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Remarques après lecture des copies…

Après lecture des copies, il apparaît que vous êtes très peu nombreux à savoir ce qu’est la responsabilité qui
s’exerce à l’égard de quelque chose et pour parler plus justement à l’égard d’une autre personne, et ici de soi-même
(puisqu’il est question de nos propres désirs). Vous avez été pénalisés du fait de cette ignorance.

Cette ignorance est préoccupante, indépendamment des concours, car on attend que, dans une société
démocratique, chaque citoyen n’ait pas besoin des menaces de sanctions prévues en cas d’infractions à la loi (délits et
de crimes) pour savoir se comporter moralement, en personne responsable, faisant preuve d’autonomie morale. Il est
vrai que l’appât du gain, la peur et le manque de courage, l’ambition dévorante nous détourne le plus souvent de nos
devoirs et bien heureusement la loi nous protège en partie contre l’irrespect, la prédation, et ce que les désirs de
toute sorte autorisent. Les sanctions pénales sont alors une garantie pour que nous soyons tous dissuadés de nuire à
autrui.

Cette attente d’une conduite qui soit morale et à laquelle nous souscririons librement, sans y être contraints
par les menaces pénales, s’adresse à tous les citoyens des sociétés démocratiques. Elle est donc universelle et ne
concerne plus l’adhésion à des valeurs particulières qui sont celles des éthiques, les éthiques religieuses ou celle
philosophique des Anciens. Ce que la loi sanctionne n’a plus sa justification dans les interdits divins ou la connaissance
des fins de la nature qui s’imposait aux hommes appelés par leur naissance à se conduire de manière vertueuse.
L’éducation à une telle fin était réservée à une aristocratie susceptible d’être élargie dont était exclu l’esclave dans les
cités grecques par exemple, ou ceux qui étaient d’emblée exclus de la citoyenneté, assignés aux tâches de
reproduction ou au travail, qu’ils s’agissent des femmes, des paysans, des artisans, des commerçants. Mais ce qui
vient d’être dit est vrai pour toutes les sociétés traditionnelles où les valeurs éthiques sont relatives aux valeurs que
partagent les membres de sociétés, qui sont, pour cette raison des communautés.

La responsabilité n’a donc de sens que dans une société composée d’individus capables de se comporter de
manière autonome et l’un des aspects essentiels de cette autonomie est l’autonomie morale.

La démocratie moderne, dont Hobbes, Locke, Rousseau ont inventé progressivement les fondements, n’est
donc plus une communauté de valeurs éthiques partagées par ses membres, mais une société d’individus libres et
égaux. Cette égalité instaure une réciprocité des devoirs et la liberté ne nous est reconnue que dans les limites d’un
usage de celle-ci qui soit respectueux d’autrui. Enfin, comme nous l’avons déjà dit, cette exigence morale, la loi la fait
respecter en ménageant des sanctions pour ceux qui ne la respectent pas.

Cette morale qui a vocation à être partagée par tout homme, quelle que soit sa religion, quelles que soient son
origine et son appartenance sociale, quels que soient ses particularismes, est universelle. Elle présuppose une
autonomie morale de tous ceux qui ne sont pas empêchés (déficiences mentales, pathologies psychiques graves) de la
mettre en œuvre. C’est pourquoi aussi la morale utilitariste dont le principe a été énoncé une première fois par
Jeremy Bentham est elle aussi au cœur de notre fonctionnement démocratique en tant qu’alternative à la morale
universelle (déontologique) une première fois formulée par Kant. En visant le bien-être, et le plus grand bonheur pour
le plus grand nombre, cette autre morale des sociétés modernes n’exige pas le respect de ce qui est dû à chacun des
membres de la communauté humaine. Les objectifs qu’elle se donne sont avant tout matériels et économiques.

Vous me voyez obligée de rappeler ces préalables pour la bonne compréhension de ce qui signifie « porter la
responsabilité de » quelque chose, ici de « nos désirs ».

À des fins de problématisation, force est de reconnaître que nous ne faisons pas ce que nous voulons de nos
désirs, les détruire, comme le proposait Épictète.

