura à vaincre dans la vie.
Il importe de lui inculquer le sens et le respect de ces difficultés. Exercer la volonté de
l’être jusqu'à ce qu'elle reste ferme devant toute difficulté, c’est là un des ressorts
essentiels de la pédagogie d’Alain. L’homme ne tire sa fierté que de la conquête des
plaisirs supérieurs, c’est-à-dire, de la domination qu'il impose à son animalité. La
grandeur de l'Humain naît de ce qu’il peut dompter sa nature et la soumettre aux lois de
sa raison.
Alain est un psychologue trop averti pour ne pas savoir que de tels buts sont
Inaccessibles à l'enfant de trois ans. Mais, il est persuadé que l'enfant dont on aura
aguerri très tôt la volonté, fera un caractère bien trempé. Ce n'est pas sans raison qu'il
Insiste sur la fragilité, la spontanéité, la soif de savoir, la plasticité de l'enfant.
L'éducateur doit exploiter les qualités de l'enfant pour l'orienter vers sa destinée réelle,
qui est de devenir un homme véritable. Le principe éducatif d'Alain repose sur le dicton
bien connu « Pas de roses sans épines ».
Le plaisir de triompher d’une difficulté fortifie la volonté. Le plaisir goûté est d'autant
plus grand que la difficulté est importante. On retrouve là la thèse du héros cornélien
pour qui.
« A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire »,
Alain sait que l’enfant qui vainc de petites difficultés, se prépare à triompher des
grandes.
D'autre part, lier l'instruction à l’idée du plaisir, c'est risquer d'engendrer la paresse,
l'indolence de l'esprit. Alain l'entrevoit parfaitement Mais sa pensée est elle une
exhortation à reprendre les méthodes d'éducation qui firent la grandeur de Sparte? Il n'y
a pas lieu de penser que ce soit là son Idée. Il sait que c'est la conquête qui fait le
bonheur du travailleur mais, que la soumission à la dure loi du travail y contribue aussi.
Quand l'effort exigé grandit, le mérite de l'homme grandit aussi. « Tout ce qu'on croit
facile est mauvais » écrit Alain. Le plaisir de triompher d’une difficulté fortifie l'homme. •
L'homme est fait pour se surmonter », écrit Nietzsche. « Il est fait pour se dépasser » dit
St Exupéry. Nous sommes des < SI- syphes » poussant, sans cesse notre rocher sur
une montagne dont nous savons fort bien que nous n’atteindrons jamais le faite.
Alain a bien raison d'insister sur le fait que ce n’est pas dans la facilité que se
forgent les âmes humaines, mais, plutôt dans l'effort, l'acharnement à vaincre.
Toutefois, Il serait dangereux de pratiquer sa méthode, sans aucune restriction,
même avec les enfants de l'E.P. Ceux-ci risqueraient d'être découragés par leurs
échecs répétés. Ils finiraient par prendre conscience de leur impuissance et
sombreraient dans le dégoût. L'enfant de cet âge ne peut être un courageux, moins
encore un stoïcien. La pédagogie émolliente perd ses droits à mesure que l'on s’élève
dans les classes supérieures.
Mais, n’oublions pas qu’Alain est habitué d’enseigner à des jeunes gens presque
majeurs. Peut-être faut-il chercher là les raisons de la rigueur et de l'austérité de sa
pédagogie. Il importe de retenir de sa théorie éducative qu'il ne faut pas habituer
pendant trop longtemps, l'enfant au plaisir, pour qu'il n'en conserve pas le goût, mais,
plutôt, l'entraîner à l'effort et, pour cela, faire marcher de pair, le couple : intérêt-effort.
SUJET N°41
« L'homme heureux n'est pas celui qui fait dans sa Yie deux parts : l'une
pour son travail, l'autre, pour son plaisir. L'homme heureux est celui qui
trouve dans son travail son plaisir. »
Appréciez cette pensée et tirez-en les principes pédagogiques qui s'imposent :

I. UNE MANIÈRE D'INTRODUIRE :


Dans la vie, travail et plaisir se côtoient. Reste à savoir si pour être vraiment
heureux, il est préférable d’affecter une partie déterminée de l’existence au travail et
l’autre, au plaisir ou ne pas dissocier ces deux facteurs au point que le second dérive,
en somme, du premier. L’auteur du texte pense que l’homme heureux trouve son plaisir
dans son travail.

II. QUEL BONHEUR EST PLUS RÉEL?


a) CAS DE L’HOMME QUI CONSACRE UNE PARTIE DE SA VIE AU TRAVAIL,
L’AUTRE AU PLAISIR ?
D’ordinaire, on fait du travail et du plaisir deux notions incompatibles, presque
irréductibles. Déjà, une raison de les séparer. Le travail suppose de la peine. C’est un
effort conscient et sérieux en vue de fins déterminées. On travaille pour gagner de
l’argent et, par cela même, assurer sa subsistance, pour subvenir aux besoins des
siens, sauvegarder sa dignité qui s'oppose à celle que s’en fait l’oisif, pour suivre sa
destination d'homme sociable. « L’homme est né pour le travail comme l'oiseau pour le
vol », dicton bien connu. Le travail entraîne fatigue musculaire et lassitude d’esprit. De
plus, il est pénible par la durée qui engendre.
Dès lors, le plaisir apparaît comme la compensation naturelle de l'effort déployé, une
sorte de détente, de dérivatif, de distraction orientant notre activité vers des
occupations réclamant moins de tension de notre être entier. Il permet à l’esprit de
reprendre du souffle. On dit souvent: Après le travail, le repos. D’ailleurs, l'activité
coutumière et incessante fait naître le désir d'évasion. Qui de nous n’a pas souhaité :
Vivement le samedi I Vivement la cloche I Vivement la libération ! L’obligation d’obéir à
l'horaire, aux directives du patron, de la circulaire, aux exigences déterminées du
métier, incitent à croire que l’on-est un esclave, un « damné de la terre ».
Travail et plaisir, ainsi conçus semblent être faits plutôt pour se succéder, se relayer.
L'homme qui consacrerait à chacun d'eux une partie exacte de sa vie devrait
normalement être heureux. Il n'est pas superflu d'insister sur la variété des plaisirs
auxquels il peut s'adonner et qui peuvent être
de nature à détériorer grandement la noblesse du travail exécuté ou les avantages
qu'il serait censé en tirer. Demandons-nous si une conception plus saine du bonheur
n'incline pas à croire avec V. Hugo que « le travail est joie », ou avec A. Gide que « le
bonheur réside dans l’accomplissement du devoir ».
b) CAS DE L’HOMME QUI TROUVE DANS SON TRAVAIL SON PLAISIR
Celui là exécute son travail avec âme, sans doute, parce qu'il arme son métier.
L'effort qu’il déploie pour le réaliser met en jeu toutes ses facultés et se traduit toujours
par un sentiment de plénitude vitale qui n’est autre que le bonheur. A l'instar, de
Tolstoï, il ne se sent heureux que quand il s’est donné de la peine. La psychologie
révèle que le fait d’atteindre le but que sa volonté s'est proposé, celui de réaliser un
désir, s'accompagne d'un épiphénomène appelé plaisir, reflet de ce succès matériel sur
la conscience. Parce que ce type d'homme satisfait une tendance, un penchant, (désir
de réaliser un travail bien fait), il sent au plus profond de lui-même comme l’éclosion
d’une fleur, parfum rare qui baigne toute son âme dans un bien être ineffable. C’est ce
que les philosophes appellent « l’épreuve de la complétude ». Il atteint, pour un instant,
« le sommet de sa nature. »
Alain pense que « le mérite vient de la difficulté vaincue ». Il écrit que « les vrais
problèmes sont d'abord amers à goûter ». Il ajoute que « le plaisir viendra à ceux qui
auront vaincu l’amertume ». Il y voit même une manière d’amener l'homme à penser au
lieu de goûter.
Ce genre d'homme se révèle plus heureux que le premier parce que, à l’occasion
de son travail, il apprend à penser, à méditer, à tirer parti des attributs supérieurs de la
nature humaine.

III. PRINCIPES PÉDAGOGIQUES QUI S'IMPOSENT :


Ils sont nombreux et découlent presque tous de la conception que l'on se fait de la
tâche à accomplir.
On ne fait bien que ce qu’on aime, ce qu’on éprouve du plaisir à exécuter Aimer la
tâche que l’on fait, la méditer sans cesse, se persuader que du travail bien conçu et
honnêtement réalisé, se dégage une joie tonifiante pour la nature humaine : celle de
l’effort de la réussite et du mérite provenant de la difficulté vaincue.
Nous tombons, dès lors, dans une attitude opposée à celle de la pédagogie
moderne qui prétend épargner à l’élève tout effort pénible. Il importe de comprendre
que l’homme tire sa .fierté de la domination qu’il impose à son animalité. Il en résulte
qu’il faut provoquer en lui le respect de la difficulté à vaincre, le désir d’exercer sa
159
volonté, pour, qu’elle reste ferme en face de toutes les épreuves.
Celui qui trouve son plaisir dans son travail appartient à la catégorie des hommes
qui voient dans la pensée ou l'intelligence l'honneur de l'homme (Descartes, Pascal,
Alain), et dans sa volonté d'agir selon sa pensée, comme un miracle humain. Les
enseignements qu'on, peut en tirer ne sauraient s'appliquer intégralement aux enfants
des petites classes, mais, ils doivent surtout prendre rang dès que l'enfant se révèle à
même de les comprendre et de les appliquer.
* Il y a de l'artisan dans tout éducateur », dit-on. Plus que tout autre, ce métier

mérite d'être médité. Pour aimer son métier, Il faut en choisir un, qui répond à nos
tendances, nos aptitudes et nos désirs. SI notre choix est bien fait, nous éprouverons
autant de joie à l’accomplir que le serrurier Chalifour ou le potier Yamoun de G.
Duhamel.

160
SUJET N°41
Est-il vrai que « le seul moyen d'être heureux est de ne pas penser à soi, de
travailler pour autrui, de se donner à une œuvre dans laquelle on a foi ? »
Dans quelle mesure la profession d'instituteur satisfait cet idéal ?

Une manière, entre mille, de comprendre le devoir:


I. EN GUISE D'INTRODUCTION :
La fin dernière à laquelle tend l’homme est le bonheur, c’est-à-dire, la pleine
satisfaction de ses tendances. L’homme heureux est celui à qui rien ne manque, qui est
comblé. Cependant l’élément essentiel du bonheur humain demeure son élément
objectif, c’est-à-dire, la perfection que l’on a atteinte, les richesses que l’on possède.
Celles-ci peuvent être d’ordre matériel : argent, meubles et immeubles, cultures,
industries et aussi d’ordre spirituel : culture Intellectuelle et morale.
Mais, le bonheur n’est pas complet sans son élément subjectif, c’est- à-dire, la joie
provoquée par la conscience de sa perfection et de ses richesses. Pas de vrai bonheur
sans le sentiment de son bonheur et ce sentiment est le plus profond qui soit.
« Plus nous devenons parfait, plus nous devenons heureux... Le bonheur n’est qu’un
résultat, il n’est pas le but. La fin, le but, c’est la perfection, le bien », dit le philosophe J.
Leclerq.
Des éléments susceptibles de construire le bonheur durable, l’auteur du texte en
retient trois :
Le premier c’est de ne pas penser à sol, c'est-à-dire exclure de sa vie l’égoïsme
individuel.
Le second, ce serait de travailler pour autrui, c’est-à-dire, mener une activité altruiste,
susceptible de profiter davantage à autrui, qu’à nous-mêmes.
Le troisième, c’est d’avoir confiance dans l’œuvre à laquelle on s’adonne.
Les trois éléments de fond de sa pensée sont ::
L’exclusion de toute préoccupation égoïste de son existence ; la conception altruiste
de l’activité professionnelle que l’on s’est choisie, enfin, avoir confiance et croyance,
sérieusement, en la puissance de la tâche choisie.

II. CONTRIBUTION DE CHACUN DE CES ÉLÉMENTS AU BONHEUR DE


L'INSTITUTEUR :
a) EXCLUSION DE L’EGOISME :
Chacun sait qu’éduquer, c’est se donner. C'est donner à autrui. C’est s’oublier soi-
même au profit 161
des autres, en somme, leur faire offrande de sa propre substance. Le
véritable enseignement se trouve en opposition formelle avec toute conception égoïste,
de l’existence. L’Instituteur, loin de vivre pour lui et de ne penser qu’à lui comme le
Gnathon de La Bruyère, fait à ses élèves le don choisi de ce qu’il a de meilleur de plus
noble et de plus certain. De meilleur, parce qu’il fait un tri parmi ses connaissances et
n’offre que celles susceptibles de servir à l’enfant. De noble, parce qu'il laisse de côté ce
qui est inutile ou attriste l’espèce humaine pour faire connaître ce qui encourage et
tonifie. De plus certain, parce qu’il sait que l'enfant qui lui est confié n'a pas de temps à
perdre en « théories savantes et en discussions oiseuses ».
Eduquer, ce n’est pas seulement emplir l’esprit de l’élève, c’est aussi former son
cœur, l’aider à s’élever vers un idéal de bonté, de justice, d’amour humain. C’est
communiquer sa propre foi dans ces valeurs qui donnent tout son prix à la vie humaine.
Eduquer véritablement exige le "renoncement à soi, mais le don total et désintéressé de
soi. M. R. Hubert écrit: «Tout enseignement est déjà par lui-même un don de soi...» A
plus forte raison l’éducation.
b) TRAVAILLER POUR AUTRUI :
Plus qu'ailleurs, le métier d’instituteur oblige à travailler pour autrui. Le maître
travaille pour repenser ses connaissances et faire la mise au point nécessaire. Les
élèves bénéficient de ce travail. La satisfaction légitime qu’éprouve l’instituteur, au soir
de sa carrière, c'est d’avoir travaillé à former des générations. Que de maîtres d'écoles
d'un village ont eu à instruire le père, puis les fils et les filles I
c) SE DONNER A UNE TACHE EN LAQUELLE ON A FOI :
L’Instituteur doit connaître le prix de sa tâche. Il sait qu’il prépare, par l’enfance, la
France de demain. N’est-ce pas là une œuvre absorbante et exaltante qu'il doit aimer I
C'est parce qu'il aime sa tâche qu’il s’y donne tout entier, c’est-à-dire, qu’il s’y consacre
sans réserve avec la passion d'un apôtre. Il se trouve d'autant plus heureux de se
dévouer à une tâche qui l’inspire, pour laquelle il se sent fait et qu’il a choisie, parce qu’il
croit en la puissance (vertu) de son œuvre. M.R. Hubert discerne trois éléments
essentiels dans la vocation pédagogique.
a) L’amour de l’enfance, fait de sympathie, de respect, de compréhension et

d’attachement.
b) Le sens des valeurs, c’est-à-dire, la foi en un idéal propre à faire l’objet de

l’éducation.
c) Le sens de la mission, c'est-à-dire, la conscience de la responsabilité assumée,

non seulement vers l'enfant, mais de la société et de l’humanité.


Aussi comprend-on qu’A. Croiset ait écrit : « On ne peut se donner tout entier qu’à
une tâche dont on sait le prix et qu’on aime. »
III. CONCLUSION :
Le métier d'instituteur satisfait pleinement à l'idéal que l’auteur de la pensée se fait du
bonheur. Plus que tout autre, le maître ne pense pas à lui, travaille et a confiance en la
valeur de l’œuvre qu’il accomplit. L’efficacité de sa tâche et de sa mission en dépend.

163
SUJET N°43
« Il n'y a de progrès pour nul écolier au monde, ni en ce qu'il entend, ni en ce
qu'il voit, mais seulement en ce qu'il fait. »
Commentez cette pensée d'Alain, et dites quelles applications pédagogiques vous
en faites dans votre classe.

I. EN GUISE D'INTRODUCTION :
Dans ses Essais, Montaigne écrit : « Voici mes leçons : celui-là y a mieux profité qui
les fait que qui les sait ». On sent bien que l'illustre philosophe, à la manière d’Alain,
accorde plus d’importance à faire qu’à savoir... A son tour, reprenant symboliquement
l’exemple du piano, Alain souligne qu'il ne s’agit pas de parler passablement de
Beethovën mais de bien jouer ses œuvres. Il écrit: «Or, parler passablement n'est pas
difficile ; c'est jouer qui est difficile. Et enfin, « il n'y a de progrès pour nul écolier... en ce
qu’il fait ».

II. EXPLICATION :
Le propos à examiner contient deux critiques directes.
La première, symbolisée par le verbe entendre, s’adresse à la leçon magistrale que
l’élève écoute passivement. Prenant exemple sur le maître de piano qui met l’élève au
clavier, l’instituteur doit amener son disciple à exercer son attention, à fortifier sa volonté
en le mettant à l’épreuve, en le faisant expérimenter directement et personnellement.
La seconde, mise en valeur par le verbe voir, vise l’enseignement fondé sur l’intérêt
facile qui plaît aux yeux et amuse davantage l’enfant qu’il ne l’élève. Le maître doit
apprendre son élève à « s'intéresser par volonté », c'est-à-dire, l'initier aux plaisirs
supérieurs qui sont toujours difficilement conquis. Qu'il l’habitue à déployer un effort
gradué, certes, mais, « dans le sens de la montée. » Le maître d'école, dit Alain, n’est
pas un camelot.
L'élève ne progresse que lorsqu’il fait’ par lui-même. Le verbe faire prend un sens
particulier aux yeux d’Alain. Pour J. Dewey faire, c’est accomplir un acte complet
d’intelligence créatrice s'étendant de la position du problème jusqu’au contrôle de la
solution imaginée.
Pour Alain, il signifie un appel à l'activité, un rejet des méthodes basées sur la pure
mémoire mais, avant tout répéter, imiter. Il reste fidèle en cela, au principe le plus
164
important de tout enseignement qu'il a nettement formulé en ces termes : « On apprend
seulement en agissant et en s’exerçant. »
Dans un de ses Propos, il écrit : « On n’apprend pas à dessiner en regardant un
professeur qui dessine très bien. On n'apprend pas à écrire et à penser en écoutant un
homme qui parle bien et qui pense bien ».
Restant logique avec lui-même, il pense qu’un enseignement bien mené a pour
couramment l’invention. Mais, « il n'y a qu’une méthode pour inventer qui est d'imiter. Il
n’y a qu'une méthode pour bien penser qui est de continuer quelque pensée ancienne et
éprouvée ».
Alain compare l'écolier à l'apprenti. Il doit travailler comme tel. Il écrit: « L'apprenti
violoniste ou l’apprenti pâtissier qui ont à se débattre avec une matière rebelle qui «
sanctionne » impitoyablement leurs erreurs, font des progrès authentiques et
parviennent à maîtriser une technique, contrairement aux enfants « nés en bourgeoisie »
qui n’ont jamais à affronter la réalité et vivent dans un monde où l’opinion est tout. »

III. COMMENTAIRE :
Le propos d’Alain conduit à s’interroger sur la valeur pédagogique de l’expérience
personnelle. Est-elle réellement expérience, discipline et maintient-elle forcément dans
le vrai ?
Dans sa Psychologie de l’enfant Wallon écrit : « Sur le plan verbal, l’enfant dit
facilement n’importe quoi. » Mais', il remarque : « Ses gestes, conduits par une pensée
implicite sont relativement bien ajustés. »
Il s’en suit que l’on peut juger de ce qu’il sait par ce qu’il sait faire. C’est que le
critérium de son savoir, comme le croient certains maîtres, n’est nullement la récitation
de la leçon. Réciter le livre d’arithmétique, reprendre les démonstrations de théorèmes
géométriques demeure peu de chose. C’est seulement aux problèmes qu’on juge du
savoir des élèves. Peut-être même, faut-il aller plus loin et voir ceux-ci résoudre, à
l’atelier, les vrais problèmes de la réalité, outils en mains.
P. Valéry qui écrit : « Je sais ce que je sais faire » distingue : le savoir qui ne sait rien
faire ou savoir éminent du savoir qui sait faire. Comme le pense Bacon, le vrai savoir
confère pouvoir. C’est peut-être, la raison pour laquelle Alain le considère comme
progressif.
Ce propos conduit aussi à penser que les formules verbales n’ont aucune valeur
dans notre enseignement primaire. Elles en conservent une grande mais, à la condition
expresse de maintenir leur contact avec la réalité, il Importe qu’elles ne substituent pas à
l’expérience directe des choses. C’est le rôle du maître d’apprendre à l’enfant à faire le
raccord entre les formules et la réalité, car pour ce dernier ces deux plans demeurent
longtemps éloignés sinon séparés. La pédagogie moderne pose d’ailleurs le problème
de l’adéquation exacte de l’expérience et des formules en accordant le pas à
l’expérience. Celle-ci « doit être élaborée par une pensée vivante et qui s’en nourrit ».
L’esprit ne progresse et n’acquiert des connaissances utilitaires que par l’effort. « Il faut,
dit M. Lelf que l’esprit se prenne à la chose, qu’elle l’intrigue, qu’elle le préoccupe,
qu’elle soit pour lui un tourment, qu’il déploie son activité, ses forces et ses ressources
pour en venir à bout ». C’est dire que l’esprit ne peut apprendre que de lui-même en
déployant des efforts personnels et en corrigeant progressivement ses maladresses, s'il
entend faire acquisition de connaissances nouvelles. Dans son Emile, Rousseau
demande : « A quoi voulez-vous qu’il pense quand vous pensez à tout pour lui ».
Le propos d'Alain réclame l’emploi de « méthodes excitatrices de la pensée. »
IV. APPLICATIONS PÉDAGOGIQUES DANS LA CLASSE :
Rousseau a centré sa pédagogie sur cette exigence dont Alain s'inspire. Le
précepteur intervient à peine pour provoquer et stimuler la curiosité d'Emile. Il ne fait
point de discours, pose peu de questions, juste ce qu’il faut pour mettre l'élève en route
et l’engager sur la voie. Ce qui se révèle fécond, c’est la recherche concentrée
silencieuse et non l’activité babillarde. Mieux. Rousseau conseille au précepteur de ne
pas intervenir davantage s'il volt l’élève s'égarer, car c'est en corrigeant soi-même,
péniblement ses erreurs qu’on progresse.
C'est bien la théorie exposée par Alain dans le propos examiné.

166
SUJET N°44

Vous avez lu ces mots dans un rapport d'inspection : « Le maître fait preuve d'esprit
d'initiative. »
Que signifient-ils chez un éducateur?
Que faire pour le développer chez l'enfant ?

I. QU'EST-CE QUE L'ESPRIT D'INITIATIVE?


Dans une page admirable, Ch. Wagner le définit : « une humeur entreprenante
aimant tout ce qui est nouveau, Inconnu et s'y portant avec passion ». Il ajoute : « C'est
ensuite, la faculté de trouver des ressources en soi-même, d’avoir en soi, le ressort et
les motifs de ses actions. »
Il en résulte que le maître pourvu d’esprit d’initiative possède le sens des décisions,
se passionne pour la nouveauté. Il trouve en lui le pouvoir d'assumer ses
responsabilités, d'affronter ses contradicteurs, de persévérer dans ses entreprises.
Ses éléments constitutifs tiennent à la fois, de la tradition et du progrès.
L'esprit de tradition est gardien du bien acquis. L'esprit d'initiative est chargé
d'acquisitions nouvelles.
De plus, tout progrès suppose un point d'appui et un essor en avant. Mais l’homme
naît tributaire du passé. L'initiative n'est possible que si le passé respecte en nous
l'avenir. Une génération maintenue dans la tutelle morale se révèle incapable de vérifier
et de faire fructifier les trésors du passé. De même, le présent ne peut pas éliminer
complètement le passé. Ce seraient l’incohérence et le caprice, la stérilité dans le
désordre.

II. QUE FAIRE POUR LE DEVELOPPER CHEZ L'ENFANT?.


Il Importe de savoir avant tout jusqu’à quel point il existe chez nos élèves. Il suffit
pour cela d'observer la façon dont ils organisent leurs jeux, créent ou transforment leurs
jouets, les combinaisons qu’ils élaborent et réalisent en vue d'arriver à leurs fins... On en
arrivera ainsi à conclure qu'à des degrés divers, il fait presque tous, et, spontanément,
preuve d'esprit d'initiative.
Reste à développer cette tendance qui existe naturellement. Mais n'oublions pas,
qu'en elle, « il y a une place pour l'imagination qui ébauche et conçoit, et, une autre pour
la raison qui discute, puis une autre pour la volonté qui exécute », dit Jacoulet.
Développer l'esprit d'initiative revient à agir sur ces facultés.
Il faut alors pratiquer l'éducation physique. Seul un corps robuste pousse à l'action.
De plus, utiliser les différents enseignements de l'école pour exercer : imagination,
réflexion, et volonté qui demeurent les éléments constitutifs de l'esprit d’initiative.
L’enfant ne peut conserver sa personnalité s'il n'a le sentiment de sa dignité et la
fierté de rester lui-même. La morale lui fait éprouver le sentiment de ses obligations
sociales.
L’histoire et l’instruction civique le renseignement sur le passé dont il est tributaire,
l'amènent à sentir que les générations nouvelles tiennent aux précédentes « par un
respect parfait qui les aide à se comprendre matériellement ». Elles lui offrent des
exemples de ce qu'à pu faire l’esprit d'initiative dans tous les temps et dans tous les
pays.
Il importe aussi de mettre à profit les diverses circonstances de la vie scolaire qui
sont des occasions de vouloir et d’agir. L'activité personnelle est l’élément éducatif par
excellence.
En outre, on peut tirer parti du milieu pour rendre l’enseignement moins abstrait,
moins passif et offrir à l'imagination l'occasion de s'exercer (histoire, géographie et
sciences locales).
Les manifestations d’activité créatrice volontaire sont à encourager parce qu’elles
précisent et préparent le travail personnel. Chacun sait., comment l’humeur de l’enfant
est entreprenante, aime tout ce qui est nouveau, inconnu et s'y porte avec passion
(utilité des jeux, des sports, des sorties et des excursions) dont la pratique enseigne
les longues patiences, l'endurance et d’apporter dans ses entreprises, le feu des
premières heures.
La pratique du travail manuel est propice à la culture de l'activité personnelle.
Enseigner à l'enfant la valeur de l'effort personnel en présence des difficultés à
résoudre.
En résumé, l’enseignement dispensé par un maître aura d'autant plus de valeur
qu’il saura faire preuve d’un intelligent esprit d'initiative.

168
SUJET N°45
« Il apparaît donc avec netteté que le rôle essentiel des maîtres des classes
primaires élémentaires est maintenant, et plus encore que par le passé,
d'établir les fondations solides et durables de tout l'édifice scolaire. »
Que faut-il penser de ce passage de la Circulaire Ministérielle du 19 Octobre
1960?

Quelques idées sur le sujet :

I. EN MANIÈRE D'INTRODUCTION :
Autrefois, les élèves de l'Ecole primaire laissaient la classe à 14 ans et s’engageaient
dans une profession. Le rôle du maître consistait à les mettre en mesure de continuer à
s’instruire et de leur en donner le désir. Il n'en est pas de même aujourd'hui, la scolarité
étant obligatoire jusqu'à 16 ans. Le rôle du maître a aussi changé. C’est dans cet esprit
que M. Lebettre, alors Directeur des Enseignements élémentaire et complémentaire
adressait aux instituteurs sa Circulaire du 19 Octobre sur «l'efficacité de l’enseignement
primaire ». Il insiste sur un impératif. « Il Importe que l'écolier primaire apprenne bien ce
qu’il doit apprendre, que les mécanismes de base soient fortement enseignés ». Cette
Circulaire rappela aux maîtres primaires que l'essentiel de leur rôle consiste désormais à
« établir les fondations solides et durables de tout l’édifice scolaire ».

II. QUE FAUT-IL EN PENSER DE CE PASSAGE ? :


M. Lebettre commence par rappeler qu'actuellement, le cycle d’Observation ouvre
ses portes à tout écolier ayant accompli une scolarité primaire normale. Il Importe que
l'élève possède de manière très sûre les connaissances fondamentales. Il ajoute : «
l’expérience a montré que les connaissances et mécanismes de base que les maîtres
pouvaient croire solidement acquis, se révèlent souvent fragiles et imprécis ».
Cette nécessité d'établir des fondations solides s'impose surtout dans les disciplines
fondamentales : lecture, grammaire, orthographe, rédaction et calcul.
Il précise ce qu’il faut attendre d’un enfant de 10 à 12 ans, d’intelligence normale :
— qu’il ne trébuche pas en déchiffrant un texte simple (mécanismes de la lecture
bien assurés) ;
— qu'il connaisse les règles élémentaires de la conjugaison et de la grammaire ;

— qu'il s’exprime correctement, oralement et par écrit et se montre capable d'ordonner


ses idées en un petit paragraphe ;
— qu’il n’hésite pas sur le sens d’une opération arithmétique et ne commette pas

d’erreurs dues à une connaissance imparfaite des tables.


Il recommande aussi ce qu’il faut faire pour y parvenir: Répétitions fréquentes et
exercices d’entraînement nombreux. Il importe, pour ce faire, de réhabiliter la mémoire
car pour de jeunes enfants, « le par cœur demeure la forme la plus authentique et la
plus durable du savoir. » Il insiste sur la mission et l'utilité de chaque cours : (étude des
divers sons au C.P. ; règles d'orthographe et de conjugaison, tables d'addition, de
multiplication, au C.E. ; règles et formules fondamentales au C.M.) Revenir
quotidiennement et durant un assez long temps sur les règles fondamentales : pratiquer
des exercices rapides d'application ainsi que des répétitions orales afin d’en assimiler la
connaissance Imperturbable pour en établir comme une sorte d'automatisme, de façon à
en garantir la pérennité.
Multiplier les occasions d’exercices élocution, habituer l'enfant à préciser sa pensée
avec clarté et correction, l’entraîner à l’attention et à l’effort, préparation efficace à
l’entrée en 6e.
Au besoin même, sacrifier au profit des disciplines fondamentales (français et calcul),
les autres matières du programme (histoire, géographie, sciences), si nous voulons que
nos élèves abordent et suivent dans de meilleures dispositions et avec fruit les études
auxquelles ils sont destinés.
En conclusion, le rôle de l’Ecole primaire consiste bien à établir des fondations
durables de l'édifice scolaire car, c’est de leur sûreté que dépend tout l'avenir intellectuel
de l'enfant.

170
SUJET N°46
Quelles réflexions vous inspire ce passage d'Alain (Propos sur l'éducation) :
« L'école primaire offre ce spectacle ridicule d'un homme qui fait des cours. Je
hais ces petites Sorbonnes. J'en jugerais à l'oreille, et seulement par une
fenêtre. Si le maître se tait et si les enfants lisent, tout ra bien. »
A. S.C.I. (Martinique, Session Mai 1966).

I. COMPRÉHENSION DU SUJET.
Le propos à examiner illustre, de façon précise, la conception pédagogique d’Alain,
relative à l’attitude du maître d’école primaire dans la salle de classe, au travail de
l’élève et au but principal de l’enseignement élémentaire.
Le maître ne peut prétendre tout enseigner. Il ne doit chercher « ni à plaire, ni à
briller, ni même à intéresser trop passionnément son auditoire. Sa qualité essentielle est
d’être discret et serein ». Il s’en suit : pas de leçon magistrale que l’élève écoute,
bouche bée. La conscience fascinée est « le contraire de l’attention véritable ». Trop
souvent, les classes primaires sont « des Universités en raccourci ». Le maître s'instruit,
peut-être, pas l'élève.
L’élève, lui, n’a qu’une ambition : sortir de l'état d’enfance. C'est pourquoi l'école est
un lieu où il doit travailler beaucoup et l'instituteur peu. Si l’élève entend exercer son
attention et fortifier sa volonté, il importe qu'il fasse lui-même et non qu’il écoute
passivement.
Le but essentiel de l'enseignement primaire, selon Alain, n'est pas d'apprendre à lire
de la physique ou de l'histoire, mais, « à lire des livres de physique ou d’histoire ».
L’enseignement fondamental y est la lecture. Il faut apprendre à lire vite, à reconnaître
le mot globalement, sans l'épeler, Il importe de proscrire la lecture à haute voix, trop
mécanique. Il faut conserver l'orthographe traditionnelle qui donne au mot sa
physionomie propre, reconnaissable de loin. Alain fait l'apologie des humanités
traditionnelles (antiquité et classiques) parce que, les langues dites mortes, apprennent
vraiment à lire.

II. COMMENTAIRE DE LA RÉFLEXION :


A) ATTITUDE DU MAITRE:
Deux raisons incitent le maître à n'être ni silencieux, ni discret. Il ne se tait pas, parce
qu’il veut tout enseigner. Il veut briller. Il entend plaire à son Inspecteur qui exige de lui
171
des leçons éloquentes. Il en résulte toujours conflit entre l’instituteur, « formé
rustiquement par l'expérience » et l’inspecteur ou Pédagogue, «vieil enfant, bourré de
fausse psychologie et de fausse poésie ». De plus, « les cours magistraux sont temps
perdu ». Ils conviennent davantage aux adultes au niveau de la Sorbonne et non aux
enfants d’école primaire.
Enfin, Alain trouve « bourgeois » notre enseignement primaire qui ne doit nullement
viser à cultiver une élite, mais, se soucier de tous et, particulièrement, des plus
déshérités. Le terme déshérité ne convient même pas. Disons plutôt, qu’il existe des
esprits lents ou lourds. Mais, aucun n’est marqué au fer rouge. Tout est question de
méthode et de volonté. « Chacun est aussi intelligent qu'il veut ». (Propos 24). « Aucune
fatalité ne doit me décourager... L'essentiel est de vouloir, d'oser user de sa liberté et de
résister aux tentations de découragement ». C’est pourquoi, l’éducateur doit être, avant
tout, « maître de courage ».
En outre, les cours magistraux témoignent, la vanité, l'ambition du maître qui prend
plaisir à s’écouter. Enfin, on les oublie vite. Que le maître se taise, propose Alain. Qu’il
Improvise même. Le principe le plus important de tout enseignement est que l’on
apprend seulement en agissant, en s’exerçant. « On n’apprend pas à dessiner en
regardant un professeur qui dessine très bien... On n'apprend pas à écrire et à penser
en écoutant un homme qui parle bien et qui pense bien. » (Propos 37). Il ajoute : « Je
conçois la classe comme un lieu où l'instituteur ne travaille guère et où l'enfant travaille
beaucoup. Les enfants lisant, écrivant, calculant, dessinant, récitant, copiant et recopiant
» (Propos 33).
Si cette thèse d’Alain est fondée sur l'apologie de l'effort qu'elle commande chez
l’élève, elle soulève des remarques quant au peu de travail exigé du maître. Ce dernier
doit préparer sérieusement son enseignement s’il entend le dominer vraiment.

B) ATTITUDE DE L’ELEVE:
Alain veut que l’élève soit actif, qu’il travaille, mais, surtout, qu'il s'initie à la lecture,
car tous ses progrès futurs en dépendent. Les raisons en sont les suivantes :
a) Seule, la lecture nous introduit dans l'ordre humain. Elle police et humanise
l’homme car elle est faite de signes. C'est en «essayant les signes que l’enfant arrive
aux idées ». Il s'en sert même avant de les comprendre. « Connaître les bons signes
constitue l’essentiel du savoir. » C’est pourquoi les leçons de choses ne sont pas
tellement urgentes : les leçons de signes d'abord, c'est-à-dire, exercices de lecture, de
vocabulaire... « Si j'étais chef des beaux parleurs... toutes les leçons seraient de lecture
». Apprendre à déchiffrer les signes, c’est-à-dire, à lire, doit être la première tâche de
l’éducateur.
b) Les sciences étonnent et intéressent davantage l’enfant qu'elles ne l’instruisent. Il
faut même proscrire, pense Alain, la vulgarisation des toutes dernières découvertes
scientifiques qui déconcertent et sont trop loin de l'expérience. Peut-être, vaudrait-il
mieux enseigner les théories physiques classiques, même si elles sont anciennes, car,
elles « apprennent172 à raisonner sur des exemples simples et montrent comment s’opère

la rationalisation des phénomènes observés».


Bref, la moindre fable de La Fontaine se révèle plus riche pour l’enfant que la surface
du carré.
Enfin, Alain n'est pas partisan des méthodes actives dans le sens où nous les
entendons aujourd’hui. C’est qu'il est d'abord un intellectualiste. Le savoir pratique vient
après l'intelligence. Savoir faire n’est pas savoir. Le savoir faire est commun à l’homme
et à l'animal mais, le savoir est le propre de l'homme. C'est pourquoi l'enseignement n’a
pas pour but de former des techniciens. -»
« Polynésien téléphonant, cela ne fait pas un homme », écrit-il.
Pour Alain, la véritable éducation va de l’abstrait ail concret, et notre connaissance
va toujours du général au particulier. Le développement de l'intelligence consiste à
préciser davantage le sens des signes et à trouver une clé pour chaque chose. « Les
enfants, disait Aristote, appellent, d'abord, tous les hommes, papa ». C’est que les
premiers signes sont les plus généraux qui soient.
Or, la lecture, est, avant tout, connaissance des signes. C’est pourquoi, après avoir
montré à déchiffrer les signes, l'éducateur montrera à l'enfant à rapprocher le signe de
la chose.

III. CONCLUSION.
Malgré son apparente sévérité, le propos examiné contient une leçon de modestie
pour les maîtres primaires qui ont toujours la tendance de parler beaucoup, qui
s’écoutent parler, s'instruisent, sans doute, mais, davantage que les élèves qu'ils ont
mission d’instruire.
Alain cultive à outrance, la théorie de son Professeur Lagneau qui se résume par la
formule: se savoir esprit. L’éducation idéale conduit l'homme à se découvrir esprit,
restant, en cela, bien d’accord avec son maître qui disait : « L'homme qui a une fol3
réfléchi, a transformé sa vie ». C'est pourquoi la réflexion et la raison demeurent les
attributs essentiels de l’homme qui le diffèrent de l'animal.

173
SUJET N°47
«Ce qui intéresse n'instruit jamais » écrit Alain.
Commentez et tirez-en des applications pédagogiques pratiques.

INTRODUCTION POSSIBLE:
Les récents progrès de la psychologie enfantine ont mis en honneur les méthodes
attrayantes et sont même arrivés à faire du jeu un procédé d'éducation. Alain s'élève
être contre ces pédagogies qui prétendent instruire en amusant. C’est pourquoi il écrit :
« Ce qui Intéresse n'instruit jamais ».

I. EXPLICATION ET COMMENTAIRE :
L'intérêt auquel fait allusion Alain est l’intérêt facile qui flatte les yeux et les oreilles,
qui distrait l'esprit de l'enfant et le porte) sans qu’on s'en doute, à se détourner de ce qui
devrait normalement, l'occuper. Ainsi compris, il provoque, au lieu et place de l’attention,
une impression « facile et agréable » qui est juste le contraire de l’attention véritable. Il
précise à raison, que « l'attention facile n’est pas l'attention ». Elle ne peut permettre
l’acquisition des connaissances, c’est-à-dire, de l'instruction. L’attention vraie suppose
un effort sérieux, une tension do l’esprit entier, parfois pénible au sujet qui la fournit.
L'instruction, elle, exige une lente et progressive maturation. Elle ne s'acquiert pas du
jour au lendemain. C'est une conquête dérivant de l'activité incessante de l’esprit. Alain
considère l’instruction comme une activité sérieuse qui « doit être rigoureusement
séparée du jeu ». C'est pourquoi il écrit : la cloche où le sifflet- « marque le retour à un
ordre plus sérieux ».
De plus, ce pédagogue considère que l’éducation véritable ne doit nullement
épargner à l'enfant l'effort pénible. C’est le tromper que de lui faire croire que tout est
facile. Il trouve ridicule la vieille coutume employée pour Socrate qui consiste à enduire
de miel les bords de la coupe contenant du poison. Il condamne sans appel tous les
procédés pédagogiques visant à masquer l'effort à l’enfant. Il pense que si le plaisir dont
on se fait l'esclave avilit l'homme, celui de triompher d’une difficulté à surmonter est
important. « A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire », semble penser Alain.
De plus, l’homme est fait pour se surmonter. A cet éternel Sisyphe, Il faut un but
difficile à atteindre, aussi élevé que possible et, hors de portée même. C'est peut-être,
pourquoi il recommande de ne pas Initier l’enfant aux très dernières découvertes de la
science. Il est bon de goûter du plaisir après avoir vaincu, mais, il est meilleur de le
trouver durant la lutte victorieuse.
II. APPLICATIONS PÉDAGOGIQUES QUI S'EN DÉGAGENT : 174

L’attitude d’Alain n’est pas sans rapport avec le stoïcisme. Le pédagogue qui s’en
inspirerait à la lettre se proposerait de former des hommes vrais. Ce n’est point dans la
facilité que se forge une âme, mais, plutôt dans l’effort et l’acharnement à vaincre.
Cependant, il serait dangereux d’utiliser littéralement la méthode d’Alain avec les
enfants de l’Ecole primaire. Il faudrait éviter de leur faire accumuler échec sur échec, de
prendre conscience de leur impuissance notoire et de les faire sombrer dans le dégoût...
En outre, il importe que leur volonté, se détende et qu’ils s'abandonnent même pour
un moment, aux sollicitations de leur nature d’enfant. La pédagogie émolliente conserve
ses droits impératifs dans les petites classes. S’il ne faut pas habituer durant un temps
trop long l’enfant au plaisir, il ne faut pas, non plus, lui présenter au départ, la vérité à
vaincre dans toute sa nudité. Un enfant habitué pendant trop longtemps au plaisir ne
saura jamais regarder en face la science austère et aride, non plus, les nécessités du
devoir à accomplir.
Il importerait, peut-être, de revenir sur nos méthodes d’éducation, d'habituer et
d’entraîner l'enfant à l’effort progressif dans une mesure compatible avec sa nature. Une
éducation trop molle lui apprend à compter sur autrui. Une éducation plus serrée lui
enseigne qu'il faut d’abord compter sur soi. La sensibilité n’a pas beaucoup de valeur
aux yeux d'Alain puisque nous l’avons en commun avec l'animal et même la plante.
Seule, l'intelligence est la faculté humaine de l’homme, parce qu’elle lui permet de
s’adapter, mais, elle se manifeste par la pensée. Pour dissiper la rigueur apparente de
sa pédagogie, le mieux est de s’ingénier à associer le couple intérêt-effort.

UNE CITATION D'ALAIN :


« Je ne dirai pas seulement que tout ce qui est facile est mauvais. Je dirai que ce
qu’on croit facile est mauvais. Les vrais problèmes sont d’abord amers à goûter... Je ne
promettrai donc pas le plaisir, mais, je donnerai comme fin la difficulté vaincue : tel est
l’appât qui convient à l’homme. »

175
SUJET N° 48
« Je ne crois pas à ces leçons amusantes qui sont comme la suite des jeux...
Le travail est activité sérieuse qu'il faut rigoureusement séparer du jeu. »
Que peut-on retenir de ce mot d'Alain du point de vue pédagogique ?

QUELQUES IDÉES SUR LE SUJET :


Deux Idées pédagogiques essentielles se dégagent de ce texte d’Alain. La seconde
n’est que la conséquence de la première. Alain pense qu’on ne peut pas instruire en
amusant car le travail est une activité sérieuse qu’il faut rigoureusement séparer du jeu.
Dans le travail « l’attention est élevée d’un degré ».
I. INSTRUIRE EN AMUSANT :
Pour Afaln, la fin de l’éducation consiste à faire de l’enfant un homme au sens fort du
mot, c’est-à-dire, une volonté libre capable de se juger et de se gouverner elle-même.
L’éducation intellectuelle « doit éveiller la raison » et l’éducation morale doit conduire
l’homme à se « découvrir esprit ». L’éducation ne se propose pas de brider ou de
vaincre la nature enfantine, mais de la libérer dans la ligne qui est la sienne. Il s’en suit
qu’il faut « délivrer la nature en forgeant le caractère ». Pour cela, il faut apprendre à
l’enfant à s’intéresser par volonté, c’est-à-dire, l’initier aux plaisirs supérieurs qui sont
difficilement conquis ». Il faut l’habituer à « un effort gradué dans le sens de la montée ».
Alain proclame hautement que ce * qui intéresse n’instruit jamais ». Bien entendu, il fait
allusion Ici à l’intérêt facile qui flatte les yeux et les oreilles qui amusent l’enfant au lieu
de l’élever. Il pense que l’enfant n’acquiert des notions vraies sur les choses « qu’autant
qu’il les explore par ses propres moyens et à ses risques ». Les travaux d’élèves doivent
être des épreuves pour le caractère et non des jeux ». Il y a, d’ailleurs dans l’enfant plus
sérieux qu’on ne le croit, une ambition d’être homme qui le pousse « à' mépriser les
exercices trop faciles et les maîtres qui s'emploient à l'amuser». Le ressort principal de
sa conduite est ce qu’il appelle son ambition ou le désir de sortir de « l’état d’enfance ».
« L’enfant ne désire rien de plus que de ne plus être enfant ». Il veut qu’on l'élève. Il
n'est lui-même qu'en jouant à l'adulte au sein du peuple des enfants.
II. LE TRAVAIL EST-IL ACTIVITÉ SÉRIEUSE ? :
Selon Alain, l'enseignement est long et difficile, il requiert la maturation de tout l'être.
Un enseignement bien mené a pour couronnement
I invention, mais, « il n’y a qu'une méthode pour inventer qui est d’imiter.

176
Il n’y a qu'une méthode pour bien ' penser qui est de continuer quelque pensée
ancienne et éprouvée ». Ce que l’enfant découvre spontanément est sans valeur. C'est
pourquoi, il faut, le plus tôt possible, l'amener vers les grands textes, les grandes idées,
proscrire la vulgarisation, les petits maîtres et les ouvrages de seconde main. Il pense
que le principe le plus Important dans tout enseignement est que l'on apprend en
agissant et en s’exerçant. Il écrit : « On n'apprend pas à dessiner en regardant un
professeur qui dessine très bien... On n'apprend pas à écrire et à penser en écoutant un
homme qui 'parle bien et qui pense bien »... Les cours magistraux sont temps perdu. «
Je conçois la classe comme un lieu où l'instituteur ne travaille guère et où l’enfant
travaille beaucoup. Les enfants lisant, écrivant, calculant, dessinant, récitant, copiant et
recopiant »... L’apprenti travaille pour son patron. Il ne peut gâcher de la marchandise.
L'élève travaille pour lui, pour exercer Son attention. Il peut commettre des erreurs. Les
fausses additions ne ruinent personne. Il s'en suit toute une apologie de l’effort qui ne
tient que si l'élève fait attention et si chacun de ses progrès est une épreuve pour son
caractère. Cet effort gradué satisfait aussi le maître qui n'est pas un amuseur.

III. QUE RETENIR DE LA CONCEPTION D'ALAIN ? :

Ces Idées d’Alain se déduisent de sa conception totale de l’homme.


De prime abord, la pédagogie d’Alain apparaît comme celle de l’effort et de la
contrainte. Elle semble être le dernier sursaut d’une éducation traditionnelle blessée à
mort, d’un humanisme livresque et étroit, acceptant mal d’être supplantée par
l’humanisme élargi Issu des découvertes modernes des sciences humaines. On est
porté à la considérer comme s’opposant à l’éducation nouvelle qui se présente comme
la pédagogie de la spontanéité et de l’intérêt.
Ce n’est qu’apparence et la réalité est autre. Les positions pédagogiques qu’affirme
Alain sont d’une hardiesse et d’une vérité psychologiques incontestables et ne sont pas
incompatibles avec la pédagogie la plus nouvelle. Quand Alain affirme que le principe
de tout enseignement réside dans le fait « qu’on apprend seulement en agissant et en
s’exerçant », il croit à la fécondité de l’activité de l’enfant. II y a certes différence entre le
« learning by doing » de Dewey et le faire d’Alain. Alors que pour le premier faire c’est
accomplir un acte complet d’intelligence créatrice depuis la position du problème
Jusqu’au contrôle de la solution imaginée, pour Alain, faire signifie, avant tout, « répéter,
Imiter, mais imiter plus grand que soi ». Il n’y a qu’une méthode pour inventer, c’est
d'imiter.
Alain a été Professeur des grandes classes. Malgré tout, en écrivant ses Propos, il a
pensé, à la fois, aux élèves des classes supérieures ainsi qu’à ceux de l'Ecole primaire
et même de la Maternelle.
Les leçons amusantes ont chance de porter des fruits surtout dans les petites
classes. On peut même dire qu'à ce stade, ce caractère amusant demeure
indispensable. A mesure que l'enfant grandit, la pédagogie émolliente perd ses droits et
l'école prépare à la vie. Elle se base sur les Intérêts véritables manifestés par l’enfant.
L’Idéal pédagogique d'Alain de conduire l’homme à se découvrir esprit est noble et
bien élevé. Alain a sû rester fidèle à son maître Lagneau qui disait' que « l'homme qui a
une fois réfléchi, a transformé sa vie ».

IV. AUTRES IDEES PEDAGOGIQUES D'ALAIN :


a) Le maître doit être discret. Son rôle n’est point de connaître l’élève mais de
l’éduquer. Or, éduquer c’est transformer. L’éducation s’adresse à l’être que deviendra
l'élève, non à l'être qu'il est aujourd’hui. «Vous dites que pour instruire, Il faut connaître
ceux qu’on instruit. Je ne sais. Il est, peut-être, plus important de bien connaître ce
qu’on enseigne ». *
b) Le maître doit exiger de la discipline. C’est la condition même de l’enseignement.
L’élève doit être habitué à la présence physique du maître, lequel ne doit pas changer
trop souvent.
c) Le maître est l’opposé du père de famille. L’école n’est pas le prolongement de la
famille. L’école est une « institution de nature ». La famille est un groupe biologique,
fondé sur l'instinct, le sentiment, sur une sorte de solidarité animale. L’école est fondée
sur l’égalité des droits et sur un système d'obligations s'imposant à tous. La famille est
nécessaire : l’enfant y fait l’apprentissage des sentiments fondamentaux. Le rôle de
l’école n’est pas de copier la famille, mais, de délivrer l’enfant du climat familial en lui
enseignant les valeurs que la famille Ignore : l’ordre, la règle, la raison. C'est pourquoi le
père de famille est, en général, un piètre professeur pour ses propres enfants. 11 est, à
la fois, trop exigeant et trop indulgent. Le maître d’école exige peu, mais l'exige
fermement. Sa vertu essentielle est la sérénité.
d) L'enseignement des sciences n'a pas pour objet de « fournir à l'enfant un savoir
tout fait, mais, de l’amener à bien juger, c’est-à-dire, de lui apprendre à effectuer, par
ses propres forces, ce passage perpétuel de l'observation à la loi, de l’apparence à la
réalité, de la perception confuse à la perception droite qui est l'opération fondamentale
de la science ».
SUJET N°49

« L'art d'enseigner n'est que l'art d'éveiller la curiosité dans les jeunes âmes
pour la satisfaire ensuite, et la curiosité n'est vive et saine que dans les
esprits heureux. Les connaissances qu'on entonne de force dans
l'intelligence la bouchent et l'étouffent : pour digérer le savoir, il faut l'avoir
avalé avec appétit. »
Après avoir analysé ce passage d'A. France, dégager les conseils pédagogiques
qu'il contient et précisez quelles limites vous assignez au propos de l'écrivain.

1. UNE INTRODUCTION POSSIBLE :


A. France, quoique surnommé « le bon Maître » par ses disciples, est davantage un
écrivain Ironique dont les romans sont teintés de philosophie sceptique qu'un
pédagogue. Il lui arrive cependant, tout au long de son humanisme, de semer de
judicieux conseils pédagogiques dont les éducateurs avertis sentent toute la portée.

Il. ANALYSE DU PASSAGE


ET CONSEILS PEDAGOGIQUES QUI S'EN DEGAGENT :
Le passage à examiner est extrait du Crime de Sylvestre Bonnard. Il s’en dégage
deux genres de conseils pédagogiques : les uns concernent la définition de l’art
d’enseigner, les autres, se rapportent à la technique enseignante proprement dite :
A) DEFINITION DE L’ART D’ENSEIGNER :
Elle se formule par la première phrase :
« L’art d’enseigner n’est que l’art d’éveiller la curiosité dans les jeunes âmes pour la
satisfaire ensuite, et la curiosité n’est vive et saine que dans les esprits heureux ». Des
mots et expressions de cette phrase retiennent notre attention : éveiller et satisfaire la
curiosité ; vive et saine ; esprits heureux.
Sous sa forme purement sensible, la curiosité est le besoin de voir, d’entendre, de
s’informer. Elle est plus besoin de savoir que de connaître ou de comprendre vraiment.
Elle est dispersée et éparpillée quant à sa structure. Sous cette' forme l'esprit se borne
à accueillir ce qui vient du dehors au hasard des circonstances et, bien souvent, passe
d'un objet de curiosité à un autre. Une telle forme de curiosité est essentiellement
égocentrique. Elle recherche la satisfaction du sujet qui se complaît aux sensations
nouvelles, vives ou colorées beaucoup plus qu'il n’oriente sa pensée vers l'objet comme
tel.
La curiosité intellectuelle est bien différente. Les éléments sensibles peuvent certes,
y tenir une certaine place, mais secondaire. Sous cette seconde forme le sujet cherche
à connaître vraiment et à comprendre. Sa structure aussi est tout autre. Elle implique
attention et concentration de l’esprit à tel point que le sujet devient parfois insensible à
ce qui n’intéresse pas l’objet de sa recherche. C'est ce qui explique les distractions
apparentes du savant, du chercheur ou du penseur. C'est sans doute, cette forme de
curiosité encore latente chez l’enfant qu’A. France recommande de stimuler et d’exciter
parce qu'elle répond à un- besoin qu’exige sa nature.
Cette curiosité est vive parce que, d’une vigueur extrême, elle ne demande qu’à
s'épanouir.
Elle se révèle saine parce que, sa satisfaction contribue à la santé intellectuelle de
l'esprit enfantin.
Son esprit devient heureux parce qu'il jouit du bonheur intellectuel quand ce besoin
impérieux qu’il éprouve se trouve satisfait.

B)LA TECHNIQUE ENSEIGNANTE PROPREMENT DITE :


Pour A. France, il existe deux façons d'enseigner : la première consiste à bourrer de
connaissances le cerveau des élèves, à leur entonner le savoir de force pour leur
donner l’apparence de savants. Cette science s'acquiert alors péniblement par un
surmenage intense de la mémoire.
Au contraire, la seconde conception tend à former une « tête bien faite plutôt que
bien pleine », à assurer l’exercice de toutes les facultés intellectuelles plutôt qu’à
l’enrichissement de la mémoire. L’élève travaille alors plus librement en goûtant les
belles choses de la vie (beaux paysages, poésie, musique émouvante, contact avec les
objets d’art, charité dans l'allégresse et même beauté de la douleur humaine).
Ces conseils sont susceptibles, avouons le, d’inspirer l’instituteur qui entend assurer
une solide base de départ à la future conquête intellectuelle.

III. LIMITES DU PROPOS DE L'ÉCRIVAIN :


Cependant, si profitable qu’apparaisse le propos de l'écrivain, il semble qu'il n'ait pas
une portée générale et ne circonscrive pas entièrement l’action pédagogique même
purement intellectuelle. Une action pédagogique qui se veut efficace et durable dans le
domaine intellectuel a des exigences pour le maître et pour l’élève. S’il y a l'art du maître
à Instruire l'élève, il existe aussi le désir de l'élève de s’instruire.
A quoi serviraient les meilleures méthodes de lecture par exemple, fondées sur la
curiosité de l’élève si, à part les techniques enseignantes proprement dites, elles ne
développaient pas chez lui, le désir d’apprendre à lire, le goût de la lecture
179 ?
Il Importe que l'enfant participe à sa propre instruction qu’il en Revienne pour aussi
dire, l'artisan. Est-ce à dire pour autant que la curiosité soit la seule faculté à Intervenir
dans l'acquisition des connaissances? Non.
Mémoire, raisonnement, imagination y tiennent un rôle de premier plan. De leur
synthèse harmonieuse- dérivent intelligence et jugement.
Enfin, tout enseignement demeure, en dernier ressort, méthode rationnelle, choix,
dosage, sélection. Même basé sur la curiosité, l'art du maître à instruire tient un rôle de
premier plan. Sa méthode ne prend de véritable valeur que par sa manière d’instruire
son disciple.
Il semble qu’il manque au propos de l’écrivain l'essentiel d’une définition
complète de l'art d’enseigner. Savoir stimuler, exciter la curiosité enfantine, c’est
beaucoup dans l'art d’enseigner, mais c'est encore insuffisant. Dans un enseignement
bien compris, le rôle du maître, pour être discret, n'en est pas moins important. Il existe,
en fait, un art d'enseigner qui suppose des connaissances sans doute, mais surtout, le
don d'aborder l’enfant, de le comprendre de lui inculquer le désir de s’instruire, de
provoquer son observation, de savoir exactement ses possibilités intellectuelles, la
manière de communiquer ses connaissances. Le tout, n'est pas d'enseigner. Reste à
savoir si notre enseignement est assimilé par l'enfant.
En réalité, le propos d'A. France, même s’il ne résume tout l'art d’enseigner garde le
mérite de mettre en évidence un des aspects essentiels de la communication
intellectuelle. La curiosité bien comprise, n’est-elle pas un élément fondamental de
l’esprit scientifique ?
L’opinion d’A. France cadre bien avec celle de P. Bernard qui écrit: « L’école qui
n’allume pas la flamme de la curiosité intellectuelle manqua son but. Elle ne met pas
dans l’esprit de ceux qui la quitteront un jour, le ferment d'un développement ultérieur;
au lieu d’animer, elle mortifie ». Au propos d’A. France peut-être, pourrait-on ajouter le
désir d’apprendre à apprendre de l’élève, celui de créer chez lui une certaine
disponibilité d’esprit, de s’informer, la pratique d’une pédagogie de plus en plus
prospective, permettant de tirer tous les profits souhaitables d'une éducation bien
comprise.
SUJET N°50

On attache beaucoup d'importance aux méthodes d'enseignement on en


crée, ou les discute. Pourtant, une étude récente, affirme que : « la qualité
d'une éducation tient infiniment moins à celles des méthodes employées
qu'à celles de l'homme qui les emploie. »
Quelle est votre opinion sur cette question ?

EN MANIERE D'INTRODUCTION :
La méthode d’enseignement qu'utilise le maître dans sa classe revêt une Importance
considérable puisque c'est par elle que l'élève acquiert son savoir et c’est encore elle
qui crée chez lui, l'instrument du travail Intellectuel. En un mot c'est grâce à elle qu'il
s'instruit et qu’il devient instruisable. On comprend, dès lors, pourquoi, les pédagogues
en inventent, les confrontent pour les perfectionner et que chaque maître reste, comme
attaché à sa méthode. Cependant, Il arrive que d'excellentes méthodes soient
employées par des éducateurs inhabiles. Ils n'en tirent pas les résultats qu’on devrait en
attendre. On dirait qu'elles dégénèrent entre leurs mains. Par contre, des maîtres
intelligents et Ingénieux parviennent à dispenser un enseignement de valeur en utilisant
des méthodes dont la notoriété n'est pas toujours reconnue. Il semble donc, comme le
précise la pensée proposée que « la qualité d'une éducation tient Infiniment... de
J'homme qui les emploie. »
I. EXPLICATION DE LA QUESTION :
Pour l'auteur du texte, la valeur d’une éducation se mesure davantage aux qualités
du maître qui la transmet qu’à celles des méthodes employées. C’est en somme, ce
dernier qui communique aux méthodes qu'il emploie leur force et leur vertu. Le proverbe
bien connu : tel maître, telle classe, pourrait bien se transcrire : tant vaut l’éducateur tant
vaut sa méthode.
Cependant, il ne suffit pas d’employer d’excellentes méthodes pour dispenser une
éducation de qualité. L’éducation est un art qui procède bien plutôt par expérience que
par formules. Une méthode d’enseignement trop rigide serait sans portée sur l’enfant.
Elle réclame une perpétuelle adaptation, un constant renouvellement. La routine et le
mécanisme sont toujours funestes, à la fois, au maître et à l’enfant. L’éducateur doit
penser ses connaissances, varier à l’infini la forme de ses questions, rendre celles-ci
claires et accessibles à ses élèves, en un mot, tenir grand compte de la psychologie
délicate des êtres humains qui lui sont confiés. D’une bonne méthode d’éducation
doivent se dégager chaleur et vie, c’est pourquoi il Importe que le maître possède
l’amour de ses élèves, qu’il leur fasse, en quelque sorte, don de sa personne et qu'il ait
une fol profonde et enthousiaste dans l’œuvre qu’il accomplit. L'action pédagogique de
qualité résulte du mouvement dialectique de la pensée. La méthode employée toujours
rajeunie par ce mouvement progresse sans arrêt. C'est pourquoi une méthode
d'éducation de qualité se révèle aussi souple que le maître qui l’utilise est souple lui-
même. Elle reflète son tact, son habileté, son tempérament, ses goûts, ses aptitudes et
porte en permanence son sceau personnel.
Cependant la méthode n'est pas tout. On rencontre parfois des maîtres dont les
leçons sont brillantes, qui proposent des sujets de devoirs intéressants à leurs élèves,
dont, pourtant les progrès sont lents, pénibles et inégaux. « Bonnes façons culturales,
mais, rendement médiocre », dirait-on en langage d’agronomie. On peut en conclure
que le maître, trop préoccupé de méthode, risque de croire que seuls les résultats
comptent, de s’étioler lui-même et de tuer la personnalité de ses élèves. La valeur
d’une méthode dépend de l'habileté et de l'adresse de l'éducateur qui l'emploie.

II. COMMENTAIRE :

En réalité, l’éducation d'un enfant est une résultante. Le métier d’instituteur requiert
183
à tout moment la présence effective du maître. Il réclame des qualités naturelles, mais,
aussi celles susceptibles d'être acquises grâce au travail et à l’expérience quotidienne.
La meilleure méthode d’éducation est faite du réflexe pédagogique, d'intuition rapide et
heureuse, de ce qu’il faut dire ou faire à un moment donné, du tact qui relève
également de l'intuition, qui fait deviner l’utile et l’inutile, distinguer l’essentiel de
l'accessoire. C’est dire qu'elle doit beaucoup aux apports personnels du maître.
Par ailleurs, l’enfant que l'on éduque se situe dans un complexe psycho-social. La
personnalité du maître marque la méthode employée comme elle marque les enfants
et le groupe scolaire. Les individualités enfantines orientent le groupe et exigent
souvent une adaptation de la méthode. La méthode, à son tour, marque les élèves, le
groupe scolaire, et parfois le maître lui-même. Au centre du problème de l’éducation se
trouve l'enfant. L’excellente méthode est celle qui apprend à le faire mieux connaître et
comprendre et par là même, à le mieux diriger.

III. CONCLUSION :
Dans chaque éducateur il y a du Sisyphe, mais, un Sisyphe connaissant le pourquoi
de son effort, sans cesse poursuivi. C'est dire que l’instituteur n'existe que par l’homme
et à l’intérieur de l’homme. Que la pédagogie soit, art, science ou technique, elle
demeure une activité ouverte et l’action pédagogique que l'on veut efficace implique
une lourde responsabilité à l’égard de l’enfant, de la société et de soi-même.
L’application d’une bonne méthode ne suffit pas. Il faut y ajouter l’action constante, la
réflexion personnelle du maître, son désir de se perfectionner pour perfectionner ses
élèves.
« Quiconque entreprend une éducation doit commencer par achever la sienne », dit
un pédagogue.

184
SUJET N°51
« Chaque fois que notre élève est livré à ses propres forces... il agit, il réalise, il
se fait en faisant. »
Expliquez cette réflexion. Caractérise-t-elle les méthodes dites actives?

1. EXPLICATION DE LA RÉFLEXION :
Le texte de P. Bernard que voici, extrait de « Comment on devient un éducateur,
préconise l'enseignement par l’action et l’expérimentation directe de l'élève. Il précise un
moyen pédagogique de pratiquer le learning by doing (apprendre en agissant), cher à
John Dewey, pédagogue américain.
En fait, la formule « thinking follows striwing » (la pensée fait suite à l'effort), se
complète par « learning by doing » ou encore par « thinking to act » (penser pour agir).
Selon Dewey la pensée n'est pas une fin en sol. Elle se prolonge dans l'action et cette
action a deux buts.
D’une part, instruire les élèves directement par les gestes auxquels ils sont tenus de
réfléchir s’ils veulent traduire leurs pensées et qu’ils répètent pour les avoir bien en
mains. L’élève alors apprend en agissant.
D'autre part, l'enfant pense en vue d'agir, puisqu’il contrôle sa pensée par l’action, au
point qu’elle devient vérification comme dans tout processus expérimental, dans toute
pensée inductive. C'est elle qui sanctionne le procédé, l’érige en vérité ou le taxe
d'erreur. Dès que les élèves l'ont bien compris, ils sont prêts pour l’expérimentation
scientifique et pour la recherche véritable. Rien de plus pragmatique qu’une telle forme
d’éducation. Elle augmente la part d’entraînement en vue d'une fin dans le domaine
pédagogique.
Tous les termes qui sont contenus dans la pensée impliquent travail personnel et
action. L'élève livré à ses propres forces se trouve en face de lui-même. L’expression
suppose, sinon effacement total du maître, mais, intervention discrète. Place en
semblable position, l’élève déploie un effort personnel qui met davantage en branle son
intelligence que sa mémoire, car seule, la première lui indique le subtil détour à utiliser
pour résoudre la difficulté qu'il faut vaincre. Du coup, il édifie sa personnalité et se
construit du dedans, puisque, son action lui permet de contrôler le cheminement de sa
pensée.
Parler, composer, résoudre des problèmes, dessiner supposent aussi travail direct et
production personnelle de l'élève. On y perçoit les tâtonnements de l'intelligence qui
essaie de saisir et de vaincre des difficultés.
Le terme production, lui, suggère davantage une création, une invention185
intelligente
de l'élève qu'une simple imitation faite de pure mémoire.
Les expressions : réaliser, se faire en faisant font aussi allusion à l’action, au travail de
construction et d’édification de la personnalité qui s’opère à la suite d’un travail
personnel sans cesse poursuivi.
II. CARACTÉRISE-T-ELLE LES MÉTHODES ACTIVES?
Chesseix, pédagogue suisse, définit l’Ecole active comme celle « où l’on apprend en
travaillant en cherchant, en observant, en expérimentant soi-même par un effort que le
maître s’efforce de rendre aussi spontané que possible ».
Elle s’oppose à l’Ecole du passé où l’on apprenait en mémorisant un manuel :
a) Elle rend à l’enfant son autonomie et sa liberté.
b) Elle considère l’enfant comme une personnalité caractérisée par ses tendances,
ses désirs propres et qu’il faut connaître pour l’instruire. L'éducateur moderne essaie de
comprendre son disciple. Il le prend par la main et l’oriente dans la découverte de la
vérité. Son rôle est celui d’un tuteur affectueux et discret et d’un commentateur patient.
Il recherche, avant tout, un silence 'laborieux.
Cette façon de procéder, s’harmonise avec le vouloir vivre, la volonté d’agir qui se
manifestent chez l’enfant et dont la manifestation, la plus saisissante est l’intérêt.
Deux données essentielles se dégagent de la psychologie enfantine moderne. Ce
sont elles qui inspirent et alimentent toutes 'les méthodes d'éducation active.
c) L’enfant est toute activité et toute spontanéité et cette activité, est, en dernière
analyse, la forme même de son évolution.
d) Cette activité s’oriente selon le sens et la nature de ses intérêts et de ses
tendances propres.
L’enfant d’âge scolaire est animé par un violent désir d'aller de l’avant dans le sens
où son instinct d'enfant, le pousse Irrésistiblement. Il veut devenir adolescent, puis,
adulte. Il a, avant tout, besoin de voir, de sentir, de toucher, de manipuler, de fabriquer.
Il est décidé à l'effort. Il est capable d’une volonté violente et persistante, mais, ceci
dans le cadre de ses désirs et de ses tendances particulières. Tout est possible, mais,
avec des limites. Si, les désirs du maître et ceux de son élève concordent, touts deux
peuvent aller de conserve fort loin dans la voie du progrès.
Il en résulte, que le chemin du savoir authentique, ce ne sont pas les mots,
seulement, mais, aussi, l’observation, la réflexion, l’expérience, la vérification, le
contrôle, la participation personnelle de l’élève à la construction de la connaissance. La
meilleure manière pour l’enfant de faire sienne la connaissance, c’est de la construire ou
du moins, de participer à son élaboration. « Que votre élève ne cache rien parce que
vous e lui avez dit, mais, parce qu’il l’a compris lui-même» (Rousseau, Emile, Livre, III).
En réalité, l’affirmation de Bernard caractérise en plein les méthodes dites actives
d’enseignement

186
SUJET N°52
« L'enfant doit être le conquérant de son savoir et l'artisan de son éducation. »
Conséquences pédagogiques qui en découlent.

I. LES TERMES DÉLICATS DE LA FORMULE :


CONQUERANT : qui fait de grandes conquêtes. Conquérir : acquérir par les armes.
Dans la formule, l'enfant conquiert des connaissances par la seule activité de son esprit,
par ses propres moyens. Ce savoir est sensé être plus stable et plus solide, s’il y a
contribué personnellement, parce qu'il a éprouvé un Intérêt profond pour ce qu'il a
appris.
ARTISAN : auteur d’une cause, d’une œuvre. Dans la formule, l'enfant participe au
développement de ses propres facultés physiques, intellectuelles, morales et à son
Intégration à la société.

II. EXPLICATION DE LA FORMULE :


a) L’ENFANT CONQUERANT DE SON SAVOIR :
Ici, le terme conquérant est, plutôt pris au sens figuré. L'enfant peut' être comparé à
un conquérant. Il livre des batailles journalières, modestes et humbles. Il dispose, pour
cela, d'armes, facultés et facilités d'adaptation. Il met en œuvre toute une stratégie : art
de conquérir le plus rapidement possible son savoir. Mais, la véritable connaissance,
c’est justement le contraire de la connaissance verbale et livresque acquise par les
méthodes didactiques. Savoir seulement par cœur n'est rien. Au lieu de cette science «
qu’on a plaquée en la mémoire », Montaigne réclame une science « digérée et devenue
nôtre, incorporée à notre âme ». Pour Rousseau, on
* prend des notions bien plus claires et bien plus sûres des choses qu'on apprend de

soi-même que de celles qu'on tient des enseignements d'autrui » Kerschensteiner


pense que c’est par l'expérience directe des choses que l’on s'instruit véritablement. «
Seul, ce qui est vécu par nous, se fond Intimement en nous et devient notre substance
intellectuelle, le ressort de notre activité et de notre pensée ».
On ne progresse et on n'acquiert que par l'activité de l'esprit. Il faut que ce dernier
reste éveillé et actif, qu’il se prenne à la chose, que celle-ci l’intrigue, le préoccupe. Il
faut qu'il déploie ses forces vives et ses ressources pour en venir à bout. L'enfant ne
peut apprendre que de lui-même. Mais, il faut l’inciter à essayer, car, seuls, ses propres
expériences, ses efforts personnels, la correction progressive de ses maladresses, le
mènent finalement au but. C’est la base de l’acquisition intellectuelle sûre.
b) L’ENFANT ARTISAN DE SON EDUCATION
Il est apte à fignoler son éducation. Son Intégration à la société, est, d’abord, sa
propre œuvre. Il s'y adapte, s'y assimile, s'y accommode selon la promptitude de
réaction de son Intelligence, sa culture et son expérience de la vie. Mais l'influence du
milieu sur l’individu se poursuit toute la vie. Personne n’ignore le rôle de l'expérience de
la vie. Souvent, lui faire face, c'est témoigner de talent d'artiste. Peut-être même,
devient-on davantage ce qu’on se fait qu'on a été habile artisan. On peut, dès lors, dire
que l'éducateur parait inutile. Il n’en est rien. Le rôle du Maître, c'est de se pencher sur
son élève et d’essayer de le comprendre.. Dans le domaine intellectuel, il prend son
disciple par la main et l'amène avec lui à la découverte du monde. Il oriente ses jeunes
yeux et veille à ce qu’ils voient bien et bien droit devant eux. Par les yeux, rl oriente
toutes les facultés intérieures, toutes les curiosités de l’enfant comme autant de petits
phares qui fouilleront, eux-mêmes, le spectacle du monde, pour en découvrir les
aspects et les mécanismes. Son rôle devient celui d'un tuteur affectueux et discret, d’un
commentateur patient. Il recherche, avant tout, un silence laborieux. Il est clair qu'il ne
peut atteindre cet objectif sans une connaissance totale de la nature enfantine.

III. PRINCIPES PÉDAGOGIQUES QUI EN DÉCOULENT :


De cette formule se dégagent les principes d'une saine pédagogie qui constitue la
base essentielle des méthodes actives, à savoir :
a) Intéresser l’enfant aux problèmes que les choses posent à son esprit. *
L’expérience proprement dite doit être profonde et élaborée par une pensée qui s’en
nourrit» dit Piaget.
b) Toujours inciter l’enfant à fournir un effort personnel, proportionné à ses
possibilités, mais, se garder de le décourager s'il ne réussit pas du premier coup. A une
classe immobile Binet préférait des enfants moins silencieux, mais, occupés à faire le
travail le plus modeste, pourvu que ce soit un travail où ils mettent un effort personnel,
un travail qui est leur œuvre qui exige un peu de réflexion, de jugement et de goût ».
c) Employer comme le demande Dlesterweg, des méthodes d’enseignement «
excitatrices de la pensée ». « Les vérités générales, dit Spencer, pour être d’un réel et
permanent usage, doivent être conquises ».
NB. — L'emploi des méthodes actives est la condition nécessaire, mais, nullement
suffisante d'une éducation nouvelle. Il n'est pas aussi facile qu'on le croit, d'obtenir
l’activité spontanée de l'enfant. Celui-ci est très réceptif. Ses activités affectives et
mentales ne sauraient échapper à de multiples influences extérieures.
186
SUJET N°53
« Le maître est pour l'élève le vrai manuel. »
Qu'en pensez-vous ?

QUELQUES IDÉES SUR LE DEVOIR :


a) Gandhi n’est pas un pédagogue, mais, un sage hindou. Son jugement se rapporte
à sa vie d’écolier. La pédagogie évoquée diffère, certainement, de l’actuelle. C’est
surtout la seconde partie de son jugement qui doit retenir notre attention. « J’ai toujours
eu le sentiment que le maître est, pour l’élève, le vrai manuel ».
b) Aujourd'hui le manuel a pris une place considérable à l’Ecole. Disons, au départ,
que ceux d'aujourd’hui sont Illustrés, mieux adaptés aux élèves. Certains sont de
merveilleux Instruments de culture, sérieusement mis au point pour chacun des-cours de
'l’Ecole primaire. Avec peu d’explications du maître, l’élève s'y retrouve aisément. Ils
sont si bien conçus que, souvent, la préparation écrite de certains maîtres n’en est que
la reproduction intégrale.
c) Ce qu’il faut attendre du manuel scolaire ?
Il ne doit être qu’un outil de travail. Au temps de Gandhi, il semble qu’il était l’unique
source de connaissance, l’unique « allumeur d’esprit ». A cette époque, l'enseignement
se donnait, presque exclusivement, par le livre. On ne faisait aucune part à l’observation
directe de la nature, au contact réel avec les choses. Signalons que les livres de
l’époque n’étaient pas conçus comme ceux d’aujourd’hui. Ils n’offraient aucun intérêt,
aucun attrait pour l’élève. Ils le rebutaient presque.
d) A remarquer aussi que pour un maître consciencieux, enseigner hors des manuels
exige une activité et une préparation extraordinaires qui dépasse de loin le travail de
l’élève. Il exige une mise au point continuelle et un perpétuel effort de renouvellement,
une adaptation constante. C’est, peut-être, pourquoi Gandhi se le rappelle clairement.
e) La leçon du maître a, certainement, sa valeur, surtout, si ce dernier sait parler sur
un ton simple familier et sollicite la participation de ses élèves. La leçon profitable
s'adapte aussi au niveau du cours. La parole variée et Insinuante sait jeter la lumière
dans chaque esprit et la classe entière en tire profit. Il faut, en outre, qu'elle soit précise,
claire, courte et n'ait pas matière trop copieuse. Les idées en sont présentées sous des
« formes souples et ingénieusement graduées ». En fin de leçon, les étapes sont
résumées par les élèves au profit que le livre semble devenir Inutile. 187
f) Le jugement de Ghandi apparaît plutôt comme une mise en garde contre l’emploi
abusif des manuels contre la soumission totale à la leçon du manuel. La meilleure
pédagogie se recrée constamment et s'adapte chaque jour aux nécessités du moment,
aux connaissances déjà acquises par les élèves et aux intérêts Immédiats de ceux-ci.
Avouons qu'aucun manuel, aussi complet soit-il, ne peut réunir toutes ces qualités. De
plus, la meilleure formation est celle qui engage l’enfant dans une découverte active,
celle qui le met en contact direct avec le réel et non celle que lui donnent les mots.
Pourtant, malgré l'avis de Gandhi, il faut reconnaître que le manuel, bien adapté à la
classe, et bien employé peut être une source Inépuisable pour l’élève, mais, à la
condition expresse, qu'il apprenne, après son maître, à ne pas être « l'esclave docile de
la chose écrite ».
On peut dire que te meilleur livre est la parole du maître, à laquelle le manuel
s'associe judicieusement

188
SUJET N° 54
Commentez cette affirmation.
« Le pédagogue doit- aborder chaque être humain avec une hypothèse optimiste au
risque même de se tromper. »
Dans quelle mesure appliquez-vous cette recommandation dans votre classe ?

I. UNE MANIERE, ENTRE MILLE, D'INTRODUIRE :


On a souvent dit que l’essentiel, dans tout système éducatif, c’est l’esprit dans
lequel l’éducation est donnée. Cet esprit découle à son tour, de la conception que
l’éducateur se fait de l’être humain, du moins, de la nature humaine.
Aussi, n’est-on nullement surpris d’entendre affirmer : « Le pédagogue doit aborder
chaque être humain... au risque même de se tromper. »
Expliquons, puis, commentons cette affirmation.

II. EXPLICATION :
« Aborder un être humain avec une hypothèse optimiste », c’est admettre, au
départ, que la nature humaine est excellente, sinon, qu’elle est perfectible.
L’éducateur optimiste en vient à considérer l'enfant comme porteur de virtualités fort
exploitables et susceptibles de s'épanouir en possibilités. Aussi, oriente-t-il toute son
action dans ce sens...
Il en dérive, qu’il croit d'avance, au succès de son entreprise et garde confiance en
l’efficacité de son action. Il perfectionne ses procédés, amende ses techniques,
s’ouvre des perspectives, espérant toujours en tirer le meilleur...
Son optimisme lui confère une sorte de dynamisme agissant. Il entraîne un
rayonnement tonique, lui communique un envol professionnel tel, qu’il ne doutera
jamais des résultats des moyens mis en œuvre. Qui peut nier que l’optimisme donne,
comme dirait A. Chenier, « les ailes de l’espérance ?» Ne fait-il pas tout voir au mieux
et croire comme Pangloss « que les choses vont mieux dans le meilleur des mondes
possibles ? »

III. PAR QUELS MOYENS L'ÉDUCATEUR PEUT-IL PROUVER SON OPTIMISME?


L’attitude optimiste se traduira par le comportement de l’éducateur. D’abord, il
suspendra ou différera son jugement sur ses élèves. L’enfant sale, Impoli,
Inintelligent, sera vu comme tel, du moins, temporairement, mais, il en attribuera la
responsabilité aux parents ou à la société.
II le croira perfectible, à partir du moment où II est abordé correctement. N'est-ce pas,
en plein, la thèse de Rousseau qui croît à la bonté naturelle et foncière de l'être humain
et fait de ce dernier un perverti du milieu social ou de la civilisation ?
Ensuite, il se refusera à penser que tel élève est marqué, à tout jamais au « fer
rouge ». Il ne l’abandonnera jamais et se persuadera toujours qu'il en tirera quelque
chose, espérant trouver un jour, son point sensible... Cette manière de penser rejoint
celle d’Alain qui recommande d’avoir confiance, de faire crédit à l'élève. Il va même plus
loin. « Nul n'est damné, avant l'assaut final. » L'essentiel, est de « savoir utiliser ses
restes » ou de pouvoir tirer leçon des batailles perdues.
Puis, il s'efforcera de donner à l'élève confiance en lui-même et parviendra à
convaincre ce dernier qu’il pourra toujours mieux. La confiance en sol est un facteur
essentiel de succès. Même si le progrès réalisé est infirme, c'est, tout de même, un
progrès... Le succès dans la vie n’est qu’une série de petites victoires remportées sur
soi-même.
Enfin, cette attitude du pédagogue, vis-à-vis de son élève, finira par devenir
générale, colorera toute son activité et deviendra un stimulant précieux de son action
pédagogique.

IV. COMMENTAIRE :
Une telle conception pédagogique conduit a se poser bien des questions.
La première : L'être humain est-il vraiment bon ? On ne peut l'affirmer. Ce serait tout
autant exagérer de dire qu’il est foncièrement mauvais. On peut aisément en tirer du
bon et empêcher au mauvais de trop s'extérioriser. Le naturel revient au galop, même
quand il est chassé, dit-on.
L’essentiel est de conduire l’enfant à contracter la pratique du bien, d'en faire comme
« une habitude qui gouverne sa vie ».
La seconde : N’est-il pas imprudent de porter trop vite un jugement définitif sur
l'enfant ?
On a vu des cancres, des idiots à l'école, devenir des hommes de premier plan dans
la vie. L'attitude optimiste qui consiste à suspendre son jugement, qui témoigne de la
réserve et de la prudence, paraît préférable.
La troisième : Existe-t-il de plus précieux tonique de l’action éducative que celui qui
consiste à persuader l’enfant qu’il pourra toujours mieux, que la victoire n’arrive
qu’après une longue suite de petites défaites, de lui faire gagner sa propre confiance ?
La célèbre méthode du professeur Bergson ne consistait pas en autre chose.

V. APPLICATION DE CETTE RECOMMANDATION DANS SA CLASSE :


Autant de raisons conduisent à penser qu’il est préférable d'aborder son élève en
optimiste « au risque même de se tromper. »
L’optimisme semble être devenu la meilleure arme éducative. L'éducateur idéal
adoptera le comportement optimiste afin de tirer le plus possible de ses élèves. On peut
même dire que la vocation de l'enseignement ne tolère ni pessimistes, ni désinvoltes
exagérés. Il serait
190 à souhaiter que ceux qui volent tout en noir et ceux qui ne
considèrent pas la vie avec le sérieux qu’elle mérite choisissent un autre métier que
celui d’instituteur. Par nature, la jeunesse est tournée vers l'avenir et a confiance en lui.
C’est l’étape de l’optimisme, des illusions, des châteaux en Espagne, d’espoirs en la vie.
Pour guider la jeunesse vers l’avenir, le Maître ne doit pas en avoir peur, même s’il est
déjà déçu par la vie. Il ne travaille pas pour obtenir les remerciements de ses élèves,
mais, pour former des Hommes. Aucun mot ne peut mieux l’inspirer que celui du
philosophe Jean Lacroix : * Je me réjouis toujours lorsqu’à la fin de l’année, mon
disciple, mon plus aimé me quitte indifférent pour s'accomplir.» Si un «Maître triste est
souvent un triste Maître »,• un éducateur enthousiaste, pénétré, par avance, du succès
et de l’efficacité de son action, stimule l’intelligence et l’âme de ses éduqués, galvanise
leurs énergies, leur fait reprendre confiance en eux et leur enseigne comment exploiter
leurs virtualités... C’est l’essentiel dans toute éducation bien comprise.
SUJET N°55
Commentez cette parole du Chancelier d'Aguesseau à son fils : « Mon enfant, vos
classes sont terminées, vos études commencent. »
Quelles applications pédagogiques peut-on en tirer?

I. REMARQUES ET INTRODUCTION :

De prime abord, on pourrait croire synonymes les mots classes et études. Dès lors,
la parole à examiner sa traduirait : « Mon enfant, vos études sont terminées, vos classes
commencent ». Ce serait vide de sens.
En fait, terminer ses classes, c’est tout simplement ne plus aller à l’école, au collège,
au lycée. C’est ne plus avoir de maître, que l’on ait réussi à l’examen terminal ou pas. Il
s’en suit que l’on doit, dorénavant, s'instruire par soi-même, procédé qui ne peut réussir,
qu’à la condition d'être instruisable, dans le sens que lui donne Rousseau, c’est-à-dire,
avoir la faculté d’acquérir des connaissances, et d’avoir appris à apprendre. La pensée
prend en définitive, le sens : « Mon enfant, vos professeurs vous ont enseigné des
méthodes de travail. Ils vous sont désormais inutiles. L'heure est venue d’apprendre
vous-même, sans secours étranger. »

II. EXPLICATION :

Les bons maîtres enseignent le moins possible et font trouver le plus possible par
leurs élèves. Seule, cette méthode est profitable parce que, lorsque le maître parle seul,
les élèves qui écoutent ses exposés demeurent passifs. Leur attention faillit
Ils entendent, mais, n’écoutent plus. Trop de maîtres mettent en jeu la mémoire de
leurs écoliers. Ils y versent, comme dans un « entonnoir » des connaissances qui seront
bien vite oubliées. Ils les « gavent d’une science qu’ils ne peuvent digérer» (H.
Spencer).
Les maîtres plus avisés font appel à l’esprit de l’observation, au jugement, au
raisonnement et à l'imagination de leurs élèves. Dans ce cas, l’enfant n’est plus passif.
Son esprit est toujours en éveil. Il est heureux de trouver, de découvrir, de triompher.
« L’excitation délicieuse qui accompagne le triomphe, tout concourt à graver les faits
dans la mémoire beaucoup plus profondément que ne le ferait la lecture du meilleur livre
et la parole du meilleur maître. »
Quand l’enfant est trop dopé, il prend dégoût de l’étude, acquiert la haine du livre et
ne lit jamais plus. Tandis que lorsqu'il a trouvé du plaisir dans l’étude, il continue à
192
s'instruire seul, une fois sorti de l’école.
III. COMMENTAIRE :
L'idéal du maître est de se rendre progressivement Inutile. Cela ne signifie nullement
qu'il doive s’effacer totalement, car, l’enfant a besoin d'être guidé.
Pour entraîner son disciple à observer, comparer, juger, raisonner, le maître doit
fournir de gros efforts. Pour exciter, encourager toute une classe, l’éducateur doit se
dépenser énormément. Il n'est donc pas inutile. Il doit être surtout un professeur de
méthode. Comme le précise Descartes, « il ne suffit pas d’avoir l’esprit bon ; l'essentiel
est de l'appliquer bien. »
Dans nos classes les meilleurs maîtres, sont ceux qui donnent à leurs élèves de
bonnes habitudes de travail, autrement dit, d’excellentes méthodes de travail. Plus un
étudiant connaîtra de textes choisis, préalablement expliqués, plus il améliorera ses
connaissances en français. Il convient de le forcer à apprendre des morceaux de valeur.
Pour retenir les meilleurs passages de notre littérature, pour les confier à notre mémoire,
il existe de très sûres méthodes. Il faut d'abord, les lire avec intelligence, en bien saisir
l'idée générale, les idées secondaires, le plan, l’enchaînement logique...
S'agit-il d’une leçon de science ? L’esprit doit partir des faits puis, passer aux causes
et aux lois. Si notre écolier est entraîné à toujours procéder ainsi, un beau jour, ¡1 pourra
marcher seul et trouver seul.
Mieux. Pour apprendre, l'enfant a appliqué des méthodes : entre toutes celles-ci, il a
retenu les meilleures. Ce sont elles qu’il emploiera pour continuer à se cultiver seul.
Pour se cultiver, il lira. Mais lire c'est élire.. Il choisira ses lectures, n'en fera pas
d’inutiles, mais de très instructives et éducatives. Il acquiert, ce faisant, le désir de
devenir un honnête homme, c’est-à-dire, pas forcément un érudit ou un savant, mais, un
être curieux de s’informer de tout, qui a des idées générales sur tout ce qui peut
préoccuper les esprits.

IV. APPLICATIONS PÉDAGOGIQUES A TIRER :

Des règles pédagogiques s’en dégagent.


A) La bonne méthode d'enseignement consiste, non à inculquer une masse de
connaissances à l’enfant mais à 'lui donner les moyens d'en acquérir (voir Rousseau). «
Le but des études est, avant tout, de créer l'instrument du travail intellectuel », comme le
dit si bien un écrivain contemporain.
B) Joute forme d'enseignement trop dogmatique est à rejeter. L’élève doit devenir le
conquérant de son savoir et l’artisan de sa propre éducation. Pour cela, il faut qu'il
réfléchisse, parle compose, dessine, écrive, éprouve ses forces par tous les moyens
qu'offre l’école. ,
De préférence à, toute autre méthode, le Maître emploiera la méthode active qui
consiste à faire agir* l'enfant afin de déclencher son activité intellectuelle. L'esprit n'est
pas un vase ou un récipient qu'il faut remplir. L'intelligence souffre mal le mutisme et
l'engourdissement. L’esprit, dit H. Marion, est « de nature dynamique ; comme
193
tout notre
être, il est une puissance, une énergie active. Il se développe, non comme un contenant
élastique qu’on remplit et qu’on distend, mais comme le muscle qu'on exerce...
Il se développe en agissant par un exercice vif, mais réglé, répété, plutôt que
prolongé ».
La bonne méthode d’enseignement est « excitatrice de pensées ».
C) Enfin, tout l'art éducatif du maître doit consister à devenir inutile à son élève. Il fait
vite de comprendre que « le fruit principal de son enseignement n'est pas tant la somme
de savoir qu’acquièrent ses élèves, que l’aptitude à en acquérir davantage. » Pour qu'au
terme de ses classes, les études de l’enfant commencent, rien ne vaut comme lui
inculquer le goût de l’étude, la méthode du travail, la faculté de comprendre. C'est
pourquoi, procédés et méthodes d’enseignement ne valent que par l'intelligence avec
laquelle on les applique.

194
SUJET N° 56
« La réalité présente n'est pas la seule réalité et, par conséquent, elle n'est
pas l'unique critère de l'éducation. Le critère véritable, c'est la réalité future. »
Expliquez et commentez cette affirmation. Dans quelle mesure l'instituteur peut
s'en inspirer?

