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RÉSUMÉ
La mitochondrie, « centrale énergétique » de la cellule, est au carrefour du métabolisme glucidique, lipidique et protéique
dont la finalité essentielle est la synthèse d’ATP. Cette synthèse est couplée à la consommation d’oxygène par le processus
de phosphorylation oxydative réalisée par la chaîne respiratoire (CR). Les défauts héréditaires de la CR en elle-même ou
de tous les mécanismes nécessaires à son fonctionnement sont regroupés sous le terme de « cytopathies mitochondriales ».
Ces pathologies sont de transmission maternelle (mutation de l’ADN mitochondrial) ou de transmission mendélienne
(mutation sur un des nombreux gènes nucléaires impliqués dans le fonctionnement énergétique mitochondrial). La pré-
sentation clinique de ces maladies est très variée et de nombreux diagnostics différentiels sont à évoquer. La démarche
diagnostique consiste donc en la recherche d’arguments biochimiques pour guider ou étayer les analyses moléculaires.
Un bilan d’orientation global recherchera d’abord des signes de blocage du métabolisme énergétique (hyper-lactacidémie,
cétonémie paradoxale…). Les analyses fonctionnelles spécifiques de la CR telles que l’étude des activités enzymatiques
et de la consommation d’oxygène ainsi que l’analyse de l’intégrité de l’ADN mitochondrial dans différents tissus apporte-
ront ensuite des preuves plus directes. Le diagnostic formel de cytopathie mitochondriale ne pourra cependant être posé
qu’après identification par biologie moléculaire d’un variant prouvé comme délétère.
ABSTRACT
Respiratory chain dysfunctions : diagnostic strategy of mito-
chondrial disorder
Mitochondria, the “powerhouse” of the cell, are at the crossroads of carbohydrate,
MOTS CLÉS lipid and protein metabolisms. The respiratory chain (RC) plays a central role by
◗ activités enzymatiques performing oxidative phosphorylation that is oxygen consumption coupled with ATP
◗ ADN mitochondrial synthesis. The inherited defects of RC itself or of all the processes involved in its
◗ chaîne respiratoire functioning are called “mitochondrial disorders”. These diseases can be inherited
◗ consommation d’oxygène maternally (mitochondrial DNA mutation) or by mendelian patterns (mutation on
◗ cytopathie mitochondriale one of the many nuclear genes involved in mitochondrial bioenergetics). The clinical
presentation of the mitochondrial disorders is highly various and numerous diffe-
KEY WORDS rential diagnoses must be considered. The diagnostic approach therefore looks for
◗ enzymatic activities biochemical arguments to direct or support molecular analysis. Signs of blockage
◗ mitochondrial disorders of energetic metabolism (hyper-lactacidemia, paradoxical ketonemia...) will be first
◗ mitochondrial DNA sought by global screening tests. Specific functional studies of RC (enzymatic acti-
◗ oxygen consumption vities and oxygen consumption in particular) and analysis of the integrity and the
◗ respiratory chain quantity of mitochondrial DNA in different tissues will then provide more direct
evidence.The diagnosis of mitochondrial disorder, however, can only be confirmed
© 2018 – Elsevier Masson SAS by the identification of a proven deleterious variant.
Tous droits réservés.
Les cinq complexes de la CR sont composés d’une C’est une pathologie évolutive qui peut survenir à tout
centaine de protéines dont seulement 13 sont codées âge de la vie. Il n’existe actuellement pas de traite-
par l’ADNmt, les autres étant codées par l’ADNg. Les ment spécifique des cytopathies mitochondriales, mais
sous-unités des complexes I, III, IV et V ont ainsi une les nombreux essais thérapeutiques en cours seront
double origine génétique (mitochondriale et nucléaire), peut-être prometteurs [3].