Le philtre dans la légende de Tristan et Iseut, la passion de Phèdre ou l’amour de la princesse de Clèves pour M.
de Nemours, la passion du jeune Werther, le désir pervers d’Aschenbach, etc. Parmi nos protagonistes, aucun n’a fait
le choix de ses désirs. L’issue en est à chaque fois tragique.

Ainsi la responsabilité, ou le fait de porter la responsabilité de ses désirs, n’était pas ce que vous en avez dit la
plupart du temps.
Une phrase comme « nous sommes responsables de notre bien-être » n’a pas de sens et elle révèle le fait que
vous ignorez que la responsabilité concerne la relation avec une autre personne. La morale telle que nous la
comprenons aujourd’hui ne signifie pas autre chose que la relation aux autres, de respect, etc.

Si donc nous portons la responsabilité de nos désirs, c’est en vue de ce respect dû à autrui.

Et il est vrai que la relation à nos propres désirs ne nous intéresse ici que pour autant qu’ils sont indépendants
de notre volonté ou peut-être parce que nous pensons qu’ils peuvent être suspendus par une décision de cette même
volonté.

S’oppose à cela d’emblée le caractère exogène des désirs.

-Dans la légende de Tristan et Iseut, les deux amants sont victimes du philtre. Vous l’avez relevé à juste titre.

-Quid de la naissance du désir chez Francesca et Paolo dans le Chant V de Dante et pourquoi ils sont coupables
selon Dante (voir conférence de Jean-Louis Poirier).

-La passion de Phèdre dans la pièce éponyme de Racine est (passion) irrépressible.

-Madame de La Fayette s’attache à montrer dans quelle mesure le désir amoureux qu’éprouve la princesse de
Clèves est impossible à contenir. Il se manifeste dans des circonstances où la princesse ne devrait rien laisser paraître
de ses sentiments.

-Dans l’approche pré-romantique de Gœthe, Werther n’a pas d’autre issue que la mort et le sentiment est
érigé en absolu contre la raison.

Mais toutes ses perspectives ne s’équivalent pas, car le désir est de moins en moins exogène pour devenir
l’expression du sentir, c’est-à-dire de ce qu’il a à la fois d’absolu, mais aussi de plus personnel (expression de mon
intériorité).

En nous étant approprié nos propres désirs, nous nous trouvons confrontés à la tragédie intime que connaît
Aschenbach dans La mort à Venise.
Vous avez essayé de réfléchir à la position dans laquelle se trouve Aschenbach pris entre sa fascination pour la
beauté de Tadzio et la culpabilité qui le brise. Mais ça n’a jamais été une grande réussite et j’use ici d’une expression
euphémistique.
Comme vous l’a rappelé Madame de Reyniès : « La beauté inspiratrice dont Aschenbach est venu s’entourer en
séjournant à Venise, c’est finalement la silhouette de Tadzio qui va l’incarner : le corps du jeune homme semble avoir
été modelé par un Praxitèle (statuaire grecque donne figure à la perfection, beauté classique). Ainsi, dans l’esprit
d’Aschenbach, l’Éros platonicien (Phèdre) semble pouvoir jouer le rôle qui était dévolu à l’œuvre d’art : celle
d’élévation vers le beau, l’accès à l’essence du beau CITATIONS 86-91.
Nous sommes ici dans l’esthétique, mais… Je cite toujours Madame de Reyniès :
« Mais cette sublimation de l’instinct sexuel se révèle bientôt illusoire. La référence platonicienne et plus
généralement les références antiques ne s’avèrent être qu’un masque flatteur dont Aschenbach tente de recouvrir
une attirance honteuse car « contre-nature », et ce à deux titres : homosexuelle et portée vers un enfant. Ainsi, le
désir d’Aschenbach n’est pas placé sous le signe d’Apollon (Dieu de la beauté, de l’harmonie), mais plutôt sous celui
de Dionysos (Dieu de l’ivresse, de la transe, de la démesure, de la folie), ce « dieu railleur » que les arts antiques
montrent accompagné dans ses processions triomphales de satyres et de faunes.
« (…) La première option, celle de l’idéalisme platonicien, est d’abord envisagée par Aschenbach  ; mais elle doit
bientôt s’effacer devant une conception puritaine, chrétienne, du désir : un désir sensuel détaché de tout horizon
métaphysique, qui avilit la personne et revêt une dimension morbide (Éros lié à Thanatos). Ce constat se fraye un
chemin dans l’esprit du protagoniste s’abandonnant à la rêverie : « Car, remarque bien Phaidros, etc » (p.132-133). Le
protagoniste donne ici un prolongement imaginaire au dialogue du Phèdre qui en constitue une réfutation. »
La responsabilité d’Aschenbach est engagée parce que sa conduite est l’expression d’un désir répréhensible,
celle d’un artiste vieillissant pour la beauté juvénile de Tadzio. Mais c’est aussi l’écrivain Thomas Mann qui réfléchit
peut-être à sa propre homosexualité refoulée. Il donne ici dans son œuvre libre cours à une volupté interdite tout en
nous révélant les affres et les tourments de son personnage : « Lorsque Aschenbach serra son papier (il s’agit de la
page qu’il vient d’écrire inspirée par son jeune modèle) et partit de la plage, il se sentit épuisé, brisé, et il lui semblait
entendre l’accusation de sa conscience comme après une débauche. »
Il s’agit pour Thomas Mann de confronter le personnage à la portée éthique de son désir. Je cite de nouveau
Madame de Reyniès : « (…) La première option, celle de l’idéalisme platonicien, est d’abord envisagée par
Aschenbach ; mais elle doit bientôt s’effacer devant une conception puritaine, chrétienne, du désir : un désir sensuel
détaché de tout horizon métaphysique, qui avilit la personne et revêt une dimension morbide (Éros lié à Thanatos). »
C’est donc à ce titre que vous pouviez évoquer votre lecture et ce qu’elle vous permettait de dire au sujet de
l’immoralité vécue comme telle de certains désirs.