I. EN GUISE D'ENTRÉE EN MATIÈRE.


L’éducation, vise-t-elle à former l’homme de la société d’aujourd’hui ou celui de la
société future? Un pédagogue contemporain répond à la question. « La réalité présente
n’est pas la seule réalité... c’est la réalité future. »

H. EXPLICATION ET COMMENTAIRE DE L'AFFIRMATION:


Commençons par préciser ce qu’il fa;'t entendre par les expressions : réalité présente
et réalité future.
La première désigne celle dans laquelle -baigne l’enfant, l’immédiate, celle que vit
l’enfant au moment même où l’on l’éduque.
La seconde signifie celle que vivra l’enfant, demain, au moment où il deviendra
adulte. Le problème posé consiste à savoir si l’éducation doit s’ordonner sur la première
ou la seconde, L’auteur de la pensée ne dit point qu’il faille totalement négliger la réalité
présente. Il précise seulement, que cette dernière, n’étant pas la seule, ns saurait
constituer l’unique critère, la véritable, étant pour lui, la future.
Il y a lieu de remarquer que le problème ne se pose qu’en raison de l’évolution
accélérée de notre civilisation. Notre monde et en marche. Une société figée dans ses
Institutions et coutumes ne soulèverait pas tel problème. On éduquerait aujourd’hui
comme hier et demain comme aujourd’hui. Une sorte de routine mécanique
caractériserait le système éducatif en usage. Mais l’auteur précise qu’il faut orienter
l’éducation en fonction de la réalité future.
Comment l’axer sur les réalités qui n’existent pas encore ? Que sera demain ? Là
réside tout le mystère...
Une conciliation apparaît pourtant possible. Eduquer pour aujourd’hui, mais,
davantage, pour le futur. D’une part, rejeter totalement, c'est-à-dire, créer chez l’élève
une certaine disponibilité, facilitant son adaptation à toutes les situations présentes et
imprévues qui pourraient se présenter à lui.
Peut-être, jusqu'ici, n’accorde-t-on pas suffisamment d'attention à ce qui est une
évidence, savoir: l'école d'aujourd'hui prépare l'homme de demain. 195 Jusqu’à ces

dernières années, chaque génération s’est préoccupée de donner aux enfants une
éducation semblable à celle qu’elle avait elle-même reçue. Aujourd’hui que le monde
évolue avec la rapidité que l'on sait, ce serait erreur grave de continuer de la sorte. Les
Instructions officielles de 1938 et 1945 ont bien précisé que la continuité de
l’enseignement primaire doit s'exercer en s'efforçant d'intégrer, sans heurts, ni hiatus, les
Idées nouvelles.
D'autre part, puisque l’Ecole primaire forme le monde de demain, c’est en fonction
de ce dernier qu’il faut agir. Toute éducation implique prévision. Cela ne signifie point
qu’il faille s’engager à l’aventure. Mais, nous ne pouvons jouer au prophète et prévoir
l'avenir. Il existe certains faits, que nous ne pouvons plus nier comme ; l’élévation du
niveau d’instruction, la spécialisation de l’ouvrier, l'orientation, de plus en plus
nécessaire, vers la technique. Il importe même si nous ne pouvons solutionner d’office
ces problèmes de structure ainsi posés d’y réfléchir.

III. COMMENT L'INSTITUTEUR PEUT S'EN INSPIRER?:


C’est peut-être le problème le plus sérieux que soulève l’éducation. Comment former
à la fois, l’enfant d’aujourd’hui et l’homme de demain ? Comment tenir compte, en
même temps, des réalités présentes et futures ?
Les Instructions officielles précisent comment former l’enfant d’aujourd’hui.
a) Lui donner des connaissances lui assurant tout le savoir pratique dont il aura
besoin dans la vie, « des connaissances appropriées à des futurs besoins, ensuite et
surtout, des bonnes habitudes d’esprit, une Intelligence ouverte et éveillée, des idées
claires, du jugement, de la réflexion, de l’ordre, de la justesse dans la pensée et le
langage. »
b) Lui apporter une certaine attitude d’esprit à l’égard des choses et des êtres. Faire
naître le désir de comprendre, susciter et entretenir la curiosité Intellectuelle, lui
apprendre à agir et à réagir de', manière qu'il conserve, devenu adolescent, puis, adulte
la disponibilité qui demeure l'essentiel d’une excellente formation d'esprit.
c) Eveiller chez lui, l’esprit d’observation et l’esprit critique. Voir, regarder, s’informer,
savoir retenir son jugement ; l’habituer à rechercher la vérité derrière les apparences,
accorder la primauté à la pensée.
d) Faire naître le goût de l'effort et du travail personnel, créer les vertus de
l’autodidacte.
e) Eveiller la sensibilité; l’initier à la formation esthétique.
f) Lutter contre l’inertie mentale, l’habituer à rejeter les solutions de facilité et à
persévérer dans l’effort, à voir la difficulté en face. Camoufler cette dernière, c’est
l'inciter à la tourner ou à renoncer. Cette méthode est formatrice de l'esprit, du caractère
et de la volonté.
g) Former l’être social. L’amener à comprendre que l’Ecole conduit à fa lutte pour
l’amélioration de la société qui deviendra ce que ses membres en feront. L'individu doit
trouver sa place dans le groupe. Mais, il
Importe que celui-ci
196
utilise ses capacités et ses forces personnelles pour le progrès de la
communauté.
h) Dans le domaine purement pédagogique, le Maître devra accorder place, sans
cesse, à la recherche scientifique et à l'expérience quotidienne, vivre avec ses élèves, et
ne jamais perdre de vue que l'activité pédagogique demeure une création continue.
Par ailleurs, notre monde qui bouge oblige à se poser sans cesse la question : que
sera demain ? A époque nouvelle doit correspondre une éducation nouvelle. Faut-Il, au
moins, connaître les normes qui régiront la société future. Il faudrait, par conséquent,
dispenser une éducation en harmonie avec le temps à venir. Faut-il, pour autant, rejeter
totalement la réalité d’aujourd’hui ? Il semble que non.
Il apparaît donc nécessaire de ne pas se borner à l'apprentissage des recettes
pratiques, certes, économiques dans l'immédiat, à créer des mécanismes et des
automatismes sains, indispensables à toutes les formes de progrès, mais, davantage de
préparer des ouvertures, des disponibilités plus que des réflexes inconscients, pour que
l'enfant devenu homme, puisse s'adapter à des situations nouvelles et ait la possibilité
de se convertir aisément. L’adulte de demain ne doit nullement se trouver démuni en
face des imprévus. Telle paraît être la formule idéale de l'éducation d’aujourd’hui.
SUJET N° 58
Expliquez et commentez cette pensée du Docteur Le Bon.
« L'éducation est l'art de faire passer le conscient dans l'inconscient. »
Quelles règles pratiques l'éducateur peut en tirer ?

I. En GUISE D'INTRODUCTION :
On connaît deux thèses psychologiques de ’l’éducation : L’une se fonde sur la raison
et prétend que le but de l’éducation n’est pas de faire de l’enfant un automate. Pour
l’autre, l'éducation n’est parfaite qu’au moment où ce qui a été acquis péniblement par la
conscience, agit inconsciemment, c'est-à-dire ; « lorsqu'il est passé dans la chair et
dans le sang ».
Se situant dans cette dernière perspective, le Dr Le Bon déclare : «L’éducation est
l'art de faire passer le conscient dans l’inconscient».
II. EXPLICATION DE LA FORMULE :
L'acte conscient s'accomplit avec la pleine compréhension de la raison qui dicte et
justifie la conduite. L'acte inconscient, au contraire, échappe totalement à la conscience
même quand le sujet cherche à le percevoir et à y appliquer toute son attention. Il
importe de noter qu'il y a un va-et-vient constant entre le conscient et l’inconscient. Les
zones de la conscience : conscient, subconscient, inconscient se touchent, sinon, se
pénètrent.
La bonne éducation conduit l’enfant à agir par lui-même, à se donner la loi de son
activité, à devenir une volonté, une personnalité libre. On confère des réflexes aux seuls
animaux. On les dresse, parce qu'ils sont dépourvus de raisonnement.
En appliquant à la lettre, la théorie du Dr Le Bon, on risque d'aboutir à la routine, à
l’automatisme. L’enfant qui n'aura plus d'initiative risquera d'obéir à une force extérieure,
sinon occulte.
Le psychologue Buisson donne une ligne de conduite : « Quand il s’agit de diriger
pour la vie pratique, l’homme ou l’enfant, le citoyen ou le pays, il faut la pleine lumière. Il
n'y a pas d’autre instrument que l’on puisse honnêtement manier que la conscience et la
raison, pas d'autre boussole, pas d’autre critérium ».
III. COMMENTAIRE :
Le Dr Le Bon pense qu’un système d’éducation où le conscient a passé dans
l'inconscient peut laisser intacte la liberté de l’enfant et ne diminuer en rien son mérite et
sa responsabilité pour les raisons suivantes.
a) L'habitude198ne dérive pas de l'inertie. Les habitudes motrices par exemple, finissent
par ne plus intéresser que la moelle épinière alors que, primitivement, il fallait
l’intervention du cerveau. Elles paraissent liées à des conditions purement matérielles.
Cependant, quand on considère une habitude motrice comme jouer au piano, nager,
conduire une auto, on ne peut nier le rôle qu’y jouent l’attention, le jugement, la
conscience. Si machinales que paraissent ces dernières, l’intelligence intervient dans
leur exécution.
b) De plus, l’habitude amène l'infaillibilité. L’activité, d'abord, consciente qui a passé
à l'état inconscient s’exerce avec une facilité et une perfection croissantes. La volonté
gagne en sûreté et en efficacité. Elle devient Incapable d’agir à l’étourdi, c'est-à-dire,
sans liberté. De plus, ce qui est passé dans l’inconscient nous dispense d’efforts
éparpillés, de décisions nouvelles et, par là même, nous permet des progrès ultérieurs.
c) Une réserve, cependant. Pour éviter tout danger d’automatisme aveugle, il faudra
toujours donner à l’enfant des principes clairs, fermes, solides, lui permettant de rester
une personnalité.
D’ailleurs, quand nous agissons inconsciemment et dans le sens du bien, notre acte,
a, peut-être, moins de valeur que celui qui a été difficilement décidé, mais, il n’excite pas
moins d’admiration, parce qu'il est le résultat d’efforts pénibles, hésitants et méritoires.
C’est le cas du bon automobiliste qui évite d’écraser un étourdi ou du nageur qui sauve
un désespéré.
IV. QUE PEUT EN TIRER L'ÉDUCATEUR ?
A) Du point de vue psychologique ce dernier sera amené à méditer sur le rôle
important que l’inconscient joue dans la vie psychologique de l’être humain. S’il n’est
pas toute la vie mentale de l’individu, Il en demeure l’essentiel comme le pense le
psychanalyste Freud. La conscience de l’homme est une. Elle se présente comme un
livre dont les pages représentant l’inconscient auraient été perdues ou arrachées. Mais
ce qui manque est nécessaire à la compréhension de ce qui reste.
De plus, Il n’existe pas de cloisons étanches entre les différentes zones de la
conscience. —i S’il ne nous est point donné de vivre Identiquement, deux fois le même
état de conscience, (« Nous n’aurons jamais plus, notre âme de ce soir » disait la
Comtesse de Nouailles), certains états d’âme peuvent passer du conscient à
l’inconscient et vice versa. Eduquer l’un, c’est en faire bénéficier l’autre.
B) Sous l’angle pédagogique, il œuvrera à ne doter son élève que d’excellentes
habitudes. Il suivra d’un œil vigilant la naissance des mauvaises pour les extirper, tels
les rhizomes de chiendent d’un champ cultivé. Aucun Inconvénient, sérieux à ce que la
pratique des bonnes habitudes Inculquées aboutisse à une saine routine comme le
voudrait le Dr Le Bon. Cette dernière est indispensable à la vie physique, intellectuelle et
morale de l’individu. Elle conditionne les réflexes et automatismes permettant à ce
dernier d’atteindre la dignité de la pensée.
Par contre, le pédagogue habituera son élève à reprendre souvent conscience
comme à repenser, ce qu’il fait inconsciemment.
Autrement dit; l’éducation idéale deviendra un courant à double .sens : passer le
conscient dans l’inconscient, mais, aussi, repasser l’inconscient dans le conscient.
SUJET N° 58

Que pensez-vous de cette affirmation de Kant ?


« Ce n'est pas en fonction de l'état actuel, mais en fonction, d'un état futur, le
meilleur possible de l'espèce humaine, que l'on doit éduquer. »
(C.AP. Martinique, Session de mars 1966)

Une manière, entre mille, de concevoir le devoir :

La pensée de Kant pose le problème du sens général et profond de l'éducation, celui


de la destinée de l’action pédagogique, de la légitimité de l’acte éducatif et même celui
de l’orientation de l'influence du Maître.
Il existe deux conceptions de l'éducation : une, dite idéaliste, celle de Kant, et une
autre, appelée réaliste qui s’oppose manifestement à la première.

I. EXPLICATION :

Au départ, il importe de signaler que l’état futur dont parle Kant n'est ni l'état adulte, ni
la réalité de demain.
Il pense qu’il faut orienter l’action pédagogique en fonction de l'idée que l'on se fait de
l’espèce humaine, de manière que s’accomplisse le destin de l’homme.
Kant est grand admirateur de Rousseau, qu’il appelle : « l’illustre penseur. » Comme
lui, il croit à la bonté de la nature humaine. « Il n'y a pas chez l'homme de disposition au
mal. Le mal vient de ce que la nature n’est pas réglée. Il n'y a dans l'homme que les
germes du bien. * écrit-il, dans son livre : De la pédagogie.
Kant définit éduquer comme aider au développement naturel de l’homme qui, « s’il
n’est pas contrarié et est, au contraire intelligemment favorisé, permettra à l'homme
d'atteindre sa véritable destination. »
Il admet la nécessité de l'éducation qui fait de l'être humain un homme.
Kant va plus loin. Il ajoute : « Ce n’est pas en fonction de l’état actuel, mais en
fonction d’un état futur le meilleur possible de l'espèce humaine, que l’on doit éduquer. »
Il existe donc, chez lui, l'idée de la confiance en l’homme, fa perspective du
développement poussé, celle de perfectibilité indéfinie de la nature humaine, que l'on
retrouve chez Rabelais et Descartes.
Selon Kant, l'homme est indéfiniment perfectible et même susceptible d'atteindre la
perfection. 200

Il poursuit : « Peut-être que l’éducation ira en s’améliorant, et que, chaque génération


fera un pas en avant, vers la perfection de l’humanité ; car c’est l’éducation qui recèle le
grand secret de la perfection humaine.» Pour le philosophe allemand, c’est bien l’espèce
humaine tout entière, et non une élite qu’il s'agit de transformer. » Ce ne sont pas des
individus particuliers qui doivent s'élever à ces hauteurs, mais, l’espèce humaine, elle-
même », conclut-il.
Il suffirait, pense Kant, de confier l'éducation de l’homme à une nature supérieure et
non à d'autres hommes, pour voir de quoi « l’espèce humaine est capable ».

II. EXAMEN CRITIQUE ET CE QU'IL FAUT EN PENSER?


La position kantienne, plutôt idéaliste, se révèle fausse quand on l’examine de près
pour les raisons suivantes :
a) L'Ecole primaire ne peut faire fi des considérations sociales, des contingences du
moment. Elle forme le travailleur, le citoyen, l’homme. Ce ne sont pas trois types
différents, mais, trois aspects d'un même être.
Les I.O. précisent : « il faut donner aux enfants du peuple une, éducation, à la fois,
utilitaire et désintéressée, réaliste et idéaliste, tenant un compte égal de leurs besoins
les plus effectifs et de leurs plus nobles aspirations. »
b) L’Ecole doit avoir des fenêtres ouvertes sur le monde. La réforme de
l’enseignement prévoit la formation professionnelle. Elle s’oriente, à la fois, vers l’état
actuel et futur de l'être humain. La formule de l’Ecole nouvelle est: «par la vie et pour ia
vie», entendons surtout vie pratique. « Ce n’est que dans la réalité pratique que l’individu
se construit », dit Goethe.
c) La proposition de Kant ne semble pas compatible avec les fins modestes de
l’Ecole primaire. Elle est teintée d’une large philosophie, mais, reste détachée du seuil
du monde de tous les jours.
« Le souci des réalités urgentes ne doit pas faire négliger le culte de l’idéal» (1.0. de
1923).
En réalité, l’idéal kantien nous invite à une réflexion salutaire.
Cependant, il ne faut trop s’engluer dans l’utilitaire. Notre enseignement doit avoir
deux faces p savoir, raisonnement — et intelligence.
L'Ecole idéale apprend à lire, mais, développe aussi le goût, le plaisir, le désir de lire.
Une éducation, bien comprise, développe le corps, l’intelligence, l’âme et vise
davantage, la formation complète de l’homme que les besoins immédiats de ce dernier.
L'Ecole véritable est utilitaire et éducative.
SUJET N‘ 59
Une conception de l'éducation formulée depuis longtemps, veut que « l'on enseigne
tout à tous. »
Quelle valeur offre à vos yeux un tel système éducatif?

Une manière, entre mille, de traiter le sujet :

I. INTRODUCTION :
Les éducateurs humanistes de la Renaissance ont prôné le principe de l’instruction
due à tous. Déjà, Luther en avait parié. Mais, c'est surtout dans l'ouvrage : La grande
didactique ou l’Art universel d’enseigner tout à tous, paru dans la première moitié du
17e siècle, du pédagogue tchèque Coménius (1592-1671), que cette conception
s'affirma avec force. Coménius ne propose pas seulement cet idéal, mais, fournit le
moyen de le réaliser.

II. CONTENU DE LA DOCTRINE : ENSEIGNER TOUT A TOUS :


Elle soulève un problème pédagogique de la plus brûlante actualité: celui de la
culture universelle, dispensée, sans exception. Elle sembla même sous-entendre que
l’individu doit être jugé en fonction de sa culture. Elle a, sans doute, inspiré, l'actuelle
démocratisation de l’enseignement.
Cette doctrine prône l'enseignement de toutes les notions possibles à tous les
hommes. N'est-ce pas, du coup, réclamer pour eux, une sorte d'égalité par l'instruction
!...
Le principe que préconise Coménius c'est celui d'une instruction encyclopédique.
Tout homme doit être Instruit de tout ce qu’il est possible d’apprendre, instruction
proprement dite et principes moraux. Savoir, par conséquent d’ordre intellectuel et
moral. De plus, ce savoir aura une portée pratique et utilitaire. Dès lors, l'instruction
devient l'acquisition d'un savoir considérable permettant à l'homme de fortifier ses
dispositions intérieures, de développer ses habitudes, de régler sa conduite. On ne peut
s'empêcher d’être ravi en face d'une perspective d'instruction si somptueuse et si
grandiose. Selon Coménius, l’éducation générale, qui tire l'individu de l'animalité et en
fait un être humain, doit être dispensée « aux artisans, aux paysans, aux portefaix et
aux femmes ».202
Ce principe oblige à penser au rêve d'égalité totale, mais, sans doute, utopique que
ce pédagogue hardi formule en faveur de tous les hommes. Bien malgré nous, peut-être,
il importe de penser au - ce qu'il n'est pas permis d’ignorer» des Instructions officielles
de 1923.
IIl. UN TEL IDÉAL, EST-IL RÉALISABLE DANS LE CADRE
DE L'ÉCOLE PRIMAIRE?
A première vue, un tel humanisme est exaltant. Cependant quand on y réfléchit
sérieusement, on s’aperçoit qu’il est impossible à notre école primaire de faire de
l’encyclopédisme. Cela pour diverses raisons.
Le temps de la scolarité est court. Les programmes officiels sont précis et bien
étagés quoiqu’une certaine liberté de manœuvre soit laissée aux maîtres.
De plus, l’esprit de l’enfant n’est pas un vase qu’il faut remplir le plus vite possible. Le
tout ne consiste pas à le bourrer de connaissances, « comme qui verserait dans un
entonnoir », dirait Montaigne... Faut-il, au moins, que ces connaissances soient digérées
et assimilées.
Notre modeste idéal se résume davantage à fabriquer des « têtes bien faites » plutôt
que des « têtes bien pleines ».
Le vrai savoir requiert la maturité de l’esprit. « Mieux vaudrait moins apprendre, mais,
bien retenir. » « Mieux vaudrait moins de souvenirs, mais, de3 souvenirs complets et
ordonnés », disent les Instructions officielles. Elles ajoutent : « Mieux vaut laisser l’enfant
dans l’ignorance que lui imposer un enseignement prématuré ».
Elles précisent, enfin, qu’il faut chercher à « donner aux enfants du peuple une
éducation qui soit, à la fois, utilitaire et désintéressée, réaliste et idéaliste et qui tienne
un compte égal de leurs besoins les plus effectifs et de leurs plus nobles aspirations ».
Et puis, « enseigner tout à tous » suppose que tous les hommes possèdent la même
dose d’intelligence. Or, il n’en est rien. Les hommes n’ont ni les mêmes aptitudes, ni les
mêmes dons, ni les mêmes faiblesses. Si les uns font preuve d’une intelligence vive ou
sont précocement doués, il n’en est pas de même des autres. L’égalité entre les
hommes n’est que théorique. L'article I de la constitution stipule bien : « Les hommes
naissent et demeurent égaux en droits ’ et en lois ». S'il faut en croire Rousseau, l’égalité
entre les hommes est toujours artificielle et construite.
Parfois, les individus les moins doués sont ceux qui arrivent le plu9 rapidement au
but qu'ils se sont assignés dans la vie. Pour eux, on parle de chance ou concours
heureux de circonstances.
Enfin, Il serait intéressant de se poser la question : Que deviendrait la société si tous
les hommes la constituant étaient vraiment égaux et également instruits? La société
dont l'existence parait la mieux garantie est celle où les responsabilités sont confiées
aux plus compétents.
IV. QUE FAUT-IL EN RETENIR? :
En réalité, enseigner tout à tous est une excellente idée posant, à la fois, le
problème de l'éducation populaire et celui de la démocratisation de l'enseignement. Il
trace un cadre magnifique à notre école primaire, résout une fois pour toutes la
question de l’éducation des femmes. Si un tel programme était réalisable, il en
découlerait une société nivelée, formée d'égaux en instruction. Il importe de retenir
qu'il s'en dégage, qu'il faut instruire l'enfant le plus possible, développer au maximum
sa personnalité et qu’on doit lui apprendre à se servir, à bon escient de sa liberté.
Il faut reconnaître que l'enseignement moderne, depuis des années cjéjà, s’inspire
du principe formulé par Comenius. Il a établi d'abord, un «tronc commun de culture
puis, a proclamé: «sélection de tous, mais, promotion des meilleurs » et décrète
maintenant la démocratisation de l’enseignement.
Mais, avouons qu'à part les différences d'intelligence et d'aptitudes de nos élèves,
la démocratisation ne peut devenir effective que si elle se traduit par l’attribution de
bourses en nombre suffisant, par une unification de l’enseignement au niveau des
premiers cycles et des modifications profondes dans les traditions -et les perspectives
de notre Ecole primaire. Dès lors, celle-ci ne viserait plus à cultiver une élite, mais se
soucierait de tous, particulièrement des plus déshérités et éviterait par-dessus tout, de
multiplier les options.

204
SUJET N° 60
« Faut-il que l'École soit ouverte ou fermée ? »
Que répondez-vous? Justifiez votre réponse.

Une manière, entre mille, de traiter le devoir:

INTRODUCTION :
La récente décision ministérielle d'organiser des Voyages d'études économiques afin
de faire déboucher l’Enseignement sur le réel » et mieux « faire apprécier la leçon du
maître, parce que l'élève peut lier le livre à la vie », éclaire d'un jour nouveau l’ouverture
de l’Ecole sur le monde et au monde extérieur. La question que pose Cousinet dans la
Revue « L'Ecole Nouvelle » consiste à saisir si l’Ecole primaire doit, elle aussi, s’ouvrir
au monde extérieur ou si, au contraire, elle doit s’isoler pour se protéger d'influences
extérieures, quelquefois opposées à son action éducative.
I. BUTS DE L'ECOLE PRIMAIRE :
Jadis, l’E. P. avait pour mission de rendre instruisable l’enfant qui la fréquentait et de
le préparer à la vie. Il n’en est plus de même de nos jours. La réforme de l’Enseignement
rend obligatoire l’Ecole, à partir de 1967, aux enfants jusqu’à seize ans. Il s’en suit que,
d’ici très bientôt, la totalité des élèves primaires fréquentera les C.E.G. ou les C.E.S., en
attendant que la fin de la scolarité obligatoire soit portée à 18 ans.
Il en résulte que le but essentiel de l’Ecole primaire change d’orientation. Dorénavant,
elle fournit à ses élèves les éléments qui serviront à une instruction et à une éducation
plus complètes. Ces éléments comprennent l’instruction et l’éducation proprement dite.
Ceux de l’instruction se résument en l'acquisition des connaissances instrumentales :
lecture, écriture, calcul..., en la connaissance des règles de base de la grammaire et de
la conjugaison, les mettant à même de parler et d’écrire assez correctement et, enfin, de
quelques notions de morale, de sciences, d'histoire, de géographie et une imitation aux
disciplines dites accessoires : dessin, travail manuel, musique, éducation physique...
Quant à l'éducation, elle vise surtout à leur donner d'excellentes habitudes, à leur
faire vouloir, les unir dans le culte général du bien, du beau et du vrai. En un mot, elle
tend à faire de chaque enfant, un honnête homme.
II. LES MOYENS QU'ELLE UTILISE :
II ne faut point cacher qu’une inévitable dose de dogmatisme est nécessaire à la
réalisation de l’humble idéal de l’Ecole primaire. Il est des vérités qu'il faut presque
imposer à l'enfant comme des acquisitions qu'il faut lui communiquer1. Ne nions pas,
non plus, la souveraineté du livre et la magie de la parole du maître au stade primaire
élémentaire. 206
On peut, dès lors, se demander si à côté de ces moyens, il faut utiliser le monde
extérieur (ouvrir l'Ecole) ou faut-il en protéger l'enfant (fermer l'Ecole). Elle s’ouvre au
monde, si celui-ci pénètre largement dans la vie de la classe. Elle peut aussi l'observer
afin d'en tirer profit. Dans ce cas, elle s'ouvre sur le monde. Examinons les avantages
d’une large ouverture, et d'une fermeture hermétique de l’Ecole au monde extérieur.
III. QUE PEUT APPORTER LE MONDE A L'ÉCOLE ? :
L’homme devant vivre dans le monde, il semble normal d’y préparer déjà l’enfant.
D'ailleurs, reconnaissons que le verbalisme, que la formation livresque et dogmatique,
même adroits, sont supportés par l'enfant mais, ne l'engagent jamais réellement. Le
monde est dur et inexorable. Ses sanctions sont pénibles et durables. L’élève obtient un
zéro, s'il ne sait pas sa leçon sur le Code de la Route, mais s'il lui arrive un accident par
ignorance de cette leçon, les choses sont bien différentes. Une mauvaise note
sanctionne dans le premier cas. Emotion, infirmité, mort peuvent survenir dans le
second... La vie sanctionne, parfois, si rigoureusement qu'elle jette l’effroi dans nos
âmes et nous donne peur d’avancer.
Par ailleurs, l’observation, le jugement, la réflexion ne peuvent se former
valablement qu’en contact avec le réel. L’observation et l’étude du milieu local restent la
base de l’éducation nouvelle. Le Dr Decroly veut mettre l’élève en présence, à la fois,
des choses, des êtres, des événements, des phénomènes, et cela, aussi souvent que
possible. Pour conserver à l’enseignement primaire son caractère concret et cohérent,
les I.O. n’hésitent pas à demander que « les leçons de géographie, d'histoire, de
sciences soient fondues en une seule et même rubrique : exercices d’observation du
milieu local. » Elles vont même plus loin et réclament, en outre, concordance entre lui et
la lecture, la récitation la langue française, les disciplines accessoires. Elles prescrivent,
par l'emploi des méthodes actives, les classes promenades, les enquêtes et
monographies...
Il n'est pas douteux que l'élève tire le plus grand profit de la visite d’une laiterie,
comme chez Litée, d'une distillerie comme la Mony, d’une coopérative de bananes ou
d’une imprimerie, si on a bien eu soin de solliciter son observation, de l’interroger ou le
renseigner sur leurs origines, leurs transformations, leurs débouchés, sur leur intérêt
économique, social et moral. Il y acquiert des idées fécondes à tous points de vue. Il se
familiarise avec le monde du travail, s’informe sur les modes de travail, les conditions
d'existence, de catégories, de travailleurs, les sentiments qui les animent, la prospérité
de l'industrie locale. Ces visites et entretiens jettent une aube de réalité et de vérité qui
contraste souvent avec ce que disent les livres. Il s'en suit une éducation plus
authentique, plus réaliste, plus humaine, parce que plus proche de la vie. D'ailleurs, des
sociologues comme Durkheim estiment que l’individu ne peut vivre, se développer,
s’élever intellectuellement et moralement que par la société.
Us soutiennent que « les aspirations les plus hautes de l'être ne se déploient qu'à
l’occasion et par le moyen de l’existence collective ».
Cependant une trop large ouverture de l'Ecole sur le monde peut offrir des dangers
pour le jeune enfant.
Les forces sournoises ou obstacles ont sur lui une Influence indirecte très certaine.
C'est le cas des familles dépravées, celui de la rue avec ses spectacles néfastes.
Parfois, l’éducateur se trouve forcé de lutter contre (’influence -familiale quand celle-ci
s'avère défectueuse. Dans la rue de la cité urbaine, le bien et le mal se mêlent
étrangement. Là, l’enfant subit une influence désastreuse qui s'exprime par des slogans,
de3 conseils invitant à la facilité, à la débrouillardise, à la ruse, à la malhonnêteté la plus
franche. Là, surtout, il trouve les exemples qu’il tend à imiter le plus facilement, ceux des
hâbleurs, des amateurs de succès faciles, des cafés, des bars, des affiches de cinéma,
qui, parfois, font étalage d’une sexualité dénudée, excitent son imagination, lui font
désirer, surtout aux adolescentes, avec frénésie, uns vie de luxe et de débauche, une
vie livrée aux excitations de toutes sortes et ce désir est souvent, cause de déviations
morales très graves. On peut dire que c'est dans les rues des villes que se font sentir les
répercussions profondes des transformations sociales qui constituent, sans doute, les
plus grands obstacles à la sauvegarde et à la transmission, des valeurs morales.
Et puis, n’est-II pas, peut-être, prématuré au stade de l'Ecole primaire, d'instruire
l'enfant de la dureté du monde, de le placer en face dés déconvenues, des déceptions,
des désillusions, des aspects décevants, de la vie ? Peut-être, risque-t-on d'en faire, au
départ une existence amollie...

IV. CONCLUSION :
SI Cousinet constate l’importance du rôle joué par la socialisation dans la vie
enfantine, s'il demande, de lui faire y tenir effectivement par toutes les fibres de son être,
il ne nie point qu’il faut penser à protéger l’enfant contre quelques aspects du monde
extérieur. L'Ecole, trop ouverte au monde risque de dépraver au lieu de moraliser, elle
peut Isoler au lieu de socialiser. Nous rattachons notre conclusion à l'instinct animal.
Comme la mère poule choisit le moment pour sortir ses poussins, H Importe que
l’éducateur sélectionne les aspects du monde qu'il laissera pénétrer à l’école.

208
SUJET N° 61
« Une éducation qui n'exerce pas les volontés est une éducation qui
déprave l'âme. Il faut que l'instituteur apprenne à vouloir », dit un écrivain
contemporain.
Expliquez cette pensée et montrez dans quelle mesure l'instituteur peut
enseigner à vouloir.

I. UNE MANIERE D'INTRODUIRE :


L’éducation de la volonté est de première importance chez l'enfant. Mais, la
volonté n’est pas une faculté. Si elle touche à l'attention, elle en diffère cependant.
Elle est une puissance d'action, elle s'incorpore à notre être et symbolise tant
l’ensemble de notre personnalité qu'un écrivain contemporain pense que « l’éducation
qui n'exerce pas les volontés déprave l'âme ».

II. EXPLICATION DE LA PENSÉE :


Dépraver l’âme, c’est l’altérer, la gâter et, même, dans un sens plus élevé, la
corrompre et la pervertir.
De prime abord, la volonté apparaît essentiellement puissance d’action, alors que
¡'attention semble plutôt tournée vers la représentation et la vie Intellectuelle. Au fond,
il n'en est rien. L’essence même de la volonté, c’est de faire une large place aux
éléments d’ordre représentatif, intellectuel. Ricœur écrit dans sa Philosophie de la
Volonté : « Il est de l'essence de la volonté de se légitimer dans des motifs, qui font,
apparaître des valeurs pour moi ».
De plus, la volonté, engage tout notre moi, aussi bien le moi passé que celui du
moment présent. Elle est toujours novatrice, car, au lieu de répéter servilement le
passé, elle l’utilise pour créer du nouveau.
Elle est liée aux sentiments. « Ce sont les sentiments qui mènent l’homme ».
(Ribot). La volonté s'enracine dans le désir. Mais, réciproquement, nos sentiments et
nos désirs alimentent la volonté et lui donnent sa force. Ex. : la faiblesse de la volonté
chez les apathiques correspond à un affaiblissement général de la sensibilité.
En outre, il n’y a pas de volonté, si nous n’agissons que d’après les
représentations purement sensibles. « Vouloir, c’est agir par concepts », dit Ch.
Blondel. Mais, pour que l’idée devienne une force, il faut qu’elle s’agrège à notre être
entier. C’est le cas de l’obsession ou de l’idée fixe. Idées, sentiments demeurent, en
quelque sorte, les matériaux de la, Volonté.
La volonté demeure puissamment liée à l'attention, à nos sentiments, nos idées, nos
désirs. Elle est activité de synthèse et, à ce titre, représente la forme la plus haute de
notre activité psychique. Négliger son éducation, c’est, en quelque sorte, diminuer les
vertus de l’âme et lui enlever ses puissances de décision et de création, faire de
l'homme un amolli, un affadi et ne pas le préparer, en somme, pour les durs combats de
la jungle humaine.

III DANS QUELLE MESURE L'INSTITUTEUR PEUT ENSEIGNER A


VOULOIR?
Jusqu’à l’âge de raison, la personnalité de l’enfant est si faible, si inconsistante,
qu’on ne peut encore, parler d'une véritable éducation de la volonté. Cependant, il est
nécessaire d’en poser les bases.
Le problème est délicat, sinon, subtil pour les raisons suivantes :
a) Le jeune enfant est un être spontané à réactions purement impulsives et à
réflexes, esclave de ses désirs. Or, la volonté exige une certaine puissance d’inhibition.
b) Son comportement est dominé par la loi de l'intérêt qui l'oblige à agir en vue d’une
satisfaction immédiate. Or, l'acte volontaire est toujours une action différée, à échéance.
c) Cette loi de l’intérêt fait qu'il ignore autre chose que ce qui le sollicite
présentement. Or, l'acte volontaire va, comme dit W. James dans « le sens de la plus
grande résistance ».
d) L'enfant est un étourdi. Son attention est papillonnante. Il vit dans un perpétuel
état de dispersion mentale et son esprit s’accroche au premier Intérêt venu. Or, la
volonté exige l'attention soutenue.
e) L’égocentrisme de l'enfant le confine dans une sorte de pensée de rêve, alors que
la volonté est essentiellement action sur le réel.

IV. MOYENS D'ACTION :


Autant de raisons expliquent que l’on ne peut prétendre, dès le plus jeune âge, faire
de l’enfant, un être volontaire. Mais, il importe, au plus haut point, de préparer chez lui
l’avènement de la volonté. Pour cela, il faut :
a) Utiliser et développer les éléments qui constituent les formes de l’acte volontaire.
Si les premières réactions de l'enfance sont réflexes, il vient un moment où s’intercale
une intention qui lie l’acte à son effet.
Ainsi se nouent des réactions circulaires », écrit Wallon.
Or, ces réactions circulaires sont le germe de l’acte intentionnel. De plus, c'est la
réaction à l'échec qui provoque chez l'enfant l'effort Le conflit des tendances lui pose le
problème du choix.
De bonne heure, l’enfant peut contracter des habitudes. Les bonnes, acquises tôt,
constituent un capital moral lui permettant, plus tard, d’exercer sa volonté à des tâches
plus difficiles. « Maints détails, de propreté, de bienséance et de civilité étant
automatisés dans 210 son inconscient, le voilà vraiment libéré pour faire siennes les règles
de conduite qui sont à la base de la conscience morale » (Dr. Gilbert-Robin). Le jeu peut
être école de discipline et corriger l’instabilité du jeune écolier, dans la mesure où il
exige continuité et coordination chez l’enfant, surtout qu’il est déjà capable d'attention
spontanée, comme le croit Mme Montessori.
b) Les ressources principales, viendront de l’action du milieu ambiant : (famille et
école) : Nécessité d’une discipline stricte ; lui donner des ordres précis; s’opposer à son
non, l’obliger à obéir. Même en jouant, lui imposer le respect des règles. L’obéissance
n’est pas une fin en soi. C’est une étape nécessaire de départ, pour apprendre à se
commander soi-même. Faire appel à son intelligence, sa réflexion, son sens du réel ; lui
apprendre à s’imposer de lui-même de petits sacrifices constants, des privations, bref, à
fortifier sa volonté ; favoriser la naissance des esprits d’initiative et d’entreprise qui
préparent les volontés fortes. Après l’âge de raison, l’amener à toujours réfléchir sur la
portée de ses actes...
« Vouloir, c’est déjà pouvoir », dit-on.
SUJET N°62

« Toute doctrine pédagogique fait une part au dressage et une part à


l'éducation. »
Expliquez, commentez et discutez ce jugement de P. Lapie. Selon vous,
comment convient-il de doser ces deux éléments ?

INTRODUCTION :
C’est dans son Ouvrage : Pédagogie Française que Paul Lapie (1869- 1927), ancien
Directeur de l’enseignement primaire, formule son jugement : « Toute doctrine
pédagogique fait une part au dressage et une part à l'éducation. »

I. EXPLICATION :
D’ordinaire, le mot dressage convient aux animaux et on .réserve le terme éducation
aux seuls hommes. D’ailleurs, Kant affirme que l’homme seul peut être éduqué.
DRESSER : C'est monter des habitudes, créer des réponses immédiates et
automatiques à des situations données. C’est prévoir même les réactions du dressé. Il
faut de plus, remarquer qu’en dehors de ces situations nettement définies, le sujet
dressé est parfaitement désarmé. Il reste incapable d’adapter ses réactions à des
situations nouvelles.
ÉDUQUER : C’est préparer l’enfant à la vie qui l’attend, devenu homme. L’éducateur
ne peut ni en définir, moins encore prévoir toutes les circonstances. Une éducation bien
comprise se propose à apprendre à l’enfant à s'adapter. Elle est assouplissement Elle
suppose la liberté d’action face à l'événement, alors que le dressage ne laisse aucune
place à cette liberté.
C'est en se penchant sur l’esprit, libéral qui doit guider la pédagogie française que
Lapie émet son jugement.
Force lui a été de considérer les divers moyens de construire un être humain. Il en
distingue deux et estime qu'ont peut former celui-ci du dehors ou du dedans. On peut
dit-il « le modeler comme une pâte inerte ou lui inspirer le désir du progrès, lui imposer
un fardeau de connaissances ou lui suggérer le dessein d'en acquérir ». Quant à la
conduite morale de l’être, il ajoute: « On peut le courber sous une règle extérieure ou
l’habituer au gouvernement de soi, le dresser ou l’élever. »
La formation extérieure constitue le dressage et l'intérieure l’éducation, Non. L’enfant
soumis au dressage subit, alors qu'il participe quand on l’éduque. Les écoles
212
pédagogiques ne se distinguent entre elles que par la proportion selon laquelle elles
dosent dressage et éducation. La doctrine qui donne le pas à la contrainte, à l'excès
d’autorité du maître, se nomma autoritaire ou coercitive celle qui fait la part plus large
possible à la personnalité de l’élève est dite libérale ou constructive.
Dressage et éducation se mêlent, sinon se côtoient sans arrêt, dans tout système
éducatif. D’ordinaire, le premier précède le second. Il se révèle particulièrement utile en
ce qu’il permet de réaliser une économie de temps et de réactions, toutes les fois que
des situations semblables se répètent.
Qui peut nier 'l’importance primordiale des solides habitudes physiques,
intellectuelles et morales dans une éducation bien comprise ? Ne dit-on pas que cette
dernière se résume à les donner I
De plus, le dressage constitue, en quelque sorte, une adaptation première et comme
standardisée de tous les enfants à la vie en général.
De son côté, l’éducation confère son sens à la dignité de l'homme. Elle le singularise
et lui donne sa qualité spécifique d'homme. C’est parce qu’on aura aiguisé les facultés
intellectuelles que la situation nouvelle et imprévue sera mieux perçue, mieux dominée
par une réaction strictement adaptée pour laquelle le dressage ne trouvera aucune
solution. Cette constatation prend de la valeur aussi bien sur le plan intellectuel,
physique ou moral.
De rapides exemples situent sur l’importance du dressage en éducation. L'enfant qui
a reçu l’habitude de soulever sa coiffure pour saluer le fait presque automatiquement,
chaque fois que l’occasion le nécessite.
Tel autre, habitué à penser et rompu à la pratique du calcul mental, voit d’un coup
d’œil les relations existant entre 63, 7 et 9. Il répond de suite à toute opération à
résoudre sur ces nombres.
L’élève que l’on a habitué à méditer sur la cause et la portée de ses actes, n’hésitera
pas à accomplir de bonnes actions parce qu’elles sont autant d’occasions de faire le
bien. L’opinion de Lapie demeure fort juste. On peut même dire que l’éducation est
impossible sans dressage préalable.

II. COMMENTAIRE ET DISCUSSION :


La pédagogie archaïque et médiévale estimait la contrainte comme premier moyen
d’éducation. L’élève était un sujet donné auquel ¡1 fallait faire apprendre certains
mécanismes, faire acquérir des mécanismes, acquérir des connaissances déterminées
et qu’il fallait plier à des règles de vie précises.
Aristote parle des enfants qui à l’école « étalent broyés par une grêle de coups ».
Montaigne signale : « la présence de « verges et de tronçons d’osier sanglants » dans
les écoles de son époque.
Plus près de nous, on a cru qu’une surveillance étroite, le fait de maintenir les
enfants dans la crainte et de les empêcher de mal faire suffisaient pour obtenir d’eux
attention et effort. Ces moyens ne concernent pas l’éducation. Le pain sec, les jeûnes,
le cachot d’antan nous apparaissent anachroniques pour une école d'aujourd'hui dans
laquelle les châtiments corporels de tous genres ont disparu. L'obéissance consentie
s'avère meilleure et plus profitable que celle qui est imposée. La contrainte excessive
n’éduque pas. La discipline autoritaire et coercitive peut avoir des conséquences fort
graves, signalées par médecins et psychologues.
Ainsi donc, si la contrainte n'éduque en aucune façon, faut-il s'en passer totalement
même pour commencer ?
Les avis des pédagogues diffèrent là-dessus. Rousseau estime que l’on peut tout
obtenir « sans rien prescrire, sans rien défendre, sans sermons, sans exhortations ».
Non pas tant parce qu’il croit de tout son être en la bonté de la nature humaine, puisqu’il
ne renonce pas tant à une éducation formative. Il veut, à tout prix, éviter le choc entre la
volonté impérative du maître et la volonté naissante de l’enfant pour « savoir qui des
deux sera le maître ».
L’éducation d'aujourd'hui se prétend de respecter la liberté et la spontanéité de
l'enfant. Elle prône l'autonomie par l’activité libre au point qu’Ellen Key déclare que le «
grand secret de l’éducation c’est de ne pas éduquer ». Elle s’efforce d'obtenir une action
plus franche et plus profonde, de susciter la personnalité du dedans plutôt que de
modeler l'individu du dehors. Elle pratique une discipline libérale et formative, même
l'auto-éducation (self-government).
Elle pense fermement que la discipline doit être suscitée par le milieu scolaire lui-
même, en vue de l'ordre interne et de l’organisation de la personne, fin dernière de toute
éducation.

III. DOSAGE DES DEUX CLEMENTS :


Le dosage apparaît plus Important dans les premières années de scolarité. Dès
l'Ecole maternelle, puis au cours préparatoire et même au Cours élémentaire,
l'éducation consiste à doter l’élève d'excellentes habitudes (physiques, Intellectuelles et
morales).
Au contraire, l'éducation prend de plus en plus d'importance à mesure que l'enfant
grandit. Comme le dit Lapie lui-même : « A mesure que l’enfant grandit, la discipline
intellectuelle se fait, à l’école, plus exigeante. Elle ne cesse pas d’être libérale... C’est
cet esprit qui doit animer l’éducation ». L’on comprend fort bien la pensée de M. David,
extraite de : Autour de la Pédagogie : « Il y a grosso modo, deux façons de comprendre
l'éducation d’un enfant. On l'élève pour soi ou pour 'lui. Dans le premier cas, il s'agit d’un
dressage, dans le second, d’une formation ».

214
SUJET N°63
Expliquez et appréciez la formule suivante :
« ...L'éducation doit avoir pour objet et pour but, non d'apprendre à l'enfant, à
l'adolescent et au jeune homme tout ce qu'il peut savoir, mais, de lui
enseigner à apprendre ce qu'il aura besoin de savoir. »

I. INTRODUCTION :
La vie d’aujourd'hui évolue avec une rapidité si surprenante que l’on se plaint que
l’Ecole n’est plus adaptée au monde, actuel. Le secret de cette Inadaptation réside dans
le dilemme que pose le texte à expliquer et qui peut se résumer comme suit: Faut-il, au
stade primaire élémentaire, apprendre à l’enfant tout ce qu’il peut savoir ou, n’est-H pas
meilleur de lui apprendre à apprendre ?

II. EXPLICATION ET APPRÉCIATION :


Il faut préciser au départ, que l’Ecole doit faire apprendre à l’enfant certaines
connaissances instrumentales. On s’en représente difficilement une qui n'apprendrait
pas, de façon définitive à lire, à écrire et à compter. N’est-ce pas le premier objectif
qu'elle doit atteindre ? D'ailleurs, elle ne toucherait pas son idéal véritable si elle
n’enseignait aussi des rudiments de sciences, de grammaire, d'histoire, de géographie,
de conjugaison de morale, et si elle ne procédait pas à une initiation esthétique
élémentaire de l’enfant qu’elle instruit. A part le « ce qu’il n'est pas permis d’ignorer »,
de l’enseignement primaire bien compris, se dégage toute une poésie qu'il faut amener
l’élève à respirer, à comprendre, à sentir et à goûter. C’est dire que l’Ecole instruit,
d’abord, mais, elle forme, ensuite. Bachelard disait : « La première mission de l’Ecole
est d’instruire ».
Cependant, si on s'obstine à apprendre à l'enfant tout ce qu’il peut savoir, on entasse
dans sa mémoire des connaissances. On emplit le vase jusqu’à en faire une « tête bien
pleine ». Il est à redouter que cet entassement se fasse au détriment des facultés
intellectuelles et détruise toute curiosité et tout appétit intellectuel. Il ne faut pas que la
trop grande richesse de souvenirs « embarrasse l’esprit au préjudice des qualités
mentales par excellence, la clarté et la justesse, la vivacité et la précision », écrit
Marion. Déjà Plutarque disait : « L’enfant n'est pas un vase à remplir, c’est une âme à
former. »
Si au contraire, on tente de lui « enseigner à apprendre » par lui-même, au fur et à
mesure de ses besoins, on allume un feu qui ne s'éteindra plus et qui s'étendra durant
toute la vie. Mieux, les connaissances, ainsi acquises seront plus définitives et plus
adaptables. Il est préférable de rendre l’enfant instruisable, au sens où l'entendent
Montaigne, puis Rousseau, au lieu d'avoir la vaine ambition d'en faire, du coup, un être
instruit.
De plus, avec les conditions de notre civilisation qui changent de façon étonnante,
c’est mieux armer l'enfant pour la vie, en lui fournissant de préférence des moyens de
s’instruire qu'une Instruction précaire et non durable. Il a davantage besoin de moyens
pour satisfaire, sa saine curiosité toujours en éveil. « Le meilleur fruit de 'l’enseignement
n’est pas tant la somme du savoir acquis, que ¡’aptitude à en acquérir davantage, c'est-
à-dire, le goût de l’étude, la méthode de travail, la faculté de comprendre », dit un
pédagogue.
C’est ce que précisent aussi les Instructions officielles. L'enseignement primaire
donne à ses élèves, d’abord, « une somme de connaissances, ensuite et surtout, de
bonnes habitudes d'esprit, une intelligence ouverte et éveillée, des Idées claires, du
jugement, de la réflexion, de l’ordre et de la justesse dans la pensée et le langage ».
Une méthode Idéale d'enseignement ne fait pas seulement acquérir, par l’élève, le
savoir dont il a besoin, mais, lui fournit, aussi les moyens d’accroître plus tard, lui-même,
ses connaissances.

216
SUJET N°64
« Notre pédagogie est sans doute traditionnellement trop bavarde,
autoritaire, orgueilleuse. Par contre, elle- même se standardise, se mécanise
et distribue ses recettes, ses formules et ses pilules. Il semble qu'elle sache
tout et dise tout, quand son objet devrait-être au contraire de provoquer le
désir et la curiosité et d'introduire l'esprit dans un monde qu'il sentirait
toujours inépuisable. »
Commentez et, au besoin, discutez ce jugement en appuyant votre
argumentation sur les faits tirés de votre expérience.

I. UNE MANIÈRE D'INTRODUIRE, ENTRE MILLE :


Trop souvent, peut-être, notre pédagogie, dite traditionnelle, a été prise à parti. On lui
a surtout reproché sa tendance dogmatique trop accentuée. Pour sa part, J. Guehenno,
auteur de : Sur le chemin des hommes, la condamne presque sans appel. Il écrit : «
Notre pédagogie est sans doute traditionnellement trop bavarde... et d’introduire l’esprit
dans un monde qu’il sentirait toujours inépuisable ».
Expliquons, puis commentons son affirmation :

II. EXPLICATION DE L'AFFIRMATION :


L’affirmation à examiner, outre qu'elle oppose la pédagogie traditionnelle à celle qui
consiste à susciter curiosité de l'enfant de manière qu’elle sente le monde inépuisable,
soulève un problème de méthode fort important pour notre enseignement primaire. Il
s’agit de savoir si le Maître doit dire avec autorité, enseigner avec suffisance, tout ce
qu'il sait ou s'il faut, avant tout, provoquer chez l’enfant le désir de savoir, entretenir chez
lui, la flamme de la curiosité intellectuelle. Sans équivoque possible, Guehenno se
prononce : le rôle du Maître est de provoquer le désir de savoir.
Avant de proscrire totalement l’ancienne méthode enseignante, J. Guehenno
rassemble, tous les défauts qu'on peut lui reprocher. Elle est en particulier trop
dogmatique et se propose d’imposer des vérités à l'élève. Au cours de ses leçons, le
Maître se contente d’affirmer. Il glisse docilement dans la routine, et, par souci de
rendement immédiat, (réussite aux examens, satisfaction aux parents d’élèves, ' souci
d'être bien vu par eux), la pédagogie traditionnelle pratique le bachotage ; elle invente,
combine, recettes, formules, pilules contraignantes pour les esprits à éduquer. Celles-ci
se révèlent d'autant plus efficaces que les résultats aux examens sont meilleurs, que les
diplômes conquis sont nombreux et que la confiance des parents est assurée.
III. COMMENTAIRE :
Cette critique sévère de notre méthode coutumière, revêt une certaine valeur. Elle
conduit, ipso facto, à examiner les nuances de la pensée de Guehenno puis, à se
demander quel est le but d’une éducation intellectuelle idéale.
Il y a lieu de convenir avec l'Académicien que nous sommes, en effet, bavards, que
nous nous montrons autoritaires, orgueilleux, peut-être, même, vaniteux. Nous voulons
briller comme dit Alain. Nous nous instruisons davantage que nous instruisons.
Nous disons sans doute des choses vraies parce que, extraites du livre, mais, la
manière dont nous les disons engage davantage l'éduqué à nous croire qu’à penser par
lui-même ou à découvrir d'autres vérités par lui-même. C'est le problème même du style
éducatif qui est envisagé ici. Enseigner consiste t-il exclusivement à fournir à ses
disciples une nourriture déjà digérée, facile à assimiler? La bonne méthode enseignante
ne peut consister disent les instructions officielles, ni dans une « suite de procédés
mécaniques, ni dans une froide succession de leçons exposant aux élèves les différents
chapitres d’un cours. » Enseigner, c’est faire un appel incessant à l’attention, au
jugement, à la spontanéité intellectuelle des élèves.
L’Enseignement primaire ne peut porter du fruit qu’à la condition d'être intuitif et
pratique. Le Maître qui parle seul, qui laisse passif son disciple parce qu’il lui impose des
vérités, utilise une mauvaise méthode. Les Instructions officielles insistent aussi sur
l'unique méthode à l’employer : « La seule méthode, qui convienne à ('Enseignement
primaire est celle qui fait intervenir, tour à tour, le Maître et les élèves et qui entretient,
pour ainsi dire, entre eux, un continuel échange d’idées sous des formes variées,
souples et ingénieusement graduées ».
La manière d’enseigner paraît plus importante que les notions enseignées.
De plus, l’instituteur primaire qui enseigne de façon trop dogmatique se laisse aller à
la routine et se fabrique une méthode rigide d’enseignement. Il est aussi dominé par le
souci du rendement immédiat qui conditionne la confiance des parents, des élèves et
même des supérieurs hiérarchiques. Force 'lui est d’inventer des recettes, de combiner
des procédés, de rechercher des formules pratiques, de distribuer des pilules
d’assimilation, bref, de pratiquer un processus d'enseignement ressemblant fort à la
thériaque de Renan. De telles méthodes ne peuvent que limiter, borner l'esprit et la
curiosité de l’enfant, au lieu de l’allumer, de l’attiser, afin de l’ouvrir et de l’orienter vers le
monde qu’on ne finît jamais d’explorer dont parle J. Guehenno,
IV. DISCUSSION :
Ainsi qu'on le sent, la position de J. Guehenno exclut totalement toute action
218
pédagogique autoritaire.
Reste à se demander s’il ne faut,, pourtant, pas fournir des moyens à la curiosité
enfantine, pour qu'une fois introduite dans <e vaste mondé, elle soit capable de
continuer à l’exploiter de façon rationnelle. Il est vain pour l'esprit, même s’il sent
inépuisable, le monde, de s'y aventurer, si au départ, il n'a pas été préparé à
l'exploration. C'est pourquoi avant d’introduire l'esprit dans le monde toujours
inépuisable, il importe de -lui conférer d'excellentes habitudes de découverte, d'en faire
comme l’instrument du travail intellectuel. Pour y parvenir, il faut à tout prix, commencer
par le dogmatisme que l’on doit abandonner, chemin faisant.

219
SUJET N°65
« Le but suprême de l'école est de développer au maximum la personnalité
de l'enfant tout en assurant sa parfaite intégration parmi ses semblables. Ces
deux objectifs paraissent antithétiques ; ils ne le sont en fait que lorsque la
pédagogie est mal conduite. »
Discutez cette affirmation d'un pédagogue contemporain.

Une manière, entre mille de concevoir le sujet:

I. EXPLICATION :

L'affirmation à discuter est extraite de l'Evolution psycho-physiologique de l’enfant de


Bize. Elle précise la double fonction de l'école et définit, sous couvert, la bonne
pédagogie. L'idéal de l’école est de favoriser l'épanouissement total de l’enfant qui lui est
confié, en même temps qu’elle la socialise complètement. Mais, ces deux buts à
atteindre : développer jusqu’a l’extrême limite une individualité, puis l’associer à la
meilleure adaptation possible à la société, paraissent inconciliables au départ. L’auteur
de la pensée a soin heureusement, d’ajouter, qu’ils ne le sont que lorsque la pédagogie
appliquée est mal conçue et mal dirigée.
Chacun s’accorde à reconnaître que ¡‘école doit assurer le développement de l’enfant
aux points.de vue physique, intellectuel, artistique et moral et favoriser l’épanouissement
de toutes les virtualités qu’il porte en lui. Dans ce sens, Kant écrit : « L'éducation a pour
but de développer dans l'individu toute la perfection dont il est susceptible ». Ce but
psychologique, tient d’abord compte des tendances, aptitudes et possibilités de chaque
enfant en tant qu'enfant, avant de considérer l'homme que ce dernier deviendra. Si ses
goûts, facultés, intérêts sont harmonieusement cultivés, la personnalité de chaque
enfant sera la plus riche possible.
Mais, l'enfant qui, aujourd’hui vit dans le milieu scolaire, évoluera demain dans la
société des adultes. C’est à l'école de l’y préparer. Elle devient, dès lors, milieu
socialisateur. Il faut qu'elle apprenne l’enfant à vivre dans le monde des adultes, puisque
c’est sa destination normale. L'homme est fait pour vivre en société II ne peut y
échapper. Aristote dit qu'il est « un animal sociable ». C’est une molécule composante
du vaste corps social : « Des états physiques, Intellectuels et mentaux », dirait Durkelm
devant faciliter l’adaptation le meilleur au groupe social doivent être préparés.
II. CES DEUX MISSIONS DE L'ECOLE SONT-ELLES INCONCILIABLES?:
L'attitude psychologique considère l’individu pour lui-même, avec ses états
subjectifs, ses réflexes, ses états mentaux, néglige le non moi et aboutit à
l’individualisme. Elle conduit invariablement à- une pédagogie soucieuse de la liberté de
l’enfant, respectueuse de sa nature, individualisée et comme sur mesure. L'enfant se
développe presque de lui-même, « au contact des choses » et acquiert, par lui-même,
son expérience de la vie.
L’attitude sociologique accorde la primauté aux besoins de la société, fait de
l’individu le produit de la société et le prive de ses caractères individuels propres,
renonce pour ainsi dire, à l'autonomie de la personne humaine. Elle aboutit à une
pédagogie dogmatique, s’imposant de l'extérieur, d'allure collective et façonnant l'enfant
d’après des cadres sociaux déterminés. Alors que dans la première conception, le
maître est un témoin ou un serviteur, dans le second, il est mandaté par la société pour
créer les états que celle-ci réclame.
Deux formules se contredisant et s'opposant : la première postule le libre
développement ; la seconde se préoccupe de fournir à la société les types standardisés
dont elle a besoin. Aucune d’elles, d’ailleurs ne peut réaliser son propre idéal, parce
que, une pédagogie trop individualiste nuit à la formation de la personnalité comme une
pédagogie trop sociétaire compromet la socialisation de l’enfant.

III. PEUT-ON CONCILIER CES DEUX THÈSES? :


A toute époque, l'éducation a eu pour but de transmettre à l’homme les
connaissances et les dispositions physiques et morales lui donnant les meilleures
chances pour une vie personnelle, familiale et sociale heureuse, en même temps utile à
ses semblables, et à lui-même. Pour faire face à la complexité du monde moderne,
l’école d’aujourd’hui doit pourvoir à autre finalité beaucoup plus importante que la
connaissance elle-même : l'adaptabilité. « La prise de conscience de la solidarité de
l’individu avec son groupe de travail, avec la communauté nationale, européenne,
mondiale, devient un objectif de plus en plus nécessaire dans toute éducation moderne
». Ce double aspect de l’éducation a été préconisé par bien des pédagogues. Déjà W.
James écrivait : « L’éducation a pour but de faire de l'individu un instrument de bonheur
pour lui-même et pour les autres ». Ici, le mot bonheur est comme la traduction utilitaire
de perfection. L'être humain aspire à être heureux et le bonheur fait partie aussi de sa
destination. Sans méconnaître que l'éducation est surtout le développement
désintéressé de l’individu, il est bon de rappeler que celui-ci ne vit pas seulement pour
lui-même, pour son perfectionnement solitaire et égoïste, mais aussi pour les autres et
que son existence est subordonnée à celle d’autrui. La définition que donne Rousseau
de la bonne éducation traduit cette préoccupation. « L'éducation est l’art d’élever les
enfants et de former les hommes. » L'éducation idéale se définit : l’ensemble des efforts
réfléchis par lesquels on aide la nature dans le développement des facultés physiques,
intellectuelles et morales de l'homme en vue de sa perfection de son bonheur et de sa
destination sociale » (Compayre). Mais Durkheim écrit : « L'homme que l'éducation veut
réaliser en nous, ce n’est pas l'homme tel que la nature l'a fait, mais tel que la société
veut qu’il soit ». Si cette définition reste en accord avec l'idée qu’il se fait de la société,
elle signale l'opposition entre une éducation considérée du point de vue sociologique et
une, vue sous l'angle naturaliste. Il s'en dégage que l’éducation devient le moyen de la
continuité sociale. Elle établit, surtout que, sans société, il n’y a pas d'éducation et, aussi
sans éducation, il n'y a pas de société ». « La socialisation s’opère d’abord, par le
moyen d'une imprégnation lente qui résulté du fait que les jeunes continuent à vivre au
milieu des adultes, puis, elle se fait consciente et même réfléchie », écrit M. R. Hubert.
Cependant, à supposer que l'être ne devient tout ce qu'il peut par son intégration à la
société, il faut reconnaître qu’il porte en lui « une réalité subjective qui échappe au
conformisme social », qui constitue son être intime propre et qu'une éducation se disant
totale ne saurait négliger si elle entend vraiment épanouir la personnalité de l’enfant. En
bref, on peut dire que toute la puissance de l'éducation se résume à cette formule : «
utiliser la société comme voie normale pour parvenir aux valeurs suprêmes de
civilisation et spiritualité », mais, s’élever au-dessus de la société supérieure qui
dispense cette éducation pour ne rien négliger de ce qui constitue « le résidu mystérieux
que chaque, humain porte en lui ».
Tout compte fait, organiser l'école de manière à atteindre le double objectif préconisé
par Bize, c'est apprendre aux élèves à se passer de leur maître, terme - de toute
éducation bien comprise.

222
SUJET N°66
« C'est une erreur de vouloir faire tenir toutes les études dans le travail de
quelques années de la jeunesse : l'éducation est l'œuvre de la vie entière. »
Développez et commentez cette pensée.

L’enfant de l’Ecole primaire reçoit des connaissances qui, en fin de scolarité, font
de lui un être instruisable. Peut-on pour autant, au terme de cette brève étape, le
considérer comme éduqué ? Il semble que non si on en croit Gréard qui pense que
l’éducation est l’œuvre de la vie entière.

I. QUE PEUT-ON ACQUÉRIR PAR LE TRAVAIL DE QUELQUES


ANNEES DE LA JEUNESSE?
Résumant l’acquis scolaire de son élève, à quinze ans, Rousseau écrit : « Emile a
peu de connaissances, mais celles qu’ils a sont véritablement siennes ». Il signale
qu’Emile sait bien un petit nombre de choses, mais qu’il en existe une infinité d’autres
qu’il ignore. Ses quelques années de scolarité lui ont fait acquérir « un esprit universel,
non par les lumières qu’il a, mais par la faculté d’en acquérir ». L’essentiel est qu’il
arrive à trouver « 'l'à quoi bon sur tout ce qu’il fait et le pourquoi sur tout ce qu’il croit ».
C’est bien préciser que l’éducation véritable ne saurait résulter des seules années de
scolarisation.
Durant cette période, le maître s'applique à façonner l’intelligence de l’enfant, à lui
inculquer un savoir et des sentiments moraux élémentaires propres à armer son esprit,
pour les luttes de l’existence.
Les Instructions officielles de 1887, précisant l’objet de l’Ecole primaire, disent
qu’elle ne donne qu’un nombre limité de connaissances mais, ces dernières sont
choisies de façon qu’elles assurent à l’enfant tout le savoir pratique dont il aura besoin.
Celles de 1938, renforcent que ces connaissances doivent être une préparation
directe aux devoirs, aux combats et aux joies de la vie tout entière. Les programmes
primaires sont chargés et la scolarité courte. C’est pourquoi on choisit, dans chaque
matière « ce qu’il n’est pas permis d’ignorer ». Le premier soin du maître est de
favoriser l’acquisition de bonnes habitudes physiques, intellectuelles et morales par
l’enfant. Puis, il oriente le développement de ses élèves dans le sens des réalités
pratiques. Il crée, en même temps, de solides habitudes morales. Cette éducation
primaire est donnée dans un esprit déterminé : respect de la raison et désir de la vérité
: amour de la liberté, respect de la justice, tendance à réaliser l'union entre les élèves,
respect de l'enfant, et désir d'utilité pratique. Cet esprit se résume223par le passage
suivant des J.O. « une éducation, à la fois, utilitaire et désintéressée, réaliste et
Idéaliste qui tient un compte égal de leurs besoins, les plus effectifs et de leurs plus
nobles aspirations ». A noter que même l’élève qui a passé au C.E.G. ou suivi
l’enseignement secondaire ne reçoit pas pour autant une éducation complète.
Commentaire :
II. L'ÉDUCATION EST-ELLE L'ŒUVRE DE LA VIE ENTIÈRE?

II appartient à l’élève de continuer et de compléter l’ébauche à peine commencée


sur les bancs de l’école. Il lui faut augmenter la somme des connaissances acquises
par un effort incessant, un labeur de tous les instants, s’il a à cœur de donner à lui-
même et à la société ce qu’il peut et ce qu'il doit...
L'étude, stimulant précieux pour l'âme éprise de vérité, est la source du progrès
Individuel. Elle ne saurait, par conséquent, se limiter exclusivement à une minime
partie de la vie humaine, ce que l'auteur appelle « les quelques années de jeunesse ».
A quelque classe de la société que l'homme appartienne quelle que soit la branche
d’activité dans laquelle s'exerce son énergie, (travail manuel ou intellectuel), l’œuvre
de l’éducation est toujours à parfaire, parce qu'elle est sans cesse perfectible.
Considérons ce fils de paysan ou d’artisan. Six fois sur dix il est appelé à succéder
au père dans les champs ou à l'atelier. L’Ecole primaire agrandit l’horizon de sa
pensée, lui fait entrevoir un panorama merveilleux dans les domaines littéraire,
scientifique, ou artistique. Que deviendront les préceptes appris, les Intéressantes
notions à peine écloses dans ce jeune cerveau ? Ils se développeront si l'enfant,
devenu homme, ne néglige pas de reprendre ses livres, de se tenir au courant des
inventions qui naissent chaque jour. Dans le cas contraire. Ils s'atténueront et
s'effaceront complètement de sa mémoire.
Même pour celui qui se destine à une autre carrière, dans un champ bien propre à
la culture des facultés Intellectuelles, l'instruction et l'éducation doivent continuer à se
développer car, un mot fort exact dit que celui qui n'avance pas recule. Peut-être
même, est-il plus Juste dans le domaine de l’instruction qu’ailleurs.
Que deviendrait l’homme qui se bornerait à laisser sans emploi utile le bagage des
connaissances acquises en ses jeunes années. Il limiterait son ambition à végéter
comme un être sans but, sans idéal, insouciant de sa culture intellectuelle et non
désireux d'enrichir sa pensée de nouvelles conquêtes. Agir de la sorte serait
méconnaître le but même de l'existence qui est le travail.
Les grands savants et écrivains nous offrent des nobles exemples : Archimède, B.
de Paiissy, Voltaire, Thierry, Pasteur. Ils ne cessent de travailler en vue de mieux
remplir la tâche qu’ils ont entreprise. Pasteur trouvait minime son savoir de grand
savant « Il me semble que je volerais si je passais une journée sans rien faire ». Ce
que nous savons, n’est rien en comparaison de ce que nous ignorons. L’Ecole a pour
ambition hardie, peut-être, d'apprendre à penser librement. Tâche d’une difficulté
extrême, mais, devant laquelle, il ne faut pas reculer, car autrement, on n’éduque pas,
on dresse. Et le dressage est l’antinomie de 'l’éducation.
C’est parce que
224 l’enfant est, malgré tout, un homme en devenir qu'il porte en lui sa
curiosité d’homme, le goût de l'effort créateur, le besoin humain de l’ordre, les
exigences de la raison humaine que l’on peut sortir de cette antinomie.
L’enseignement qu'on lui donne à l’Ecole primaire doit être assez égal pour qu'il soit un
enseignement de base, susceptible de tous les développements et de toutes les
applications. Sinon on ne le met pas à même de se cultiver ultérieurement.
III. CONCLUSION :
L'éducation commence avec la vie et finit à la tombe. Heureux, l'homme qui peut
dire, avant de clore ses paupières : Je n’ai pas perdu mon temps, j'ai eu pour règle, le
travail, pour devise le bien, pour objectif, la tendance à la perfection.

225
SUJET N°67
Commentez cette affirmation d'Alain et essayez de la concilier avec vos propres
conceptions pédagogiques.
« L'homme ne compte que par ce qu'il obtient de lui- même selon la méthode
sévère et, ceux qui refusent la méthode sévère, ne vaudront jamais rien. »
C.F.E.N. (Martinique, Session Juin 1962 et C.A.P., Session Mars 1967).

I. UNE MANIÈRE D'INTRODUIRE ENTRE MILLE :


Alors que Dewey et Clèparède répandaient la conception d’une pédagogie fondée sur
les besoins et les Intérêts de l’enfant, quelques uns de leurs disciples, sous prétexte de
pédagogie nouvelle, prônaient que le travail scolaire devait devenir un jeu pour l’écolier.
Dès lors, tout effort de l’élève se trouvait, sinon banni de l’éducation, du moins, devenait
inutile, à partir du moment où le Maître connaissait son métier et savait intéresser, les
enfants.
A son tour, Alain dit non à cette dernière manière de concevoir l’éducation et
recommande la méthode sévère.
II.EXPLICATION ET COMMENTAIRE :
Que faut-il entendre par la méthode sévère ? Simplement, celle qui fait appel à l'effort
volontaire, qui s’oppose à la recherche systématique de la facilité.
Pour Alain, la difficulté à vaincre endurcît et fait progresser. C'est là une évidence à la
fois, biologique et pédagogique. Un muscle qui ne travaille pas s’atrophie. Il se fortifie
par l'exercice. Les êtres vivants qui travaillent maintiennent leur' potentiel physique. La
difficulté, quand elle est proportionnée à l'état mental de l’être qui doit la résoudre,
tonifie. Ici, une nuance s'avère nécessaire. L’enfant n’est ni un adolescent, ni un adulte.
Il faut se garder de le décourager en exigeant de lui des efforts au-dessus de ses
moyens intellectuels. Ceux-là doivent être adaptés à ses possibilités et gradués.
L'expression « de lui-même » implique une participation volontaire de l'élève et
condamne la trop grande sollicitude du Maître. Alain a donné plus d’un coup de pied
dans le système d’instruire en amusant. Il ne croît point à des « leçons amusantes qui
sont comme la suite des jeux ». Cela pour plusieurs raisons.
a) Le travail facile n'est pas formateur du point de vue Intellectuel.
« L’expérience qui intéresse me paraît mortelle pour l'esprit: ce qui intéresse n’instruit
jamais », écrit-il. Il poursuit: « Je ne dirai pas seulement que tout ce qui est facile est
mauvais ; je dirai même que ce qu'on croit facile est mauvais... L’attention facile n'est
nullement l'attention, ou bien, alors, disons que le chien qui guette le sucre fait
attention... Les vrais problèmes sont d’abord amers à goûter : 'le plaisir viendra à ceux
qui auront vaincu 226 l’amertume. Je ne promettrai donc pas le plaisir, mais, je le donnerai

comme fin de la difficulté vaincue ».


b) L’essentiel de l’œuvre éducative, n’est pas d’instruire.
Elle est de former l’homme, c'est-à-dire sa volonté. Selon, Alain. « Il n’y a point
d'autre valeur humaine que celle-là. L'intérêt de vouloir est bien au-dessus de la molle
curiosité. »
Il en dérive que les « travaux d’écolier sont des épreuves pour le caractère et non
pour l’intelligence ». Que ce soit en orthographe en calcul ou en version « il s'agit de
surmonter l’humeur, il s'agit d'apprendre à vouloir ».
c) L’enfant est plus sérieux qu’on ne le croit communément il n'a pas pour le jeu un
amour exclusif. Il écrit : « L'enfant est un petit homme. Il distingue très bien ce qui est
puéril et ce qui est viril. Il faut respecter le sérieux de l’enfant ; c’est tout l’avenir humain
».
III. ESSAI DE CONCILIATION :
Toute pédagogie tend à faciliter l’acquisition des connaissances et la formation
progressive des facultés. De plus, il faut un départ pour que l'écolier soit capable
d'utiliser par lui-même 'la méthode sévère. Il importe qu’il soit entraîné progressivement
à l’effort.
Le souci capital du Maître devra résider dans le choix des efforts progressifs et
dosés. Les victoires se méritent et se conquièrent. Pour faciliter à l’enfant ses
conquêtes, baser notre enseignement, autant que faire, sur ses besoins et ses intérêts
psychologiques. C’est la méthode la plus sûre pour lui faire, d'abord, accepter le sens de
l'effort et continuer à le fournir durant toute sa scolarité, puis, en faire une règle de vie
quand il deviendra adolescent et adulte.
Bien de saines habitudes lui seront Inculquées dès le début du stade primaire
élémentaire : effort de mémorisation des tables d’addition, de multiplication, des
formules de base, connaissance imperturbable des éléments clés, habitude, goût et
plaisir de la lecture éveil de sa saine curiosité, histoire, géographie, science, goût
d'apprendre, de se cultiver sans cesse.
Lui communiquer le désir d'élargir ses connaissances jusqu’à une prise de
conscience exacte des mouvements qui tourmentent et menacent la planète.
Lui permettre de ne pas être en décalage avec son époque dont le progrès technique
s’accélère sans cesse.
A tous les degrés de l'enseignement, il importe de moins apprendre qu'apprendre à
apprendre. Tout élève d'aujourd'hui doit acquérir les vertus de l'autodidacte. Avec
l’accélération de l’histoire, les responsabilités techniques, sociales et politiques poseront
aux jeunes gens de l'an 2 000 de sérieux problèmes auxquels l’Ecole se doit de les
préparer, sinon elle manquerait à sa mission essentielle. La méthode préconisée pour le
visionnaire Alain, bien adaptée, paraît la plus sûre pour atteindre cet idéal.

227
SUJET N° 68

228
« Faire agir, c'est là le grand précepte de l'enseignement. »
Développez la pensée contenue dans ce précepte et dites comment vous
en faites l'application dans votre classe.

I. INTRODUCTION POSSIBLE :
De récents travaux de psychopédagogie ont révélé qu'un enseignement est vain si
l’élève ne se trouve pas en état de réceptivité au moment où il s’offre à lui. Cet état se
réalise d’autant plus aisément que l’enseignement donné répond, chez l’élève, à un
intérêt naturel et vivant, s’harmonisant avec ses moyens présents. De plus, on obtient
de lui une activité corporelle et intellectuelle féconde quand l’intérêt est bien exploité.
S’il en est ainsi le meilleur moyen d’obtenir de lui du rendement, ne consisterait- il pas
de l’inciter à faire preuve d’une activité incessante?

II. EXPLICATION ET DÉVELOPPEMENT DU PRÉCEPTE : « FAIRE AGIR » :


Au sens propre du terme, agir signifie s'occuper, faire quelque chose. C'est bien
dans ce sens qu’il faut le prendre, si l’on entend attribuer au précepte en question sa
véritable signification. Faire agir des élèves ce n'est pas les pousser à une dépense
d'énergie physique purement extérieure. C'est plutôt tenir, sans cesse, en éveil leur
corps et leur esprit. C'est surtout, par l'emploi de méthodes adroites et efficaces,
provoquer le travail de leur esprit afin que ce dernier acquière plus de puissance et de
souplesse. C’est les entraîner à une activité corporelle et intellectuelle .créatrice en
ayant toujours soin d’accompagner cette dernière de joie, de plaisir pour qu'elle soit
féconde. C’est, par cela même, obtenir d’eux une connaissance véritable qui dérive de
leur expérience propre, c’est-à-dire, du travail de leur pensée, C’est, enfin, dirait
Diesterweg, employer des méthodes d’enseignement « excitatrices de la pensée ».
Les images opposées de deux classes permettent d’illustrer facilement la
signification pédagogique à attribuer à l’expression : faire agir. La première est calme.
Il y règnent un ordre et une discipline absolus. Le maître parle seul. Les élèves
l’écoutent, comme figés dans un silence religieux. C’est une excellente classe pourrait-
on penser. Elle ne l’est que d’apparence et pour des raisons pédagogiques diverses.
D’abord, le maître qui ne cesse de « criailler aux oreilles », ne sait pas enseigner. Il
s’écoute parler. Il travaille et agit seul.
Ensuite, ces élèves en apparence, si attentifs regardent sans voir et écoutent sans
retenir. Ils sont présents de corps, non d’esprit. Si on les considère de près, on
s'aperçoit que leurs physionomies reflètent indifférence et lassitude. Ils pousseraient
229
volontiers les aiguilles de l’horloge pour hâter l’heure de la sortie parce qu’ils
's'ennuient. Loin d'agir, leur esprit sommeille. Ni gaieté, ni vie se dégagent d’une telle
classe qui, en réalité, est morte.
. La seconde est comme bruyante mais, vivante. Il s’en dégage de l'animation, de
l'émulation, du plaisir de travailler parce que le maître ne pratique pas un enseignement
ex-cathedra. II interroge sans cesse ses élèves. Ceux-ci cherchent, réfléchissent
trouvent et collaborent vraiment à l'enseignement qui leur est donné. Ici, les heures
passent vite et le plaisir de la découverte se lit sur les visages des élèves. Leur esprit
constamment tenu en éveil se développe et progresse. Ils assimilent et retiennent
aisément cet enseignement qu'ils ont pour ainsi dire, découvert eux-mêmes sous
l’habite direction de leur maître. Leur activité est féconde parce qu'ils travaillent dans la
joie.
Ceux de la première classe, ne font aucun progrès. Leur activité se borne à écouter
passivement la parole du maître. Ils ne déploient aucun effort Intellectuel et l’étude ne
leur offre pas de l'attrait. N’ayant nullement contracté l'habitude de l'effort intellectuel, ils
ne contribueront pas à s’instruire, n’essaieront jamais de comprendre ce qui leur
échappe, moins encore, d’aller ou fond des choses.
C’est qu’on ne progresse et n’acquiert que par l'habitude de l’effort. S'instruire, c’est
remporter une série de petites victoires sur soi-même. Rousseau laisse Emile s'instruire
au contact des choses par la naturelle activité de son esprit, piqué au vif. Il recommande
au maître de « rendre son élève attentif aux phénomènes de la nature » afin de le
rendre curieux. Il ajoute : « Mettez les questions à sa portée et laissez les lui résoudre ».
Faire agir suppose par-dessus tout, une perpétuelle activité de l’esprit, un Vif intérêt
pour les problèmes que les choses posent à l’esprit, apprendre aux élèves à acquérir
leur propre savoir quand celui-ci s'avère nécessaire’ pour eux. Le muscle qui ne travaille
pas s’amollit et s'atrophie. Il en est de même de l’esprit inerte. C'est pourquoi, faire agir
demeure bien lé principe essentiel de l’enseignement primaire élémentaire.

III. APPLICATION DANS LA CLASSE :

Ce principe pédagogique est d'une application facile dans la classe quand le maître
et les élèves agissent, à la fois, et sans cesse. Le maître, pour rechercher, combiner la
forme de travail intellectuel la plus féconde ; les élèves, pour résoudre toutes les
énigmes que ce dernier leur pose et faire des « trouvailles ».
C’est bien la méthode préconisée par les 1.0. qui déclarent: «La seule méthode qui
convienne à l’enseignement primaire est celle qui fait Intervenir tour à tour le maître et
les élèves qui entretient pour ainsi dire, entre eux et lui un continuel échange d’idées
sous des formes variées souples et ingénieusement graduées ».
Elles recommandent la pratique d'une méthode intuitive, inductive et active. Ce
dernier mot suppose « un appel constant à l’effort de l'élève ». Il 'substitue
l’expérimentation à l'observation parce, que, plus active et suppose un travail effectif des
élèves, bref, un véritable enseignement par l’action.
230
Exemples en :
a) MORALE : Appel à la réalité vécue, à celle de tous les jours ; enseignement fondé
sur la collaboration Maître-élèves.
b) LECTURE: Jeux de lecture, maniement d’étiquettes, décomposition,
recomposition de mots connus, écriture au tableau noir, de mots connus. (2 ou 3 élèves
peuvent travailler sur le même tableau. (Relire les paragraphes mal lus.
c) CALCUL : Manipulations d'objets simples et usuels : (bûchettes, bâtonnets,
perles, jetons, dominos, billes, règles, crayons). Confection de collections d'objets
semblables ; Interprétation graphique de certaines opérations simples, de petits
problèmes de mesure, de courriers, de partage, etc... Manipulations d’instruments de
mesures connus.
d) SCIENCES : Examen attentif et détaillé des corps et substances étudiées.
Vérification des propriétés de certains d’entre eux ; se servir d'échantillons locaux.
e) HISTOIRE-GÉOGRAPHIE : Visite du milieu local : musées, vestiges, ruines,
constructions nouvelles. Consulter les documents, les photographiés, les cartes ;
comparer le passé au présent.
f) COMPOSITION FRANÇAISE: Découverte collective des Idées. Reconstruction de
paragraphes mal bâtis. Pratique de l'auto correction pour tous les exercices 6e
rapportant à la langue française.
L’enfant, toujours Immobile, devient malingre et chétif. On dit bien que toute lame qui
ne sert pas se rouille, puis se casse. De même l’esprit humain qui ne/travaille pas, ne
progresse pas. Seul, -un entraînement actif de la pensée conduit à un enseignement
efficace.

231
SUJET N° 69
De récentes circulaires ministérielles ont rappelé que l'Ecole primaire doit
appliquer essentiellement son effort à faire acquérir aux enfants de 6 à 11
ans, les mécanismes de base nécessaires à toute étude ultérieure :
lecture, écriture, orthographe et calcul...
Cette expérience, implique-t-elle qu'on réduise ou qu'on supprime des
matières telles que la leçon de choses, la • leçon d'histoire et, de
géographie ? Ou faut-il, au Contraire, dans l'intérêt des élèves, les
maintenir telles qu'elles sont enseignées ?
En vous appuyant sur la psychologie des enfants de six à onze ans,
donnez votre point de vue et justifiez-le.

I. UNE MANIÈRE D'ABORDER LE DEVOIR :


La Circulaire ministérielle du 19-10-60, émanant de la Direction des
Enseignements élémentaires et complémentaires d’alors, et relative à l’efficacité de
l'enseignement primaire, Invite le maître à enseigner à ses élèves « fortement et bien
les mécanismes de base. » Elle insiste pour que les enfants issus des Cours Moyens
2* Année, possèdent « d’une manière très sûre les connaissances fondamentales en
français et en calcul ». Elle fixe ensuite aux maîtres des dites classes comme tâche
essentielle « d’établir les fondations solides et durables de tout l’édifice scolaire ».
Elle renforce, enfin, que cette nécessité s'impose notamment dans les disciplines
fondamentales: lecture, écriture, orthographe, rédaction et calcul.'
On peut, dès lors, se demander s’il découle de cette consigne impérative qu’il faut
réduire, sinon, supprimer des matières comme les leçons de choses, d’histoire, de
géographie ou s’il vaut mieux continuer à les enseigner.
Seule, la psychologie de l’enfant peut aider à répondre à telle question.

II. PSYCHOLOGIE DE L'ENFANT DE SIX A ONZE ANS :


Entre six et onze ans l’élève passe du Cours préparatoire au Cours moyen 2e
Année en même temps qu’il franchit une série d’étapes psychologiques. Du point de
vue intellectuel, le principe de changement de classe doit être conditionné par ses
possibilités psychologiques qui s’épanouissent à mesure qu’il avance en âge.
D’ailleurs, à quoi servirait de dispenser des connaissances si celles-ci ne sont pas
assimilables par232 ceux à qui elles sont dispensées ? Aussi, est-ce pour cette raison

qu’il importe que le maître sache, avant tout, choisir et doser suivant, l’âge
intellectuel, les connaissances que ses élèves auront à assimiler. Les Instructions
officielles précisent: «C’est perdre le temps et gaspiller l’énergie des maîtres et des
élèves que d’offrir à ceux-ci une nourriture pour laquelle ils n’ont pas de goût et que
leur esprit ne saurait digérer. Mieux vaut, laisser l’enfant dans l’ignorance que de lui
imposer un enseignement prématuré ».
Jusqu'à six et sept ans, l’enfant reste au stade dé la pensée conditionnelle. Il ne
raisonne pas de façon logique et formelle. Il a besoin, pour raisonner, du support des
choses. Il ne dispose pas encore de la possibilité d’abstraire. L’enseignement qu'on lui
donne reste au stade du concret. Peu à peu, son esprit se familiarise avec certaines
abstractions. Ce n'est que vers quinze ou seize ans que son esprit accède au stade
hypothético- déductif. A onze ans, sa mémoire fraîche assimile bon nombre de
notions. Aussi les connaissances, la plupart des notions de l'Ecole primaire sont-elles
davantage basées sur la mémoire que le raisonnement ou l'intelligence pure.

III. L'ACQUISITION DES MÉCANISMES DE BASE POUSSEE A OUTRANCE :


Une telle théorie amènerait à supprimer tout ce qui n'est pas français et calcul et
s'attacherait à monter exclusivement, des mécanismes. Dès lors, elle ferait appel
seulement à la mémoire et tournerait, sans doute, au dressage. Il n’y aurait plus
beaucoup de différence entre l'élève ainsi formé et le cheval ou la bête fauve
dressée. Il posséderait des mécanismes indispensables, certes, mais, insuffisants à
une éducation bien comprise. Quelle que soit l’habileté du maître, à montrer ces
mécanismes, Il est permis de se demander, si cet entassement de recettes, de
formules, de manières de faire ne condamnerait pas implacablement le
développement normal des autres facultés enfantines. L’enfant, comme l’homme,
est un.
Si ses facultés ne s’épanouissent pas toutes ensemble comme les étoiles à la
nuit tombante, chacune d’elles se développe à une époque, déterminée et doit être
cultivée à ce moment précis, sinon, elle risque de s’étioler et de languir.
Ainsi, très tôt, il importe de satisfaire le goût naturel de l'enfant pour le
merveilleux et même de l’entretenir jusqu’à un certain âge, tout en lui donnant une
éducation rationnelle. On utilise à cet effet un merveilleux vraisemblable et durable :
(prodiges de la nature et de la science, fables, héros de J. Verne, récits, de Walt
Disney.)
Cependant, il faut bannir impitoyablement le merveilleux effrayant et effarant:
(croquemitaines, revenants, sorciers, démons).
En outre, puisque ces mécanismes sont plutôt Imposés à l’enfant, on peut se
demander où le maître ira chercher les motivations nécessaires, .le concret étant
seul préhensible entre 6 et 11 ans.
D'ailleurs, la même Circulaire précise bien qu'elle ne verrait que des avantages à
ce que les autres matières du programme, (histoire, géographie,
233
sciences d’observation) « ne donnent plus, désormais lieu, sauf cas exceptionnels, à
l’étude de leçons en dehors du temps normalement prévu par les horaires, et, ce,
jusqu’à la sortie du Cours moyen 2e Année. »
Cette réforme va, peut-être, vers une réduction des horaires consacrés à ces
matières, mais, non vers une suppression totale. Dans l'esprit du législateur, il importe
que, dorénavant, le maître concentre ses efforts sur les deux enseignements
fondamentaux (français et calcul), afin que ses élèves soient à même de suivre avec
profit les études futures auxquelles ils sont destinés.
Supprimer complètement l’exercice d’observation, les leçons d’histoire et de
géographie, ce serait aller à rencontre même de l’esprit des textes considérés et qu’il
faut appliquer avec beaucoup de souplesse.

234
SUJET N° 70
Qu'entend-on par éducation esthétique à l'École primaire ? Quels aspects
prend-elle à ce niveau?
La trouvez-vous désirable, possible et utile? Si oui, exposez quelques moyens
dont dispose l'École.

I. L'ÉDUCATION ESTHÉTIQUE ET SES PROBLÈMES :


L’éducation esthétique est l’éveil et le développement du sentiment du beau chez
l’enfant. Elle apparaît comme le complément nécessaire des éducations physique,
intellectuelle et morale.
L’éducation esthétique ressemble beaucoup à l’éducation morale par les problèmes
qu’elle pose. C’est moins un enseignement qu’il s’agit de donner qu’une personnalité
qu’il faut contribuer à épanouir. Elle enseigne, certes, des connaissances et des
techniques mais, par delà, vise à doter l’enfant de nouveaux moyens de s’exprimer et de
sentir. Elle entend développer l’intelligence de l’élève et, surtout de cultiver sa sensibilité
et son imagination. Elle se propose plutôt de personnaliser l'enfant que l’individualiser.
On sent, dès lors, que l’éducation esthétique ne s’exerce pas seulement par les
enseignements spéciaux comme le dessin et le chant mais, se manifeste à travers
toutes les disciplines de la classe. L’idée du beau doit être partout présente au même
titre que l’idée du bien.
De plus, c’est erreur grave de vouloir voir un artiste en tout enfant. Dans sa
Psychologie de l’Art, A. Malraux écrit : «... L’enfant souvent artiste, n’est pas un artiste ;
en ce que son talent le possède et qu’il ne possède pas son talent ». C’est dire que le
maître d’Ecole primaire ne peut avoir la prétention de faire un artiste de chacun de ses
élèves, pas plus, qu’il ne parvient à les transformer en héros ou en saints par son
éducation morale. Il doit avoir une ambition plus modeste : celle de rendre capable de
goûter et de juger chaque élève et, si ce dernier en ressent la nécessité, de rechercher
lui-même les moyens lui permettant de s'exprimer pleinement. Pour cela, il importe de
rendre l’enfant sensible à toutes les formes de la beauté qui s'expriment dans les
créations humaines, partout, à la surface de la terre et les créations naturelles, bref, le
rendre sensible à la beauté tout court.

II. SES ASPECTS AU NIVEAU DE L'ÉCOLE PRIMAIRE :


L’éducation esthétique à l’Ecole primaire dépend du climat que le maître fait régner
dans sa classe de l’intensité de l’imprégnation que subit l’élève et de l'attitude
235 du maître.
a) CLIMAT : Il convient d’accorder une importance extrême au cadra scolaire :
peinture des murs, pas en couleurs trop vives, clarté et luminosité de la salle, excellence
et harmonie de la disposition du matériel et du mobilier, présence dans la classe de
vases garnis de fleurs, œuvres d'art bien sélectionnées aux murs, semblent préférables
aux « murs nus et à l'atmosphère ’ austère et monacale ' », préconisés par Alain. Si tout
dans la classe parle d'ordre et de beauté à l’enfant, nul doute qu’il naisse chez lui une
exigence qu’il s’efforcera de satisfaire partout où il se trouvera.
b) L’IMPREGNATION: L’enfant élevé dans le voisinage de la beauté, sous ses
aspects les plus simples, la respectera, la recherchera et s’efforcera de la retrouver ou
si besoin est de la créer en tout lieu.
Un beau chant choral qui commence la classe, constitue une élévation inconsciente,
mais, efficace de l'âme de l’enfant. Ecouter une belle récitation dans une atmosphère de
recueillement fait naître une émotion identique chez celui qui parle comme chez ceux
qui écoutent...
c) L’ATTITUDE DU MAITRE : Elle exerce une Influence considérable sur l’enfant. On
peut dire qu'elle est presque déterminante, car, l’élève pratique une imitation comme
inconsciente des tendances de son maître. Cette manière indirecte, sans longs discours
demeure, peut-être la plus sûre pour former et pour cultiver des esprits.

