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DUBIN, Lisa
Abstract
Reference
DUBIN, Lisa. Le phéno-meme: comment l’évolution du meme a marqué les
générations. Master : Univ. Genève, 2021
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:150393
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LE PHÉNO-MEME
COMMENT L’ÉVOLUTION DU MEME A MARQUÉ LES
GÉNÉRATIONS
Lisa DUBIN
N° d’étudiant : 12318176
Je souhaiterai remercier du fond du cœur toutes les personnes de mon entourage qui m’ont aidé
et soutenue lors de la rédaction de ce mémoire.
Je voudrais tout d’abord remercier mon directeur de mémoire, Dr. Philippe Amez-Droz, pour sa
patience, sa compréhension, sa disponibilité et son encadrement. Je souhaiterai également
remercier Dr. Sébastien Salerno pour son encouragement et ses judicieux conseils, qui ont su
m’aiguiller quant à un sujet complexe et peu traité. Je profite du fait que ces remerciements soient
rédigés à posteriori pour remercier Dr. Virginie Zimmerli pour sa qualité en tant que juré et pour
les critiques constructives et l’écoute dont elle m’a fait part lors de la soutenance de ce mémoire.
Je tiens également à remercier tous les enseignants de Medi@lab qui m’ont supporté lors de ces
deux dernières années, et qui n’ont fait que confirmer la passion que j’éprouve pour le
Journalisme et la Communication, grâce à leur enseignement de qualité.
Enfin, je souhaite remercier ma famille et mes amis pour tout l’amour dont il m’ont témoigné, à
travers leur soutien et leurs encouragements. J’aimerai particulièrement remercier ma maman,
qui a mis sa vie de côté pour m’apporter toute son aide lors de la rédaction de ce travail et mon
frère David qui a relu ce mémoire beaucoup trop long et a su apporter des réflexions pertinentes
et un regard extérieur – et, soyons honnête – corriger mes (quelques) fautes d’orthographe.
J’aimerai aussi remercier mon papa, qui m’a donné envie de faire ce master pour un jour, devenir
une aussi bonne journaliste que lui, et ma grand-maman qui reste persuadée que je suis la
personne la plus parfaite sur cette terre (après mon grand-frère). Enfin, je souhaiterai de tout
cœur remercier ma psychologue, Mme. Muriel Bonin, pour son aide, dans tous les sens du terme,
sans qui la rédaction de ce travail n’aurait simplement pas été possible.
A mon grand-papa et à mon beau-père, qui ne sont malheureusement plus là pour me voir
terminer mon master, mais qui m’inspirent au quotidien à donner du meilleur de moi-même.
2
Table des Matières
I. INTRODUCTION 7
1.1 Problématique 9
II. THÉORIE 12
2.1 Concepts 12
2.1.1 L’évolution des médias 12
2.1.1.1 Le Web 2.0 12
2.1.1.2 La convergence des médias 12
2.1.2 La culture participative 13
2.1.2.1 La démocratisation du partage 14
2.1.2.2 Le folklore moderne 14
2.1.3 Les memes 15
2.1.3.1 Le modèle traditionnel de Dawkins 15
2.1.3.2 Premier Internet meme : le cas du « Dancing Baby » 18
2.1.3.3 Les memes aujourd’hui 19
2.1.3.4 Classification des memes selon la base de donnée Know Your Meme 20
2.1.3.4.1 Dank memes 20
2.1.3.4.2 Image-Macro memes 21
2.1.3.4.3 Advice Animal memes 21