Vous avez aussi été nombreux à évoquer le libertinage. Mais ce dernier a rarement été évoqué comme il
aurait dû l’être. Le personnage de Dom Juan dans la pièce éponyme de Molière, mérite ici qu’on réfléchisse sur la
prédation à laquelle se livre ce personnage et à l’interprétation qu’il faut lui donner (voir ce qu’en dit Kierkegaard).
Quant aux personnages des Liaisons dangereuses, voyez ce que vous pouvez lire dans le glossaire dans le glossaire que
nous avons rédigé pour vous.
À propos du libertinage dans la littérature du XVIIIe siècle : « Alors que la critique religieuse s’invite dans le débat
public au 18e siècle, le libertinage d’esprit se transmue en philosophie des Lumières et le libertinage de mœurs devient
le libertinage tout court : « libertin » tend donc à se spécialiser dans ses acceptions sexuelles et sociales (personne
aux mœurs dissolues, débauché), au détriment de son sens intellectuel et religieux (esprit fort, athée). Les
connotations péjoratives subsistent, mais sont désormais porteuses d’une critique sociale, ciblant une aristocratie
oisive et pervertie. »
C’est à cette critique sociale que se livre Choderlos de Laclos en nous mettant en présence des personnages de
Merteuil et de Valmont qui peuvent nous éclairer sur l’usage immoral que les deux comparses peuvent faire de leur
habileté à séduire…

Mais l’on peut à l’inverse anoblir le désir et l’élever au rang de sentiment, ce que l’on observe dans Julie, ou La
Nouvelle Héloïse de Rousseau où le désir devient synonyme de vie, de vitalité, d’amour consenti et de bonheur :
« Malheur à qui n’a plus rien à désirer, s’exclame Julie ».