III. CETTE CULTURE EST-ELLE A L'ÉCOLE PRIMAIRE :


A) Désirable ?
On lit dans les I.O. ... Plus tard, devenus citoyens, les élèves seront d’accord pour
placer le but de la vie aussi haut que possible, pour avoir la même horreur de ce qui est
bas et vil, la même admiration de ce qui est noble et généreux,... pour se sentir unis
dans le culte général du bien, du beau et du vrai ».
Cette éducation est désirable à l’Ecole primaire. C’est elle qui rendra plus attrayante
et plus noble la tâche quotidienne de nos futurs écoliers quand ils deviendront adultes.
C’est elle qui illuminera leurs esprits d’un « pur rayon de poésie ». La simplicité de bon
goût, le beau parant l’utile lui donne toujours un aspect agréable.
Les belles fleurs du jardin ne nuisent point à la culture des choux et des salades. De
plus, faire goûter la beauté de la plaine ou de la montagne voisine, c’est une manière de
contribuer à fixer le jeune écolier à son sol natal.

B) Possible?
L’enfant bien que pas artiste au sens rigide du mot, porte en lui, un sens inné du
beau, il appartient au maître de développer ce sentiment ou de le faire naître, s’il
n'existe pas, bref, de le rendre plus sûr et plus délicat. L’Ecole primaire dispose,
d’ailleurs, de moyens propres à favoriser la culture esthétique.
a) LA DECORATION DE LA CLASSE : Une C.M. déjà ancienne précise : « Il importe
de développer de bonne heure chez les enfants, dans la mesure qui convient à leur âge,
le sentiment du236
beau... Il ne saurait être question d’introduire l’histoire de l'art à l'école
élémentaire. Il suffit d’éveiller le goût, d’ouvrir en quelque sorte et d’exercer les yeux des
élèves par des images qu’ils puissent aisément comprendre ».
A cet effet, la décoration des classes prend une importance considérable. Les
images, gravures, photographies, tableaux, qu’il y a Intérêt à remonter de temps à autre
agissent sur l'esprit des enfants par rayonnement, par influence. Rousseau écrit : « Le
beau ne se laisse pas regarder sans laisser quelque reflet de lui-même dans l'âme et
dans les yeux de celui qui le regarde ».
b) LA LECTURE ET MORCEAUX CHOISIS : De belles lectures offrent un aliment
sain à l’imagination et forment puissamment le goût de l’élève.
De plus, dans tout morceau choisi, la pureté et l’harmonie, de la forme doivent s'allier
à l’élévation des pensées et des sentiments. En étudiant de beaux textes, l'enfant
apprend à admirer ce qui mérite de l'être.
c) LE CHANT ET LA MUSIQUE: L’étude de la musique, l’exécution de chants choisis
sont propres à la formation du bon goût (sens du rythme et de l’harmonie).
d) LE DESSIN : Il Initie l’enfant à la beauté des lignes, à l’harmonie des formes et des
couleurs. Ces deux activités occupent d’ailleurs une place bien déterminée dans les
emplois du temps.
e) PROMENADES SCOLAIRES — VISITES AUX MUSEES : Les premières
permettent à l’instituteur d’appeler l’attention de ses élèves sur les beautés de la nature ;
l’élégance d’une tige, le coloris d’une fleur, la grâce et la légèreté d’un oiseau ou d’un
insecte, la majesté d’un arbre séculaire, les mystères de l’infiniment grand... Les
secondes, du point de vue esthétique, laissent dans l’esprit des élèves la plus heureuse
impression.
En un mot, cette éducation est possible, mais, dans un cadre déterminé.

C) Utile ?
Elle l’est à un triple point de vue :
a) MORAL: L’amour du Bien dérive dit-on, de l’amour du Beau. Celui qui aime le
beau ne peut consentir à se livrer à des actes d’injustice, de violence, de mensonge ou
de calomnie. L’idée du beau épure l’esprit.
b) SOCIAL : Le sentiment du beau rapproche les hommes. Les chorales fanfares,
harmonies font communier ceux qui les composent sous des sentiments identiques. La
jouissance du beau est d’autant plus supérieure et vive qu’elle est partagée.
c) ECONOMIQUE: L’ouvrier qui saisit toute la beauté de son œuvre cherche à la
perfectionner. II en résulte une production plus riche, plus variée, plus abondante,
entretenant souvent une réputation nationale.

237
IV. CONCLUSION :
L'Ecole primaire n’a pas à former des artistes. Dans la mesure du possible, elle doit
éveiller et développer le goût du beau chez ses élèves. C’est pourquoi à son niveau,
l’éducation esthétique se révèle désirable possible et utile. D’ailleurs, une démocratie
s’ennoblit en cherchant à s'élever aux pures jouissances de l’art. Léon Bourgeois se
demande : « Est-ce que la beauté ne doit pas être, comme la vérité le partage commun
de l'humanité ?» Sa question convient admirablement comme conclusion.

238
SUJET N° 71
Après avoir énuméré rapidement les principaux caractères de l'attention enfantine
précisez les facteurs essentiels dont dépend la puissance d'attention.
Quelle vous paraît en être l'importance en éducation ? Quels stimulants peut employer
l'instituteur pour provoquer et retenir l'attention de ses élèves ?
I. L'ATTENTION: SES FORMES:
L’attention n’est pas une faculté spéciale ; c’est un mode de concentration de toutes
les opérations intellectuelles sur un objet ou un problème déterminé. L’attention parfaite
est le caractère d’une intelligence libre, qui se possède et se gouverne. On la désigne
par l’expression : tonus mental.
Ribot distingue trois phases dans son évolution.
1°) L’attention est, d’abord, spontanée. C’est une sorte de réaction instinctive de
l’esprit, à la suite d’une impression vive et soudaine. Ex. : un bruit se produit à
l’improviste, nous y prêtons attention. (Remarque: le jeune enfant ou même les animaux
en sont capables).
2°) L’attention volontaire: C’est la concentration voulue des facultés sur un objet,
quelquefois, même contrairement à nos goûts, à nos désirs. Ex. : effort pour se livrer à
l’étude.
3°) L’attention habituelle : C’est l’attention passée à l’état permanent.
Seule, les deux dernières formes méritent le nom d’attention. Elles Impliquent le
concours de l’intelligence qui connaît, celui de volonté qui dirige et concentre les
facultés.

II. CARACTÈRE DE L'ATTENTION ENFANTINE.


L’enfant est habituellement distrait, et la distraction est le. contraire do •(’attention... il.
est, d’abord, le jouet des sensations qui se succèdent et entraînent son esprit d’un côté
ou de l’autre. Son intelligence est presque aussi mobile que son corps.. Elle est comme
à la remorque des impressions involontaires qui viennent, sans cesse, se jeter à la
traverse de son travail, de ses études. C’est pourquoi la ramener, la fixer sont toute une
affaire.
a) L’attention enfantine est de courte durée et vite épuisée. De plus, elle ne
s’applique volontiers qu’aux objets sensibles. Elle ne peut être absolue et, à la fixité de
l’esprit ne correspond pas toujours l’immobilité du corps. Elle a une faible puissance.
b) Elle dure peu. L'enfant n’est pas capable d’une contention d’esprit. Les
psychologues ont établi qu’au-delà de 10 à 15 minutes pour les tout jeunes 239
écoliers et
trente à quarante minutes pour les grands, l’attention est fatiguée, et l’effort intellectuel
fait défaut. Généralement, l’enfant Jette tout son feu au début d’une leçon, mais, il est
vite à bout de force. Il a besoin de s'occuper à autre chose, ou même, de ne s’occuper à
rien, de se délasser par le Jeu et par le repos complet. Les Instructions officielles
recommandent de procéder par degrés : des leçons courtes au début, qui s'allongent à
mesure que la capacité d'attention de l’enfant augmente.
Varions aussi les exercices. Coupons, le plus possible, les travaux scolaires par des
récréations.

III. FACTEURS DONT DEPEND LA PUISSANCE D'ATTENTION :


Bien que l’attention soit une attitude par laquelle nous visons à mieux connaître, sa
puissance ne dépend pas de l’intelligence ou des fonctions cognitives.
L’effort d’attention ne dépend-il pas du sentiment et des puissances affectives ?
N'est-ce pas le plaisir de connaître ou de mieux connaître qui provoque l'effort
d’attention ? Le facteur affectif ne suffit pas à rendre compte de l’effort d’attention.
Ce dernier dépendrait, plutôt, d’un facteur dynamique : la tendance qui donne
l’impulsion et d’un facteur normatif ; la raison qui fixe la direction. Cependant, il ne faut
point oublier l’unité du psychisme et concevoir tendance et raison comme deux forces
distinctes. La raison est aussi tendance et la tendance, elle-même, se rationalise, à
mesure que l'homme le développe mentalement et moralement.

A)Facteurs physiques :
L’âge : La durée d’attention croit avec l'âge.
Le sexe : Il semble que la fatigue mentale se produise moins facilement chez les
garçons, mais, soit de plus longue durée chez les filles.
Le temps : La chaleur excessive défavorise la puissance d’attention parce qu'elle
déprime le système nerveux et ralentît la circulation cérébrale.
L’attention est de plus longue durée le matin.
La position du corps Influe sur la circulation cérébrale et se répercute sur l’exercice
de l’attention (cas du physiologiste américain Lauder. Brunton qui a constaté que
certains élèves retiennent mieux couchés sur le banc).
Le régime alimentaire : L’usage des excitants : alcool, café, épices stimule
quelquefois l'attention, mais, en abrège la durée.
B) Facteur psychologiques:
a) La durée de l'attention augmente avec le développement de l'intelligence.
b) L’habitude, l'entrain, l'intérêt reculent les effets de la fatigue intellectuelle. Le
changement de travail renouvelle l’intérêt, mais, n'augmente pas moins la fatigue. « La
fatigue mentale a pour effet d’accumuler dans le sang des déchets toxiques, (cas
anormaux d’attention : distraits, dissipés, les préoccupés, les idiots, les retardés, les
monomanes et les 240
fous).
IV. IMPORTANCE DE L'ATTENTION EN EDUCATION :
A)Au point de vue intellectuel, elle est la condition de toute culture parce que:
a) Elle identifie' nos perceptions. Sans elle, l’esprit ne recevrait que des Impressions
confuses qui s’effaceraient rapidement.
b) Elle en provoque l'examen détaillé. Par suite, elle favorise l’accroissement des
connaissances et introduit l'ordre et la clarté dans le savoir.
c) Elle fortifie et accroît la portée de nos facultés qu’elle dirige et concentre.
B) Au point de vue moral :
a) Elle règle l’imagination dont les excès peuvent fausser le jugement et 'le sens
moral. «A force de vouloir être ce qu’on n’est pas, on finit par se croire autre chose que
ce qu’on est, et voilà comment on devient fou. » (J. J. Rousseau).
b) L’habitude de l'effort qu’engendre l’attention contribue à former la volonté et le
caractère. « Avec l’attention on se corrige de ses mauvaises habitudes ; avec
l’application, on en acquiert de bonnes. » (Condil- lac).
C) Au point de vue social :
à) Elle est la condition du progrès. C’est, par' elle que l'homme s’est élevé de l’état
primitif à la civilisation actuelle.
b) Elle féconde le travail. Les oublis et maladresses diminuent- la valeur d’une

œuvre, occasionnent des pertes d’efforts et de temps.


Son importance est si primordiale en éducation que la développer et la fortifier en vue
de la rendre habituelle, doit être la plus grande préoccupation de l’éducateur. Il semble
même que le grand point en éducation est d’apprendre à l'enfant à être attentif. Il n'y a
rien à attendre de ces esprits languissants ou trop .mobiles qu’aucune étude n’attache,
qu’aucune leçon ne captive. Tout est à espérer, au contraire, d’une intelligence attentive
qui sait se fixer sur les sujets qu’elle étudie. Le jour où le maître a retenu, pendant
quelques minutes, l’attention de ses élèves, ce Jour là seulement, il est sûr du succès et
instruction commence véritablement. S'il n'a affaire qu’à des auditeurs distraits, il
renouvelle le travail des Danaïdes et II verse sa science dans un tonneau sans fond.
V. STIMULANTS DE L'ATTENTION :
A part Ie3 conditions extérieures de l’attention, Il faut retenir comme stimulants.
a) L’intérêt inspiré par le sujet même de l'étude. « C'est un talisman unique pour
développer l'attention » dit un pédagogue. Créer de l'intérêt doit être, la principale
préoccupation des maîtres.
b) L’attention vraie comme l’affection ne se laisse pas contraindre. Elle se donne à
ceux qui savent la gagner. Rien de plus important que le choix des notions enseignées
et surtout la façon de les enseigner.
Cependant, il faut se garder des erreurs d’une éducation trop complaisante et trop
facile qui abuse du divertissement et qui exclut l’effort. Il importe, pourtant, d’écarter, le
plus possible, sur la route de l’attention encore vacillante de l’enfant, les écueils qui
l'empêchent de poursuivre son chemin.
c) Le talent du maître, la simplicité, la clarté, la netteté de ses exposés gagnent
241
sûrement l’attention de l’élève. La voix, l'attitude du maître, son style éducatif sont d’une
grande importance.
Dans la recherche de l'attrait, l'éducateur est aidé par la nature même de l'enfant. La
curiosité de ce dernier, si elle est habilement provoquée et satisfaite à propos, sera la
source naturelle de l'attention.
C'est une sorte d’appétit intellectuel à qui, il s'agît de fournir des aliments sains.
Un des meilleurs moyens d’exciter l'attention de l'enfant c’est de lui présenter des
objets nouveaux. Le contraste réveille l'esprit, à condition qu'il ne soit pas trop violent.
La variété provoque aussi l’attention enfantine. L’esprit de l’enfant est avide de
changement.
Il ne faut pas, pour autant, que le désir de la nouveauté et de la variété amène à
diversifier l’enseignement, au point de tomber dans la confusion. Loin de la servir, la
multiplicité des sujets déroute l’attention.
En conclusion, l’attention profite au travail Intellectuel. Même dans la vie courante et
pratique, le défaut d’attention est synonyme de légèreté et d'étourderie. Chacun de nous
connaît les désagréments qui peuvent en résulter.

242
SUJET N° 72
« L'inattention des élèves, condamnation du Maître. »

I, UNE MANIERE DE CONCEVOIR LE DEVOIR :


La vie de l'esprit n’est pas uniforme. Elle comprend des états de basse tension
comme la rêverie, l’inattention et des états de haute tension comme l’attention
volontaire.
L’attention n’est pas une faculté distincte de l’esprit, mais plutôt, une attitude
genérale de ce dernier s'appliquant à ses objets. Elle est la concentration passive ou
active de la conscience sur l’état ou le groupe d’états qui occupe son centre. Une étude
psychologique révèle que :
Dans l’attention, il y a prédominance d’un état de conscience sur tous les autres.
Mais, tout autour de cet état central, prédominant, se presse un cortège d'autres états. Il
suffit que l’un de ces derniers remplace l'état central pour que naisse l’inattention.
De plus, l’état d’attention qui parait continu est en réalité intermittent. Enfin, on
connaît l’attention spontanée et l'attention dérivée. La première est aussi naturelle à
l’homme que la faim. Elle est inégalement répartie entre lés individus. Elle a toujours
pour cause des états affectifs et est orientée par les tendances. Ex. : Le chien, en quête
ou en arrêt, parce, que l’odeur ou la vue du gibier éveille en lui l'instinct de chasse. Mais,
de bonne heure, l’attention est dérivée vers des objets susceptibles de nous intéresser
spontanément. C’est encore, selon Ribot, par un phénomène de dérivation, que
l’attention volontaire sort, par degrés, de l’attention spontanée. La première naît sous la
pression de la nécessité et de l'éducation que donnent les choses, maïs, elle reste un
état .exceptionnel.
Le champ de l’attention chez l’enfant demeure bien étroit et ¡I y a difficulté réelle de
sa part à fixer et à maintenir longtemps son attention. Aussi, est-il toujours guetté par
l'inattention.
II. CAUSES PRINCIPALES DE L'INATTENTION :
a) Celle-ci peut dériver de l’insuffisance du tonus vital de l’enfant. Le tonus mental
dépend étroitement du tonus vital. Il s’en suit, lorsqu'un élève est habituellement attentif
ou éprouve des difficultés pour suivre les exercices de la classe, il Importe d’abord de
consulter son carnet de santé.
b) Les rythmes physiologiques jouent aussi un grand rôle. Selon Wallon les rythmes
physiologiques (respiratoires, circulatoires) « scandent notre activité physique et
marquent l'instant propice à une diversion fortuite et à un changement de point de vue. »
243
L’enfant étant plus étroitement soumis que l’adulte à ces différents rythmes, on
s'explique aisément que ces dérobement8 de 6on esprit coïncident avec ces phases de
relâchement Inhérent à tout rythme fonctionnel.
c) Une autre cause vient de la multitude des excitations extérieures. Ex. : le
vrombissement d'un avion qui passe à basse altitude au-dessus de l’école, rend
Impossible tout effort d’attention.
d) Certaines causes d’origine sociale provoquent l’inattention. Il reste évident que le
calme, la tranquillité, le silence, une famille ordonnée, quiète, un milieu scolaire où
règnent ordre, discipline, favorisent l'attention. Toutes ces causes, parce que extérieures
à l’enfant, ne sont pas très dangereuses.
e) Des causes d’inattention de nature psychologique, sont autrement plus graves.
Parmi elles citons: l'instabilité mentale, l'inattention maladive, la .débilité mentale.
Certaines données psychologiques doivent être connues de l’éducateur.
—L’enfant vit enfermé dans le présent et l'actuel, sans notion claire.
— La faiblesse de la pensée logique de l’enfant. Pas d'inattention sans réflexion. Or,
celle-ci est lente à naître chez l’enfant.
— Absence fréquente chez l’enfant d’un intérêt véritable. Pour connaître les raisons
dernières de l’inattention des écoliers, il faut se renseigner parfaitement sur les besoins
et les Intérêts propres à chaque âge da l’enfance.
— Un effort mental, non adapté à l’écolier ou trop prolongé fait naître la fatigue
intellectuelle et même le surmenage.
III. DIRECTIVES PEDAGOGIQUES:
Il importe que notre écolier soit familiarisé avec un ensemble de gestes suffisamment
souples et variés pour le rendre capable de faire face aux situations les plus imprévues.
Il acquerra ainsi adresse, habileté, coup d’œil, sang froid, éléments indispensable à
toute action qui se veut efficace. Un ouvrier qualifié est aux antipodes d'un automate,
parce qu’il y a en lui une virtualité d'action presque illimitée. Il doit en être de même dans
Ie3 domaines intellectuel et moral. Former le jugement de l'écolier, c’est la doter
d'habitudes telles qu'il soit apte à acquérir par lui-même le savoir. Former son caractère
c’est aussi développer chez lui de véritables aptitudes volontaires lui permettant de
s’affirmer et de manifester son initiative, sa décision en toute occasion.
Par contre, l’accoutumance qui fait disparaître la conscience sembla n’avoir aucun
rôle à jouer dans l’éducation. C'est, sans doute, à elle, qua pense Kant qui entend
bannir toute habitude de l’éducation.
L’accoutumance en détruisant la conscience, va à rencontre de tout effort éducatif.
D’abord, elle émousse la sensibilité en faisant disparaître, chez l’enfant la faculté de
s’émouvoir. Elle en fait un blasé. De plus, du point de vue intellectuel, elle éteint la
curiosité, cette flamme de l'intelligence et conduit, peu à peu, l’enfant à accepter les
idées toutes faites et à se dessaisir de son sens critique naissant, à sombrer dans la
somnolence Intellectuelle, l'ennui, la routine et la banalité.
Enfin, même en tant qu’activité, l'enfant perd le contrôle de ses actes, ceux-ci
apparaissent comme244 des gestes automatiques d’une marionnette sans âme. Il en dérive
le laisser aller, la nonchalance qui caractérisent si souvent notre jeunesse scolaire
actuelle.
Convient-il pour autant, de bannir totalement les accoutumances de l’éducation ?
Les aptitudes ne prennent leur sens plein qu’à la condition d'être servies par de
nombreux automatismes. Sans les accoutumances, aucune aptitude ne peut s’exercer.
Activités physique, Intellectuelle et morale reposent sur des routines. Comment l’enfant
pourrait résoudre rapidement un problème' d'algèbre ou d'arithmétique, si certains
calculs ou opérations n’étaient pas exécutés par lui d'une manière quasi instinctive ?
Toute éducation bien comprise comporte une action préventive et une positive. Eviter
la naissance des mauvaises habitudes, surveiller soigneusement toute habitude
naissante, favoriser la naissance des aptitudes.
Pour combattre une habitude ancienne, créer une habitude antagoniste. En dernier
ressort, combattre ¡es mauvaises habitudes c'est faire l’éducation de la volonté.
Un Maitre qui méconnaîtrait ces dernières données psychologiques et ne les
appliquerait pas, se condamnerait. Les règles suivantes sont à déduire.
a) il convient d'écarter de l'écolier toutes les causes extérieures d’inattention, lui
imposer calme silence et discipline. Exiger que l’ordre matériel règne dans la classe. Ne
pas oublier que l'effort intellectuel est fatigant pour l'enfant. Veillez à assurer une bonne
hygiène scolaire (aération, température, temps.de repos alterné judicieusement avec
temps de travail, placer les exercices exigeant plus' d’application aux moments où
l’écolier est le plus dispos.) (Conférer les I.O.).
b) Il faut, ensuite et surtout, qu’il agisse directement sur l'esprit de l’enfant par la
valeur de l’enseignement qu’il dispense.
La règle est de susciter l’attention de ses écoliers en meublant leur esprit de
constellations mentales largement ouvertes, puis, la tenir en éveil «ans avoir besoin de
lui fournir un appui extérieur et artificiel.
L’éducation de l’attention chez l'enfant est chose difficile, délicate et intermittente. Le
Maitre devra aller lentement, rattacher le nouveau à l'ancien, partir de ce que l’enfant
connaît pour aller à ce qu'il ne connaît pas, habituer l'enfant, en histoire, géographie,
science, français, à opérer des rapprochements qui meubleront son esprit de
constellations mentales, très riches, sources d’une attention souple et active à
accomplir. Le grand art de l’éducateur consiste à partir des intérêts naturels et
spontanés de l’enfant, d’en élargir, peu à peu, le cercle de façon à y faire entrer quantité
d’objets qui, auparavant, n’avaient pour lui, aucun attrait
Enfin, tenir compte des caractères individuels. Il existe deux sortes d’inattentifs : ceux
qui le sont par suite d'une excitabilité exagérée (comme les agités, les calmes) : Il faut
les apaiser et discipliner.
Ceux qui le sont, parce que, comme mornes et Inertes. Il faut les stimuler, les
réveiller et surtout les Intéresser,
Les Maîtres qui ne le font pas se condamnent en prouvant qu'ils ignorent tout de la
psychologie de l’enfant.

245
SUJET N° 73
« Ne commandez pas l'attention de vos élèves d'une voix tonitruante, ne la
réclamez pas souvent comme une faveur ou un dû. Ne cherchez pas à
l'obtenir en prêchant sans cesse l'importance du sujet » écrit W. James dans
ses Causeries pédagogiques.
Expliquez cette pensée et dites comment vous vous prenez à l'école primaire pour
éveiller, retenir l'attention de vos élèves et leur en donner l'habitude.

I. EN MANIÈRE D'INTRODUIRE :
La C.M. du 19-10-60, sur l’efficacité de l’enseignement primaire souligne « la
tendance générale de notre époque à examiner toutes choses rapidement et
superficiellement sans éprouver le besoin de creuser ou de réfléchir », ainsi que la
difficulté que nos écoliers actuels éprouvent à fixer leur attention sur un sujet déterminé.
C’est dire que le problème de l’attention, aujourd’hui, appelée « tonus mental », et
celui des moyens propres à la provoquer que pose le texte de W. James, demeurent
d’une importance pédagogique capitale au stade de l’Ecole primaire élémentaire.

II. EXPLICATION DE LA PENSÉE :


La pensée de W. James est une condamnation de certains moyens employés par
quelques Maîtres pour obtenir l’attention de leurs élèves. Ce3 moyens sont : la voix
tonitruante, c’est-à-dire, la voix bruyante comme le tonnerre ; l’appel au sentiment
exprimé par les termes : une faveur ou un dû ; l’insistance sur l’importance et la portée,
du facteur attention dans le rendement scolaire. W. James condamne, sinon proscrit les
moyens extérieurs, ceux qui, du dehors, s'adressent à l’enfant comme la contrainte,
l’expression sévère et rude. Il préfère les moyens intérieurs, ceux qui déclenchent
automatiquement l'attention de l’élève parce que ce dernier s'intéresse d’office, à
l’enseignement qu'il reçoit.
On sait qu'une conception à la fois matérialiste et optimiste de la nature enfantine
veut que l’éducateur cherche dans l’enfant sa force vive et les directives maîtresses de
son action. Elle détermine les buta de l’éducation d'après les goûts et les possibilités
des élèves, en un mot, selon leurs Intérêts. Mais, si les enfants d’un même âge
manifestent des Intérêts spontanés qui sont sensiblement les mêmes, des
psychologues comme Dewey ont signalé la liaison étroite existant entre chaque Intérêt
et le besoin correspondant dont II n’est que l’expression.
246
En fait, l’intérêt est une notion tentaculaire, à caractère global, touchant à tous les
processus mentaux. Il s'en suit qu’on peut parler d’intérêt pour n’importe quoi
(personnes, choses, sciences, arts).
En dépit de tout, il faut reconnaître que l’intérêt prend sa source au plus profond de
l'individu, et qu'il pousse l’enfant vers la recherche de son objet. Ce point de vue est,
sans doute, celui de W. James. Aussi, comprend-on qu'il préfère une attention
déclenchée c'est-à-dire, basée sur les Intérêts spontanés de l'enfant.
Ribot aboutit à une règle pédagogique semblable. Il écrit: « Puisque l'attention de
l’enfant naît spontanément de ce qui lui plaît, pour déterminer en lui l’attention
volontaire, il faut lui rendre agréable ce qui ne l’est pas naturellement. »
III. COMMENTAIRE :
On peut se demander si cette conception de l'éducation est la meilleure. Un
enseignement qui fait un appel constant à la participation active de l’enfant n’est-il pas
préférable ?
L’attention, est, en somme, l’application des facultés intellectuelles sur un objet ou
un sujet déterminé. Son évolution passe par trois étapes. Elle est d’abord, spontanée,
puis, volontaire et enfin, habituelle. A ce dernier stade, le seul qui mérite le nom
d’attention, elle implique nécessairement le concours de l'intelligence qui connaît, celui
de la volonté qui dirige et concentre les facultés. Il semble que le but essentiel de
l'enseignement consiste à faire passer l’enfant de l’attention spontanée à l’habituelle. Il
faut reconnaître que l’intérêt peut être un moteur puissant de l’attention. Mais est-il
suffisant ? La vie, est-elle uniquement basée sur l’intérêt. C’est pourquoi, Il importe
l'accoutumer l'enfant à l’effort consenti, voulu, recherché.
« Tout l'art, dit Alain, est à graduer les épreuves et à mesurer les efforts ».
D’ailleurs, « l’effort normal et sain, celui qui profite à l'enfant est celui qui, s’engendre
lui-même, sur la base, dans la ligne et le prolongement de ses intérêts spontanés »,
pense M. Bloch.
IV. COMMENT ÉVEILLER, RETENIR, DONNER L'HABITUDE DE L'ATTENTION ? :
a) EVEILLER L’ATTENTION :
L’éducation de l’attention commence par écarter toutes causes de distraction. Il faut
du calme, de la discipline, du silence et veiller à l’hygiène scolaire.
Agir directement sur l’esprit de l’enfant. Il importe de susciter l’attention des élèves
en meublant leur esprit de constellations mentales largement ouvertes, la tenir en éveil
sans qu’il soit besoin de lui fournir un appui extérieur et artificiel. Souvent l’inattention a
pour cause l’ignorance. Donc, enrichir son esprit de connaissances multiples et
fortement liées. Si, pas d’attention sans connaissances, réciproquement, pas de
connaissances sans attention. Au début, l’attention de l’enfant est chose difficile à
obtenir, parce qu’elle est délicate, intermittente. Il faut enseigner lentement, rattacher le
nouveau à l’ancien, parler à l'enfant de ce qu’il connaît et de là, partir, pour lui
apprendre ce qu'il ne connaît pas encore. Le maître expérimenté et habile, habitue
l'enfant à opérer mille rapprochements qui meubleront bien vite son esprit de ces
constellations mentales, très riches, source inépuisable d’une attention 247souple et fictive.
Mais, le grand secret, pour maintenir en éveil, sans effort et sans appui extérieur,
l'attention chez l'enfant est de savoir susciter chez lui, un vif intérêt pour la tâche qu’il
doit accomplir. C'est le point de vie de James. Rappelons que l'intérêt ne vient jamais du
dehors et toujours du dedans. Le grand art de l'éducation consiste précisément à partir
des intérêts naturels et spontanés de l'enfant, afin d'en élargir peu à peu le cercle, de
façon à y faire entrer quantité d'objets qui n’avaient pour lui aucun attrait.
Enfin l'éducateur doit tenir compte des tempéraments individuels. Or, on peut
distinguer deux sortes d’enfants inattentifs. Les uns le sont par suite d’une excitabilité
exagérée. Ce sont des agités qui ne tiennent pas en place. Ils ont besoin d’être calmés,
apaisés et disciplinés. D’autres, au contraire, sont des inattentifs par défaut d'activité. Il
faut les stimuler, les réveiller et surtout les intéresser.
b) RETENIR L’ATTENTION :
On a longtemps cru que l’attention était une faculté, elle n'est pas une fonction
spécialisée de la vie psychique comme la mémoire. En réalité, elle n'est qu'une attitude
très générale de l’esprit s’appliquant à toutes sortes d’activités. Son débit n’est pas
uniforme. Il y a dans la vie mentale des états de base tension comme la rêverie, la
somnolence et des états de haute tension correspondant aux actes d’attention
volontaire. Qu’Il s’agisse d’attention spontanée ou volontaire, on y retrouve toujours
deux facteurs : localisation de la conscience et constellation mentale, schématique. La
fixation de la conscience comprend deux formes : (constellation fermée : L’exemple du
bijoutier examinant un diamant ou de l’élève auprès d’une tâche bien déterminée. Cette
forme est encore appelée attention co-présente.) Constellation ouverte ou attention
expectante : (sentinelle surveillant un secteur, l’hôtelier qui doit parler à tout et répondre
à tout.) C’est une sorte d’attention papillonnante.
L’attention de l’enfant est fragile, son champ demeure étroit et il -lui est difficile de la
fixer et de la maintenir longtemps sur un même sujet : (Instabilité et mobilité d’esprit,
manque d’esprit de suite : exemple du bébé qui tient un objet). On constate un manque
de ténacité de persévérance, une sorte de discontinuité psychologique chez l’enfant.
Même dans ses yeux, il n’a pas d’esprit de suite. Dans ses dessins, il oublie l’essentiel,
redemande la commission à faire. C’est seulement vers 8 à 9 ans qu’il manifeste une
certaine persévérance dans l’action entreprise, faut-il encore, qu’il soit soutenu dans son
effort par des stimulants Sensoriels qui jalonnent sa route. Le pouvoir d’attention de
l’enfant dépend étroitement du tonus vital, des rythmes physiologiques, des excitations
extérieures et sociales. C’est pourquoi il est un distrait perpétuel. Aussi, faut-il que
l'enseignement dispensé ait de l'intérêt, et soit exactement adapté au niveau de l'élève.
On peut dire que le bon maître est celui qui sait, avant tout, éveiller et retenir
l’attention de ses élèves.

248
SUJET N° 74
Précisez les principaux caractères de la mémoire enfantine.
De quelles qualités doit faire preuve la bonne mémoire ? Quels exercices vous
paraissent propres à développer la mémoire chez l'enfant ?

I. PRINCIPAUX CARACTERES DE LA MEMOIRE ENFANTINE

a ) FORTE PUISSANCE D’ACQUISITION :


En général, l'enfant est heureusement doué sous le rapport de la mémoire. Il dispose
d'une mémoire forte.
La plasticité du cerveau et la puissance d'acquisition de l’esprit sont très développées
chez lui. Il retient des mots et des phrases qui n'ont pas de sens pour lui. A cette
période la mémoire est en grande partie, sous la dépendance des forces vitales et du
système nerveux. La force de la mémoire de l'enfant profite de la faiblesse et de
l’inaction des autres facultés. L'esprit étant encore vide, s'emplit sans effort. On peut
dire que la mémoire de l’enfant est comme une page blanche où tout se reflète. Elle est
douée d’une rare puissance d'acquisition. Alors que la mémoire fatiguée du vieillard se
complaît à évoquer paresseusement les images du temps écoulé, celle de l’enfant est
toujours en mouvement, toujours en quête de connaissances nouvelles, aussi
facilement acquises qu'elles sont avidement cherchées. L enfant voit tout, entend tout.
Rien n’échappe à ses sens jeunes et vifs. Il distingue aisément les objets, les
personnes. Il a une merveilleuse aptitude à retenir les mots, à apprendre les langues.
b ) EXACTITUDE DU SAVOIR :
Un autre caractère de la mémoire enfantine, c'est la précision littérale, l'exactitude
rigoureuse du souvenir. Legouvé compare l’enfant à un commissaire priseur qui note
tout, qui n'omet aucun détail. Avec une rare ponctualité, il se rappelle les moindres
particularités des choses. Il n’admet pas qu'on change un seul détail d'une histoire qu'il
connaît.
c ) COTE SENSORIEL ET CONCRET:
La mémoire enfantine est surtout sensorielle et concrète. L’enfant est en train de
s’accommoder au milieu matériel. C'est ce qui explique que sa mémoire emmagasine,
d’abord, et exclusivement, les souvenirs concrets, les seuls qui lui permettent de mieux
s'adapter à la situation présente.
249
d ) COTE SUBJECTIF:
Tout en étant tournée vers les objets, la mémoire enfantine est, aussi, subjective,
c'est-à-dire, centrée sur le sujet dont elle ne ferait qu’exprimer les aspirations intimes et
profondes. Cette contradiction apparente s’explique aisément quand on sait que l'enfant
est égocentrique et syncrétique à la fois. On comprend, dès lors, pourquoi des
souvenirs intimes et confus surgissent chez lui, d'une façon si subite, qu’ils étonnent les
grandes personnes par leur singularité. Ce sont, surtout des souvenirs tournés vers la
vie personnelle du sujet, et qui n’ont aucune valeur sociale.
e ) CARACTÈRE MACHINAL :
Le caractère machinal de la mémoire enfantine s’explique aussi par son
égocentrisme. Tant que la pensée enfantine demeure dans l’état d’indifférenciation
primitive entre le moi et le non moi, il sera dans l'impossibilité d’ordonner ses souvenirs,
de les classer et d’user de la mémoire intelligente de l'adulte. Aussi, serait-il de
mauvaise pédagogie de vouloir imposer trop tôt à l’enfant, l’usage de cette mémoire
intelligente dont il est encore incapable.
f ) CARACTÈRE FRAGMENTAIRE ET CHAOTIQUE :
C'est, surtout, ce caractère qui différencie la mémoire de l'enfant de celle de l’adulte.
Il est dû à l’absence de la notion d’un temps objectif et social, extérieur à lui, véritable
cadre à l’intérieur duquel, il pourrait ordonner et classer ses souvenirs. Or, l’élaboration
des notions de temps physique et d'espace dans la pensée enfantine est fonction de
trois facteurs, d'ailleurs, corrélatifs : la diminution de son égocentrisme ; le
développement de son intelligence et la socialisation de sa pensée. En bref, ces quatre
derniers caractères de la mémoire enfantine s’expliquent par sa mentalité.

II. QUALITÉS DE LA BONNE MEMOIRE :


Le psychologue Rollin dit: « Une mémoire heureuse doit avoir deux qualités, deux
vertus: la première, de recevoir promptement et sans peine ce qu’on lui confie : la
seconde, de le garder fidèlement. Il faut en ajouter une troisième : la facilité à retrouver
ce qu’on a vite appris et exactement retenu. »
Ma mémoire est mauvaise, si elle ne me permet pas de disposer avec aisance et
promptitude de tout ce que je sais, si, selon l’expression de Montaigne, « elle me sert à
son heure et non à la mienne ».
Ces trois qualités de la mémoire ne sont pas toujours réunies. Il arrive que qui
apprend vite oublie vite aussi. Les mémoires les plus agiles sont, parfois, les plus
infidèles. Leurs acquisitions ressemblent à des fortunes trop rapidement faites et qui
n'ont pas de solidité.
Pourtant, ces qualités ne s’excluent pas. L'idéal serait de les posséder toutes à la
fois et l'éducation de la mémoire doit avoir en vue de perfectionner chacune d'elles par
des soins particuliers et par une culture spéciale.
III. COMMENT DEVELOPPER LA PROMPTITUDE A APPRENDRE.
250
C’est surtout par cette qualité que la mémoire relève de la nature des dispositions
innées. L'art éducatif semble impuissant à rétablir l'égalité entre les mémoires dociles
et les paresseuses ou rétives. L’éducateur ne doit pas, pour autant, désespérer. Dans
ce sens Rollin conseille : « Il ne faut pas se rebuter aisément ». Aux mémoires
résistantes, on donne d'abord, peu de lignes à apprendre mais, on exige qu’elles les
apprennent exactement... On leur adoucit l’ouverture du travail en ne leur proposant
que des choses agréables. A mesure qu'on voit croître les progrès, on augmente, par
degrés et insensiblement la tâche journalière.
Tout ce qui fortifiera l’attention aidera la mémoire. L’élève n’apprend que très
difficilement-ce qu’il ne comprend pas. Pascal disait: qu’il «.n'oubliait jamais, ce qu’il
avait, une fois, compris ».
De plus l'ordre, la liaison logique des connaissances que l’on propose à l'enfant, en
un mot, l’association des idées, contribue à développer la promptitude à apprendre.
Dans la logique de Port Royal, 4e partie, chapitre X, on relève ce court passage. « Il
est indubitable qu'on apprend avec une facilité incomparablement plus grande et qu'on
retient beaucoup mieux ce qu’on enseigne dans le vrai ordre, parce que, les idées qui
ont une suite naturelle s'arrangent bien mieux dans notre mémoire et se réveillent bien
plus aisément les unes les autres. »

COMMENT DÉVELOPPER LA TÉNACITÉ DES SOUVENIRS


En général, des souvenirs méthodiquement acquis et dont la possession est
garantie par l'attention qui les a fixés dans l'esprit, par l'intelligence qui en a compris le
sens, défient l’oubli. En d'autres termes, tous les efforts faits pour faciliter l'acquisition
des souvenirs en assurent aussi la conservation.
Des règles particulières, pourtant, pour cette qualité de la mémoire. La plus
importante est la répétition qui demeure la forme essentielle de l'exercice du souvenir.
Un vieux proverbe pédagogique dit : la répétition est l’âme de l'enseignement. Il faut
revenir souvent sur les mêmes choses et ne pas craindre l'ennui d’un retour fréquent
aux mêmes idées. « On ne retient que ce qu’on répète », disait Jacotot. Il ajoutait : « Il
suffit d’appendre une chose et de la savoir bien ».
Il est rare qu’un fait qui ne s’est produit qu’une fois laisse une idée durable qui
puisse revenir d’elle-même.
La fixation de l’impression exige un certain temps. « Il faut, ou prolonger le premier
choc, ou le renouveler à plusieurs reprises différentes. Telle est la première loi de la
mémoire », écrit Bain dans : Science de l’Education.
Une autre condition importante de la fidélité des souvenirs, c’est la précision
rigoureuse et exacte des idées que l’on .confie à l’esprit. Il ne faut pas se contenter d’à
peu près. C’est pourquoi dans certains cas, la récitation littérale minutieuse doit être
exigée de l’:enfant.
COMMENT RENFORCER LA PROMPTITUDE A SE RAPPELER
La précieuse et rare qualité qu’on appelle la présence d’esprit dépend, en grande
partie de cette, troisième forme de la mémoire.
Le meilleur moyen de la développer serait d'abord de procéder à des interrogations
251
fréquentes. Il faut, par des questions imprévues, obliger l'enfant à faire effort et, pour
ainsi dire, secouer ses souvenirs. Il importe, surtout de l'habituer à rentrer promptement
en lui-même pour y saisir, au milieu de tant d'autres, le souvenir qu’on lui réclame. On
dégourdira ainsi les mémoires endormies qui renferment des trésors, mais, qui ne
savent pas en user.
Il faut aussi déranger l'ordre des questions. Poser à l'enfant des questions où l'ordre
habituel sera interverti et l'obliger à répéter sous une forme, ce qu'il aura appris.

252
SUJET N° 75
« Je suis né dans un temps où la mémoire n'était point considérée comme une
vertu funeste. Nos maîtres s'appliquaient à la développer en nous. Ils le faisaient
avec une rigueur et une ingénuité que j'ai toujours bénies, que je bénis encore, que
je souhaite surtout de voir renaître et se manifester dans notre monde confus. »
Souscrivez-vous à ce vœu de Duhamel ? Dans quelle mesure vous paraît-il
nécessaire de cultiver la mémoire des enfants ? Comment vous y prenez-vous pour
l'assouplir et la fortifier chez vos élèves ? Quelle place réservez-vous à la mémoire
dans votre enseignement?
Une manière, entre mille, de traiter le devoir:
I. LE VŒU DE DUHAMEL - FAUT-IL Y SOUSCRIRE?
Georges Duhamel, apparaît comme un humaniste « frappé de la nostalgie du monde
ancien », mais, néanmoins toujours attentif aux risques et aux chances du monde
moderne... il a prôné la défense et la promotion de la culture sur la civilisation
mécanique.
Dans le passage proposé, extrait d'un de ses ouvrages, intitulé : Inventaire de
l’Abime, Duhamel émet un souhait: celui de ne plus voir en la mémoire une faculté
nuisible, il aimerait, au contraire, qu’on revienne à l'ancienne méthode d’enseignement,
qu’on recommence à la développer en nos élèves, à la manière sévère et dure que les
maîtres anciens le faisaient pour les leurs. Il considère cette nécessité comme d’autant
plus impérieuse que le monde que nous vivons est troublé et incertain. Il prône la
réhabilitation de la mémoire qui semble un peu délaissée depuis l'introduction, à l’école
primaire élémentaire, des méthodes dites nouvelles. Son vœu va dans le sens de la
remise en honneur de la mémoire déjà amorcée par les Instructions officielles du 20
septembre 1938. La C.M. du 19-10- 60, plus catégorique, utilise la manière forte et
n'hésite nullement à proclamer qu’il « n'est pas douteux que pour des jeunes enfants, le
par cœur, ne soit la forme la plus authentique et la plus durable du savoir ».
On ne peut qu'approuver ce retour à la mémoire préconisé par Duhamel à la double
condition d'en pratiquer un usage sain et modéré et de faire de nos élèves des esprits
aptes à juger et non des perroquets capables de réciter.
II. DANS QUELLE MESURE DOIT-ON CULTIVER LA MEMOIRE DES ENFANTS?
:
Personne ne met en doute l’importance de la mémoire dans l’éducation intellectuelle
de l'enfant de l’école primaire. Pascal dit qu’elle « est nécessaire à toutes les opérations
de l'esprit ». Si l'enfant apprend avec une facilité étonnante, des écueils253 sont à éviter
dans le développement de sa mémoire.
a) Il importe d'en assurer un fonctionnement normal et lui faire acquérir les qualités
de facilité, de ténacité et de promptitude. Le succès des efforts tentés dans ce sens
reste lié au respect de certaines conditions d'ordre physiologique et psychologique. Il
faut éviter ce qui peut entraver l’exercice du cerveau : (surmenage, abus des excitants).
De plus, la répétition favorise l’exercice de la mémoire. Le .rôle de l'association des
idées a également de l’importance. La mémoire est d'autant plus fidèle et prompte que
nos connaissances s’enchaînent entre elles. Un excellent moyen de développer la
puissance de la mémoire, consiste à rechercher les liens qui existent entre les idées et
à grouper celles-ci suivant leurs rapports naturels. Ceux qui agissent autrement, font de
leur tête suivant l'expression de Malebranche : « une espèce de garde meuble dans
lequel ils entassent sans discernement et sans ordre tout ce qui porte un certain
caractère d'érudition ».
Ainsi, le grand orateur Cicéron avait coutume de lier les principales parties de ses
discours aux différentes parties de l’endroit où il devrait les prononcer.
Dans la culture de la mémoire, il faut éviter, en outre :
b) D’accorder à cette faculté un développement tel qu'il nuise à la culture du
jugement (Se rappeler : « Savoir par cœur, n’est pas savoir » de Montaigne.) La culture
de la mémoire ne consiste pas comme on l'a longtemps cru en l'apprentissage de «
trucs » destinés à mettre entre les souvenirs des liens plus ou moins factices. Elle
repose, au contraire, sur l'observation exacte de faits psychologiques, à savoir, que pour
développer la mémoire, il faut respecter les exigences de l’esprit : compréhension,
jugement rapprochement et comparaison des Idées entre elles.
En cela, la culture de la mémoire se confond avec celle du jugement car, elle a pour
effet de rendre l'esprit plus apte à saisir le vrai rapport des choses et à discerner le réel
du factice.
La culture de la mémoire favorise la culture du jugement quand, par l'acquisition des
connaissances, elle fournit de nouveaux matériaux à la pensée, précise les idées, établit
de nombreux points de comparaison, bref, met l'esprit en mesure d’apercevoir
exactement le rapport des choses.
c) D’alourdir et d'encombrer l’esprit de souvenirs mal assimilés. Les associations
d’idées artificielles bizarres, Imaginées, pour soulager la mémoire demandent plus
d’effort qu'il n'en faudrait, pour acquérir un savoir rationnel. Il est préférable d'user
d'ordre et de méthode. Richard Cécil écrit : « Il en est de la méthode comme de
l’emballage : un bon emballeur mettra dans la même caisse deux fois autant de choses
que le mauvais ».
III. COMMENT SE PRENDRE POUR ASSOUPLIR ET FORTIFIER LA
MEMOIRE DES ÉLÈVES ? :
La facilité à apprendre est proverbiale chez l'enfant entre 6 et 11 ans. Rien de plus
naturel. Son esprit n’est point surchargé d’impressions. Ses cellules cérébrales sont
flexibles et vierges. Sa sensibilité est aussi vive que sa curiosité. Sa mémoire est plus
libre, car elle n'a point à subir l’influence de sa réflexion et de sa volonté comme dans
253
l’âge mûr. Pourtant, sa fidélité est moins accusée que chez l’adulte. Parfois, il défigure
les souvenirs, confond les états de conscience. Enfin, parce qu'il vit dans le présent, la
promptitude à se rappeler existe à un plus faible degré chez lui que chez l'adulte. De
façon générale, on peut dire que la mémoire enfantine a pour principal auxiliaire la
sensibilité. Les faits qu'il retient le mieux sont ceux qui l'ont affecté le plus. Il importe,
alors, de rendre docile et soumise sa mémoire, de l’affermir et de renforcer ses
pouvoirs. Pour cela, il faut :
a) L’intéresser : « Je retiens les choses dans la proportion où je les aime, où je les
comprends, où je suis capable de les faire » dit : Légouve. Mais, la première condition
pour intéresser, c'est de se faire comprendre d'où : la nécessité d'explications claires et
simples.
b) Présenter à l’esprit de l'enfant des idées très nettes qu'une répétition fréquente
empêche de s'estomper. Toujours s’assurer que l'enfant a compris avant d’apprendre.
c)L’interroger souvent ; contrôler sans cesse son savoir, l’amener à rapprocher, à
comparer, à juger de manière à s'assurer la précision de ses souvenirs et à hâter la
lenteur de leur évocation.
d)Lui apprendre à apprendre. Se servir de l’appui que peuvent se porter les
différentes formes de mémoires : Ex : épeler un mot (mémoire auditive), peut aider à le
bien écrire (mémoire visuelle et graphique).
e)Employer tous les procédés efficaces susceptibles de former une mémoire bien
équilibrée que la volonté dirigera au mieux du développement de l’esprit.

IV. PLACE A RESERVER A LA MÉMOIRE DANS


L'ENSEIGNEMENT :
Le « par cœur » dont parle M. Lebettre dans sa C.M. est un savoir, au préalable
compris, parce que longuement expliqué et fort bien assimilé par l’esprit de l’enfant. Il
occupe une place importante à l’E.P.E. Aussi faut-il y revenir sans cesse, l’entretenir par
de persévérantes répétitions. Là encore deux excès doivent être évités :
a) Proportionner, doser sévèrement ce que l’enfant aura à apprendre. Tenir compte

de son niveau mental, des possibilités de sa mémoire.


« Mieux vaudrait moins apprendre, mais bien retenir. Mieux vaudrait moins de souvenirs,
mais des souvenirs complets et ordonnés » disent les I.O. Lorsque la mémoire de nos
élèves est encombrée d’une multitude de détails, leur esprit ne retient même pas
l’essentiel. Si elle est surchargée de souvenirs mutilés et confus, ceux-ci s'associent au
gré du hasard.
b) Toujours faire comprendre avant de lui donner à apprendre. Lui « ensucrer les

viandes insalubres », dirait Montaigne.


Ce qu’il lui faut, ce n’est pas d’apprendre beaucoup, mais de bien apprendre « ce
qu'il n'est pas permis d’ignorer ».

254
SUJET N° 76
« La réhabilitation du rôle de la mémoire doit être reprise... car il n'est pas
douteux que le par cœur soit la forme la plus authentique et la plus durable du
savoir. »
Que faut-il en penser? Que peut-on apprendre par cœur à l'élève primaire ?

I. UNE MANIÈRE D'INTRODUIRE :


Depuis l’expérience du Cycle d’observation, bien des problèmes pédagogiques de
l'Ecole primaire élémentaire, jusque là demeurés dans l'ombre, ont été repris. C’est ainsi
qu'elle a amené à constater que beaucoup d’élèves suivant ce cycle ne possèdent pas,
de manière très sûre, les connaissances fondamentales en français et en calcul. Le but
essentiel du passage, de la circulaire consiste à exprimer avec beaucoup de force, le
rôle de l’Ecole primaire. Ce dernier se résume en deux mots : Bien apprendre à l'enfant
ce gui doit être appris à ce stade et lui enseigner très fortement les mécanismes de
base. C’est pour atteindre ces fins que la dite Circulaire recommande aux maîtres de
réhabiliter la mémoire, car, ajoute-t-elle, « il n'est pas douteux que pour de jeunes
enfants... durable du savoir ».

II. QUE FAUT-IL ENTENDRE PAR LE « PAR CŒUR » ?


Ipso facto, cette expression fait penser au savoir par cœur de Montaigne et qui n'est
pas du savoir. Mais, il y a plus d'une nuance entre les deux. L’expression de Montaigne
évoque le psittacisme qui consiste à répéter comme une serinette sans avoir rien
compris au préalable. Travail exclusif de mémoire puisqu’on raisonne sur des mots sans
avoir dans l’esprit les idées qu’ils représentent. Effort pénible de la mémoire qui s’efforce
de retenir des mots simplement joints et dont on ne sait nullement la signification. Le
point le plus important, c'est qu’un tel savoir est fragile. Tel un château de sable sur une
plage, il s'écroule à la moindre vague. Il suffit d’oublier un mot constituant l'une des
phrases pour assister à sa dislocation totale, sans aucun espoir de le reconquérir.
Le « par cœur » dont parle M. Lebettre est un savoir, au préalable compris, parce
que longuement expliqué et aussi bien assimilé par l'esprit de l'enfant. C'est un savoir
entretenu par des révisions persévérantes et prolongées. C’est encore un savoir sur
lequel le maître revient quotidiennement, pendant assez longtemps, qui est
constamment remis au point et mis à l’épreuve, incessamment contrôlé de manière à
assurer à la connaissance, « une sorte d’automatisme qui en garantit la pérennité ».
III LE PAR CŒUR CONSTITUE-T-IL POUR DE JEUNES ENFANTS255 LA FORME LA
PLUS AUTHENTIQUE ET LA PLUS DURABLE DU SAVOIR?
Commençons par définir les termes authentique et durable. Le savoir authentique
est celui qui ne peut être contesté. C’est un savoir sûr, réel, certain, véritable, vrai et
profitable dont la qualité ne s'altère pas. Durable signifie qui est stable, qui a la
possibilité de continuer, qui est apte à se prolonger, qui peut résister à l'atteinte du
temps et de l’oubli, bref que l’élève tient toujours à sa disposition, sur lequel il peut
compter à tout moment. Jusqu’à la création du Cycle d'observation, le rôle de l’Ecole
était de mettre les élèves l’ayant fréquentée « en mesure de continuer à s’instruire
pendant toute la vie et de leur donner le désir ».
Depuis, la perspective pédagogique a changé, puisque bientôt, la majorité de nos
élèves, même s’ils n'ont pas d'aptitudes, resteront à l'Ecole jusqu’à 16 ans.
Dès lors, apparaît la nécessité « d’établir des fondations solides et durables de tout
l’édifice scolaire ». Cette nécessité, précise le même document, s'impose notamment
dans les disciplines fondamentales : lecture, grammaire, orthographe, rédaction, calcul.
Personne n’oserait soutenir que si ces éléments de base sont au préalable, bien
dosés, correctement expliqués, convenablement étudiés par l'élève, fréquemment
entretenus, cultivés et fortifiés par le maître, qu'ils ne constitueront pas une piste d’envol
stable d'où l'esprit de l'enfant partira à la conquête d'autres connaissances. Ce savoir
deviendra réel, effectif, sera acquis, une fois pour toutes et toujours disponible. S’il faut
en croire, A. France, il sera d’autant plus facilement digéré qu'il aura « été avalé avec
appétit ».
L’enfance est, par excellence l’âge de la mémoire. Celle-ci est docile et souple. C'est
le moment où il faut meubler le cerveau des matières précises et apprises par cœur.
C’est dès cet âge qu'il faut former des esprits aptes à juger et non des perroquets aptes
à réciter. Ce qui reste de notre enseignement, à part la culture de l'esprit ; c'est que, qui
a été appris et retenu.

IV. LE ROLE DE L'ECOLE EST DE PRÉPARER L'ENFANT A APPRENDRE :


Mais, il en sera ainsi, à la condition expresse que l’Ecole ait préparé l’enfant à
apprendre.
On sait qu’à l’Ecole primaire, le contrôle de la leçon apprise par l’élève est aussi
important que l'exposé du maître. Il s’agit bien entendu, d’un contrôle intelligent,
n’excluant, ni l’intelligence, ni la compréhension. Ainsi, l’enfant s'instruit et le maître bâtit
sur un fonds solide et non sur du sable mouvant. Contrôler la leçon, ce n'est pas
seulement exiger de l’enfant, la récitation par cœur du résumé. C’est faire une part
importante à l’interrogation de sélection. On obtiendra des résultats durables, dit P.
Lapite « si on sait, d'une part, intéresser les jeunes gens, piquer leur curiosité captiver
leur attention et, de l'autre, maintenir une ferme discipline intellectuelle. La stabilité des
connaissances est en fonction de l’effort joyeux, mais aussi de l'effort tenace ».
Préparer l’enfant à apprendre ne signifie point le condamner à un enseignement
livresque abstrait, sans contact avec la vie et la réalité. C'est au contact des choses que
l’intelligence enfantine doit s’éveiller et que la mémoire trouve à constituer, selon
l’expression de Rousseau, « ce magasin de connaissances qui servent à son éducation
pendant sa jeunesse et à sa conduite dans tous les temps ». « La fin modeste et
essentielle de l’enseignement élémentaire est de préparer l’enfant à apprendre, l'y
rendre apte, à la fois, en cultivant son intelligence et sa mémoire, en mettant à sa
disposition les instruments nécessaires d’investigation et d'acquisition », dit M. l'I.G.
Lelay.

V. QUE FAUT-IL APPRENDRE PAR CŒUR ?


L’éminent pédagogue F. Pecaut disait que dans une école de n'importe quel degré, il
s’appliquerait invariablement à composer en chaque matière, un précis, un stock de
connaissances fait de dates, de lieux, d'histoire, de géographie, de règles de grammaire,
d'orthographe, d’arithmétique, de principes de notions élémentaires de sciences
appliquées, d’hygiène, d'agriculture. Ce précis restreint, le plus nourri, le plus court, le
plus simple, il saurait en faire entrer, par un effort incessant la substance et même la
lettre, dans l’intelligence et la mémoire de ses élèves. Cette consigné ne suffit pas à
nous renseigner sur ce que l'élève primaire doit savoir par cœur.

VI. CONCLUSION :
Il y a un art d'apprendre par cœur qui consiste à concentrer toute son attention et à
ne céder ni à la somnolence, ni à la distraction. C’est cet art qu’il faut enseigner à nos
élèves si nous voulons faire du par cœur, la forme la plus authentique et la plus durable
du savoir.
Si savoir par cœur n’est pas savoir, on peut dire que l’enfant ne sait bien que ce qu'il
sait par cœur après l’avoir bien compris.

257
SUJET N° 77
Essayez de préciser, succinctement, les rapports de la mémoire avec
l'intelligence, le jugement et l'imagination. Dégagez ce que le Maître d'école
primaire peut en déduire pour la conduite de sa classe.

I. MÉMOIRE ET INTELLIGENCE :
Elles représentent deux fonctions essentielles qu’on ne saurait identifier. Elles ont,
pourtant, des rapports d’identité. La mémoire consiste dans l’enregistrement d’une
impression et dans la faculté de pouvoir faire revenir celle-ci dans la conscience. Une
bonne mémoire fixe rapidement, conserve longtemps et évoque fidèlement les
impressions enregistrées.
L’intelligence, elle, consiste dans une vue par l’esprit de rapports qui nous font
comprendre les êtres et les choses, en particulier, de rapports de cause à effet et de
signe à chose signifiée. Est considéré comme intelligent, l’être capable de passer d’un
terme du rapport à l’autre.
Elles ont aussi des rapports de causalité, parce qu’elles collaborent étroitement.
La mémoire remplit mieux son office quand elle est servie par une Intelligence vive et
rapide. L’individu intelligent voit, d’un coup, ce qui est à retenir.
La mémoire évoque avec plus d’aisance et plus à propos quand elle est soutenue
par une intelligence brillante.
Inversement, l’intelligence trouve un auxiliaire précieux dans une mémoire rapide et
fidèle. L’exercice même de l’intelligence lui donne l’habitude du raisonnement et de la
rigueur, logique. Mais, l’habitude n’est autre qu’une sorte de mémoire. En un mot,
l’esprit est un. La mémoire nous aide à comprendre comme l’intelligence nous permet
de mieux nous souvenir.

II. MÉMOIRE ET JUGEMENT :


Avec le jugement, l’homme atteint le plus haut degré de son activité mentale. Pour
Rousseau, juger, c’est avoir le pouvoir de prononcer le petit mot : EST, qui nous
distingue de l’animal. Mais, le jugement ne constitue pas une opération de l’esprit, bien
à part et séparée de toutes les autres. Tout se tient dans la pensée réelle. Mémoire,
imagination, attention, raisonnement n’en sont que des faces. Il s’en suit que le
jugement intervient dans toute la connaissance. On le retrouve dans tous les stades de
notre vie intellectuelle. Kant ne dit-il pas : * Penser, c’est juger ». Le jugement est la
trame de toute notre vie cognitive. Dès lors, comment pourrait-il s’opposer à la mémoire
qui lui fournit les éléments Indispensables à son fonctionnement normal? L'homme juge
d’autant mieux, qu'il est cultivé. Or, la culture est une lente acquisition, jamais achevée,
à la base de laquelle se retrouve d'abord, la mémoire. Un mémoire vive, tenace et fidèle
demeure l’un des plus précieux auxiliaires du jugement.
III. MÉMOIRE ET IMAGINATION :
L’imagination est la faculté de penser par images. Cette pensée par images
prend différents aspects. Elle peut s'ingénier à reproduire, le passé. Dans ce cas,
elle se confond avec la mémoire imaginative. Elle peut aussi, se plaire à construire
des représentations nouvelles à l’aide d'éléments fournis par l’expérience passée.
Dans ce cas, se manifeste une fonction spéciale qui suppose la mémoire.
Entre mémoire et imagination il y a compénétration profonde. La mémoire se
mêle d'imagination. Le rappel et la localisation des souvenirs se font par une
reconstruction du passé dans laquelle entrent beaucoup d'interventions. De plus,
l'imagination créatrice dépend aussi dé la mémoire. — C'est la mémoire qui lui
fournit les éléments de ses créations et lui confère la facilité précieuse d’évoquer.
Enfin, pas de constructions nouvelles de l’imagination sans des constructions
passées à leur base.
En fait, mémoire et imagination constituent deux degrés différents de .l’activité
spontanée de l’esprit. Ces deux aspects sont inséparables. Il ne saurait y avoir
invention sans la collaboration ininterrompue de la mémoire et de l’imagination.

IV. QUE PEUT EN TIRER L'INSTITUTEUR?


Les régies de la culture de la mémoire enfantine sont bien connues. "Il n’est pas,
malgré tout, inutile de résumer les conditions psychopédagogiques qui assurent une
évolution normale à la mémoire de l’écolier du stade primaire élémentaire. Essayer
de rendre moins exclusif le' souci du présent, le dégager progressivement de
l’emprise du sensible et du Concret : deux impératifs qui l’accaparent entièrement
durant ses premières années.
Le délivrer, petit à petit, de son égocentrisme qui l’enferme en lui- même et arrête
l’éclosion de la pensée rationnelle et intelligente. Le faire participer pleinement à la
vie sociale pour qu’il se familiarise avec la notion de temps objectif qui paraît surtout
de nature sociale.
Par ailleurs, on a parfois cru que le développement de la mémoire est nuisible à
celui du jugement. A la vérité, il n’en est rien.
La culture de la mémoire ne consiste pas, comme on l’a cru longtemps, en
l'apprentissage de trucs destinés à mettre entre les souvenirs des liens plus ou
moins factices. (Ex. : des calembours, ou jeux de mots pour rappeler les grandes
familles de l'éducation physique ou les écrivains du 17" siècle).
Pour développer normalement la mémoire, il faut respecter les exigences de l'esprit:
compréhension avant d’apprendre, jugement, en rapprochant ou en comparant les
idées. Si l'éducateur suit cet ordre rationnel, la culture de la mémoire 259
se confond avec
celle du jugement car, elle a pour effet de rendre l’esprit plus apte à saisir les vrais
rapports des choses qui conduisent à « l’assimilation des choses entre elles, des
choses à l'esprit et des esprits entre eux », celle, comme le dit si bien Lalande, qui fait
distinguer le réel du factice.
La culture de la mémoire favorise le développement du jugement quand elle fournit
des matières à la pensée, précise les idées, établit de nombreux points de comparaison,
bref, quand elle met l’esprit en mesure d’apercevoir exactement le rapport des choses.
Plus le jugement, saisit de rapports, plus il peut s'exercer avec justesse, d'où la
nécessité d’un grand nombre de souvenirs.
Voici quelques règles, dans ce sens, à suivre par l'instituteur.
a) Avec de la netteté et de la précision, il introduira de l'ordre dans son
enseignement. « L’ordre est le besoin le plus impérieux de ¡'esprit. » « La mémoire, en
particulier, ne peut s’en passer. Grâce à J'ordre, elle retient sans peine et retrouve à
volonté, une quantité incroyable d’idées et de faits » écrit Marion.
b) Selon Montaigne, le Maître logera rien dans la tête de ses élèves « par simple
autorité et à crédit ».
Une leçon bien comprise, parce que, bien expliquée, est presque sue. Rien ne sera
donné à apprendre qui n’aura été, au préalable, expliqué.
c) L’instituteur veillera à ce que le savoir de ses élèves ne soit pas un pur savoir par
cœur. Il vérifiera qu'ils ont compris le sens des mots; dégagé l’ordre des Idées, et
comme le recommande, encore Montaigne, il ne leur demandera pas seulement, «
compte des mots», mais «du sens et de 'la substance » de la leçon. Ainsi cultivée, la
mémoire se développera de façon rationnelle et, loin de nuire au jugement, elle ne
pourra que l’éclairer et le fortifier.
L'éducation du jugement demeure une œuvre de longue haleine. Le jugement de
l’écolier est souvent timide. Il faut l'enhardir en lui montrant que « la vérité se donne à.
qui la cherche ». (Palissy). SI, parfois, il se montre téméraire, il faut le modérer. « Il est
facilement Inexact, il faut le redresser » dit Compayré.
Il importe, enfin, de tenir ¡'imagination enfantine, mobile et portée à l'exagération,
dans les limites de la raison. La culture de la mémoire, bien comprise, peut y aider
grandement.

260
SUJET N° 78
Essayez de définir la curiosité enfantine et de préciser ses différentes formes. Que
peut en tirer l'Ecole primaire ?

Une manière, entre mille de concevoir le devoir :

I. DÉFINITION DE LA CURIOSITÉ :
L’esprit humain va généralement au-devant des impressions qui doivent l’envahir.
D’où la tendance à toujours se mettre en quête. Aristote dit : « L’œil a besoin de voir et
l’oreille a besoin d’entendre ».
Etymologiquement le mot curiosité rappelle la notion d’inquiétude et de souci. Elle
prend "aspect d’une tendance qui réclame plus ou moins impérieusement satisfaction et
peut aller même jusqu’à prendre l’allure d’un besoin. On la définit comme la tendance
qui pousse l'être humain à connaître pour le plaisir de connaître. On la désigne aussi par
une faim, une soif, un appétit de l’esprit. Chez l'enfant, elle se traduit par le besoin de.
voir, d'entendre et de toucher. Ce dernier est un être naturellement curieux. Il veut savoir
les qualités, les défauts, l'origine et le but des choses. En témoignent les multiples
comment et les' éternels pourquoi qu’il pose. Si on l’observe on s'aperçoit qu'il essaie
toujours d'explorer le monde qui l’entoure. Le psychologue Perez écrit : « L’enfant
travaille pour le plaisir d’éprouver des sentiments, de percevoir des impressions
nouvelles. Sans cesse, on le voit exercer les organes qui lui procurent des plaisirs ou
des sensations visuelles, auditives, tactiles ou musculaires. »

II. LES FORMES DE LA CURIOSITÉ ENFANTINE :


Le Docteur Berge nomme la curiosité enfantine : « la faim de l’esprit ». Cette dernière
est étroitement liée à la loi fonctionnelle de l'adaptation au milieu environnant, condition
essentielle de la réussite de l'évolution de l’être.
Elle peut prendre différentes formes :
1) Durant la première enfance, jusqu'à vers 3, 4 ans les pourquoi sont relativement
rares et révèlent plutôt des pseudo-questions. Très souvent, l’enfant n’attend pas la
réponse ou la fait de lui-même. C'est que pendant cette période, il vit dans un état de
croyance implicite et spontanée, un état de certitude que rien ne vient ébranler. Il ne
peut y avoir pour lui aucun problème, ni par conséquent aucune curiosité véritable.
2) A la phase suivante (2e enfance, de 4 à 7 ans) ses pourquoi adressés à l’adulte
traduiront un souci très net de s’informer. Ils seront l’indice d’une curiosité
commençante, mais surtout, d’ordre pratique. 261

En vertu de la contrainte Intellectuelle, encore exercée à cet âge par l'entourage et


aussi de la grande crédulité de l'enfant (conséquence logique), cette curiosité sera
satisfaite à peu de frais.
Les réponses nettes et assurées suffiront.
3) C’est vers 8 ans et après que l’enfant devient exigeant et désire qu’on lui
fournisse, quand il pose des pourquoi, des raisons logiques,, qu’il entend discuter. Dès
lors, on est en présence d’une véritable curiosité intellectuelle. Celle-ci résulte des
changements de rapports intervenus entre l’adulte et lui qui reposent à présent, sur la
coopération. L’esprit critique est alors éveillé et la crédulité rationnelle supplante peu à
peu la crédulité aveugle.
BESOIN DE FABULATION CHEZ L’ENFANT DE 3 A 4 ANS :
A cet âge il adopte une conduite de fabulation qu’il faut rattacher à la curiosité. Il
invente des récits, des histoires qui n’existent pas. Il raconte en fonction de situations, le
plus souvent vécues et aussi de personnages déterminés... On peut se demander ce
que signifie ce besoin. Pour y répondre, il faut distinguer plusieurs situations :
a) L’enfant qui éprouve le besoin de comprendre ce que son niveau mental ne lui
permet pas d’expliquer. Son imagination construit pour expliquer.
b) L’enfant qui est en présence d’interdits par le milieu social. Il prend des biais pour
exprimer ces interdits. (Cousinet cite le cas d’un petit garçon à qui on avait interdit de
dire merde et des gros mots).
c) L’enfant qui a besoin d’évasion. Il combine ou réalise des exploits imaginaires. Il
se trouve alors dans un monde plus à lui où il se sent plus à l’aise que dans le monde
réel. C’est la curiosité évasive.
d) L’enfant qui s’essaie à la tentation de parler, de raconter, de se faire écouter,
encenser, admirer et applaudir.
e) L’enfant qui conterait des histoires imaginaires pour duper les grandes personnes
qui, d’ordinaire sont si savantes et si autoritaires.
f) L’enfant qui manifeste vraiment sa curiosité et pose- des questions spontanées et
non provoquées. Celles-ci méritent qu’on s’y arrête. Il est intéressant d’étudier leur
forme, leur contenu, leur raison. A remarquer qu’elles s’enchaînent avec une certaine
logique. On dirait même que c’est par esprit de revanche qu’il harcèle les grandes
personnes de pourquoi et de comment. Ceux-ci partent comme de quasi-réflexes, sans
même attendre ou entendre la réponse au pourquoi précédent... Ceci permet à l’enfant,
placé devant des faits, de s'habituer à ceux-ci, de les observer avec attention. Il
cherche, classe, expérimente et s’affirme. Cette forme de curiosité constitue une
réaction contre le verbalisme, en ce sens, qu’elle substitue, sans arrêt, les choses, les
réalités, la vie concrète, aux mots, aux Irréalités, aux abstractions. Les notions
concrètes ainsi puisées dans le milieu ambiant enrichissent la pensée de l'enfant et le
conduisent aux idées claires et précises.
Enfin, la curiosité
262 désintéressée à laquelle n'accède pas l'enfant (celle du savant).
III. L'ÉDUCATION DE LA CURIOSITÉ ENFANTINE :
a) A mesure que l’enfant grandit. Il faut se montrer scrupuleux dans le choix des
explications à lui fournir. Il ne faut pas s’amuser à le tromper, ni à hausser la fabulation
au niveau du mensonge.
b) Si sa curiosité se montre peu exigeante (1” et 2e enfances), ce n’est pas qu’il
soit tout à fait ignorant ou crédule; c’est surtout parce que sa pensée inconstante ne
sait pas encore se fixer.
c) En tout cas, l’enfant a conscience de son Ignorance et c’est pourquoi le principe
essentiel de- sa curiosité est le désir ou le besoin de savoir. Tous les jours, il aspire à
combler les lacunes de ses connaissances et n’hésite pas à mettre à contribution la
science de ses parents, de ses maîtres, et même celle des étrangers ou des
camarades plus grands que lui.
d) L’éducateur averti du sens de l’évolution du sentiment du vrai chez l’enfant,
trouvera de lui-même les meilleurs procédés pour susciter, entretenir et diriger la
curiosité enfantine. Cette aide prendra toute sa valeur par une collaboration active
avec l’enfant (Eviter toute contrainte exercée du dehors sur son esprit.)
De là, la grande valeur des méthodes dîtes actives. L’enseignement dogmatique
devient inopérant et ennuyeux pour des écoliers dont l’esprit critique est déjà éveillé.
Instruction de ¿’intelligence et éducation de la volonté exigent la coopération active
et joyeuse de l’élève.
Travailler en commun avec ces jeunes esprits, savoir provoquer leurs questions,
chercher à préciser avec eux les problèmes que les choses posent à leur esprit,
solliciter leur concours pour, les résoudre, telle est la méthode pédagogique féconde
et susceptible de tenir sans cesse, en’ éveil, la curiosité des enfants.
e) Par une méthode souple (substitution), il faudrait aussi combattre les excès de la
curiosité enfantine (curiosité malsaine).
Il serait souhaitable, par exemple, que toute leçon fût une réponse à une question
que s’est posée la curiosité de l’enfant ou de l’adolescent.
Il serait sage de retenir les deux principes pédagogiques préconisés par A. France
et Paul Bernard.
A. France : « L’art d’enseigner n’est que l’art d’éveiller la curiosité .dans les jeunes
âmes pour la satisfaire ensuite, et la curiosité n’est vive et saine que dans les esprits
heureux. Les connaissances qu’on entonne de force dans l’intelligence la bouchent et
l’étouffent : pour « digérer le savoir, il faut l’avoir avalé avec appétit ».
Paul Bernard : « L’école qui n’allume pas la flamme de la curiosité intellectuelle
manque son but. Elle ne met pas dans l’esprit de ceux qui la quitteront un jour, le
ferment d’un développement ultérieur ; au lieu d’animer elle mortifie ».

263
SUJET N° 79
Essayez de définir l'esprit d'observation en précisant ses éléments
constitutifs. Quels sont les moyens plus propres à le provoquer et le
développer chez l'élève de l'École primaire ?

Une manière de concevoir le devoir :


I. QU'EST-CE QUE L'ESPRIT D'OBSERVATION ?
Dans sa logique Stuart Mill définit l’observation : « Observer ne consiste pas
seulement à voir la chose qui est devant les yeux mais à voir de quelles parties elle se
compose. Or, bien voir est une qualité rare. Tel, par inattention laisse passer la moitié
de ce qu’il voit ; tel autre remarque beaucoup plus de choses qu’il n’en voit en réalité,
confondant ce qu’il voit et ce qu’il imagine... Un autre voit bien le tout mais, il en fait une
mauvaise division, rassemblant les choses qui doivent être séparées et en séparant
d’autres dont il aurait été plus à propos de faire un tout, de sorte que le résultat de son
opération est ce qu’il aurait été ou même pire s’il n’avait pas fait d’analyse ».
Cet esprit manque à un grand nombre d’hommes. Il peut et doit être développé à
l’école : savoir regarder, épier, analyser les phénomènes que l’on voit, que l’on perçoit à
l’aide des sens, noter les faits avec exactitude, les retenir pour comparer et déduire
n’est pas une capacité également répartie chez les hommes, dit un autre philosophe.
De plus, bien voir est une opération difficile. Pour que l'observation produise une
perception exacte, il importe qu’elle soit :
a) Précise, parce que tout détail joue dans l’ensemble un rôle qu’il importe de
déterminer.
b) Exacte et complète : Il ne faut rien omettre non plus ne rien ajouter. Authenticité
dans la qualité et la quantité des détails.
c) Méthodique : Distinguer les différentes phases des phénomènes et les classer
d'après leur importance. Ces qualités supposent une intelligence toujours en éveil
sachant user des sens avec justesse et précision, parvenant surtout à apprécier leurs
données, grâce à un jugement sûr et pénétrant.
II. SES ÉLÉMENTS CONSTITUTIFS :
Ce sont :
1°) La curiosité ou désir, soif, faim de savoir. Elle trouve des sujets d’étonnement là
où le vulgaire demeure indifférent :. « Il faut beaucoup de philosophie pour observer ce
qu’on voit tous les jours », écrit Rousseau.
2°) Une attention puissante et soutenue. L'exemple de Pasteur est à cet effet
264
significatif, il observa ou fit observer plus de 50 000 vers à soie avant de découvrir la
pébrine.
3°) L’imagination et la raison : Ce sont elles qui permettent de découvrir les causes
et les lois des faits observés, de les relier entre eux et. de les classer.
4°) La sagacité qui sait discerner les faits significatifs et rejeter les accessoires. Qui
n'a vu choir un fruit d'un arbre ou osciller une lampe suspendue ? De ces observations
vulgaires, le génie de Newton et celui de Gallilée ont déduit des lois et applications de
la plus haute importance, se rapportant à la pesanteur et au pendule.
5°) L'impartialité : Elle fait renoncer à toute idée préconçue pour rechercher la
vérité même si sa manifestation apparaît désagréable.
L’observateur scrupuleux se garde du travers que raille Nicole : « Il arrive souvent
que le principal usage que nous faisons de notre amour de la vérité, c'est de nous
persuader que ce que nous aimons est vrai ».
III. MOYENS PROPRES A PROVOQUER ET A DÉVELOPPER L'ESPRIT
D'OBSERVATION A L'ÉCOLE PRIMAIRE :
L’esprit d’observation est d’une importance capitale pour la vie intellectuelle. Aussi,
doit-elle être cultivée soigneusement chez l’enfant afin de le préparer à prononcer un
bon jugement et lui inspirer une conduite raisonnable.
« L’art d’observation est la pierre angulaire des sciences de la nature » (Cl.
Bernard).
L’observation est nécessaire dans la recherche de la vérité sous toutes ses formes.
Elle est d’un intérêt particulier dans la vie courante. Dans la vie courante, une juste
observation des faits et des hommes nous préserve des ennuis et des dommages.
Dans notre tâche, elle nous prémunit contre la routine et permet une amélioration
continue de nos procédés de travail.
Elle assouplit les intelligences et développe la puissance du jugement.
Elle conditionne en somme, tous les progrès de l’enfant.
Avant tout, il faut se demander si l'enfant possède la faculté d’observer :
Jusqu'à 7-8 ans, il accorde peu d'attention aux impressions qu'il éprouve. Il les
apprécie plutôt en fonction du plaisir ou de la peine qu'elles lui procurent et non
d'après leurs causes.
D’autre part, son attention et sa curiosité sont très mobiles. Rien détonnant si son
observation reste superficielle.
Même vers 9 - 1 0 ans, l'attention reste de courte durée. L'enfant demeure encore
crédule et naïf et se jette étourdiment sur les apparences. Il n'est pas encore capable
d'établir un ordre rigoureux dans ses observations. Quand il veut par exemple,
retrouver dans un livre un passage qui l’a intéressé, il feuillette ce dernier en tous sens
durant un long temps avant de trouver ce qu'il cherche.
Il s’en suit qu'il faut former sa faculté d'observation.
Les principes de la méthode à employer sont : éveiller sa curiosité, développer son
attention, exercer sa réflexion et son jugement pour l’amener à comparer ce qu'il voit à
ce qu'il a déjà vu, pour développer en lui l'impartialité et l’esprit critique.
A) L’ENSEIGNEMENT PAR L’ASPECT: 265
Pas de leçons de choses sans choses, visite au musée et au jardin scolaire. La
saisie du réel par le ‘savant comprend aussi bien l'observation des phénomènes, des
faits bruts que la vérification des relations découvertes.
_ B) De façon générale, observer, c’est conserver devant ses yeux ou le regard de
son esprit, la considération attentive d’un être, d’un fait ou d'un objet.
L'observation devient scientifique quand elle est une considération attentive des
faits, dans le but de découvrir leurs causes et leurs lois.
C) L’observation scientifique est active et non purement passive. Le savant se place

devant les phénomènes comme un enregistreur inerte. Il a l’œil inquisiteur du Juge


d’instruction. Il ne se contente pas de voir. Il regarde.
Il regarde, non pas avec les yeux du corps, mais aussi avec les yeux de l’esprit. Il
cherche à saisir des rapports. L’observation est une activité d’ordre intellectuel. N’est
observateur ou doué d’esprit d’observation que celui qui remarque des détails
significatifs susceptibles de fournir une explication à des questions qu’on se pose ou
posant lui- même des questions intéressantes.
Bien observer est plus difficile qu’on ne pense et on se trompe souvent en notant
tout simplement ce qu’on a vu.
Imaginer et même déduire est facile. Il suffit de se laisser aller à la pente naturelle de
l’esprit. Au contraire, pour observer, il faut remonter cette pente et se plier docilement
aux faits : « Observation, c’est contention sévère, pénible d’esprit », dit A. Rey.
L’observation est la source principale de la science expérimentale.
Par ailleurs toute leçon de science sera accompagnée d’expériences simples
réalisables avec la participation active des élèves. Ils en noteront la marche et les
résultats. Toujours faire manipuler et examiner des échantillons.
Le dessin et les travaux manuels, habituent les élèves à apprécier les rapports
existant entre les diverses dimensions, entre les parties et le tout, à voir exactement
pour représenter ou reproduire le modèle proposé.
En géographie (carte-terrain, classe promenade, relations entre sol, climat,
végétation, faune, flore, manifestations de vie humaine, dépendance de l’une et de
l’autre).
En arithmétique et en système métrique, habituer les élèves à constater, vérifier,
mesurer, peser, faire l’appoint Bref, pas une matière d’enseignement que le maître ne
puisse utiliser pour diriger ses élèves vers une exacte observation des hommes et des
choses.
SUJET N° 80
L'esprit critique : dites s'il est possible de le développer à l'Ecole primaire.
Quels peuvent en être les occasions et les moyens ?
(C.A.P. Martinique, Session de mars 1966)

INTRODUCTION POSSIBLE :
Il existe chez l’homme une crédulité naturelle qui le pousse à accepter passivement
les idées qui se présentent à son esprit. Celles là lui viennent spontanément ou lui sont
suggérées du dehors. Cependant, il vient un moment où, mis en défiance par sa propre
expérience ou par les contradictions surgissant entre des opinions venues de l’extérieur,
il commence à se défier de ses idées, de ses propres théories. Il manifeste prudence,
réserve et doute à l’égard de lui-même et plus encore, envers autrui. Peu à peu, Il prend
conscience des conditions légitimes de l’affirmation vraie. Alors, surgit chez lui l’attitude
critique.

I. QU'EST-CE QUE L'ESPRIT CRITIQUE ?


Disons, au départ qu’il importe de ne pas confondre l'esprit critique et l’esprit de
critique. L’être doué d'esprit de critique est, au fond, un malveillant et un impartial. Il
censure, blâme, condamne, détruit, sans aucun examen objectif. Cette mauvaise
disposition d’esprit peut être si poussée chez certains hommes qu'elle dégénère comme
en manie de faire .ressortir les défauts, parfois, inexistants des personnes et des
choses, sans même qu’on, leur demande leurs jugements. Ils se font leur l'affirmation ;
la critique est aisée. Le mot critique vient du grec et signifie juger. L'esprit critique est
l'esprit de bon jugement. Au sens élevé du mot, juger signifie avoir l’attitude mentale du
juge qui va rendre une sentence. Le juge doit se montrer impartial. Il doit faire taire ses
préférences personnelles et attendre patiemment, que toutes les raisons de choisir se
soient montrées. Ce qui implique aussi, que le juge pèse objectivement toutes les
raisons de l’acte, donne à chacune d’elles sa véritable valeur, son poids authentique,
sans rien ajouter de celles qui lui sont chères. Cela suppose, enfin que, dans la
sentence finale toutes les raisons figurent avec leur valeur et agissent suivant cette
valeur.
Avoir l'esprit critique c’est, par conséquent, s’astreindre à chercher exactement et
sans passion, toutes les preuves susceptibles d’entrainer la décision dans un sens ou
dans un autre, les garder toutes dans l’esprit avec leur véritable valeur. L’esprit critique
est en somme le sens de la preuve.
L’esprit critique est une attitude de l’intelligence qui s’acquiert. C’est267l’esprit du libre
examen. Il touche en plein au bon sens et au jugement.
Il suppose le souci de se renseigner avant de juger, le désir de chercher à s'expliquer et
à comprendre par soi-même. Il se confond avec le doute, une des conditions
essentielles de la science sur lequel tous les savants ont insisté, depuis Descartes
jusqu’à Cl. Bernard.
C’est l'honneur de Descartes d’avoir posé comme règle que le seul critérium de la
vérité réside dans l'évidence de la raison.
« N'admettre aucune chose comme vraie que je ne la connusse évidemment être
telle*. Ici, le libre examen devient esprit d'indépendance intellectuelle.
Il faut bien se garder aussi de confondre le doute avec le scepticisme. « Le
sceptique est celui qui ne croit pas à la science et qui croit à lui- même... Le douteur est
le vrai savant, il ne doute que de lui-même et de ses interprétations, mais, il croit à la
science », écrit Cl. Bernard.
L’esprit critique constitue un des éléments essentiels de l’esprit scientifique. Il
consiste à n'accepter aucune assertion sans contrôle et à réagir contre cette crédulité
naturelle qui nous porte à admettre comme vraie la première idée qui se présente à
notre esprit, le premier récit qui nous est proposé. Pasteur l'a admirablement défini : *
N’avancez rien qui ne puisse être prouvé d'une façon simple et décisive. Ayez le culte
de l'esprit critique. Sans lui, tout est caduc ».
En dernier ressort, l’esprit critique n'est pas autre chose que la mise en œuvre de
l’attitude réfléchie de l'esprit averti des dangers de la précipitation, comme dit
Descartes, et soucieux de n’affirmer qu'à bon escient. C'est en somme le besoin de
preuve.

II. POSSIBILITÉS DE DÉVELOPPER L'ESPRIT CRITIQUE A L'ÉCOLE PRIMAIRE :


Chercher à s’expliquer, à comprendre par soi-même, parait nécessaire sinon
indispensable à toute vie intellectuelle réelle. Aussi, une telle éducation apparaît-elle
souhaitable au niveau de l’Ecole Primaire. Le citoyen doit juger en connaissance de
cause. L’éclosion, puis, la culture de l’esprit critique, sauf cas d’impossibilité, devraient
être amorcées' dès l'Ecole Primaire.
A cet effet, d'ailleurs, deux thèses s'affrontent :
a) Les adversaires, radicalement opposés à cette éducation au stade primaire
élémentaire prétendent qu'il est difficile à l’enfant enraciné dans son égocentrisme, de
changer de point de vue. Il n’à pas à discuter. Le doute est, pour lui, malaise, il a besoin
de certitude. Il y a danger de tout remettre en cause, puisque le Maître détient vérité et
sagesse. Il suffit de les lui imposer de façon autoritaire et dogmatique. C’est une
manière aisée de favoriser l’esprit de critique systématique et stérile.
b) Pour les opposants, le sens de la critique et même d’esprit critique existent chez
le jeune écolier d’aujourd’hui, beaucoup plus éveillé que celui d’autrefois. Il est possible
d’en faire l’éducation, mais, à la condition de doser celle-ci, suivant l’âge de l’écolier et
prendra certaines précautions.
III. OCCASIONS ET MOYENS :
Les occasions offertes par l’Ecole Primaire de développer l’esprit critique de l’écolier
sont nombreuses, depuis le niveau du Cours Elémentaire. En somme toutes les
matières peuvent s'y prêter, C’est une question d’art, d'intelligence de la part du Maître
et surtout une attitude à faire acquérir par l'enfant. Le principe en est : faire chercher
l’enfant, découvrir, vérifier par lui-même, plutôt que de lui dire ou lui imposer. Comparer,
juger les faits sans précipitation ni esprit de prévention. Pour faciliter sa compréhension
l'orienter discrètement et lui fournir les informations et connaissances nécessaires.
(Exemples : N'énoncer que ce qui est démontré et vérifié. Les leçons d’observation
et de calcul en sont autant d'occasions.)
Aux premiers âges, fournir du merveilleux à l’enfant parce que sort esprit le réclame.
Mais, par la suite, aux cours plus élevés, c’est Insuffisance d'esprit critique que
d'habituer l'enfant à croire fermement aux récits de prodiges, d’événements merveilleux,
de descriptions d'animaux fabuleux, ou lui faire croire que dans le domaine historique
ou sociologique, les choses ont toujours été et sont partout,' telles qu’elles sont, autour
de nous. L’histoire doit enseigner la complexité et la relativité des choses humaines.
Dans le domaine de la langue française et. des mathématiques, faire recourir,
chaque fois, que cela est possible à l’autocorrection tant sur le plan, écrit qu’oral,
susciter des réflexions et jugements personnels, poser des pourquoi, toujours
demander à justifier les réponses fournies.
En morale faire comprendre la valeur relative des règles, sans les Imposer. « Vérité
ici, erreur en deçà », disait Pascal. Ne rien imposer. N’adopter qu’après vérification.
L’éducation esthétique sera faite sous l'optique, relative des goûts, du respect des
autres et de la tolérance.

COMPLÉMENTS AU DEVOIR
A) CITATIONS A L’APPUI SUR LA VALEUR DE L’ESPRIT CRITIQUE:
a) Montaigne : « Nous savons dire : Cicéron dît ainsi. Voilà les mœurs de Platon.
Mais, nous, que disons nous nous-mêmes ? Que jugeons-nous ? Que faisons-nous ?
Nous pouvons garder les opinions et le savoir d’autrui, et puis, c’est tout ».
b) Selon Descartes : « Il n’y a rien qui ne soit entièrement en notre pouvoir que nos
pensées.
L’homme est toujours libre de suspendre son jugement et de provoquer en doute ce
qui ne s’offre pas à lui avec l'évidence des notions claires et distinctes ».
Nous pouvons nous soustraire à la domination des influences extérieures et
spécialement des préjugés sociaux par l’attitude critique, c’est-à- dire, en pratiquant ce
doute méthodique, qui, en présence d’une assertion, nous amène à lui demander ses
titres, à exiger des preuves, en somme à la nier provisoirement ou', tout du moins, à la
mettre en question. « Le véritable jugement est celui que je porte en me demandant si
j'ai le droit de le porter» (Lagneau).
C’est ainsi que nous parvenons, comme le dit encore Descartes, « à ne rien croire
trop fermement de ce qui nous a été persuadé que par l'exemple et par la coutume ».
B) ROLE DE L’ESPRIT CRITIQUE DANS :
a) LES SCIENCES : Il joue un rôle capital dans la science. Le premier obstacle, que
rencontre la connaissance scientifique pour se constituer c'est * l'expérience première,
l'expérience placée avant et au-dessus de la critique qui, elle, est nécessairement
élément intégrant de l'esprit scientifique » (Bachelard).
b) Il joue un rôle important pour empêcher le savant de transformer en vérités
définitives et absolues les vérités expérimentales qui sont toujours des vérités
approchées.
c) Il est la condition de l'esprit d'intervention ou de découverte : « C'est pour avoir
douté d'une hypothèse de Crookes que Roentgen a découvert les rayons X. C'est pour
avoir douté des hypothèses de Gay- Lussac et de Liebig, douté de ses propres
hypothèses que Pasteur a trouvé sa théorie des ferments ». (Paul Lapie).