tandis que le complexe II est d’origine exclusivement
génomique. Il est cependant admis que plus de 1 500 Classification génétique
protéines sont aussi impliquées dans le métabolisme des cytopathies mitochondriales
mitochondrial et donc, plus ou moins directement, dans
le fonctionnement de la CR. Ces protéines sont notam- Cytopathies mitochondriales
ment impliquées dans la maintenance de l’ADNmt ou dues à une mutation de l’ADNmt
à la synthèse des protéines codées par l’ADNmt ; dans Les premières mutations pathogéniques de l’ADNmt
l’assemblage des complexes, la synthèse de co-facteurs, ont été identifiées il y a une trentaine d’années. La géné-
le transport de substrat ; dans la biogenèse (fusion/fission tique mitochondriale a trois particularités :
des mitochondries), la dynamique du réseau ◗ la transmission est exclusivement maternelle ;
mitochondrial, la formation des mem- ◗ les copies de génome mitochondrial sont
branes mitochondriales… [3]. généralement toutes identiques (homo-
Il n’existe plasmie) mais, en cas de mutation, des
Les cytopathies copies sauvages et mutées peuvent
actuellement pas de être présentes (hétéroplasmie) ;
mitochondriales traitement spécifique ◗ la ségrégation mitotique de
biteurs d’autres complexes pour éviter les réactions fraction enrichie en mitochondries. Les techniques sur
parasites et d’un agent perméabilisant [19,20]. À la oxygraphe classique requièrent une quantité relative-
fin de la réaction, l’ajout d’un inhibiteur spécifique du ment importante de prélèvement, ce qui peut parfois
complexe étudié permet de soustraire l’activité aspé- être limitant. Des nouvelles méthodes d’oxymétrie à
cifique (figure 3). Une étude multicentrique a mon- haute résolution sont développées depuis quelques
tré que les coefficients de variations moyens pour années et permettent de diminuer considérablement
les analyses enzymatiques dans les échantillons de la quantité d’échantillon nécessaire et d’améliorer la
muscle sont d’environ 15 % [21]. Les résultats sont
sensibilité [22].
ensuite exprimés par minute et par milligramme de
La consommation d’oxygène est mesurée en présence
protéines et les activités des complexes sont norma-
lisées par rapport à l’activité de la citrate-synthase, d’ADP pour stimuler la respiration puis en présence
enzyme marqueur de la quantité de mitochondries. d’un agent protonophore, appelé découplant, qui dis-
Ce point est essentiel car la quantité de mitochon- sipe chimiquement le gradient de protons entraînant
dries peut être très variable d’un patient à l’autre alors une dissociation entre oxydation et phospho-
(dans le muscle, elle dépend par exemple du degré rylation et une forte accélération de la consom-
d’entraînement physique) [21]. Le calcul des rapports mation d’oxygène. La consommation d’oxygène en
entre les activités est aussi utile pour détecter des présence de pyruvate et d’un agent découplant est
déficits multiples ou peu profonds. ainsi le reflet des activités enzymatiques de la PDH,
des enzymes du cycle de Krebs et des complexes I,
Études polarographiques III et IV de la CR. L’ajout de malate et de glutamate
La polarographie consiste en la mesure par une élec- permet ensuite de court-circuiter le complexe PDH.
trode de Clark de la vitesse de consommation de L’utilisation de succinate permet d’évaluer les acti-
l’oxygène (« respiration ») contenu dans le milieu vités des complexes II à IV ; celle de duroquinol (un
réactionnel en présence de différents substrats et analogue de l’ubiquinol), l’activités des complexes III
inhibiteurs de la CR [20]. L’analyse par polarographie et IV ; celle de TMPD (N,N,N’,N’’-tétraméthyl-p-phény-
nécessite évidemment des mitochondries intactes et lènediamine, un substrat artificiel du complexe IV) et
donc du tissu frais (non congelé). L’analyse est réali- d’ascorbate (un antioxydant), l’activité du complexe IV
sable sur cellules entières perméabilisées ou sur une isolément. L’ajout d’inhibiteur sélectif de chaque
A : Consommation d’oxygène en présence de pyruvate et de malate + glutamate. © service de Biochimie CHU Bicêtre
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