Armés de cette exploration littéraire, nous voyons que se pose la question dès le XVIIe de la maîtrise des désirs.
Certains ont saisi l’occasion de reprendre une célèbre citation de Descartes qui se trouve dans le Discours de la
méthode (troisième partie) selon laquelle il vaudrait mieux changer ses désirs que l’ordre du monde. Je profite de ces
remarques pour vous donner à lire le passage dans lequel Descartes énonce cette idée empruntée au stoïcisme.
Descartes expose dans cette troisième partie la troisième maxime de sa morale provisoire :
« Ma troisième maxime était de tâcher toujours plutôt à me vaincre que la fortune, et à changer mes désirs que
l’ordre du monde ; et généralement, de m’accoutumer à croire qu’il n’y a rien qui soit entièrement en notre pouvoir,
que nos pensées, en sorte qu’après que nous avons fait notre mieux, touchant les choses qui nous sont extérieures,
tout ce qui manque de nous réussir est, au regard de nous, absolument impossible. Et ceci seul me semblait être
suffisant pour m’empêcher de rien désirer à l’avenir que je n’acquisse, et ainsi pour me rendre content. Car notre
volonté ne se portant naturellement à désirer que les choses que notre entendement lui représente en quelque façon
comme possibles, il est certain que, si nous considérons tous les biens qui sont hors de nous comme également
éloignés de notre pouvoir, nous n’aurons pas plus de regrets de manquer de ceux qui semblent être dus à notre
naissance, lorsque nous en serons privés sans notre faute, que nous avons de ne posséder pas les royaumes de la
Chine ou du Mexique; et que faisant, comme on dit, de nécessité vertu, nous ne désirerons pas davantage d’être sains,
étant malades, ou d’être libres, étant en prison, que nous faisons maintenant d’avoir des corps d’une matière aussi
peu corruptible que les diamants, ou des ailes pour voler comme les oiseaux. Mais j’avoue qu’il est besoin d’un long
exercice, et d’une méditation souvent réitérée, pour s’accoutumer à regarder de ce biais toutes les choses; et je crois
que c’est principalement en ceci que consistait le secret de ces philosophes, qui ont pu autrefois se soustraire de
l’empire de la fortune et, malgré les douleurs et la pauvreté, disputer de la félicité avec leurs dieux. Car, s’occupant
sans cesse à considérer les bornes qui leur étaient prescrites par la nature, ils se persuadaient si parfaitement que rien
n’était en leur pouvoir que leurs pensées, que cela seul était suffisant pour les empêcher d’avoir aucune affection pour
d’autres choses ; et ils disposaient d’elles si absolument, qu’ils avaient en cela quelque raison de s’estimer plus riches,
et plus puissants, et plus libres, et plus heureux, qu’aucun des autres hommes qui, n’ayant point cette philosophie,
tant favorisés de la nature et de la fortune qu’ils puissent être, ne disposent jamais ainsi de tout ce qu’ils veulent. »
Voici une courte explication de ce passage. Les choses « qui nous sont extérieures » s’avérant impossibles,
contrairement à nos pensées que nous formons nous-mêmes, Descartes préconise de ne désirer que ce que l’on peut
acquérir afin d’atteindre le contentement (« pour me rendre content ») et être heureux. La volonté, dit Descartes, se
« portera à désirer » ce que l’entendement se représente comme possible et non ce qui n’est pas en notre pouvoir (et
qui n’est pas non plus de notre fait). Il s’agit, selon une très belle formule, de faire de «  nécessité vertu ». Ce que nous
n’avons pas pu choisir (nécessité) devra être accepté avec courage : la maladie, la privation de liberté, avec lucidité :
avoir un corps corruptible, avec la conscience de nos limites humaines : ne pas pouvoir voler comme l’oiseau. Mais
cela demande de l’exercice et c’est à une telle ascèse (voir glossaire) que les philosophes nous invitaient. Descartes
pense aux stoïciens. C’est ainsi que manquant de fortune et pauvres, ils étaient parvenus à être plus heureux que ne le
seraient des dieux. Plus heureux que des hommes fortunés (chanceux). Ainsi s’estimaient-ils également plus riches
que ceux qui l’étaient réellement, etc.
Ce que nous devons retenir pour notre sujet, c’est l’identité de la pensée et du désir, ce qui est rendu possible
par la découverte de la conscience par Descartes et Locke. La conséquence n’est pas négligeable pour notre sujet : le
désir est en mon pouvoir, du moins si je peux espérer m’en rendre responsable.