CONCLUSION :
L’esprit critique fait de la science un savoir toujours ouvert et toujours susceptible de
progrès, tandis que l'esprit dogmatique aboutit à un savoir clos et qui se croit définitif.
SUJET N° 81
On dit que le jeu est la meilleure des gymnastiques. De son côté Froebel
écrit : « Le jeu n'est pas une chose frivole pour l'enfant mais une chose
d'une profonde signification. »
Expliquez sommairement ces deux opinions puis, dites ce que vous en dégagez
sur la valeur éducative du jeu.

INTRODUCTION POSSIBLE :
L’enfant joue spontanément. Il joue comme il respire. A ses yeux, le jeu est chose si
sérieuse qu’il proteste lorsqu'on vient le dissiper ou le déranger quand il joue. C’est
pourquoi des pédagogues ont pensé que l’on pouvait exploiter à des fins éducatives,
cette forme naturelle de l'activité enfantine.

I. EXPLICATION SOMMAIRE DE LA PREMIÈRE FORMULE :


Personne ne doute que le jeu soit une gymnastique très goûtée des enfants et qui
leur est éminemment profitable.
C’est un exercice récréatif et non une leçon. D'ailleurs, l’attrait du jeu réside pour
l’enfant dans la liberté qu'il lui laisse. Il donne satisfaction à un double besoin de
l’enfant: celui de l’exercice et celui du plaisir.
De plus il fortifie les membres et organes de l’enfant. L'enfant qui court, saute, lance
une balle, lutte, développe et assouplit ses muscles, facilite en lui l'accomplissement
des fonctions organiques et tout particulièrement de la fonction respiratoire. Le jeune
enfant qui exerce ses forces physiques, développe ses sens, son imagination, acquiert
adresse et agilité. C’est pourquoi tous les grands éducateurs l'ont favorisé. « L’enfant
qui joue m'est sacré », disait Froebel.
Après le travail cérébral, le jeu devient délassement. A ce moment même aux grands
élèves, il offre le plus vif attrait. « La joie débordante avec laquelle les élèves se livrent à
leurs amusements a autant d'importance que l'action musculaire qui les accompagne...
Le bonheur est le plus puissant des toniques », écrit H. Spencer.
Mais le jeu, peut-il remplacer entièrement la gymnastique ?
Il existe des jeux éducatifs qui n’entraînent qu’une faible dépense musculaire (pigeon
vole, furet) et ne développent pas tout l’organisme. Les uns développent les bras et
négligent les jambes ou inversement. Ne plus les pratiquer pour ces raisons, c’est
supprimer la liberté du Jeu et aux yeux des enfants, lui enlever son principal attrait.
On peut dire que le jeu est « la meilleure gymnastique » par le délassement qu'il
apporte à l'élève, par la joyeuse activité qu'il suscite en lui. A lui seul, il ne saurait
constituer une culture physique suffisamment complète.

II. EXPLICATION DU MOT DE FROEBEL :


Frédéric Froebel, créateur des jardins d'enfants, né en 1782, mort en 1852, grand
admirateur de Rousseau, pense comme ce dernier, qu'il faut suivre la nature et non la
contrarier. A ses yeux la petite enfance nécessite une éducation spéciale. Voyant un
enfant jouer à la balle, il en est arrivé à considérer le jeu comme la première
manifestation de l'activité enfantine et la balle comme le premier don. Pour lui, le jeune
écolier se montre essentiellement actif et expressif par ses jeux. Ces derniers doivent
constituer la base même de leur éducation. L'enfant qui apprend à jouer s'éduque. «
C’est par le jeu, forme spontanée de l'activité que commence, de lui-même son
éducation », écrit-il. C'est que le jeu devient pour l'enfant activité féconde et utilitaire par
« transformation imaginative des choses ». Lorsque l'enfant joue, il vit dans un monde
fictif. C'est à travers une perception Illusoire et animiste des choses qu’il prend contact
avec le réel ou, comme on l'a dit, « travers des schèmes pré-percepteurs déformants ».
Le balai devient cheval pour le petit garçon et le morceau de bois, poupée pour la petite
fille. Voilà pourquoi le jeu à une profonde signification. Il est un commencement
d’éducation, mais, pas toute l’éducation. Il demeure seulement moyen d’éducation,
puisque la Véritable éducation doit conduire l'enfant de sa perception illusoire des
choses transfigurées ou défigurées par son imagination à la perception objective des
choses, telles qu'elles sont, du moins, telles que le monde les voit.
A l'E.M., c'est surtout sous forme de jeux sensoriels groupés autour de thèmes que
se donne la première éducation. Petit à petit, ces jeux perdent droit de cité et à l'E.P...
C’est surtout à l'observation que revient la place de choix.

III. VALEUR ÉDUCATIVE DU JEU :


a) CONTRIBUTION A L’EDUCATION INTELLECTUELLE:
Le jeu, pratiqué de façon modérée, est repos pour l’esprit. Il rétablit l'équilibre entre
les énergies mentales et les énergies physiques. Il fortifie l’attention. Dans les jeux
collectifs les distraits sont généralement les perdants. Il développe l’esprit d'observation,
facilite la culture des sens, stimule l’imagination, forme le jugement, oblige l’élève à
réfléchir avant d’agir.
b) CONTRIBUTION A L’EDUCATION MORALE:
Le jeu chasse les rêves dangereux dissipe la mélancolie, excite l’enfant à une saine
activité.
Il est une école de volonté, développe l’initiative, le sang froid, la patience, exerce
l’enfant à une obéissance librement consentie.
Il est une école de solidarité (jeux collectifs). L’élève doit accepter le rôle qui lui est
dévolu, associer ses efforts à ceux de ses co-équipiers, s’exposer parfois au péril pour le
salut de ses partenaires (football, jeu de barres).
Il est une école de justice et enseigne la loyauté. Les tricheurs connus sont méprisés
et placés en quarantaine. Le jeu enseigne le respect du droit.
Les élèves qui jouent ensemble apprennent à se connaître. Ils permettent aussi aux
maîtres de connaître leurs élèves. La cour de récréation demeure, pour les élèves d’une
même école, un lieu bien chargé d'événements.
Au niveau de l'E.M. avec ses dons, (cubes, briques, bâtonnets), l’enfant donne libre
cours à son initiative. Il combine, construit, démonte, remonte. Il est géomètre,
architecte, artiste. Il fait quelque chose, il crée, comme dit Michelet. Idée heureuse de la
part de Froebel de penser que « tout progrès doit venir d’une activité volontaire de
l'enfant lui-même ». En jouant, l’enfant observe, exerce ses sens, s'initie à l’étude et sent
s’éveiller sa pensée. Le principe éducatif mis à la mode par Froebel pour les E.M., est
caractérisé comme suit par O. Greard : « Froebel a voulu que les facultés de l’enfant,
cultivées avec tendresse, s’épanouissent sous ce rayon de gaieté, comme la fleur qui
s’ouvre sous les effluves du soleil de printemps ». Le mot de Ferrière constitue une
conclusion admirable : « A l’âge de l’E.M., le jeu est une étude et l’étude doit être un jeu
».

273
SUJET N° 82
Un philosophe estime que : « prétendre substituer le jeu à l'étude et le
laisser-aller à la discipline ce serait une grave erreur ». Et il ajoute : «
imaginer qu'on peut tout apprendre en jouant, c'est là confondre le plaisir
et le travail ».
C'est aussi l'avis de Mme de Staël qui écrit que « l'éducation faite en
s'amusant disperse la pensée ».
Or, nos programmes scolaires actuels prévoient des loisirs et préconisent
la classe attrayante.
Y a-t-il opposition absolue entre ces deux manières de comprendre le rôle de
l'école ?

I. UNE MANIÈRE DE VOIR LE SUJET :


L’école ancienne évoque une discipline coercitive avec son cortège de punitions...
La nouvelle accorde une large place aux activités libres et utilise l’enseignement
attrayant.
Les deux premières pensées à examiner soulignent une conception X pédagogique
abusive du jeu et de l’éducation attrayante.
On ne saurait 'confondre le jeu et l’étude, ni le laisser aller et la discipline, le plaisir
et le travail.
a) Le jeu est activité libre, de caractère frivole et gratuit. L’enfant joue pour le plaisir
qu’il y prend. Il est heureux déploiement d’activité. Tant qu’il demeure individuel, il
n’entraîne presque pas de contrainte et reste sans portée sur l’avenir de l’enfant.
Collectif, il obéit à des règles tantôt, de discipline, tantôt de rythme ou d’harmonie. Le
jeu devient significatif quand il traduit les goûts, les intérêts spontanés, les préférences
de l’enfant. Il peut servir comme moyen d’éducation, surtout dans les E.M.
b) L’étude est activité sérieuse de caractère utilitaire. L’enfant apprend pour
connaître. Il déploie un effort physique et intellectuel. De ce point de vue, l’effort de
l’enfant qui étudie ne diffère guère de celui du savant. Avouons que de ce point de
vue, l’action délicate du maître relève davantage de l’art que de la science. J. Payot,
pour exhorter l’enfant au travail parlait en ces termes : « Enfant courageux, quand tu
es tout entier à ton travail, ton effort n’est pas différent de celui d’un Montaigne d’un
Descartes, d’un Lavoisier, d’un Ampère... Quand tu fais effort de toute ton âme, tu fais
exactement ce qu’ont fait les plus grands hommes pour devenir grands ».
c) Le laisser aller s'oppose à la discipline. Le premier suppose une absence de
règles, la relâche, l'abandon à ses mauvaises tendances. La seconde fait penser à
une codification, à des règles, des interdictions et des sanctions.
Le plaisir suppose lui aussi, la satisfaction de ses instincts. Le travail est la contrainte
physique et économique. Travailler c'est modifier, changer la nature pour la tourner à son
avantage. Le travail est activité naturelle bien sérieuse qui mord sur le réel. Le travail que
l’écolier accomplit en classe a sa finalité propre.
Ces rapides définitions suffisent à .montrer qu’il y aurait vraiment grave erreur à les
confondre. .
D’abord, peut-on concevoir une école ou l’on se contenterait de jouer, de pratiquer du
laisser aller et où le plaisir remplacerait le travail ? Il semble que non. La pensée de
l’auteur est plus subtile. Il se représente le jeu comme un "moyen d’amorce facile de
l’étude parce que, plus facile à pratiquer par l’enfant et plus en harmonie avec ses
tendances et intérêts profonds. A l’aide du jeu, beaucoup de notions intellectuelles et
même, morales peuvent être communiquées à l’enfant puisque cette méthode adresse un
appel direct à l’activité spontanée de l’enfant. Les activités dirigées, précisent les I.O.,
doivent fournir « les acquisitions les plus solides qui serviront de fondement à un
enseignement moins formel et plus proche de la vie ».
Les programmes scolaires actuels recommandent les activités précédentes ainsi que
les- méthodes attrayantes. Ils parlent de préparation, de fêtes et d’éducation à faire dans
la joie, de promenades scolaires, de visites de chantiers, d’usines, de coopératives,
destinées à donner à l’enfant « le sens, la grandeur, la noblesse de l’effort humain », de
séances de projection ou de cinéma d’activités diverses permettant au goût de l’invention
créatrice et la joie d’une réalisation heureuse de l’enfant de se manifester... Que l’on ne
s’y méprenne pas...
L’enseignement attrayant n’est pas celui présenté sous une forme amusante. S’il
provoque et entretient l’intérêt, évite la fatigue et l’ennui, il n’est pas pur jeu. Il provoque,
retient l’attention et devient le ressort essentiel de l’instruction et de l’éducation. Ni maître,
ni élèves n’ont le droit de se réfugier dans la facilité, dans l’exclusive recherche du plaisir,
en suivant la pente du moindre effort.

II. QUE FAUT-IL RETENIR DE CES THÉORIES?


On conçoit aisément une pédagogie basée sur les intérêts de l’enfant, une
atmosphère détendue et favorable au travail d’enfant. Autant de stimulants pour l’élève, le
rendant actif et augmentant sa réceptivité. Mais, le jeu employé comme moyen d’étude ne
doit nullement être généralisé. Sa place devient de moins en moins importante à mesure
que l’enfant grandit. C’est erreur grave de croire qu'on peut toujours apprendre, à lire
avec expression en riant ou en jouant. Ecole joyeuse d'accord, mais il importe d’exiger le
consentement au travail, l'effort fructueux, dans le sens d’un progrès. Si selon Alain
l'enfant aspire à devenir homme, l’effort étant le propre de l’homme, il importe, à mesure
qu'il grandit, de l’accoutumer à l’effort joyeux et consenti. Aussi ne veut-il pas qu'on donne
à l'enfant «la noix épluchée» mais que ce dernier prenne la «peine de se hausser à l’état
d’homme ».
Eh tant que discipline, .il faudrait voir d’un mauvais œil que s'installe à l'école primaire
275
le laisser aller. La discipline convenant n’est pas celle qui contraint, c’est la conquête de
l’autonomie par l’activité .libre. On apprend à être libre comme on apprend à être maçon
ou forgeron. C’est ce qui explique qu’une pédagogue ait pu dire : « Le grand, secret de
l’éducation c'est de ne pas éduquer ». (Ellen Key). Liberté d’élèves dans la classe ne veut
dire ni laisser aller, ni activité déréglée, ni simple jeu des impulsions et des désirs. Ce qu'il
faut à l’E.P., c’est une discipline libérale et formative ou encore une discipline constructive
de la personnalité, une sorte d'auto-discipline et d'auto-éducation.

III. Y A-T-IL OPPOSITION ABSOLUE ENTRE CES MANIÈRES DE COMPRENDRE LE


ROLE DE L'ECOLE ?
C’est un fait gue l’éducation pratiquée en s’amusant disperse la pensée. C’est encore
un autre qu’on ne peut tout apprendre par le jeu. Reste' à savoir comment se conçoit
cette éducation en s'amusant et ce qu’on se propose d’apprendre en jouant. Un
enseignement trop difficile rebute l'enfant. Il faut une adaptation au niveau mental de
l’élève. Celle-ci se réalise d’autant mieux par le jeu qu’il s'agit de tous petits dont
l’occupation essentielle est de jouer. Mais n’oublions pas que l’enfant veut sortir du jeu
qui, selon lui et, en vérité, le maintient dans un état d’infériorité et d'infantilisme prolongé.
Il méprise, dit Alain, « le maître amuseur ». Il ne croit pas à ces leçons amusantes qui
sont comme la suite des jeux.
A la limite, ces deux conceptions du rôle de l’école ne s’opposent point. Elles se
complètent parce que, d’un côté, on semble protester contre la substitution du jeu à
l’étude, du laisser aller à la discipline et de l'autre, on préconise la classe attrayante. Il
faut considérer le jeu comme moyen d'étude dans les petites classes, entendre laisser
aller dans le sens d’une discipline formative. L’une complète l'autre, à la condition
d'entendre jeu, laisser aller et discipline dans le sens qui permet le progrès et l’exploration
des intérêts profonds de l’enfant.

276
SUJET N ° 8 3
« Je veux qu'on donne du merveilleux à l’entant, tant qu'il l'aime et le
recherche, jusqu'au jour où il s'en dégoûte lui-même et nous avertit, par ses
questions et ses doutes, qu’il veut entrer dans le monde de la réalité. »
Expliquez cette opinion. Montrez dans quelle mesure, on peut en tenir compte à
l'École primaire.

UNE MANIÈRE D'ABORDER LE SUJET:


L’opinion à examiner est extraite de : Histoire de ma vie, de G. Sand. Elle assigne,
avec sagesse, sa part exacte au merveilleux dans l’éducation de l’enfant.
I. EXAMEN SUCCINCT DE L'OPINION :
De prime abord, elle parait catégorique. Mais, le « Je veux » indique plutôt la nécessité
inéluctable du merveilleux dans la formation normale de l’enfance. L’auteur s’empresse
de justifier, ailleurs, son point de vue. C’est parce que les enfants montrent un goût
prononcé pour les histoires, les fables ou les contes de fées. Elle ajoute : « Le merveilleux
est leur élément, et Ils s’y plongent avec délices ».
Elle assigne des limites au merveilleux comme moyen d’éducation. L’éducateur s’en
servira tant que l’enfant s’y plaît, jusqu’à ce qu’il prouva qu’il veut vivre de réalités.

II. LE GOUT DU MERVEILLEUX CHEZ L'ENFANT :


L’enfant aime le merveilleux parce qu’il y croit. Etre de sensation et d’imagination, il
recherche ce qui fait vibrer son imagination. Son animisme et sa perception illusoire des
choses font de la seconde enfance, l’âge du merveilleux par excellence. Chaque fois que
le monde réel le déçoit, il se réfugie dans ses chimères et les créations de son
imagination. Il voudrait prolonger le plus possible cet état d’esprit qui, il faut l’avouer, ne
disparaît jamais complètement. Tout homme conserve', malgré lui, un peu de l’enfant qu’il
fut. Le malheur de l’homme, dît Pascal, « c’est de toujours demeurer un enfant ».
De plus, le merveilleux lui est plus accessible parce qu’il lui demande peu d’effort de
compréhension.
A part ses rêves d’imagination, l’enfant reste aussi sensible au merveilleux naturel. Il
témoigne un vif intérêt pour les phénomènes qui l’élèvent au-dessus de l’ordinaire' Ainsi,
la drosère, plante carnassière, la rose de Jéricho qui revit sous l’action bienfaisante de
l’eau, les cas intéressants de mimétisme animal ou végéta!, frappent puissamment son
imagination. J. Verne et certains récits fictions ont du succès auprès de lui dès qu'il les
comprend. C'est pourquoi certains éducateurs ont demandé que l'on substitue277 aux contes
et fictions des ouvrages de sciences attrayants et distinguent le merveilleux artificiel du
merveilleux naturel.
III. EXPLICATION DETASLLÉE DE L'OPINION ET COMMENTAIRE :
La position de G. Sand est nettement opposée à celle de Rousseau et de Voltaire. Le
premier se refuse à faire apprendre à Emile, les fables, même celles de La Fontaine,
parce que » séduit par le mensonge, il laisserait échapper la vérité », et que la moralité de
certains contes est douteuse. Le second pense que les * imaginations fantastiques
dépourvues d’ordre et de bon sens, que l'on trouve' dans les contes de fées, ne peuvent
être estimées. On les lit par faiblesse et on les condamne par raison ».
G. Sand semble rester plus près de la nature en voulant qu’on donne du merveilleux à
l'enfance jusqu'au jour où elle manifeste qu'elle entend s’en débarrasser. Cette opinion
paraît mieux pesée, car elle tient compte, à la fois, du développement psychique de
l'enfant, de ses besoins et de sa socialisation qui ne peut qu’être progressive. La
psychologie de l'enfant révèle que l’adaptation à un monde imaginaire, source
d'enthousiasme, de poésie et de sécurité, doit forcément précéder l’accommodation au
monde réel objectif et scientifique qui requiert un très long apprentissage.
L’imagination de l’enfant doit être considérée comme un effort fait par fui pour mettre
progressivement au point les processus d'accommodation. Son évolution est complexe et
semble passer par quatre stades déterminés. Le premier traduit le règne de l'illusion et du
merveilleux. L’imagination enfantine assure d’abord, une accommodation facile à un
monde irréel. Ce stade, peut s’appeler celui de l’illusion complète et incomplète. Le
deuxième stade est celui du règne de la fiction et du romanesque. L’imagination enfantine
s’accommode à un monde, toujours irréel, mais, cette fois, senti comme tel. Elle s’oriente
vers une activité, en partie, ludique et les jeux de fiction dont les types sont pour les filles,
jouer à la poupée, pour les garçons, monter à cheval avec un bâton. Au troisième stade,
on note la prédominance de l’action et le règne du positif. Avec l'invention pratique;
l'imagination de l’enfant va se tourner résolument vers le réel. Enfin, au quatrième stade,
apparaît la prédominance de la réflexion et le règne du rationnel. Avec l’imagination
scientifique on se hausse jusqu'à l’explication logique des choses. Ajoutons enfin, que
bien des imaginations adultes ne parviennent pas à ce stade final.

IV. DANS QUELLE MESURE PEUT-ON EN TENIR COMPTE A L'ECOLE PRIMAIRE?:


Si l’on tient compte de l’évolution de l’imagination enfantine, Il semble normal
d’accorder libre entrée aux contes de fées, récits et fables à l’Ecole
Maternelle. D'eux se dégage comme un « parfum à la fois, mystérieux et poétique » que
les jeunes élèves doivent respirer.
Au début de l'Ecole primaire aussi le merveilleux trouve sa place. Une éducation
rationnelle et tonifiante veut qu'on alimente le goût du merveilleux chez les élèves du
278
Cours Préparatoire et même du Cours Elémentaire. Par contre, elle recommande
d'éviter de le prolonger artificiellement pour ne pas maintenir l'enfant dans le
romanesque, dont la persistance empêcherait l’adaptation au réel, qui est le but final
d'une éducation authentique.
De plus, les contes et fictions, présentent d'autres avantages au point de vue
éducatif. ,
Ils favorisent l’association des idées et le développement de la mémoire. La
jouissance qu’éprouve l'enfant à réaliser dans son imagination ce qu'on lui raconte est
telle qu’il se montre d'une exigence jalouse quant à l’exactitude des détails! Il s'aperçoit
du plus léger changement de texte. C'est donc qu'il a retenu et lié les faits entre eux.
En outre, Ils contribuent à développer chez les enfants des sentiments élevés quand
ils sont judicieusement choisis. « Laisser à l'enfant ses amis surnaturels, les doux
redresseurs de torts, dont la pensée leur inspire une divine sécurité », écrit Barine.
Le merveilleux naturel doit être aussi employé en éducation à l'Ecole primaire. Bien
utilisé, il reste réel. Son emploi évite d'accréditer dans l’esprit des enfants des idées que
les faits démentiront peu à peu, ce que peut produire le merveilleux artificiel.
L'appel au merveilleux naturel met en relief des idées morales bien nettes. C’est
surtout ce merveilleux qui deviendra le merveilleux scientifique.
Cependant, éviter dès le plus jeune âge, de parler aux enfants de croquemitaines, de
diables, en vue de provoquer l’obéissance, par exemple, par la peur. Les détails des
histoires peuvent demeurer vrais sous l'aspect du merveilleux. L'écueil à éviter, c’est
l’abus des histoires banales, à intentions morales mal appropriées aux dispositions de
jeunes écoliers, sans grâce et sans intérêt.
Plus tard, à partir du Cours Moyen, viendront les récits de voyages, les romans de J.
Verne, les surprenantes applications des sciences dans les domaines de la vie
domestique ; de l'art. Il faudra révéler aux grands élèves de Fin d’Etudes et du C.E.G.
les belles fictions des Anciens, les aventures d'Ulysse, de Télémaque, aussi bien que le
merveilleux tissu des fables mythologiques ou apologues bibliques, leur faire connaître
les aventures surnaturelles contées par les grands écrivains de tous les pays et de
toutes les langues : Dante, Shakespeare, Cervantes, de Foë, W. Scott...
Car l’âme humaine est ainsi faite. Elle ne peut se passer de fictions. SI on l'en prive,
on tarit en elle la source de poésie intérieure, c’est pourquoi, elle bâtit sans cesse des
châteaux en Espagne.

279
SUJET N°84
« Gardant du temps pour lui-même, le Maître s'instruira sans cesse. »
Expliquez ce propos d'Alain. Que peut en tirer l'instituteur?

I. UNE MANIÈRE D'INTRODUIRE :


On dit couramment que tout professeur doit rester un étudiant. Ce mot s'applique
parfaitement à l’instituteur dont le métier est plus complexe et l’auditoire plus
influençable. L'Instituteur qui entend dominer sa tâche, doit se cultiver sans arrêt.
A part la préparation quotidienne de sa classe, il importe qu'il se réserve le temps
nécessaire à l'obligation qu'il a de s'instruire de façon permanente. Sa culture doit être, à
la fois, de pédagogie et de très large information- Aussi, ne sommes nous point surpris
de lire le Propos 33 d'Alain : « Gardant du temps pour lui-même, le Maître s'instruira
sans cesse. »
II. EXPLICATION DU PROPOS :
Il semble superflu d'insister sur la nécessité de la préparation journalière de la classe.
Alain pense, à raison, qu'elle est puissant moyen d’instruction pour le Maître. La
préparation constitue l’effort capital et constant du bon Instituteur. Elle consiste en un
travail permanent de culture, de recherches, de lectures, de collections de textes et de
références, d'articles, de chiffres, d'idées.
Au lendemain de sa sortie de l'Ecole Normale, le jeune Maître fait vite de constater
ses faiblesses et l’inadaption de son bagage intellectuel à la multitude de ses tâches
scolaires. Pour certaines matières élémentaires, à enseigner comme la grammaire,
l’arithmétique, l’instruction civique, un effort considérable d'acquisition et de mise en
ordre est indispensable. Préparer sa classe consiste, d'abord, à organiser et à enrichir
son bagage intellectuel personnel. Parfois, le Maître débutant remue fébrilement tout un
monde de connaissances pour présenter aux élèves du C.E., une leçon sur un fruit du
pays, la soustraction avec retenue, Charlemagne visite les écoles, ou l'estuaire d'un
fleuve. C'est en prenant contact avec les modestes nécessités de l'enseignement
primaire élémentaire qu'ils doivent dispenser, que les jeunes Instituteurs constatent
qu’ils ne savent, à peu près rien, de ce qu'ils doivent enseigner et éprouvent le besoin
d’apprendre, ou plus exactement, de réapprendre. Ils doivent donc, s'instruire sans
cesse comme le pense Alain.
Préparer sa classe consiste, ensuite, à constituer dans le détail, sur chaque point
essentiel, un dossier ordonné comprenant un plan possible et des références. Dans
certaines matières comme l’histoire, la géographie, les sciences, l’étude du milieu local,
l'essentiel doit être
280 largement constitué avec la collaboration des élèves eux-mêmes et

se présenter comme le résultat d'un effort collectif. Le Maître ne doit point perdre de vue
que le meilleur dossier est celui qu’il compose, lui-même, avec le concours de ses
élèves, mais, que la meilleure documentation est celle que l'on réalise soi- même, en
cherchant ou par la mise à profit d’heureux hasards. Le bon Maître est en perpétuel état
d’alerte et il ne se passe pas, pour lui, de jour qui ne lui apporte un élément intéressant
et précieux. Tout cela implique, lecture, recherche, sélection, et constitue une instruction
permanente.
Préparer sa classe consiste, aussi, à rechercher les meilleures techniques de
compréhension. Seule une très sûre possession personnelle de la matière peut soutenir
et animer une leçon de grammaire ou un commentaire de texte. Là encore, il importe de
s’instruire sans cesse.
Préparer sa classe, c’est donc s’instruire, se cultiver soi-même, se, mettre en
mesure de dominer les connaissances qu’il s’agit d’enseigner. C’est s’obliger à
repenser constamment et patiemment son métier.
Bien préparer sa classe, c’est enfin, s’opposer à l’envahissement desséchant de la
routine, et s'offrir une source constante d'instruction d’enthousiasme et de satisfaction
personnels. La vraie préparation suppose un effort de soi sur soi. La volonté de juger
avec lucidité les résultats obtenus, le désir de trouver le moyen de les améliorer.
III. QUE PEUT EN TIRER L'INSTITUTEUR :
Il s’en déduit que, pour s’instruire sans cesse, l’instituteur doit toujours poursuivre sa
culture professionnelle et parfaire son instruction personnelle.
A) CULTURE PROFESSIONNELLE :
Préparer sa classe régulièrement. Nous venons de définir la vraie préparation de la
classe. Se tenir au courant des progrès de la pédagogie qui devient de plus en plus
expérimentale. Lire des journaux et revues professionnels (Journal des Instituteurs et
Manuel général du Professeur — l’Ecole et la vie — Ecole libératrice.) Participer aux
réunions des Amicales pédagogiques, aux conférences cantonales lui offrant le moyen
de « limer sa cervelle contre celle d’autrui » et de fortifier son expérience. Se persuader
que l’effort de réflexion et de pensée préalable, donc, d’acquisition est toujours
préférable à l’improvisation qui n’a pas de place dans un enseignement que l’on
voudrait efficace.
B) INSTRUCTION PERSONNELLE:
Se livrer à l’étude personnelle, à la lecture d’ouvrages généraux, relatifs à l’histoire,
la géographie, les sciences, etc...
Lire des ouvrages propres à élever l’âme (auteurs anciens, modernes, étrangers),
susceptibles de lui apporter les plus nobles pensées.
Procéder à des recherches personnelles (pratiquer ses violons d’Ingres ; coup d’œil
sur l’évolution des sciences modernes.)
Voyager, pour élargir ses idées et ses horizons.
L’Instituteur véritable travaille sans cesse. Il n’improvise pas. Il est lucide et
optimiste. Il prend conscience de l’importance de la mission qu’il a acceptée.
281
C’est pour mieux dominer sa profession qu’il s’instruit sans arrêt.
SUJET N°85
Commentez cette réflexion d'un écrivain contemporain : « Éduquer les autres, c'est,
d'abord et, sans cesse, se rééduquer soi-même. »
Dans la mesure où vous approuvez cette idée, dites quelles applications pratiques un
jeune Maître peut en tirer, dans le cadre de sa vie professionnelle.
(C.A.P. Martinique, Session de mars 1964)

I. EXPLICATION ET COMMENTAIRES :
De nombreuses définitions ont été données de l’éducation. Presque toutes admettent
qu’éduquer un enfant, c’est le préparer, le mieux possible, pour la réalité future, c’est-à-
dire, à la vie adulte qui l’attend quand il sera homme. C’est du coup, le munir de
connaissances instrumentales, mais, surtout, le rendre capable de s'adapter aisément
aux nouveautés et aux imprévus. C'est, donc, le rendre réceptif, lui conférer de la
disponibilité, tout en lui permettant de garder sa personnalité propre. Il faut qu'il soit
capable de s’orienter librement, de déterminer sa conduite en pleine connaissance de
cause. C'est, en définitive, le rendre instruisable, disponible et responsable.
Pour l’auteur de la citation, la réalisation d'une telle ambition exige que l'éducateur se
rééduque sans cesse. Que signifie se rééduquer?
Au sens restreint, se rééduquer, c’est s'éduquer à nouveau. Aucun éducateur ne peut
être ignorant. Que pourrait enseigner un ignorant à son disciple ? Pour l’éducateur, se
rééduquer, c'est, en premier lieu, compléter sa culture personnelle et parfaire sa culture
professionnelle. Le Maître routinier, prisonnier de ses procédés et méthodes empiriques,
inséparable de ses anciens manuels toujours les mêmes, figé dans ses habitudes, ne
peut éduquer réellement. Pour qu'il ne pratique pas un dressage déguisé, il faut qu'il
s'impose un perpétuel effort de renouvellement et fasse passer sur l’enseignement qu'il
dispense le souffle vivifiant de l'actualité, de la nouveauté.
En ce qui a trait à l'éduqué, il faut l'ouvrir, lui aussi, au monde. L'éducateur ne le
pourra réellement pas, s'il ferme, lui-même, les yeux sur ce monde complexé et mouvant
qui l'entoure, alors qu'il invite à l'observer. Ce faisant, il risquerait d'en garder une image
fausse et de la transmettre à son disciple.
Il importe que l'éducateur donne à son éduqué l'exemple d’un homme ouvert,
toujours en quête d'information objective, d’un être perpétuellement disponible et fort
réceptif aux nouveautés, combien variées et nombreuses, de notre monde en marche.
Ces trois éléments constituent une véritable rééducation pour l’éducateur. Il apparait
comme un timonier faisant, sans cesse, le point afin, de guider à bon port, le frêle navire
qui lui est confié. Sans ces permanentes mises au point, il risque de laisser désarmé,
sinon déplacé, son élève en face des réalités futures.

II. APPLICATIONS PRATIQUES :


Précieuse consigne pour le Jeune Maitre qui doit s’en inspirer et en tirer des
applications précieuses dans le cadre de sa vie professionnelle.
Pour devenir un éducateur à la page, continuer sans cesse à se cultiver, à
s’intéresser à tout ce qui se passe autour de soi. Essayer de connaître et comprendre la
signification profonde du monde qui nous entoure afin de mieux préparer les élèves 'à
l’affronter dans sa complexité toujours changeante.
Meilleure manière de dominer sa tâche, parce qu’il en aura prévu toute la
répercussion et l’importance.

283
SUJET N°86
Quels avantages a l'instituteur à préparer excellemment sa classe ?

QUELQUES IDÉES SUR LE SUJET :


L’Instituteur qui prépare bien sa classe se cultive. Il entretient ses connaissances
et en acquiert de nouvelles. Il se documente sur les notions' qu’il désire enseigner. Il
consulte livres, journaux, revues, prend des notes, fait un effort de mémoire pour
essayer de retenir ce qui l’intéresse. Son stock de connaissances accumulées grandit
chaque jour. Il fait passer un souffle d’actualité sur son savoir ancien et s'impose un
perpétuel effort de renouvellement. Il « cultive son jardin », comme dirait Voltaire,
parachève ses connaissances... A son insu, peut-être, naît chez lui, la ferveur, l'élan
vers la culture dont parle A. Gide. Il arrive à croire avec Bouasse « qu'il n’y a pas
d’hommes cultivés une fois pour toutes, mais, des hommes qui se cultivent. »
Une préparation bien conçue constitue l'effort capital du bon Instituteur. Elle
représente un travail permanent de recherches, de lectures, de collections de textes,
de références, d’articles, de chiffres, d'idées. Grâce à elle, le maître donne les
connaissances qu'il se propose d'enseigner. Ne dit-on' pas qu’il faut connaître
beaucoup pour enseigner peu.
La bonne préparation de classe est plus encore. Elle ramène sans cesse au
métier. Elle exige effort et adaptation, dosage, conduit à penser non seulement à ce
qu’on enseigne maïs surtout, à ceux à qui on enseigne. Elle oblige à prévoir les
différentes notions à enseigner. Il en résulte qu’elle nous conduit à enrichir et
perfectionner notre manière d’enseigner.
Du point de vue pratique, la technique enseignante de l’instituteur s'assouplit et se
fortifie. Il acquiert beaucoup plus de maîtrise dans son métier. Il s'efforce de mieux
enseigner chaque jour et communique à ses élèves un savoir authentique. II pénètre
de mieux en mieux le sens de sa mission éducative et.par là même, dispense un
enseignement de plus en plus profitable à ses disciples. Il se persuade que s’il
apprend sans cesse, c'est pour mieux enseigner.
L’instituteur qui prépare sa classe ne sombre pas dans la routine. II évite la formule
aujourd'hui comme hier et demain comme aujourd'hui.
L'instituteur qui fait bonne préparation se sent compris de ses élèves, voit réussir
ses méthodes, éprouve satisfaction et croit au succès de son œuvre.
Un pédagogue contemporain définit la bonne préparation de classe comme « le
bureau d’études de l’entreprise scolaire d'où sortent toute organisation rationnelle et
toute initiative efficace ».
SUJET N°87
« L'Ecole est une seconde famille », disent les uns. L'École n'est nullement la
famille, soutiennent les autres.
Développez ces deux formules et dites pour laquelle vous optez.

Une manière, entre mille de concevoir le devoir:

I. EN GUISE D'INTRODUCTION :
On entend souvent dire : l’école est une seconde famille et, durant les heures de
classe, l’instituteur ou l’institutrice remplace le père ou la mère de l’écolier.
Une tendance opposée prétend qu’il est faux de considérer l’école comme le
prolongement de la famille et qu’il importe de distinguer nettement ces deux milieux.
Examinons de près les deux formules :

II. L'ÉCOLE EST-ELLE UNE SECONDE FAMILLE OU PAS?


Dans l’histoire de l’individu l’école se situe entre la famille qui l’y conduit et la
profession qui vient l’y chercher.
Cependant, elle diffère d’elles comme nature et fonction. L’école- offre une structure
nouvelle au jeune écolier. Il y prend contact avec une société formée d’enfants de son
âge, une institution organisée de manière qu’il y trouve sérénité, s’y sente à l’aise,
protégé et où sa personnalité « se décroche et se désenglue »...
Selon Wallon, la famille lui apparaît comme un milieu très naturel dont « la structure
est verticale et hiérarchisée ». Il y trouve les parents, frères, sœurs, petits et grands.
Souvent il est le seul de son âge et, de ce point de vue, plus ou moins solitaire, parce
qu’il n’y trouve personne de son âge, comme à l’école, à qui parler d’égal à égal. Pour
Alain, l’Ecole est à côté de la famille, « une institution de nature ». Mais, alors que la
famille est un groupe biologique fondé sur l’instinct, les liens de chair, les sentiments,
une sorte de solidarité animale, l’Ecole est basée sur l’égalité et un système de droits et
d’obligations s’imposant à tous.
L’Ecole est le lieu du libre exercice de la pensée. L’enfant y pratiqua la culture de
son intelligence dans le calme, le: loisir et à l’abri de certaines nécessités. Elle n’est,
d’ailleurs école, qu’à ce prix. Bachelard dit :
« La première tâche de l’école est d’instruire l’enfant ». L’Ecole est le lieu
où l'on fait des exercices de calcul, de grammaire. On y joue aussi librement dans la
cour de récréation qui demeure un coin d'expérience, bien chargé pour l'enfant.
Dans la famille, l'enfant joue et s’exerce à ses caprices. L’Ecole est le lieu de la
justice et la famille, celui des faveurs. A l'Ecole l’enfant pratique l'apprentissage de la vie
sociale. Celui-ci n'est ni voulu, ni organisé, mais il prend la forme du vase qui le contient.
Il y trouve l’objectivité et la justice du maître s'exerçant dans la sérénité. A l’école
règnent l’ordre, le calme, la raison, qu’on ne retrouve pas, à tout instant dans la famille.
Alain y voit la raison pour laquelle le père de famille est en général un piètre professeur
pour ses propres enfants. Le maître est exigeant et le père trop indulgent. Le maître
d'Ecole exige peu, mais, l’exige formellement. La vertu essentielle du maître d’école est
là sérénité. Alors que le père de famille témoigne à son enfant un amour affectif,
l'instituteur éprouve surtout pour son élève un amour intellectuel.

III. OPTION POSSIBLE?


En réalité, l'Ecole peut être considérée comme une seconde famille seulement dans
la mesure où elle apprend à tous les élèves d'une même classe à se considérer comme
des frères.
_ Elle est un fait de nature au même titre que la famille, mais d’une nature socio-
culturelle. Elle vient à côté de la famille, mais, ne saurait se substituer, ni se
subordonner à elle.
Il faut que l’enfant aille à l’Ecole pour recevoir des leçons, cultiver son intelligence,
exercer sa pensée, faire un sérieux apprentissage de la vie sociale. Il faut aussi qu’il en
sorte afin que le soir, le jeudi ou le dimanche, ¡1 retrouve sa famille, joue avec ses
copains...
La famille est indispensable à l’enfant. Il y fait l'apprentissage de sentiments
fondamentaux. Le rôle de l'Ecole n’est point de copier la famille, mais plutôt de délivrer
l'enfant du climat familial pour lui enseigner des valeurs que cette dernière ignore.
L'Ecole ne peut pas s’isoler. Elle doit faire appel, dans la juste mesure, à la
collaboration de la famille. L’instruction et l’éducation des écoliers n’en auront qu'à
gagner. La pensée de Fouillée semble une conclusion adaptée au sujet proposé : « Il
serait fâcheux de faire croire aux parents que l’instituteur peut remplacer la famille. C’est
dans la famille que la première et la plus essentielle éducation doit être donnée ».
Ajoutons, enfin, qu’il serait aussi fâcheux que Ecole et famille persistent à rester deux
milieux étrangers et hostiles l’un à l’autre. Il faut qu’elles joignent leurs efforts, qu’elles
coopèrent pour que l'action éducative soit vraiment forte et durable.
Vessiot conclut en disant : « S'il y a désaccord entre l'Ecole et la famille, si ces deux
influences, au lieu de s'unir et de se confondre, se séparent et se combattent, ce n’est
285
pas l’Ecole qui a le dessus dans cette lutte inégale, c’est la famille qui défait presque
infailliblement l’œuvre de l’Ecole. »
SUJET N° 88

« La famille prépare, soutient et complète l'éducation publique. »


Que faut-il en penser?

Une manière, entre mille, de concevoir le sujet :


Le sujet est clair. Il s’agit de fixer les rapports qui peuvent et devraient exister entre
l’école et la famille et préciser de quelle façon cette dernière pourrait venir en aide à
l’école dans une de ses fonctions essentielle, celle de l’éducation. Suivons, pas à pas, le
plan indiqué dans le sujet.
I. LA FAMILLE PEUT ET DOIT PRÉPARER L'ÉDUCATION PUBLIQUE :
C’est sur les genoux de sa mère et au sein de sa famille que l’enfant reçoit les
premiers enseignements et rudiments d’éducation. Aussi, le maître trouve-t-il chez lui,
un terrain tout préparé pour recevoir l’éducation morale. L’enfant contracte par imitation,
opposition, dressage ou éducation, certaines habitudes que le maître n’aura qu’à
entretenir si elles sont bonnes : ordre, propreté, obéissance, travail, se plier à la règle
pour faire l’intérêt du groupe passer avant l’intérêt personnel... Ces habitudes sont
fortifiées par l’Ecole maternelle qui développe la personnalité de l’enfant, lui
communique l’esprit de camaraderie, d’entraide et s’efforce de réaliser un heureux
compromis entre les tendances sociales et individuelles. Mais, si les habitudes
contractées sont mauvaises: désordre, manque de soin, désobéissance; paresse,
caprice, autorité... le maître devra essayer de les déraciner. Sa tâche devient plus
ingrate et précaire, car, elle risque d’être, sinon contrariée, du moins, peu encouragée
ou considérée avec indifférence ou ironie par la famille. Or, l'incohérence et la
contradiction déroutent l’enfant et nuisent à toute éducation, celle-ci demandant
constance et fermeté. Par l’intérêt qu’ils manifestent à l’égard de l’école, la déférence et
la sympathie qu’ils témoignent, par avance, aux éducateurs de leurs enfants, les parents
créent un climat favorable et facilitent l’éducation publique. Dans le cas contraire,
l’action éducative risque d’être compromise avant même de s’exercer.
II. LA FAMILLE PEUT ET DOIT SOUTENIR L'ÉDUCATION PUBLIQUE :
Si la famille contrecarre, amoindrit ou détruit l’influence du maître, par
l’enseignement ou l’exemple, les deux influences, en se contrariant, s'annulent en
quelque sorte. Des doutes et des lacunes subsistent dans l’âme de l’enfant. Il ne
manquerait pas286de choisir et irait dans le sens de la facilité et de son égoïsme, alors que
son amélioration individuelle nécessite d’inévitables contraintes et sacrifices. Les
critiques formulées devant l’enfant contre son maître sont maladroites et néfastes car,
elles sapent et ruinent l’autorité magistrale. Le maître doit être soutenu par les parents.
Ses conseils, récompenses et punitions doivent être ratifiés par la famille, même si elle
les jugeait, parfois, exagérés ou maladroits. Rien de ce qui peut soupçonner une
éventuelle désapprobation du maître en présence de l’enfant. Il vaut mieux voir le
maître, s’expliquer avec lui. Cette prise de contact suffira à dissiper tout malentendu
entre parents et maître poursuivant le même but.
III. LA FAMILLE PEUT ET DOIT COMPLÉTER L'ÉDUCATION PUBLIQUE :
La formation de l’école est surtout théorique et, c’est dans la famille qu'elle trouve
une immédiate application. C’est surtout en ce sens que la famille peut concourir, en
accord avec l’éducateur, à une heureuse éducation de l’enfant. L’action de la famille
prolongera celle de l’école. Si les deux s’exercent dans le même sens, elles
s’appuieront l’une sur l’autre. Parfois même, le milieu familial s’avère plus apte à
donner à l’enfant les vertus du citoyen que l’école. Dans ce cas surtout, parfaite
concordance Ventre les deux forces.

IV. CONCLUSION ET RÉSERVE :


Il est, peut-être excessif, de dire que l’éducation publique ne peut réussir qu’à la
condition que la famille la prépare, la soutienne et la complète. « On peut citer le cas
d’enfants devenus « quelqu’un », alors que la famille n’est pas venue en aide à l’école
ou quand elle a contrarié son action. On trouve aussi des cas où l'enfant n’avait même
pas de famille, des ca9 aussi, où l’école, elle-même, n’était pas parfaite. Cependant,
ces cas sont rares. Il est certain que la réussite aurait été plus convaincante encore si
famille et école avaient, toutes deux, joué en faveur de tels enfants. La pensée de
Gréard garde donc toujours sa vérité. La famille peut et devrait être l’auxiliaire de
l’école comme l’école peut et devrait être celui de la famille. Dès lors, on conçoit
aisément la valeur accrue d’une action concertée et d’influences convergentes.
MOYENS : Contacts individuels et conversations directes, carnets de
correspondance, circulation de cahiers, journal scolaire, fêtes scolaires, excursions,
conseils de parents d’élèves, toutes formes de correspondance entre les deux forces...
En fait, la valeur de l’éducation publique dépend essentiellement de la valeur
personnelle, Intellectuelle et morale du maître. Elle dépend beaucoup plus de ce que
fait le Maître que de ce qu’il dit.

287
SUJET N° 89
« Nous pensons que la famille n'a pas à redouter les initiatives de l'école...
Inversement nous ne devons pas craindre la collaboration des parents. »
Commentez et discutez au besoin, ces conclusions.

I. INTRODUCTION POSSIBLE :
L’éducation d’un enfant est un tout dans lequel deux facteurs principaux : la famille
et l’école jouent un rôle prépondérant. Pour qu’elle réussisse, il semble souhaitable
que ces deux forces essentielles coopèrent et collaborent étroitement. Aussi, n’est on
point surpris de lire les conclusions suivantes : « Nous pensons que la famille n’a pas
à redouter les initiatives de l’école. Inversement nous ne devons pas craindre la
collaboration des parents ».
Que faut-il en penser?

II. EXPLICATION ET COMMENTAIRE :


La famille n’a pas à redouter les initiatives de l’école pour diverses raisons :
D’abord, l’école est conduite par des spécialistes qui pratiquent de la psycho-
pédagogie, de plus en plus au point chaque jour et qui accorde autant d’importance à
l’étude des enfants qu’aux connaissances à enseigner. Le maître moderne se réfère
sans cesse aux textes officiels et adapte progressivement son action aux données
récentes de la psychologie de l’enfant Tout en pratiquant une pédagogie collective, il
tient compte des caractéristiques personnelles de chacun de ses élèves. Il n’a en vue
que le bien et un meilleur avenir pour l’être faible et sans défense confié à ses soins. Il
veut en faire un être instruisable, sociable et moral.
Cependant, il importe que l’école explique à la famille son objet et lui fasse
comprendre la valeur des moyens qu’elle met en œuvre. Ces renseignements
demeurent indispensables pour empêcher que la famille ne contrecarre parfois, sans
le vouloir, les intentions de l’école. Il faut d’ailleurs, reconnaître que toutes les familles
d’aujourd’hui ont pris pleine conscience de la nécessité d’une coopération intime avec
l’école. Les conseils de Parents d’Elèves dans lesquels travaillent côte à côte
Instituteurs et Parents, en vue du seul bien être de l’enfant, en constituent le
témoignage le plus éloquent.
Ensuite, l’éducation n’est en définitive qu’une lente imprégnation dans laquelle
l’école, la famille, la rue, les camarades, les spectacles jouent simultanément leur rôle.
Raison de plus 288 pour qu’il existe harmonie de vues entre famille et école, ne serait-ce
que pour contre-balancer l’influence des facteurs néfastes.
En outre, dans le sens éducatif propre, l'école continue l’action de la famille.
L’enfant qui arrive à l’école a déjà reçu un commencement d’éducation chez lui. Pour
que le maître sache dans quel sens continuer son action, il importe qu’M consulte les
parents de l’écolier. Il est vrai que l’école est plus spécialement chargée de la partie
intellectuelle. Seule, elle enseigne la technique pour le sens des opérations et la table
de multiplication. Mais peut-on nier que la facilité ou la difficulté des acquisitions
scolaires dépend du tout éducatif. L’école se révèle Incapable de faire le bon ou le
mauvais élève.
En définitive, loin de redouter les initiatives du maître, les parents doivent essayer
de les renforcer.
Le maître n’a pas non plus, à craindre la collaboration des Parents. En premier
lieu, elle lui permet de mieux connaître l’enfant et le milieu qui l’a déterminé. L’enfant
ne se montre pas toujours à l’école comme dans sa famille. Il est davantage lui-même
dans ce second milieu. Aussi, ses parents qui le connaissent bien, peuvent-ils
apporter des renseignements précieux au maître sur sa santé, son caractère, sa
manière d’être naturelle, ses défauts et qualités.
En outre, la famille constitue mieux que l’école une étape plus avancée sur le réel
avec lequel nous devons faire prendre contact l’enfant. Il importe que .l’instituteur ait
de fréquents rapports avec les Parents qu’il leur rende compte des résultats scolaires
obtenus par leurs enfants.

III. DISCUSSION :
La collaboration Ecole-Famille si nécessaire et pas toujours facile à réaliser, ne
peut être bénéfique à l’enfant que sous certaines conditions.
La pédagogie familiale ne concorde pas toujours avec celle de l’Ecole. De là
peuvent naître des points de friction, des conflits. Ces derniers s'évanouissent
aisément par la compréhension mutuelle et lorsque l'intérêt de l'enfant vient en
première ligne.
Cette coopération n'est viable qu'à la condition que chaque partie en cause
n’empiète pas sur les prérogatives de l'autre. Le maître n'a pas à remplacer les
parents qui, une fois qu’ils ont confié leurs enfants à l’école se pensent entièrement
déchargés du soin de les élever intellectuellement et moralement. Vouloir se
substituer à eux serait faute grave pour l'instituteur. Il lui appartient plutôt d'accroître et
non de diminuer la responsabilité des parents.
L'école non plus ne doit pas se subordonner à la famille. Il faut qu'elle conserve sa
liberté d'action, reste maîtresse de.ses moyens et procédés, qu'elle emploie donc une
collaboration attentive, assidue, sans arrière pensée. « S'il y a désaccord entre l'école
et la famille, c’est la famille qui défait presque infailliblement l’œuvre de l'école ».
(Vessiot).

289
SUJET N° 90
« Ni substitution, ni subordination aux familles » : telle est la formule qui paraît
bien marquer le rôle du maître dans la coopération de l’école et de la famille.
Donnez-en une explication précise.

I. AUTOUR DU SUJET :
a) Substitution : Action do substituer, de mettre une personne ou une chose à la
place d’une autre. Remplacer. L’action du maître ne doit tendre ni à diminuer, ni à
restreindre, voire à supprimer, la responsabilité des parents. Le maître ne peut
remplacer les parents.
b) Subordination : Dépendance d’un être, d’une chose par rapport à un autre. L’école
ne saurait dépendre de la famille. Elle doit conserver sa liberté d’action, rester maîtresse
de ses moyens et procédés. Elle en reste seule juge.
c) Coopération : Action de coopérer. Agir conjointement avec quelqu’un ; agir en vue
d’un rendement commun. Le maître et les parents doivent joindre leurs efforts en vue du
seul intérêt de l’enfant. Les deux forces : Ecole et Famille doivent unir leurs actions pour
le progrès, le bien être, un meilleur sort de l’élève.

II. UNE MANIÈRE D'AMORCER LE SUJET :


L’école a la délicate mission d’instruire et d’éduquer les enfants. Doit- elle faire appel
à la collaboration de la famille pour mener à bien cette tâche difficile ? Si oui, cette
collaboration doit elle être acceptée sans réserve ? La formule proposée répond à cette
double question.

III. EXPLICATION DE LA PREMIÈRE PARTIE DE LA FORMULE :


A) PAS DE SUBSTITUTION :
Dans l’œuvre éducative qu’elle poursuit, l’école ne peut nullement prétendre se
substituer, c’est-à-dire, remplacer la famille, il lui est impossible par sa seule action
d’éduquer totalement l’enfant, il ne faut point oublier que l’élève de l’Ecole primaire
passe les trois quarts de son temps dans sa famille et seulement le quart à l’Ecole.
Personne ne songerait à nier l’influence pénétrante, sinon décisive que la première
exerce sur lui. De plus, il est à l’âge tendre où il demeure réceptif à toutes sortes
d’influences, en particulier, à celle du milieu ambiant.
Les écrits autobiographiques de Chateaubriand, Lamartine, V. Hugo A. France, etc...
soulignent l’intensité de l'action familiale sur l'enfant.
Ce 'milieu le marque de façon si indélébile qu’il peut, suivant le cas, aider grandement
l’action de l’école ou la contrarier, sinon, l'annuler.
Alain, situe admirablement la nature et le rôle propres de chacun de ces deux milieux. Il
précise que l'Ecole et Famille sont deux milieux naturels pour l'enfant mais, que l'une ne
saurait remplacer l’autre.
Puisque école et famille contribuent à une œuvre commune, il semble préférable
qu'elles s’entendent et collaborent, que leurs actions s’ajoutent au lieu de se gêner.
Mais, la chose n’est pas toujours aisée. Certaines familles, répondent de manière
empressée à l'appel du maître. D’autres, par ' contre s’y refusent. Quelques unes
restent indifférentes et opposent comme une force d’inertie à l’Ecole.
Il appartient au maître d’amener les parents à comprendre qu’ils ne peuvent se
désintéresser des résultats que leurs enfants obtiennent en classe. Alfred Fouillee
précise : « L'Instituteur ne peut remplacer la famille... C’est dans la famille que la
première et la plus essentielle éducation doit-être donnée ».
B) PAS DE SUBORDINATION :
Un excès contraire est à éviter par l'Ecole : celui de dépendre de la ' famille. On
sait que beaucoup de parents se plaisent à critiquer, sans aucune raison sérieuse et,
en présence des élèves, les méthodes et procédés d'enseignement du maître, ses
actes et ses attitudes. Parfois même, Ils vont jusqu'à le critiquer ou le dénigrer aux
yeux des élèves, prétextant que les élèves ne comprennent pas bien les leçons faites
ou que les devoirs ne sont jamais assez bien corrigés. Par contre, d’autres
témoignent confiance absolue au maître pour bien instruire leurs enfants.
Enfin, certains voudraient dicter au maître sa ligne de conduite. L’Instituteur ne
peut recevoir de consignes professionnelles que de ses supérieurs hiérarchiques.
Il ne doit pas accepter l’ingérence des familles dans son enseignement. Il faut que
l’Ecole conserve sa liberté d’action, dispose elle seule, de ses moyens et procédés.
Sa première mission est d'instruire ses élèves. Qu'elle s'en Inquiète d’abord I Elle
s'ingéniera après à solliciter, de façon habile la collaboration de la famille.

IV. LA FORMULE PROPOSEE MARQUE FORT BIEN LE ROLE DU MAITRE DANS


LA COOPERATION ECOLE-FAMILLE :
Le maître ne saurait remplacer la famille car, l’état lui a confié une charge
déterminée qui l'accomplit à un moment et en un temps précis. Il a la responsabilité
de l'enfant durant les six heures de classe des jours ouvrables. Mais, pendant ces six
heures seulement, il devient aussi le délégué des parents. C’est pourquoi il semble
naturel qu’il ait avec eux des contacts durant lesquels il les entretient des résultats
pédagogiques obtenus. Ces contacts n’impliquent nullement qu'il lui faut prendre à
charge l’enfant en dehors des heures de classe ou endosser la responsabilité
éducative de la famille. Ce serait plus normal que les parents suivent les conseils,
mettent à profit les directives du maître pour renforcer leur action auprès de leurs
enfants.
On verrait d’un drôle d’œil un maître qui exécuterait à la lettre les ordres des familles
de ses élèves. Il perdrait sa liberté et deviendrait le zélé serviteur de patrons, souvent
incapables de le diriger, de lui donner de saines consignes. Dès lors, l’école serait
l’annexe ou le prolongement de la famille.
Aucune raison à cela pour que l’instituteur s'isole et vive à l’écart. Qu’il soit heureux
de s’entretenir avec les parents qui viennent lui parler de leurs enfants. Mais, qu’il aille
aussi vers ceux qui, par timidité ou crainte, ne viennent pas jusqu’à lui. Cette
collaboration ne peut qu’être féconde à l’avenir de l’enfant. Sa légitimité est d’ailieurs
aujourd’hui reconnue officiellement. Les Conseils de Parents d'Elèves n’ont d'autre but,
à part la défense de l'école, que d’entretenir une collaboration féconde entre Parents et
Maîtres, dans l’intérêt supérieur des Elèves.
Pour les parents incultes qui sont sensés méconnaître les rapports devant exister
entre les maîtres et eux, on a créé une Ecole des Parents. Cette dernière enseigne que
la coopération Parents est, à la fois, à l’avantage de ceux qui l’entretiennent et de
l’enfant, surtout.
295
TROISIÈME PARTIE

PÉDAGOGIE PRATIQUE

« Il ne s’agit pas d'accomplir une carrière mais, d'exercer un métier. »


G. DUHAMEL

PLAN DE LA TROISIEME PARTIE


(PÉDAGOGIE PRATIQUE)
I. LECTURE
1 — Sens de l’expression : savoir lire aux différents cours primaires.
2 — Savoir lire est la clé de tout.
3 — Quelle méthode de lecture choisir au C.P.?
4 — Toute méthode est bonne si on inspire .à l’enfant le désir de lire.
5 — Le but de la lecture, c’est la compréhension des textes.
6 — Il faut apprendre aux enfants à avoir du plaisir à lire et leur en donner le besoin,
7 — Il s’agit d’apprendre à lire et aussi à penser.
II. CALCUL
8 — Problèmes psychologiques et pratiques que posent les débuts du calcul.
9 — Difficultés du calcul au cours préparatoire.
10 — Caractères essentiels de la leçon de calcul au cours moyen.
11 — Deux points Importants en arithmétique.
12 — Le calcul et la discipline de l'esprit.
13. — L’enseignement de la géométrie, est une leçon de choses.
14 — Utilité et intérêt du calcul mental à l’Ecole primaire.
III. RÉDACTION
15 — Est-il bon en Composition française de lire un développement modèle aux élèves ?
16 — Pas de préparation collective trop directe et trop poussée en rédaction.
17— On ne corrige pas une copie on l’annote.
18 — Comment remédier à la faiblesse de nos élèves en composition française ?
19— Toutes les parties du français sont solidaires et autonomes.
20— Rapports 296entre les enseignements de la rédaction et du dessin.
21 — Pas de cloisons étanches entre les parties de l’enseignement du français.
IV. MORALE
22— On apprend la morale, non pour la savoir, mais pour la pratiquer.
23 — La seule, leçon de morale qui convienne à l'enfant est de ne faire du mal à personne.
24— L’enseignement moral est un ensemencement.
25— Limites de l’éducation morale.
26 — L'essentiel de la leçon de morale ne se donne pas pendant l'horaire qui lui est
assigné.
27— La morale pratique ne suffit pas.
28— L'éducation civique discipline majeure.
V. RÉCITATION
29— Ne rien laisser apprendre par cœur qui ne soit excellent.
30— Profits à tirer de la récitation.
31— Comment résoudre le problème du choix des morceaux à réciter.
VI. VOCABULAIRE
32— Vocabulaire et élocution : buts et méthodes.
33— Moyens d'enrichir le vocabulaire pauvre de nos écoliers.
34— Le mot ne vit que dans la phrase.
35— Le mot est nécessaire à l’intelligence de la phrase.
VII. GRAMMAIRE
36 — Une leçon de grammaire est un exercice d’observation appliqué à des mots.
37— L'enseignement de la grammaire n’est pas une fin, mais, un moyen.
38—La grammaire qu’il faut enseigner.
39— Il faut se borner à une méthode courte et facile.
40— L'enseignement de la grammaire, apprentissage à l’art d’écrire.
41 — La correction de la langue parlée s’acquiert surtout par la pratique.

VIII. ORTHOGRAPHE
42 — On ne sait plus l’orthographe.
43 — La dictée mal préparée s’apparente à la copie.

IX. ÉLOCUTION
44 — La leçon de langage exercice de perroquet.
45 - Nos élèves s’expriment mal parce qu'ils parlent peu.
46 —Langage récitation, dessin: trois moyens d’exprimer sa personnalité.

X. HISTOIRE
297
47 —i Utilité de l'histoire locale à l’Ecole primaire.
48 — L’histoire, science difficile. Moyen de la rendre concrète.

XI. GEOGRAPHIE
49 — La géographie, science descriptive, démonstrative, imaginative et d’observation.
50 — Comment rendre concrètes les leçons de géographie à l’Ecole primaire.

XII. SCIENCES
51 — Un fait mal observé est plus perfide qu’un mauvais raisonnement.
52 — Observer, expérimenter à partir des phénomènes familiers.
53 —L’observation, antidote du verbalisme.
54 — Une expérience simple vaut mieux que dix expériences mal préparées.
55 — Exercer les sens, c’est apprendre à bien juger par eux.

XIII. DIVERS
56 — Entre la règle ou le cadre rigide, il y a le conseil qui oriente et soutient.
57 — La correction des exercices, moment essentiel de la leçon.
58 — En dessin le bon maître excite, suggère et propose.
59- Le dessin moins étudié pour lui-même que pour les fins générales de l’éducation,
60— La musique, discipline mineure.

298
SUJET N° 1
Quelle valeur prend l'expression : Savoir lire, en fin de Cours préparatoire, de
Cours élémentaire et de Cours moyen ? Quelles sont les qualités d'une bonne
lecture ?

1. SIGNIFICATION DE SAVOIR LIRE :

a) LIRE:
C'est prendre connaissance de la pensée d'autrui par l'intermédiaire de la lecture.
Dans cette opération intellectuelle, les mots lus n'apparaissent pas en eux-mêmes à
l’esprit de celui qui les lit. Ils évoquent immédiatement l'idée ou la chose signifiée. Lire
devient un automatisme dans lequel les mots jouent le simple rôle de signal. Lire est une
opération compliquée qui exige un déchiffrage du texte, un débroussaillement, une mise
en ordre des mots, une confrontation entre les mots lus et la pensée possible exprimée
par ces mots. (Exemple du militaire illettré d’Alain).
Mlle Meizex précise « le but de la lecture, c'est la compréhension des textes.
Apprendre à lire, c'est pour l'enfant, faire la conquête d'un second langage... Il sait lire,
lorsque, ayant découvert que les signes de l’écriture ont un sens, il les interprète comme
l’expression d'une pensée. A cet effet, les progrès en lecture, reflètent fidèlement les
progrès intellectuels. »
b) SAVOIR LIRE:
Ce n’est pas seulement substituer à des signes écrits des équivalents vocaux. On
peut lire l’anglais, l'espagnol ou l’italien sans connaître la langue. Savoir lire, c'est en
même temps, comprendre et passer directement du signe écrit à la signification
exprimée. Savoir lire, c'est procéder, à tout instant, à une opération de synthèse. C'est
avoir présents à l’esprit les faits ou idées déjà groupés.
Savoir lire, c'est traduire sous forme de sons les associations de lettres qui
constituent les syllabes et les mots, mais, c'est aussi apercevoir les idées qui se cachent
sous ces mots.
L'expression prend une valeur différente suivant le cours dont il s’agit.
A) EN FIN DE COURS PRÉPARATOIRE :
C'est essentiellement avoir acquis le mécanisme de la lecture, connaître les lettres et
les sons. C'est être aussi capable d'écrire sous la dictée et, sans équivoque, des mots,
expressions et courtes phrases très simples. Ex : cabane, mouton, la locomotive file
rapide. 299

Mais, il importe aussi que l'enfant ait pris l’habitude de comprendre ce qu’il lit. Dès le
départ, la lecture doit être intelligente sinon, on s'arrête au déchiffrage. En fin du C.P., il
faut souhaiter une certaine aisance dans la manière de déchiffrer et même un début
d’expression dans les phrases très courtes et très simples.
Il y aurait péril grave en fin de C.P. de se contenter d’un apprentissage mécanique de
la lecture. L’enfant risquerait d’ignorer et, peut-être toujours, le sens de la lecture et les
joies profondes qu’elle assure.
B) EN FIN DE COURS ÉLÉMENTAIRE :
Les I.O. signalent qu’il faut exiger de l’enfant une lecture courante. La lecture est
courante lorsque le regard qui parcourt les lignes, la voix qui prononce les mots, la
pensée qui comprend le texte, vont sans effort, d’une même allure assurée et régulière.
Alain écrit : « Il s’agit d’apprendre à lire, et aussi d’apprendre à penser sans jamais
séparer l’un de l’autre. Or, une syllabe n'a point de sens et même un mot n’en a guère ;
c’est la phrase qui explique le mot. » La vitesse d'une lecture courante est d’environ 120
à 132 mots minutes.
Le C.P. a monté et organisé le mécanisme de la lecture. Il appartient au C.E. de le
rôder. Il faut qu’au terme des deux années de C.E., après un entraînement intensif et
une mise au point incessante, l’enfant ne trébuche plus sur aucun mot. De plus, il
importe qu’il ne lise plus seulement des mots, des bribes ou courtes phrases, mais qu’il
lise d’un souffle, sans syllaber la phrase ou la proposition quelles qu’elles soient.
Sa lecture se fait, de plus en plus, expressive et on doit sentir que l’enfant commence
à prendre plaisir à lire surtout si le texte lu est simple, vivant et bien à sa portée,
C) EN FIN DU COURS MOYEN DEUXIÈME ANNÉE :
L'élève doit savoir lire comme un adulte. A haute voix, il lui faut pouvoir lire de façon
expressive, le ton donné au texte lu, traduisant la compréhension profonde du texte. Il
domine le passage lu, en saisît les différents moments, les articulations et suit par
l’esprit la pensée de l’auteur qui se dérouta au fil du récit lu.
Mais, il doit surtout pouvoir lire des yeux, sans être obligé de prononcer les mots lus.
A dire vrai, la conquête de la lecture silencieuse demeure bien plus importante que la
lecture à haute voix, car elle est d’une utilité incontestée dans la vie. C’est seulement au
moment où l’on y parvient que l’on sait lire vraiment.

II. QUALITÉS D'UNE BONNE LECTURE :

La bonne lecture se signale par ses caractères courant, expressif et correct.


Cependant, d’autres éléments confirment la bonne lecture.

a) Articulation : Des moments sont à consacrer au travail de l’articulation : faire


répéter mots et phrases délicats à prononcer, en vue d’une amélioration.
b) Prononciation
300
et accentuation : Une excellente prononciation est, nécessaire.
Ses difficultés viennent surtout de la région. Il importe d'éviter les excès comme les
manques de prononciation, ainsi que l’accentuation défectueuse qui défigurent la
langue.
Bien articuler, (faire sentir les 2R, ne pas avaler la fin des mots, ne pas trop
accentuer les E muets),...
c) Les liaisons : Pas de caractère mécanique. Il y a des moments où il ne faut pas
en faire même si elles semblent fondées visuellement. Par exemple le vers de Racine :
« Elle prend ses enfants et les baigne de pleurs ». Elle s’apprend dès le début de la
lecture courante.
d) La ponctuation doit être respectée. (Chaque signe a son importance et sa
valeur).
e) Le rythme et le débit sont liés aux problèmes de l'expression et da l'interprétation.
Le ton, les inflexions de voix règlent le rythme. Ainsi qu'on le voit, divers éléments
contribuent à la bonne lecture.

301
SUJET N° 2
Jaurès écrit : « Savoir lire est la clé de tout. »
Expliquez cette formule. Pensez-vous qu'elle résume l'idéal à atteindre par l'Ecole
primaire, dans ce domaine ?

DES IDÉES SUR LE SUJET :


Personne ne peut nier que c’est l’enseignement de la lecture qui conditionne le
succès de toutes les autres disciplines de l’Ecole primaire, Sans la lecture, il n’y a ni
savoir, ni culture possibles pour l’élève. Savoir lire apparaît si important à Jaurès qu’il
en fait la « clé de tout ».
I. QU'EST-CE QUE SAVOIR LIRE DANS LE SENS OU IL L'ENTEND ?
Il le précise lui-même. « Savoir lire vraiment sans hésitation, comme vous et moi»
voilà la clé de tout. Il pense que l’enfant sait lire quand, il est « par la lecture aisée, en
relation familière avec la pensée humaine ».
Il accorde une telle importance à savoir lire qu’il poursuit, disant que, s’il avait à faire
une inspection dans une école ; il « ferait lire les écoliers et c’est là-dessus, seulement
qu’il jugerait, le maître ».
Savoir lire prend un sens selon le cours dont il s’agit. L’enfant qui, au C.E., lit
couramment, sait lire.
Lire vraiment,’ c’est savoir traduire sous forme de sons les associations de lettres qui
constituent les syllabes et les mots, mais, c’est aussi, apercevoir les idées qui se
cachent sous ces mots.
Lire réellement, c'est comprendre un message en communiquant avec autrui par le
moyen de la langue écrite. C’est sortir de soi-même pour se soumettre à la pensée
d’autrui, s’efforcer de suivre, dans sa structure et dans son déroulement, une pensée
étrangère à la sienne.
C'est encore aller au-delà du signifié pour déceler la pensée implicite qu’il révèle. Ce
qui revient à dire, qu’il faut soumettre son esprit à une discipline qui consiste à ne pas
se laisser absorber par une idée secondaire, et faire effort pour comprendre l’essentiel
et non l’accessoire de ce qui nous est communiqué.
C’est mener un dialogue avec l’auteur. La nature, le contenu, le but du message
écrit, peuvent être si divers qu’on peut dire qu’apprendre à lire n’est jamais achevé.
Apprendre à lire, c’est apprendre à penser, à saisir un ensemble. Dès lors, le mot n’a
plus de sens. C’est la phrase qui lui en donne. Cette dernière, elle-même, doit être
replacée dans son contexte pour être comprise dans son exacte portée.
On comprend pourquoi, Alain, trouvait difficile savoir lire. Il précisait : « J’entends lire
aisément, vivement, sans effort, de façon que l’esprit se détache de 302 la lettre et puisse
faire attention au sens ». Pour lui, savoir lire, c'est explorer d'un coup d’œil la phrase
entière. C’est « reconnaître les mots à leur gréement comme le matelot reconnaît les
navires ».
Compris dans ce sens, on conçoit avec Jaurès que savoir lire devient la clé de tout,
c'est-à-dire, le secret de toute culture future.
II. EST-CE L'IDÉAL A ATTEINDRE PAR L'ECOLE
PRIMAIRE?
SI important que soit savoir lire, résume-t-il l'idéal à atteindre par l'Ecole primaire
dans ce domaine ? A l’expérience, il apparaît que la mission fondamentale de l’Ecole,
c’est de donner à l’élève le goût de la lecture, car toute connaissance qui n’est pas
vérifiée par la lecture est destinée à l’oubli. On s’étonne parfois, de l'ignorance de
nombre de jeunes recrues en histoire, en géographie, en orthographe et même en
civisme. Ils ont, pourtant, souvent, suivi presque toutes les étapes de (’Ecole primaire.
C’est qu’ils ont quitté l’école sans en emporter le goût de la lecture. Entre le moment où
ils ont abandonné la classe et celui où ils sont entrés à la caserne, leur esprit est resté
en jachère. Les connaissances de l’école se sont évanouies.
Savoir lire, introduit au goût de la lecture, mais à la condition expresse, que l’enfant
continue à lire, que le livre devienne pour lui, un « consolateur éloquent et calme » dont
il recherche toujours là fréquentation:
Le goût de la lecture est cette sorte d’attrait, d’appétit intellectuel qui porte à
pénétrer, sans cesse, dans le riche domaine de la pensée. Il suppose la possession
aisée d’un mécanisme et l’acquisition sûre d’un certain vocabulaire. Si ces deux
conditions ne sont pas remplies, la lecture devient une fatigue. Pour l’écolier qui aime
lire, le savoir acquis à l’Ecole primaire n’est nullement destiné à l’oubli. Il lit à la maison
et répand cette tendance dans son entourage. Le goût de la lecture se révèle tout à fait
utile. L’écolier qui le possède se perfectionne plus vite qu’un autre dans la langue
française et acquiert une multitude de connaissances. L’adulte qui aime lire, tient en
éveil sa curiosité d’esprit, enrichit sans arrêt sa pensée jusqu’à devenir un autodidacte
de Valeur.
Il perd la tendance aux occupations malsaines et frivoles. Il fait du ¡ivre, un ami dont
il « cherche à vite épuiser les ressources » pour entreprendre l’exploration d’un autre.
Ce goût de la lecture devient d’autant plus impérieux que l'école d’aujourd'hui ne se
contente pas, comme celle d'autrefois, de rendre instruisable l’enfant mais, de l'armer
en vue d'une instruction et d'une culture ultérieure plus poussées.
L’idéal de l'Ecole primaire est de montrer à lire à l'enfant de façon expressive et
surtout, lui faire aimer la lecture, lui donner le goût de lire seul et silencieusement. Il y a
une intime liaison entre la lecture expressive' et la lecture silencieuse. Elles constituent
toutes deux, une étape essentielle vers la culture littéraire. L'enfant qui aura acquis le
goût de la lecture, continuera à lire, à s’instruire, répandra cette tendance dans son
entourage et la lecture apparaîtra à tous, comme une occupation agréable, ouvrant
chaque jour de nouveaux horizons, comme un dérivatif, un refuge. C'est, seulement par
le contact direct, assidu avec les textes d'auteurs, que 303 l'esprit s'enrichit
progressivement.
C’est pourquoi, savoir lire, n’a d’utilité, que s'il, s’accompagne du goût de 'la lecture,
du plaisir de lire. Dès lors la lecture devient une occupation agréable et profitable, un
dérivatif, un refuge.
SUJET N° 3
Quelle méthode de lecture choisiriez-vous au Cours Préparatoire ? Pourquoi ?
Présentez une fiche de leçon rédigée d'après la méthode choisie.
I. QUELQUES RÉFÉRENCES OFFICIELLES :
Les Instructions officielles n'opèrent pas de choix, n’imposent pas de méthode, mais,
donnent une indication, une orientation. Elles précisent:
A) « Nous ne jetons l'interdit sur aucune méthode. Chaque Maître adoptera la
méthode qui correspondra le mieux à sa propre nature et l'inspecteur primaire
n’interviendra que si le Maître s'est trompé dans son choix ou si la méthode choisie est
maladroitement appliquée. La meilleure sera celle qui donnera les résultats les plus,
rapides et les plus solides. L’essentiel est que l'enfant prenne plaisir à cet apprentissage
difficile ».
B « Entre la méthode d'épellation et la méthode syllabique ou. la méthode globale,
nous ne faisons aucun choix. Des expériences qui- se poursuivent en décideront.
Toutefois, les procédés qui nous paraissent devoir l’emporter sont ceux qui amènent
l'enfant à s’intéresser à cette tâche ingrate qui consiste à associer des sons et des
formes sans rapport apparent. Par suite, ceux qui font appel à son besoin de
mouvement ont les plus grandes chances d’être féconds ».

II. LES PRINCIPALES MÉTHODES DE LECTURE :


Les Instructions officielles en mentionnent trois : la méthode d'épellation, la syllabique
et la globale.
En fait, on peut les ramener à deux, parce qu’on peut apprendre à lire :
A) Soit, en partant d'un élément simple ou abstrait, la lettre ou le son. Après sa
reconnaissance, apprendre à combiner les signes, à déchiffrer les mots et à comprendre
les phrases. L’esprit de l'enfant va de la partie au tout et procède par synthèse d’où le
nom de méthode synthétique donné parfois aux méthodes d’épellation.
B) Soit en partant d’un ensemble offrant un sens : phrase ou texte très court, pour
arriver aux mots, syllabes et lettres constituants. Ici, l’esprit procède par décomposition
ou analyse, d’où le nom de méthode analytique ou méthode globale.
C) On connaît aussi des méthodes dites mixtes qui tiennent à la fois, de l’analyse et
de la synthèse.
MÉTHODES SYNTHÉTIQUES OU traditionnelles, parce que depuis longtemps en
usage et reposant, pour la plupart, sur l’épellation des mots.
Les lettres y sont désignées par (bé, cé, dé, gé) et non leur valeur phonique (be, que,
de, gue).
Pour faire banane
304 : bé, a = ba ; né, a = na ; né, e = ne. D’où grave difficulté pour
l’enfant qui est souvent dérouté.
Dans la nouvelle épellation, déjà utilisée par les Jansénistes de. Port Royal et par
Pascal, les lettres sont désignées d'après leur valeur phonique. On ne fait plus dire :
esse, a = sa ; elle, a = la ; dé, e = de ; mais, se, a = sa ; le, a = la ; de, , a = da.
L'enfant n'éprouve ainsi aucune peine à assembler une consonne et une voyelle
pour en faire une syllabe. L’Enseignement de la lecture y gagne en simplicité et en
rapidité. L’épellation du mot devient plus difficile.
UN PROCÉDÉ PARTICULIER : La méthode phono mimique, due à Grosselin. Elle
associe le geste à l’étude de chaque lettre. Ainsi, la lettre S, mouvement ondulatoire de
la main, rappelle la reptation du serpent, la lettre T, le tic tac de la pendule. L’étude
devient attrayante pour les débutants.
MÉTHODES ANALYTIQUES: dites Globales. L’enfant voit le tout avant la partie,
l’ensemble avant le détail. Cette possibilité de vision de l’ensemble est désigné sous le
nom de syncrétisme par Claparède.
La leçon part d’une courte et suggestive phrase, ayant un sens complet contenant
des mots clés et des mots chevilles. Le plus souvent, c’est une gravure familière qui
suggère la phrase à l’enfant qui l'énonce à haute voix. Une autre gravure peut apporter
des modifications à la première. Les mises en œuvre peuvent varier, mais, l’effort
demandé aux ‘ enfants comporte toujours l’acquisition globale des premiers matériaux :
(phrases types, mots clés, l'analyse, la décomposition de la phrase en mots, des mots
en syllabes, en lettres). La synthèse (reconstruction des mots et phrases à l’aide des
éléments connus.) Elle nécessite un matériel abondant, collectif et individuel (écriteaux,
gravures, étiquettes, dominos, devinettes, petits textes polycopiés ou imprimés, à
illustrer par les enfants).
CHOIX D’UNE MÉTHODE : L'essentiel est d’aboutir à une lecture attrayante et
intelligente dès le départ. La méthode vaut par la manière dont on l’applique. La
meilleure méthode dégénère en des mains malhabiles. La bonne méthode tient compte
des besoins< psychologiques de l’enfant, mais, elle dépend surtout de l'art du Maître. La
meilleure sera vivante, attrayante et suggestive. Elle fera un large crédit aux Intuitions et
à la spontanéité de l’enfant.

III. FICHE DE LEÇON (Voir un Livre du Maître, du Cours Préparatoire).

305
SUJET N° 4
« On se fait une grande affaire de chercher les meilleures méthodes d'apprendre à lire...
Donnez à l'enfant le désir d'apprendre à lire, toute méthode lui sera bonne. »
Que pensez-vous de cette affirmation de Rousseau?

I. UNE MANIÈRE, ENTRE MILLE, D'ABORDER LE SUJET :


La phrase à étudier pose le problème de l'apprentissage de la lecture et celui de la
meilleure méthode pour apprendre à lire à un élève d’âge d’école primaire élémentaire.
A) D’ABORD, Rousseau se livre à une rapide et sévère critique mais, combien
significative, des méthodes de lecture en usage avant lui ou en son temps. Même
jusqu’au début de notre siècle celles qui étaient utilisées reposaient sur des conceptions
purement logiques. On partait de la reconnaissance de toutes les lettres de l’alphabet
puis, on apprenait, à force de les répéter, leurs combinaisons possibles en syllabes. On
associait celles-ci pour former des mots qui, combinés à leur tour, donnaient des
phrases parfois inintelligibles : La pédagogie Leif cite ces deux mots :
bisdosquasdesquassois et chigneillomstraplyphthougt.
De plus, à ces méthodes déroutantes pour l’enfant s'ajoutaient des procédés
accessoires dont le but était de fixer- et soutenir l'attention de l’élève engagé dans ces
rébarbatifs exercices de lecture.

Parmi eux, citons :


a) Le système Gervais ou des cartons dits syllabateurs glissent l’un contre l’autre et
servent à assembler les lettres et les syllabes.
b) L’appareil Cheron qui remplace les rubans et les syllabateurs par deux baguettes.
c) Les tableaux Neel qui simplifient l’exercice des baguettes.
d) La méthode Lambert où deux roues concentriques présentent l’une, les
articulations, l'autre, le son.
e) La méthode Maitre où deux rubans se déroulent pour servir au même usage.
f) La méthode Mignon qui emploie un tableau normal à caractères mobiles.
g) La méthode Thollois qui est une reproduction du bureau typo- Sraphique de
Dumas.
h) Les méthodes
306 à images de Regimbeau, de Larousse,..
i) La méthode phono mimique de Grosselin où les lettres de l’alphabet sont
associées aux gestes de la phonomimie, inspirée elle-même de l’alphabet à images de
Comémus où chaque lettre correspond à un cri d'animal ou bien à un son familier à
l’enfant.
Puisque l’enfant intelligent n’arrivait pas à lire avant 3 ou 4 ans d'apprentissage, on
imagina d'autres procédés plus attrayants comme mouler en friandises les lettres de
l'alphabet qu’on faisait ensuite avaler.
On pense surtout au siècle de Rousseau, (XVIII8), aux « bureaux typographiques »
inventés par Rollin, s’inspirant des casettes des imprimeurs et permettant aux élèves de
jouer à l’imprimerie.
Locke à son tour, imagina de faire des dés un moyen de lecture en écrivant une
lettre sur chaque face du dé. L’enfant apprenait à lire rien qu'en jouant aux dés.
B) ENSUITE : Rousseau ne se contente pas de s’élever, non sans exagération,
contre tous ces procédés artificiels et arides. Il propose de leur substituer une méthode
plus rapide et plus efficace, celle fondée sur' le désir d’apprendre à lire que peut
aisément éprouver l’enfant de six ans si le maître sait le lui inspirer. Il pense à raison,
d’ailleurs, que l’instituteur qui possède le secret d’inspirer ce désir à l’enfant saura, du
même coup animer la leçon de lecture, la rendre attrayante y intéresser son élève. Un
procédé pédagogique employé ne vaut que par l’esprit ou l’intelligence du maître qui
l’applique.

II. VALEUR ET PORTÉE DE LA MÉTHODE FONDÉE SUR LE DÉSIR


D'APPRENDRE A LIRE :
On définît d’ordinaire la lecture : la traduction du langage écrit en langage parlé. Cet
acte paraît tout à fait simple à ceux qui savent lire. Mais, pour l’enfant qui apprend à lire
rien de plus compliqué et de plus pénible. Ce fait est bien mis en évidence par le
pédagogue Bain qui écrit :
« L’étendue et la complication de cette acquisition intellectuelle sont si grandes qu’elles
exigent plusieurs années de travail même avec, des élèves qui n’ont pas commencé de
très bonne heure. »
Aujourd’hui, il reste prouvé que l’intérêt joue un rôle considérable dans
l’apprentissage de la lecture. Rousseau, dans son intuition de génie, l'avait deviné
puisque c’est sur l’intérêt de la lecture que repose ce qu’il appelle le « désir d’apprendre
à lire ». Par intérêt, entendons « ce qui détermine un état d’activité mentale facile ou
agréable ».
A noter aussi que l’intérêt traduit un besoin et qu’il est le signe ou là vocation
d’aptitude.
Dans son article récent, d’une rare élévation psychologique M. R. Zazzo étudie le
rôle que joue l’intérêt dans l’apprentissage de la lecture. Il aboutit aux conclusions
307
suivantes :
a) L'amour du livre apparaît chez nos enfants à un âge très tendre, vers 3 ans. Il
précise « L'amour du livre peut apparaître bien avant l'aptitude à la lecture ». L'enfant
s'intéresse au livre comme à un objet énigmatique qui recèle un secret.
b)Ce goût de l'enfant pour le livre est nouveau. Ce n’est donc pas un fait de
psychologie générale mais, un fait socio-culturel et peut être considéré comme un fait
de civilisation.
c) L’intérêt que l'enfant éprouve pour le livre ne lui confère pas l’aptitude à lire. C’est
pourquoi il joue à lire, « Jeu sérieux mais dont l’enfant n’est pas dupe », ajoute Zazzo. Il
le considère comme un simulacre puis qu’il fait appel à la méditation de l'adulte à qui il
demande de lire le texte. Il s’en sert comme un détour, un instrument pour satisfaire le
besoin de lire qu'il ne possède pas encore, , ce qu'il considère comme une infirmité ou
une Incapacité.
d) Les images du livre l'attirent mais, il veut en savoir la signification, très vite, il
dépasse la contemplation de l’image et en exige le récit de ¡’adulte. L’image le fascine
mais, ne lui fait pas oublier le contenu du récit. Plus tard, il ne veut plus qu’on lui raconte
mais, qu'on lui lise le récit sans en négliger une partie. L’enfant pense qu’il suffit de
savoir lire comme l'adulte pour lui ravir tout son pouvoir.
Zazzo conclut : « La lecture est uñé technique sociale par laquelle l’enfant entre de
très bonne heure dans un certain type de civilisation. L’acquisition de cette technique
exige, sans doute, un effort considérable mais, cet effort est favorisé chez l'enfant
normal par des motivations puissantes ».

III. QUE PENSER DU MOT DE ROUSSEAU ET CONCLUSIONS PÉDAGOGIQUES


QUI S'IMPOSENT POUR L'APPRENTISSAGE DE LA LECTURE :
a)L’affirmation de Rousseau, quoique bien fondée dans son assise psychologique,
comporte une part d’exagération. Il faut reconnaître que les méthodes de lecture qu’il
critique vertement étaient fastidieuses et pénibles pour l’enfant. Elles étaient aussi
laborieuses mais, pas toujours inefficaces... C’est â l’aide de ces méthodes, aujourd'hui
si décriées, qu'ont appris à lire La Bruyère, Fontenelie, Voltaire, Montesquieu et
Rousseau lui-même.
b) Rousseau peut être considéré, à bon droit, comme le promoteur des méthodes de
lectures dites nouvelles parce que, sans s'en douter, il a deviné les caractéristiques
psychologiques de l’écolier de six ans et y a ajusté la forme d'apprentissage qu'il
propose : imprécision de la perception enfantine, faiblesse de l'attention, instabilité
intellectuelle et physique, peu de résistance aux sollicitations intérieures et extérieures.
c) De son affirmation découlent les principes pédagogiques suivants :

1) L’éducateur doit savoir attendre. Le jeune enfant à qui il faut du fouet, de la


punition pour lire, n'est pas mûr. Il vaut mieux, avec lui, pratiquer l’éducation
négative. Aller308
trop vite dans ce domaine serait faute pédagogique grave.
2) A partir de 3, 4 ans, il faut intéresser l’enfant aux images (type albums du père
Castor). Cela lui ouvre le monde de la civilisation. C’est surtout, pense Zazzo, aider les
motivations .puissantes qui préparent la conquête de la lecture.
3) Après 4 ans, il faut préparer l'enfant à l'initiation à la lecture par des exercices
sensoriels et des exercices d'observations sur les formes et les couleurs.
4) Passer progressivement à. la reconnaissance de ces formes particulières et
différenciées que sont lés mots écrits puis, à la lecture globale.
5) Entre 5 et 6 ans, (section des Grands de l'Ecole maternelle), passer brusquement
à l'analyse et à la synthèse car, à ce moment l’enfant débouche sur un autre plan.
Donner à l’élève la clé des outils et rechercher l'efficacité.
Le dégager du morne ennui qui émane du déchiffrage des tableaux de lecture. Dès
les premiers déchiffrages, faire de la lecture un exercice intelligent et expressif, non un
pur mécanisme, qui deviendra de plus en plus aisé, à mesure que les habitudes
acquises s’affirmeront et que les mécanismes se consolideront.

Conduire progressivement l’enfant à aimer la lecture à en prendre le goût et à


connaître les joies profondes qu’elle peut procurer.
6) En tant que méthode à employer, le maître en reste juge. Les I.O. n'en imposent
aucune. En fin de compte, c’est la valeur du maître qui décide de l'efficacité d’une
méthode de lecture. C’est du maître, de la connaissance de l’enfant, de ses dons de vie
et de suggestion que dépend le renouvellement de l’apprentissage de la lecture.
« Le but de la lecture, c'est fa compréhension des textes. Apprendre à lire, c'est
pour l'enfant, faire la conquête d'un second langage. Il sait lire lorsque, ayant
découvert que les signes de l'écriture ont un sens, il les interprète comme
l'expression d'une pensée. »

309
SUJET N° 5
Expliquez cette pensée.
Quels principes doivent inspirer le maître dans l'enseignement de la lecture?

EN GUISE D'INTRODUCTION :
L’enfant qui arrive à l’école sait parler. II emploie un langage Incorrect, certes, mais,
composé de sons, de mots assemblés dans des phrases. Il sait et comprend ce qu’il
exprime en parlant. En apprenant à lire, il fait, ce semble, la conquête d’un second
langage qui est nouveau pour lui, puisque, c’est la pensée d’autrui qu’il interprète.

I. QU'EST-CE LIRE?
C’est comprendre un message. C’est communiquer avec autrui par le moyen d’une
langue écrite.
On peut aussi le définir: apprendre à aller au-delà du signifié pour déceler la pensée
implicite qu’il révèle, C’est soumettre son esprit à une ‘discipline qui consiste à ne pas
se laisser absorber par une Idée secondaire afin de mieux comprendre l’essentiel de ce
qui. nous est communiqué. Cet effort de compréhension est le point de départ d’une
pensée personnelle, d’un dialogue tacite avec l’auteur. En ce sens, on peut dire que la
lecture éveille l’esprit, provoque la réflexion.
Apprendre à lire, c’est apprendre à penser, à saisir un ensemble qui est le texte lu.
Lire, c’est en somme, passer de signes à la pensée directement. C’est transformer un
symbolisme à deux degrés en un symbolisme direct. C’est pourquoi apprendre à lire et
à penser doivent être inséparables. Alain écrit à ce sujet : « Il s'agit d’apprendre là ’lire
et aussi à penser sans séparer jamais l’un de l'autre ». Il ajoute : « Une syllabe n'a point
de sens et même un mot n'en a guère. C’est la phrase qui explique le mot ».
Mieux. Lire, c’est aller au-delà du texte, deviner la pensée de l’auteur en suivre par
l’esprit le déroulement et même ses intentions. Il y a bien deux degrés dans le
symbolisme de la lecture. Il est direct lorsque la lecture est aisée parce qu’on va
d’emblée de la vision des signes graphiques à la compréhension des idées qu’ils
expriment. Un premier symbolisme fait passer des signes aux sons et un second, des
sons aux idées.
II. COMMENT ENSEIGNER LA LECTURE? :
Apprendre à lire à l’enfant suppose constituer chez lui des mécanismes, s’adresser à
son intelligence et à sa mémoire. C'est pourquoi au C.P., on apprend les mécanismes.
Au C.E., on apprend à lire couramment (Lire une phrase simple, sans syllaber, ni
chanter, en marquant la ponctuation, l'accent tonique, l’exclamation, l'interrogation, la
chute de la voix aux points). Au C.M., la lecture est expressive : (nuancer les sentiments
exprimés : tristesse, joie, amertume, violence, douceur).
En réalité, toutes les méthodes d'apprentissage de- la lecture se ramènent à deux :
la méthode de synthétique et la méthode globale.
En fait, le problème de l'enseignement de la lecture réside moins dans la méthode
que dans l'esprit qui l'inspire. L'essentiel est d'associer sainement la mémoire qui retient
à l'intelligence qui réfléchit, rassemble, compare et dissocie.
Il faut tenir sans cesse en éveil l’esprit de l’enfant en lui posant des problèmes
susceptibles de l'intéresser. La solution se trouvé dans une méthode vivante et active,
réclamant la participation de l’élève et qui fait confiance à sa spontanéité.
G. Duhamel écrit : « Je ne connais pas de méthode susceptible d’empêcher un
enfant d'apprendre à lire ».
Rousseau de son côté dit : « Un moyen... qu’on oublie toujours est le désir
d’apprendre. Donnez à l'enfant ce désir, puis laissez là vos bureaux et vos dés, toute
méthode lui sera bonne ».
En outre, dès les origines, la lecture doit être un exercice intelligent et non un pur
mécanisme. Elle devient aisée à mesure que les habitudes acquises s’affirment et les
mécanismes, se consolident. Toute lecture demeure compréhension en dernier ressort.
Mlle P. Meizex pense même, que « les progrès en lecture reflètent fidèlement les
progrès intellectuels », quand « l’effort pour lire est soutenu par le plaisir de lire ».

311
SUJET N° 6
« Il s'agit d'apprendre aux enfants à lire, de faire en sorte qu'ils aient du plaisir
à lire, de leur en donner le besoin. »
Comment le maître peut-il se prendre pour atteindre cet idéal formulé par Jean
Guehenno?
Quels exercices d'intelligence peuvent se greffer sur la lecture au niveau primaire
élémentaire ?
I. UNE MANIÈRE D'INTRODUCTION :
Les conférences pédagogiques de 1962, viennent de rappeler l’importance de la
lecture en tant que discipline scolaire, puisqu'elles en font « l’instrument essentiel de
l’acquisition du langage parlé et écrit ».
Nul doute, elles se réfèrent davantage à la lecture consciente plus qu'aux lectures
courante et expressive, puisqu’elles évoquent « le rôle de la lecture dans la formation
de la pensée ».
Cette référence conduit ipso facto, à distinguer, lecture courante de lecture
expressive et à insister sur la lecture consciente, celle à laquelle pense, sans doute; J.
Guehenno, en formulant-sa pensée.

II. COMMENT LE MAITRE PEUT-IL ATTEINDRE CET IDEAL?


La notion de lecture consciente repose selon M. Jean Vial « sur cette chance offerte,
dès le C.H., lorsque l’enfant maître de la graphie, articule sans effort et libère ses
capacités mentales pour s’adonner à l’image que lève la lecture du mot, puis, à l’idéal
cohérent qu’entraîne la juxtaposition des mots.
Ce n’est pas si simple qu'on le pense. L'écolier n’a point conscience de cette
mutation à laquelle le conduit insensiblement le pédagogue. Mais, s il y parvient, tout
est sauvé et l’idéal de J. Guehenno est atteint...
Il importe que l'intérêt du déroulement du texte l’emporte sur celui du mot isolé,
dérivé sur les images toujours disponibles de l’âme enfantine. Pour éviter que celle-ci
ne s'engage dans des sentiers de traverse, il faut d'un « chemin engageant, un récit où
les mots se nouant entre eux, s appuient et s'appellent de telle façon que l’enfant qui
galope au devant d’eux », les découvre avant même de les lire et qu'aux mots et aux
images se substituent des idées...
C'est la meilleure définition qui soit de l'esprit de compréhension, de synthèse, de
l’intelligence, elle-même et de la lecture consciente.

De plus, l’intérêt du texte y est aussi d’une Importance capitale ainsi que la sincérité
du propos et 312 !a simplicité du ton. Contrairement aux adultes, les enfants sont
plus embarrassés par les grands mots que par les grands sentiments. C'est dire
l'importance du rassemblement des textes heureux que l'Abbé Dumas, appelait
déjà, depuis 1730, « les beaux livres ». Toute la réussite est là, à part l’art
d'apprendre à lire intelligemment. Il doit en être du livre de lecture entier comme
de chaque texte qu'il présente. « La peine de l'ouvrier doit disparaître sous le
sourire de l'œuvre d’un livre d’art ». Ainsi que le dit J. Guehenno, lui-même :
« La vraie originalité d’un livre de lecture est, sans doute, d'être l'œuvre de gens
qui ne s’attendaient guère à le composer ».
Pourtant, ici les choses se compliquent, car les grands auteurs n'écrivent pas
toujours pour les petits et ceux qui se consacrent à la littérature enfantine produisent
des contes pour grandes personnes jouant aux enfants. Certes les enfants se
complaisent aux jeux de leur âge. Mais, comme le signale Alain : « Ils ne désirent rien
de plus que de ne plus être enfants ». La conciliation de ces deux tendances n’est rien
d’autre que l’éducation.
Enfin, quelque part, Montaigne affirme : « La parole doit-être moitié à celui qui parle,
moitié à celui qui entend. »
Une régie d'or pour atteindre l’idéal de Guehenno serait de débuter par la formule de
l'Auteur des Essais en pratiquant le travail en équipes. Quand le texte est hérissé de
difficultés, aider l'enfant à en faire l’escalade, lui montrer à se servir, à bon escient du
livre de lecture et lui laisser, ce faisant, la joie de ses propres explorations.
Faire lire souvent, pratiquer toutes les formes de lectures (à haute voix, de façon
expressive) ; lire du solide et de l’intéressant.
En bref, un texte de lecture bien lu et bien assimilé devient, doit devenir comme une
découverte et une construction toujours nouvelles où le lecteur trouve et apporte du
sien.

III. EXERCICES D'INTELLIGENCE SUSCEPTIBLES DE REPOSER SUR LA


LECTURE :
L’apprentissage de la lecture n’est pas une fin en soi. Savoir lire n’avance pas à
grand chose si on ne sait rien tirer de ce qu’on a lu. C'est pourquoi, en dehors de la
lecture proprement dite, se sont développés divers exercices qui, du C.P. aux études
littéraires, sont destinés à transformer la lecture en instrument de connaissance. Les
uns sont modestes, les autres, plus ambitieux. Certains sont destinés à consolider des
mécanismes ; d'autres à enrichir la vie intérieure, mais, tous font appel à l'intelligence ou
tendent à la développer. Parmi eux citons :
a) LES EXERCICES DE CONTROLE :
Après une lecture à haute voix, ils permettent de s'assurer que le texte a été compris
et qu’il a laissé trace. On les pratique à tous les niveaux de l'Ecole primaire et du C.E.G.
Ils peuvent être collectifs et oraux.
Après une lecture silencieuse, ils sont indispensables. Ils donnent garantie que rien
n’a été esquivé, sauté, mal interprété. La forme individuelle et à livre ouvert parait
313
préférable. La forme doit en être très simple et très aisée à corriger quand ils sont écrits.
(Donner quelques exemples d’exercices écrits et oraux aux différents cours).
b) EXERCICES DE MÉMOIRE :
Ils aident eux aussi, à vérifier que le texte a été compris, écouté ou effectuent lu.
Ils consistent à retrouver, livre fermé, des mots, tournures, phrases, idées, le jour
même ou le lendemain : (autodictées, jugements ou comparaisons portant sur les
textes lus).
c) LES EXERCICES PORTANT SUR LE VOCABULAIRE:
Ils ont deux destinations: fournir aux enfants le vocabulaire qui leur permet de
s'exprimer ou fournir des définitions pour mettre au point ce que recouvrent les
vocables. Ils permettent aux enfants d'acquérir et d’identifier des mots nouveaux dont le
sens précis est nécessaire à la vie de l'esprit. (Donner des exemples).
d) LES EXERCICES PORTANT SUR LES IDÉES :
Ils amènent les enfants à entrer dans la pensée d'autrui et a enrichir la leur, à ce
contact. Ils éclairent leur comportement, leur vision du monde, par une pensée plus
riche, plus évoluée qui contribue, peu à peu, à les conduire à l’état adulte, (exemples à
fournir).
e) LES EXERCICES DE COMPARAISON ET DE GÉNÉRALISATION :
Ils forment le jugement et l’esprit critique. Ils peuvent être esquissés dès les classes
élémentaires. Ils trouvent leur véritable raison d'être surtout au niveau du C.O. (Ex ;
caractère de style, éléments du comique).
f) LES EXERCICES D’IMAGINATION :
Le texte de lecture peut servir de point de départ à l’expression écrite et au dessin.
Ces goûts sont toujours à favoriser. Le texte lu sert de cadre et évite le dérèglement de
l'imagination.
g) LES COMPTES RENDUS DE LECTURE :
C'est l'aboutissement des exercices de lecture, importants et utiles parce que,
d’analyse et de synthèse. On peut commencer à les pratiquer dès le C.E.2.
Ainsi qu'on le voit, les exercices qui intéressent l’intelligence et partent de la lecture,
sont très étendus. Il faut avouer que le texte est inépuisable lorsqu’on fait intervenir
toutes les opérations de l’esprit. Les exercices qu'on peut tirer, quand ils sont bien
conçus, conduisent au but à atteindre : faire aimer la lecture par tous les moyens.

314
SUJET N° 7
« Il s'agit d'apprendre à lire et aussi à penser... C'est la phrase qui explique le
mot. »
Expliquez cette pensée d'Alain. Quelles conséquences pédagogiques en découlent ?

I. QU'EST-CE QUE LIRE?


C’est comprendre un message et communiquer avec autrui. C’est se sortir de soi-
même pour se soumettre à la pensée d’autrui, s’efforcer de saisir, dans sa structure et
dans son' déroulement, une pensée étrangère à la sienne. C'est aussi apprendre à aller
au-delà du signifié pour déceler la pensée implicite qu'il révèle. C’est donc, soumettre
son esprit à une discipline qui consiste à ne pas se laisser absorber par une idée
secondaire afin de faire effort pour comprendre ce qui nous est communiqué. Cet effort
de compréhension est le point de départ d'une pensée personnelle, d'un dialogue avec
l’auteur. En ce sens, on peut dire que la lecture éveille l’esprit, provoque la réflexion. La
nature, le contenu, le but du message écrit peuvent être si divers, car, le monde de la
connaissance est si étendu, qu’on a raison de prétendre qu'apprendre à lire n’est
jamais achevé, que cette activité dépend de la culture que l’on se donne, du choix de
ses lectures.

II. EXPLICATION :
Déjà, ces remarques éclairent l'affirmation et lui donnent sa pleine signification et sa
portée la plus générale. En effet, apprendre à lire, c'est apprendre à penser, à saisir un
ensemble et cela ne peut se faire que si l'on sait « lire des yeux », que si la lecture
silencieuse a pris le pas sur la lecture à haute voix ; lecture silencieuse souple et libre
dans ses allées et venues, rapide dans ses bonds en avant ou ses retours en arrière,
selon les besoins de la compréhension qui la guident. Il devient, dès lors, évident que le
mot n’a guère de sens. C’est la phrase qui le lui donne. La phrase, elle-même, doit être
replacée dans son contexte pour être comprise dans son exacte portée.
Une question se pose : Est-ce qu’apprendre à lire et à penser peuvent et doivent
être inséparables ? Alain l’affirme. Il propose, semble-t-il, pour l’apprentissage, la
méthode globale, non pas au sens où Decroly l’entend, non pas, en vertu d’une
tendance à la globalisation, d’une démarche qui serait naturelle à l’enfant de saisir,
d'abord, un ensemble confus, pour aller ensuite à la perception du détail. Rien n’est
moins sûr, du point de vue psychologique, que cette fonction de globalisation.
L’observation attentive de l'enfant au cours de son apprentissage, montre que ses
démarches procèdent, tantôt du tout aux parties, tantôt des parties au tout, qu'analyse
et thèse se prêtent un mutuel appui, et, cela, de façon très différente, S>Ton les enfants
et selon les circonstances. Chaque enfant construit sa représentation du monde
selon un processus et une histoire qui, quoique •^fluences par le milieu social, lui
sont strictement personnels. La pensée d'Alain est tout autre. Il pense plutôt que
l’enfant aurait une vision pointilliste mais, il veut qu'on apprenne à voir les ensembles,
parce que la synthèse est l’activité supérieure de l’esprit, parce que : « l’esprit
d’ensemble, c’est l'esprit ». Il faut lire en partant du mot et même de la phrase, parce
c'est partir du sens, parce que le but est de trouver ensemble un sens et que, seule,
cette découverte d'une signification est formatrice et apprend à penser. Le mot semble
bien avoir un sens puisqu’il désigne une chose, un acte, mais, il ne fait que désigner et
si nous nous contentions de nommer les objets qui nous entourent ou les actions que
nous accomplissons, nous ne penserions pas, car, la pensée est relation et qu'il n'y a
pensée proprement dite que lorsque des rapports peuvent s’établir.
La méthode globale a, pour Alain, cet avantage, surtout, qu’elle réduit la part de
l’activité vocale au profit de la visualisation. C’est par les yeux qu’il faut penser et non
par les oreilles, (pas de lecture à haute voix). Mais, les instructions officielles prévoient
le déchiffrage silencieux, seulement au Cours Elémentaire, alors qu'il peut être pratiqué
plus tôt. Selon Alain, mécanisme et compréhension doivent progresser simultanément.
C’est l’idéal à atteindre. Il ne dit point qu’il se réalise aisément, mais, il faut s'y mettre.
(Avant d'aborder l'importance de la pensée d'Alain, parler de la pensée de l'enfant,
de l’apprentissage de la technique de la lecture de ses difficultés. Donner seulement
l'essentiel psychologique).

III. CONSEQUENCES PÉDAGOGIQUES QUI EN DECOULENT:


a) L’instituteur essaiera de susciter le désir da lire : faire appel à l'intérêt, éviter que
l’enfant, dans son empressement, n'apprenne pas par cœur, quelle que soit la méthode
employée...
b) Que les textes soient à la portée de l’enfant, proches de ses Intérêts, quant au
contenu, proches de la langue parlée quant à la forme. Pour lui faire saisir que la langue
écrite est communication, utiliser les textes qu’il a composés oralement (récits,
dialogues, contes...).
SUJET N° 8
Quels problèmes psychologiques et pratiques posent les débuts de
l’enseignement de calcul ?
Selon quels principes généraux doit-if être conduit à récole primaire ?
Illustrez votre point de vue par des exemples précis choisis dans des classes
déterminées.
I. UNE MANIÈRE DE CONCEVOIR LE SUJET :
Personne ne conteste la place importante qu’occupe l'enseignement du calcul dans
les programmes primaires. Pourtant, les débuts de son apprentissage posent des
problèmes délicats dont la résolution méthodique et intelligente conditionne son succès.
Ils sont de deux ordres : psychologique- et pratique.
A) PROBLÈMES PSYCHOLOGIQUES :
Au stade primaire élémentaire, l’enseignement du calcul conduit nos élèves à
raisonner avec rigueur en employant un langage symbolique exprimant l'aspect
quantitatif de la réalité. Il s'en suit que le premier objectif à atteindre est la conquête de
ce langage, c'est-à-dire, la connaissance précise des symboles le constituant, surtout
celle de leurs propriétés particulières et des rapports logiques qu’ils peuvent entretenir
entre eux. Mais, les récents travaux de psychologie de Piaget ont montré que la pensée
enfantine ne conquiert que progressivement les principes qui sont à la base du calcul.
Elle n’accède à la notion du nombre que lorsque deux conditions sont réalisées : celle
de la conservation des quantités et celle de l’équivalence.
a) Un nombre n’est intelligible que s’il est identique à lui-même quelle que soit la
position de ses parties constitutives. Un enfant de 5 à 6 ans est placé devant 2 bocaux
identiques contenant chacun la même quantité d’eau. On verse le contenu de l’un dans
un récipient plus étroit ou plus large. L’eau atteint une hauteur plus ou moins grande que
dans le premier bocal. Il pense qu'il y a plus ou moins d’eau dans le troisième bocal.
C'est qu’il nie encore la conservation de la quantité d’eau transvasée parce que sa
perception de hauteur et de largeur est exclusive l’une de l'autre et pas coordonnée.
C’est seulement vers 7 à 8 ans qu’il admet que la quantité d’eau s’est conservée à
travers le transversement.
b) Là notion d’équivalence par la correspondance terme à terme est aussi sinon plus
difficile à acquérir par l'enfant. Chez lui, la forme perceptive d’ensemble l'emporte, faute
pour son esprit, d'analyser. C’est vers 7- 8 ans qu’il admet que deux séries de jetons
rangées de façons différentes peuvent contenir la même quantité de jetons. Chaque
élément de la collection devient alors pour lui Interchangeable et la correspondance
numérique Impose 22 une équivalence permanente.

B)PROBLÈMES PRATIQUES :
Des conséquences pédagogiques pratiques s’en dégagent.
D’abord, il ne faut pas aller trop vite et ne pas aborder trop rarement le quantitatif en
étudiant le nombre. « Plus on aura perdu de temps à préparer le nombre et la mesure
par la construction des rapports quantitatifs, mieux l'enfant comprendra ensuite », écrit
Piaget (Importance des jeux éducatifs utilisés dans les Ecoles maternelles).
Ensuite, en raison même de la nature de l’abstraction qui conduit au nombre, parole,
dessin, contemplation ne suffisent pas. Il faut que l’enfant manipule et agisse : « Partout
l’opération manuelle doit précéder l’opération arithmétique », disent les I.O.. « Le
nombre est un système d’opérations et l’opération n'est pas autre chose qu’une action »
ajoute Piaget.
C’est erreur de croire qu’il suffit de fournir à l’enfant un matériel ingénieux et varié
pour qu’il le manipule. On risque de maintenir étroitement son esprit au niveau de la
perception. Celle-ci ne doit servir que de « point d’appui » et l’enfant doit passer
aisément « du rapport à l’intelligence du rapport » dit Brunschvicg.
« On a intérêt à posséder un matériel simple individuel aux unités aussi identiques et
interchangeables que possible, facilitant le passage du perçu à l’imaginé » pense
Pecaut. La multiplicité des figures rend le souvenir plus difficile, gêne l’abstraction. A ce
stade, seuls comptent les actes réalisés et l’attention doit rester concentrée sur eux et
non dispersée sur une multiplicité de perceptions étrangères.

II. PRINCIPES GÉNÉRAUX DE LA CONDUITE DE L'ENSEIGNEMENT DU CALCUL


A L'ECOLE PRIMAIRE :
En principe, c’est durant les trois premières années de scolarité que se pratique
l’initiation au calcul. On en complète l’étude dans les classes supérieures. Les
programmes relatifs à ces trois premières années de classe et qui sont d'une simplicité
apparente prévoient les acquisitions essentielles suivantes : la notion du nombre entier
et de la numération, l’étude du mécanisme et du sens des quatre opérations, la
connaissance de quelques formes géométriques très simples. Puisque cette initiation, à
la fois délicate et difficile, commande toute la suite des études mathématiques de
l’enfant, il importe que sa conduite soit basée sur des principes généraux. Ceux-ci
doivent être établis de manière à ne pas aboutir à la seule acquisition des mécanismes
et des réflexes mais, plutôt, guider l'élève a saisir progressivement les données
complexes de la réalité mathématique et à les résoudre par un effort d'attention et de
raisonnement.
Ces principes généraux sont fixés par les I.O. Ce sont :
a) L'enseignement du calcul doit être actif et concret. Eh arithmétique : s’appuyer sur
des faits, appliquer les calculs aux faits.
En géométrie : forme des champs, mesures sur le terrain, opérations réellement
exécutées, accessibles à des jeunes enfants. « Montrer plus que démontrer »,
En système métrique : leçon de manipulations pratiques et de mesures réelles, bref,
une vraie leçon de choses sur des objets aussi familiers que possible, aux élèves. Dans
le domaine du calcul pratique, dès le Cours préparatoire, l’élève doit posséder le sens
des opérations pour acquérir leur mécanisme, l'acquisition des automatismes et des
techniques opératoires pour les résoudre dans des conditions' avantageuses «
d’économie mentale ».
« L’enfant ne déploiera une activité réelle profonde et profitable que si le maître a su
éveiller son intérêt et susciter des activités aussi variées que possible ». (Godier).
b) Fonder l’enseignement du calcul sur l’observation. Amener progressivement
l’enfant à une véritable prise de conscience de certaines réalités en le faisant observer
les faits autour de lui.
c) L’enseignement du calcul doit faire appel au raisonnement : Faire comprendre
avant d’apprendre. Employer une méthode lente qui « retourna les choses de toutes les
façons pour les expliquer ». « On n’impose pas les faits mathématiques à l’esprit mais,
on les fait comprendre ».
d) Il doit faire une part au mécanisme et à. la mémoire. Rôle de la répétition,
l’entraînement, la résolution des exercices, l’acquisition des mécanismes de base, tout
en leur demandant une activité intelligente. Observer, agir, retenir, pratiquer.
e) Imprimer à l’étude du calcul une orientation utilitaire et éducative. Ne pas perdre
de vue qu’elle doit être éducative pour devenir utilitaire et que l’éducatif doit avoir priorité
sur l’utilitaire. Former des esprits ouverts, capables de résoudre des difficultés à leur
portée et de s’enrichir. Faire en somme que l’enseignement du calcul devienne, comme
le demanda Alain « l’exercice intellectuel le plus méthodique, c’est-à-dire, la meilleur®
des préparations à la vie ».

24
SUJET N° 9
A quelles difficultés se heurte le Maître dans l'enseignement du calcul au Cours
Préparatoire ? Comment les vaincre ?

I. EN GUISE D'INTRODUCTION :
L'enfant effectue son Cours préparatoire de six à sept ans. En calcul, l'étude des
nombres de 1 à 100 constitue l’essentiel de cette année de scolarité. Ce programme,
d'apparence simple et peu chargé, semble d'autant plus facile à assimiler par l’élève qu'il
est prévu trois leçons de quinze minutes par journée de classe. La réalité est bien autre,
car, pour un écolier de cet âge, c’est un « vaste monde à parcourir à maîtriser ». Il ne
faut pas perdre de vue que cette initiation est fort importante car, elle conditionne toute
la suite des études mathématiques de l’enfant. C’est pourquoi, elle se révèle délicate et
difficile.
Pour faire assimiler, cet enseignement par son élève, le Maître se heurte à des
difficultés relatives à la genèse, à la nature psychologique; à la richesse des notions à
enseigner et à celle d’un ordre tout à fait pratique.

II. DIFFICULTES AUXQUELLES SE HEURTE LE MAITRE :


a) DE GENÈSE :
Si commode et familier que paraisse notre système décimal, l’intelligence humaine a
mis des siècles à le concevoir. Il serait superflu d’évoquer la lente élaboration des
notions de nombres cardinaux et ordinaux, de lecture et d’écriture des nombres entiers,
de valeur réelle des signes opérationnels, ainsi que la signification profonde du chiffre
zéro...
Quand on les médite, on ne s’étonne plus que les Instructions officielles consacrent
une année complète de scolarité à l’apprentissage des cent premiers nombres entiers.
Elles font prendre conscience des difficultés essentielles de cette initiation, nous mettent
en mesure de bien l'assurer, sans imposer à l’élève, le long chemin semé d’embûches
que les hommes qui les ont découvertes avant nous, ont parcouru...

b) PSYCHOLOGIQUES :
Des travaux entrepris sur la nature psychologique du nombre ont révélé que cette
notion ne peut se former dans la pensée de l’enfant que si certaines conditions sont
réalisées.
La première est la conservation des quantités. Celle-ci n'est pas innée chez | enfant,
mais, se construit progressivement (Exemple : des perles groupées ou alignées ou des
liquides versés dans des bocaux de formes différentes).
La seconde est l’acquisition de la notion d’équivalence par la correspondance terme
à terme. Pour l’enfant, l’équivalence n'est pas affaire de correspondance, mais, d’espace
occupé. (Ex : des jetons rouges et verts). La forme perceptive d'ensemble l’emporte. Il
n’y a pas d'analyse. Sans la réalisation de ces deux conditions, le nombre demeure
inaccessible à l’enfant. C'est ce qui explique d’une part, qu’on n’a point intérêt à aller
trop vite avec l’enfant dans l’étude des nombres afin de ne pas aborder trop rapidement
le quantitatif. « Plus on- aura mis du temps, plus on aura perdu du temps à préparer, le
nombre et la mesure par la construction de rapports qualitatifs, mieux l’enfant
comprendra ensuite », écrit Piaget.
D'autre part, l’enfant n’assimile pas le nombre par la contemplation mais, par l’action.
Ni la parole, ni le dessin ne suffisent. Il faut que l'écolier manipule et agisse : « Partout
l’opération manuelle doit précéder l’opération, arithmétique », disent les Instructions
officielles. Le nombre est un système d'opérations et l'opération, « n’est autre chose
qu’une action réelle, mais, intériorisée, devenue reversible » dit un psychologue. Il ajoute
: « Pour que l’enfant arrive à combiner des opérations, il faut qu’il ait manipulé, il faut
qu’il ait agi, qu’il ait expérimenté, non pas seulement sur des dessins, mais, sur du
matériel réel, sur des objets physiques. » Cependant, attention ! car, un matériel trop
varié, trop ingénieux risque de maintenir étroitement l’enfant au niveau de la perception.
C’est pourquoi il ne doit servir que « de point d’appui » aidant l’enfant à passer aisément
du support à l’intelligence du rapport ».
c) RICHESSE DES NOTIONS A ENSEIGNER:
A six ans tout est à faire. Même quand l'enfant revient à la Maternelle, il a reçu, sous
forme d’exercices sensori-moteurs, une initiation qui se situe plutôt sur le plan qualitatif.
A sept ans, il faut qu’il ait une connaissance assurée des cent premiers nombres. Cela
signifie qu’il doit connaître imperturbablement la suite naturelle des nombres, qu’il soit
capable de les compter par un, deux et cinq en montant et en descendant, qu’if sache
les écrire en chiffres et en lettres, en représenter des collections déterminées, qu’il ait la
notion d’entier cardinal, celle d’entier ordinal, qu'il sache opérer sur ies dits nombres.
Cela signifie la connaissance des mots et des symboles qui expriment les nombres, de
la dizaine, du zéro, de la convention décimale, du sens des quatre opérations, des
combinaisons possibles entre les nombres, etc...
d) PRINCIPES GÉNÉRAUX D’ACTION PÉDAGOGIQUE:
Le chapitre précédant fait prendre conscience des difficultés qu’éprouvent, d’abord,
l’enfant de six ans, puis le Maître pour acquérir et inculquer cette infinité de notions.
Aussi importe-t-il d'aller pas à pas, lentement, prudemment, s’arrêter, puis,
recommencer, chaque fois qu’un obstacle se présente. Il faut faire confiance à l’enfant,
adresser un appel constant à sa mémoire, sa réflexion et son intelligence active. De
notre côté, il faut réfléchir sur les difficultés, pas du tout apparentes, qu’éprouve l’enfant
à ré- dre ce que nous comprenons, nous-mêmes, avec aisance. Même à ce s. u
26
apprendre, c’est comprendre. L’intelligence enfantine ne peut s’épanouir que si nous lui
donnons toujours la possibilité de s’exercer totalement.

III. COMMENT VAINCRE LES DIFFICULTÉS :


Le Maître habile et intelligent, parvient à vaincre les difficultés que présente
l'enseignement du calcul au niveau du Cours préparatoire. Il est aidé par 'les Instructions
officielles qui prescrivent:
a) L’apprentissage des nombres du Cours préparatoire doit se faire par «
l'observation de collections d’objets simples ou usuels maniés ou dessinés ».
b) Pour avoir véritablement la notion d'un nombre, il faut pouvoir, le reconnaître sous
ses aspects divers : connaître son nom, sa figure, sa constitution. Six est le plus gros
point d’un domino ; c’est aussi un doigt que l’on ajoute aux cinq d’une main ; c'est le
nombre de sabots dans trois paires ; c’est 4 + 2 ; c'est 2 fois 3, etc.
De plus, sachant bien que l’enfant de cet âge ne peut accéder à l'abstrait, il se servira
toujours de groupements d'objets concrets, généralisera longuement les notions
opérationnelles avant d'en arriver à l'expression abstraite. Ex : 5 billes + 1 bille = 6 billes
; 5 bû. + 1 bû. = 6 bû. ; 5r + 1 r = 6 r; 5 F + 1 F; = 6 F ; 5 él. + 1 él. = 6 él., et, enfin, (5 +
1 = 6).
Chaque opération sera réalisée par la manipulation d'objets, puis, représentée
graphiquement par des symboles connus de l’enfant. Ce qui fait aller de paires
manipulations avec expressions orale et écrite. Au Cours préparatoire, la manipulation a
valeur de raisonnement Ex : (00000000 — 000 = 0 ; (8 bil. moins 3 bil. = 5 billes), ce qui,
en somme, correspondra, plus tard, à la soustraction abstraite : 8 — 3 = 5.
Enfin, répéter, multiplier, les exercices de manière à accorder une place
prépondérante à l'action chez l’enfant et procéder par étape, progresser lentement, mais
sûrement.
SUJET N° 10

Exposez rapidement les caractères essentiels que doit revêtir la leçon de


calcul au Cours Moyen. Présentez la fiche de la première leçon sur les
fractions au Cours Moyen.

I. UNE MANIÈRE, ENTRE MILLE, DE CONCEVOIR LE DEVOIR :


ESPRIT DE L’ENSEIGNEMENT DU CALCUL AU COURS MOYEN :
Alors que le programme du Cours Elémentaire s'attache surtout à la Structure des
nombres entiers et aux relations opératoires fondamentales, celui du Cours Moyen en
diffère par deux caractères essentiels :
a) Il est la suite logique des études qui l'ont précédé, mais, se propose de faire
acquérir à l'enfant des notions et mécanismes nouveaux (étude des nombres plus
grands que 10.000, nombres décimaux et complexes, fractions, opérations sur les
nombres décimaux, pourcentage, règle de trois, volume, poids, le système métrique en
entier).
b) Il aborde les notions nouvelles dans la perspective de faire accéder l’enfant aux
véritables spéculations mathématiques. C’est pour cette raison qu'il fait une place
importante aux relations et un appel plus constant et plus systématique à l’abstraction et
au raisonnement!
II. CARACTÈRES ESSENTIELS DE LA LEÇON DE CALCUL AU COURS MOYEN :
A) Ce qui précède pourrait laisser croire qu'au Cours Moyen, cet enseignement se
dispense de faire appel au concret. C'est le contraire. Le concret reste le caractère
principal de la leçon du calcul au Cours Moyen parce qu'il est :
- la source indispensable permettant à l'esprit de construire les relations abstraites, de
raisonner économiquement et d'établir de façon rapide et durable des résultats.
— le point d'aboutissement qui fournit la preuve de la vérité et de l'efficacité des
spéculations intelligentes.
C’est à partir du réel qu’il faut élaborer les concepts que les définitions créent, qu’un
langage et une symbolique spéciale expriment. Les relations ainsi établies, se traduisent
par des formules qui n'ont de valeur que si on en comprend la genèse et si l'on est
capable, à chaque instant, de replacer sous les symboles utilisés, les notions concrètes
qu'ils représentent. Seul, le concret permet d'y parvenir. Ex : comment un Maitre peut-il
donner è ses élèves une idée générale des fractions s'il ne se sert d'une pomme, d’un
gâteau, d'une feuille
28 de papier qu'il partage, puis, fait partager en un nombre de parties
égales ?
Les Instructions officielles précisent comme méthode d’enseignement la
géométrie. « Les notions seront enseignées par tracés et pliages. Elles doivent être
comprises comme des exercices d’observation et de leçons de choses en même
temps qu’un apprentissage du dessin, et du travail manuel. Il s’agit d’un
enseignement concret à l’échelle de l'enfant, fondé par l’observation active, dirigée et
interprétée et conduisant l’enfant à la découverte et à l’expression des propriétés
essentielles et caractéristiques de quelques représentations simples de l'espace.
B) LA LEÇON, QU’ELLE SOIT d’arithmétique, de système métrique ou de
géométrie, doit offrir un caractère pratique. Les expressions : calcul mental et rapide,
problèmes usuels, le signifient bien. Il importe que les élèves soient familiarisés avec
l’emploi de procédés rapides soit, pour 'le calcul mental,’ soit pour le calcul écrit. Les
problèmes doivent porter sur les sujets les plus usuels et une large place est faite aux
exercices d'application.
Il s’en suit que la place réservée à la théorie est faible. A l'Ecole Primaire, pas de
place à la théorie pour la théorie. II serait cependant, imprudent de l’en bannir
entièrement. Il existe une théorie utile : celle qui fournit le pourquoi des opérations et
des procédés, qui empêche le calcul pratiqué par l'enfant d'être machinal. Exemple :
Pourquoi les derniers chiffres de droite des produits, partiels de la multiplication se
placent en escalier? Pourquoi les unités du produit sont de même nature que le
multiplicande ?
Ces explications théoriques sont absolument nécessaires. Si on les supprime,
l’enseignement du calcul devient empirique et routinier. En calcul, plus qu’ailleurs,
comprendre, d’abord. Ce qui a été bien compris s'apprend aisément et se retient
facilement. La bonne méthode consiste à ne pas faire apprendre au départ les
définitions et les règles. Il faut lui apprendre à s’exercer, plutôt pour les opérations, lui
montrer à manipuler les choses d’abord, et les mots viendront ensuite.
EN SYSTÈME MÉTRIQUE,
L’Enseignement ne doit pas être coupé de la réalité et de la vie. Apprendre aux
enfants à se familiariser avec les instruments de mesure et les utiliser bien. Toute leçon
comporte obligatoirement des exercices pratiques, réels et motivés. On mesure les
dimensions d'une cour parce qu on veut en connaître le périmètre ou la surface.
Toujours choisir une unité de mesure utilisée : les distances sur routes s'expriment en
kilomètres, la longueur du pas en centimètres, la capacité d’un flacon en centilitres, des
lots de planches en bois en mètres cubes.
De plus, avant la mesure précise, habituer l’élève à évaluer à l’œil une longueur, une
distance, une capacité, un poids.

III. CARACTÈRE EXPÉRIMENTAL ET ACTIF :


L’Enseignement rationnel ne procède pas par affirmations, mais, pas des observations
dirigées et interprétées ; constatations faites sur des figures exactes et rigoureusement
mesurées (surtout en géométrie, et système métrique). Le Maître montre et ne
29
démontre pas.

IV. ENFIN L'ENSEIGNEMENT DU CALCUL ;


Doit avoir un caractère :
a) D’Utilité pratique et éducatif, (développement des facultés de l'esprit : réflexion,
raisonnement, discipline de l’esprit, volonté).
b) RATIONNEL, il ne procède pas par affirmations mais, indique le pourquoi des
opérations étudiées et à faire, fait appel à l’intelligence, bannit l'empirisme et la routine.
Les problèmes exigent de l'élève une discipline salutaire de l'esprit.

30
SUJET N° 11
« En arithmétique deux points importants à reconnaître quelles opérations on doit
faire, c'est-à-dire, bien comprendre les définitions, puis, savoir faire correctement les
opérations. Le premier point est affaire d'intelligence, le second, de routine, ou pour
parler mieux d'habitude. » Commentez cette pensée de J. TGnnery et illustrez-là à
l'aide d'exemples empruntés aux programmes de calcul du cours préparatoire et
du cours élémentaire.
(C.A.P. Martinique, Session Octobre de 1966).

I. UNE MANIÈRE D'INTRODUIRE:

Au niveau primaire élémentaire, l’enseignement de l’arithmétique a un but éducatif et


pratique. Educatif, parce qu’il met en branle toutes les forces de l’esprit logique et, par la
même, le forme. Pratique, en raison de son utilisation dans la vie courante.
En un mot, l’enseignement de l’arithmétique bien conçu doit doter l'esprit de l’élève
des pouvoirs nécessaires à la conduite d’un raisonnement souple et correct et aussi des
techniques sans lesquelles le raisonnement n’aboutit pas au résultat visé. Aussi ne
s’étonne-t-on point d’entendre J. Tannery déclarer : « En arithmétique, deux points
importent... pour parler mieux d’habitude ».

II. EXPLICATION DE LA PENSÉE :


Selon Tannery, deux objectifs essentiels sont à atteindre, en même temps, en
arithmétique : le sens des opérations, d’une part, la technique opératoire, de l’autre.
Déjà les Instructions officielles qui accompagnent le programme du cours
préparatoire, attirent l’attention du maître sur ces deux prescriptions fondamentales. La
première est d’ordre purement intellectuel et relative au sens des opérations, c’est-à-
dire, à la « valeur significative et expressive qu’elles possèdent et qu’il faut bien
connaître pour traduire des situations données à l’aide du langage numérique
symbolique ».
La seconde qui relève de la technique, porte sur le mécanisme des opérations. Une
opération est à faire. Il faut savoir la poser et opérer, c est-a-dire, combiner les nombres
selon des règles précises afin de trouver le résultat qu’il faut. Ces deux prescriptions
sont complémentaires. Il ne suffit pas de savoir additionner, soustraire, multiplier ou
diviser, il faut, par-dessus tout, savoir quand on doit avoir recours à l’une ou l’autre
opération de l’arithmétique n’est parfaitement à la disposition de l’élève que si ces deux
exigences qui la concernent sont satisfaites.
C’est bien l’intelligence qui commande le sens des opérations. Un énoncé
31
arithmétique est fourni à l'élève. La première démarche de son esprit consiste à
réfléchir et à bien en comprendre ses données afin de pouvoir les traduire en langage
symbolique arithmétique. Ce travail intellectuel est Indispensable et, une fois fait, il ne
resta plus qu’à mettre en œuvre les techniques opératoires connues qui donnent le
résultat cherché. Ce dernier s'atteint par l'acquisition du mécanisme sûr, un
entraînement méthodique, progressif et rationnel, finissant par devenir une routine
féconde, une saine habitude d'esprit.

III. COMMENTAIRE DE LA PENSÉE ET EXEMPLES :


C'est dès le début, qu'il faut initier l'enfant à cette double exigence de
l’enseignement de l’arithmétique. Ces deux éducations doivent être menées
parallèlement.
A) RECONNAITRE QUELLES OPÉRATIONS FAIRE:
Au cours préparatoire, on donne le sens des .opérations au moyen de petits
problèmes très simples et concrets qui imposent à l’enfant un effort d’interprétation et
de traduction en symboles numériques et opératoires. On commence par des énoncés,
fort accessibles à l'esprit enfantin de 6 à 7 ans, où les actions sont présentées par des
termes et selon un ordre qui impose directement l'opération à faire. L'élève apprend
ainsi que les verbes : ajouter, augmenter, réunir, mélanger, allonger et les mots : total,
tout, somme traduisent une addition. De même les mots : retrancher, enlever, ôter,
retirer, impliquent une différence et entraînent à faire une soustraction. Ce vocabulaire
arithmétique s'enseigne tout au long des leçons de calcul.
Exemple au cours préparatoire : Jean a 24 billes, il joue et en gagné 16. Combien
de billes a-t-il en tout? Paul a 38 francs, il en dépense 23. Quelle somme lui reste-t-il ?
Au cours élémentaire ces données se compliquent légèrement mais toujours dans le
cadre des programmes officiels.
Lorsque les élèves comprennent bien le sens des opérations dans ces cas simples,
on passe à des énoncés se compliquant progressivement. C'est l’intelligence de l'élève
qui entre en jeu pour comprendre le sens des opérations discerner et choisir l'opération
à faire.
B) SAVOIR FAIRE CORRECTEMENT LES OPERATIONS :
Ici, il s'agit de faire acquérir par l'enfant des habitudes fondamentales. Au niveau du
cours préparatoire, le mécanisme opératoire, c'est-à-dire, la disposition matérielle de
l'opération ainsi que le déroulement logique des réflexes, des raisonnements et des
gestes doit être le décalque fidèle de l'opération réalisée manuellement et constatée
expérimentalement. L'opération écrite et son déroulement, reproduisent l'opération
concrète qui en est la justification et, en quelque sorte, la démonstration. Une
progression logique est à respecter dans cette initiation. Le mécanisme est fort
important, car, l’enfant doit parvenir à calculer vite et juste. Cette aisance s'acquiert
uniquement par l'entraînement et l’habitude. C’est pourquoi, il faut multiplier les
32
exercices de résolution normale et ordonnée des opérations à effectuer et, surtout, que
les calculs soient refaits jusqu’à ce qu'ils soient exacts.
« Dans tout métier, il y a des gestes qu’il faut apprendre à faire automatiquement et
qu’il faut répéter des milliers de fois avant de les bien faire. » Lorsque le mécanisme de
l'opération est intimement connu, ¡1 devient presque transparent à l’intelligence de
l’enfant et comme familier au point, que s’il se trompe, il est capable de retrouver sa
faute et la réparer par ses propres moyens ».
En réalité, la pensée de Tannery garde le mérite de signaler l'esprit dans lequel
l’arithmétique doit être enseignée à l'école primaire.
Il ne faut pas se borner à monter des mécanismes, à faire apprendre des tables et
des règles, à faire exécuter fastidieusement des opérations, de plus en plus
compliquées, sous prétexte d’aboutir à un montage précis de réflexes de plus en plus
rapides.
Ce serait aussi erreur de négliger les mécanismes sous prétexte de « promouvoir un
enseignement de culture désintéressée » et de développer les facultés de l’enfant. «
L'intelligence et la réflexion ne peuvent s’exercer que sur une matière mise à leur
disposition par une mémoire fidèle », dit un philosophe contemporain.
Toute leçon d'arithmétique doit mettre en jeu l’observation, la réflexion et
l’intelligence de l’enfant, en même temps qu’elle fait aux mécanismes et aux
automatismes indispensables, la part susceptible d’assurer à cet enseignement son
efficacité totale. C’est pourquoi le maître doit entraîner ses élèves, à la fois, à la
compréhension du sens des quatre opérations et à la résolution rapide et correcte de
ces opérations.

33
SUJET N° 12
Après avoir montré les avantages que l'on peut tirer de l'enseignement du calcul
pour la discipline de l'esprit, vous essaierez de justifier pourquoi les maîtres de
l'École primaire considèrent les problèmes comme la clé de voûte de
l'enseignement de l'arithmétique.

I. AVANTAGES DU CALCUL POUR LA DISCIPLINE DE L'ESPRIT :


L’enseignement du calcul contribue puissamment à la formation de l’esprit. Il
développe au plus haut point :
a) L’observation : Elle doit tenir la plus large place dans l’enseigne ment de
l’arithmétique, du système métrique et de la géométrie à l’Ecole primaire.
« Partout, l’opération manuelle... c’est sur des faits qu’il faut appuyer et, c’est à des
faits qu’il faut appliquer les calculs et les idées. »
b) Le calcul exige une attention soutenue. L’écolier distrait qui cherche la solution
d’un problème ou exécute une opération, ne sait bientôt plus où ii en est et se voit dans
l’obligation de tout recommencer.
c) La réflexion : Sans elle, l’élève serait Incapable de résoudre un problème, de
déterminer la nature' des opérations qui lui permettront de répondre à telle ou telle
question.
d) Le calcul apprend à raisonner. Il faut analyser un problème pour en distinguer les
différentes parties et le lien qui les unit, parfois, pour trouver un moyen terme, absent de
l’énoncé, indispensable à la découverte de la solution.
e) L’imagination : elle aussi, intervient, comme elle le fait par ailleurs, pour certaines
constructions géométriques.
L’élève doit avancer prudemment, enchaîner les idées, vérifier, juger, conclure.
f) Le calcul exerce aussi là mémoire pour l’étude des tables, des formules, des
règles, Indispensables au calcul des périmètres, des surfaces et des volumes.
g) Le calcul mental, en particulier, a d’heureux effets sur l’esprit. Il requiert et
développe l'activité de l'esprit. Il lui confère des habitudes d'analyse, de décomposition
ainsi que la mémoire des nombres. Il excite l'émulation, stimule les intelligences un peu
lentes et inversement, prémunit les esprits irréfléchis montrant trop de précipitation.
h) Le calcul contribue aussi à la formation de la volonté. On y retrouve un effort pour
comprendre et pour résoudre le problème proposé, la Joie de !a difficulté vaincue qui
renforce le goût de l’effort de la persévérance.
Bref, en exigeant
34
l'intervention constante de l'intelligence et de la volonté, aussi que
du bon sens, les exercices de calcul ont une valeur intellectuelle indiscutable.
II. LE PROBLÈME, LA CLÉ DE VOUTE DE L'ENSEIGNEMENT DE
L'ARITHMÉTIQUE :
Cette constatation a été formulée par deux Inspecteurs généraux Marijon et Leconte,
dans leur rapport sur les Conférences pédagogiques de 1928. Deux raisons, semble-t-il,
y ont contribué: les problèmes tiennent une grande place dans les examens et ils ont
une évidente valeur éducative.
Dans presque tous les examens ¡es problèmes ont une place de choix. A l’entrée en
6°, au C.R.E.M. ; ils sont corrigés sur 60 ; ils sont affectés du coefficient 2 au C.E.P. et
au B.E. Une raison suffisante pour qu’ils soient à l’honneur.
La valeur éducative des problèmes suffit à justifier l’attitude des maîtres leur
accordant une place honorable.
Un problème se termine toujours par une ou des questions il faut que l’élève
commence par comprendre son énoncé pour résoudre le problème. Cette
compréhension exige une lecture attentive de l’énoncé une connaissance suffisante de
la langue courante, la possession d’un certain vocabulaire technique, une imagination
susceptible de faire vivre mentalement les données du texte, une intelligence apte à
assurer la compréhension exacte de cette situation précise.
L’effort n’est pas moins rude pour la découverte de la solution et le sens des
opérations à effectuer. Le mathématicien J. Tannery ne dit-il pas : « Reconnaître les
opérations à faire est le premier point qui importe ». Sans lé raisonnement, comment
saisir l’enchaînement des faits et émettre les déductions qui s’imposent?
Enfin, le travail le plus sérieux consiste dans la rédaction de la solution et la
recherche des résultats.
Le libellé des lignes de solution contraint l’enfant à mettre en branle ses ressources
en français. Pour les résultats, c’est surtout une question technique : la pratique, le
mécanisme des opérations, la connaissance imperturbable des tables, les preuves et
vérifications...
En réalité, c’est surtout l’énorme valeur éducative des problèmes qui explique qu’ils
constituent la clé de voûte de l’enseignement de l’arithmétique et qu’ils tiennent la place
d’honneur à l’école primaire.

35
SUJET N° 13
« L'enseignement de la géométrie dans les classes élémentaires ne doit-être
qu'une leçon de choses appliquée, comme toutes les autres, à des objets concrets
mais, à des objets de formes régulières et mesurables. »
En vous pénétrant de cette recommandation, présentez une leçon de géométrie destinée
à des élèves au Cours moyen.

I. EXPLICATION SOMMAIRE :
A l'école primaire l'enseignement de la géométrie se signale par sa modestie et son
caractère pratique. Peu de notions à enseigner mais, ne jamais manquer de les lier au
système métrique d’une part, au dessin, de l'autre.
La méthode à suivre pour cet enseignement s'inspire de celle des leçons de choses.
Elle se résume à éviter l’abus de termes techniques et de ne pas fournir des
définitions trop abstraites. Mieux vaut mettre sous les yeux des enfants des figures
géométriques simples en carton, en papier, en bois ou en métal ; les faire manier,
examiner et expérimenter. Le maître se gardera aussi de procéder à de savantes
démonstrations. Il montre et ne démontre pas, dit-on. Comme le dit si bien P.
Leyssenne, cet enseignement ne doit cesser de demeurer « qu’une leçon de choses
appliquée à des objets de formes régulières et mesurables ».

II. S'INSPIRANT DE CETTE RECOMMANDATION COMMENT PRÉSENTER UNE


LEÇON SUR LE CARRE destinée à des élèves du cours moyen deuxième année?
La fiche devra comporter :
a) La progression, c’est-à-dire, le contexte dans lequel la leçon s’insère, autrement
dit, ce que les enfants savent déjà, ainsi que ce que l’on se propose de leur enseigner
au cours de la leçon.
b) Le but précis de la leçon : présentation du carré, calcul de son périmètre et de son
côté.
c) Si besoin est, en tête, une courte phrase caractéristique des I.O., choisir celle qui,
au gré du maître, résume l’essentiel de l’enseignement géométrique.
d) L’indication du matériel : a) collectif, b) individuel, nécessaires à la leçon.
e) Le plan, situant de façon précise les étapes principales, les idées secondaires de la
leçon, les formules essentielles à retenir.
f) En outre, 36et c'est l'essentiel, les schémas, les figures, les procédés, les artifices
imaginés, le cheminement choisi pour bien faire comprendre, en exerçant l’esprit, la
mémoire et l’attention de l’élève.
g) Enfin l’indication des exercices oraux et écrits qui confirmeront ¡’acquisition de ces
connaissances nouvelles par l’élève.
L’essentiel peut se résumer schématiquement : Que sait l’enfant ? A quoi doit-il
s’exercer? Que doit-il retenir?
A)QUE SAIT-IL?
a) Il a déjà étudié le rectangle et peut-être son périmètre. Il a la notion d’angles droits,
de côtés parallèles, de quadrilatère, de côtes égaux. Il sait construire un angle droit, un
rectangle, par conséquent, manier un compas, une équerre, un rapporteur.
b) Matériel collectif : grand carré en carton ou bristol de dimensions déterminées ou
précises, ficelle, règle, doublé décimètre, équerres, compas; craies blanche et de
couleurs.
c) Matériel individuel : Chaque élève dispose de feuilles de papier, un morceau de
bristol, d’équerre, de crayon, d’une ficelle, de règle, de double décimètre.
B) A QUOI DOIT-IL S’EXERCER SOUS LA CONDUITE DE SON MAITRE*?
A reconnaître, à définir le carré, en mettant en évidence ses propriétés essentielles. Il
doit situer ou caractériser, lui-même sommets, côtés, leur équivalence, angles droits,...
Il devra manipuler et reconnaître les propriétés essentielles des éléments du carré:
côtés, • diagonales, médianes par pliage, mesure et constructions.
C) QUE DOIT-IL RETENIR?
1) Présentation du carré : Ses particularités : quadrilatère, côtés, sommets, angle?
droits. Comment le reconnaître et le construire. Instruments à employer : comment
comparer avec le rectangle, comment s’en servir.
2) Les éléments du carré : Diagonales, médianes, leurs caractéristiques
essentielles, leur égalité, elles se coupent en leur milieu et à angles droits.
Comparaison des éléments entre eux et avec ceux du rectangle. Différences.
3) Périmètre du carré : Méthode pour le déterminer, énoncé de la formule,
exercices de contrôle oraux et écrits.
4) Calcul du côte : Se déduit de la formule précédente.
5) Exercices oraux et écrits à proposer : Voir le livre de l’élève et les
exercices complémentaires figurant au livre du maître.

37
SUJET N° 14
Précisez l'utilité et l'intérêt du calcul mental à l'école primaire.
Quelle place il faut lui faire?
Quel procédé employer pour cet enseignement ?
Présentez la fiche d'une leçon de calcul mental dans une classe de votre choix.

I. UTILITÉ ET INTÉRÊT DU CALCUL MENTAL I


Il Importe d’abord de distinguer calcul mental de calcul oral. Alain appelle le premier
« calcul royal ».
Le calcul mental a une utilité pratique considérable. Il permet de résoudre
rapidement un grand nombre de problèmes faciles qui se posent à chaque instant dans
la vie courante.
Il fait économiser du temps, parce qu’il conduit au résultat, beaucoup plus vite que
ne le ferait le calcul' écrit. Il demeure une excellente préparation au calcul écrit et une
vraie formation pour la vie pratique.
Il est éducatif parce qu’il constitue une excellente gymnastique intellectuelle. Il
confère souplesse et dextérité à l’esprit. Il habitue l’enfant à fixer son attention, l’exerce
à la réflexion, développe la mémoire des nombres.
De plus, il excite, à un haut degré, l’émulation des élèves.
Il tend à rendre vivant l’enseignement dispensé.
Il développe l’esprit critique ainsi que la rapidité des réflexes. R. Taton dit qu’il donne
à l’élève « des habitudes d’ordre, de réflexion, de logique, de sens concret, de prudence
».
L’adulte qui exerce sa profession ainsi que l’enfant qui fait des commissions à
l’épicerie ont constamment besoin d’effectuer mentalement des opérations simples.
L’intérêt du calcul mental dérive de son utilité. R. Taton en précise l’intérêt réel. «
L’intérêt du calcul mental est de donner à l’enfant un moyen autonome de calcul qui ne
le laisse pas désarmé devant les calculs numériques simples qui se poseront à lui dans
l’existence ».

II. QUELLE PLACE LUI FAIRE A L'ÉCOLE PRIMAIRE ?


Il doit figurer à l’emploi du temps pour chacun des cours de l’école primaire. Il a sa
place à côté de la leçon de calcul écrit, qu’il précède généralement. Les I.O.
recommandent38: «Aucune classe d’arithmétique ne devrait s’écouler sans que des
exercices de calcul mental aient été proposés aux élèves de l’Ecole primaire».
Dans presque toutes nos classes primaires, 10 minutes au C.P. et C.E. et 15 minutes
aux C.M. et F.E. sont consacrées au calcul mental, avant (es leçons d’arithmétique et
même de système métrique ou de géométrie.
Il Importe que le calcul mental soit enseigné de manière suivie, méthodique et
graduée dans chacun des cours primaires. Une progression s’impose. Il est enseigné
sous forme de leçons spéciales suivies d’interrogations de contrôle. Il comprend,-en
outre, au cours de la résolution ou de la correction des problèmes écrits, l’application
des principes étudiés, des opérations ou simplifications à faire mentalement.

III. PROCÉDÉS EMPLOYÉS :


Les procédés employés pour le calcul mental différent selon qu'il s’agi» d’enseigner
(faire une leçon) ou de contrôler (s'assurer que les élèves ont compris la leçon faite).
A) PROCEDES D'ENSEIGNEMENT:
Toute leçon de calcul mental doit être claire, pour qu’elle soit comprise par la classe
entière. De plus, il ne faut pas perdre de vue qu’une règle, même simple et bien
formulée confiée à la mémoire s'oublie vite. C’est pour cette raison qu’il importe de bien
faire comprendre aux élèves le pourquoi du procédé employé. Soit par exemple, à leur
apprendre à multiplier un nombre entier par 11 ou 25. (Ex. : 43 X 11 et 68 X 25).
Dans le premier cas, il suffit de multiplier 43 par 10 et ajouter 43 à 430, soit : 430 +
43 = 473. (Une autre règle plus compliquée pour les nombres de trois. chiffres peut être
aussi enseignée au niveau du C.M. 2.) Dans le second, on multiplie par 100 et on divise
par 4, soit 6.800 : 4 —
1. 700. De plus, il faut s’assurer que les explications fournies sont suivies avec fruit et
avoir la certitude, par la manière de résoudre les applications, que la leçon a été
réellement comprise.
En outre, la méthode employée doit être, avant tout, progressive et très organisée. Il
ne s'agit pas de parcourir rapidement toutes les difficultés, de découvrir toutes les
astuces. Il faut monter lentement et solidement des mécanismes sûrs et fidèles. Il faut
encore le plus souvent possible, traiter avec le concret comme on traitera avec, lui,
demain, dans la vie.
Il importe enfin, d'être très attentif à la correction immédiate et précise des erreurs et
des démarches de l'esprit qui y ont conduit.
B)PROCEDES DE CONTROLE:
a) Interrogation suivie de réponses orales : C’est le procédé ordinaire. Pour cela,
en préparant la leçon, prévoir des questions à poser sous forme de petits problèmes
concrets et usuels. Les poser à toute la classe. Interroger un élève et lui demander la
marche suivie pour arriver au résultat.
b) Interrogation suivie de réponses écrites : C’est le procédé La Martinière. Poser la
question à toute la classe, accorder un instant de réflexion, et, à un signal convenu,
tous les élèves écrivent le résultat sur leurs ardoises qu'ils lèvent. Indiquer,
39
rectifier, de suite, les résultats inexacts et faire trouver la cause de l'erreur.
Ce procédé, plus collectif, permet de“ mieux faire travailler toute la classe. Tous les
esprits se hâtent, cherchent, s’évertuent à trouver la bonne réponse. Il en résulte
émulation et vie quand on n'abuse pas trop du même procédé.
Le premier procédé exerce les élèves à parler. Le second, fait régner dans la classe
activité silencieuse et féconde, oblige tout le monde à travailler mais, se révèle un peu
raide et monotone. Ils se complètent. C’est pourquoi il importe de les alterner, et les
combiner pour que le jeune élève s’intéresse au calcul mental et qu'il ait les vertus
éducatives supérieures que lui reconnaît M. L'I.G. Leif. « Tout exercice de calcul
•mental satisfait au mieux la double exigence sans cesse rencontrée dans
l'enseignement du calcul : imposer à l’intelligence des situations et la connaissance
parfaite du sens des opérations et des relations, assurer la maîtrise des mécanismes et,
dans une certaine mesure, conférer la virtualité ».
Reprenons neuf conseils pédagogiques pratiques dont on peut s'inspirer dans les
procédés d'enseignement comme ceux de contrôle.
1) Lors de l'étude d’une règle: (Ex. pour ajouter 19, on ajoute 20 et on retranche 1);
effectuer d’abord une démonstration écrite au tableau avec la participation de la
classe entière, la règle est dégagée par un élève.
2) Faire copier ces règles sur un carnet spécial. En exiger une connaissance
imperturbable.
3) Toujours poser les applications par le procédé La Martinière et de manière concrète
(Ex. J’achète un cahier 57 centimes et un crayon 9 centimes. Combien j'ai dépensé
en tout ?)
4) Corriger un exemple avant de passer au suivant, interroger de préférence, un élève
qui s’est trompé. Au besoin, l’envoyer au tableau.
5) Suivre pour le calcul mental, la progression du calcul en général, mais, avec un
certain décalage par rapport aux acquisitions.
6) En raison de la tension d'esprit qu’elles provoquent, limiter la durée des séances (5 à
10 minutés).
7) Prévoir, de temps en temps, des séances de contrôle, où 5 exercices, par exemple,
exigeront l'application de 5 règles différentes, précédemment étudiées.
8) Encourager les élèves dans les problèmes écrits, à résoudre mentalement, toutes les
opérations simples, sans les poser.
9) Lors de la correction des problèmes, récompenser les élèves qui indiqueront un
procédé pour évaluer l’ordre de grandeur du résultat. (Les habituer à reconnaître si le
résultat trouvé est vraisemblable comme à la valeur d’une propriété, 40 m la largeur
d’une salle ou 2 800 cl la contenance d’un flacon).

40
41
SUJET N° 15
Est-il bon en composition française, de lire un développement modèle aux élèves
avant qu'ils aient commencé leur travail ?
Justifiez votre réponse et dites comment vous concevez la préparation de cet exercice.
(C.A.P. Martinique, Octobre 1966).
Une manière, entre mille, de concevoir le sujet

I. INTRODUCTION POSSIBLE :
La rédaction est, sans contredit, le plus important des exercices de l’Ecole primaire, et,
surtout, le plus difficile à réussir par les élèves.
Bien entendu, il ne saurait être question de faire composer de véritables rédactions par
les élèves du C.E., ni même du C.M.
Les premiers s'exercent à la construction de phrases, les seconds à celle du
paragraphe.
Le paragraphe est un court développement de 12 à 15 lignes groupant de façon
logique, des phrases se rapportant à un sujet déterminé.
La vraie rédaction n’apparaît que plus tard, au moment, disent « les Instructions
officielles, « où l'enfant possède un assez grand nombre d’idées, d'expressions » et
peut coordonner logiquement ses idées et ses phrases ».
Cet exercice, se révélant très difficile, il semble commode de le rendre plus aisé en
lisant un développement modèle avant que les élèves aient commencé leur travail.
Que faut-il penser d'un tel procédé ?

II. CE QU'IL FAUT PENSER DU PROCEDE?


a) QUELQUES ÉCLAIRCISSEMENTS
Il y a d’abord lieu de remarquer que le sujet proposé dit, lire et non, expliquer ou
commenter, le développement modèle.
De plus, l’expression, le développement modèle peut signifier un texte d’auteur, un très
bon devoir d’élève ancien, conservé par le maître ou rencontré dans un journal
pédagogique ou un manuel de rédactions ou encore, un sujet qu’il a traité lui-même. Il
se prétend modèle, parce qu’il concorde parfaitement avec Je sujet proposé, parce
qu’il est adapté au niveau de la classe et se signale par ses qualités de fond et de
forme.
b) QUE PEUT APPORTER LE DEVOIR MODÈLE?
Il peut fournir plusieurs éléments :
D’abord, une42
manière sinon, quasi officielle', mais réglementaire de présenter et de
traiter le devoir à faire.
Enfin, une forme qui s’impose par le choix heureux des mots, la correction et la clarté
du style.

c) QUELS ECUEILS PRÉSENTE-T-IL?


Ceux-ci ne sont que trop évidents. Il condamne les élèves à la passivité. Ils en
écoutent attentivement la lecture, sont même tentés, tous,. de prendre des notes. Ils
mettent en branle toutes les possibilités d’audition et dé mémoire afin de reproduire de
façon presque authentique le développement dont ils ont entendu la lecture.
Il les prive de leurs facultés d'invention. Il étouffe leur personnalité, les enchaîne à un
type de développement déterminé et précis.
Les Instructions officielles condamnent, d’ailleurs, cette manière de procéder.
Elles complètent : « Fournir aux enfants des idées et des expressions toutes faites,
c’est refouler leurs pensées personnelles dont nous avons le devoir de favoriser
l'éclosion i c’est stériliser leur esprit, que nous avons le devoir de féconder ».

III. COMMENT CONCEVOIR LA PRÉPARATION DE LA RÉDACTION ?


La préparation à la rédaction est en général double. Il existe une préparation
lointaine qui se fait par le vocabulaire, l’élocution, la grammaire la conjugaison,
l’orthographe et les textes lus. Les matières constituant l'enseignement du français sont
solidaires.
Il y a surtout, la préparation immédiate qui précède la rédaction. C'est elle qui nous
intéresse pour l'instant.
Rappelons que cette dernière est orale et collective et, qu’en principe, elle occupe
plus de place du début de l'année scolaire qu'à la fin.
Elle doit, d'abord, faire contracter à l'enfant l’habitude de lire attentivement le sujet.
Souvent, c’est parce que les élèves le lisent mal, qu’ils s'engagent dans une fausse
voie et s’égarent. Le texte est écrit au tableau. Les termes essentiels du sujet, les
questions posées peuvent être même soulignés en craie de couleur.
Ensuite, la classe entière explore le sujet. On en arrive alors à la chasse aux idées,
l’un des exercices les plus vivants de l’Ecole primaire, quand il est habilement conduit.
Les idées clés sont notées au tableau. Il importe de grouper celles-ci de façon
logique.

43
Puis, on passe à l’expression et l’on s'inquiète de la manière d'exprimer les idées de
chaque paragraphe.
Sans trop mâcher la besogne à l'enfant, il importe surtout de lui apprendre à
organiser sa pensée et non de se substituer à lui pour l'exprimer. En un mot, il importe
de guider l’élève, le mettre sur la voie, le laisser marcher seul, ensuite, afin qu’il puisse
faire preuve d'initiative et de personnalité.
Les I.O. éclairent l'instituteur sur la méthode à employer. « D’une manière générale,
toute méthode est mauvaise si elle n'inspire pas à l'enfant le désir de traduire ses
impressions et de chercher pour cette traduction l'expression adéquate. Toute méthode
est bonne si elle lui inspire ce double désir. Elle est parfaite si ce désir croit chez
l’écolier, jusqu'à la passion et l’enthousiasme ».
En conclusion, il ne semble point recommandé de lire aux élèves, moins encore, leur
commenter un développement modèle avant qu'ils commencent leur travail.
Ce serait enchaîner leur liberté, refouler leurs pensées personnelles, étioler leur
esprit au lieu de le féconder.

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SUJET N° 16
« Que le sujet soit libre ou non,, il conviendra d'éviter qu'une préparation collective trop
directe et trop précise, enchaîne, au moment où ils auront à le traiter, la liberté des
écoliers. »
Quelle valeur pédagogique trouvez-vous à ce passage des Instructions officielles ? A
l'aide d'un exemple, montrez comment vous vous en inspirez.

Une manière de concevoir le devoir :

I. UNE INTRODUCTION POSSIBLE :


Le sujet de rédaction étant choisi et proposé aux élèves, peut-or livrer ceux-ci à leur
inexpérience et leur demander de traiter le devoir d’eux- mêmes? Faut-il, au contraire, le
préparer, de façon assez poussée avec eux ?
Les Instructions officielles condamnent cette dernière manière da faire, puisqu’elles
recommandent d’éviter la préparation collective trop directe et trop précise qui enchaîne
la liberté des écoliers.
Quelle valeur pédagogique revêt ce conseil officiel?
II. VALEUR PEDAGOGIQUE DU PASSAGE :
Au départ, une précision s’impose. Les Instructions officielles disent bien, une
préparation, collective trop directe et trop précise et non pas, une préparation sommaire
ou cursive, dont, l’étendue et la durée se restreindraient à mesure que l’on se
rapprocherait de la fin de l’année scolaire...
La valeur pédagogique du passage réside surtout dans le souci qu’il exprime, de
sauvegarder l’initiative, la liberté de l’expression et l’éclosion de la personnalité des
écoliers. Le développement construit, doit être l’œuvre des élèves et non celle du
maître. C’est pourquoi ces mêmes Instructions officielles ajoutent :
« Le Maître s’abstiendra de tracer d’avance et avec trop de minutie le chemin à
parcourir et un plan trop détaillé qui interdiraient aux enfants de révéler toutes leurs
aptitudes et même d’exprimer leurs véritables sentiments ».
Pourtant, bien des Maîtres, consciencieux, d’ailleurs, estimant la rédaction un
exercice délicat et difficile à réussir, préparent le sujet avec leurs élèves. On en fait le
plan au tableau. Toute la classe y participe. On cherche des idées. On les classe. Puis,
on efface tout, et sitôt après, les élèves rédigent. Résultat: tous les devoirs se
ressemblent. Ajoutons, surtout, qu'une telle forme de préparation n'apprend pas aux
élèves à penser,
46 à sentir et à imaginer vraiment. C'est le maître qui pense.
La bonne variante consiste à faire de la rédaction l'exercice principal d'un centre
d'intérêt. Lectures, dictées, récitations, élocution, vocabulaire, se rapportant, pendant un
temps, à un thème déterminé. Le sujet de rédaction porte sur ce même thème. Les
matériaux abondent pour le traiter, mais, surgit le mauvais côté de l'expression basée
davantage sur la mémoire que répondant à un besoin. Là aussi on retrouve, à peu près,
des expressions ou tournures, identiques dans bon nombre de devoirs. Les pensées
semblent avoir été coulées dans le même moule.
Cependant, cette forme de préparation lointaine de là rédaction garde le mérite de
fournir de nombreuses idées aux élèves qu’il importerait de ne pas faire ressortir
immédiatement.
En fait, il ne s'agit pas de mettre dans les têtes des idées toutes faites, qui doivent
ressortir sitôt après.
Il s’agit, plutôt, de préparer les esprits pour qu’ils soient féconds, pour qu’ils
réagissent, pour que, leurs idées et leurs impressions tendent à prendre forme orale et
écrite, pour qu'ils éprouvent, le besoin de les communiquer. C’est pourquoi la
préparation à la rédaction ne peut être que générale et de longue haleine.
On ne doit pas préparer un sujet défini : mais, les élèves étant préparés sur un genre
: (description, portrait, narration, dialogue), doivent réagir d’eux-mêmes, devant tel sujet,
relevant du genre étudié.
Les moyens essentiels de la préparation sont la lecture, l’observation, l'expérience
directe individuelle et l'assimilation de l'expérience des autres.
Il faut apprendre à l’enfant à regarder et à penser ce qu’il regarde, à enrichir
constamment son expérience. On l’habituera à examiner soigneusement et
intelligemment des personnes, des animaux ou des plantes. On l’habituera à faire
réflexion sur des scènes vécues.
Au cours de promenades dirigées, on excitera sa curiosité. On s'appliquera à
éveiller, à cultiver ses intérêts, à faire naître des impressions aussi vives que possible.
C’est l’intérêt stimulé, l’impression vive qui poussent à l'expression. Il importe
d’amener l'enfant à parler souvent, le provoquer à le faire, si besoin est, le laisser se
corriger. L’élocution prépare à la rédaction, surtout, par l'habitude quelle donne et par
les inhibitions qu’elle supprime. « Apprendre à parler, comme apprendre à écrire, c’est
apprendre à penser », disent les Instructions officielles. Mais, il faut, par-dessus tout,
•apprendre à l'enfant à bien lire, et lui donner le goût de la lecture. L’enfant qui sait bien
lire, lit en dehors de la classe, des livres de la bibliothèque et des livres personnels. Plus
il lira, plus il nourrira son imagination affinera sa sensibilité, s'ouvrira au monde et à la
vie. Tous les enfants qui lisent beaucoup et intelligemment, écrivent bien. La lecture met
l’élève en état d’avoir quelque chose à dire, de réagir avec un accent personnel et de
s’extérioriser avec plaisir davantage que la préparation directe de surjets déterminés. En
un mot, la composition française s'apprend surtout par l’observation directe et par l'étude
des textes.

UN EXEMPLE: 47

Un sujet bien simple : Ce matin le facteur est en retard. Chacun s’impatiente. Enfin, il
paraît. Racontez. (Sujet du niveau C.M.2.). On pourrait aussi proposer une fête foraine,
un accident d’auto ou une visite au marché.
Pour le premier devoir, durant les deux semaines qui précèdent la rédaction du
devoir, on lit, on récite des textes se rapportant au facteur. Une leçon de vocabulaire sur
la poste, la correspondance. Une leçon d’élocution sur le sujet : Je rédige une lettre. Des
observations préalables : I® facteur, son portrait, ce qu’il fait? Comment accomplit-il son
travail?
Si on est au début de l’année :
1er soin : habituer les élèves à lire attentivement l'énoncé, à penser le sujet, à le
pénétrer, à s’y mettre.
2e soin : Les questions posées, leurs énoncés, leur ordre. Le développement à faire
doit épouser cet ordre.
3e soin : Ce qu’il faut surtout dire, sans trop détailler.
4e soin : Rédaction au brouillon, en classe. Contrôle du Maître.
Selon Blanguernon, le maître doit faire de la composition française « une excitation
de la personnalité, c’est-à-dire, de l’activité et de la sincérité enfantines. »

48
SUJET N° 17
« On ne corrige pas une copie, on l'annote, ce qui est bien différent. Ce qu'il faut
atteindre, ce n'est pas la copie, ce sont les causes mentales des fautes. »
Expliquez ce passage de J. Payot et montrez comment l'appliquer dans
l'enseignement de la composition française.

Une manière, entre mille, de concevoir le devoir :

I. EN GUISE D'INTRODUCTION :
La rédaction, une fois faite est remise au maître, celui-ci la corrige pour en rendre
compte à ses élèves bientôt...
Mais, qu'il se garde bien de biffer tout ce qui ne cadre pas avec sa manière de
concevoir le devoir, de corriger à l’encre rouge presque toutes les fautes commises par
ses élèves, bref, de recouvrir d'observations la feuille ou le cahier corrigé. Ce serait
perdre son temps. Les élèves se contenteraient de lire passivement les remarques
écrites en marge de leurs devoirs sans pour autant, déployer l'effort qu’il faudrait, afin de
ne plus commettre les mêmes fautes, lors du prochain devoir. Or, la correction demeure,
à la fois, une opération de contrôle et la préparation à la prochaine leçon de composition
française. C’est ce que met en lumière le passage de J. Payot, que nous devons
méditer.

II. EXPLICATION DU PASSAGE :


Les lignes à expliquer sont extraites de l’ouvrage de J. Payot intitulé : l’Apprentissage
de l’art d’écrire. Ce livre proposait une réforme, devenue nécessaire, dans la correction,
des exercices de composition française de l'époque. L'auteur commence par rendre
hommage aux maîtres, très consciencieux, de son temps, qui, en guise de correction
des rédactions de leurs élèves, rectifiaient scrupuleusement, toute phrase mal
construite, toute faute de langage, d'orthographe ou de grammaire, commise Par chacun
de ces derniers.
Il ajoute une expérience vécue, en tant qu'élève. Quand j'étais encore élève du Cours
moyen ou du Cours supérieur, je dois avouer que •non unique préoccupation, au
moment de la remise des devoirs corrigés était de voir la note chiffrée que j’avais
obtenue et de lire la courte appréciation dont elle était suivie. Mes camarades faisaient
de même »...
« Comment pouvions nous en tirer profit ? » 49
Il y a, en effet, une grande différence entre corriger une copie et l’annoter.
Corriger une rédaction : C’est rectifier les fautes de style, de fond, de
grammaire, d’orthographe usuelle qu’elle contient. C’est la modifier, la remanier,
la reprendre, biffer, raturer, retoucher, améliorer en redressant tous les défauts
qu’elle comporte.
Annoter une rédaction : consiste à lui mettre une noté chiffrée ou une
appréciation après l'avoir lue attentivement. C'est ajouter, en marge, des
remarques explicatives ou critiques ayant pour but de renseigner son auteur sur
les causes des fautes commises et d’attirer son attention sur la manière d'y
porter remède, à l'avenir...
Il s'en suit que le maître qui s’applique à corriger toutes les fautes de chacun
de ses élèves, fait davantage preuve de zèle que de sens pédagogique.
C'est trop demander à l'élève que d'appeler son attention sur un très grand
nombre dé points. C’est, en fait, favoriser la dispersion de son esprit. Autrement
profitable demeure le procédé du Maître qui relève sur une feuille détachée ou
un carnet, un certain nombre de phrases mal construites, d’expressions
incorrectes, de termes impropres, dé fautes de grammaire ou d’orthographe, le
tout, groupé par catégories, et qui demande à ses élèves d’y porter
collectivement, les rectifications qui s'imposent, (tableau noir)... Ceux-ci,
stimulés par lui, cherchent réfléchissent, proposent des modifications. Ils se
livrent à un ensemble d'exercices précis qui auront pour effet de les amener,
peu à peu, à exprimer correctement leurs pensées. Ur» progrès lent, mais,
continu, résultera de leurs efforts répétés. La passivité laisse inertes les corps et
les esprits. En procédant de la sorte, le maître emploie une méthode vivante,
active et fructueuse. Il déclenche l’habitude de l’effort chez ses élèves et initie
véritablement à l’art d’écrire. Ils en résultent, activité de l’esprit et progrès...
Bien à raison, Payot complète : « Toute correction qui laisse l'enfant passif,
qui tombe du haut de la chaire dans l’oreille est pratiquement inutile : C’est du
temps perdu...
Le maître s’y exténue et les élèves somnolent Or, les élèves doivent y
devenir actifs et faire tout le travail... C’est l’élève qui doit travailler, faire effort.
Le maître ne doit jamais se substituer à lui ».

III. COMMENT S'EN INSPIRER EN COMPOSITION FRANÇAISE ? :

Le passage de Payot concerne surtout l’enseignement de la composition


française à l’école
50 primaire. Le maître peut s’en inspirer judicieusement, lors de
la correction de la rédaction.
Les fautes que commettent les élèves d’une classe sont fort nombreuses. La
bonne méthode consiste à en signaler les plus importantes par des traits placés
sous les fautes et des signes conventionnels ou abréviations placés en face
d’elles et en marge de la copie. Ex: Ct = concordance des temps; Ort =
orthographe; Gr = grammaire; Inc = incorrection ; lmp = Impropre... Dès le début
de l'année, on enseigne aux élèves la signification de ce code de correction.
Au moment de la correction, les phrases à redresser, les mots à corriger sont
écrits au tableau noir, de préférence par un élève. Toute la classe participe à leur
rectification, à leur correction. Certaines de ces fautes accusent l'ignorance des
uns l'inattention des autres, un manque de réflexion de quelques uns. Il importe
aussi de rappeler les règles nécessaires et de montrer aux élèves que l’unique
moyen d’éviter ces fautes est de ne rien écrire à la hâte, et sans réflexion
préalable. Des règles, lois, formules déterminées commandent la bonne
rédaction. Toute incorrection provient d'une mauvaise habitude mentale. Il faut,
dit Payot, « amener la volonté de l'enfant à. faire des efforts pour se. corriger
d’une mauvaise habitude mentale et pour en acquérir une bonne. Ex : Voici une
phrase obscure. La classe entière la rendra claire, par retouches successives.
Ici, une expression incorrecte, on la rectifie. On en fournit même des
synonymes. Là, des répétitions dans un alinéa. Toute la classe les supprime,,
parce qu'elles sont fastidieuses. Ailleurs, le mot charrette est écrit avec un seul «
R ». Tous les élèves le corrigent, l'écrivent si besoin est, sur l’ardoise. On en
profite pour formuler que tous les mots dé la même famille s'écrivent avec 2 R,
sauf char et chariot. Ainsi, tous les élèves réfléchissent, travaillent.
La vie et l’émulation règnent dans la classe.
Enfin, le devoir ayant été remis, chaque élève est invité à corriger, lui-même,
dans la marge de droite, (celle de gauche étant réservée aux annotations du
maître),... quelques unes des fautes les plus caractéristiques qu’il a commises,
en face desquelles figure un signé spécial dont il connaît la signification; Cet
exercice individuel, très profitable, vient compléter la correction collective qui
précède. Il reste entendu que le maître contrôlera la correction de l'élève lors de
la prochaine rédaction. Toute correction faite, par l'écolier suppose une nouvelle
correction du maître, sinon, il n'en résulte aucun profit pour le premier.

IV. CONCLUSION :
Le procédé, de correction préconisé par Payot est le seul qui soit efficace,
parce qu’il joint les efforts des élèves à ceux du maître. Il permet un travail, à la
fois, collectif, et individuel, plein d'attrait et vraiment fécond.
SUJET N° 18
« On se plaint généralement de la faiblesse de nos élèves en composition
française et des difficultés particulières que présente cet enseignement. »
Faites connaître votre avis personnel sur cette question et dites par quels
exercices vous vous efforcez d'amener vos élèves à mettre de l'ordre dans leurs
pensées et à les exprimer correctement.
1. QUELQUES IDÉES SUR LE SUJET :
1) FAIBLESSE DE NOS ÉLÈVES EN COMPOSITION FRANÇAISE:
Nos élèves font des progrès sensibles en lecture et en calcul. Il n’est pas de
même en Composition française. C’est, sans contredit, la discipline où les
progrès sont plus laborieux. Parfois même, il arrive que des maîtres soient
découragés, déçus par la faiblesse de leur classe dans cette matière. Les I.O.
font la constatation. Au C.E.P.E. disent-elles, c’est « l’épreuve la plus faible ».
Pourtant, il semble qu’on exige, d’eux après 5 ou 6 années de scolarité un idéal
modeste d’apparence mais en réalité fort difficile à atteindre : « Savoir écrire
avec correction et trouver les mots propres pour exprimer leurs pensées ».
Essayons de chercher les causes de cette faiblesse car, il est plus facile dit-on,
de guérir un mal que l’on connaît bien...
a) Nos élèves qu’ils viennent des hameaux ou des villes parlent
incorrectement, sinon mal. Il faut pourtant, reconnaître que ceux des centres
urbains ont un avantage linguistique sur ceux des campagnes en raison des
milieux plus avancés dans lesquels ils ont été élevés. Avant de venir à l’Ecole les
uns et les autres ont déjà contracté de mauvaises habitudes de langage dont il
importe de les débarrasser. Tâche délicate et de longue haleine si l’on songe
comment on se débarrasse difficilement d’une vieille habitude. De plus,
l’influencé permanente de la famille où l’enfant passe presque tout son temps et
du milieu social sont de nature à contrarier les progrès en Composition française.
b) On constate dans nos Ecoles, il faut l’avouer, une prédominance
d’exercices oraux et écrits de grammaire, d’orthographe, de vocabulaire de
questionnaire dé tous genres dans lesquels la construction de la phrase est
négligée et passe au second plan (Exemples). Souvent, l’élève répond à des
questions dont la réponse est déjà déterminée par la manière même dont celles-
ci sont posées. Il s’en suit que ces exercices qui devraient contribuer vraiment à
la Composition française font plutôt connaître la grammaire ou le vocabulaire. Au
travers d’eux,52 c’est la correction de la langue française parlée et écrite qu’il faut
atteindre.
c) Les exercices oraux ou d’élocution prescrits pourtant à tous les niveaux de
l’E.P. sont rares. On les néglige parce qu’on en fait assez durant les autres
enseignements. N’oublions pas que le langage parlé doit au début précéder le
langage écrit. L’ordre normal semble : lire, penser, parler, écrire.
d) La faiblesse des élèves se manifeste tant dans la forme que dans le fond.
On déplore, à la fois, la pauvreté et l'imprécision du vocabulaire, une indigence
foncière de pensée et une maladresse indéniable à ordonner un développement.
En un mot, les élèves ne trouvent pas les termes adéquats à leurs pensées et
expriment bien souvent ce qu’ils ne pensent pas.
II. DIFFICULTÉS PARTICULIÈRES QUE PRÉSENTE L'ENSEIGNEMENT DE
LA COMPOSITION FRANÇAISE :
La Composition française revêt des difficultés, à la fois, pour maîtres et
élèves.
a) LES MAITRES !
Souvent, pour eux, dès le départ, le problème pédagogique de la rédaction se
pose mal. C’est, sans doute, à cette optique déplacée qu’il faut faire remonter les
résultats décevants qu’ils obtiennent de leurs • élèves. Il arrive aussi que certains
maîtres ajoutent, sans s’en rendre compte, au problème déjà délicat d’apprendre
à l’enfant à s’exprimer par écrit, celui de l’initiation à l’art d’écrire qui touche de
près à la production .littéraire. Ces maîtres oublient que l’on peut écrire
correctement sans être écrivain.
b) L’ÉLÈVE
Celui-ci se rend bien compte qu'à faire des opérations, qu’à s'appliquer à des
devoirs de grammaire, il apprend à calculer à réussir des dictées de règles. Rien
de tel avec la rédaction. L’enfant n'y trouve pas ce plaisir de réussir un problème
ou une dictée. C’est un exercice qui, pour lui, n'apprend rien, qui. a son but en
lui-même. Il s’agit bien d'une activité par laquelle on cherche à obtenir une
aptitude mais, une aptitude vague, difficile à déterminer et vers laquelle les
progrès sont si lents qu'on les aperçoit mal.
La première cause c'est qu’il ne s’agit pas en rédaction de retenir des faits ou
d’appliquer des règles mais, de faire œuvre personnelle: « Ce qu’on demande,
ce n’est pas plus du savoir mais, du savoir faire. C'est de bien comprendre, de
chercher des idées, de faire entre elles un choix judicieux, de les ordonner ».
En réalité ce qu’il faut obtenir c'est que l’enfant ait quelque chose à dire, et ait
l'envie de le dire.
III. COMMENT AMENER LES ÉLÈVES A METTRE DE L'ORDRE DANS
LEURS PENSÉES ?
Les l.O. précisent : « La rédaction est un exercice qui intéresse toute l’activité
de l’esprit. Toutes les facultés de l’intelligence s’y exercent ».
Elles poursuivent : « L’art d’écrire rejoint à la limite, l’art de penser ou de
sentir. Apprendre à écrire comme apprendre à parler c’est apprendre à penser ».
Elles en profitent pour introduire la méthode à employer. « D’une manière
générale toute méthode est mauvaise si elle n'inspire pas à l’enfant le désir de
traduire ses impressions et de chercher pour cette traduction l’expression
adéquate ».
Il importe, avant tout, de provoquer ces pensées, c’est-à-dire, d'entraîner
l’enfant à voir, à se souvenir, à inventer, à imaginer. Il faut en outre, lui
apprendre à ordonner ses pensées. Les pensées conçues par lui doivent se
réaliser avec ses moyens propres. Elles s'expriment dans un ordre assez logique
dont on l’amènera à comprendre la nécessité. Quand il semble mettre la charrue
devant les- bœufs, le maître doit habilement l’orienter dans la, découverte de cet
ordre de progression des idées. Il l'amènera à comprendre par ex. pourquoi dans
la description, il vaut mieux dire ce que l'on voit avant ce que l'on entend, dans le
portrait, pourquoi il est plus logique de commencer par le physique et non le
moral, dans une lettre, pourquoi l’introduction d’abord, puis, plus tard, que
commenter, discuter c’est d’abord expliquer.
Dès lors, se pose le problème de plan de la composition française. C’est par
lui que l’on ordonne ses pensées selon un ordre naturel. Habituer l’enfant à en
faire usage c’est lui conférer une méthode de travail définitive, il n’y a pas d’ordre
sans compréhension. Il faut par conséquent comprendre le sujet et, pour ce
faire, le lire attentivement. On passe ensuite, à la chasse aux idées. Chacune
d'elles se note sur le brouillon dans l’ordre où elle se présente. Le plan du devoir
attribue à chaque idée sa place exacte. Ce travail d’organisation de la pensée de
l’enfant ne dit point que l’on doive se substituer à lui pour l’exprimer. On le guide.
On le met sur la voie et on le laisse marcher seul afin qu'il fasse preuve
d’initiative et de liberté.

IV. COMMENT CONDUIRE LES ÉLÈVES A EXPRIMER CORRECTEMENT


LEURS PENSÉES ?
Les I.O. résument le but à atteindre : « On doit apprendre aux élèves à
exprimer leurs sentiments ou leurs raisonnements dans une langue simple,
dépouillée de tout ornement de mauvais goût. »
Une fois que l’on a mis l'enfant en état d'avoir quelque chose à dire, reste à
obtenir qu'il l’écrive correctement.
Ici, les exercices de lecture, de vocabulaire, de grammaire, d'élocution et
surtout de construction de phrases trouvent leur utilité véritable. Ce sont ces
dernières qui lui font acquérir le maniement aisé de la langue française. Les
progrès en rédaction dépendent toujours des progrès dans l’étude de la langue.
D'abord, que le maître parte correctement et qu’il exige que l’élève lui parle de
même. Puis, 54 qu’il apprenne à l’enfant à se corriger. A force de se corriger les
enfants finissent par éviter les fautes qui leur sont signalées, par employer les
tours corrects qui leur sont recommandés. Peu à peu, ils écrivent directement,
de façon moins fautive. Ils gagneront en aisance dans le maniement de la bonne
langue. Ils apprendront lentement à écrire correctement.
La bonne* méthode paraît la suivante :
Le maître apprend d’abord à l’enfant à se corriger. II passe entre les bancs et
intervient de façon discrète pendant que l'élève rédige. Il signale les fautes de
style, de grammaire et d’orthographe, les incorrections et impropriétés de
termes.
C'est surtout pendant le corrigé collectif que l’action du maître doit se faire
plus nette, plus marquée, qu’il pose les principes de la bonne rédaction et
marque vigoureusement les fautes à ne plus commettre. Il importe de grouper
les fautes par catégorie : constructions défectueuses, expressions incorrectes ou
impropres, fautes d'orthographe et de grammaire, par exemple.
Corriger collectivement chaque fois, des types de phrases et des types de
fautes, puisque, en une séance il est impossible de tout corriger. II semble
capital pour progresser, de cultiver chez l'élève la réaction aux fautes, le
sentiment des insuffisances, l’impression que quelque chose ne va pas. Au
travers des corrections effectuées il faut garder intact le fond de la pensée de
l’enfant. C'est ainsi qu’il en viendra à comprendre que sa pensée est bonne
mais, qu’elle était simplement mal exprimée, qu'il a du fond, qu'il lui suffit de
gagner plus de sûreté dans la forme. Il apprendra progressivement à écrire.
Tout se centre autour de la recherche de l’expression, c’est-à-dire, la façon
de conduire l'enfant à trouver le mot propre, précis, caractéristique, le terme
adéquat à l’idée .qu’il veut exprimer. Un travail incessant qui se fait en lecture,
en' récitation, en dictée, en vocabulaire. Toujours insister sur l’exacte propriété
des termes, faire intégrer ces termes dans de courtes phrases et trouver des
synonymes.
En général, les mots ne manquent pas à l'élève surtout, sî le sujet a été
abordé de façon lointaine mais, c’est son juste emploi qui complète et domine
tout le problème de l’expression correcte.

S’EXPRIMER CORRECTEMENT :
La composition française est le point d’aboutissement de tous les exercices
scolaires. Par conséquent, il n’y a pas un exercice de ce genre qui ne doive y
préparer. Un I.A. écrit : « Une bonne leçon de morale est une bonne leçon de
composition française. Une leçon de science bien faite apprend à observer et,
par conséquent, à décrire.- Traiter une question d’histoire ou de géographie avec
ordre et méthode c’est enseigner à composer. Toute interrogation est un
exercice de français si l’on sait obtenir la correction et la netteté dans
l’expression ».
Si l’on veut que l’enfant apprenne à s’exprimer correctement il faut que
l’exercice de calcul lui-même y concoure comme les autres. Il faut prendre
l’enseignement de la composition française comme centre permanent d'intérêt
quelle que soit la matière à étudier.

METHODE A APPLIQUER:
» Ne pourrait-on pas en composition française s’inspirer de la nouvelle
méthode appliquée à l’enseignement du dessin ». Aujourd’hui, le professeur de
dessin met l’enfant en présence de la réalité et lui demande de reproduire ce
qu'il voit» par ses propres moyens. L'exemple, l’entraînement, passeraient au
premier pian, la correction et la critique se feraient sobres, discrètes et
bienveillantes.

56
SUJET N° 19
« S'il est vrai que toutes les parties du français se prêtent un mutuel appui,
chacune de ces parties à sa fin propre et on ne peut les confondre sans
grands inconvénients pédagogiques. »
Montrez la justesse et l'importance de cette affirmation et donnez des exemples
de son application dans nos classes. (C.A.P. Martinique, Session d'octobre 1961)
I. INTRODUCTION :
Ce passage des I.O., relatif à la méthode d'enseignement de la langue
française traduit un double souci du législateur :
a) La nécessité de la solidarité de toutes les disciplines constituant la langue
française, afin de bien asseoir la connaissance de cette dernière.
b) Le respect de l’autonomie de chaque partie que comporte l'enseignement
du français.