Mais allons plus loin encore, la conclusion à tirer est moins que nous soyons responsables de ces désirs. Car
comme le montrera la psychanalyse, nos désirs échappent à notre connaissance. La conclusion sera plutôt que nous
portons la responsabilité de nos actions et de nos conduites, quelles qu’en puissent être les motivations, celles que
nourrissent nos désirs, que ces derniers soient ou non conscients.

Le fait est que l’inconscient nous prive de la connaissance des désirs mal refoulés qui perturbent la vie
psychique du névrosé ou le fonctionnement psychosomatique du corps de l’hystérique. Nous ne sommes pas
responsables en effet de ce qui échappe à notre connaissance. À quoi il faut ajouter que domaine de l’inconscient est
le domaine de l’involontaire et non de l’immoralité. Ceci est un des précieux acquis de la psychanalyse.

Aussi, si les désirs échappent à notre maîtrise, nos actions ou conduites demeurent entièrement sous notre
responsabilité. C’est ce que Kant cherche à montrer. Dressez une potence devant celui qui prétend ne pas pouvoir
refréner ses désirs, et vous verrez que ce dernier choisira l’abstinence plutôt que la mort. Ainsi porter la responsabilité
de ce que nous faisons n’est nécessaire que parce qu’autrui pourrait souffrir de mes entreprises libidineuses, parce
que notre devoir strict est de ne pas instrumentaliser autrui et ne pas réduire autrui à n’être qu’un moyen de ma
propre jouissance.

Vous n’avez donc pas tenu compte dans vos analyses de la distinction que nous avions pourtant introduite
entre l’éthique qui repose sur des valeurs communes partagées (philosophiques ou religieuses) et les principes
universels d’une morale qui vaudrait pour tout homme et dont tout homme doit inventer les maximes. C’est la raison
pour laquelle les éthiques anciennes raisonnent en termes de vertu et de fins posées par la valeur reconnue la plus
élevée (le bien, par exemple, ou l’obéissance à Dieu), mais pas en termes de respect de la personne d’autrui, comme
le fait Kant lorsqu’il écrit que nous devons considérer autrui comme une fin et jamais seulement comme un moyen. Il
n’agirait pas par devoir, mais conformément au devoir, celui qui chercherait à satisfaire une inclination qu’il aurait
pour le bien, un désir altruiste d’aider autrui. C’est pourquoi la morale universelle repose non sur le sentiment mais
sur un impératif catégorique, un commandement pour la conscience qu’on peut formuler ainsi : « Agis de telle sorte
que la maxime de ta volonté puisse en même temps valoir comme principe d’une législation universelle ». La formule
est un peu abstraite, mais elle signifie que nous devons agir comme tout homme placé dans la même situation devrait
le faire. C’est cela s’efforcer d’agir moralement et en personne responsable.

En annexe, un rappel de ce qu’est la boulèsis (le souhait) chez Aristote et dont Lucie a très bien parlé dans sa
copie. Elle prendra plaisir à la lecture de cet extrait (« Aristote et l’invention du désir » par Laetitia Monteils-Laeng
dans Archives de Philosophie, 2013/3 (Tome 76), pages 441 à 457) qui éclaire bien ce qu’est ce souhait :
« L’actualisation de l’âme rationnelle transforme en effet de l’intérieur le désir (orexis) avec l’éclosion du
souhait (boulèsis) qui transmet au niveau du désir ce que la raison estime être bon ( agathon). Désormais, à notre
capacité à agir spontanément s’ajoute le devoir de répondre de nos actes. Le développement de la raison ne signifie
cependant pas l’extinction des tendances irrationnelles que nous partageons avec les animaux, les appétits
(epithumiai) et le thumos attiré par ce qui est socialement valorisé, mais modifie notre rapport au désir, puisque nous
sommes alors capables de différer, de moduler, de refréner nos appétits et passions comme de concevoir des souhaits
à long terme. »
« Répondre de ses actes », écrit l’auteur. Je ne suis pas certaine qu’Aristote ait eu pour préoccupation de
« répondre de ses actes », mais, sans nul doute, c’est cette boulèsis qui, chez Aristote, se rapproche le plus de la
volonté bonne qui, chez Kant, n’est plus redevable d’une quelconque instance désirante.

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