II. JUSTESSE DE L'AFFIRMATION :


L’enseignement du français est le plus important de l'Ecole primaire. A part la
lecture qui, au C.P., se pratique durant dix heures, c’est la langue française qui
occupe le plus de temps dans les horaires.
Il pénètre tous les autres enseignements et leur sert de base. 11 est partout à
I école. De plus, son étude se révèle difficile et complexe.
Il est le plus important pour diverses raisons.
a) Dans l’immédiat, il permet de vérifier l'efficacité des autres parties du
français : récitation, vocabulaire, élocution, grammaire, orthographe,...
b) A l’école comme dans la vie, c’est sur la manière de parler (langage)
comme sur la façon d'écrire qu’on apprécie la culture de l’enfant d'abord, puis,
celle de l'adulte.
c) Enfin, c est savoir parler et écrire qui rend le plus de services dans
l’existence.
L’étude de la langue française se fait par la lecture, la grammaire et les
exercices s’y rattachant : dictée, conjugaison, analyse, vocabulaire, questions
relatives à l'intelligence du texte, récitation de morceaux choisis, exercices oraux
de langage, exercices écrits de construction de phrases, de comptes rendus de
lecture et de composition française.
SOLIDARITÉ DES PARTIES DU FRANÇAIS: Si l'enseignement du français
permet de vérifier l’efficacité des matières le composant, il leur est aussi
solidaire. Il existe, en effet, des liens serrés entre les différentes parties du
français.
a) LA LECTURE:

Elle est appelée connaissance instrumentale parce qu’elle permet à l’enfant


d’en conquérir d’autres. Elle lui ouvre, .comme le disent si bien les I.O., « le vaste
et riche domaine de la pensée ».

D’ailleurs, en dehors de la leçon, proprement dite, la lecture petit devenir


exercice central et servir d’appui à bon nombre d'exercices : dictées, devoirs, de
vocabulaire de grammaire, exercices de construction de phrases ou de
rédactions.

Dès lors, elle devient un exercice qui, tout en conservant son caractère et son
utilité propres se trouve solidaire des autres parties du français. Celles-ci
gravitent autour de la lecture qui crée le lien rattachant entre eux les exercices de
français. La lecture devient centre d'intérêt et moyen de faire apprendre le
français par les textes.
b) LA GRAMMAIRE:

Elle n'est pas une fin mais, un moyen. Les élèves apprennent la grammaire,
non pour en savoir les règles, mais pour parvenir à parler et à écrire le plus
correctement possible par la connaissance qu'ils en ont. Elle se propose d’initier
l'enfant à la véritable connaissance de la langue française. Les I.O. préconisent
|a méthode suivante. d’enseignement : « C'est de l’usage de l’observation de la
langue pariée d'abord, puis de la langue écrite que la grammaire extrait les
définitions et les règles pratiques dont elle a besoin.

Les 1.0. recommandent en outre : « Règles aux formules courtes, aux mots
précis que la mémoire peut facilement assimiler. Chaque règle sera
accompagnée d’un exemple qui doit en rester inséparable ». Cette solidarité
58 Elle vise
mécanique de l’exemple et de la règle est d'une utilité pratique évidente.
la correction de la langue. Elle offre aussi un grand Intérêt éducatif parce qu’elle
associe les cultures grammaticale et française. Les exercices d’application se
révèlent indispensables parce qu’ils entraînent à la connaissance de la langue.
c) DICTÉES, QUESTIONNAIRES : exercices de conjugaison, analyse,
exercices de vocabulaire (synonymes, homonymes, antonymes) Conduisent
l’enfant à réfléchir sur la langue française et aiguisent son esprit. Donc auxiliaires
précieux pour la connaissance de la langue et liés à elle.

III. AUTONOMIE DES PARTIES. - JUSTESSE ET IMPORTANCE DE


L'AFFIRMATION :

Les I.O. relatives à chaque partie de l’enseignement du français insistent pour


que le maître respecte le caractère propre de chacune d’elles.
a) « La leçon de lecture, de vocabulaire, de grammaire, doit conserver
strictement son caractère de leçon de lecture, de vocabulaire ou de grammaire
».
b) Les maîtres estiment avec raison que les heures de la lecture devraient
être consacrées à lire et non à expliquer des mots et des tournures.
c) Jamais un exercice de vocabulaire ou de grammaire ne doit se greffer
intempestivement sur la lecture.
d) La lecture est un exercice, la leçon de vocabulaire en est un autre. Il faut
séparer nettement l’exercice de la lecture de l'étude du vocabulaire comme il
faut le séparer de la leçon de grammaire.
e) Tous les exercices se prêtent un mutuel appui, mais on ne doit point les
confondre.

IV. IMPORTANCE DE CETTE AFFIRMATION :


Le législateur, tout en maintenant la solidarité indispensable des parties du
français entend conserver à chacune d'elles son autonomie. Qu’ad- vient-il d'une
leçon de lecture consacrée, non à lire, mais, à expliquer des mots ou à analyser
des mots ou des phrases ? Elle n'est plus de lecture mais, de vocabulaire ou
d'analyse. Le caractère essentiel de la leçon est perdu de vue.
La leçon de lecture sert à lire. De plus, le temps qui lui est consacré n'est pas
respecté. Sa portée dégénère et son utilité éducative diminue. Cette discipline
risque même de disparaître de l'emploi du temps. Le maître dispense alors un
enseignement boiteux, illogique, ne s'appuyant plus sur des bases normales.
Il y a un moment où le texte lu et le commentaire sur les auteurs font un :
lecture expliquée, commentaire du texte, lecture suivie et dirigée, Interprétation
de sens (domaine C.E.G.).
Les I.O. h en minimisent pas l'importance. Elles écrivent à propos de la
59
lecture, par exemple : « la leçon de lecture restera jusqu'au C.M. un exercice
pratique de lecture. Elle est faite pour lire. »
« Les remarques de grammaire de vocabulaire, indispensables ne viendront
qu’après la lecture », faisant l'objet de leçons particulières, s'appuyant sur la
lecture. On partage aisément le point de vue des I.O. de 1923 et 1938 Celle-ci
doit rester, avant tout, une leçon de lecture.
SUJET N° 20

On a pu dire que l'apprentissage de la rédaction avait plus d'un rapport


avec celui du dessin.
Qu'en pensez-vous ?
Quelles conséquences pratiques vous paraît-il possible de tirer de cette
remarque ?

RÉDACTION ET DESSIN :
A) RÉDACTION ET DESSIN CONSTITUENT DEUX MODES D’EXPRES-
SION.
Apprendre à rédiger comme à dessiner c’est apprendre à s'exprimer, à
s’affirmer. La rédaction est une forme d’expression graphique au même titre que
le dessin. La première s'effectue par l’écriture qui est un graphisme particulier,
selon la langue dans laquelle on s’exprime. Le second se présente sous forme
de traits et de couleurs. Ces deux moyens d'expression ne sont pas conférés
d’emblée à l'enfant. Ils représentent une série de conquêtes progressives. De
longues étapes sont à parcourir avant de savoir rédiger et dessiner
correctement. Ces deux enseignements exigent le choix, puis, l’interprétation
d’un sujet.
B) LES DEUX APPRENTISSAGES RÉCLAMENT UNE OBSERVATION
PRÉCISE ET MÉTHODIQUE.
Pour bien rédiger et pour bien dessiner il importe de voir de près le sujet,
l'étudier, le méditer.
En rédaction, nous demandons aux enfants d'avoir l'œil ouvert, l'oreille
tendue, l’esprit attentif. La classe, le jardin, là boutique, l'atelier voisin, la
promenade faite, les scènes vécues peuvent servir de champ d'expérience. On
lui demandera de traduire, ensuite, en phrases sincères ce qu’il a vu, entendu,
éprouvé. De même en dessin, on lui enseignera à voir juste, à observer
intelligemment, ou judicieusement et à traduire fidèlement ce qu’il a vu. C'est par
l'observation directe de la vie que se forme l'art d’écrire et de dessiner.
C) Rédaction et dessin, pour être bien faits, exigent que l’on dépasse la
culture purement sensorielle. Pour réussir les deux, il faut mettre en œuvre, non
seulement les sens de l'enfant, mais, toutes les forces vives de son esprit et de
son cœur.
60
La réalité vivante se saisit par la pensée tout entière. Les sens, par leurs
impressions propres et par les facultés auxquelles ils sont liés fournissent des
images nouvelles, rappellent, lient, combinent les anciennes. La réflexion
attentive en saisit l'essentiel, choisit les traits saillants et groupe les détails
caractéristiques. C’est tout cela que reproduit la plume ou le crayon.
D) Le dessin d’observation et le dessin d’imagination, en particulier, sont
étroitement liés à la composition française. C'est pourquoi on propose aux
élèves, quelques jours à l’avance, le texte de la rédaction et on leur demande
d’illustrer le devoir. Cette illustration les obligera à un fécond effort d'imagination,
d'observation et de composition. A l'heure de la rédaction. ils n’auront plus qu’à
rédiger correctement les idées qu'ils, auront déjà trouvées, choisies,
coordonnées. Les dessins seront collés en face ou sur la page de français. Le
dessin utilisé sous cette forme, reste un féfond exercice de préparation à la
rédaction.
E) En outre, le courant d’éducation nouvelle place à la base de
l’apprentissage des deux enseignements, la liberté de l’enfant. On estime même
qu’il faut rendre à l’élève sa liberté pour qu’il retrouve la joie d’écrire. Le dessin
reste pour l'enfant « le moyen le plus puissant, le plus original, le plus vivant, le
plus Joyeux de s’exprimer, d’extérioriser ses sentiments de traduire sa
personnalité même. »
Le dessin est, pour l’enfant, langage écrit au même titre que la rédaction.
Aussi, les Instructions officielles recommandent-elles de respecter la liberté du
sentiment et même de l'interprétation chez l'élève.
F) Enfin, la rédaction, les travaux dirigés dé français demeurent au même
titre que le dessin, instrument de recherche des aptitudes, moyens de déceler
des possibilités et dès facultés d'expression chez l’enfant.- (Il suffit, pour s’en
convaincre de relire les Instructions ministérielles du 26-10-1960, relatives au
cycle d'observation).

CONSÉQUENCES PRATIQUES A TIRER :

Des considérations précédentes, il découle:


a) Ne plus considérer le dessin comme un enseignement accessoire
mais plutôt, comme un moyen de détection des aptitudes enfantines, au
même titre que la rédaction (test du Bonhomme).
b) Mettre sur un pied d'égalité : rédaction, dessin, langage. Considérer
que pour l’enfant, ils constituent trois moyens identiques d’exprimer
librement sa personnalité.
c) Fonder ces deux enseignements sur la liberté de l’enfant (part du
Maître plutôt discrète). L’Instituteur peut 'se faire sienne, dans les deux
enseignements, cette règle formulée dans les Instructions officielles
relative au dessin. « Le bon Maître devra exciter plus que critiquer,
suggérer plus
61 que corriger, proposer plus qu'imposer ».
SUJET N° 21
« Pas de cloisons étanches entre les leçons de grammaire, de vocabulaire,
d'orthographe, de lecture, de récitation. »
Cette formule, permet-elle de résoudre les difficultés que pose l'enseignement de la
Composition française à l'École primaire ?

Une manière, entre mille, de concevoir le devoir :

I. INTRODUCTION :
Le passage à examiner est extrait du Rapport de M.M. les Inspecteurs d’Académie
sur l’enseignement du Français dans les écoles élémentaires, publié en Juin 1918.
Il précise d’abord, que l'exercice de la Composition française est le plus difficile de
tous, parce qu’il s'agit pour les élèves de « faire œuvre personnelle ». Il ajoute qu’il
demeure « source d’efforts stériles et de déceptions » pour nombre de maîtres. Il
demande ensuite, de se persuader que la Composition française est le couronnement
de tous les exercices scolaires et, par conséquent, il n’y a pas un exercice du genre qui
ne doive y préparer ». Il préconise, en outre, d’introduire entre les différents exercices de
la langue française, non un ordre apparent », mais, « une harmonie intérieure ». Pour
renforcer son point de vue, le dit rapport signale le cahier d’un élève lequel, au cours
d'une même semaine, se trouvent inscrits les exercices suivants: Lecture: le retour du
troupeau (A. Daudet), Récitation : la source (Th. Gautier), Dictée : L’Alouette (Michelet),
Composition française : Les effets de l’alcoolisme. Il se demande quel profit peut-on tirer
« de cette poussière d’exercice ».
En définitive, il recommande aux maîtres d'Ecole française un effort sans relâche
pour arriver à la coordination harmonieuse de tous les exercices de français. D'où la
consigne suprême, formulée de façon assez catégorique : « Pas de cloisons étanches...
de récitation », par l'inspecteur d'Académie du Département du Doubs.

II. CETTE FORMULE PERMET-ELLE DE RESOUDRE LES DIFFICULTÉS QUE POSE


L'ENSEIGNEMENT DE LA COMPOSITION FRANÇAISE?
A) LES DIFFICULTES DE LA COMPOSITION (CAUSES ET NATURE) :
Elles sont de divers ordres :
D’abord, en Composition française on ne réclame pas de l’élève du savoir comme
en histoire ou en science, mais, du savoir faire. On lui demande en premier lieu, de
comprendre un62 sujet, puis, de chercher, des idées, de faire entre elles un choix
judicieux, de les ordonner, enfin, de les exprimer correctement par écrit.
Cette expression correcte exige de l’élève un constant effort de réflexion,
d’observation, de fond et de forme, et, du maître, patience et persévérance.
De plus, si un grand nombre d’heures hebdomadaires sont consacrées à l’ensemble
de l’enseignement du français, bien peu, en général une ou deux sont strictement
réservées à la Composition française. Or, bien écrire exige un long apprentissage, des
exercices fréquents un entraînement intensif et un sérieux effort de pensée. Il n’y a
qu’une méthode pour y parvenir c’est de rédiger souvent et de se corriger sans cesse.
Alain dit qu’il faut du temps pour avoir une pensée à soi. IT va même jusqu’à préciser
qu'il est plus difficile de bien écrire en prose qu’en vers parce qu’on ne pense pas ce
qu’on veut, parce qu’il n’existe de règles que pour la prose. En Composition française
plus qu'ailleurs « c’est en forgeant que l'on devient forgeron ».
Ensuite, l’enseignement de la Composition française est tâche délicate, sinon
subtile, pour le maître. Il exige de lui doigté et souplesse. Il implique graduation des
exercices, progression raisonnée et condamne sans appel l’emploi de toute méthode «
trop didactique et trop scolastique, tuant la spontanéité de l’enfant ».
La règle suprême est de parvenir à combiner, à la fois, « l'esprit méthodique » et le
respect de la liberté de l’enfant qui permet de maintenir la fraîcheur de l’imagination, la
spontanéité naturelle et l’esprit d’initiative ».
Ce dosage délicat et difficile suppose, en outre, chez le maître, une culture sérieuse,
une sympathie profonde pour l’enfant, beaucoup de tact et de discrétion...
Enfin, la rédaction est un exercice dont le sens apparaît mal à l’enfant. Il se rend
bien compte qu’à faire des opérations à trouver des solutions de problèmes, à pratiquer
de la gymnastique, à s'appliquer à des devoirs de grammaire, il apprend à calculer, à
résoudre des problèmes, à augmenter l’adresse ou la souplesse de ses muscles, à
réussir l’orthographe... Rien de tel en composition française. Apparemment, cet exercice
à but direct lui semble peu de chose. Et puis, ses progrès sont si lents qu'il les aperçoit
mal...

B) DANS QUELLE MESURE LA CONSIGNE PRESCRITE RESOUD LES


DIFFICULTES SIGNALEES?
Il n’est pas de doute que la pratique des centres d'intérêt favorisent la coordination
harmonieuse de tous les exercices de français dont l'aboutissement est la Composition
française II semble judicieux par exemple que des exercices de vocabulaire, de
grammaire, d’orthographe, de lecture, de récitation soient centrés autour du thème, la
récolte. Peut-être même pourrait-on y ajouter une leçon de morale se rapportant au
travail pénible du coupeur de cannes, une de sciences sur l’étude de la dite graminée,
une de géographie sur sa production à la Martinique et aux Antilles, un problème sur la
manipulation de la canne, la mise en bouteilles du rhum ou sur la vente des sacs, un
dessin, un chant...
63
L’Inspecteur de l’Ardèche souligne qu’il « faut prendre l’enseignement de la
composition française comme centre permanent d'intérêt, quelle que soit la matière à
étudier ».
Peu après, la consigne à examiner, le même Rapport ajoute que les leçons de
grammaire de vocabulaire, d'orthographe, de lecture et de récitation se relient et se
pénètrent. Il précise : « Pas de lecture sans songer aux leçons de composition française
ou d’orthographe que vous pouvez en tirer. Pas de dictée sans envisager la nécessité
de la formation du style. Pas de grammaire ou d’analyse sans se référer aux textes
connus des enfants. Or, c’est ce qu'on oublie trop souvent. A tout prix il importe de
condamner ponctuellement la pratique de « la poussière d'exercices ».
Il faut reconnaître que l'harmonie intérieure dont parle le Rapport apporte aux élèves
du fond et de la forme : connaissance et compréhension de textes, idées fécondes,
orthographe et sens de mots, autant d'éléments nécessaires pour traiter avec aisance le
thème étudié, pour résoudre certaines difficultés relatives à la Composition française.
Mais, cela ne suffit pas en rédaction. Le problème réel de la Composition française
c’est d’obtenir que l'enfant ait quelque chose à écrire, qu’il ait l’envie de l'écrire et qu’il
l’écrive correctement. Il demeure indéniable, que pour y parvenir, .il faut l'entraîner à
voir, à se souvenir, à inventer, à imaginer, à penser et surtout à écrire. S’exprimer avec
clarté et précision est un art qui s'acquiert laborieusement. Son acquisition reste
subordonnée à l'établissement de bases solides : lecture et récitation permettant aux
élèves d'accéder au sens et au goût, des finesses littéraires, vocabulaire, orthographe,
grammaire les conduisant à la manipulation aisée des textes...
Mais, dans le domaine de la Composition française le devoir strict de l'instituteur c’est
d’apprendre à ses élèves à écrire correctement avec aisance et disant exactement ce
qu'ils veulent dire et en le présentant dans un ordre acceptable, à traduire une pensée
suivie.
II importe pour obtenir des résultats positifs d’être modestes dans nos ambitions.
D’abord, obtenir de petites phrases correctes, bien orthographiées, surmonter de façon
joyeuse la répugnance et la difficulté que l'enfant peut éprouver à le faire. Demandons
lui ensuite de courts paragraphes sur des sujets l’intéressant (départ de l’autobus,
maman fait un gâteau, la visite de la pâtisserie). Entraînons le à penser et à écrire. Les
LO. Condamnent la rédaction préparée car « fournir aux enfants des idées .et des
expressions toutes faites, c’est repousser leurs pensées personnelles dont nous avons
le devoir de favoriser l'éclosion ». Mais, on peut tolérer la préparation lointaine à la
rédaction, celle qui prépare les esprits à être féconds, à réagir, à mettre en fórme, le
moment venu, leurs idées et leurs impressions et à éprouver le besoin de les
communiquer. Les I.O. trouvent mauvaise toute méthode qui « n’inspire à l’enfant le
désir de traduire ses impressions et à chercher pour cette traduction l’expression
adéquate ». Elles précisent que l'enfant ne peut exprimer quelque chose d'intéressant
qu’à la condition d'avoir une idée à exprimer et qu'il ait à sa disposition les moyens de
l’exprimer.
Enfin, l'heure de la Composition française doit-être consacrée à « l'expression d’une
64
idée conçue par l'élève et réalisée avec ses moyens. Phrases et paragraphes écrits par
lui doivent être la traduction originale de sa pensée.»

III. CONCLUSION :
En réalité l'enseignement de la Composition française gagne en richesse et en
fécondité quand il n’existe pas de cloisons étanches entre les diverses disciplines
constituant la langue française. Mais cette formule ne permet pas de résoudre toutes les
difficultés que pose la rédaction. II existe deux moyens essentiels de préparation à la
Composition française : le goût de la lecture et l'observation directe.
Il faut en outre apprendre à l'enfant à s’exprimer correctement en l'amenant à
prendre plaisir à écrire par l’habitude régulière d’écrire correctement et de composer
convenablement.
On n’acquiert la maîtrise d’une langue que par la fréquence des exercices, l'intensité
de l'entraînement et la correction progressive des erreurs commises. A tout prix enfin, il
faut sauvegarder l’originalité propre de la Composition française, parce que les autres
exercices constituant l’étude de la langue française lui prêtent appui. Il ne faut point pour
autant les confondre. La rédaction à sa fin propre en elle-même. C’est pourquoi il
importe de lui rendre son autonomie.

65
SUJET N° 22
Un éducateur contemporain écrit : « On n'apprend pas la morale à l'enfant pour
qu'il la sache, mais, pour qu'il la pratique. »
Commentez cette pensée. Comment avez-vous cherché à l'appliquer dans votre classe ?
I. UNE MANIÈRE, ENTRE MILLE, DE TRAITER LE SUJET :
Chacune des sciences enseignées à l’Ecole primaire vise « à développer un ordre
spécial d’aptitudes et de connaissances ». Tout autre, apparaît la morale. Cette
discipline se meut dans une sphère particulière. Elle n’entend pas « faire savoir l’enfant,
mais lui fait vouloir ». Au stade primaire élémentaire, l’éducation morale ne saurait avoir
la prétention d’analyser « les raisons de l’acte moral ». Son but reste plus modeste. Elle
cherche, surtout, précisent les I.O., « à produire l’acte moral, à le répéter, à en faire une
habitude qui gouverne la vie ». L’intellectualisme pur ou abstrait n’est pas de son
domaine. Elle essaie, avant tout, de provoquer chez l’enfant, le goût, le désir de l’action,
la pratique constante du bien, la recherche d’une moralité saine. Aussi, comprend-on
qu’un pédagogue écrive : « On n’apprend pas... la pratique ».
II. EXPLICATION DE LA PENSÉE :
En la lisant, deux mots qui paraissent contradictoires, fixent notre attention : sache et
pratique. Le premier évoque l’intelligence, le savoir, la connaissance théorique ; le
second, l’action, l’habitude, la volonté.
Il semble qu’il s'agisse moins, en morale, d'inculquer des connaissances
intellectuelles à l’enfant que de créer en lui, l'habitude de pratiquer le bien. Moins
d’instruction, de savoir livresque que d’habitude, de volonté de passer à l’acte, pense-t-
on, dès lors. On ne saurait, certes, éduquer un sujet sans paroles. L’auteur de la pensée
le sait, mais, il se refuse à croire que la vraie morale est seulement dans la parole. Pour
lui, elle réside uniquement dans l'action et, c’est avant tout, par l’action, qu’il faut faire de
l’enfant un être moral. Selon lui, il ne suffit pas, en morale, d'éclairer l’esprit de l’enfant
par des mots, mais, il faut, par dessus tout, agir sur sa volonté, c'est-à-dire, le mettre en
état, de toujours rechercher, reconnaître et pratiquer le bien.
III. COMMENTAIRE:
Un philosophe moderne écrit que le but suprême de l’éducation est de « mener à
l’action morale par la triple vole de la possession de la santé physique, du
développement d'une réflexion bien orientée, de l’organisation d'un système d’habitudes
correctes ». C'est dire, par cela même, que toute éducation est, avant tout, morale, et
doit aboutir à créer chez l'enfant, dans les domaines physiques, intellectuel et moral, un
réseau d’habitudes saines et durables.
Une éducation66 morale qui ne parvient pas à doter l'enfant d’habitudes, en tous
points excellents et indispensables dans la vie de tous les jours est mal comprise et
risque de manquer, son véritable but. Ce serait jeu que d’aider l’enfant à rechercher et
reconnaître le bien. Ce qui importe, c'est de l'amener à pratiquer le bien parce que c’est
bien. Alors que l’éducation intellectuelle n’atteint, pour ainsi dire, que l’extérieur de
l’être, son intelligence, sa mémoire, son imagination, son raisonnement, son jugement,
l'éducation morale doit atteindre « ce qu'il y a de plus intérieur, de plus profondément
subjectif dans son être, c'est-à-dire, sa volonté ». La véritable morale doit conduire
l'enfant à la pratique des grandes vertus. La morale s'enseigne par la parole, mais,
cette dernière n’est que le moyen et la fin visée, la mise en application raisonnée et
consciente des dogmes enseignés.
Mais, il n'y a de moralité, « d'autant que l’homme prend possession de lui-même, de
son unité dans le présent, de sa stabilité dans la durée ».
On comprend alors pourquoi, en morale, plus qu’ailleurs, le maître doit rester le «
plus persuasif des exemples » et dispenser cet enseignement avec chaleur et
conviction. Une morale froide laisse indifférent l’enfant. Pour le pousser à l'action,
l'exhorter, il faut l'émouvoir, le faire vibrer, toucher les fibres profondes de son être.
Eclairer l'intelligence et la raison de l'enfant, agir sur son cœur, faire fléchir sa volonté
vers le bien, restent les mots d’ordre en morale. L'enfant n’aimera et ne pratiquera le
bien que lorsqu’il le connaîtra et en sentira les avantages. Le précepte proposé
s’harmonise avec la conception que ¡le législateur se fait de l’éducation morale. Il ne
considère pas la morale comme une science, mais, un art celui « d’incliner la volonté
libre, vers le bien ». Il .retrouve aussi G. Compayre qui écrit dans le même sens : « Rien
ne vous sert de nourrir l’esprit de vos élèves des plus belles maximes, si ces maximes
ne se traduisent pas par des actes ». N
La morale bien enseignée apprend à l’enfant à connaître « les principes essentiels
de la moralité humaine » et le pénètre que « l'idée doit être toujours soudée à l’acte ».

IV. COMMENT PEUT-ON L'APPLIQUER DANS UNE CLASSE?

Chacun des cours de l’Ecole primaire a un programme particulier de morale. A


l’école maternelle, il n’y a pas d'enseignement moral à proprement parler. A ce stade,
toute la vie scolaire est orientée de manière à faire contracter aux élèves d'excellentes
habitudes.
Au Cours préparatoire, le maître, par de petits récits, se borne à éveiller la
conscience de l’enfant. Au Cours élémentaire la morale conserve encore le caractère
d’entretiens familiers destinés à affermir et à étendre les bonnes habitudes acquises au
C.P. Au Cours moyen les causeries ou entretiens, tout en restant familiers,
s’accompagnent de lectures. Elles doivent conduire l'enfant à la pratique raisonnée des
principales vertus individuelles ou sociales. En Fin d'Etudes seulement, à côté de la
morale, apparaît l’initiation à la vie civique.
Dans ma classe qui est un C.P., j’ai cherché à appliquer la pensée du pédagogue...
Voici comment je procède :
67
Je pratique trois genres de morale : systématique, occasionnelle, en action.
Le premier genre se constitue d’un entretien familier d’un quart d'heure avec mes
élèves. Il débute par un récit portant plutôt sur une qualité à leur faire acquérir que sur
un défaut à éviter, qui pose un problème et sensibilise.
Celui-ci achevé, je fais un appel à l’intelligence, à la sensibilité et à la volonté des
élèves. Le premier me permet de reconstituer le récit dans ses grandes lignes. Le
second demeure pour moi la partie capitale de la leçon. Son but est d’émouvoir l’enfant,
de le faire vibrer, de toucher ses fibres les plus internes. Par l’appel à la volonté, je
conduis l’enfant dans la voie des résolutions. Je considère l’élève qui arrive au C.P.
comme ayant déjà un secret instinct du bien et du mal, de ce qu’il faut faire ou ne pas
faire. Il existe en lui des germes, naissants et fragiles, des notions fugitives et confuses,
plutôt entrevues que des idées. C’est par ces entretiens familiers, souvent répétés, que
l’on parvient à préciser, à éclairer, à fixer les notions du bien, du vrai, du beau dans la
conscience des élèves. Si la parole du maître est bien persuasive, elle entraîne l’enfant
à reconnaître le bien, à vouloir le vrai et à aimer le beau,' c'est-à-dire, à pratiquer la
morale.

68
SUJET N° 23

69
« La seule leçon de morale qui convienne à l'enfant, et, la plus importante à tout âge,
est de ne faire de mal à personne. »
Expliquez et discutez cette parole de Rousseau.

I. EXPLICATION DE LA PAROLE DE ROUSSEAU :


La lecture attentive du Livre II de l'Emile de Rousseau, fournit l'explication de sa
pensée. D'après lui, les facultés physiques, intellectuelles et morales de l'enfant ne se
développent pas ensemble. C’est pourquoi, l'éducation comporte des étages ou paliers.
De la naissance à douze ans, il ne peut être question, en tant qu’éducation, que de
développement du corps et d’exercices de sens. A ce stade l'enfant est à « un âge où le
cœur ne sent pas encore ». La période douze-quinze ans est celle où éclosent les
facultés intellectuelles. Elle correspond à l’éducation intellectuelle proprement dite. C'est
seulement au stade quinze-vingt ans que se situe l'éducation morale véritable.
Rousseau reste logique avec lui-même quand il affirme qu’avec des élèves de dix à
douze ans, moins encore avec ceux de six à onze ans, le maître ne peut aborder la
culture du cœur, c’est-à-dire, leur apprendre à faire du bien. C'est pourquoi, il préconise,
à cet âge une éducation purement négative et s’élève contre « les vertus par imitation
qui- ne sont que des vertus de singes ».
L’éducation négative sans être « totalement oisive, n’enseigne à l'enfant ni la vertu, ni
la vérité, mais prévient, garantit l'enfant contre le vice ». A cet âge, le meilleur guide
d’Emile sera sa nature. L'éducateur doit se garder de contrarier celle-ci, pour ne pas
gêner le développement de l’enfant. C'est peine perdue que d’enseigner la vertu à
l’enfant, car « dépourvu de moralité et son âme étant encore aveugle, il ne saurait rien
comprendre. Le meilleur moyen de garantir son cœur du vice et son esprit de l’erreur,
c’est de tenir son âme oisive aussi longtemps qu'il se pourra ». Inutile de prêcher des
préceptes et des vérités morales à l’enfant. Il suffit de l'entraîner vers le bien. Il
apprendra ainsi, à devenir bon, serviable, poli, respectueux...
Pour illustrer son point de vue, Rousseau prend en exemple l’aumône. C'est, dit-il,
«une action d'homme.qui connaît la valeur de ce qu'il donne et le besoin que son
semblable en a. L’enfant qui ne connaît rien de cela ne peut avoir aucun mérite à
donner: il donne sans charité, sans bienfaisance »... Un enfant, poursuit-il, « donnerait
plutôt cent louis qu'un gâteau »... La vertu ne doit pas se pratiquer par imitation.
Beaucoup de personnes ne font le bien qu'aux dépens d'autrui. Elles accomplissent des
actes dont elles ne comprennent ni le sens, ni la portée. Elles en arrivent à être
charitables sans être justes. » Rousseau, résumant son point de vue, s'écrie : « Le
précepte de faire du bien s’il n’est subordonné à celui de ne faire du70mal à personne
est dangereux, faux et contradictoire.

II. DISCUSSION :
A) La formule de Rousseau se fonde sur une erreur psychologique. Les facultés ne
se développent pas successivement. L'être humain est un. Dès sa naissance, il apparaît
tout entier, avec ses sens, son intelligence et son cœur. Pas de cloisons aussi étanches
que le pense l'auteur de l’Emile entre sensation, intellectualité et moralité...
Autrement, la vie de l'enfant comporterait trois naissances distinctes. Si l’éducateur
sait se mettre à la portée de son élève, il peut lui faire sentir, très tôt, les douceurs de la
charité ainsi que la beauté de la justice.
B) On admet volontiers avec Rousseau que l’aumône est une action d'homme. Mais
le maître averti, ne peut-il pas montrer à l’enfant la valeur de l'aumône en l’amenant à
faire un petit sacrifice pour soulager l'infortune d’un de ses camarades ? Durant la
dernière guerre on a vu des enfants d’âge scolaire se priver de goûter pour venir en
aide à des petits enfants comme eux, devenus subitement orphelins ou a des réfugiés...
N'existe-t-il pas une forme élevée d’éducation qui consiste -à proposer à l'admiration de
l’enfant des exemples de bonté, de charité, de dévouement ou d’héroïsme ? C'est peut-
être pourquoi, les I.O. recommandent au Maître de demeurer « le plus persuasif des
exemples ». Il existe une morale de l’exemple.
C) U est exact, comme le pense Rousseau que certaines personnes font le bien
sans se soucier de la justice. La littérature présente des bandits charitables comme J.
Valjean ou des vertueux gratuits. Cependant, il faut reconnaître qu’il n’y a pas de bonté
réelle sans la justice. En cela, la pensée de Rousseau contient une très grande part de
vérité. Mais le maître qui sait se prendre, arrive à montrer à l’enfant que pour être
vraiment charitable, il faut être juste, sinon, on risque de l’être à contre temps.
D) Dans sa pensée, Rousseau a en vue l’enfant et l’homme. En témoigne
l'expression « à tout âge ». Chacun connaît sa page admirable sur l’aumône : « Soyez
juste, humain bienfaisant. Ne faites pas seulement l’aumône, faites la charité. Les
œuvres de- miséricorde soulagent plus de maux que l’argent. Aimez les autres et ils
vous aimeront. Soyez leur frère et ils seront vos enfants ». On comprend dès lors, que
l'expression : la plus importante constitue une atténuation nécessaire qui ne saurait
passer inaperçue.

III. CONCLUSION :
En réalité, le précepte de Rousseau formulé de façon absolue et paradoxale est
bâti sur une erreur de psychologie, savoir, que les facultés naissent
successivement. Elle contient aussi un trait de vérité. Le seul enseignement de la
justice à l'école ne suffit pas. Il faut y joindre aussi celui de la charité. Personne
n'est bienfaisant s'il n'est juste. Ne faire du mal à personne suppose, à la fois,
justice et charité. Sa pratique, même négative, conduit à croire qu'il71 faut faire le
bien parce que c'est le bien. Il importerait pour enseigner aussi une morale
positive à l'enfant, d'ajouter à lui apprendre à faire du bien à autrui. Ce serait
ouvrir un cadre plus ample que celui préconisé par Rousseau à l'élève de l'école
primaire.
SUJET N° 24
« L'Enseignement moral est un ensemencement. »
Est-ce votre avis ? Comment le Maître doit-il se prendre pour qu'il en soit ainsi ?

I. ÉTUDE DU TERME CLE DU SUJET :


ENSEMENCEMENT : action ou manière d'ensemencer. Ensemencer : jeter la
semence sur ou dans. Ex. : ensemencer une terre, un champ. Autre sens : déposer des
microbes ou leurs spores sur ou dans un milieu de culture approprié. La semence est
une graine ou un fruit propre à la reproduction que l’on enfouit sous terre en vue de la
germination. On peut ensemencer à la volée, au semoir, en ligne... Sens figuré : on peut
aussi ensemencer des jeunes âmes. f
II. EXPLICATION :
Le mot à expliquer est de G. Compayre (1842-1913). Ancien Professeur, Recteur,
Inspecteur Général, Membre de l’institut. Il est extrait de son livre : de l’Education
intellectuelle et morale, dans lequel il étudie les conditions et moyens de l’Education
morale à l’Ecole Primaire. C’est dans le sens de l’ensemencement des jeunes âmes qu’il
faut prendre sa pensée. Dès lors, l’âme de l’enfant à moraliser devient comparable à un
champ à ensemencer. Il pense avec raison que le jeune âge et le peu de maturité de
l’intelligence des élèves de l’Ecole primaire constituent des obstacles à (’Enseignement.
Il pense au devenir moral de ces enfants. Selon lui, demander à de tels élèves la
connaissance de règles morales utiles à la vie sociale, c’est exiger d’eux « une
croissance qui serait contraire aux lois de nature ». Cependant, il croit fermement que «
si le terrain est bien labouré, si l’on y sème le bon grain, la vie sociale verra mûrir une
belle moisson d’honnêtes gens et de bons citoyens ».
Tout Enseignement est bien ensemencement car, les connaissances intellectuelles
enseignées à l’élève au stade de l’Ecole primaire ne l’instruisent pas définitivement, une
fois pour toutes, mais, le rendent seulement instruisable, c’est-à-dire, lui fournissent la
base de sa future instruction d’homme. Plus encore dans le domaine moral, les idées
qui, ‘dans ce domaine, sont cultivées à l’Ecole primaire ne s’épanouiront, ne prendront
leur expression définitive que lorsque l’enfant sera devenu un homme, qu’il évoluera
dans sa famille, dans la société dans laquelle il vivra au moment où il aura à pratiquer
(mettre en action), les règles morales apprises à l’Ecole primaire.
Les résultats de cet ensemencement dépendront de la manière d’ensemencer de
l’éducateur, des qualités des semis, de la fécondité du sol qui recevra ces semences.
Dès lors, trois questions se posent, relatives à la méthode de l'éducateur, c’est-à-dire à
l’esprit avec lequel
72 il dispense son enseignement, à la valeur et la portée des idées
morales qu’il enseigne et à la fertilité de l’esprit de l’enfant.

III. APPRÉCIATION :
Ici, se posent les conditions de la réussite de l’enseignement moral. G. Compayre les
a, lui-même, évoquées dans son livre. Citons en quelques-unes :
a) Certaines conditions matérielles ne sont pas à négliger pour assurer les progrès
de l’éducation morale. Les conditions d'hygiène sauvegardent le bien être physique de
l’enfant et soutiennent sa santé physique.
b) L’Instituteur ne doit pas avoir à diriger un trop grand nombre d’élèves, s’il veut agir
efficacement sur chacun d'eux, surveiller leur conduite, étudier leurs dispositions
individuelles pour leur donner, par la suite, des conseils appropriés à leurs divers
caractères.
c) Il faut de bons professeurs, des hommes. Le meilleur moyen de former des
hommes, c’est d'être soi-même un homme digne de ce nom. Les maîtres doivent
prendre conscience de leur responsabilité en matière d’éducation morale. Ils sont, selon
J. Macé « des faiseurs de lumières ». Les lumières qui chassent l’ignorance ne
suppriment pas toujours l’immoralité. Il faut autre chose que du savoir pour devenir un
homme de bien.
d) Un obstacle à l'Enseignement de la morale, c’est que les élèves de l’Ecole
primaire ne reçoivent pas toujours dans leurs familles la même éducation morale que
celle donnée à l’école.
e) Quand un seul Maître -dirige l’enfant au cours de toute sa scolarité (Ecole unique),
il y a plus continuité dans l’éducation morale.
f) La coopération des parents est nécessaire aux progrès moraux des élèves. Il faut
la provoquer.

IV. COMMENT SE PRENDRE? :


La méthode à adopter pour l'enseignement moral est précisée par les Instructions
officielles. Elle s’inspire surtout de l'exemple ; être soi- même convaincu de ce qu’on
enseigne : * Ce qui ne part pas du cœur ne va pas au cœur ». Créer dans sa classe un
climat moral afin d'amener les élèves à y puiser, le précepte d'une haute moralité,
précieux pour la vie en société. Cette éducation doit aboutir à produire, à répéter l’acte
moral, pour en faire « une habitude qui gouverne la vie ».
SUJET N° 24
Qu'entend-on par éducation morale ?
Précisez les limites de l'action du Maître dans ce domaine. Un enseignement occasionnel
de la morale, vous paraît- il suffisant, au niveau primaire élémentaire?

Une manière, entre mille, de concevoir le sujet :


I. QU'ENTEND-ON PAR ÉDUCATION MORALE? 73

L’élève de l’école primaire reçoit l’enseignement de la lecture, du calcul, de l’histoire,


des sciences, mais, une éducation morale.
Que peut bien signifier cette dernière expression ?
Distinguons d'abord l’éducation morale de l’enseignement de la morale. Le second a
une allure plus dogmatique. Enseigner la morale, c’est imposer une morale déterminée
comme on impose des règles grammaticales, des formules de calcul ou des dates
historiques.
Dans les petites classes, où il s’agit, en particulier, d’inculquer de bonnes habitudes,
l’éducation morale s’appuie fortement sur l'enseignement de la morale. A partir du cours
élémentaire, elle dépasse rapidement ce stade pour faire appel à la participation active
et volontaire du sujet éduqué. C’est surtout, en ce sens, qu’elle devient éducation et non
un dressage.
En définitive, l’éducation morale se propose de créer les conditions dans lesquelles
l'enfant sera amené à. choisir librement le bien. Il s’en suit que l’on passe de la conduite
imposée à la conduite justifiée, puis, à la conduite librement déterminée. C'est ce qui
explique que les Instructions officielles soulignent que « l’éducation morale n’a pas pour
but de faire savoir, mais, de faire vouloir, qu’elle cherche, avant tout, à produire l’acte
moral, à le répéter à en faire une habitude qui gouverne la vie ».

II. LES MOYENS DE CETTE ÉDUCATION ET LES LIMITES DE L'ACTION DU


MAITRE :
Pour atteindre l’idéal que vise cette éducation l’atmosphère qui règne dans la
classe reste déterminante. L’acte moral n’apparaîtra normal à l’enfant que s’il vit dans un
milieu naturellement moralisateur, sinon, il le verrait comme un exploit. Dès lors le Maître
se trouve conduit à penser à l’imprégnation morale par la création d’un climat, d’un
milieu, d un environnement moral satisfaisant.
Que dans cette classe l'élève travaille et se sente heureux d’y venir. On veillera à
ce qu’il y règne l’ordre, la propreté, la santé. Le Maître y sera souriant et ferme. Il
attachera de l’importance aux détails qui comptent et développera bonnes habitudes et
bonnes manières. C'est surtout dès le Cours préparatoire, que les bonnes habitudes
seront inculquées aux élèves. Mais l’effort du Maître s'exerce en permanence. Il n'y a
pas de crises dans là \He morale. Pour parcourir le chemin de la vie quotidienne, il faut
s’aider dé bonnes habitudes militantes. Elles s’appellent ordre, application, soin,
propreté, correction. Soyons modestes et optimistes. Pénétrons-nous qu’entretenir de
bonnes habitudes, c'est améliorer et élever l’enfant.
B) Pour construire le climat moral satisfaisant, l’exemple du Maître importe
énormément, non, ce qu’il dit, mais, ce qu’il fait, ou mieux encore j ce qu’il est. « Que
par son caractère, sa conduite, son langage le Maître soit, lui-même, le plus persuasif,
des exemples », précisent les I.O.
C) De plus, les moyens d'éducation morale dont dispose, le Maître varient avec
74
l’évolution psychologique de l’enfant. Là morale du Cours préparatoire diffère de celle
de Fin d’Etudes. La première se déduit de causeries, d’entretiens et de récits très
simples. La seconde constitue une initiation véritable à la vie civique.

D) Une exigence demeure ; c’est la conviction profonde du Maître, la chaleur qu’il


mettra dans son propos. Un Maître qui récite des préceptes, qui parle du devoir sans
conviction, sans chaleur, fait bien pis que de perdre sa peine. « Un cours de morale
régulier, mais froid, banal et sec, n'enseigne pas la morale, parce qu’il ne la fait pas
aimer » disent encore les I.O.
E) Enfin, toutes les autres disciplines Intellectuelles : chant, dessin, éducation
physique, histoire, géographie doivent avoir une valeur morale selon la manière dont
elles sont enseignées. Présenter la solution d’un problème bien rédigée, savoir faire
vite et bien, apprendre la rigueur, l’objectivité, pouvoir collaborer utilement dans une
équipe, tout cela constitue aussi l’éducation morale.
F) Malgré tout, l’influence du Maître se trouve bien limitée dans le domaine moral.
L’influence familiale, celle de la rue, des divers groupes dans lesquels s’intègre l’enfant
viennent contrebalancer son action. Oublie-t- on que l’enfant vient à l’école six heures
par jour et seulement cinq jours par semaine alors qu’il est livré à d’autres milieux dix-
huit heures par jour et sept jours par semaine ? L’action du Maître se trouve donc
limitée, de ce côté, et, de « toutes les forces susceptibles d’agir sur l’enfant, la sienne
demeure la moindre », pense Dugas.
De plus, l’enfant échappe à l’école au seuil d’un moment capital pour sa formation
morale. L’adolescence est pleine de virtualités, les meilleures comme les pires. Il serait
souhaitable que tous les enfants adolescents restent en classe. Le Maître pourrait
ainsi favoriser l'épanouissement des bonnes habitudes et empêcher que les
mauvaises ne s’affirment.
En fait, au point de vue éducation morale, notre action s’arrête au moment précis où
elle devient plus nécessaire que jamais. Cette limitation de son action demeure d'une
importance capitale.

III. UN ENSEIGNEMENT OCCASIONNEL DE LA MORALE EST-IL SUFFISANT AU


NIVEAU PRIMAIRE ELEMENTAIRE?
Dans le cadre et autour de l’Ecole primaire, les occasions pouvant donner lieu à des
leçons de morale sont fréquentes durant toute l'année scolaire : la classe, la cour de
récréation, la cantine, la rue, les faits divers, locaux, régionaux, nationaux et même
planétaires. Mais ces faits ne se présentent pas toujours identiques. Il y en a de bons et
de mauvais. Certains moralistes, positivistes pensent qu'il ne faudrait exploiter que les
premiers. Il est vrai qu'il semble préférable d’évoquer un acte de générosité ou de
maîtrise de soi, plutôt qu’un vol ou qu’une lâcheté. Le tout est de savoir si les
mauvais.es ne doivent pas aussi être exploitées.
75
Certes, l'occasion bonne ou mauvaise apporte son poids de véracité actuelle et
saisissante que ne peut contrebalancer même le récit le plus persuasif. Mais que de
domaines où ne pénétrera Jamais l’occasion I Dè3 lors, force est d’admettre déjà que la
morale occasionnelle, nécessaire, certes, reste insuffisante au regard d'une véritable
formation morale.
Le domaine de la morale est bien plus vaste. Et puis II est d’une essence supérieure
exigeant autre chose que l’exploitation traditionnelle du concret. La morale réclame une
élévation dont le secret est davantage au fond des cœurs que dans les faits divers ou
les menus incidents de la classe, de la rue ou de la presse. « Elle exige une émotion
assez forte, une certaine chaleur communicative pour devenir contagieuse », concluent
les I.O.
Enfin et surtout, lorsqu’il s’agit d’exploiter des faits répréhensibles, la morale
occasionnelle, se pratique, souvent, sous le coup de la colère, de l'indignation, qui
éloignent le Maître de la sérénité indispensable à une morale efficace. Pour conclure,
certaines vertus précieuses comme la politesse, exigent pour leur éclosion, une
continuité et une persévérance qui s’accommode mal de l'occasionnel.
C'est préciser à nouveau que la morale occasionnelle ne peut suffire au niveau
primaire élémentaire.

76
SUJET N° 26
« L'essentiel de la leçon de morale ne se donne pas pendant l'horaire qui lui
est assigné. C'est pendant tout le séjour de l'enfant à l'école, pendant les
leçons, les récréations, les rentrées et les sorties, dans la classe, dans la cour,
en promenade ou sur le terrain de jeux que la morale doit être enseignée. »
Cette conception de la morale, vous paraît-elle condamner la leçon de morale
proprement dite ? Quelle place faites-vous à l'une et à l'autre dans votre classe ?

I. INTRODUCTION :
A l’école primaire, l’enseignement de la morale diffère des autres. A part qu’il se meut
dans une tout autre sphère, il ennoblit tous les enseignements de l’école, fait vouloir et
non savoir, émeut plus qu’il ne démontre.
Il est d’ailleurs presque le seul à se donner sous des formes variées et multiples :
directe et systématique, indirecte et diffuse, pratique et occasionnelles. Tout laisse croire
que ces deux dernières formes sont les plus importantes puisque un propos signale que
c’est par elles que se donne l’essentiel de la leçon de morale et non pendant l’horaire qui
lui est assigné.
II. QUE PEUT APPORTER LA LEÇON DE MORALE PROPREMENT DITE ?
Dans les classes primaires, la morale fait l’objet d’une leçon journalière qui, d’ordinaire,
se situe au début de la classe du matin. Elle occupe une durée hebdomadaire allant de
l’heure un quart au C.P. à 2 heures en F.E. Au cours préparatoire, cet enseignement se
donne sous forme de causeries et de récits très simples de 15 minutes par jour. Au C.E.,
il se communique par des entretiens familiers, tirés des récits ou de lectures d’environ 20
minutes par jour ou 4 entretiens de 25 à 30 minutes.
Au cours moyen, ces causeries et entretiens s’accompagnent de lectures. En F.E. la
morale s’associe à l’initiation à la vie civique.
Les I.O. n’ont pas manqué de stipuler ce que ces leçons doivent apporter aux élèves
de chaque niveau.
Au C.P., les causeries simples conduisent l’enfant à acquérir les premières
connaissances usuelles, à observer, comparer, questionner et s'exprimer. Elles précisent
que durant ce cours toute la vie scolaire doit être orientée vers la formation de bonnes
habitudes (propreté, ordre, exactitude, politesse, discipline).
Au C.E. les entretiens affermissent les bonnes habitudes acquises au C.P. et les
étendent. Au cours moyen les causeries sont destinées à amener les élèves à la
77
pratique raisonnée des principales vertus individuelles et sociales. Parmi elles on cite la
tempérance, la sincérité, la modestie, la bonté, le courage, l'amour du travail, le goût de
la coopération, l'esprit d’équipe, le respect de la parole donnée, la compréhension
d'autrui, l'amour du sol natal, les devoirs envers la famille et la patrie.
En F.E., le niveau à atteindra par ces leçons s’élève jusqu’à la conscience morale et
la dignité humaine, à la vie du citoyen : ses devoirs et ses droits.
Ces leçons ont un but précis, pas toujours atteint, il faut l'avouer, peut-être, parce
qu’elles s’adressent davantage à la sensibilité qu'à l'intelligence et que les notions
apprises ne sont pas suffisamment mises en pratique. Ne dit on pas qu’on enseigne la
morale à l'enfant non pour qu'il la sache, mais, pour qu’il la pratique ? La vraie morale
apparaît avant tout action. Dans ce domaine, précisent les I.O. la mission de l’instituteur
consiste « à fortifier, à enraciner dans l’âme de ses élèves pour toute leur vie les
notions essentielles de moralité humaine communes à toutes les doctrines et
nécessaires à tous les hommes civilisés. »

III. QUE PEUVENT APPORTER LES AUTRES FORMES DE L'ENSEIGNEMENT


MORAL? :
Un élève peut énumérer sans commettre d’oubli ou d’erreur la série entière des
devoirs étudiés en classe. Il peut Indiquer même avec précision les raisons à l’appui
sans pour autant avoir fait le moindre progrès vers le bien. C’est que tout
l’enseignement moral s’est fixé dans son esprit, mais, ne s’est nullement extériorisé en
actes. Ce savoir moral fait honneur à sa mémoire sans plus. Il sait par exemple, qu’il
faut être bon et charitable envers autrui, mais, en présence d’un camarade mal nourri et
mal vêtu parce que de parents pauvres, il demeure égoïste et froid, alors* qu’il a des
moyens de donner. Il a appris qu'on doit être franc et sincère. Pourtant, il se montre
dissimulé. Les leçons faites n’ont déterminé en lui aucune amélioration. On peut dire
qu’elles ont été faites sans profit. Cette morale théorique systématique n’est plus que
science verbale sans vertu.
Une morale, à la fois occasionnelle et permanente ne permettrait- elle pas à cet
enseignement d’être plus efficace ? Occasionnelle parce qu’elle ne serait d'aucun jour,
d’aucune heure, mais s'enseignerait chaque fois que l'occasion se présenterait, une
morale se pratiquant sur le vif et permettant de redresser, séance tenante, les mauvais
penchants de l’enfant. Permanente parce qu'elle s’enseignerait sans arrêt, de façon
continue .mais, au rythme des faits se succédant et nécessitant une exploration du
maître et se tirerait de tous enseignements.
Les I.O. recommandent particulièrement de recourir à des exercices pratiques
tendant à mettre la morale en action dans la classe même. Les leçons de morale : se
bien tenir à table, comment saluer, se moucher n'ont de la valeur que si elles sont
exécutées de façon pratique. Comment mieux apprécier une leçon sur l'épargne qu'en
faisant économiser les élèves, et prendre un livret ? Dans certaines écoles circule un
cahier de perfectionnement moral. Chaque enfant s'attache à lutter contre son défaut
dominant. Il inscrit sur ce carnet les efforts qu’il fait- pour devenir meilleur en même
78
temps qu’il y note les progrès réalisés. L'écolier éprouve du plaisir à remporter de
petites victoires sur lui-même.
Bien des notions morales sont à enseigner à l’élève pendant les récréations, les
rentrées, les jeux, au cours des promenades, (exemples).
Mais la morale est discipline "permanente. On en fait durant toute la scolarité. Toute
les matières s’y prêtent, du moins d’elles se dégagent toujours des notions morales. Et
puis, dans tous les événements de la vie scolaire, il y a toujours de la morale.
(Exemples).

IV. PLACE A FAIRE A L'UNE ET A L'AUTRE FORME DE MORALE :


En réalité, il faut enseigner la morale théorique à l’enfant. Ce sera l’occasion de
l’élévation morale dont parlent les I.O. De plus, la systématisation des notions morales
est nécessaire surtout si elle est bien adaptée à l’âge des élèves ; se défier du
verbalisme et de la magie des mots. Une trace écrite, sous forme d’une brève maxime
ou d’une résolution. On la laissera toute la journée sous les yeux des enfants. Pour que
cette morale ait de la valeur, il importe qu’elle ne soit pas un cours de morale théorique
pur. On s'efforcera d’émouvoir, de faire réfléchir et de faire vouloir.
Elle éclaire l’âme, forme le cœur, fortifie la volonté, illumine l’intelligence, élève la
raison vers le culte généreux du bien, du beau et du vrai. Elle entraîne à méditer sur les
causes et les conséquences de nos actes.
Il importe surtout de placer l’enfant dans un milieu d'imprégnation morale.
L’atmosphère de la classe est alors déterminante. (Il importe qu’il y règne : bonnes
habitudes et manières, travail d'équipe, coopération).
Tous les autres enseignements peuvent contribuer à la condition de savoir exploiter
correctement la valeur morale de chacun d’eux.
Il s’en suit que toutes les formes de morale incitent la conscience enfantine à
l’inclination perpétuelle vers le bien.
Alors que la leçon de morale théorique se donne à des heures déterminées,
l’occasionnelle se pratique à tout moment et fait passer en action la théorique.

79
SUJET N° 27
Pécaut écrivait : « La morale pratique ne suffit pas... » Par contre Cousinet déclare : «
La morale ne peut-être l'objet de leçons au même titre que les autres disciplines... la
morale est action. »
Examinez et discutez ces deux opinions.

Quelques idées sur le sujet :


I. EXPLICATION DES PENSÉES :
1ère PENSÉE :
Compréhension : L’expression ne se suffit pas retient notre attention. El]e signifie :
est insuffisante, n’est pas complète sans, ne se comprend pas sans. Elle se résume à
dire que la morale pratique (action) serait incomplète sans la théorie (explication de
l’action). Une telle morale pratique serait sans justification, sans base, sans fondement.
Il semble, dès lors, rendre solidaires les principes et règles dont s’inspire une morale
de3 actes qui est, d'amener les enfants à une pratique réfléchie, raison- née de la
morale, les mettre en mesure de toujours pouvoir justifier les actes moraux qu’ils
accomplissent. Un tel comportement résulterait de l’accord de la conscience qui connaît,
justifie et apprécie avec la Conduite qui est consécration par l’acte en vue de la
promotion morale.

2 e PENSÉE :
La morale ne peut faire l’objet de leçons comme les autres matières. Son but étant
différent, elle n’a pas pour but de faire savoir, mais, vouloir. Elle ne transmet pas des
connaissances. Elle procède plus du cœur que du raisonnement. Elle se respire
davantage qu’elle ne s’apprend. C’est plus un art qu’un enseignement. Elle émeut plus
qu’elle ne démontre. Elle cherche avant tout, disent les I.O., « à produire l’acte moral, à
le répéter à en faire une habitude qui gouverne la vie »

II. COMMENTAIRE :
Les pensées à étudier posent des problèmes complexes celui des rapports de la
connaissance et de l’action, celui de l’expérience' morale et la théorie la justifiant et
enfin,-ceux de l'enseignement et de l’éducation morale.
Au départ, il semble que la vraie morale, comme toute science, serait association de
théorie et de pratique. La théorie justifie la pratique et permet d'analyser l’acte moral.
C’est la pratique80qui exécute, qui représente la théorie agissante.

ENSEIGNEMENT ET ÉDUCATION :
Distinguons d'abord l'enseignement moral de l'éducation morale. Le premier a pour
rôle d'apprendre à celui qui le reçoit les devoirs que la morale impose à l’homme.
L’éducation morale à pour but le développement des fonctions psychiques capables
d'assurer la fidélité au devoir, le respect de la dignité humaine, principalement, le
développement de la volonté.
L’enseignement moral s'adresse aux fonctions intellectuelles. Il éclaire l’intelligence,
fait connaître le devoir, propose un idéal.
L’éducation morale a pour objectif propre de- faire pratiquer le devoir et, pour cela,
elle inculque ‘des manières de penser, de sentir, de vouloir et même de se comporter
extérieurement. Mais l’éducation morale ne se limite pas à l'apprentissage des règles du
savoir vivre, ni même au dressage qui forme l’enfant bien élevé. La transformation
qu’elle produit est profonde. Elle affecte la nature intime de l'individu, ses réactions
spontanées, ses goûts et ses ambitions.
Au contraire l’enseignement moral se contente de faire acquérir un savoir nouveau et
cette acquisition peut n’exercer sur la conduite de la vie qu'une action insignifiante.
Selon Gabriel Marcel « l’enseignement procure un certain avoir, tandis que l'éducation
donne un nouvel être ».
On peut dire, en bref, que l’enseignement moral est objectif tandis que l'éducation
morale est subjective. Ou encore on estime quelque chose, mais on éduque quelqu’un.
On est amené à dire que l’enseignement est impersonnel et l’éducation personnelle. Les
formules de la physique ou de la morale sont identiques pour tous ceux qui les
apprennent sauf en cas de changement de civilisation. Elle est éducation personnelle en
ce sens qu’elle vise à former une personnalité, c'est-à-dire, un individu se distinguant par
son originalité de bon: aloi.
Dans l’enseignement moral, les relations entre le professeur et les élèves restent
impersonnelles. Ce sont les relations personnelles qui font la véritable éducation morale.
Ainsi nous ne connaisses pas les auteurs des livres dans lesquels nous nous
instruisons, mais avec nos professeurs nous avons des rapports de personne à
personne. Au contraire entre la mère et l'enfant se réalise la fusion la plus parfaite qu’on
puisse rêver de deux personnalités. Or, c'est sur les genoux de la mère que se fait • la
plus profonde, la plus indélébile des éducations morales. Dans l’ordre moral, toute action
qui prétend être profonde doit tendre, vers cet idéal d’intimité. Ce qui fait la valeur de
certains établissements réputés, c'est moins l’enseignement qu’on y distribue que
l'atmosphère qu'on y respire. A l'Ecole primaire, il s’agit, à la fois, d'enseignement et
éducation de la morale.

EXPÉRIENCE, THÉORIE-CONNAISSANCE ET ACTION.


Au niveau primaire élémentaire l’éducation morale se propose de faire de chaque
enfant un honnête homme. A noter que c'est par la pratique d'abord, que l'on peut
conduire les enfants à placer plus tard aussi haut que possible le but de81 la vie, avoir « la
même horreur pour tout ce qui est bas et vil, la même admiration pour ce qui est noble et
généreux ». Bergson déclare qu’il est « le premier à reconnaître qu’en morale la pratique
est le but tandis que la connaissance n'est que le moyen ». Par ailleurs, pour
F. Buisson le but â atteindre en éducation morale c'est le bien. Le bien est non un acte
mais, la suite des actes. Ce n'est pas l’accident heureux c'est, l’état permanent. Ce n’est
pas le fait d’un jour, c'est celui de tous les jours ». Il ajoute : « L'habitude de la vertu est
le terme où viennent se consolider les actes isolés de vertu ». Mais F. Rauh qui a étudié
profondément l'expérience morale intégrale soutient qu’une expérience morale ne suffit
pas à fonder la morale. Les critères de la vie morale se résument comme suit : « Les
consciences qui comptent sont celles qui sont d’abord capables de se libérer de toute
théorie, de se mettre face à face avec elles- mêmes. Ce sont' celles qui, de plus, pour se
connaître, se placent dans cette attitude impersonnelle nécessaire pour penser
n’importe quoi. « Etre moral, c’est penser sa conduite, sa vie. Mais c’est la penser a
priori. Enfin, une conscience morale se reconnaît à ce troisième signe qu’elle a un idéal
».
DISCUSSION :
Penser son action, penser sa vie, implique la nécessaire théorie que signale Pecaut,
qui devient comme la raison d’agir de sa morale. Cette théorie demeure moyen puisque
la fin à atteindre est la pratique. A quoi servirait de penser, justifier même d’avance sa
conduite si on ne peut la pratiquer ?
A la limite, ces deux pensées se complètent et s’appuient mutuellement. La seule théorie
fonde une morale incomplète. Il en est de même de la seule pratique.
Socrate enseigne qu’en morale même le savoir est utile. Un honnête homme est
celui qui « n'ayant pas sur lui-même l’empire nécessaire pour mettre son devoir au-
dessus de sa passion, connaît exactement les devoirs qu’il doit remplir ».
Il s'en suit que pour faire le bien, il faut, à la fois, le connaître et le vouloir. Les deux
sont nécessaires, sinon Indispensables à la pratique du bien.
Au stade primaire, la progression de l’éducation morale conforme à la psychologie
enfantine peut se résumer : habitude sentiment raison.
C’est pourquoi le C.P. et même le C.E. sont les époques d'acquisition d’excellentes
habitudes.
Par l’influence du milieu scolaire et par persuasion, on obtient du petit écolier qu’il
s’amende, se réforme et s’adapte. C’est pourquoi l’éducation morale est permanente. Il
vaut mieux qu’elle soit positive au lieu d'être négative. (Ne jamais défendre mais,
conseiller).
D’ailleurs, dès le départ, au C.P., l’appel au sentiment peut-être fructueux si le maître
en possède l’art. Il trouve dans l’enfant un écho certain et durable.
A partir de 10-11 ans, la morale peut se fonder davantage sur la raison que sur le
sentiment. Puisqu’à ce niveau, l'exercice de la raison est encore hésitant et maladroit, on
habitue l’enfant à conduire un raisonnement à portée morale par la pratique quotidienne.
C'est ce qui explique le rôle fondamental de l’enseignement occasionnel.
82
SUJET N° 28
« L'éducation civique est une discipline majeure. »
Expliquez cette affirmation et discutez là, au besoin. Montrez ensuite, les exigences
pédagogiques qu'elle implique.

I. ENTRÉE EN MATIÈRE POSSIBLE :


Aujourd’hui plus que par le passé, c’est un devoir impérieux pour chaque citoyen de
participer activement à la vie publique et d’y assumer ses responsabilités. Faut-il pour
cela, que son éducation et non son Instruction soit amorcée depuis l’Ecole et poursuivie
dans la vie ? Raison suffisante pour affirmer qu’elle est une discipline majeure.
II. EST-ELLE UNE DISCIPLINE MAJEURE?
Au départ, il importe de remarquer que les I.O. de 1923 et de 1938 n’accordent pas
à cette discipline l’importance qu’elle parait mériter. Il faut dire qu’au moment où elles
ont été appliquées les femmes ne votaient pas encore. Nous vivons dans un monde ou
il faut déplorer le défaut de formation politique de quelques citoyens, dans un pays où
se constate un manque d’intérêt de certains autres pour les vrais problèmes politiques.
Les structures politiques et administratives actuelles dépassent le cadre national,
englobent la communauté, les organismes européens et internationaux.
De plus, la société adulte actuelle est constituée de façon que chacun de ses
membres multiplie ses contacts avec ses semblables. Il importe en outre, que chaque
élément du groupe participe de manière effective à la vie de sa commune, de son
canton, de son département, de sa nation. Aujourd’hui, plus que par le passé, tout
citoyen prend part à l’élection du Président de la République. Le temps d’une vie
solitaire et autonome a passé. Chacun dans sa sphère constitue une molécule de la vie
politique du pays et à tous les degrés. En votant tous les 6 ans pour élire des
conseillers municipaux ou généraux ou tous les 5 ans pour désigner des élus à
l’Assemblée Nationale, ou tous les 7 ans pour le Chef de l’Etat français, chaque citoyen
engage l’avenir de son pays et aussi son propre avenir.
Il importe que l’enfant soit préparé à l’exercice de ce devoir important. L’élève doit
être ouvert à ces problèmes qui conditionnent davantage que les autres la réussite ou
l’échec de son existence adulte. Demain, l’enfant sera homme, citoyen et électeur,
syndicaliste, membre d’un club, responsable d’une famille et qui sait peut-être un élu !...
Il faut davantage, au stade primaire élémentaire, créer en lui des dispositions d’esprit,
des ouvertures que lui fournir des connaissances techniques. Ex : un élève du Cours
Moyen 2e année a davantage besoin d’apprendre à être un coopérateur conscient que
de connaître les rouages du pouvoir judiciaire. Et puis, le Cycle d’Observation
83
devenu
obligatoire entreprendra de l'introduire dans ce domaine.
Il s'agit davantage d'une initiation à la vie collective devenue nécessaire tant sur le
plan moral que social. D’ailleurs les Instructions officielles de 1887 associent
instructions morale et civique.
III. QUE DEVRAIT ENSEIGNER L'ÉDUCATION CIVIQUE ? :
Beaucoup de notions ou des règles de probité de morale liées à une éducation
civique bien comprise. Par exemple, le copiage en composition, la fraude aux examens,
la fraude électorale, l'imitation de signature sur un chèque traduisent un attentat plus ou
moins grave contre la société où s'insère l’individu, un refus de s’intégrer à ses règles.
L’éducation civique devrait inciter l’enfant à., juger ses parents qui le laissent troubler
le repos des voisins ou le troublent eux-mêmes parce que ce sans gêne est fondé sur le
mépris de l’autre et la théorie du bon plaisir.
Elle apprendra à l'enfant que vivre c'est lutter mais, l’aidera à comprendre jusqu’à
quel point la lutte est légitime, à quel moment elle devient attentat à la personne de
l’autre et à toute la communauté sociale, bref, qu'un citoyen honnête du point de vue
morale, accomplit aussi honnêtement ses devoirs civiques.
IV. SES EXIGENCES :
A l’Ecole primaire elle doit-être, avant tout, une éducation active. Il faut davantage
donner à l’enfant des habitudes de comportement que des connaissances techniques.
On s’apercevra qu’elle frôle de près l’éducation morale.
L'éducation civique ne saurait être un cours ex-cathedra, un cours de recettes à
apprendre. Elle ne peut être que l'appel à la prise de conscience, à la réflexion sur soi,
sur la légitime place sociale que l’on revendique dans la mesure où l’on ne gêne pas
autrui.
Certes, on ne peut passer à côté d'événements locaux, départementaux ou
nationaux (élections municipales, d’élus à l’Assemblée Nationale, du Président de la
République), sans éclairer l’enfant qui en entend parler en famille et au dehors.
(Exercices pratiques de vote : pièces en mains, connaissance d’actes d’état civil). Mais
il y aurait danger de se limiter exclusivement à ces domaines.

Connaître les mécanismes de l’état civil, savoir comment se prendre pour


voter, c’est bien. Prendre conscience de sol au milieu des autres, c’est mieux.
C’est surtout en cela que doit consister l'éducation civique à l'Ecole primaire.

Cette Instruction comme celle de la morale doit-être plus une ambiance qu’un
enseignement ». Elle doit communiquer à nos enfants le réflexe de la vie probe
et honnête, leur conférer une suffisante pratique de l’attitude et de l’acte
civiques pour qu’en nous quittant, Il en garde l’instinctif besoin.
84
SUJET N° 29
« Ne rien laisser apprendre par cœur qui ne soit excellent. »
Justifiez ce précepte de Nicole. Comment résolvez-vous les difficultés que soulève !e
choix des textes à réciter à l'École primaire ?

Quelques idées sur le devoir :


I. JUSTIFICATION DU PRÉCEPTE :
a) LE PAR CŒUR dont ¡1 s'agit dans le texte n’est pas celui dont parle Montaigne.
C’est le définitif, celui qui s'inscrit pour toujours dans les mémoires, qui constitue un
fond, une réserve permanente, toujours à notre disposition. Qui de nous dans un
moment de solitude n'a pas répété des vers appris à l’Ecole primaire :
« Arrête un peu le bras, bûcheron » (Ronsard).
« Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses ». (Malherbe).
« Un seul être vous manque et tout est dépeuplé ». (Lamartine).
« S'il ne reste qu'un, je serais celui-là ». (V. Hugo).
b) EXCELLENT : Ce par cœur si définitivement fixé, mérite une exceptionnelle
qualité, car il devra nourrir, au fil des années, notre imagination, notre sensibilité, notre
être entier.
De façon plus ou moins consciente, il servira de modèle à notre expression
personnelle. C'est une sorte de levain dans notre gâte. Il devient d'ailleurs, le meilleur
moyen d’apprendre l’usagé correct des mots et des tours de notre langue.
Les I.O. de 1923 signalent: « A tous les cours, il est recommandé de ne choisir pour
les confier à la mémoire des enfants que des morceaux d’une indiscutable valeur ».
Elles accordent une telle importance au caractère excellent des morceaux à faire
apprendre qu'elles ajoutent : « On peut, sans dommages, choisir des textes au-dessus
de l’âge intellectuel des enfants. »
Rien qu'à considérer l’immense portée des morceaux appris, le précepte de Nicole
se justifie pleinement.
II. LES DIFFICULTÉS DU CHOIX DES MORCEAUX :
Pour plusieurs raisons, il est difficile de ne proposer que l’excellent :
Si notre littérature offre des morceaux d'une indiscutable valeur, il ne faut pas nier
que le médiocre est fréquent.
De plus, ce qui s'avère excellent est souvent, hermétique et pas toujours à la portée
de l’enfant.
Dès lors, une exigence fondamentale s’impose : le seul critère du choix demeure la
85
beauté du morceau à apprendre. Celle-ci d’ailleurs touche toujours l’enfant. Elle enrichit
sa sensibilité', son goût, sa langue. « Rien n’est trop beau pour l’enfant », dit Alain. Il
recommande de « semer de vraies graines et non du sable ».
La principale difficulté du choix vient du goût de chaque maitre. Chacun pratique
malgré lui, une attitude de conservatisme. Il semble préférable de se 'reporter aux
œuvres sur lesquelles l’accord unanime s’est fait et choisir les poètes qui ont eu accès
au panthéon littéraire.
LES SOLUTIONS : La part et le rôle principaux appartiennent au maître. Il lui revient
de faire un choix personnel et délibéré. Aimer soi-même les textes que l’on propose, il
les expliquera mieux et les fera aimer d’autant qu’il les aime.

QUELQUES ASPECTS DU CHOIX;


a) Vers ou prose ? Il semble que les premiers soient plus mémorisa- bales que la
seconde. De plus, il faut dans la seconde, accorder une importance extrême au rythme,
à l’harmonie de la phrase et au contenu : pages de Rousseau, Chateaubriand, A.
France, Renan, Duhamel, Baudelaire, Dès lors, elle devient un instrument d’expression
artistique au même titre que le vers (poèmes en prose). La poésie moderne et le vers
libre qui échappe aux règles traditionnelles de versification auront une place réduite.
b) Compréhension : Le maître tiendra compte de la difficulté de la compréhension.
Les I.O. disent qu’il ne faut pas hésiter à retenir des œuvres au-dessus de l’âge
intellectuel des enfants si ce choix est justifié par leur beauté et leur valeur. La notion
d’hermétisme est relative en poésie. C’est la clarté des explications du maître qui dissipe
l’obscurité du morceau.
c) Le choix ne doit pas se faire au hasard. Il est bon de prévoir les morceaux à
apprendre pour l’année, mais, il ne s’agit pas d’une règle absolue. Il ne faut pas que le
centre d’intérêt conduise à apprendre aux élèves des poèmes médiocres dont le seul
mérite est d’être en rapport avec lui.
Dans certaines écoles, on adresse en Conseil de maîtres la liste des morceaux à
apprendre. On en renouvelle chaque année le quart pour éviter de se figer dans la
routine ou de glisser sur des œuvres qu’il faudrait connaître.
d) Quantité : II est difficile à l’avance de prévoir avec exactitude le nombre de
morceaux à apprendre. On pense qu’on peut apprendre 8 vers par semaine au C.P., 12
vers au C.E. environ 20 au C.M. Là encore la longueur des vers, leur difficulté
d’assimilation, le niveau plus ou moins avancé des élèves jouent un rôle important.

III. CONCLUSION :
Une phrase des I.O. : « D’un bout à l’autre des études primaires, l'exercice de
récitation doit-être en honneur: apprendre le plus grand nombre de morceaux d’une
grande valeur" littéraire », tel doit être le mot d’ordre.

86
SUJET N° 30
Quel parti doit-on tirer de la récitation des morceaux choisis à l'École primaire au
point de vue de l'instruction et de l'éducation ?

Les avantages que l’on peut tirer de la récitation des morceaux choisis sont très
nombreux.
Recherchons ceux qu’on peut tirer des deux points de vue demandés.

I. DU POINT DE VUE INSTRUCTION


Elle favorise l’étude de l’orthographe. L’élève qui apprend par cœur lit, relit, revient
sur le morceau. L’image exacte des mots lus se grave dans sa mémoire. Ce peut être
aussi l’occasion de revoir et de fixer des règles de grammaire.
C’est aussi un moyen pour l’élève, d'enrichir son vocabulaire. Un exemple : à propos
du Loup et l'Agneau de La Fontaine, il apprend la signification des mots et expressions :
chercher aventure, se désaltérer, témérité, tu médis et il peut, désormais, s’en servir. Le
maître fait remarquer la variété des tours de phrases employés par le fabuliste et
montre à l’élève comment cette variété imprime au style, mouvement et relief.
Par la répétition fréquente du morceau, l’élève s’approprie s: bien des mots et
tournures qu’il en résulte progrès dans son style, au point qu’on peut même trouver
dans ses rédactions des réminiscences des passages étudiés.
A partir du C.M. et F.E. tout morceau à apprendre est à analyser et à décomposer. Il
importe que les élèves en voient la structure, l’enchaînement des parties, l’idée
maîtresse, les secondaires, leur subordination et, sans en avoir l’air, cet exercice
particulier, fort profitable d’ailleurs prend l’allure d’une composition française.
Pour initier les élèves à la connaissance de la langue, quoi de meilleur que confier à
leur mémoire des textes d’une forme irréprochable extraite des œuvres de nos plus
grands écrivains. Comme le dit Vessiot « le meilleur moyen de leur apprendre le
français est de leur faire apprendre du français ».
Elle fait, en outre, connaître à nos élèves, les plus belles pages de notre littérature.
On passe en revue : La Fontaine, V. Hugo, Lamartine, Daudet, Baudelaire,... Ces
notions de littérature viennent accroître, de manière heureuse, leur instruction générale.
De plus, l’étude des morceaux choisis est une occasion trouvée de fixer dans
l’esprit, des connaissances historiques : (Ultima verba de V. Hugo, Dandolo de
Legouvé) : géographiques : (pages descriptives de la Bretagne de Michelet, les phares)
; scientifiques (Buffon, La Fontaine)...
Ce n’est pas tout. Elle contribue à étendre l’instruction donnée par l’école en formant
le goût des élèves. Presque toujours, Ils ont une clarté parfaite et une pureté de forme.
En les apprenant, les élèves fixent en eux un idéal de beauté. 87
Plus tard, ils se détourneront du prétentieux et du vulgaire pour ne rechercher que ce
qui est simple et grand.
II. DU POINT DE VUE EDUCATION :
a) Un morceau choisi l’est, non seulement pour la perfection de sa forme, mais il
l’est, surtout, pour la beauté morale qu’il exprime et l’exactitude d'observation qu’il
traduit. Les Pauvres gens de V. Hugo contiennent une touchante leçon de bonté. Après
la bataille (V. Hugo), Le Héron .la Besace (de La Fontaine) mettent en lumière, et, de
façon fine, des vérités d’expérience...
b) L'étude des morceaux choisis laisse une impression bienfaisante dans l’esprit et le
cœur des élèves. L’enseignement moral qui s’en dégage devient plus pénétrant. Le
morceau inspire l'esprit et il en résulte une douce émotion : l’enseignement moral prend
un caractère permanent.
c) La récitation de morceaux choisis devient un précieux - auxiliaire de la morale. Elle
rend cette dernière plus attrayante et plus .pénétrante. Elle fixe dans la mémoire des
règles de conduite, des maximes fixées désormais dans l’esprit, ne laissent pas de
souvenirs fugitifs comme la parole. Aux heures critiques, elle peut devenir une aide
efficace, un réconfort moral.

III. CONCLUSION :
Il importe que le choix du maître soit judicieux. A part la forme, les morceaux à
apprendre doivent joindre la plus haute inspiration morale.
« Que le bon soit toujours camarade du beau » comme le dit si bien La Fontaine.
« Il ne faut jamais permettre que les enfants apprennent rien par cœur qui' ne soit
excellent » dit Nicole.

88
SUJET N°31
En quoi consiste le problème du choix des textes à réciter à l'Ecole primaire ?
Comment le résolvez-vous concrètement dans un cours à votre choix ?
Présentez une liste de morceaux à faire apprendre dans un cours de votre choix.

I. UNE MANIERE D'ABORDER LE SUJET :


A l’Ecole primaire, la récitation est dénommée par enseignement de beauté. C’est
qu’elle initie l’enfant au beau et ennoblit son cœur. Par le fait même d’associer le beau
et le bien, elle fait aussi œuvre morale. Il devient, dès lors, facile de comprendre
pourquoi le choix des textes à faire réciter par les élèves primaires soulève des
problèmes délicats à résoudre par l’instituteur.
II. LE PROBLEME DU CHOIX DES MORCEAUX A RECITER :
Connaître le but de la récitation demeure déjà un élément du choix des textes à
réciter, mais, il est insuffisant. Pour bien choisir, il faut aussi avoir présents à l’esprit, le
niveau des élèves, leurs goûts, leurs aptitudes.
D’autres éléments du choix résident dans l’intérêt du moyen que peut devenir
l’enseignement de la récitation, s’il est bien compris.
Certains problèmes du choix concernent en propre le maître et d’autres, les élèves.
A) PROBLÈMES PROPRES AU MAITRE :
Il faut faire apprendre des morceaux d’une grande valeur littéraire.
« On ne doit confier à la mémoire de l’enfant que ce qu’il y a de meilleur dans notre
littérature, des morceaux d’une indiscutable valeur, d’une valeur littéraire incontestée »,
précisent les I.O.
Il faut écarter résolument tout ce qui est médiocre dans le fond et dans la forme, tout
ce qui émane d’auteurs de troisième ordre. Pour les élèves des C.P. et C.E., on trouve
des morceaux chez La Fontaine, V. Hugo, Lamartine, chez les autres poètes qui ont
traduit avec simplicité, force et délicatesse les expériences enfantines, la famille, les
jeux, le travail, les saisons.
De suite, se pose la question de savoir, si les plus belles pages de nos grands
écrivains sont à la portée des écoliers primaires.
Les pédagogues modernes en arrivent à penser qu’il n’est pas indispensable que
l’enfant comprenne, dans tous ses détails, le texte qu’il apprend par cœur. L’essentiel
demeure qu’il en saisisse à peu près le sens général, qu’il sente le rythme des vers et
l’harmonie des strophes. C’est dans ce sens qu’Alain écrit : « Rien n’est trop beau pour
l’enfant, je suis bien loin de croire que l’enfant doive comprendre tout ce qu'il lit et
récite. Ecouter en soi-même les belles choses comme une musique, 89c’est la première
méditation. Semez de vraies graines et non du sable ».
Les I.O. de 1923 renforcent :
« On peut sans dommage choisir les textes au-dessus de l'âge intellectuel des
enfants, pourvu que ces textes expriment en termes simples et usuels les sentiments
forts et les idées généreuses qui sont la poésie même ».
Ce choix judicieux s’impose d'autant plus que la récitation demeure « l'un des
meilleurs moyens d’enseigner aux enfants, l’usage correct des mots et des tours de
notre langue « et de l’enrichir », disent les I.O.
Quelques maîtres font passer leurs préférences propres avant la possibilité
d’assimiler le texte par leurs élèves. Il est des vers que nous aimons et d’autres,
recueillis dans les manuels que nous ne connaissons point. N’est-il pas plus facile de
faire aimer un morceau que nous aimons déjà nous-mêmes ? Ne prend-il pas une autre
interprétation, une autre vie parce que nous l'aimons et savons le réciter?
Les textes choisis doivent contribuer à la culture du beau à l'élévation de la
sensibilité. Il faut qu'ils soient beaux et évocateurs.
Qui de nous ne retrouve dans sa mémoire la vision de l'automne ou le moment
crépusculaire de V. Hugo ? A part que le langage y acquiert une dignité considérable, il
ouvre des ailes à la méditation. Ici, la beauté formelle se joint à la beauté morale et nous
sommes tentés de croire avec Alain que la belle poésie est « clé de l’ordre humain et le
miroir de l’âme. »
En réalité, on demande à l'instituteur de choisir. des poèmes de qualité incontestée,
gradués, selon l'âge des élèves, capables de toucher leur cœur, d'enrichir leur esprit, «
de susciter chez eux, cette émotion traduite par le choix heureux des vocables, par la
beauté des images, des rythmes, des sonorités, partout cela, sans quoi la poésie ne se
différencierait pas de la prose utilitaire ».
En outre, que le maître ne choisisse pas toujours des vers. II est une prose aussi
belle, aussi formatrice que le vers. On peut en faire une sélection attentionnée chez
'Molière, Chateaubriand, A. Daudet, A. France, Colette, Saint-Exupéry, G. Duhamel,...
Enfin, autant que faire, retenir des morceaux susceptibles de relier solidement entre
elles les leçons ou d’appuyer une autre liaison. La récitation profitable a des liaisons
avec la morale, l’histoire, la géographie, l’éducation civique, les circonstances locales.
B)PROBLÈMES SE RAPPORTANT AUX ÉLÈVES :
Il faut aussi penser aux genres de morceaux susceptibles d’intéresser l’enfant et lui
communiquer l’ardeur de les apprendre.
Les petits enfants de la Section enfantine, du C.P. aiment la musique sous forme de
chansons populaires. Ils aiment aussi la poésie sous ses formes naïves, spontanées,
proches des comptines, des rondes, des jeux de langage. Il convient de leur choisir des
textes courts, plaisants à l’oreille et à l'imagination. P. Arène, F. Gregh, Delarue-
Mardrus, P. Fort, V. Hugo, La Fontaine, R. Gérard, Verlaine, M. Carême, Lamartine,
Florian peuvent inspirer le maître.
A mesure qu’on s'élève dans les classes, sans renoncer à la grâce, la fraîcheur, la
légèreté, s’acheminer
90 vers une poésie plus grave, plus chargée de pensées sans être,
pour autant, d’un accès difficile ou hermétique.

III. MORCEAUX A FAIRE APPRENDRE :


Des écrivains dont les écrits ont une valeur littéraire incontestée comme La Fontaine
et V. Hugo offrent toutes les nuances de poésie pour toutes les classes primaires. A
titre indicatif, voici un choix possible, chez ces deux écrivains français :
A) LA FONTAINE
a) La Grenouille et le bœuf — Les Voleurs et l'âne, pour le C.P.
b) Le Renard et les raisins — La Colombe et la Fourmi — Le Corbeau et le renard,
pour le C.E.
c) Le Lièvre et la tortue — Le Loup et l’agneau — Les Deux mulets pour le C.M.
d) Le Chat, La Belette et le Petit lapin — Le Meunier, son fils et l'âne, pour la F.E.
B) V. HUGO:
a) Regardez les enfants — Dansez les petites filles, pour le C.P.
b) L'enfant au berceau — Ma mère — L'automne, pour le C.E.
c) Après la bataille — Saison des semailles — Les Deux sœurs, pour le C.M.
d) Les Pauvres gens — Les Soldats de l’an II, pour la F.E.

IV. QUELQUES CRITÈRES DE CHOIX POUVANT GUIDER LES MAITRES :


a) Les textes devront :
a) Présenter une valeur littéraire Incontestable.
b) Etre d'une longueur convenable.
c) Etre rythmés de façon, nette et simple.
d) Pouvoir être interprétés de manière nuancée.
e) Etre, quant à leur choix, suffisamment variés.
b) Inutile de surcharger la mémoire des enfants. En principe, ne pas dépasser de 6
à 12 vers au C.P. et C.E. ; 12 à 14 lignes au C.M. et au-delà. (Pas d’excès contraire
non plus). L’étude d'un poème ne devra pas dépasser deux semaines.
c) La troisième condition obligera à renoncer à certains poèmes contemporains, au
rythme trop déroutant (surréalistes ou superréalistes). Les enfants les retiennent avec
difficulté et l’effet esthétique est compromis par les fautes de diction. Des poètes
d'aujourd'hui comme P. Eluard, Appolinaire, M. Fombeure offrent des pièces
parfaitement rythmées.

91
SUJET N° 32

Vocabulaire et élocution : distinguez avec soin les buts et les méthodes de ces deux
disciplines dans un cours de votre choix.
(C.A.P. Martinique, 2e Session 1964)

Une manière de concevoir le devoir :

Vocabulaire et élocution sont deux disciplines qui concourent à l’acquisition de la


langue française. Ils mènent droit à la correction de l’expression orale et écrite.
I. BUT DU VOCABULAIRE :
Il est double :
Comprendre profondément les textes lus et s’exprimer avec exactitude. C'est une
étude indirecte qui n’a pas son sens en elle-même. Elle vise, en définitive, la lecture et
l’expression. Une lecture est véritable, quand le texte lu parle à l'esprit, c’est-à-dire,
quand tous ses mots éveillent des idées claires et exactes. La lecture profitable va de
pair avec le vocabulaire et l'acquisition des mots. Cela ne veut pas dire qu’il faut
confondre lecture et vocabulaire. Bien lire, c’est suivre le cours d’une pensée qui se
déroule, mais, c’est aussi comprendre le texte lu. Alors que la leçon se déroule sur
l'ensemble du texte lu, les exercices de vocabulaire s’attaquent à quelques mots, à un
paragraphe déterminé du morceau lu. C'est pourquoi ils apparaissent artificiels, mais, ils
sont nécessaires comme les gammes des musiciens. De là aussi leur vient toute leur
originalité.
Les Instructions officielles précisent, d’ailleurs, le double but de l'enseignement du
vocabulaire. Il tend :
a) A enseigner aux élèves « le sens des mots nouveaux qu'ils lisent ou entendent et
à en déterminer leur emploi exact.
b) A leur « permettre d’avoir à leur disposition le mot qui précise l’idée ». La pensée
de l’enfant est « naturellement élastique et confuse ». Elle se présente d'abord comme
un tout. Elle se précise pour s'exprimer et on peut dire qu’elle ne peut se préciser qu'en
s’exprimant.
Son deuxième objet, disent-elles est «la réflexion dans une intention de culture
intellectuelle sur la langue déjà acquise ». Il importe, avant tout, de créer chez l'enfant
des mécanismes psychologiques par lesquels il constitue son vocabulaire comme un
système et de lui conférer progressivement, la maîtrise de ces mécanismes, 92 pour qu'à
tout instant, les mots soient en état de répondre à l'appel de sa pensée. L'enseignement
du vocabulaire doit donc « hâter la formation de ces associations et les renforcer par
des exercices ». L'enseignement du vocabulaire n’a pas pour objet exclusif d’apprendre
des mots nouveaux. Il précise aussi le sens des mots à peu près connus et, c’est par un
usage régulier et progressif de la langue parlée et par la lecture que l’enfant enrichit son
vocabulaire.

II. BUT DE L'ÉLOCUTION :


On confond souvent vocabulaire et élocution. On trouve même des livres s'intitulant:
Vocabulaire et Elocution. Si toute leçon d’élocution pose des problèmes de vocabulaire,
il Importe cependant de les distinguer.
L’élocution a son sens en elle-même. Elle est enseignement direct et apprend à
l'enfant à parler comme la rédaction lui apprend à écrire. On peut dire qu’avec la
rédaction, elle constitue le véritable but de l'enseignement du français. L'enfant d’âge
scolaire parle avec déjà beaucoup d’aisance, mais, son langage est rudimentaire et
incorrect. D'autre part, quand il lui faut parler devant ses camarades ou à son maître,
son aisance et sa volubilité disparaissent. Il est hésitant, embarrassé et se trouve
comme paralysé. Ne dit-on pas que le « meilleur moyen de le faire taire est de lui
donner la parole » ? Mais, à l’embarras pour parler, s'ajoute la difficulté de penser avec
clarté et précision. Le manque de moyen d’expression gêne considérablement et ajoute
à la confusion des idées. Concevoir clairement aide à parler net, mais, reste la condition
primordiale de la sûreté de l’expression. Reconnaissons aussi que savoir parler aide
beaucoup à penser clairement et fermement. C’est ce qu'expriment les deux vers de
l’Art Poétique de Boileau.
« Ce que l’on conçoit bien s'énonce clairement »
« Et les mots pour le dire arrivent aisément ».
Il faut apprendre à parler aux enfants, faire une place importante aux exercices
d'élocution, créer chez eux l'attitude mentale propre à la parole. C'est le but des
exercices d’élocution.

III. LA MÉTHODE EN VOCABULAIRE:


Les Instructions officielles prévoient un programme spécial et progressif de
vocabulaire pour chacun des cours de l’E.P.E.
Au C. P., au cours d’exercices très simples, on veillera attentivement à la bonne
prononciation. Ces exercices ne doivent avoir trait qu'aux mots les plus simples de la
langue usuelle, qu’à ceux qui désignent des objets ou des êtres parfaitement connus
des élèves.
Au C.E. : exercices simples de vocabulaire, destinés à préciser le sens, l’emploi et
l’orthographe des mots d’un texte lu. Les Instructions officielles ajoutent, que ces
exercices portent sur les mots de textes placés sous les yeux de ¡’enfant. On étudiera
donc le sens des mots d'après le contexte. 93
Au C.M. exercices de vocabulaire sur le sens des mots d'après le contexte et par la
comparaison avec les synonymes et les contraires. Etude occasionnelle de quelques
familles de mots.
Au C.T., étude de mots tirés d'un texte : sens propre et sens dérivés. Etude de
nuances Qui séparent des expressions, en apparence synonymes et de quelques
familles de mots.
Mais l’étude des mots prend divers aspects. Il peut s'agir en vocabulaire,
d'enrichissement, de précision, de groupement. Il s'agit aussi, de sélectionner
progressivement des mots difficiles. Ceux-ci ne sont pas toujours les mots longs et
d’apparence complexe, non plus ceux, dont l'aspect phonétique parait bizarre, mais
plutôt, ceux qui servent à exprimer des nuances; de la pensée, des idées, des
jugements, des relations et des rapports. En vocabulaire, il se fait toujours une
acquisition libre et une acquisition dirigée. Les leçons de vocabulaire seraient de peu de
profit si elles n’étaient principalement des exercices. Ceux-ci seront d’assimilation, de
fixation, de répétition, de « mise en cent visages » et conduits avec une intelligence
aiguë de l’esprit des enfants et des difficultés en question. En réalité, la méthode qui
convient se résume: partir d’un texte, choisir dans ce texte quelques mots ou
expressions riches de sens et de signification dont l'exploration s'avère fructueuse. Viser
à la précision et à la sûreté: sens du mot dans le contexte. Toujours faire employer le
mot pour contrôler. Explorer le voisinage analytique. Ex. : montagne, colline, coteau,
hauteur, élévation. Autant que faire, pas d’appel à l’étymologie et ne jamais oublier que
la fin de cet exercice est de préparer l’expression orale et surtout écrite. Proscrire les
listes de mots. Un mot isolé est un mot mort. Ce dernier ne "vit que dans un contexte.

IV. LÀ MÉTHODE EN ÉLOCUTION :


Un premier problème se pose : fournir aux élèves l’occasion et le désir de parler, les
intéresser et éviter que l'exercice paraisse trop artificiel. Noter que tous les exercices de
la classe se prêtent à cet entrainement et permettent au maître de rectifier des façons
incorrectes de s'exprimer. Les leçons spéciales d’élocution peuvent partir d'une image,
d'un film, d’une lecture, d’un récit ou commentaire, d'un événement scolaire ou local,
fournissant davantage l’occasion de parler que d’explorer entièrement une question.
Une gradation s'impose. Quelle que soit la motivation, entraîner l'enfant à parler seul et
plus longtemps. Il faut aussi que tous les élèves de la classe s'exercent à parler.
Consigne : ne pas se montrer très exigeant, au départ, sur la correction. Puis, demander
aux autres élèves de corriger et à l’élève qui s’est mal exprimé de répéter ou se corriger.
S'appliquer à amener les élèves à s'exprimer simplement et non dans un langage
recherché. Etre naturel : choisir avec soin des sujets aussi intéressants et riches que
possible, suivre une progression. Cet exercice délicat exige du maître doigté, souplesse,
sens psychologique affiné, une sûreté linguistique suffisante, contrôler de façon
permanente et ne pas perdre de vue que le bon langage est contagieux. Elocution
d’abord et avoir toujours présent à l'esprit comme le précisent les Instructions officielles.
« Apprendre à écrire comme apprendre à parler, c'est apprendre à penser ».
94
SUJET N° 33
Le vocabulaire de nos écoliers est pauvre.
Par quels exercices pouvez-vous l'enrichir?
Indiquez les principaux caractères de la méthode que vous employez dans
l'enseignement du vocabulaire. Présentez la fiche d'une leçon de vocabulaire dans une
classe de votre choix.

I. UNE MANIÈRE D'INTRODUIRE :


Le petit élève martiniquais dispose d’un vocabulaire restreint et souvent incorrect.
Ce dernier est pauvre au point que, pour se tirer d'affaire, l’enfant a recours à des
vocables passe partout bien connus (machin ou chose). Il lui arrive aussi d'employer
des mots dont il ne connaît pas la véritable signification ou d'en estropier d’autres
(minimètre pour, millimètre.) L’emploi constant du patois créole, le niveau culturel et
linguistique peu élevé des milieux où vit le jeune élève tiennent une place essentielle
dans la pauvreté de son vocabulaire. Aussi importe-t-il que l'école primaire enrichisse,
précise et rectifie le vocabulaire de l’élève.

II. EXERCICES SUSCEPTIBLES D'ENRICHIR LE VOCABULAIRE :


Des exercices divers, quand ils sont bien choisis et bien dirigés contribuent à
enrichir le vocabulaire des élèves. Parmi eux citons :
A) Les exercices d’observation et de langage :
L'élève est invité à faire connaître le nom des objets qui l’environnent et qu’il voit
tous les jours. Par des questions fort simples, il sera conduit à énumérer le mobilier de
la classe, les outils, les jeux de l’écolier. On veillera à ce qu’il réponde toujours par des
courtes phrases, bien correctes et les mots seront toujours écrits au tableau, précédés
d'un article.
B) Les leçons de choses :
Au moyen de la leçon de choses l'élève apprend, non seulement, les noms des
différentes parties d’un objet, mais, encore, la qualité de chacune d’elles (exemple : un
couteau, la lame, l’acier, le manche, la corne, la lame est brillante, bien affûtée,
coupante, tranchante, pointue, acérée). Aucune matière ne porte un concours plus
précieux au français.
C)La lecture et la récitation des morceaux choisis :
Au cours de ces exercices, nombreux sont les mots et expressions (noms, adjectifs,
95
verbes) que l'enfant ne connaît pas ou, même s'il les connaît, dont il ignore la
signification. On en profite pour en préciser le sens et l'emploi.
D) Les autres enseignements :
Tous fournissent leur contingent des mots difficiles (histoire, géographie, instruction
civique). En histoire (féodalité, coalition, alliance, constitution, maison, succession). —
En géographie, (crête, morne, vallon, ballon, chaume, pic, sommet). — En instruction
civique (droit, devoir, fiscal, civique). — Tous les autres enseignements peuvent y
apporter leur contribution.

III. CARACTÈRE DE LA MÉTHODE A EMPLOYER :


Le principe fondamental de la méthode est formulé par les I.O. « Un mot n’a pas de
valeur par lui-même ; il n’en a que par la chose signifiée. L’acquisition d’un mot résulte
de la connaissance même de la chose. D’où la nécessité de toujours mettre la chose
sous les yeux des enfants ou, à défaut des objets, leurs images ». Exemple d’une leçon
de vocabulaire sur les chaussures, les coiffures ou les fleurs du pays. Les différents
modèles de ces dernières sont placés sur le bureau, devant les élèves. Des dessins
suggestifs, tracés au tableau représentant les types dont on ne dispose pas. Chaque
dessin peut être affecté d’un numéro facilitant la reconnaissance d’un type déterminé de
chaussure, coiffure ou fleur.
Il existe d’autres caractères que doit revêtir la méthode à employer si l’on veut que
les élèves en tirent profit.
a)Aller des objets connus de l’élève à ceux qu’il n’a pas encore vus, étendre peu à
peu son horizon.
b) Avoir recours à l'observation méthodique. Les mots doivent être acquis par l'élève,
non isolément, mais par groupes, de manière à favoriser chez lui, l’association des
idées, (Ex. : les principaux outils du cultivateur, les meubles de la salle à manger ou de
la cuisine, les différentes parties de la plante). — Toutefois, les mots ou expressions de
la lecture et de la récitation seront appris dans l’ordre où ils se succèdent dans les
textes lus ou appris.
c) Graduer l’enseignement: Le maître appelle successivement l’attention des
élèves sur les noms, les adjectifs, les verbes. Rien n’empêche de commencer par les
verbes, charnières de la phrase. L’essentiel est de dispenser un enseignement
progressif. Le mieux serait de suivre l'ordre de l'enseignement grammatical. Mais, à côté
de l'enseignement méthodique et régulier du vocabulaire, il en existe un autre,
occasionnel, dérivant de toutes les matières du programme. Ces deux formes
d’enseignement s’associent et se complètent.
d) Commencer par l'étude des termes concrets : continuer avec les élèves du
C.M. et F.E. par des mots plus abstraits. Il y a intérêt à faire suivre le terme abstrait du
concret correspondant. Ex. : I enfant menteur, le mensonge.
Avec les élèves des C.M. et F.E. aborder, l’étude de la composition des mots, de la
dérivation, des familles de mots, des synonymes antonymes, paronymes, homonymes.
Apprendre aux élèves à se servir du dictionnaire, à employer dans des phrases
correctes les mots étudiés.
e) Toujours faire suivre les notions de vocabulaire d'exercices d'application, qu'il
importe de ne pas confondre avec ceux de grammaire ou de construction de phrases.
Se rappeler qu'une expression n’est véritablement acquise par l'élève que lorsqu’il peut
l'employer avec exactitude.
En conclusion, il faut élargir peu à peu, le cercle restreint dans le fuel se meut
l’enfant. Accroître son vocabulaire, c’est, du même coup, enrichir son esprit, car, à tout
mot, correspond une image ou une idée.

97
SUJET N° 34
« Le mot ne vit que dans la phrase. »
Expliquez. Quelles applications pratiques peut-on en faire dans l'enseignement du
vocabulaire? Précisez les divers aspects que peut prendre l'étude d'un mot à l'École
primaire ?

Un plan détaillé du devoir :

I. EXPLICATION DE LA PENSEE :
Le mot isolé peut avoir le sens que l’on veut. Pour avoir vie, il faut qu’il soit intégré à
d’autres mots. Pour qu’un nom ait valeur sémantique, il doit être :
a) accompagné d’un article. Ainsi, une mémoire diffère de un mémoire. La première
expression désigne la faculté de se souvenir ou le souvenir lui-même et la seconde, un
relevé des sommes dues, un écrit sommaire relatif à un exposé ou un procès. L’article
particularise le nom : (noms à deux genres).
b) Caractérisé par un adjectif : Ex. : un mémoire, illisible diffère d’une mémoire
exceptionnelle.
c) Déterminé par un complément : Ex : le mémoire du fournisseur n’est pas la
mémoire des dates.
Ces trois éléments font sortir le nom de son obscurité originelle mais, il ne vit pas
encore. Il en est de même du verbe. Ex. : partir, revenir, aller.
Mais, pour qu’il vive vraiment il faut qu’il accède aux valeurs grammaticales. Ex. :
partir c’est mourir. Il faut partir. J’ai vu partir des soldats au front. Ainsi donc, c’est
seulement intégré dans la phrase que le mot répond pleinement à sa définition. On le
définit comme < la plus petite unité graphique et phonique susceptible de prendre une
valeur sémantique et grammaticale ».

II. APPLICATIONS EN VOCABULAIRE ET LANGAGE :

a) La leçon de vocabulaire ou de langage ne saurait consister dans l’acquisition d’une


liste de mots isolés groupés, formés identiquement : lisible, audible, visible, ou autour
d’une idée centrale. Au Cours préparatoire, elle portera sur les objets que l’on voit et les
actions qu’ils permettent. A partir du Cours élémentaire, la leçon portera sur le sens des
mots d un texte lu ou copié. Ils seront toujours lus dans leur contexte, et non envisagés
seuls.
b) Les exercices de langage exigent des phrases qui rendent vivants les mots. Les
98
I.O'. de 1945 souhaitent qu’à la base des exercices de vocabulaire il y ait des exercices,
nombreux variés et conduits suivant la méthode des leçons de langage.
L’étude du vocabulaire n'a pas son sens en elle-même. Elle vise en définitive la
lecture et l’expression. Il s'agit de mettre l’élève en état de lire et comprendre ce qu'il lit
et aussi de s’exprimer avec exactitude. En fait, la lecture n’est véritable et profitable à.
l'enfant que lorsque le texte parle à l'esprit, c’est-à-dire, quand tous les mots du texte
éveillent des idées claires et exactes. La lecture va de pair avec le vocabulaire et
l'acquisition des mots. Il ne faut pas confondre ces deux exercices. Apprendre à lire,
c’est apprendre à suivre le cours d’une pensée qui se déroule. Donc vocabulaire dit:
comprendre et s'exprimer. Il faut savoir garder aux leçons de vocabulaire leur originalité
et ne pas les confondre avec la lecture, l’élocution, la rédaction.

III. DIVERS ASPECTS DE L'ÉTUDE DES MOTS :


Apprendre du vocabulaire, c’est:
a) Enrichir celui dont on dispose.
b) Préciser la connaissance que l’on a des mots.
c) Ordonner, le mieux possible, la masse des mots connus. D'où enrichissent,
précision, groupement.
Le premier se fait à l'occasion de la rencontre accidentelle ou voulue d’objets
nouveaux qu’on apprend à nommer à mesure qu'on les découvre en leçons de choses,
en géographie, en histoire, au cours des événements locaux nationaux ou mondiaux.
Avoir de la précision, c'est savoir prononcer correctement les mots (Ex. : dompter,
satiété). C’est surtout par l’étude des textes qu'on la fera ressortir. L’emploi des
synonymes y contribuera grandement. Parfois, le' contraire servira à fixer le sens d’un
mot et à distinguer les acceptions diverses qu'il peut avoir. Ex. : libre s’oppose à
prisonnier ; libre diffère de occupé.
Le groupement est délicat. Ne jamais grouper les mots suivant le sens
étymologique. Les mots, comestible, obèse et dent ont la même racine. Que
d'énormités ou de perles relevées chez les élèves et même des maîtres. Ex. :
Fourvoyer, signifie voir comme dans un four ; l'impôt s'appelait tribut parce qu’il était
payé par chaque tribu ; le rhum s’appelle ainsi parce qu'il guérit le rhume.
C’est du sens actuel du mot qu'il faut partir pour approfondir et grouper. « Il n’est pas
de jeu plus vain et plus dangereux que celui du sens étymologique et de la famille
étymologique » dit Bruneau. On a vu des enfants grouper purée et pus dans la famille
de pur, bol dans boire, charnier, charnière, carnet dans chair.
Le groupement par affixes offre aussi des dangers. Ex. : une épicière est une
marchande, mais, pas une souricière, ni une ouvrière, ni une couturière, ni une formière ;
de même bâtonnet, cabinet, filet.
C’est surtout par groupes d’idées. Ex.: Termes de grandeurs: petit, minuscule,
minime, microscopique, insignifiant, imperceptible, pour la petitesse ; grand, immense,
énorme, colossal pour la grandeur.
On peut enfin tenter des rapprochements : distinguer l’adjectif du nom : sourd et
surdité, muet et mutisme, froid et froideur, lourd et poids.
Enfin, à un stade élevé: le pied de l’homme, le pied de la table, un pied de salade, les
pieds d'un vers, le pied biche.
La leçon de vocabulaire est délicate. Elle demande .un travail de préparation sérieux
au maître.
SUJET N° 35
Expliquez ces deux propositions de Delacroix :
« Le mot est nécessaire à l'intelligence de la phrase. »
« La phrase est nécessaire à l'intelligence du mot. »
Le Maître, peut-il s'en inspirer pour l'enseignement du vocabulaire, du langage et de la
grammaire ?

I. EN MANIÈRE D'INTRODUCTION :
Pour parler et pour écrire, on se sert de mots. Ceux-ci sont groupés en phrases.
Celles-ci, réunies, à leur tour, constituent des paragraphes. On peut se demander quels
rapports existent entre la signification du mot et celle de la phrase. Delacroix les résume
comme suit :
« Le mot est nécessaire à l'intelligence de la phrase. »
« La phrase est nécessaire à l’intelligence du mot. »

II. EXPLICATION DE LA PREMIÈRE PROPOSITION :


Son sens parait évident. La signification d'une phrase est la résultante des mots
groupés ensemble. Il serait chimérique d'essayer de comprendre un texte, alors, que l'on
ignore la signification des mots qui y figurent. Il faut bien savoir le sens de chaque mot
composant une phrase pour avoir
1 intelligence de cette dernière. C’est pourquoi on recommande pour la lecture

d'ouvrages écrits en langues étrangères, un riche vocabulaire.

III. EXPLICATION DE LA SECONDE PROPOSITION :


De prime abord, cette seconde proposition parait plutôt fausse. Les mots, par eux-
mêmes, ont un sens. Ainsi, lorsque je cause avec un étranger qui parle une langue qui
m'est totalement inconnue, s'il prononce les syllabes : de-gô-le, je comprends aussitôt,
qu'il s'agit du Président de la République française.
L'exemple précédent, s'il frappe, ne suffit pas à généraliser. S'il s’agit d’une langue
étrangère, que nous ne comprenons pas, les syllabes que l’on vient de prononcer
peuvent avoir un sens que nous ignorons et tout autre que celui que nous avons
compris.
Ensuite, le même groupement de lettres de sons ou de syllabes a des sens fort
variés. Pour certains mots, les Dictionnaires Littré ou Robert, énumèrent jusqu’à une
100
vingtaine de significations. Cet enrichissement provient surtout de l’emploi du sens figuré
des mots. Ainsi, pour annoncer le décès d’un des leurs, les scouts disent qu’il « est
rentré à la maison ».
Comment comprendre la signification de ce mot ou expression si l'on ignore celui du
contexte dans lequel il s'insère. De même, comment pourrions-nous donner au mot «
bière », une signification différente dans les deux phrases suivantes : Nous avons bu
une bonne bière, et, on l’a enseveli sans bière, si nous- ignorons ce que ce sont que
boire et ensevelir ?
Enfin, pour nous, apprendre le sens des mots, il a bien fallu qu'on use de mots, et, en
définitive, de phrases... La chose est d’autant plus facile qu’on connaît déjà une langue...
Se pose alors une question : Comment apprendre le sens d’un mot à celui qui serait
sensé n'avoir aucun commencement dans l'apprentissage de la langue maternelle ?

IV. APPLICATION DANS L'ENSEIGNEMENT :


A) LANGAGE:
Pour apprendre une langue, il existe deux méthodes : l’analytique et la synthétique.
Le processus synthétique le plus répandu dans les écoles, consiste à aller des lettres
aux mots et à la proposition.
Dans l’analytique ou méthode globale, on est mis d’emblée devant la phrase. C’est
une analyse ultérieure qui fait prendre conscience des éléments composants. L’élève
doit deviner le sens des phrases complètes avant de connaître celui des mots dont ces
phrases sont composées. Il semble, si l’on examine à la lettre, les deux propositions de
Delacroix, que la méthode globale soit impossible, puisque « !e mot est nécessaire à
l'intelligence de la phrase ». La méthode analytique elle, aussi, apparaît impossible,
puisque « la phrase est nécessaire à l’intelligence du mot ».
Une synthèse entre ces deux méthodes reste possible. La méthode analytique
implique la règle de Descartes : « diviser chacune des difficultés que j’examinerai en
autant, de parcelles qu’il se pourrait et qu’il serait requis pour mieux les résoudre ».
Mais, la réalité n’est pas faite de pièces ou morceaux. Tout s’y tient. Pour avoir une
intelligence complète, après avoir décousu, il faut résoudre et reconsidérer dans leur
ensemble les processus par lesquels nous comprenons une langue écrite ou parlée.
Ainsi, pour enseigner à son bébé la langue maternelle, la mère de famille ne s’en tient
pas seulement aux mots et aux phrases recommandées par Delacroix. Elle accompagne
mots et phrases de gestes indicatifs et mimiques significatives.
D’une part, pas besoin de phrases non plus pour expliquer le sens des mots. Les
choses, elles-mêmes l’indiquent suffisamment. Le fait de montrer son biberon au bébé
dit beaucoup.
Dès lors, point n’est besoin qu’il comprenne les mots d'une phrase. Il suffit qu'il
connaisse la phrase qui lui sert de contexte pour que la phrase, prise dans son
ensemble, lui devienne intelligible.
D’autre part, quand l'enfant connaît déjà l'essentiel de sa langue maternelle, le Maître
dispose d'un outil pour l’apprentissage d une autre langue. II procède par équivalence
entre la langue déjà connue et celle qu'il s'agit d'apprendre. Il enseigne selon la méthode
analytique, fait le tour des espèces de mots, étudie la syntaxe et apprend à ses élèves à
construire des phrases. On peut aussi plonger l'enfant dans un milieu qui parle
exclusivement la langue à apprendre. Grâce au comportement dont s'accompagnent, les
paroles, le sens des mots se divise.
B) LE VOCABULAIRE :
Il s’agit, surtout, d'enseigner aux enfants, dès le C.E. le sens des mots intégrés dans
des textes placés sous leurs yeux. Dès lors, le mot prend un sens selon la phrase dans
laquelle il est employé et le sens de la phrase, lui-même, dérive du sens attribué aux
mots constituant la phrase. Ex. : Le vert de la feuille n’a rien de semblable au vieillard
resté vert, en dépit de son âge.
Là aussi, va-et-vient entre le sens du mot et celui de la phrase (Exemples à fournir).
C) GRAMMAIRE:
On commence toujours par la phrase avant d'en venir aux mots, mais, à l’aide des
mots étudiés on construit des phrases. (Donner des exemples).
En réalité les deux affirmations successives de Delacroix ne sont point paradoxales.
Le dictionnaire nous fournit des mots en dehors de toute phrase. Dans I usage réel de la
parole, même lorsque nous ne prononçons qu’un mot, les circonstances dans lesquelles
il est prononcé constituent une sorte de contexte qui explicite son sens. En généralisant,
les affirmations de Delacroix, on peut dire, que toute perception, quel que soit son objet,
est globale et les éléments sont perçus dans le tout. C’est ce qui explique que l’élément
est nécessaire à la perception du tout et que le tout est nécessaire à la perception de
l’élément.

102
SUJET N° 36
« Une leçon de grammaire est un exercice d'observation mais, au lieu de
manipuler, de disséquer un objet, on observe, on dissèque, on analyse un texte. »
Commentez cette formule et appliquez là, ensuite à un cours de votre choix.
QUELQUES IDÉES SUR LE DEVOIR :
Le texte proposé établit une similitude entre l’exercice d’observation et la leçon de
grammaire. Les deux utilisent la môme méthode d’observation, de dissection et se
fondent sur l’analyse. Elles reposent sur l’observation directe et personnelle. La
différence est que le premier s’édifie sur un objet alors que la seconde se déroule sur un
texte.
Que penser de cette manière de concevoir la leçon de grammaire ?

I. LÀ MÉTHODE DE L'EXERCICE D'OBSERVÀTION :


Les étapes de l’exercice d’observation sont bien la manipulation et la dissection,
toujours accompagnées d’observations méticuleuses. Cet exercice se pratique sur des
choses familières aux enfants (produits naturels ou fabriqués, animaux, végétaux ou
phénomènes courants).
Les élèves, toujours placés devant les faits, s’habituent à les observer, à les décrire
de façon précise. Les I.O. Insistent sur le « rôle actif » que l'enfant doit avoir au cours de
l’exercice Elles précisent que c’est l’élève qui « doit décrire les faits tombant sous ses
sens. Le rôle du maître, « capital dans sa discrétion » consiste à solliciter l’observation
de l’enfant, è l’orienter, la rectifier et la compléter, si besoin est. Il aide l’enfant à
dépasser le contact, à interpréter l’expérience, à franchir une étape nouvelle de
l’évolution de sa pensée.

II. LÀ MÉTHODE DE LÀ LEÇON DE GRAMMÀIRE :


A)ROLE DE L’OBSERVATION :
Le fait grammatical existe au même titre que le fait scientifique. Il se compose d’un
groupe d’éléments que l’on peut isoler au sein du langage parlé ou écrit. On l’étudie par
observation. Mais, au départ, il faut préciser que celle-ci est moins aisée que celle d’un
objet ou d’un fait' matériel. C’est pourquoi, il appartient au maître de déterminer avec
soin le fait grammatical qu’il entend faire observer par ses élèves. Celui-ci doit être
aisément observable et avoir une valeur exemplaire. Il importe qu’il corresponde aux
réalités de la langue courante. La leçon de grammaire se fait à partir d’un texte de valeur
significative, mais clair et simple.
On fait observer le texte inducteur par l'enfant et on le conduit habilement à la
découverte du fait à étudier, puis, à formuler une règle.
Les I.O. précisent même que l'énoncé de la règle doit toujours s'accompagner d’un
exemple qui en reste inséparable. La règle une fois dégagée et comprise, on passe aux
applications trouvées par les élèves puis, aux exercices oraux ou écrits.
La règle doit être simple, claire, précise et complète. Le maître veille attentivement
qu'elle réponde à ces qualités. Des exemples simples présentent de façon concrète des
situations identiques régies par la même loi sont montrés aux enfants.
On peut dire que la leçon de grammaire s'effectue bien à partir de l'observation d’un
texte, même si ce dernier ne comporte qu’une phrase. De plus, à l’image du fait matériel
ou du phénomène naturel, le fait grammatical ne peut s'étudier que par l'observation.
Les I.O. précisent : « c'est de l'observation de la langue pariée, d'abord, puis, de la
langue écrite que la grammaire extrait les définitions et les règles pratiques dont elle a
besoin ».

B) ROLE DE LA DISSECTION :
L'observation attentive du texte inducteur conduit obligatoirement à déterminer
d'abord, les parties le composant puis, les rapports existant entre elles. On se livre à une
décomposition presque scientifique de l’exemple de départ afin de reconnaître, compter,
comparer, justifier les caractéristiques de chacun des mots le constituant. N'est-ce pas la
méthode d'étude pratiquée dans les sciences ? Un corps n’est véritablement connu que
lorsque, par dissection, on a passé de son étude extérieure à l’intérieure. Sans cette
opération les liaisons intimes des faits grammaticaux nous échapperaient et notre étude
en serait toujours incomplète.

C) ROLE DE L’ANALYSE:
Analyser c’est décomposer un tout en ses parties, étudier, examiner, résumer. Cette
opération est indispensable en grammaire parce qu’il s'agit d’étudier des faits
grammaticaux insérés dans un texte, il faut les isoler, les considérer séparément par
rapport à l’ensemble. D’ailleurs, étudier la grammaire c’est exercer l'esprit de l'enfant à
l’analyse formelle, d'abord, lente et réfléchie puis, rapide et immédiate. Ce faisant, on
l'amène à penser les mots, les constructions, les fonctions et à les lasser avec l'appui
d’une nomenclature dans des catégories abstraites et générales. Or, analyser en
manipulant des idées et non des objets, distinguer dans une phrase des groupes de
sens et les éléments de ces groupes constituent des opérations intellectuelles fort
difficiles. C'est peut-être pourquoi la grammaire est une science qui reste au-dessus de
la portée des enfants avant 1 0 - 1 2 ans.
De plus, l’analyse ne devient-elle pas l’exercice grammatical essentiel. Toute l’étude
de la grammaire doit mener à l'exercice et c’est par J'analyse que l’étude des formes et
des fonctions prend un sens. Ainsi donc, l'étude de la grammaire se sert de l'analyse et
doit aboutir à l’analyse. Autre ressemblance avec l'exercice d'observation puisque
l’analyse est au départ de toute science.
IV. CONCLUSION 104
:
Du point de vue pédagogique la pensée à examiner est fort juste. Il y a parfaite
analogie entre la méthode de l’exercice d’observation et celle de la grammaire. Tous
deux observent dissèquent, analysent. Seule la matière diffère et, peut-être, aussi
l’utilité. Alors qu’en science on étudie un corps, un fait, un phénomène afin de le
connaître, d’être fixé sur lui- même (étude directe), l’utilité de la grammaire apparaît
indirecte et seconde. Elle est moyen en vue d’enseignements à valeur directe : lecture,
rédaction, orthographe. L'une et l'autre permettent de manipuler, de disséquer et
d'analyser.
SUJET N° 37
« L'enseignement de la grammaire n'est pas une fin en soi, mais, un moyen pour se
rendre maître de la langue, et, à ce titre, la grammaire est l'auxiliaire des autres
disciplines. »
Que pensez-vous de cette affirmation ?
Comment concevez-vous une leçon de grammaire au Cours Élémentaire. Faites le
plan détaillé d'une leçon sur l'adjectif qualificatif (1ère leçon) au Cours Elémentaire,
1ère Année.
(C.A.P. Martinique, Session de mars 1966)

F. LA GRAMMAIRE N'EST PAS UNE FIN EN SOI.


Le Jeune écolier ignore le singulier et le pluriel, les compléments et les attributs, les
modes et les temps des verbes. Pourtant, il parle français, parfois même, correctement.
Il semble que point n’est besoin de connaître la grammaire pour bien s’exprimer en
français. D’aucuns vont même jusqu’à trouver inutile cet enseignement.
V La réalité est la suivante:
La grammaire constitue un moyen et non une fin en soi. Elle n’a ni sens, ni d’utilité
en elle-même, pas plus à l’école que dans la vie courante. Alors que l’on apprend
l’histoire pour connaître l’histoire, la géographie pour connaître la géographie, on
n’apprend pas la grammaire pour savoir la grammaire. Son utilité est indirecte et
seconde. On l’étudie comme moyen’ et .en vue des seuls enseignements à valeur
directe que sont: la lecture, la rédaction, l’orthographe. Bref, elle confère la maîtrise de
la langue française et se révèle auxiliaire des autres disciplines. Les I.O. de 1938
rappellent : « L’Enseignement élémentaire de la grammaire a pour objet de faire
acquérir la correction de la langue parlée et écrite dans la mesure où la pratique n’y
suffit pas ».
En fait, la grammaire a pour but d’assurer une connaissance et une maîtrise de la
langue telles que nos enfants puissent en utiliser les ressources pour exprimer les
nuances de leur pensée.
C’est dire du coup, qu’il Importe de proscrire toute grammaire faite de règles
formelles et artificielles d’exceptions et de tolérances. « Celle qu’il faut est celle qui
apprend, par l’action, à parler et à rédiger en bon français ».
Pour Ch. Bally, (Crise du français) : « La grammaire proprement dite est celle qui
touche directement au grand problème ; le seul véritable et central : la culture de la
langue comme moyen d’expression de la pensée ». En réalité, tous les enseignements
de l’Ecole primaire bénéficient de la clarté et de la correction de la langue. Bien
comprendre l’histoire,
106
le calcul ou les sciences, c’est être capable d’exprimer, en un
français clair, la signification précise de telle date ou elle fait historique. C'est pouvoir
rédiger, de façon aisée la solution d un problème et énoncer clairement propriétés,
règles, formules et lois. Bien qu'indirect, l'Enseignement de la grammaire devient d'une
Importance capital à l'Ecole Primaire, par sa portée sur toutes les autres disciplines qui
y sont enseignées, surtout parce qu'elle éclaire les procédés de style et fait connaître
l'art d'écrire.
X II. COMMENT CONCEVOIR UNE LEÇON DE GRAMMAIRE AU COURS
ÉLÉMENTAIRE ? :
En 1950, les programmes ont été complétés par un tableau très précis de la
progression grammaticale à suivre, accompagné d'un commentaire. Ce dernier
précise, notamment « la nature et le cadre de l'effort dans chaque cours ».
Au Cours Elémentaire 1ère Année, il s'agit d'initier oralement les enfants aux
premières notions et les mots « d'idée » et de « reconnaissance » employés indiquent
nettement les limites à ne pas dépasser.
Au Cours Elémentaire 2e Année, la méthode reste la même. « II ne s’agit que
d'inculquer des notions ». Mais, l'étude est plus précise et, aux exercices oraux,
s’ajoutent des exercices écrits.
Au Cours Elémentaire, il faut se contenter d’une simple Initiation grammaticale : le
nom, l’adjectif et le verbe dans la phrase simple. La recherche du sujet, l’idée du
complément ; la conjugaison des verbes usuels aux trois, d'abord, puis quatre et cinq,
temps les plus employés.
Peut-être, Importe-t-il aussi de se borner à la conquête solide des accords simples
tels que : le petit enfant, les petits enfants : un oiseau jaune chante, des oiseaux
jaunes chantent. Insister sur les Idées de sujet et de complément qui permettent la
construction de la phrase simple.
Les principes de la leçon de grammaire au Cours Elémentaire, qui se dégagent
des I.O. sont :
a) L'Enseignement do la grammaire doit être simple : notions claires, adaptées aux
possibilités Intellectuelles d'un enfant de sept à huit ans.
b) L’Enseignement de la grammaire doit être concret : exemples empruntés à la
langue parlée, courtes phrases composées par les enfants eux-mêmes. Ainsi la
grammaire devient : « une réalité vivante et non une chose inanimée que l’on découpe
en tranches. »
La leçon de grammaire basée sur la méthode inductive, comprend quatre étapes
essentielles : observation du phénomène grammatical particulier, raisonnement sur les
données de l'image ; élaboration de la règle après généralisation ; découverte par les
élèves d’exemples obéissant à la règle étudiée. L’enfant ne pouvant donner à la règle
qu'une forme imparfaite, il appartient au Maitre de la reprendre et de l’exprimer en
termes clairs et précis. Les exercices d'application seront classés en série d’analyse :
recherche, dans les phrases, du phénomène grammatical étudié et en série de
synthèses qui se résument à l’utilisation et permet au Maitre de s’assurer que la notion
est comprise et définitivement acquise.
Essayer de toujours rattacher la grammaire à la construction de phrases107ou à la
rédaction.
PREMIÈRE LEÇON SUR L'ADJECTIF QUALIFICATIF

Cours Elémentaire 1ère Année

IDÉES FORCES DE LA LEÇON :


a) L'adjectif qualificatif précise le nom.
b) Il l'accompagne.

PROGRESSION :
I. PARTIE ACTIVE : CHERCHONS ET NOTONS.

Sur le bureau.
a) Des crayons de mêmes dimensions, mais, de couleurs différentes.

b) Des règles de tailles différentes.

Dialogue.
a) Apporte-moi un crayon !
Faire dire et écrire par l’élève :
J’apporte un crayon.
Procéder de même pour :
J’apporte un crayon rouge.
De même avec les règles :
J’apporte une règle.
J’apporte une grande règle.

II. OBSERVONS ET ETUDIONS :


a) Comparons les deux phrases se rapportant au crayon (les souligner en couleurs).
Quel mot contient, en plus, la deuxième? A quoi sert ce mot rouge? A dire comment
est le crayon que j’ai apporté ; à distinguer ce crayon des autres. Il précise la couleur du
crayon.

108
b) Procéder de même pour les phrases se rapportant à la règle... Le mot grande sert
à dire comment est la règle que j’ai apportée. Il précise sa longueur par rapport aux
autres règles.
c) Observons la deuxième phrase se rapportant au crayon :
Que désigne le mot crayon ? Une chose, un outil de l'écolier... C'est donc un Nom.
Où est placé le mot rouge ? Après et tout à côté du nom.
d) Procédons de même pour la deuxième phrase se rapportant à la règle. Le mot
grande est placé à côté du nom, et tout près et devant.
e) Observons maintenant deux garçons Pierre et Jean, non de mêmes couleurs et de
corpulences différentes.
Disons : Pierre est noir.
Jean est rouge.
Pierre est gros.
Jean est maigre.
f) Essayons de trouver des mots pouvant distinguer deux chiens, deux chats, deux
oiseaux,...
Médor est un chien méchant.
Friquet est un chien doux,...
LE MAITRE : Ces mots qui disent comment sont les personnes, les animaux ou les
choses, qui, permettent de les distinguer, s’appellent des adjectifs qualificatifs.
III. CONCLUONS :
Que précise l'adjectif’ qualificatif ? (taille, couleur, grosseur, qualités, défauts,...).
Où se place-t-il ? Avant ou après le nom, mais, toujours tout près de lui.
IV. RETENONS:
L’adjectif qualificatif dit comment sont les personnes, les animaux, les choses. Ex ;
un crayon rouge ; un garçon trapu, un chien méchant.

V. AVONS-NOUS COMPRIS ?
a) Exercices oraux rapides : Disons à l'aide d'un adjectif qualificatif comment peuvent
être :
Un élève (qualité ou défaut), un chat, un paquet.
b) Dans les phrases suivantes, indiquez' l'adjectif qualificatif. Un jouet solide, un chien
fidèle, un vase fragile, le ciel bleu, un joli bouquet, un gros éléphant, une voiture noire,...
(N.B. Pas d’exercice écrit en 1ère Année du Cours élémentaire).

109
SUJET N° 38
Un pédagogue écrit : « Quelle grammaire devons-nous enseigner ? La grammaire de
la langue réelle, aussi simple que nous le pourrons. Elle ne sera ni philosophique, ni
historique... Elle ne sera pas dogmatique non plus, mais, expérimentale, pour ainsi
dire. »
Qu'en pensez-vous ?

I. INTRODUCTION :
On relève dans les I.O. de 1923 « Jamais, nous ne répéterons assez qu’il faut
simplifier l’enseignement grammatical ». C’est dire que cet enseignement doit être
allégé le plus possible, ne contenir que des notions exactement adaptées à l’âge et à
l’esprit des enfants et dégagé, autant que possible du « fatras de la terminologie
technique. » La manière de l’enseigner, elle aussi, doit être concrète et active. C’est ce
que pense le pédagogue qui, à propos de la grammaire à enseigner, répond : « la
grammaire de la langue réelle aussi simple... mais expérimentale ».

II. EXPLICATION DU PASSAGE:


Eclairons les expressions :
La langue réelle : C’est la langue française simple, correcte et précise telle qu’on
doit la parler ou l’écrire,
Philosophique : Une étude conforme aux lois de la raison, savante, rai- sonnée.
Historique : Qui appartient à l’histoire, dont l’histoire fait mention, qui présente les
faits dans leur ordre chronologique.
Dogmatique : Qui exprime une opinion de manière catégorique, de façon
péremptoire ; qu’on ne saurait contester.
Expérimentale : Fondée sur l’expérience, basée sur des épreuves qui démontrent et
vérifient.
A leur lumière, expliquons la pensée du pédagogue :
La grammaire qu’il faut enseigner à l’Ecole primaire est celle qui conduit l’élève à
parler simplement, mais, correctement, tirée d’abord, de l’usage, qui se propose de lui
donner non une érudition purement verbale, mais, la connaissance exacte des: faits
grammaticaux. Par exemple, il faut, avant d’employer le mot pluriel, en donner à l’enfant
l’idée et lui indiquer les moyens que la langue emploie pour l’exprimer. On prendra une
phrase de l’enfant, faite de mots qu’il emploie, et qu’il comprend immédiatement. Ex :
Nous jouons au110charretier ; j’ai un cheval ; je le fouette et je dis hue cheval ! Le chariot
est très lourd ; le cheval n’arrive pas à le traîner. Je mets la seconde partie au pluriel.
Cette fois, je crie : Hue chevaux I J'ai donné le même ordre ; j'ai dit la même chose, tout
à l’heure, je disais cheval et, maintenant, chevaux. Pourquoi ? C’est ce qu'on appelle
mettre le mot au pluriel, c’est-à-dire, d'indiquer qu'il y a plusieurs objets. On répète
l'expérience avec des chiens. Cette fois, c'est un S, qui marque aussi le pluriel. Plus
tard, l'enfant se rendra compte, qu'on ne lui a pas enseigné une erreur.
En multipliant les exemples de ce genre, on atteint le but essentiel de la grammaire
qui est de conserver la langue.
Cette méthode est nouvelle et contraire à la scolastique qui définissait les termes,
édictait les règles, commentait. Elle est concrète, observe les faits, réfléchit, classe et
déduit, sans faire trop d'effort, des règles simples, exactes et comprises de tous.
Comme le Professeur de langues vivantes, le maître doit enseigner une langue
française simple et facile, une grammaire pratique dont les règles sont d’abord
observées et appliquées par les élèves.
Parmi tous les enseignements de l’école, la connaissance de la langue demeure la
plus précieuse pratique que les élèves doivent emporter et conserver toute leur vie. Dès
qu’ils savent lire, écrire, comprendre, le reste viendra, s’ils veulent.
III. QUE FAUT-IL EN PENSER?
En fait, l'enfant et, souvent l'adulte lui-même, parle sans connaître la grammaire. Une
connaissance intuitive du système, difficile à définir et à expliquer, pourtant bien réelle,
permet de s’en tirer. Pour parler, il n'est pas indispensable de penser singulier, pluriel,
masculin, féminin, complément direct ou attribut. D’aucuns pensent que le processus
d'acquisition intuitif par lequel l’enfant apprend la langue avant de venir à l'école, devrait
être simplement continué. C'est en somme ce point de vue que soutient le texte.
De plus, la grammaire n’a pas de sens à l'école primaire ou dans la vie courante. On
apprend l'histoire, pour .connaître l’histoire, la géographie, pour connaître la géographie,
mais, on n'apprend pas la grammaire pour savoir la grammaire. Peut-être, jamais, notre
écolier, devenu ouvrier, sauf s’il est professeur n'aura à s'occuper de sujet ou de
complément d'attribution. il devra simplement respecter l’orthographe en écrivant,
construire des phrases claires, correctes, précises. L’étude de la grammaire est indirecte
et seconde. On l'étudie comme un moyen en vue des enseignements à valeur directe :
lecture, rédaction, orthographe.
Mettre dans la mémoire des enfants des formes verbales et syntaxiques nouvelles,
lui en donner l'.usage actif par l'expression, et passif, par- la lecture, constituent, à la
fois, un apprentissage et un exercice d’esprit au-dessus de l’enfant de 10 à 11 ans,
traduisant « l'impuissance catégorielle > de la pensée enfantine.
C’est pourquoi, il importe d’être prudent de se montrer aussi simple que possible,
expérimental plutôt que philosophique, historique ou dogmatique.

111
SUJET N° 39
« Il me semble qu'il faut se borner à une méthode courte et facile... Le grand point
est de mettre une personne, le plus tôt qu'on peut, dans l'application sensible des
règles, par un fréquent usage. »
Commentez et appréciez cette parole de Fénelon en l'appliquant à la grammaire.
Une manière, entre mille, de concevoir le devoir:

I. ENTREE EN MATIÈRE :
La parole à apprécier est extraite de la : Lettre sur les Occupations de l'Académie
française, (chapitre: Projet de Grammaire), publiée en 1716, et écrite par Fénelon de
son vrai nom François de Salignac de la Motte.
Théoricien de l'éducation attrayante comme le prouve son Traité de l’Education des
Filles, Fenelon s'est vite rendu compte, que la grammaire en usage dans son temps,
offrait peu d'attrait même aux adultes, parce que « trop curieuse et trop remplie de
préceptes ». L’étude d’une science « aussi complexe et aussi touffue », effrayait les
étrangers très instruits. Les élèves, eux, goûtaient moins encore les leçons rebutantes
se caractérisant par d'abondantes règles, suivies chacune, d'interminables exceptions,
de minutieuses remarques et de laborieuses subtilités de la langue française. Il fallait,
non seulement apprendre des définitions, des règles, des exemples mais, aussi retenir
de façon imperturbable exceptions et remarques. Pareille étude était aride et
surchargeait considérablement la mémoire des élèves. De plus, elle ne se révélait point
profitable, parce que, pas attrayante. C'est pourquoi, il propose « une méthode courte et
facile », conduisant, rapidement, par l’usage, à l'application sensible des règles.

II. EXPLICATION.
Au départ, Il importe de préciser que, le mot : méthode a, pour Fénelon, le sens de
livre, d'ouvrage, de mémento ou de récit. Puisque le livre de grammaire, en usage dans
son époque est compliqué et savant, il recommande de ne pas s’obstiner à le placer
entre les mains des élèves. Au début de l’étude de la grammaire, seule, la
connaissance des règles simples et générales est nécessaire. L'étude des exceptions
viendra après. L’emploi de la « méthode courte et facile » qu’il recommande, consiste,
d'abord, à apprendre l'essentiel et à s'occuper des subtilités, par la suite.
Comme pour préciser sa pensée, l’auteur ajoute : « Le grand point est de mettre une
personne, par un fréquent usage ». « Mettre une personne, le plus tôt qu'on peut dans
l’application sensible des règles », c’est la placer, le plus vite possible nn état
d'appliquer comme par automatisme, les règles de la grammaire par la seule pratique
de la langue, sans même connaître par cœur, l’énoncé des dites règles. Il va sans dire,
112 habitude de parler et de s'exprimer correctement, joue un rôle
qu’ici, l'excellente
déterminant. C’est elle qui conduit la personne à savoir intuitivement par exemple, que
les noms et adjectifs au pluriel, sont généralement terminés par S, qu’un verbe
s’accorde en nombre et en personne avec son sujet, que pour éviter des répétitions
dans une phrase, on emploie des pronoms...
Fénelon ne limite point cette première forme d’étude à la seule conversation. La
lecture, la récitation, l'explication de textes, toutes formes verbales d’échanges d’idées
entre précepteur et disciples rentrent dans ce fréquent usage. Pour compléter sa
manière de voir, il précise : « Cette personne prend plaisir à remarquer les détails des
règles qu’elle a suivies, d'abord, sans prendre garde ». C’est dire que cette manière
d’enseigner le français doit être pratiquée le plus tôt possible avec ceux qui en amorcent
l’étude, particulièrement avec les enfants.
Fénelon n’interdit point l’usage du livre de grammaire. Comme il •est compliqué et
ardu, l’élève s’en servira par la suite. Son étude, à ce moment, devient nécessaire pour
coordonner, compléter, résumer, les notions grammaticales acquises par l’usage,
éparses et flottantes et qu’il y a lieu de fixer définitivement dans l’esprit.
l
III. COMMENTAIRE PROPREMENT DIT :
La méthode préconisée par Fénelon reste en accord avec celle recommandée par
les I.O. « L’enseignement grammatical établira des règles claires et précises qu’il tirera
de l’usage, c’est-à-dire, de la langue parlée ou écrite. Ce n'est qu’avec les plus grands
élèves qu'il essaiera de dégager prudemment les lois générales des faits linguistiques.
Elles recommandent de « toujours partir de l’usage, de l’observation de la langue
parlée, d'abord... »
De plus, l'expérience conduit à' conclure que si une grande partie du vocabulaire
échappe à l’enfant d’âge scolaire, la plupart des rapports grammaticaux et des types de
phrases lui sont familiers. C’est un travail très difficile de lui apprendre la nomenclature
des termes grammaticaux, leurs emplois et les noms des rapports qui s’établissent dans
les phrases. Aussi, est-on arrivé à se demander si ce travail était vraiment utile. L’enfant
parvient à parler sans connaître la grammaire. « Une connaissance intuitive du système
de la grammaire, difficile à définir et à expliquer, mais, bien réelle, lui permet d'en jouer
avec aisance. Point n’est Indispensable de penser le masculin ou le féminin, le singulier
ou le pluriel, les temps, les modes, les personnes, les compléments ou les attributs... Il
suffit de parler. Il semble, pense Fénelon, que le processus d’acquisition intuitive par
lequel l'enfant apprend la langue avant de venir à l’école, devrait être simplement
continué.
En outre, une conférence faite aux Elèves des E.N. de Grenoble, Valence, Privas et
Gap, sur la grammaire qu'il faut enseigner dans les

113
Ecoles primaires, précise que c’est « celle de la langue réelle, aussi simple que nous
pourrons ». Elle ajoute : « Nous savons la langue française... Ce sont no8 mères,
c'est la vie qui nous en ont donné la connaissance pratique. »
Elle complète que pour inculquer à l’enfant l'idée du pluriel, sans employer le mot
pluriel, on prendra une de ses phrases puis, deux, faites de mots qu'il emploie et qu'il
comprend ou en conversant, ou en jouant avec lui. Plus tard, il comprendra pourquoi
l’S, apprendra le mot pluriel et la règle, la plus simple possible...

IV. APPRÉCIATION :
Fénelon a eu une vue juste et nette de ce que- doit peut-être l’enseignement
grammatical dans les classes primaires élémentaires. La méthode courte et facile, ne
contenant que l'essentiel convient, admirablement aux enfants de 6 à 11 ans. Les
auteurs de grammaires modernes en ont pris clairement conscience. Leurs ouvrages
ne ressemblent en rien à ces grosses grammaires d'Antan qui ont, parfois, fait
prendre l’école en aversion par nos aînés. Ils portent des titres plus rassurants :
grammaire simple, grammaire naturelle, la grammaire fonctionnelle, etc...
Les pédagogues d'aujourd’hui admettent volontiers que la meilleure méthode
d'enseignement du français se résume à parler avec ses élèves, à leur demander de
construire de petites phrases orales ou écrites, à les faire lire, à leur donner de beaux
textes à apprendre, puis, avec le concours de tous, dégager les règles relatives, à la
langue contenues dans les phrases, passages lus ou récités. Dans chacune des
phrases correctement construites par les élèves, se trouvent les termes essentiels de
la grammaire : nom, verbe, adjectif, pronom, ainsi que les règles qui les régissent.
Alors, rien de plus normal qu’elles soient le point de départ d’une étude de la
grammaire bien comprise. Cette dernière est la seule accessible à l'élève.# On
pourrait même l’appeler, méthode naturelle. C'est pourquoi, le point de vue de
Fénelon peut être adopté sans réserve. Une méthode d’enseignement simple et
progressive, doit orienter l'étude grammaticale à l’Ecole primaire.
La leçon orale terminée, l’élève trouve dans sa grammaire, exprimées en termes
clairs et précis, les règles qu’il applique presque Intuitivement et qu’il apprend par
cœur.

V. CONCLUSION :
La méthode de Fénelon est rationnelle parce que naturelle et bien à la portée de
l’élève de l’Ecole primaire. Elle cadre harmonieusement avec les I.O. qui demandent
de simplifier, d’alléger sans cesse, de donner un enseignement grammatical concret
et actif.
SUJET N° 40
« L'enseignement de la Grammaire n'est pas seulement l'apprentissage de
l'orthographe, c'est aussi l'apprentissage de l'art d'écrire. »
Qu'en pensez-vous?

I. OBJET DE L'ENSEIGNEMENT DE LA GRAMMAIRE :


Des maîtres pensent que la grammaire se propose d’enseigner uniquement
l’orthographe aux élèves. Elle a aussi pour objet de conditionner l’apprentissage
pratique de la langue, qui, préconisent les instructions officielles, est : « le rôle essentiel
de l’Ecole primaire Elémentaire ».
L’enseignement élémentaire de la grammaire a pour objet de faire acquérir la
correction de la langue parlée et écrite,, dans la mesure où la pratique n’y suffit pas. Il
importe de souligner qu’elle est science normative et indirecte. Elle exprime des règles
que l’enfant doit respecter s’il entend parler et écrire correctement. Elle devient dès lors,
étude réfléchie de la langue en vue de la lecture générale. On l’étudie, non pour elle-
même, mais comme moyen des enseignements de l’orthographe, du langage, de la
rédaction et de la lecture. On se représente difficilement un élève présentant, sans
faute, une dictée grammaticale, s’il ignore les règles d’accord des participes passées,
celle du verbe avec son sujet ou celle de la formation du pluriel dans les noms ou les
adjectifs...

II. LA GRAMMAIRE, APPRENTISSAGE DE L'ORTHOGRAPHE :


Orthographier, c’est reproduire correctement par écrit, un texte dicté. Sa pratique est
impossible sans la connaissance grammaticale. Mais l’orthographe française est
difficile, subtile, irrégulière et, parfois même, absurde au point d’embarrasser les élèves.
Son délicat apprentissage se base sur la grammaire qui apprend comment les mots
s'écrivent et enseigne, par cela même, l’accord des formes verbales. C'est, d’ailleurs, la
raison pour laquelle on enseigne simultanément, dans beaucoup d'écoles, l'orthographe
d’usage et l’orthographe grammaticale qui s’appuient mutuellement. L’enseignement de
la langue française est un. L’écolier qui connait les règles essentielles de la grammaire
évite les fautes grossières en dictée. Il en est de même de celui qui apprend ses règles
d’orthographe usuelle. Grâce à certains enseignements se groupant autour du français
: conjugaison, analyse, récitation, lecture, l’enfant arrive à comprendre les bizarreries et
illogismes de la forme des mots. Dans la pratique de l'orthographe, associer les
formes de mémoires, user de la méthode préventive, solliciter la volonté d’attention
orthographique, évoquer, en, vue de leur application, les règles connues, c'est faire
appel, de manière directe et indirecte, aux connaissances grammaticales...

III. LA GRAMMAIRE, APPRENTISSAGE DE L'ART D'ÉCRIRE :


On lit dans les instructions officielles : « La langue correcte ne peut triompher que
par l’enseignement grammatical ». Aussi, recommandent- elles la pratique des exercices
de synthèse et de construction, exercices souples, et vivants, mettant en œuvre, toutes
les facultés actives de l’enfant. Les élèves du Cours Elémentaire doivent être entraînés
à employer un mot de nature déterminée avec une fonction précise, à se servir des mots
de liaison constituant l’armature de la phrase, à composer des phrases d’après modèles,
à traduire une même idée sous des formes de plus en plus expressives. Pour les plus
grands, à ces exercices s’ajoutent ceux « de synthèse grammaticale et littéraire. Ils sont
l’aboutissement de l’enseignement de la grammaire et l’initiation à l’enseignement de la
composition française », disent les instructions officielles de 1926. En bref, on peut dire
qu’exercices de conjugaison, d’analyse, d’élocution, de construction de phrases, de
rédaction gravitent autour de la grammaire et ne sont possibles que par elle. Ne peut
écrire et parler correctement que celui qui connaît et applique avec sûreté les règles
grammaticales.
En, réalité, s’il existe la grammaire des formes, fondée en grande partie, sur la
nécessité de bien orthographier, il y a aussi la grammaire proprement dite qui porte sur
la culture de la langue comme moyen d’expression de la pensée. Elle ne saurait
demeurer un exercice formel conduisant à l’automatisme, à la routine et à l’emploi des
termes techniques.
Il faut, à tout prix, qu’elle enseigne l’intelligence et la construction correctes de la phrase.
Un enseignement de la grammaire qui mènerait seulement à l’apprentissage de
l’orthographe serait incomplet et manquerait son but. Il faut qu’il apprenne aussi, par
l’action, à parler et à rédiger en bon français. On comprend, dès lors, le mot de F. Brunot
et la suggestion pédagogique pratique d’A. Fontaine :
a)« La méthode nouvelle conduit jusqu’au point où la grammaire éclaire les procédés
de style et fait connaître l’art d’écrire ». (Exemples des leçons de grammaire puisés dans
les rédactions d’élèves).
b)Chaque fois qu’une phrase vous paraîtra souple, alerte, bien articulée, il sera bon
de montrer à l’enfant, comment elle est bâtie et de lui en faire bâtir d’analogues. II se
rendra ainsi compte des procédés de construction de la phrase française et sa phrase
acquerra, peu à peu la souplesse nécessaire.
La véritable grammaire part de la phrase, l’observe, la comprend, la goûte de mieux
en mieux, l’orthographie
408 correctement et arrive à la construire de plus en plus sûrement.
SUJET N° 41
« La correction de la langue parlée s'acquiert surtout par la pratique » disent les
I.O. de 1938.
Est-ce vrai ? Applications pédagogiques à en tirer.

I. QUELQUES REMARQUES PRELIMINAIRES :


Trois termes du texte doivent retenir notre attention : langue parlée, surtout et’
pratique.
L’expression : de la langue parlée fait penser au langage courant, à celui que l’on
emploie chaque jour et à la discipline de l’élocution.
Surtout suggère principalement, avant tout, en particulier, le meilleur moyen, le
procédé le plus direct pour acquérir le langage parlé.
Pratique dit l’usage, l’exercice fréquent, l’entraînement, la pratique constante de :
II. L'ÊLOCUTION, UN DES VÉRITABLES BUTS DE L'ENSEIGNEMENT
DU FRANÇAIS.
L’élocution que l’on confond souvent avec le vocabulaire a son sens en elle-même.
Elle apprend à parler à l’enfant comme la rédaction lui apprend à écrire. On peut dire
qu’associée à ce dernier enseignement, elle constitue le véritable but de l’enseignement
du français.
Il importe donc, dès le début de la scolarité d’y initier, l’enfant afin que
progressivement, il acquière la correction de la langue. Les I.O. de 1938 semblent
séparer langue parlée de langue écrite. A juste raison d’ailleurs, puisque chacune d’elles
fait ¡’objet d’une discipline spéciale élocution et rédaction.
Elles insistent sur le rôle que joue la pratique dans l’acquisition de la correction de la
langue parlée. Que faut-li en conclure ? Elles pensent que principalement la première
conduit à la seconde.
III. ROLE DE LA PRATIQUE :
Deux constatations courantes :
a) L'enfant que l'on reçoit au Cours préparatoire s'exprime déjà avec certaine aisance
à la maison et en récréation. Mais son langage est incorrect et rudimentaire. Souvent
même son langage parlé n’est qu’un dérivé du patois créole. Parfois, ne pouvant trouver
le terme qui traduit sa pensée, il s’aide du geste ou de la mimique.
Il emploie en abondance les mots : chose et machin et, bien fréquemment, des
termes impropres. 409
b) Par contre, Il se sent embarrassé quand il lui faut parler en classe devant ses
camarades et son maître. Parfois même, il est comme paralysé et l'aisance de parole
dont il dispose dans la cour disparaît. L’attention que l'on porte à ce qu'il dit, l’effort pour
rechercher l'expression correcte, la difficulté de penser avec clarté et précision, la
confusion de ses idées sont autant dé raisons qui le troublent...
il importe d’apprendre à parler à l’élève de l’Ecole primaire, de lui en fournir des
occasions et de créer en lui le désir de parler. C’est grâce à un entraînement progressif
et intensif du langage parlé qu'ii parviendra à s’exprimer avec correction puis, avec
aisance. Cet entraînement serait infructueux si, à tous instants, l’instituteur n'intervenait
pas pour rectifier, préciser le langage imparfait de l’élève. Le mot surtout que contient ie
sujet implique qu’il existe autres procédés que la parole pour acquérir la correction de la
langue.
Mais puisqu’il s'agit de langue parlée seulement, 'aucun autre procédé ne saurait
être plus direct. Cette pratique s'étend à toutes les disciplines scolaires. Aussi, dit-on
que -¡’élocution est discipline permanente»
Par ailleurs, il existe Une liaison directe entre la -conception de l’idée et son
expression orale ou écrite. La correction et la sûreté d’expression ne naissent que d’une
conception claire de la pensée à exprimer.
De • même, penser clairement favorise l'expression nette.
Au surplus, on lit dans les I.O. ce passage relatif à la grammaire. « Elle a pour objet
de faire acquérir la correction de la langue dans la mesure où la pratique n’y suffit pas ».
En vocabulaire, c’est par l'usage seul, c'est-à-dire, par l’exercice de la langue parlée
(pratique) et par la lecture que- l’enfant enrichit son vocabulaire.

IV. APPLICATIONS PÉDAGOGIQUES :


En réalité la pratique est Indispensable. C'est le plus sûr moyen d’acquérir la
correction de la langue parlée, mais, elle ne suffit pas. Il faut aussi apprendre à penser à
l’enfant. C’est un travail laborieux, pénible qui- réclame un enseignement progressif, de
la vigilance dé là part du maître
1) L’élocution, à son tour, doit pénétrer tous les autres enseignements et devient
discipline permanente. C’est par les exercices d’élocution qu’il faut amorcer la correction
du langage parlé puis, écrit. Ils doivent être gradués avec soin et adaptés au niveau des
élèves.
2) Les exercices de grammaire, de vocabulaire viennent en appui à la correction de
là langue. Toujours des exemples formulés en un langage clair, précis, et correct
3) Autant que faire, Intéresser l’enfant au sujet traité et consacrer les heures
d’élocution à l’expression d’idées conçues par l’enfant lui- même et réalisées avec ses
moyens propres.
C'est surtout de l’heureuse collaboration des différentes matières constituant le
français que naîtra la correction de la langue.
410
V. QUELQUES PENSEES D'AUTEURS SUSCEPTIBLES D'INSPIRER :
a) « La pensée est ce qui se manifeste » disait Hegel. La pensée non exprimée par
parole ou par écrit reste Impulsion et poussée vitale mais pas pensée.
b) On dit: « Pas de forme sans contenu, mais aussi pas de contenu sans forme ».
c) « Le style ne sert pas seulement à exprimer nos pensées, mais aussi à les
chercher et à chercher même nos sentiments ». (Bachelard).
d)« Le style est l’homme même.' Il est l’ordre et le mouvement.de la pensée. »
(Buffon>.
e) « Concevoir et exprimer sont contemporains. Sans le langage, la pensée ne reste
que virtualité. Il y a un va-et-vient perpétuel entre l’éclosion et l’expression de la pensée.
»
« On ne parvient pas à écrire bien en écrivant vite, mais on parvient à écrire vite en
écrivant bien ». Alain.

411
SUJET N° 42
« On ne sait plus l'orthographe. »
Cette affirmation est-elle une simple boutade ? Selon vous, que faut-il faire pour mieux
apprendre l'orthographe à nos écoliers ?

Une manière, entre mille, de concevoir le devoir :

I. INTRODUCTION :
Il est courant d'entendre dire que le niveau orthographique actuel de nos écoliers se
révèle décevant. En savent-ils moins là-dessus que les générations précédentes ? Il est
difficile au maître débutant d'en juger. Cependant, même si les dictées sont honorables
chez quelques-uns de nos élèves, les compositions françaises, les questionnaires, les
copies d’énoncés de problèmes, les résumés et autres exercices écrits témoignent, par
les fautes qu'ils contiennent, une baisse évidente du niveau de nos écoliers. Il faut
admettre que nos élèves laissent l'impression qu’ils ignorent du moins, n'appliquent pas
les règles de grammaire et d'usage. Aussi, ne faut-il point s’étonner qu'un pédagogue
écrive : « On ne sait plus l'orthographe ».

II. NE SAIT-ON PLUS L'ORTHOGRAPHE ?


L’orthographe a sa place dans nos emplois du temps. La plupart des maîtres
l’exécutent avec régularité d’horloge, procèdent, de façon convenable à sa correction et
font corriger, par les élèves eux-mêmes, leurs propres fautes. Beaucoup pratiquent la
dictée préparée, provoquent comme on le doit la volonté d’attention orthographique sur
les particularités des mots à dicter, de manière à en fixer, de façon durable le souvenir.
Ils appliquent, à raison, d’ailleurs, la méthode d’acquisition correcte, préférable à celle
de redressement. Malgré tout, le nombre de dictées d’élèves atteignant ou dépassant
cinq fautes se révèle élevé.
Faut-il y voir, de la part des élèves, un oubli presque spontané des règles
grammaticales et d’usage apprises ? Les méthodes employées par les maîtres se
révèlent-elles inefficaces? Il faut reconnaître qu’aujourd’hui, on n’arrive plus guère à
faire orthographier aussi correctement qu’autrefois. Le discrédit dans lequel" est tombé
la mémoire compte sûrement parmi les causes. Les études psychologiques de Ribot et
d’Egger ont prouvé que la graphie correcte d’un mot se compose de quatre souvenirs :
auditif, visuel, graphique, d’articulation. Il importe que ces derniers s’associent toujours
et que rien ne soit négligé pour qu’ils se fixent bien dans l’esprit des élèves. La
délicatesse même de la discipline entre aussi en jeu. Mieux. On constate que nombre
412
d’élèves primaires quittent l’école san3 savoir orthographier de façon aussi
imperturbable que les générations précédentes. Ils ne l’apprendront plus au cours du
second degré puisque ce dernier ne fait qu’étendre, préciser et renforcer les notions
orthographiques déjà acquises. C’est ce qui explique que les fautes fourmillent dans les
copies du B.E.P.C. du B.E. du C.R.I. du Baccalauréat et jusque dans celles des
candidats aux grandes Ecoles.
De là à affirmer, de façon catégorique, qu’on ne sait plus l'orthographe, ce serait
exagérer et méconnaître le mérite de nos Instituteurs qui continuent à s’appliquer à cet
enseignement tant qu’ils le peuvent. Somme toute, dans nos écoles primaires,
l'orthographe est enseignée à nos écoliers comme par le passé, mais, les résultats
obtenus sont moins bons qu'autrefois. Le drame planétaire de notre époque, ia vitesse,
la tendance de nos écoliers actuels, « à tout examiner superficiellement », le rejet pur et
simple de la mémoire, l'abandon du par cœur qui est pourtant « la seule forme
authentiqué et durable du savoir » en sont, peut-être, les causes prépondérantes.
Ce trait d’esprit de l'auteur de la pensée entend seulement souligner que le problème
de l’orthographe subsiste et que celle de nos élèves d’aujourd’hui n’est pas toujours
parfaite.

III. QUE CONVIENT-IL DE FAIRE POUR MIEUX APPRENDRE L'ORTHOGRAPHE


AUX ÉLÈVES DES ÉCOLES PRIMAIRES ?
Commençons par dissiper une équivoque possible. La dictée diffère de
l’orthographe. La première constitue un moyen de contrôle des acquisitions antérieures
et demeure comme le fondement de la seconde. La dictée est une épreuve, un exercice
qui consiste à dire des phrases à haute voix, en détachant les mots ou les membres de
phrases pour que les élèves les écrivent ou les répètent au fur et à mesure. D’ordinaire,
on dicte à haute et intelligible voix.

ORTHOGRAPHE OU ORTHOGRAPHIE :
C’est l’art d’écrire correctement les mots et les signes d’une langue selon la manière
imposée par les règles ou par l’usage. Manière d’écrire les mots. Ce fut ¡’Académie qui,
sur la proposition de Perrault, en 1673, décida de codifier et d’enregistrer les règles,
bizarreries, complications et contradictions de la langue afin de « distinguer les gens de
lettres d’avec les ignorants ». .Un arrêté de 1901 de l’E.N. a décidé que, dans les
examens et concours de l'instruction publique, certaines tolérances seraient admises,
mais, qu’elles ne suppriment pas les règles.
La préparation de la dictée semble plus importante que la dictée elle- même. C'est
elle qui permet de concentrer l'attention de l'enfant sur les singularités orthographiques
des mots à écrire. Elle se borne à l’étude de quelques termes délicats et doit s'adapter
étroitement aux progrès de

413
la classe. Ainsi, avec les .élèves d'une Fin d'Etudes de bon niveau, la préparation de
la dictée reste, sommaire.
La méthode préventive- demeure un des,-moyens d'apprendre à mieux
orthographier. ' Bien d’autres exercices de l’école primaire peuvent prêter un appui
précieux à l'enseignement de l'orthographe, en vertu du principe de leur pénétration
réciproque. Une leçon de morale, d'histoire, de science ou de géographie contient
toujours des mots nouveaux ou peu connus des élèves. Il y a intérêt à les écrire au
tableau et même les faire transcrire sur les carnets d’orthographe. L'orthographe
d'usage surtout, bénéficie de cette pratique.
L’orthographe grammaticale s'apprend par les exercices de grammaire et par les
dictées. Apprendre et savoir appliquer deux ou trois règles de grammaire par semaine,
c’est „déjà obtenir un excellent résultat au bout de l'année scolaire; Les règles d’utilité
courante et journalière (accord des verbes,- des participes passés, terminaisons des
verbes à des personnes déterminées), seront écrites en tête du’ tableau noir, sur la
cloison et demeurent en' permanence sous les yeux des élèves.
Il Importe que la dictée complète les autres enseignements. Le maître « Joint deux
utilités ». Ex: la leçon d’histoire sur les guerres de Religion sera complétée par une
dictée sur Michel de L’Hôpital. Une dictée sur l’utilité des phares sert de complément à
une leçon de géographie sur les côtes rocheuses et accidentées.
De plus, l’apprentissage de la lecture a une résonance directe sur l'orthographe.
Savoir lire un mot, c’est savoir l'écrire. Au C.P. lecture, écriture, et dictée vont de pair. Il
faut aussi penser au rôle capital d’une bonne articulation. Un mot balbutié appelle sa
graphie mutilée. L'inquiétude permanente et l’orthographe correcte doivent être
inculquées aux élèves dès qu'ils commencent à écrire. L’orthographe doit devenir
permanente. Il faut exiger des solutions de problèmes, des constructions de phrases,,
des réponses écrites aux questions posées,, des copies de leçons, sans aucune faute.
Si, malgré .tout, une faute est commise, il faut absolument, qu’elle soit corrigée par celui
qui l'a faite, et non, par le maître. Le principe de l’auto-correction avec contrôle ultérieur
par le maître, s'avère extrêmement efficace. Il importe que le maître donne l’exemple de
cette exigence première, vis-à-vis de lui-même: pas de fautes au tableau, ni dans ses
annotations.
II faut surtout penser au rôle Irremplaçable de la lecture pour acquérir. une bonne
orthographe. Les élèves qui lisent beaucoup et autre chose que des Illustrés de bas
étage, sont en général bons en orthographe.
En conclusion, l'enseignement de ('orthographe n'est pas donné que par la dictée.
La crise de J'orthographe chez nos élèves n’est qu’une crise de l’attention volontaire.

414
415
SUJET N°42
Un pédagogue écrit :
« La dictée, excessivement ou maladroitement préparée, s'apparente à la copie et
s'avère moins profitable que l'antique dictée, qui, elle, au moins, exigeait un rude et
salutaire effort. »
Commentez cette affirmation. Comment concevez-vous cette préparation ?
Présentez une fiche de préparation de là dictée, telle que vous la concevez, pour une
classe dé votre choix.

I. UNE MANIÈRE D'INTRODUIRE :


Personne ne songe à contester l’importance et la délicatesse de la dictée au - niveau
de l’Ecole primaire élémentaire. L’orthographe française est compliquée au point de
dérouter les étrangers qui apprennent notre langue et de décourager les Français qui
veulent’ approfondir la connaissance qu’ils en ont. Aussi, pense-t-on que toute dictée à
proposer à l’élève primaire réclame une préparation préalable adaptée aux difficultés
qu’elle présente. Mais, il y a préparation et préparation. Chaque type dé dictée a sa
forme de préparation adéquate. On va même jusqu’à penser que la dictée n’atteint pas
son but- pédagogique véritable si elle est trop ou mal préparée.. C'est peut-être
pourquoi, un pédagogue écrit ? « La dictée excessivement ou maladroitement,
préparée... un rude et salutaire effort »
II. BUT PÉDAGOGIQUE DE LA DICTÉE.
Avant de commenter l’affirmation proposée, voyons à quoi sert la dictée.
a) Elle est d’abord un contrôle:
Les leçons de grammaire, de vocabulaire, de conjugaison apportent des
connaissances. Il importe de s'assurer que ces connaissances, confirmées sur le
champ, par des exercices oraux ou écrits et spéciaux à chaque discipline, sont acquises
définitivement. Sont-elles disponibles, c'est-à-dire, susceptibles d’être appliquées, sans
la moindre hésitation, à d’autres cas semblables ? C'est la dictée qui le dira :
b) Elle aussi une occasion de:
Mobiliser, d’une part, l’attention sur les mots et sur les règles apprises : Monter, de
l’autre, des mécanismes, sortes de réflexes a réfléchir, de façon que la règle nouvelle,
d'abord Inconnue, devienne familière et aboutisse à-un automatisme. Ex. Voici un
verbe. Quel en est te sujet ? Je pose la question : Qui est-ce qui et je fais accorder
automatiquement.

III. EXPLICATION RAPIDE ET COMMENTAIRE :


La dictée excessivement ou trop préparée, n’est plus qu’un exercice de mémoire.
Lorsque la préparation est trop poussée, elle réduit au minimum l’effort de l'élève. Une
telle forme de préparation évite des fautes dans le texte dicté, il faut en convenir, mais,
n’apprend pas l’orthographe. D'ailleurs, il est toujours dangereux de remettre en
question ce qui est déjà acquis. La préparation ne doit porter que sur les difficultés
orthographiques soigneusement choisies. La dictée préparée a pour but de créer des
automatismes déjà montés.
La dictée mal préparée, introduit le désordre et la confusion, là ou existe le plus
grand besoin d'ordre, de méthode et de clarté. Rappeler, à la fois, dix ou douze règles,
de grammaire, en y ajoutant, les exceptions, c'est, en définitive, n'en rappeler réellement
aucune.
Pour bien rendre, l’esprit a besoin d’une méthode logique. Lorsque, dans une dictée,
l’enfant commet un nombre de fautes trop élevé, c’est que l’exercice proposé était trop
difficile ou mal préparé. Il est impossible à l'élève de fixer son attention sur un trop grand
nombre de mots à corriger. Il risque de fixer dans sa mémoire des formes défectueuses,
des graphies vicieuses.
Enfin, ne pas préparer du tout la dictée, c’est mettre l’élève dans l’obligation
d’inventer l’orthographe des mots et lui fournir ^occasion de faire des fautes.
Il devient, dès lors, aisé de comprendre pourquoi les deux premières formes de
préparation de la dictée dégénèrent en copie et se révèlent moins profitables que
l’ancienne.

417
SUJET N°44
« Si nous voulons que l'exercice de langage ne soit pas un exercice de perroquet, il faut
que les enfants pensent ce qu'ils disent et, pour qu'ils le pensent, il faut qu'ils le vivent. »
Justifiez cette pensée de Pauline Kergomard et dites quelles méthodes vous permettent
de satisfaire, au mieux, dans nos écoles, l'idéal exposé plus haut. (B.S.C. 1e Partie -
Martinique, Session de mai 1966)

I. AUTOUR DU SUJET :
a) Il y est question d’exercice et non de leçon de langage. C’est qu’il s’agit d’Ecole
maternelle et non d’Ecole primaire. Cela se justifie. N’oublions pas que Mme Pauline
Kergomard a été Inspectrice générale d’Ecoles maternelles de 1879 à 1917. Elle fut
proposée à ce poste par F. Buisson, alors Directeur de l’Enseignement primaire et
nommée par J. Ferry.
b) Exercice de perroquet: Exercice dans lequel l’élève parle et répète sans
comprendre, ni réfléchir comme le fait l’oiseau portant ce nom.
c) Deux idées majeures qui font toute la force de la pensée : penser ce qu’on dit et
vivre ce qu’on pense, autrement dit : penser égale vivre. Mais, « vivre » ne doit pas être,
ici, entendu dans son sens ordinaire : être en vie, durer, subsister mais, plutôt : la
pensée doit devenir une expression authentique de soi ; refléter de façon fidèle, les
menus détails de l’existence enfantine. Elle doit être la traduction de l’authentiquement
vécu.

II. COMPREHENSION DU SUJET :

a) INTRODUCTION:
Nommée Inspectrice générale des Salles d’AsIles, Mme P. Kergomard, rompt
carrément avec les pratiques éducatives en usage dans les salles d’asile de son temps.
Elle prône la liberté du jeune enfant et s'élève surtout, contre son « dressage intellectuel
qui tue l’éclosion de son Individualité ».
Elle déclare, en particulier, que penser pour l’enfant est une « lourde faute qui
équivaut à l’empêcher de penser ». La tâche essentielle de l’éducatrice consiste
simplement « à fournir une aide à l'enfant » à étudier les manifestations spontanées de
son intelligence naissante, qu'elle doit suivre, soutenir, redresser délicatement,
respectant toujours sa personnalité latente ». Aussi, ne s'étonne-t-on point qu'elle écrive
: Si nous voulons que l’exercice de... qu'ils le vivent ».

b) EXPLICATION : 419
L'auteur distingue l’exercice de langage du psittacisme qui n’est que la répétition
machinale des mots, sans en comprendre le sens, comme le fait le perroquet. Le
psittacisme ne saurait être substitué à un enseignement réfléchi. L’exercice de langage
ne peut se confondre avec un exercice phonétique de pure articulation, se résumant en
un mouvement de lèvres et de bouche ou en échos sonores.
Elle considère le langage comme expression de soi, comme élocution authentique
dérivant du mouvement même de la vie enfantine, révélant une expérience personnelle,
une personnalité propre et distincte des autres.

III. JUSTIFICATION :
La conception qu’elle se fait de cet exercice se 'justifie-pour plusieurs raisons :
a) Le langage humain diffère du langage animal. L’homme, seul s’exprime et est
susceptible de se faire comprendre par l’emploi de termes adéquats à ses idées et
surtout par son intelligence.
Les animaux eux, ne parlent pas; c'est-à-dire, qu’ils ne possèdent à aucun degré un
langage' articulé s'approchant du nôtre. Le psychologue Kellog n’est jamais parvenu à
apprendre le-moindre vocable à' son singe élevé, pourtant, pendant des années, avec
son propre enfant. Même si certains d’entre eux possèdent des organes phonateurs
assez semblables à ceux de l’homme; même si, comme lui, ils éprouvent des
sensations ou vivent en société. Ils ne possèdent pas une intelligence réfléchie et
consciente d'elle-même, capable de s'élever au-dessus des choses, de s’en détacher et
de les dominer au moyen des concepts. C’est qu’entre le concept et le mot qui lui sert
de véhicule, il existe des analogies profondes,
b) De plus, le langage mécanique, simple répétition des sons, ou exercice de pure
mémoire est bien plus facile que parler. Parler, lui-même, est plus facile que penser.
«On ne pense pas ce qu’on veut», dit-Alain.
La conception traditionnelle du langage veut qu'on pense avant de parler. Boileau,
avant ce -dernier, avait déjà écrit :
« ce que l'on conçoit bien s’énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent clairement».
c) Toute différente est la thèse soutenue dans le sujet par Kergomard : La pensée
véritable est vie. Si l’enfant ne vit pas, il ne pense pas. Cette conception moderne du
langage conduit à dire qu’on pense ses actes et non ses idées. Ces dernières peuvent
n’être qu’apparence mais, ce sont nos actes qui: traduisent l’authenticité de notre
conduite; de notre réalité psychologique et morale.
Elle reste proche de celle soutenue par Alain qui pense que conception et expression
sont contemporaines. A la limite, en fusionnant on peut dire : On parle parce qu'on
conçoit. On conçoit comme on vit ' et parce qu’on vit. Dès lors, pensée égale vie.

IV. MÉTHODES PERMETTANT DE SATISFAIRE AU MIEUX CET IDÉAL.

a) DOMAINE DE L’ECOLE MATERNELLE ;


L’enfant de l'Ecole Maternelle (section des grands et des moyens) sait déjà parler.
Mais, il importe qu’il soit initié au langage parce que son vocabulaire est bien limité et
infiniment restreint. Il forge des mots par analogie : Ex. puisque les avocats sont produits
par l’avocatier, 'les choux proviennent du «choutier». Il déforme des mots. Il emploie des
termes d’argot puisés dans la famille ou la rue. En général, il prononce mal.
Pour qu’il vive ce qu’il pense, il importe, au cours des exercices de langage, non
seulement, qu’il touche, voie écoute, mais qu’il dise ce qu’il constate en regardant en
touchant, en écoutant. Ex. : cette règle est lisse. Cette étoffe est bleue. Cette autre
rouge. De ce point de vue, les exercices de langage viennent compléter admirablement
les exercices sensoriels et d’observation.
Placés en présence des réalités concrètes et familières (fruits ou fleurs de ta saison),
les enfants sont heureux de répondre aux questions de la maîtresse qu’il en profite pour
exiger de petites phrases complètes et correctes.
Les images, celles qui, en particulier, représentent des scènes familières, donnent
lieu à des exercices pleins d’attrait. Les scènes vécues entretiennent aussi l’enfant dans
un climat propre à l'expression correcte, suggestive et vivante.

b) DOMAINE DE L’ECOLE PRIMAIRE :


A) L’expression ; au mieux que 'comporte le sujet, oblige de tenir compte de l’idéal à
satisfaire au stade de ' l’Ecole primaire élémentaire et surtout à le limiter.
Là encore, pour que pensée égale vie, les exercices de langage peuvent consister :
a)en des énumérations des objets connus (de la classe, de la maison, de la rue) ;
b) raconter des scènes vécues. Le maître laisse une certaine latitude aux élèves pour
conduire et ordonner ces scènes. Il fait vivre les actions par le mime ;
c) des dessins, des Illustrations : faire vivre par l'imagination, mais se garder de
pousser trop loin dans le domaine, de la fiction ;
d) jeux dramatiques et scéniques, vue de films intéressants et réalistes.
B) Dans le domaine de l'Ecole primaire élémentaire, l'expression au mieux, traduit
qu'il y a des limites qu'on ne peut atteindre, voire dépasser parce que :
a) L'Ecole primaire parle à l'enfant de beaucoup de choses qu'il ne peut pas toujours
vivre.
b) De plus, Il faut, à tout prix, distinguer pensée et vie. La pensée est plus vaste par
ses possibilités réelles. Elle peut conduire à conserver et à exprimer des choses
fantastiques qu'on ne saurait vivre.
c) L’Ecole apparaît naturelle, mais demeure un cadre artificiel par ses rites, son
cérémonial, ce qui y est permis et défendu.
d) L’Ecole n'a pas seulement pour fonction de préparer à la vie. Elle a pour première
tâche, dit G. Bachelard, « d’instruire l'enfant ». Elle a donc surtout une mission de
culture intellectuelle et elle doit développer chez l'élève l’aptitude à s’informer.
e) Enfin, il n’est pas toujours aisé de faire penser ce qu’on veut.

V. CONCLUSION : 421

L’idéal, pour bien parler serait de toujours pouvoir vivre ce que l’on exprime ; mais,
cela n’est pas facile. A la manière du cogito de Descartes : « je pense, donc, je suis »,
on pourrait en bâtir un second : Je pense, donc je vis ; pas toujours réalisable à l’Ecole
primaire.
Il faut reconnaître que l’expression demeure d’autant plus prompte et plus
significative qu’elle porte sur des faits vécus. Le maître d’Ecole primaire doit s'inspirer
de cette consigne.

422
SUJET N°44
« Une récente enquête a prouvé que nos élèves s'expriment très mal par écrit,
sans doute, parce qu'ils sont faibles en orthographe, en grammaire, en
conjugaison, c'est qu'ils ont trop peu l'occasion de parler. »
A l'aide d'exemples précis, montrez la place et l'intérêt que-présente l'expression orale
dans notre enseignement.
I. INTRODUCTION POSSIBLE.
Personne ne nie l’utilité de l’intérêt de l’expression orale dans notre enseignement.
Ainsi s’explique la place fort importante qu'elle occupe à l’Ecole primaire. En réalité, il
existe une liaison étroite entre elle, et l’expression écrite. On peut même dire, qu’elle
conditionne cette dernière. Tout porte è croire que l’enfant, qui s'exprime bien oralement
possède de grandes chances d'écrire correctement la langue française. C'est à cette
conclusion, qu’à abouti la récente enquête sur l'expression écrite.

II. PLACE DE L'EXPRESSION ORALE :


Selon l’enquête en question, la faiblesse des élèves en expression écrite serait due à
deux causes : faiblesse en orthographe, en grammaire, en conjugaison, et
principalement, en expression orale. A son tour, la mauvaise expression orale dériverait,
d’une part, de ce que nos élèves parlent mal, de l’autre, de ce qu’ils ne parlent pas
assez.
Est-il vrai, que nos élèves parlent mal et pas assez?
L’enfant parle volontiers avec ses camarades. Dans ses conversations amicales, il
s’exprime en un français, type local, le plus souvent, incorrect, fait d’expressions plutôt
créoles ou impropres. Peu d’entre nos élèves parlent dans un langage très correct. Bref,
la correction du langage dépend surtout du niveau linguistique du milieu familial. L’enfant
parle souvent, mais, n’entretient pas de sujets susceptibles d’assurer la correction clarté
et précision à la langue parlée. D’où, la place prépondérante de l’expression orale dans
toutes les classes du cycle primaire élémentaire.
Il faut regretter que le dialogue ne soit pas davantage pratiqué à l’Ecole primaire.
L’élocution qui a pour but d’apprendre, à la fois, à penser et à parler, n’est complète que
si elle prend valeur de communication. Les I.O. signalent bien qu’« apprendre à parler
comme apprendre à écrire, c’est apprendre à penser ». Il importe d’ouvrir la voie à la
spontanéité de l’enfant de créer chez lui, le besoin d’expression », en n’ayant pas pour
premier objectif le souci dominant de correction dans la forme. Après, a partir du C.E., il
paraît nécessaire, pour l’acquisition du langage écrit, d'exiger la phrase correcte et
construite. Cependant, gardons nous de trop demander, au départ, à l'enfant qui
‘s’essaie à la parole, sous peine de « paralyser l’élan essentiel de sa personnalité ».
Par ailleurs, l’enfant ne peut rédiger que, lorsqu'il possède non seulement, une
assez riche collection d'idées, mais, une assez riche collection d'expressions. Les I.O.
précisent, qu'il faut que « toutes les autres disciplines (littéraires, historiques,
mathématiques, scientifiques) aient accumulé dans son esprit des faits et des notions ».
Il faut aussi que tous les autres exercices, la lecture, la récitation, le vocabulaire,
l’élocution, la grammaire, la conjugaison et l’orthographe «aient assoupli son langage et
aplani les difficultés matérielles que rencontre tout écrivain novice ». D’où, la nécessité
de procéder par étapes et une gradation méthodique des exercices.
Cela revient à dire que, tous les enseignements de l'école participent à l'expression
orale.
N’est-ce pas faire de l’expression orale que de demander à un élève de répondre
correctement à une question d’histoire, de science, de calcul, d6 grammaire ou de
lecture? Les exercices systématiques d’expression orale doivent créer liberté et joie
chez l’enfant. Au début, ne pas trop exiger et le guider. Se contenter de lui demander
de répéter ou de résumer ce qu’il vient d’entendre. Puis, lui laisser plus de liberté en lui
demandant de traduire ses impressions personnelles après lectures, promenades,
scènes vécues. Aucun inconvénient à le laisser inventer des récits ou histoires dues à
son imagination. Les I.O. disent que les exercices d’élocution ne sont « féconds que
s'ils apportent de la Joie à l’enfant ».
L'un des exercices d'élocution le plus profitable consiste à faire résumer par l’enfant
un texte lu, livre fermé. Il s’habitue ainsi à comprendre ce qu'il lit, à saisir l’idée
d'ensemble du morceau, à en enchaîner les étapes. Ainsi, d'heureuses expressions se
gravent dans sa mémoire et font corps avec l’idée. Il importe non seulement, de créer le
besoin d’expression, de la parole libre et correcte et même, à partir d'un certain niveau,
l’amener à l'exposé contradictoire donnant à ses camarades l'occasion d'intervenir.

III. INTÉRÊT DE L'EXPRESSION ORALE :


Elle prend un haut intérêt quand elle développe la personnalité même de l’enfant et
met en action toutes ses forces vives.
La pédagogie nouvelle qui est fondée sur la liberté et la confiance, obtient de l'enfant
des récits vivants et joyeux où il fait part de ses plaisirs, ses yeux, ses recherches, ses-
découvertes, ses activités libres ou du travail de son groupe. Les interprétations, les
aventures seront racontées par le personnage même. Le narrateur prend le masque de
l’acteur. On passe du domaine de la fiction à la réalité. Le jeu atteint son paroxysme.
Dès lors, l’exercice intéresse et passionne l’enfant. Il devient pour lui, source de progrès
et facilite l'expression écrite. Reste, pour le maître de savoir conduire avec art la leçon.
IV. BUT DES EXERCICES P'ELOCUTION :
Ils commencent dès l’Ecole maternelle avec la correction de la prononciation et de
l’articulation, à laquelle, il faut accorder, le plus grand soin. On corrige l’expression de
l’enfant et on la fait reprendre sous formels de phrases complètes.
La correction424de la prononciation doit se poursuivre au C.P. et même au C.E., mais,
peu à peu, le souci de faire s’exprimer l’enfant en phrases complètes devient la
dominante.
Il s'agit donc de s’exprimer oralement, de façon exacte, précise et correcte. Le point
de départ de l’exercice, le thème est accessoire. ’C’est un prétexte, une base pour
fonder l’intérêt de l’exercice et rien que cela.
On part d'un thème de vie, d'un intérêt spontané de l’enfant et on sollicite son
expression à propos de ce sujet.
On corrige patiemment et on fait, répéter plusieurs fois par quelques enfants.
Tout exercice ou le maître aura parlé plus que les enfants est mauvais et a manqué
son but.
Au C.P., cet exercice a une importance particulière (une demi-heure par jour). Là
aussi, le thème doit être simple : nous faisons dû café; eh commission chez l’épicier,
j’aide maman. L’image, souvent employée, peut être remplacée avec avantage par des
observations quotidiennes, faites en classe où hors de classe.
Le déroulement de la leçon ne doit pas être prévu de façon trop rigide pour ne pas
paralyser, l'expression spontanée de l'enfant et nuire à son intérêt. Il faut savoir
improviser, (cas rare), selon ce qu’apporte l’enfant. La préparation sera donc
essentiellement constituée par le choix du sujet et une réflexion préalable sur ce sujet.
Ces exercices doivent «p poursuivre jusqu’au Cours moyen 2e Année.
SUJET N° 46
« Langage, rédaction, dessin, voilà trois moyens d'exprimer sa personnalité. »
Tirez-en des conséquences pédagogiques pratiques.

I. UNE MANIÈRE D'ABORDER rLE DEYOIR :


Pour communiquer avec ses semblables et traduire ses états d'âme l'homme
dispose de la parole, de l'écriture et du dessin. Par l’un ou ¡’autre de ces moyens, il
exprime ses besoins, désirs, sentiments ou impressions. Par eux, il reflète, à la fois, son
être subjectif et même objectif. Entendre un conférencier exposer une question, permet
de pénétrer sa pensée, sa conception du monde, et, du coup, sa culture. Lire et
comprendre un chapitre d’une œuvre classique, fait juger de !a valeur de l’œuvre et,
aussi, du talent de l’auteur qui l'a écrite. Examiner une production artistique pour
essayer d’en saisir le sens et la portée, oriente vers le style de l'artiste et révèle sa
personnalité... On peut dire que ces trois formes d’expression traduisent la totalité
intérieure de l’adulte. Plus encore pour l'enfant dont l’âme est un miroir où tout
s’imprime, elles font découvrir une subjectivité aux replis secrets et mystérieux.

II. LE LANGAGE, EXPRESSION DE LA LIBRE PERSONNALITÉ ?

Alain écrit : « Le langage est le miroir de l’âme ». Qui dit langage supposa l'emploi de
la parole pour exprimer des Idées et communiquer des sentiments. On le définit,
d’ailleurs, un système de signes permettant d'exprimer des états de conscience, et, par
conséquent, de les faire connaître à d’autres personnes. Par lui, l’homme s’affirme,
extériorise ses sensations, tendances et inclinations. II demeure la forme supérieure
d’analyse discursive d’une pensée qui travaille. Les instructions officielles disent:
«Apprendre à parler comme apprendre à écrire, c'est apprendre à penser ».
Même celui qui parle avec aisance, prépare, ordonne, domine sa pensée avant de la
traduire et la communiquer aux autres. C’est qu'au langage correspond un travail de la
pensée par lequel l’être fait effort pour se traduire authentiquement. Concevoir
clairement aide à parler net et reste une condition primordiale de la sûreté de
l'expression. C'est ce qu’exprime Boileau par ses deux vers :
« Ce que l'on conçoit bien s’énonce clairement. Et les mots pour le
dire arrivent aisément».
Dès le cours préparatoire, les exercices de langage sont d'une utilité incontestable et
tout au long de l’école primaire. Nos élèves ont peu d’idées, et aussi 426 peu de mots
corrects pour les exprimer. Il faut leur apprendre à parler comme on leur apprend à
écrire, leur fournir l'occasion et le désir de parler souvent, en évitant des exercices trop
artificiels. Le sujet, (conte, récit, image, film) importe peu, puisqu’il est davantage
occasion, prétexte à parler qu'exploration d’une question déterminée. Cet entrainement
permettra de rectifier, de redresser des façons incorrectes de s’exprimer. A mesure que
l’enfant grandit, l'habituer à voguer dans un monde plus naturel qu’artificiel, à être
sincère et, autant que faire, à traduire librement le contenu de son être propre. Tout en
créant le besoin d'expression, amenons l’enfant à exprimer de façon libre, joyeuse et
vivante l’authenticité de son âme.

III. LA RÉDACTION :
Rédiger, c'est formuler par écrit, dans l'ordre voulu, ses pensées sur un sujet
déterminé. La manière de rédiger traduit aussi la personnalité de l'être. Buffon dit : « Le
style, c'est l'homme même ». Si, au départ, on habitue l'enfant à composer dans des
cadres déterminés et d'après modèles, il importe de le conduire à la spontanéité, de
l'amener à écrire ce qu’il pense, à décrire ce qu'il voit réellement et qu’il traduise, « ses
impressions vraies dans une forme littéraire ». C’est par leurs écrits que la postérité juge
les écrivains disparus. C’est par leurs œuvres que ces derniers deviennent immortels.
La bonne méthode en rédaction conduit l’enfant à voir juste, à observer judicieusement,
à traduire sans intermédiaire, ses impressions personnelles. C’est à dessein que les
Instructions officielles de 1938 précisent: «L'heure de la rédaction doit être consacrée à
l'expression d'une idée conçue par l'enfant et réalisée avec ses moyens. Il faut que les
phrases et paragraphes soient la traduction d’une pensée. Est mauvaise, toute
méthode, qui n’inspire pas à l’enfant le désir de traduire ses impressions et de chercher
pour cette traduction, l'expression adéquate ». Qu’il s'agisse de travail individuel, de
recherches, d'enquêtes et monographies réalisées par équipe, les productions doivent
toujours être l'expression libre de la personnalité.

IV. DESSIN :
H. Bourgoin définit l'objet du dessin : « Un langage qui permet au jeune enfant de mieux
s'exprimer par des traits et par des couleurs que par des mots, un moyen d’aiguiser le
sens de l’observation et d'aider à la découverte de la réalité ». Il demeure, peut-être, le
moyen le plus puissant, le plus original, le plus vivant, le plus joyeux de s'exprimer,
d'extérioriser ses sentiments et de traduire sa personnalité. Il est activité sérieuse de I
esprit et traduction propre d'une âme. C’est pourquoi les Instructions officielles
commandent « le respect de la liberté du sentiment et de I expression c e l'enfant, une
incitation à l'originalité ». Le dessin fait par enfant le résultat propre de son observation.
Il faut que le Maître- s’efforce de discerner et de comprendre le sentiment de l'élève.
Le bon maître devra « exciter plus que critiquer, suggérer, plus que corriger,
proposer plus qu’imposer » ; telle est la consigne que donnent les I.O. relatives à
l’enseignement du dessin. 427

V. CONSÉQUENCES PÉDAGOGIQUES A EN TIRER.


Autant que faire, pas de cloisons étanches, dans la pratique, entre ces trois
enseignements. Employer, au contraire, tous les procédés pédagogiques susceptibles
de les faire converger vers un objectif unique : l'expression libre, de la personnalité de
l'élève. Ainsi, toute rédaction écrite peut être précédée d'un libre entretien ou d’une
leçon d’élocution portant sur un thème similaire à celui qui sera traité. Les élèves
écriront d’autant mieux qu’ils auront été entraînés à exprimer avec aisance; correction et
oralement leurs pensées.
Par ailleurs, à partir du cours moyen, demander à chaque élève, avant la rédaction
écrite, d’illustrer par un dessin, aussi suggestif que possible, sa conception propre du
sujet .à traiter. Les cahiers de rédactions seront donc illustrés comme ceux de
récitations. Un dessin d’imagination de l’élève sera tracé sur. la page de gauche du
cahier et le développement écrit sur page de droite. Conduire parallèlement ces trois
enseignements, maintenir entre eux une liaison constante, c’est aider l’enfant à affirmer
librement sa personnalité par une méthode toute naturelle.

428
SUJET N° 47
Quelle utilité vous paraît avoir l'enseignement de l'histoire locale à l'école primaire ?
Faut-il en faire une discipline à part ?
Indiquez la méthode que vous suivez pour l'enseigner en ayant soin d'illustrer par ; des
exemples précis.
Une manière, entre mille, de concevoir le devoir :

I. EN GUISE D'INTRODUCTION :
Les I.O. de 1945 reprochent à l'enseignement de l'histoire à l'école primaire son
caractère savant et abstrait. .Elles insistent pour qu'on lé rattache à l'histoire locale pour
que l’enfant prenne « contact avec la réalité historique ».

II. UTILITÉ DE L'HISTOIRE LOCALE :


Enseigner l'histoire locale à nos élèves apparaît, d’une utilité incontestable. La
négliger c’est leur communiquer une instruction comprenant de graves lacunes. Il
semble tout à fait logique qu’ils sachent les événements s’étant déroulés sur leur terre
natale, qu'ils connaissent les noms des personnages qui y sont nés ainsi que leurs
œuvres, qu’ils puissent indiquer avec précision les monuments remarquables de leur
pays, leur signification, lès -lieux célèbres où s’est .déroulé, pour ainsi dire, l’essentiel
historique de leur coin de terre.
Ainsi l’enseignement de .l'histoire martiniquaise demeure incomplète si, en fin de
scolarité nos élèves ignorent qui sont : C. Colomb, d'Esnambuc, Joséphine, Schœlcher,
la. race caraïbe, la situation qui était faite, aux esclaves, leurs lointains, aïeux, le Gaoulé
du Diamant, les étapes, de l'évolution politique de l’ancienne colonie,, aujourd'hui, érigée
en Département, français. (On. peut choisir bien d’autres, exemples, ou des dates).
De plus, apprendre l'histoire locale aux élèves, c’est leur rendre plus intelligible-
l’histoire nationale: C’est partir du concret, de la réalité, pour généraliser ensuite. C’est
assurer une base solide ‘ à l’enseignement dé l’histoire. Le B.O.E.N. du 14-3-46,
précise: «Leçon de choses appliquée aux faits passés, l'histoire locale, .s'inspire, de-
réalités, accessibles. Elle puisa son intérêt dans le cadré où vit l’enfant qu'elle
impressionne davantage« Cette petite histoire, retraçant la vie par le menu ; est bien
plus: savoureuse et bien plus véridique que l’histoire politique ou militaire que
représentent les manuels »... C'est par elle qu'il apprendra la grande histoire. L’école
laïque de la Martinique suggère les .frères Ploërmel les personnages de J. Ferry et de P.
Bert. L’inscription gravée au pied de la statue de Schœlcher de Fort de France, exhorte
à comprendre que des grands cœurs français se sont penchés sur le sort des races de
couleur vivant aux colonies et qu'ils ont ardemment œuvré pour leur émancipation...
En outre, faire aimer par les élèves leur petite Patrie, c’est du coup 429 leur- faire
aimer' la France. L’amour du sol natal est le plus solide fondement de l’amour
patriotique. Enseigner l'histoire locale demeure le plus court chemin pour atteindre
l’histoire nationale. Parler de Joséphine, c’est revoir Napoléon 1er son règne, son
génie militaire, situer l’importance du personnage dans l’histoire française.
III. FAUT-IL EN FAIRE UNE DISCIPLINE A PART?
Il ne semble pas. Il ne s'agit nullement de créer un nouvel enseignement de
l'histoire car, les programmes sont déjà trop chargés. A aucun moment, l’histoire
locale et histoire nationale ne doivent constituer deux études distinctes. Elles
s’éclairent et se complètent l’une l'autre. On se sert de l'histoire locale pour
comprendre l’histoire nationale.
Il ne faut non plus,- se contenter de juxtaposer simplement l’histoire locale à la
nationale. Le maître rattache, quand il y a lieu, à la question qu’il expose, les faits
d’histoire locale relatifs à cette même question. Ainsi, la leçon- gagne en intérêt et en
précision. Une leçon sur l’œuvre politique et sociale de la 3e République conduit
presque automatiquement à parler de la représentation coloniale aux assemblées de
députés et de sénateurs, de nos premiers représentants, de l’établissement des
premières écoles martiniquaises, des débuts de l'évolution, notre pays devant
accéder, moins d’un siècle plus tard à la départementalisation.

IV. MÉTHODE D'ENSEIGNEMENT DE L'HISTOIRE LOCALE :


L'histoire est déjà science difficile et presque inaccessible au tout jeune enfant.
C’est pourquoi, il importe de :
a) Donner, autant qu’il est possible, un caractère concret à l’enseignement de
l’histoire locale. (Montrer aux élèves et étudier de près avec eux les vestiges et les
témoignages de chaque époque de l'histoire nationale qui se trouvent encore sur le
territoire communal : châteaux forts, casernes, rues pavées, œuvre des esclaves,
monuments au passé somptueux mais, aujourd’hui, en ruines, documents d'état civil,
examen de gravures, commentaires de photographies ou de projections...).
b) S’efforcer de faire revivre le passé devant les élèves. L'histoire, dit Michelet, «
est une résurrection ». S’ingénier à provoquer leur curiosité, à susciter leur émotion.
Une C.M. du 25-2-11 qui n’a rien perdu de sa valeur, précise :... « Le dolmen de lande
évoquera le souvenir de la préhistoire... La statue de glorieux soldat qui se dresse sur
la place publique Illustrera le récit familier des héroïques épopées de la Révolution et
de l'Empire... Les faits deviendront plus impressionnants, les personnages plus réels.
Ainsi nourrie, pour ainsi dire des sucs du terroir, l'histoire nationale sera plus vivante
et mieux comprise ».
c) Les explications données doivent être suivies de lectures significatives. Se servir
cet effet des livrets d’histoire locale existant dans certains départements : (Histoires
Lucrece et Rejon pour la Martinique).
A part l’œuvre430
des grands personnages nationaux, ne pas laisser dans l’ombre l'effort
persévérant des humbles de chez nous qui ont défriché le sol, créé des maisons et des
bourgs creusé de puits, tracé des sentiers ou routes et donné à notre pays, en somme,
son actuelle physionomie...
V. CONCLUSION Î
L’étude de l’histoire locale est indispensable au cycle primaire élémentaire. C’est sur
elle que repose l’étude de l’histoire nationale à laquelle elle reste fortement liée. Elle
demeure attrayante, profitable et fortifie l'amour patriotique. L’homme qui aime
passionnément le lieu où il est né, s’élève aisément au culte de la patrie. Le bon
Français est d’abord bon Martiniquais, bon Quadeloupéen, bon Guyanais s’il est né dans
l’un de ces trois nouveaux Départements.

431
SUJET N° 48

Pourquoi l'histoire est difficile à enseigner aux enfants de l'école primaire?


Quels moyens employez-vous pour rendre concrètes vos leçons d’histoires?
Présentez la fiche d'une leçon d'histoire à votre choix dans une classe du Cours
moyen 2e Année.
(C.A.P. Martinique, 2e Session 1964)

I. L'HISTOIRE, ENSEIGNEMENT DIFFICILE :


Alors que l’on peut' étudier la progression, préciser l’objet des autres enseignements
de l’école primaire, il n'en est pas de même pour l’histoire.
Enseigner l'histoire au niveau primaire élémentaire pose des problèmes particuliers.
Le but même, de l’enseignement historique peut être précisé difficilement. De plus, le
développement des esprits enfantins et leur courte expérience ne leur permettent pas
d'accéder encore vraiment à l’histoire.
Malgré une certaine apparence de facilité et l’impression qu'elle intéresse vraiment
l'enfant, force est de constater qu'elle n’est pas toujours accessible à l’enfant parce
qu’elle exige :
a) De l'imagination : Dans l’esprit enfantin les personnages engagés dans les
actions historiques finissent par être vus comme de bons ou de méchants, des héros ou
des traîtres, ce qui l’initie peu au sens historique.
b) Du sentiment: Si le pittoresque et le dramatique l’enchantent il est facilement ému
par la simplicité. Or, l’histoire, par sa trame même, est plus complexe que simple. Il faut,
par ailleurs, souligner l'intérêt que l'enfant porte à la vie réelle (différents métiers et
manières de vivre, les outils et divers modes de déplacement), ce qui constitue un
précieux appui dans cet enseignement difficile.
c) L’étude de l'histoire exige un gros effort de mémoire, (noms propres, faits, dates,
parfois, sans rapport logique entre eux qui doivent être retenus par l’enfant). Et puis,
c’est surtout la mémorisation des notions sous-jacentes à l'histoire qui demeure pour
l’enfant l’obstacle le plus sérieux de cet enseignement. Si on le lui impose, il récite
verbalement ces notions, mais, les confond.
d) il est Impossible à l'enfant de 7 à 9 ans de saisir, de manière suffisante, la durée,
le passé. Il ne peut se reporter bien loin dans le passé. Exemple : La phrase : Il y a 2
000 ans, notre pays s’appelait la Gaule ne lui dit rien de bien précis. C’est que la
connaissance du passé est liée à la notion de perspective historique. Jusqu'à 8 ans,
l’enfant n’a pas432
encore la notion du temps historique. Entre 9 et 10 ans, il commence à
être capable de sentir, d'imaginer le passé comme tel et de distinguer, avec une
certaine précision le passé lointain du passé immédiat, le passé historique de son passé
personnel. L'emploi de la frise historique aide dans ce domaine.
e) En outre, l’enfant ignore tout de.la.vie des adultes et des sociétés. Beaucoup de
leçons d’histoire dépassent de loin son. expérience et sa compréhension.
f) Enfin, cet enseignement exige de l'enfant une large aisance de représentation
géographique. Ex. : Il suit difficilement quand on lui dit que Louis XIV fait la guerre à
l’Espagne, puis, à la Belgique ou Napoléon la fait à l’Angleterre et à la Russie.
Pourtant, sans l'histoire l’enfant ne parvient pas à se représenter que le monde n'a
pas toujours été tel qu'il est aujourd’hui autour de lui, qu'il n'y a pas toujours eu des
autos, des radios, des télévisions, des avions ou des hélicoptères. C’est par elle qu'il
prend conscience que notre civilisation n’à pas toujours existé et n'existera.pas toujours
et que «les civilisations, sont mortelles», comme le dit si bien. P. Valéry.
En fait, enseigner l’histoire, c'est évoquer avec certitude le passé. Michelet dit : «
L’histoire est la résurrection du passé ». Mais ce passé diffère selon celui qui l’évoque,
alors qu’il devrait être objectif et complet. Le véritable historien 'dit-on, ne doit être
d'aucun temps, ni d'aucun, pays. L'histoire que Ton enseigne aux élèves primaires
paraît du fabriqué, de l'imaginaire. On comprend dès lors l’embarras du maître qui
s’interroge sur quelle Histoire enseigné.
En outre, il se demande à quoi sert. l’enseignement historique qu’il dispense.. Les
vrais historiens font œuvre scientifique. Ils écrivent l'histoire pour eux-mêmes et .pour
répondre à la curiosité humaine sur le passé.
Pour certains, l’histoire sert à influencer, P. Valéry dit: « L'histoire justifie tout ce
qu’on veut. Elle n'enseigne rigoureusement tien, car elle contient tout et donne des
exemples de tout».
Pour d’autres, elle sert à plaire. A leur intention les Instructions officielles de 1943,
mettent en garde de ressusciter un passé qui «risque de transformer l’histoire en un
roman à la-Dumas». Elle permet de briller (connaissance et signification des dates des
événements historiques).
Enfin, elle instruit. Son but noble, est d’alimenter notre réflexion sur lai vie et la
prodigieuse aventure de l’humanité sur la terre; de nous aider à comprendre l’homme
actuel et de nous sentir engagés, dans- un réseau de liens complexes.

II. COMMENT RENDRE CONCRÈTES LES LEÇONS D'HISTOIRE A L'ECOLE


PRIMAIRE ? :
Les Instructions officielles de 1923 et 1945 marquent les traits essentiels et les
caractères de la méthode à employer.
1) La leçon d’histoire est une leçon d’observation en même temps que de morale, de
civisme et de patriotisme. Elle fait appel à la sensible, l’imagination de l’enfant et son
goût par !e merveilleux. L'observation en demeure le point de départ et la base.
2) Elle s'appuie le plus possible sur l'histoire locale. On trouve partout des ruines,
des monuments, des églises, des statuts. Mais, « leurs pierres parlent à433ceux qui savent
les entendre », comme dit A. France. Les témoignages de l'histoire locale permettent
aux enfants de prendre contact avec la réalité historique.
3) La comparaison du passé au présent permet de faire sentir les analogies, les

différences ou oppositions.
4) Elle assigne une juste place aux dates qui représentent des points de repère et
permettent de mettre de l’ordre dans le déroulement des événements. Il importe que.
ces dates soient reliées de manière quasi-automatique aux faits et aux événements
qu'elles les évoquent immédiatement.
5) Aujourd’hui, la leçon d’histoire peut devenir une véritable leçon d’observation,
grâce aux gravures et reproductions abondantes dont, dispose le maître. Ces dernières,
bien choisies et correctement exploitées servent d’appui sérieux aux leçons. Il en est de
même des photos, costumes, outils, pièces de monnaie, tableaux illustrés,
.personnages.
C) Les textes écrit3 renseignent sur ¡es conditions de vie, la société, le social et
l'économique de l'époque, mais, ils ne doivent être ni longs, ni difficiles. Leurs mots
délicats : (succession, avènement, constitution, chartre, régence, cabinet, banqueroute,
abdication, maison d'Autriche ou d'Espagne) doivent être expliqués.
7) Le disque : (voix de Danton, de Gambetta, de Jaurès), les aides audio-visuelles :
(projection fixe et cinéma, l'épiscope, l'épidiascope qui offre l’avantage de projeter sur
l’écran tous les documents dont on dispose.
Tout cela exige une préparation consciencieuse et méthodique de la leçon. La
classe entière participe à la documentation, puis, suit un travail d’épuration, de
simplification et de classement des documents à utiliser. Une préparation écrite, faite
sur papier, fiche ou cahier, comprendra : a) les documents à utiliser (cartes
géographiques, gravures, illustrations, tableaux) ;
b) le but de la leçon (ce que l’on veut faire comprendre et retenir) ; c) le pian ou étapes
du déroulement ; d) le résumé des idées essentielles ;
e) comment lier les autres leçons pour en prolonger le retentissement.
En procédant de la sorte, l'histoire, science aride, peut devenir concrète à l’enfant.

434
SUJET N° 49
On dit que la géographie est, à la fois, science descriptive, démonstrative,
imaginative et d'observation.
Qu'en pensez-vous ? A quelles facultés de l'enfant doit-elle faire appel pour lui être
profitable ?
Une manière de concevoir le sujet :

I. QUEL GENRE DE SCIENCE EST LA GEOGRAPHIE?


a) LA GEOGRAPHIE, SCIENCE DESCRIPTIVE :
Décrire, c'est représenter, dépeindre par écrit, par parole ou dessin. La description
peut être un développement écrit, oral ou graphique par lequel on cherche à évoquer, de
façon suggestive, l'aspect extérieur et intérieur des êtres et des choses.
La géographie se présente davantage comme une exacte description extérieure de la
terre. C’en est aussi une description intérieure puis qu’elle étudie les mœurs les langues,
les coutumes, les formes de pensée, íes modes de vie, les religions des hommes
habitant les contrées qu'elle décrit. N'oublions pas qu’elle se classe parmi les sciences
humaines, à côté de l’histoire, la psychologie et la sociologie.
Bien connaître géographiquement une contrée, une région ou un pays, c’est en savoir
exactement la situation, les limites, les parties composantes, les rivières ou fleuves,
l’agriculture, les industries, les villes, les races et peuples qui l’habitent, les modes de
vie, les pratiques, coutumes sociales et religieuses de ces derniers. C’est être renseigné
sur le degré de civilisation, les étapes de l'évolution des habitants. C'est pourquoi, toute
leçon complète de géographie comprend l'étude des géographies physique,
économique, politique et humaine du pays étudié.
C'est méconnaître la géographie de la France que de ne pas savoir que sa capitale
est Paris, que d'ignorer les noms de 4 ou 5 de ses plus grandes villes, que la religion
catholique y est la plus pratiquée ou que la France dispense généreusement son aide
financière, économique, intellectuelle aux pays encore sous-développés que sont ses
anciennes colonies : Algérie, Maroc, états d'Afrique.
L’enseignement géographique se propose, à la fois, de faire connaître, de faire
comprendre, de donner une vision nette des faits, de les retenir, les situer dans l'espace,
de faire saisir les causes, déceler les rapports, donner des faits une explication
raisonnée.
Pour M. Demangeon, la géographie se propose de décrire, c est-à-dire, de
«composer l’image vivante des lieux».
435
b) LA GEOGRAPHIE, SCIENCE DEMONSTRATIVE :
Démontrer veut dire prouver de manière Incontestable. L'enseignement
géographique se propose de démontrer de façon probante puisqu’il s’accompagne et
repose: toujours sur lé commentaire d’images de photographies ou des cartes
représentant la contrée ou le pays étudié. Les explications fournies s’efforcent de
montrer la liaison causale des phénomènes envisagés. Ex. le climat, la nature du sol
commandent les modalités de l’agriculture et de l’industrie. La géographie physique
retentit considérablement sur la géographie humaine. Il devient facile de comprendre
pourquoi la vallée du Nil est fertile et se prête à une culture agricole Intensive alors que
les Immenses espaces désertiques du Sahara sont peu peuplés ou de s’expliquer, par
le relief, le développement des grandes villes de France ou d'ailleurs. C’est cette
conception démonstrative rationnelle, forçant à réfléchir aux causes et aux effets qui
donne à la géographie sa puissance éducative. Une description toujours accompagnée
du croquis, n'est-elle pas une véritable démonstration ?
c) LA GEOGRAPHIE, SCIENCE IMAGINATIVE :
Il arrive qu’en dépit des cartes, des croquis, des Images ou des photographies
présentées à l’enfant et sur lesquels repose l'enseignement géographique, que celui-ci
ait parfois besoin d'un saut dans l’espace pour se représenter, sous une forme imagée,
les choses dont on lui parle.
La notion de neiges éternelles, par exemple se fixera davantage dans son esprit que
la description du maître aura été pittoresque, colorée, suggestive évocatrice, appuyée
sur des comparaisons au local et aux choses connues. A cet effet, les lectures
géographiques, les projections cinématographiques sont d’un secours précieux. On
peut même dire que les traces de cet enseignement seront d’autant plus durables que
ce dernier s’adresse et frappe davantage l'imagination de l’élève.
d) LA GEOGRAPHIE, SCIENCE D’OBSERVATION:
L'enseignement géographique, disent les I.O. « part du concret et ne le quitte jamais
». Il ne saurait en être autrement d'un enseignement dont le but est la description et, si
possible, l'explication de la face de la terre. C’est dire que la géographie part toujours
des objets vus, observés par l'élève et procède, par la suite, par analogie. La colline qui
domine la vallée voisine lui donne l'idée de la montagne (Mont-Pelée, Ballon des
Vosges, puis, du Mont-Blanc, de l'Hymalaya). La petite rivière qui traverse le village
comme la Lézarde, lui donne l'idée de la Seine qui traverse Paris. Les modèles réduits
(sable humide, terre glaise, pâte- à modeler), l’étude préalable des lieux et objets
connus des enfants, n'ont autre but que de baser l'enseignement géographique sur
l'observation.
L’opinion courante qui fait de la géographie une science, à la fois, descriptive,
démonstrative, imaginative et d'observation se justifie pleinement.
II. FACULTÉS AUXQUELLES CET ENSEIGNEMENT DOIT FAIRE APPEL :

Deux facultés sont déjà Impliquées dans le texte : l’imagination et l'esprit


d'observation. 436
Pour être profitable, cet enseignement fait surtout appel à l’observation, au
raisonnement, à la mémoire et à l’imagination.
A) L’OBSERVATION:
Elle peut être directe ou Indirecte.
Directe : quand elle s’effectue dans la classe, la cour ou en promenade.
Indirecte : quand le milieu local n’offre pas le fait géographique étudié.
On emploie alors l'imagerie sous toutes ses formes. On réalise des modèles réduits.
« La géographie est une discipline vivante et passionnante, parce qu’elle repose sur
l’observation. Les raisons de son action éducative n’est pas ailleurs », écrit M. Sorre.
B)LE RAISONNEMENT :
La géographie met en jeu le raisonnement surtout avec les grands élèves. Il importe
de les habituer à se poser des pourquoi, des comment et à en chercher les réponses,
les habituer à remonter des effets aux causes.
C’est intéresser du coup le jugement, la réflexion et la compréhension. Ex. : Pourquoi
la Seine est si méandreuse ? Pourquoi Paris s’est développée à son emplacement
actuel ? Pourquoi le Rhône est, selon l’expression de Michelet, un torrent furieux?
C) LA MEMOIRE:
C’est grâce à elle que toute, la nomenclature géographique est retenue, même si
cette dernière est sobre et réduite. Elle nous permet de retenir encore aujourd’hui que la
capitale des Basses-Alpes est Digne, les villes arrosées par la Seine ou que le
Mississipi est fleuve d'Amérique. La mémoire géographique facilite l’épanouissement
des autres formes de mémoires: représentative, visuelle,... C’est par la pratique des
exemples de cartographie que se cultivent les formes de mémoire. Elle est formation de
l’esprit tout ‘entier.

438
SUJET N° 50
A quels moyens concrets faites-vous appel lors de vos leçons de géographie ?
Rédigez la fiche d'une leçon sur l'un des grands fleuves français pour le C.E. 2e Année
ou le C.M. 1e Année.

I. DES MATÉRIAUX DE DÉPART :

Bien que l’enseignement de la géographie soit plus facile à donner à l’enfant que
celui de l’histoire, il soulève certaines difficultés psychologiques qui obligent à penser
aux moyens concrets à mettre en œuvre, par le Maître, lors de l’exécution des leçons
s’y rapportant.
La géographie exige un gros effort de mémoire (noms de pays, de rivières, de
montagnes, de villes, chiffres de populations, d’altitude, da productions.)
Elle repose sur la notion d’espace ou de distance, aussi difficilement assimilable par
l’enfant que celle du passé. Elle demande aussi à l’élève .une représentation des
paysages, de tout ce qui constitue le milieu physique. L’enfant de la plaine a autant de
peine à se représenter la montagne que celui des pays nordiques, à s’imaginer les
régions tropicales. La compréhension du milieu physique entraîne la nécessité
d’analyser et d’expliquer. Ces analyses et explications facilitent la compréhension du
milieu humain. Enfin, toute géographie s’enseigne avec des cartes. Celles-ci constituent
des abstractions des systèmes de signes fort éloignés de la réalité.
Apprendre à lire une carte est aussi difficile que l'apprentissage de la lecture même.
Le Maître intelligent et habile vainc facilement les difficultés signalées en mettant en
œuvre certaines techniques et en se servant, à bon escient, des modes d’expression
géographique.

II. MOYENS CONCRETS :


A) LES TECHNIQUES A METTRE EN ŒUVRE :
a) L’observation sur le terrain :

L’observation sur le terrain est à la base de ¡‘enseignement


géographique bien conçu. Elle met l’enfant au contact des réalités. On
favorise l’observation minutieuse et fertile en y entraînant méthodiquement
l’enfant, lors des classes d’exploration. Les I.O. do 1923 prescrivent:
«C’est sur le terrain qu’on enseigne aux enfants, ce que sont l’horizon, les accidents
du sol, les points cardinaux. » Celles de 1945 confirment ce point de vue: «Toutes les
leçons seront fondées sur l’observation du milieu local, directe, le plus possible. »
Cette observation sera limitée au niveau de l’élève et fera dégager par celui-ci,
l’analyse du paysage, sous la direction du Maître : lignes directrices, ce que le paysage
a de typique, de manière à former chez l’enfant l’esprit géographique.
b) L’observation des gravures :
L'observation ne peut toujours porter directement sur des réalités géographiques
concrètes et vivantes.
Alors, se pose la question, des auxiliaires visuels de l’enseignement géographique :
emploi des images, gravures et photographies.
Mais, il faut savoir, saisir le moment de les montrer et savoir les exploiter.
Elles seront peu nombreuses, mais, expressives. Il semble préférable de les utiliser
avant la leçon, de manière qu’elles deviennent la matière sur laquelle s’exerce le travail
géographique afin qu’on tire la substance même de la leçon de l’observation des
documents, concentrer l’intérêt sur le caractère typique du tableau, en percevoir ce qui
en fait l’âme.
« La pédagogie de l’image exige que celle-ci passe du plan de la sensation globale
comme au plan de la perception intelligible », dit un pédagogue.
Au niveau du C.M. il s’agit de donner à l’élève un moyen d’information nouveau dont
il faut lui apprendre l’usage. Pour que l’image ait une signification, il faut qu’elle crée une
association nécessaire entre l’illusion observée et l’image-souvenir conservée dans la
mémoire. Le cinéma et le film fixe sont, à cet égard, de précieux auxiliaires.

c) La carte :
Elle aide à localiser dans l’espace. Elle présente le paysage, sous sa forme la plus
appauvrie possible, en raison de ses symbolismes, il faut que ceux-ci prennent corps et
couleur dans l’esprit des élèves, sinon, la géographie devient stérile verbalisme et jeu
abstrait de noms, de lignes imaginaires, de relations décolorées et décharnées... Il
importe donc, de familiariser l’enfant à la lecture des cartes, à la compréhension du
plan. Il faut alors une prudente et intelligente initiation et même des jalons
indispensables. C’est ici que prennent place les exercices de la géographie par
modelage, des cartes à échelle graduellement décroissante. Toute étude géographique
suppose une vue synthétique des paysages. C’est pour cela que la vision géographique
la meilleure se donne d’un point culminant, d’où l’œil embrasse, dans son unité variée,
fait un tour d’horizon, des faits géographiques.
d) Les lectures géographiques :

Elles apportent à la leçon un complément non négligeable. Les textes


descriptifs et pittoresques « précisent et étendent l’information, présentent
les phénomènes dans toute leur complexité et leurs réactions, réciproques
440
» écrit un géographe.
e) Les données statistiques:
Les géographies économique et humaine ne peuvent se passer des données
numériques. Il importe de s'en servir, dès le C.M. sans pour autant, fournir trop de
nombres ou de chiffres à l'enfant.
B) LES MODES D’EXPRESSION GEOGRAPHIQUE :
a) Initiation à la carte et confection ¡de' croquis sont liés. Le croquis, véritable
instrument d’étude est un simple dessin ébauché sur le terrain, à mettre au point au
retour en classe. Il devient rapidement instrument de fixation, d'association, d'étude
analytique et de simplification. » A tous les cours, la leçon de géographie doit être
accompagnée de croquis exécutés par les enfants. C’est un exercice indispensable
pour graver dans l'esprit les faits géographiques et leurs relations essentielles » disent
les I.O.
b) Les profils — les coupes — les blocs-diagramme :
Les deux premiers doivent être employés de façon simple afin de mettre en relief les
traits les plus typiques. Le troisième est un dessin qui aboutit à une image d’un relief de
ses trois dimensions. « Le bloc- diagramme, à l’échelle est l’image absolument fidèle de
la carte... et facilite l’interprétation directe de celle-ci par les élèves. » (P. George).
c) Les graphiques et les modelages :
Les graphiques s’imposent de plus en plus car, ils traduisent les réalités géographiques.
La caisse à sable permet de modeler certaines formes de relief (colline, plateau, plaine),
des types de montagnes : (pics, ballons, crêtes), une pente douce ou raide. Ils
intéressent les enfants, d’abord, par l'activité manuelle qu'exige leur construction, puis,
par leur valeur éducative.

N.B. Pour la fiche, voir une géographie de l'élève du cours choisi.


SUJET N°32
« Un fait mal observé est plus perfide qu'un mauvais raisonnement. »
Que pensez-vous de cette affirmation de P. Valéry?
Mais, d'autre part, pour que l'observation soit réelle et efficace, ne faut-il pas que
l'enfant puisse commettre des erreurs?

UNE MANIÈRE D'ABORDER LE SUJET :


L’observation tient une place capitale dans toutes les disciplines de l’Ecole Primaire et
particulièrement, en science. La bonne- observation est de rigueur dans tout
enseignement qui se veut efficace. Aussi, ne s’étonne-t- on point d’entendre Valéry
affirmer : « Un fait mal observé est plus perfide qu’un mauvais raisonnement ».
Que penser de son affirmation ?

I. EXPLICATION RAPIDE:
Le fait mal observé est celui dont l’observation et l’interprétation contiennent des
erreurs; Ces dernières peuvent provenir d’une imperfection ou d’un manque de subtilité
des sens à saisir les faits dans leur authenticité réelle ou de leur incapacité à apporter à
l’esprit des données précises, justes et objectives. Exercer les sens, c’est apprendre à
bien juger par eux », dit Rousseau.
Selon P. Valéry, un fait de cette nature, —- dans son esprit, il entend sans doute un
seul fait —, risque d’avoir des conséquences aussi graves qu’un mauvais raisonnement.
Le fonctionnement anormal de la raison peut aboutir aux pires désastres, surtout dans
l’ordre purement intellectuel. La raison est l’attribut essentiel de l’homme. Aussi, accuse-
t-on de folie celui dont la raison vacille où travaille mal. Le bon raisonnement conditionne
pour ainsi dire, notre vie intellectuelle. Il exige travail normal de l’intelligence. Celle-ci est
elle-même, alimentée par les sens qui trouvent leur plein emploi dans l’observation
méthodique et rigoureuse. C’est toute l’intelligence humaine qui entre en jeu dans
l’observation vraie. C’est peut- être pourquoi les Instructions officielles précisent «
qu’apprendre à bien observer à ses élèves sera un des soucis majeurs de l’éducateur».

II. QUE PENSER DE CETTE AFFIRMATION ?


L’affirmation de P. Valéry constitue un salutaire avertissement adressé à tout
éducateur. Elle rappelle que l’on apprend à observer, mais que cet apprentissage est
délicat. Le tout jeune enfant est incapable d organiser sa pensée jusque vers dix ans.
Son souci d’explication commence à être guidé par le comment avant le pourquoi. Il
raisonne par transduction .et passe d'un cas particulier à un autre. De onze à quatorze
ans, son réalisme décline, ses procédés d’explication se transforment. Il se place à «
l'aurore de la pensée rationnelle », dit le psychologue Michaud. Ces caractères justifient
son attitude devant l’expérience scientifique, si simple soit-elle.
L’observation est un phénomène complexe, à la fois, actif et raisonné qui exige
concentration de l’attention sur un objet déterminé, une attitude objective supposant
dédoublement entre le sujet observant et le fait observé, et enfin, l’intervention des
facultés Intellectuelles supérieures : abstraction, généralisation et raisonnement, il y a
loin entre cette observation qui met en branle toute l’activité intellectuelle de l'homme et
l’activité sensorielle enfantine.
On apprend à observer à l’enfant en partant de ses conditions naturelles de vie, en
éveillant son Intérêt, en lui apprenant à observer avec tous ses sens, en classant, et en
organisant ses sensations et en le conduisant, ensuite, à exprimer ce qu’il a vu. Le
problème de l’expression demeure particulièrement délicat au début.
La leçon d’observation vise à développer chez l’élève la curiosité, l'attention, le goût
de la précision, de l'ordre et de la méthode. C'est précisément parce que la conscience
du Maître a été sensibilisée sur les funestes conséquences de la mauvaise observation
qu’il s’ingéniera à conduire, comme il faut, l'éducation de l'observation enfantine.

III. L'ENFANT ET SES ERREURS D'OBSERYATION :


Ce travail délicat ne peut aboutir d'emblée. L’observation individuelle, Isolée ou
comparée, aboutit toujours à des erreurs dues à la curiosité mobile, Instable et jamais
assouvie des enfants qui, parfois, se fixe sur des détails pittoresques, sans rapports
réels avec le but de la leçon ou au fait qu’il ne sait pas encore organiser ses trouvailles
ou ses découvertes. Il importe que le Maître dirige l’observation de ses élèves, canalise
leurs réflexions et les amène, de manière aussi discrète que possible, à rectifier,
redresser, corriger les erreurs commises. L’esprit scientifique est « sans cesse
rectification d’erreurs », pense Bachelard.
L’erreur de l’élève peut lui être profitable, à la condition que le Maître intervienne, sur
le champ, discrètement et le conduise à rectifier de suite et par lui-même. Il l’habituera
ainsi à toujours vérifier, contrôler, rectifier ses propres expériences. Son erreur vue sous
cet angle, contribua toujours à l’évolution au progrès de l’esprit enfantin.
CITATIONS :
1) « Exercer les sens : c’est apprendre pour ainsi dire à sentir, car nous ne savons ni
toucher, ni voir, ni entendre que comme nous avons appris » (Rousseau).
2) « L’apprentissage de l’observation n’est possible que si l’élève observe, s’il a un
rôle actif au cours des leçons de choses» (Instructions Officielles de 1945).
3) Une expérience simple observée dans tous se3 détails, « j’allais dire toutes ses
péripéties, vaut mieux que dix expériences, insuffisant* ment étudiées, insuffisamment
préparées » (Inspecteur Général Dérôme).

444
SUJET N° 51
Commentez cette parole des Instructions Officielles de 1938.
« Observer et expérimenter à partir de phénomènes familiers... telle est la méthode dont
il ne faut pas s'écarter. »
Une manière de concevoir le devoir :

I. INTRODUCTION1 :
L’introduction des travaux scientifiques expérimentaux dans les C.E.G., pose, une
fois de plus, le problème du rôle que doivent jouer l’observation et l’expérimentation
dans l’enseignement des sciences à l’Ecole primaire.
Ces travaux, disent les Instructions officielles, ont pour objet « à partir de
l’observation, et de l’expérimentation, de donner aux élèves une Initiation élémentaire
aux méthodes scientifiques ».
On peut, dès lors, se demander quelle méthode employer dans les classes primaires
pour que l’enseignement scientifique se situe dans la même optique que les travaux
scientifiques expérimentaux. Elle est définie par les lignés suivantes : « Observer et
expérimenter... telle est la méthode dont il ne faut pas s’écarter».

II. EXPLICATION DU PASSAGE :


A tous les cours de l’Ecole primaire, la méthode à employer en sciences se résume
en trois points capitaux : d’abord, observer et expérimenter, puis, donner un
enseignement pratique, enfin, adapter cet enseignement au milieu. Le passage à
expliquer concerne seulement le premier point.
Il signifie que les leçons de sciences sont, avant tout, des exercices de sens,
pratiqués sur des faits ou phénomènes familiers aux enfants, de produits naturels ou
fabriqués qu’ils connaissent bien. Ils sont entraînés à les observer attentivement, à les
manipuler, à en dégager les traits exacts et à les décrire de façon précise. Des données
fournies par les sens doivent sortir les connaissances de base Indispensables à toute
Instruction. Il s’en suit un contact direct et personnel de l’enfant avec la réalité...
L'observation dont il s’agit ne consiste pas seulement à voir le phénomène ou le
produit placé devant les yeux, mais, surtout à remarquer de quelles parties ils • se
composent. Il importe qu’elle soit précise, exacte, complète et méthodique. L’enfant n’y
arrive pas d’un coup. L intervention du Maître s’avère nécessaire au début. Elle se fait,
de plus en plus, discrète à mesure que l’élève apprend à observer et qu’il joue un rôle
actif au cours des leçons de choses. C’est pourquoi les Instructions officielles précisent
que «quelques' observations bien conduites valent mieux que l’examen superficiel de
nombreux faits ».
Observer une orange, c’est en remarquer, la grosseur, la couleur, le poids, la
comparer avec d’autres fruits. C’est en étudier la' composition intérieure, les propriétés
de chacune des parties constituantes, et,- si besoin est, en déduire les usages
possibles.
Les Instructions officielles orientent sur l’expérimentation dont il peut s’agir au niveau
de l’Ecole primaire. Elles stipulent une méthode expérimentale, « propre à éveiller et à
entretenir la curiosité intellectuelle ». Elles recommandent au Maître de « s'attacher à
multiplier les expériences et à les réaliser avec des objets usuels ». Elles ajoutent : «
Les élèves prendront part aux expériences, aux manipulations, aux dissections »,
monteront des expériences de contrôle.
Un résultat sans prix sera obtenu s’ils arrivent « à la notion essentielle des précisions
numériques. Qu’ils apprennent, enfin, que les adverbes, de quantité : un peu, beaucoup,
sont bien vagues et bien insuffisants si on les compare aux expressions 1, 2, 3, 4...».
Reconnaître, à l’aide d’une allumette, l'oxygène ou le gaz carbonique qui se
dégagent d’un tube, c’est expérimenter. Chauffer de l’eau contenue dans un tube à
essais et constater par la projection du bouchon la puissance de la vapeur d’eau
obtenue c’est, encore expérimenter. S’apercevoir que les branchies du poisson sont
reliées aux systèmes respiratoire et circulatoire, c'est aussi expérimenter.
Mais, il faut se garder de placer l’expérience à l’origine de l'étude. On ne doit pas,
non plus, expérimenter pour le plaisir d’encombrer la leçon d'expériences, en apparence,
différentes, mais, devant aboutir à des conclusions identiques. « Une expérience très
démonstrative suffit pour l’étude d’une cause déterminée ». Un matériel approprié, la
projection fixe, le cinéma, des produits groupés en un musée scolaire, un jardin scolaire,
des enquêtes et des classes promenades sont indispensables à l’expérimentation.

III. COMMENTAIRE :
Le premier corollaire qui découle de l’exigence fondamentale de la méthode prescrite
est que l'enseignement scientifique à l'Ecole primaire doit demeurer simple, (cas
concrets et communs) et rester sur « un terrain solide et bien limité ». De plus, le maître
n’a pas à faire de cours. En classe et en promenade, grâce à l'observation et à
l’expérimentation de produits naturels, de phénomènes familiers, les élèves seront
amenés à considérer : « les faits de la vie courante comme les expériences les plus
instructives » et, ainsi, apparaîtra à leurs yeux « le lien étroit qui unit le travail, fait en
classe avec les réalités du dehors ». C'est: à partir d’opérations banales qu'on aboutira,
par l’observation et l’expérimentation aux connaissances de base prescrites par les
programmes. Enfin, la méthode utilisée fait de l’enfant le conquérant de son savoir et
l’artisan de son éducation. Partant de l’observation des faits, elle conduit, disent les
Instructions officielles de 1953 et 1957, « à en tirer des lois et à passer aux
applications». Chaque exercice est donc un effort vers ¡’objectivation, vers la
connaissance de la nature, de sa vie autonome dont nous sommes un élément,
Important, certes,446 mais, non unique et central ».

Des mêmes principes fondamentaux de la méthode découlent encore au moins deux


autres corollaires importants.
Le premier est que l'enseignement scientifique, sera concret, « On veut que le
concret soit à la base de toute découverte à l’Ecole primaire où l’enfant est conduit du
fait sensible à l’idée » (Instructions officielles de 1938).
Le second précise que c’est l’élève lui-même qui doit procéder à l’observation et à
l'expérimentation, en un mot, que l’enseignement doit être, avant tout, actif. L’activité de
l'élève, en étroite collaboration avec le maître, doit être à « la base dans la recherche
des principes et dans, l’acquisition des connaissances ».
Les Instructions officielles de 1938, recommandent de faire appel constant à *
l'initiative individuelle de l'élève et l’initiative collective du petit groupe », afin que toutes
les questions scientifiques, « soient matière à mesures, à pesées, et, ^jar conséquent, à
calculs ». De plus, c’est l'élève qui étudie les faits, tombant sous ses sens. Les leçons de
sciences exigent le contact direct de chaque élève avec la chose étudiée. C'est elle et
non le maître qui détient la vérité. C'est d'elle qui faut la dégager.
Le plus important des commentaires est que la méthode à employer en leçons de
choses à l’Ecole primaire, place en face d’une pédagogie séduisante et- satisfaisante qui
met la sensation à l’origine de la connaissance et le fait à la naissance de l'idée. Elle
place donc le fait et l’action à la source du développement intellectuel de l’enfant. Il suffit
à l’enfant de voir, de constater pour que son esprit s’enrichisse. En, outre, l'expérience
demeure souveraine pour apporter des connaissances à l'enfant. L’action a pour vertu
de le rendre, à la fois, plus savant et plus intelligent.
Il faut aussi admettre que l'appel constant à l'effort de l'élève est déclenché sous
l’influence de la curiosité, lorsque l’enfant est placé en présence des choses, des faits ou
des êtres. Dans cette perspective, le concret, l’expérience, la participation de l’enfant
prennent une importance de premier plan. L’élève apprend en manipulant avec ses
mains, en voyant avec ses yeux, en découvrant avec ses propres moyens. C'est dire
que l’enfant Invente sa science comme le pense Rousseau. En un mot, grâce à cette
méthode, l'intelligence pratique se transforme progressivement et naturellement en
intelligence théorique. C'est peu, mais, c’est beaucoup, car l'école a pour mission d’aider
l'enfant à passer du niveau de l'intelligence pratique au plan conceptuel.
SUJET N° 53
On dit de l'observation qu'elle est antidote du verbalisme et moyen de formation
de l'esprit. Partagez-vous cette manière de voir ? Quels principes pédagogiques
doivent guider le maître dans la conduite des exercices d'observation ?
A l'aide d'un exemple de votre choix tracez les étapes d'une leçon de choses dans une
classe de votre choix. (2e Partie du dit sujet proposé au C.A.P. Martinique, Session de
Mars 1967)
I. L'OBSERVATION ANTIDOTE DU YERBAL1SME :
Deux indications des I.O. de 1945 relatives à l'observation attirent notre attention sur
son importance en éducation.
a) « Apprendre à observer doit être l’un des principaux soucis de nos éducateurs ».
b) « Les maîtres doivent faire acquérir aux élèves des bonnes habitudes
intellectuelles et les protéger contre le verbalisme qui est un fléau ».
Une éducation bien comprise doit conduire l’enfant à l’amour de la nature et de la vie
en général. Mais, la connaissance des choses ne doit conduire ni à l’abstraction, ni au
psittacisme. Le but n’est atteint que si l'enfant prend goût à l’étude. Decroly résumait sa
maxime éducative : « pour la vie par la vie ». On ne pénètre la vie qu’en l’observant.
Celui qui observe fait travailler ses sens, son intelligence, mais, ne parle pas beaucoup.

II. L'OBSERVATION, MOYEN DE FORMATION DE L'ESPRIT :

L’esprit se forme par le contact avec le réel car, la perception est un fait
essentiellement actif. La connaissance n’est pas une attitude passive. Bien au contraire,
elle est active et va de l’esprit à l’objet.
De plus, chacun perçoit en fonction de ce qu’il sait et de ses propres aptitudes. « Il
faut être bien savant pour saisir un fait » dit Alain ; a fortiori, pour l’enfant dont l’esprit
n’accède que lentement à la pensée logique. Or, les exercices d’observation jouent un
rôle capital en ce qui concerne l’accession de l’enfant à la pensée logique. Selon Piaget,
cette tâche demeure « la question cruciale dans l’éducation intellectuelle ».
III. PRINCIPES DEVANT GUIDER LE MAITRE DANS LA CONDUITE DES
EXERCICES D'OBSERVATION :
Les I.O. de 1957 qui précisent celles de 1945 rappellent: «L’exercice d’observation
est essentiellement destiné à cultiver et à former l’esprit de l’enfant ». Elles ajoutent «
Les connaissances données sont, à l’école primaire, un moyen et non un but ».
Elles préconisent
448 une méthode:
« On ne peut concevoir de leçon de science que par l’observation directe et
individuelle de l’objet étudié, le sujet d’étude étant essentiellement destiné à développer
tous les moyens d’expression de l’enfant. »
Elles semblent même aller jusqu’à dire : peu Importe si l’enfant, au terme de sa
scolarité, a tout oublié pourvu que, chemin faisant, il ait appris à apprendre.
Parmi les principes formulés, retenons en les quatre principaux.
A) PAS DE LEÇONS DE CHOSES SANS CHOSES :
Les enfants aiment porter en classe les échantillons minéraux, animaux ou végétaux.
Il suffit de les leur demander assez tôt.
Il faut mieux .faire porter la leçon sur les spécimens dont on dispose. Les I.O.
laissent, à cet effet, au maître une grande liberté de choix.
B) OBSERVER DE PRES :
(Se méfier du nombre et de la distance). Ne pas faire observer trop de documents,
car, c’est se condamner à aller trop vite et rester à la passivité de l’esprit. Quand il y a
trop de documents à examiner c’est poudre aux yeux et temps perdu.
De même, faire observer de trop loin, c'est oublier que l’enfant ne travaille réellement
que si l’objet est situé à proximité de lui.
Ces deux remarques condamnent le cinéma comme moyen exclusif d’étude d’un
sujet donné. Un réalisateur de films, Jean Painlevé dit : « Prenons garde que le film ne
soit un instrument de paresse tant pour l’élève que pour le maître ».
L’observation à préférer est celle qui place l’objet à observer sous le regard même de
l’enfant et, si possible, à raison d'un exemplaire par élève.
Une fleur ou un hanneton par élève ; disposer de loupes et de pinces dès le cours
moyen.
L’élève doit avoir un « rôle actif au cours de son observation ».
C) Le maître dirige l’activité de la classe. Son. rôle est «capital dans sa discrétion ».
L’intérêt de la leçon se détermine par sa motivation. On étudie une question parce
qu’elle répond à un besoin et non parce que le maître l’a décidé. Dès lors,
l’enseignement scientifique devient une enquête passionnante sur 1e monde.
D) Le maître essaie d’aboutir à des idées claires à des conclusions partielles
nettement formulées. En ce sens, l’exercice d’observation constitue un exercice
d’expression: Toujours se-souvenir: c'est la chose étudiée et non le maître qui détient la
vérité.

IV. ÉTAPES D'UNE LEÇON D'OBSERVATION :


Celle-ci comprend cinq moments importants :
1) Observation silencieuse par chaque enfant, de l’objet qu’il a entre les mains.
Quand on ne dispose pas d’un spécimen par enfant, en donner un pour 449 deux ou quatre
élèves. Modifier la disposition, des groupes pour que les deux ou quatre élèves soient
disposés en face de l'objet à examiner.
2) Confrontation des découvertes : en vue du véritable départ de la leçon. Durant
cette partie, les élèves peuvent dire ce qu’ils savent, ce qui est fort utile pour le maître.
3) Enoncé du ou des problèmes à résoudre : C'est la partie pivot de la leçon. Toutes
les recherches, toutes les questions sont axées vers ces problèmes.
4) Observation collective en vue de résoudre le problème : Un dialogue s’établit
entre le maître et la classe et tous les moyens d’observation sont mis en œuvre
(dessins, croquis).
5) Enregistrement des résultats obtenus : croquis, cahiers.
A noter, seule, l’observation prolongée permet de sortir de la vision statique des
choses et amène l’enfant à prendre conscience de la notion fondamentale de
croissance. Ce type d’observation peut débuter très tôt, depuis le Cours élémentaire.

450
SUJET N° 54
« Une expérience simple observée dans tous ses détails vaut mieux que dix
expériences insuffisamment étudiées et préparées. »
Justifiez et commentez cette affirmation en utilisant des exemples précis.

Quelques idées sur le sujet :

I. L'EXPÉRIENCE:
Dans les I.O. relatives à l’enseignement des sciences à l’Ecole primaire, le mot
expérience revient fort souvent.
a) « [I doit conserver partout sa méthode expérimentale, propre à éveiller et à
entretenir la curiosité intellectuelle... ».
b) « A tous les cours, la méthode employée doit être fondée sur l’observation et
l’expérience ». Mais le sens du terme expérience n’y est pas précisé pour autant. Il peut
se définir : une suite d’observations précises et méthodiques sur un phénomène dont il
s'agit d'étudier les facteurs et les données. Ex. : suivre le développement d’uns graine
de haricot dans des conditions naturelles ou artificielles est une expérience. Mesurer
l’allongement d’une tige de fer sous l’action de la chaleur est aussi une expérience.
Produire du gaz carbonique, le reconnaître à l'aide d’une allumette enflammée, c’est
encore faire une expérience.
Cependant, ces mêmes 1.0. ont soin de substituer l’expression : leçons de choses en
classe et en promenade à celle de sciences physiques et naturelles. La première
expression laisse clairement entendre que le livre ne doit jouer dans cet enseignement
qu’un rôle secondaire. Elle signifie que le maître n’a pas à faire de cours, mais faire
observer et expérimenter ses élèves. Elles ajoutent ; « Il importe que les élèves soient
amenés à considérer les faits de la vie courante comme les expériences les plus
instructives et qu’apparaissent toujours à leurs yeux le lien étroit qui unit le travail fait en
classe avec les réalités du dehors ».

II. SENS DE L'AFFIRMATION :

Il pourrait se formuler: En sciences, plus qu’ailleurs, enseigner peu mais


bien. Pour y parvenir, il importe de limiter' le nombre d’expériences et de
leur conférer des qualités précises.

451
Sur le plan de l’Ecole primaire, l’expérience doit revêtir les qualités
suivantes :
1)Facilité, simplicité et clarté:
Ex. : Etudier un seul phénomène et le présenter à l'état pur. Choisir des expériences
facilement compréhensibles des élèves et répondant exactement à l’état de leurs
connaissances. Il s’en suit une sélection rigoureuse, limitant le nombre d'expériences
possibles sur un même sujet. Ex. : une expérience sur la germination se proposant de
prouver que seule la profondeur d'ensemencement de la graine commande les
modifications de la germination se révèle supérieure à une de chimie voulant prouver
que le gaz carbonique n’entretient pas la combustion et la respiration.
2) Caractère probant de l’expérience :
Une expérience qui rate est décevante. II y va même du prestige du maître, d'où :
préparation précise, étude préalable minutieuse des expériences à faire. Précautions
d’autant plus utiles que les I.O. signalent : « Les élèves prendront part, autant que
possible aux expériences en physique et en chimie, aux manipulations et aux
dissections en histoire naturelle ». L’observation n'est possible que si l'élève observe, s’il
a un rôle actif au cours des leçons de choses. « Le rôle du maître se borne à solliciter,
l’observation à l'orienter, la rectifier et la compléter au besoin... Importante au début,
l'intervention se fait de plus en plus discrète à mesure que les élèves avancent dans leur
scolarité... Rôle capital dans sa discrétion », disent-elles. Autant que faire le montage les
péripéties de l’expérience ont de valeur surtout s’ils sont faits par l’élève lui-même.
Ces conditions conduisent à cette conclusion que réaliser beaucoup d'expériences
au cours d’une leçon suppose un mauvais choix, de l'imprécision dans leur déroulement
et, partout, des résultats non concluants, perte de temps.
Les conditions psychologiques de l’acquisition des connaissances exigent de limiter
le nombre d’expériences à faire.
Les expériences bien préparées et bien conduites évitent la confusion. L'esprit de
l’enfant n’est pas obscurci et la compréhension non gênée. Bien observer, c'est-à-dire
examiner dans tous ses détails l’objet ou le phénomène, réclame du temps et surtout
une certaine tension de l’esprit qui ne peut être efficace que si elle est courte.
Une expérience demeure un travail méthodique et délicat, se déroulant selon la
perception globale puis, utilisant l'analyse et la synthèse.

III. CONCLUSION :
Cette affirmation des I.O. est un sage conseil exhortant le maître à rester simple dans
son enseignement, à étudier peu de faits, mais, à les étudier de manière correcte, afin
quelle contribuent méthodiquement à la formation de l'esprit de l’élève primaire.

452
SUJET N° 55
« Exercer les sens, ce n'est pas seulement en faire usage ; c'est apprendre à bien
juger par eux ; c'est apprendre, pour ainsi dire, à sentir, car, nous ne savons ni
toucher, ni voir, ni entendre que comme nous avons appris. »
Expliquez et appréciez ces paroles de Rousseau, puis, appliquez-les à
l'enseignement des sciences à l'École primaire.
I. INTRODUCTION :
En fin du 18e siècle, l'éducation des sens était négligée sinon omise. Peut-être, à part
les Ecoles maternelles où elle fait l’objet de leçons spéciales, ne l'est-elle pas moins
dans nos classes d'aujourd’hui. Après avoir rappelé qu'elle fait partie de la première
éducation, Rousseau en définit le but, puis en précise l’importance : « Exercer les sens,
ce n'est pas seulement... que comme nous avons appris ».

II. EXPLICATION :
Le passage à expliquer et à apprécier est extrait du Livre II de l'Emile,
Avant d'en arriver à l'éducation des sens proprement dite Rousseau fait une
remarque fort exacte : « Les premières facultés qui se forment et se développent en
nous sont les sens ». Puis, il déduit logiquement : « Ce sont les premières qu'il faudrait
cultiver ». Mais, il ajoute aussitôt : « Ce sont les seules qu’on oublie ou celles qu'on
néglige le plus ». Observation fort juste. Du 18” siècle à aujourd’hui les enfants
apprennent à toucher, à voir et entendre sans directions particulières. La nature reste la
maîtresse dans cette forme d’éducation. Maîtres et parents semblent même s’en
désintéresser. Mais faute d'un exercice approprié et suivi les sens s’émoussent et ne
deviennent pas toujours pour nous des informateurs très sûrs.
Il ne suffit pas, pense Rousseau de faire usage des sens. Il importe de les exercer en
vue « d'apprendre à bien juger par eux ». Les sens fournissent les premiers éléments de
la pensée. C'est d'eux que viennent les perceptions. Or, ces dernières constituent le
point de départ de la connaissance. Pas d'idées précises et claires avec des données
inexactes ou confuses des sens. La vue rapide ou superficielle d’un objet, I audition
inattentive d'un bruit conduisent à des perceptions vagues. A ces dites perceptions
s'ajoutent les erreurs des sens qui fournissent plus encore des données fausses.
Rousseau est ainsi amené à considérer la culture des sens comme l'une des parties
essentielles de l'éducation.
Les perceptions confuses peuvent être rendues précises en faisant intervenir
l’attention dans l’exercice des sens. Au lieu de toucher, on palpe ; on regarde au lieu de
453
voir ; on écoute au lieu d'entendre. Seule l'attention confère aux perceptions netteté et
précision. Un humain peut avoir de bons yeux et ne pas voir. Au contraire, un peintre
myope parvient à noter les degrés de coloration les plus divers.
De plus, un sens trompe quand on lui demande des renseignements qui sont de son
domaine propre. La vue .fait connaître les couleurs et la distance. C'est parce que le
jeune enfant voit tous les objets très rapprochés qu’il veut qu’on lui donne la lune.
Cependant les sens ajoutent leurs perceptions.
Le toucher peut aider la vue à fournir des notions de forme ou de relief. Mais,
souvent, il y a erreur d'un sens parce que nous lui demandons des renseignements qui
ne sont pas de sa compétence. Rousseau précise « La vue est 1s plus fautif de nos
sens, précisément parce qu’il est le plus étendu et parce que précédant de bien loin
tous les autres, ses opérations sont trop promptes et trop vastes, pour pouvoir être
rectifiées par eux »... II. conseille « d’assujettir l’organe visuel à l’organe tactile et
réprimer, pour ainsi dire, l’impétuosité du premier sens par !a marche lente et réglée du
second ».
Ainsi l’oreille nous fait percevoir les sons, mais ne nous renseigne pas toujours
exactement sur la nature de l'objet : Si l’on se trompe à 'ce double point de vue, c’est
qu'on a négligé de faire intervenir avec l’ouïe, la vue et le toucher.
Il Importe d’habituer l’esprit à contrôler les données d’un sens par les données d’un
autre, (les perceptions visuelles par les tactiles ; les auditives par les visuelles).
Rousseau ajoute que nous « ne savons ni toucher, ni voir, ni entendre que comme
nous avons appris ». Quoi de plus juste I Celui qui a appris à voir ou à toucher
méthodiquement et progressivement aura toujours des perceptions précises et exactes.
Ne dit-on pas que la fonction crée l’organe. Un sens s'aiguise et se précise par un
entraînement raisonné.

III. APPRÉCIATION :
Rousseau a été comme le promoteur de l’éducation des sens. Pestalozzi et Froebel
ont renforcé son point de vue relatif à l’exercice sensoriel.
Sa manière de considérer l’éducation des sens est fort juste- et peut être adoptée
sans réserve. Un sens exercé rationnellement conduit à un jugement droit.
Aussi faut-il l’y entraîner de façon correcte. Le sens dont l'éducation est
convenablement faite se trompe rarement. Il s'en suit que l’éducation sensorielle sert de'
base à l’activité sensible intellectuelle et artistique. On en déduit que l’exercice des sens
se trouve lié à l’activité du corps, de l’intelligence, de la réflexion, de l’imagination, du
jugement. On éduque un sens, non pour sa seule éducation, mais pour apprendre, à
expliquer, à identifier, à différencier, à apprécier et à juger. Bref, l’entraînement correct
d’un sens conduit à la connaissance et à la formation de- l’esprit.,

IV. COMMENT APPLIQUER A L'ENSEIGNEMENT DES SCIENCES A


L'ECOLE PRIMAIRE?
454
Aucune discipline de l’Ecole primaire ne contribue davantage à la culture des sens
que celle des sciences donnée sous forme de leçons de choses.
Une leçon de chose bien conçue fait intervenir tous les sens. Pour mieux favoriser
leur exercice, un spécimen est remis à chaque élève : (orange, crabe, roche). Au moyen
de ce spécimen, tous les sens sont exercés : Vue, couleur, grosseur, forme générale,
comparaison avec objets du même type.
toucher : surface, température, consistance.
goût: saveur des parties et de l’ensemble.
ouïe : bruits possibles.
A noter le « rôle capital du maître dans sa discrétion », afin de permettre un exercice
judicieux de chaque sens.

V. CONCLUSION :
C’est par un entraînement continu, répété et habilement dirigé que nos sens se
développer: et s’affinent. A mesure que leurs données se précisent, ils fournissent des
perceptions exactes et sûres. Celles-ci servent de base solide au travail de la pensée et
préparent la justesse' du jugement. II demeure comme le prélude, la préface nécessaire,
sinon indispensable, de l’éducation générale de l’esprit.

455
SUJET N° 56
« Entre la règle ou le cadre rigide qui paralyse, tue toute initiative et l'entière liberté
dont on ne sait pas user et qui conduit à l'anarchie, il y a le conseil qui oriente et
soutient, la suggestion qui éclaire la voie à suivre. »
Pour quels enseignements et dans quelle mesure le maître de l'École primaire peut
s'en inspirer?
Une manière, entre mille, de .traiter le devoir :

Le passage en question est de Gaston Quenioux, Inspecteur général de


l’Enseignement pour le dessin. Il est extrait de son rapport sur les Conférences
pédagogiques de 1933 qui avaient pour thème le dessin.

I. EXPLICATION :
Il exprime un renouveau dans la manière d’enseigner le dessin. La méthode que
propose Quenioux se fonde sur la psychologie de l’enfant et l’observation de la nature.
Sa conception se greffe de façon serrée sur la nouvelle méthode de l’enseignement
du dessin qui date de 1909. Elle s’oppose radicalement à la méthode Guillaume en
usage antérieurement.
Les I.O. résumant la méthode de 1909 s’ordonnent autour de trois principes majeurs
:
a) Liberté : chez l’élève ; liberté du sentiment et de l’interprétation. Chez le maître :
liberté d’action, d’encouragement à l’initiative.
b) Le dessin devient facteur de culture et non plus art d’agrément. Il est « moins
étudié pour lui-même que pour les fins générales de l’éducation ». C’est un stimulant
pour le jeu de l’imagination et de la sensibilité.
c) La nature prise comme guide, aimée pour elle-même, traduite directement et
naïvement. La nature est concrète. Le dessin ne doit pas être abstrait.
Entre la règle impérative et l’absolue liberté, Quenioux préfère le conseil et la
suggestion. Le premier met l’enfant sur la voie et la seconde le guide, il pense que dans
le domaine du dessin, seule la psychologie de l’enfant doit inspirer au maître son action.
Son point de vue se justifie par le fait que l’enfant considère le dessin comme « le
moyen le plus puissant le plus vivant, le plus original, le plus joyeux de s’exprimer,
d’extérioriser ses sentiments, de traduire sa personnalité ». Pour l’enfant, le dessin est
tout un langage. Il remarque qu’il existe deux méthodes d’éducation artistique. Une
bonne qu’habitue l’élève à suivre l’exemple des grands artistes * non pas en imitant
leurs œuvres mais, en regardant comme eux, la nature, par ses propres yeux en
l'exprimant comme 456
eux par ses propres moyens ».
La méthode malfaisante et qu’il faut combattre, apprendre à l’élève « à voir la nature
par les yeux des grands artistes et à reproduire ce que ceux là ont vu par les mêmes
moyens qu’ils ont employés. *
Selon Quenioux, « la première méthode respecte la personnalité de l’élève et l’incite à
l’originalité ; l’autre le soumet à un dogme, lui cache la nature et le nourrit de formules ».
Le mot de Quenioux signifie qu’il ne faut point abandonner l’enfant à lui-même et se
contenter de lui dire de dessiner. Il faut au contraire, aider l’enfant sans nuire à la
spontanéité, à l’originalité de son travail. L’auteur reste bien dans la ligne des I.O. qui
précisent. « Le bon maître devra exciter plus que critiquer, suggérer plus que corriger,
proposer plus qu’imposer ».

II. POUR QUELS ENSEIGNEMENTS ET DANS QUELLE MESURE LE MAITRE DE


L'ECOLE PRIMAIRE PEUT S'EN INSPIRER?
Il va de soi que la méthode que propose Quenioux s'applique d'abord à
l’enseignement du dessin ainsi qu’aux autres disciplines considérées comme moyens
d'exprimer librement la personnalité : langage, construction de phrases et rédaction.
Dessin : Des programmes existent. Il faut les suivre. Que le maître se garde
d’imposer sa manière de voir. Il conseille il suggère. Ce qui importe, c’est qu’il se garde
de blesser et décourager, parce que le dessin exécuté par l’enfant conserve, avant tout,
un caractère personnel.
Langage : Les exercices de langage féconds apportent aux enfants liberté1 et joie,
disent les I.O. de 1923. Il faut créer le besoin d'expression chez l’enfant précise Mm
Ithurbide. L’essentiel est que par la parole, l’élève exprime sa personnalité et mette en
action toutes ses forces vives. Les sujets d’exercices se recherchent dans la réalité
vécue par les enfants.
Rédaction : L’art d’écrire se forme par l’observation de la vie. D’ailleurs, dessins
d’observation et d’imagination sont étroitement liés à la composition française.
Aussi, peut-on demander aux élèves, une fois le texte de rédaction proposé,
d’illustrer leur devoir. Cette Illustration les obligera à un effort d’observation,
d’imagination et de composition.
On va même jusqu’à dire qu’il faut rendre à l’enfant sa liberté afin qu’il retrouve la joie
d’écrire.

457
SUJET N° 57
« Les exercices ne sont pas le complément de la leçon. La correction n'est pas le
complément des exercices. Je dirais volontiers que la correction des exercices est
le moment essentiel de la leçon. »
Commentez cette affirmation et justifiez votre position à l'aide d'exemples.
I. INTRODUCTION POSSIBLE :
La leçon une fois faite, il semble qu’il suffirait de proposer aux élèves des exercices
s’y rapportant pour s'assurer qu'elle est comprise. Il n'en est rien puisqu'un pédagogue
affirme que « La correction des exercices est le moment essentiel de la leçon ».
Commentons cette affirmation.

II. EXPLICATION ET COMMENTAIRE :


Le point de vue à examiner, ainsi présenté, établit un lien direct entre la leçon et la
correction des exercices. A leur tour, ces derniers deviennent intermédiaires ou moyens.
Il laisse penser qu’une leçon, même très bien faite, mais, sans correction des exercices,
serait dénuée de toute valeur pédagogique.
Il s’en déduit que les exercices ne complètent pas la leçon. La correction ne complète
pas non plus les exercices. C’est la correction des exercices qui constitue l’étape
Indispensable de la leçon. Une leçon bien conçue doit apporter des connaissances à
l’élève. Ces dernières lui sont apportées de deux façons. D'abord, de manière formelle
(tables, formules, dates historiques, capitales géographiques). Ensuite, de telle sorte
que l’élève les fasse bien siennes pour les utiliser lui-même, par la suite, au moment,
parfois imprévisible où ¡I en aura besoin. Pour atteindre cette fin, le maître dispose de
trois moyens.-

a) La leçon proprement dite:


Suivant son type, elle accorde une place plus ou moins large à l’exposé du maître, à
l'observation et la découverte progressives de l’élève. Une leçon de morale, par
exemple, prend une tout autre allure qu'une de sciences ou d’histoire. L’essentiel de la
première repose sur l’appel à la sensibilité de l’enfant et se puise dans son expérience
journalière et personnelle. La seconde se base sur- l'observation et l’expérimentation
conférant à l'élève un rôle vraiment actif au cours de la leçon. La troisième se fonde sur
l'examen attentif, la prospection des gravures ou documents ou la projection commentée
de films.
b) Les exercices de contrôle :
Ils permettent è l’élève d'éprouver lui-même, les connaissances acquises
458
nouvellement. Ces exercices prennent des formes diverses suivant la leçon à laquelle ils
se rapportent: (sûreté du mécanisme d’un type d’opération en arithmétique, vérification
des propriétés des figures en géométrie, compréhension et application correcte d’une
règle en grammaire ou en conjugaison). Mais, Ici, plusieurs cas peuvent se présenter,
l’élève réussit l’exercice, se trompe ou échoue carrément.
S'il réussit, c’est qu'il a bien compris la leçon et a fait une conquête. S'il se trompe,
c’est que la notion enseignée n’est pas bien assimilée et n'a pas laissé des fondements
très stables dans son esprit. Une mise au point de la notion s’impose.
S’il échoue, cela prouve que les connaissances qu'on lui a enseignées n’ont prié
chez lui aucune valeur réelle. La leçon elle-même, est à reprendre entièrement avec une
tout autre méthode.

c) La correction des exercices :


Elle permet au maitre un premier contrôle de l'enseignement qu’il dispense. Encore
faut-il qu’il ne se limite pas à cette simple constatation, car, pour des raisons diverses,
un élève peut réussir parfaitement ...un exercice proposé sitôt après la leçon et pas trois
ou quatre semaines après. La correction permet aussi à l’élève de constater son erreur
ou la justesse de ses vues. Il reste entendu qu'il s'agit de l’auto-correction comme en
correction de dictée ou rédaction, d'opérations ou de problèmes ou exercices de
grammaire et de conjugaison exécutés, en classe, sous l’œil vigilant du maître. Puisque
l’élève rectifie lui-même, il lui faut redécouvrir la vérité avec l’aide du maître, refaire
sienne la connaissance exacte et la réemployer, cette fois, correctement. Le but d’une
correction de rédaction par exemple n’est pas de dresser une statistique des fautes ou
des maladresses et d'en donner communication à ceux qui les ont commises. Ce n’est
même pas, non plus, de faire comprendre aux écoliers pourquoi ces fautes ou
maladresses sont commises. C'est surtout rendre capables les fautifs d'en éviter le
retour, de les corriger eux- mêmes. C’est de les entraîner, la plume à la main, à
améliorer leur manière de composer et d'écrire. Les élèves n'ont pas perdu leur temps
quand, à la fin d'un exercice de cette nature, le tableau noir témoigne des efforts faits en
commun, pour rédiger, de façon satisfaisante, des phrases qui laissent à désirer. Ce qu'il
faut éviter c'est que dans une leçon de correction de rédaction, on ne corrige, ni ne
rédige vraiment. Enfin, de la correction des exercices, dérive un autre bénéfice pour le
maitre. A ce moment, il constate les conséquences des insuffisances de sa leçon ^ et,
s'il est honnête vis-à-vis de lui-même, cherchera à y remédier. C’est donc une minute de
vérité pour le maître. Elle demeure, en outre, l'occasion unique de compléter et de
rectifier les connaissances ou démarches de l’esprit. Elle se découvre bien alors, le
moment essentiel de la leçon.
III. CONCLUSION :
Le point de vue du pédagogue est juste. Une leçon complète comprend la leçon
proprement dite, les exercices exécutés en guise d’application et la correction de ces
derniers. Cette dernière partie est l'étape capitale de ‘la leçon parce qu'elle demeure
épreuve-test, moment de contrôle, de vérification de prise de conscience, à la fois, pour
le maître et pour l’élève. Plus qu'aucune autre, la correction demeure occasion sérieuse,
pour le maitre de juger la portée, l’efficacité de son enseignement et, pour l’élève, de
découvrir avec le secours du maitre les notions mal ou imparfaitement saisies. Si l’un et
l'autre savent exploiter avec Intelligence cette minute, il en résultera un enseignement
sans cesse progressif.
SUJET N° 58
« Le bon Maître doit exciter plus que critiquer, suggérer plus que corriger,
proposer plus qu'imposer », disent les Instructions Officielles.
Quels principes pédagogiques vous semblent contenus dans cette indication ?
Précisez les étapes essentielles d'une classe de dessin.
I. UNE MANIÈRE D'ABORDER LE SUJET :
Les indications fournies au Maître par les Instructions officielles en ce qui a trait à
l'enseignement du dessin, ne sont pas aussi précises que celles données pour les
autres enseignements de l’école primaire (Calcul, lecture, science ou géographie). Elles
manquent de rigueur et restent plutôt vagues et négatives.
Vagues : parce qu'il ne s'en dégage rien de bien distinct, fixant la conduite du Maître,
au moment où il dirige cette discipline.
Négatives : parce que l'attention du Maître est seulement attirée sur ce qu’il serait
prudent de ne pas faire. En somme, son attitude comporte un côté positif, résumé par
les verbes : exciter, suggérer, proposer et une face négative, formulée par les termes :
critiquer, corriger, Imposer. En outre, l'expression : PLUS QUE, qui revient à différentes
reprises dans le texte, n'implique pas l'interdiction absolue pour le Maître de critiquer,
corriger ou imposer. Elle signifie, davantage, qu’il doit se garder, autant se peut, de trop
accentuer ces côtés négatifs. On lui recommande, ce semble, plutôt un comportement
.souple, susceptible d’encourager son élève. Seul, le sens des différents verbes
employés dans le texte permettra de situer l’attitude pédagogique idéale de l'éducateur
lors de la classe de dessin.

II. EXPLIQUONS LES MOTS DÉLICATS ET COMPRENONS LE


SUJET :
A) PARTIE POSITIVE : Ce que le Maître» doit faire :
a) Exciter: Au sens propre: activer l’énergie, rendre plus vif. (Ex: Le café excite le
système nerveux). Dans le texte : encourager, stimuler, pousser à, provoquer chez
l’élève l’intérêt pour le dessin.
b) Suggérer : faire venir dans la pensée. Ici : inspirer aux élèves des idées sur le
dessin. La suggestion est l’art de provoquer chez quelqu’un en état d’hypnose.
c) Proposer : mettre en avant, ce qui doit être examiné. Dans le texte, Indiquer à
l'élève ce qui, en dessin, est susceptible d attirer I attention.
B) PARTIE NÉGATIVE : Ce qu’il est prudent, pour le Maître de ne pas faire.
a) Critiquer: faire ressortir les défauts du dessin et ne pas mentionner ses qualités.
Une telle attitude provoquerait le découragement chez ''enfant.
b) Corriger: rendre meilleur en partant de ce que l’élève a représenté, attirer son
attention sur ses fautes.
c) Imposer : faire subir à l’enfant, par contrainte, l’autorité du Maître l’amener à se
soumettre à la manière de voir, de comprendre, de sentir du Maître.
A la lumière de ces définitions, on peut dire qu'au moment du dessin, le Maître doit
épouser, une attitude intelligente, souple, presque plastique, celle qui vise à encourager,
à compléter, à amender, celle qui conduit, disent les Instructions officielles « à ne pas
considérer comme fautes l’inexpérience et la naïveté de l’élève et qui entend ne pas trop
réprimer l’exubérance enfantine, » sans pour autant, encourager les « tentatives de
mauvais goût. » Le dessin a un caractère personnel. Seule cette attitude du Maître
amènera l'enfant, non pas à dessiner comme on le lui a appris, mais, comme il voit et
comme il sent. S'il dessine comme il sait, c'est-à-dire, comme on le lui a appris, il cesse
de voir et de sentir. Cet enseignement aboutit alors, à l’échec de l’éducation esthétique,
à laquelle contribue puissamment le dessin.

III. PRINCIPES CONTENUS DANS LE PASSAGE :


C'est surtout celui de la liberté de l'élève. Il n’est pas énoncé dans le passage
proposé, mais, il est sous jacent. On ne peut exciter, suggérer, proposer qu'en laissant à
l’enfant la possibilité de donner libre cours à son besoin naturel de dessiner. Le Maître
se contente de le guider discrètement dans les progrès qu’il est amené à faire de lui-
même, en « poussant la rigueur de son observation, en raffinant sur son goût », des
arrangements de lignes, de formes, de ' couleurs.
Aujourd'hui, le dessin n’est plus un enseignement analytique et systématique, à
progression étudiée, du point de vue strictement intellectuel. L'enfant de l’école primaire
élémentaire ne commence plus à dessiner, à la règle, des lignes, verticales, puis,
horizontales, puis obliques, puis, des figures géométriques. Ces étapes rigoureuses ont
disparu. II s’amuse, d’abord, à gribouiller et à remanier ses gribouillis. Il leur donne,
ensuite, une signification. Barbouillages, et gribouillis deviennent le support d'un travail
imaginatif et affabulatoire. Très vite, entre cinq, six et sept ans, il Imite et copie, il
apprend des formules qu'il répète.
Bien que sa main soit encore Inhabile et maladroite, on assiste, .vers 8 ans, à un
changement de caractère des dessins d’enfants. Ils deviennent moins conventionnels et
moins rigides. Il s’établit une coordination de l’esprit et de la main. La main devient, de
plus en plus, l’instrument de l’esprit et l’esprit exploite ce que fait la main.
167 Ce qui était
pure activité devient activité proprement artistique. Les interventions du Maître n’ont
d'autre but que de faciliter d'aider aux progrès de l’enfant vers la maîtrise des poussées
de la sensibilité primitive. C'est pourquoi, la méthode saine de dessin, consiste à
habituer l'enfant à regarder la nature par ses propres yeux et à l’exprimer par ses
propres moyens. Cette méthode bienfaisante respecte sa personnalité et l’incite à
l’originalité. Elle respecte, en outre, la liberté du sentiment et même de l’interprétation. Il
s’agit d’une liberté disciplinée, car, tout en favorisant l’originalité et la spontanéité, il
importe d’attirer l’attention de l’enfant sur le caractère, la beauté, les proportions de
l'objet à dessiner.
Le Maître respecte deux principes de base essentiels en dessin : Liberté et Vie.

IV. UNE CLASSE DE DESSIN :


Trois temps :
a) OBSERVATION DU MODÈLE :
(En choisir un qui est simple et qui plaît à l'enfant). Le Maître aide ¡’élève à dégager
les caractères propres de l’objet à dessiner.
b) EXÉCUTION DU DESSIN PAR L’ENFANT:
Le rôle du Maître se borne à lui signaler les fautes les plus grossières à éviter, mais,
il se gardera d'imposer sa vision propre.
c) CORRECTION DES DESSINS EXÉCUTÉS :
Celle-ci doit se faire avec la participation des élèves. Un principe de base : s'efforcer
de discerner et de comprendre l’interprétation de chaque élève et non juger selon une
règle uniforme. Autant se peut, cette correction à lieu à la place de l’élève et non sur le
bureau du Maître.

168
SUJET N° 59
On lit dans les I.O. de Juillet 1909, sur l'enseignement du dessin : « Le dessin
est moins étudié pour lui-même que pour les fins générales de l'éducation. »
Expliquez ces paroles en vous attachant à montrer la valeur éducative de
l'enseignement du dessin à l'école primaire.
(C.A.P. Martinique, Session d'octobre 1963)

I. INTRODUCTION POSSIBLE :
Comme toutes les autres disciplines enseignées à l’Ecole primaire, le dessin à sa valeur
propre. Cependant, on arrive à penser qu’il a moins * de valeur pour lui-même que
comme moyen d’éducation générale. C’est pourquoi on lit dans les I.Q. de 1909: « Le
dessin est moins étudié pour lui-même que pour les fins générales de l’éducation. »

II. LE DESSIN, INSTRUMENT D'ÉDUCATION PHYSIQUE :


Dessiner c’est évoquer par des traits, pour les autres, des objets tels qu’on les voit
soi-même. La nécessité d’une technique s’avère indispensable. Pour l’obtenir il faut
exercer l’œil et la main. Quand celle- ci est souple, elle obéit à l’œil habitué à
percevoir avec acuité et sensibilité. Justesse du coup d’œil et dextérité de la main
sont nécessaires pour bien dessiner. Cette technique nécessaire, trop poussée, peut
devenir un obstacle et provoquer la déviation vers une certaine virtuosité facile et
sans valeur. D’ailleurs, nous venons de donner une définition objective du dessin. On
peut aussi en proposer une subjective qui consiste à fixer des façons personnelles de
voir les objets. L’Ecole primaire doit cultiver l’une et l’autre de ces formes de dessin
chez l’enfant si elle entend le mettre sur la vole de l’art pur.
L’œil n’acquiert de la justesse que par des exercices répétés. Peu à peu, la main
servante de l’esprit, gagne en souplesse et en habileté. C’est précisément par ces
exercices fréquents que le dessin devient instrument d’éducation physique.

III. LE DESSIN, INSTRUMENT D'ÉDUCATION INTELLECTUELLE :


Cependant le dessin, réalisé par la main, est commandé par des opérations mentales.
On dessine ce que l’on voit, ce qu’on a vu, ce qu’on imagine. Chacune de ces opérations
représente une attitude mentale particulière.
a) Apprendre à dessiner, c’est apprendre, en un sens, à voir plutôt à regarder avec
attention. Il Importe de placer l’enfant en face d'objets. de personnages, de paysages,
pour l'amener à être attentif à ce qu’il voit objectivement et aussi, à ce
169qui le frappe et
l'impressionne subjectivement.
b) Il faut aussi apprendre à l’enfant à dessiner de mémoire t « Il est tout à fait
nécessaire de cultiver la mémoire des formes », disent les I.O. Peut-être, pourrait-on
aussi ajouter la mémoire des couleurs, la mémoire plastique, car on dessine toujours
après avoir regardé et non en regardant. Les grands artistes sont capables de peindre
en atelier ce qu’ils ont bien regardé dehors. Mais avoir vu, avoir retenu. e3t
indispensable pour bien imaginer. On peut dire que le dessin Imaginatif qui plaît le plus à
l’enfant demeure, sans doute, le plus purement artistique, puisqu’il est création et que sa
personnalité s’y exprime le mieux et que cette forme de dessin est nourrie par la
mémoire des choses vues.
Il faut, d'ailleurs distinguer dessin d’imagination et dessin de mémoire. Le premier
s'appelle encore dessin libre et permet de recomposer, à partir d’éléments observés, des
scènes ou tableaux, produits de l’imagination, il n’est pas soumis aux contraintes de la
vérité, mais, à celles de la vraisemblance. II convient de l’employer au moment où
l'enfant est devenu capable d'utiliser ses connaissances et ses souvenirs. Le dessin de
mémoire lui, s'efforce de reproduire aussi fidèlement que possible, un objet vu, mais
absent au moment où l'on travaille. Il suppose observation poussée et mémoire visuelle
développée.
c) Le dessin, bien compris exerce le jugement et le goût. Le goût est l’affirmation d’un
choix. C'est en choisissant bien que le jugement s'exerce.

IV. LE DESSIN AUXILIAIRE DES AUTRES ENSEIGNEMENTS:


En tant que moyen d’expression, le dessin peut et doit s’associer à toutes les
disciplines. L’enfant peut avoir à faire un croquis en rapport avec les leçons d’histoire, de
sciences, de rédaction, de récitation. De nombreux maîtres demandent aux élèves
d’illustrer leur rédaction. Cette illustration doit se faire avant le devoir et non après pour
qu’elle prenne toute sa valeur pédagogique. L’exercice graphique préalable procurera à
l’enfant la possibilité d’avoir quelque chose à dire. Par ce côté surtout, sa valeur
éducative augmente.
En réalité, en dépit des apparences, le dessin par lui-même, à une haute valeur
éducative. Celle-ci augmente encore quand on pense que le dessin se fait l’associé de
tous les autres enseignements dont il permet de vérifier la compréhension. C’est bien
penser que de dire qu’on l’étudie moins pour lui-même que pour les fins générales de
l’éducation.

170
SUJET N° 60
« La musique, discipline mineure, » dit-on.
Partagez-vous cet avis ?
Si non, précisez-en la nécessité ainsi que la place qu'elle occupe dans la formation
de la personne et de la collectivité humaine ?

I. LA MUSIQUE, DISCIPLINE MINEURE?


Les récentes conférences pédagogiques d’automne 1965 viennent de rappeler, une
fois de plus, l’importance de l’éducation musicale aux cycles maternel et primaire
élémentaire. N’est-ce pas une manière de nous pénétrer, qu’elle doit contribuer au
même titre que les autres disciplines, à la formation culturelle bien équilibrée des élèves
1... Son utilité grandit encore aux yeux du lecteur attentif qui s’aperçoit vite que
l’expression ; éducation musicale, s’est substituée désormais, à celle de chant et
d’enseignement musical que l’on retrouvait jusque là, dans les textes officiels. Manière
heureuse de préciser que, dorénavant, l’enseignement de la musique répond à une
ambition plus haute. A l’école primaire, l'éducation musicale comprend d’abord, le chant
et l’enseignement musical élémentaire, c’est-à-dire, celui des notions de solfège de
début.
Ensuite, elle devient information musicale (brèves notions d’histoire musicale), à
partir du Cours moyen.
En outre, éveil et développement du goût musical. Elle doit faire éprouver à l’enfant
de3 émotions esthétiques, former son bon goût, lui faire prendre en aversion les chants,
et les musiques de mauvais goût, lui faire, apprécier et aimer la musique et les chants
de qualité. Enfin, elle demeure pour l’élève une occasion de créer, à son tour, de la
beauté musicale, c’est-à-dire, lui donner la possibilité de chanter, de bien chanter, à
l’unisson ou en chœur, de beaux chants, et s’il y a lieu, de bien jouer de la musique
simple, mais, de grande valeur esthétique, pour la meilleure satisfaction des exécutants
et des auditeurs (orchestre et chorales scolaires). Peut-on dire mieux de son importance
?

II. NECESSITE DE L'EDUCATION MUSICALE :


Elle est nécessaire à divers points de vue. En premier lieu, elle est utile en soi, car
elle procure à l’enfant de grandes joies esthétiques et le rend capable de goûter, par la
suite, les chants ou concerts qu’il aura l’occasion d’entendre.
De plus, chant et musique, contribuent à créer cette détente que les conditions
actuelles exigent impérieusement. Selon une expression consacrée,171ils «, traduisent
l'inexprimable » et permettent les évasions dans le temps et dans l'espace,
bienfaisantes et souhaitables, dans la mesure où elles sont limitées et ne sont ni fuites,
ni dérobades devant les exigences impérieuses du réel.
En outre, ils contribuent à fortifier l'attention et la volonté. En particulier, le chant
choral est école de discipline et prépare à la vie sociale puisque la moindre erreur de
l'un des exécutants se révèle préjudiciable à l’ensemble des choristes. Dans une classe
le chant intervient pour rétablir l'ordre ou pour mettre fin à l’engourdissement et la
passivité momentanée des élèves. Il règle, les mouvements d’entrée et de sortie.
Au surplus, le chant assouplit les organes vocaux, développe les poumons. Il facilite
l’éducation morale, dans la mesure où il détache l’enfant de lui-même et fait naître, chez
lui, l'émotion esthétique.
Enfin, les conditions actuelles mêmes rendent encore plus nécessaire l’éducation
musicale : diffusion presque permanente par la radio, la télévision, de chants, chœurs,
concerts de musique, la multiplication des transistors, des électrophones. Plus
qu'autrefois, il importe de rendre l'individu capable de choisir le meilleur et de refuser le
pire dans les flots de musique qui lui sont-déversés. C’est dès l'école que doit
commencer l'éducation du futur auditeur.

III. LA MUSIQUE ET LA PERSONNE :


Elle est dispensatrice de bonheur. Elle facilite l’épanouissement, de l'enfant, permet
un meilleur équilibre, par des réussites venant compenser les échecs trop fréquents
dans d’autres disciplines jugées principales.
Le contact avec des œuvres de qualité forme la sensibilité, affine le goût, pénètre la
personnalité. Elle est source de réconfort d’intérêt, d’enrichissement. Des élèves, guidés
par leur goût musical ont sû approfondir, découvrir en eux-mêmes, pallier une difficulté :
Ex : tel élève intéressé par les disques, est devenu fervent de théâtre lyrique après le
choc reçu à l’audition directe. D'abord, auditeurs passifs, une sorte d’intérêt curieux peut
guider les enfants vers l’activité personnelle : la chorale, le jeu instrumental individuel, le
jeu d'ensemble; Il faut avoir connu l’émotion d'enfants et d’adultes dont les voix fausses
ont été éduquées ils semblent avoir conquis un dû dont leur personnage s'était trouvé
frustré.

IV. LA MUSIQUE ET LA COLLECTIVITÉ :


La musique est compréhension universelle, moyen d'échanges, au-delà des langages.
Les rencontres internationales à base de musique sont généralement des réussites
humaines de qualité. Réciproquement, les collectivités, humaines se soudent par les
activités musicales : chorales ou orchestres.

172
La chorale crée l’esprit d’équipe par la réalisation vivante d’un texte écrit. Elle
donne une existence à ce texte qui prend une réalité inconnue jusqu'alors. Elle crée une
compréhension nouvelle dans l’œuvre polyphonique, exalte la responsabilité personnelle
dans la collectivité. De la chorale jaillissent enthousiasme et cohésion, où se mêlent
Intimement et se confondent œuvre artistique et œuvre humaine. « Chanter, danser,
écouter, créer sont des activités naturelles à tous les enfants » disait un professeur de
musique mort en 1963. C’est pourquoi, faire correctement leur éducation musicale, c’est
leur donner toutes leurs chances dans leur future vie d’hommes. »

ACHEVÉ D’IMPRIMER LE 23 SEPTEMBRE 1985 SUR LES PRESSES DE JUGAIN


IMPRIMEUR S.A. 61000 ALENÇON
Imprimé en France. Dépôt légal : septembre 1985 N° d’impression : 851041

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