2.1.3.4.4 Rage Comic memes 22
2.1.3.4.5 LOLcat memes 23
2.1.3.4.6 Reaction memes 24
2.1.3.4.7 Relatable memes 24
2.1.3.4.8 Twitter memes 25
2.1.3.5 Typologie des memes selon Limor Shifman 25
2.1.3.5.1 Real-Life Moment memes 26
2.1.3.5.2 Remix memes 26
2.1.3.5.3 Digital Native memes 26
2.1.4 Les plateformes du Web 2.0 27
2.1.4.1 Les Réseaux Sociaux 27
2.1.4.1.1 Facebook 28
2.1.4.1.2 Twitter 28
2.1.4.1.3 Instagram 29
2.1.4.2 Les Forums 29
2.1.4.2.1 Tumblr 29
2.1.4.2.2 4chan 30
2.1.4.2.3 Reddit 31
2.1.4.3 Les plateformes d’hébergement vidéo 31
2.1.4.3.1 YouTube 31
3
2.1.4.3.2 Vine 32
2.1.4.3.3 Tik Tok 33
2.1.5 Les usages des médias 34
2.1.5.1 Les catégories d’utilisateurs : le modèle de Horowitz 34
2.1.5.2 Théories de production et de partage 34
2.1.5.2.1 Le « meaning-making » 35
2.1.5.2.2 La théorie des usages et gratification 36
2.1.5.2.3 La gratification émotionnelle 37
2.1.5.2.4 La gratification personnelle 38
2.1.5.2.5 La réassurance en cas de crise 40
2.1.5.3 La production et le partage mémétique 40
2.1.5.3.1 Le potentiel mémétique : la notion de facilité 41
2.1.5.3.2 Le besoin de complément 41
2.1.5.3.3 Le devoir civique 41
2.1.5.3.4 L’appartenance au groupe 42
2.1.5.3.5 L’économie de l’attention 42
2.1.6 Classes générationnelles 44
2.1.6.1 La génération Silencieuse 44
2.1.6.1.1 Caractéristiques 44
2.1.6.1.2 Technologie 45
2.1.6.2 La génération des baby-boomers 45
2.1.6.2.1 Caractéristiques 45
2.1.6.2.2 Technologie 46
2.1.6.3 La génération X 46
2.1.6.3.1 Caractéristiques 46
2.1.6.3.2 Technologie 47
2.1.6.4 Les génération des milléniaux (génération Y) 47
2.1.6.4.1 Caractéristiques 47
2.1.6.4.2 Technologie 48
2.1.6.5 La génération Z 48
2.1.6.5.1 Caractéristiques 48
2.1.6.5.2 Technologie 49
2.1.7 La division digitale 49
III. ENQUÊTE 52
3.1 Hypothèses 52
3.2 Méthodologie 53
3.2.1 Données et niveau d’analyse 53
3.2.2 Googlisation du meme 54
3.2.2.1 Failles dans la recherche de Cary Huang 55
3.2.3 Opérationnalisation des variables 55
4
3.3 Méthode et technique : enquête en ligne 57
3.3.1 Le questionnaire 57
3.3.1.1 Problèmes rencontrés lors de la récolte de résultats 59
3.3.1.1.1 Tranches d’âges 59
3.3.1.1.2 Biais de représentativité 59
3.3.1.1.3 Formulation des questions 59
3.3.2 Les participants 60
3.3.3 Les échelles 60
IV. ANALYSE 61
4.1 Résultats 61
4.1.1 Les habitudes liées au web et aux réseaux sociaux 61
4.1.1.1 Les habitudes technologiques 61
4.1.1.2 Les habitudes liées au partage 63
4.1.1.2.1 Le partage au niveau émotionnel 64
4.1.1.2.1.1 La correlation entre l’humeur et le contenu 65
4.1.1.2.1.2 Du contenu qui reflète l’individu 65
4.1.1.2.1.3 Du contenu en réaction à un message 67
4.1.1.2.1.4 Reception de contenu de la part de son entourage 67
4.1.1.2.2 Le partage en dehors des réseaux sociaux 68
4.1.1.2.3 Le partage en masse 70
4.1.2 Habitudes liées au concept du meme 71
4.1.3 Connaissances liées au corpus mémétique 74
4.1.3.1 Memes en format vidéo 75
4.1.3.1.1 « Oogatchaka Baby » 75
4.1.3.1.2 « Dramatic Chipmunk » 76
4.1.3.1.3 « And I oop- » 78
4.1.3.2 Memes en format image 79
4.1.3.2.1 « I can haz cheeseburger » 79
4.1.3.2.2 « Philosoraptor » 81
4.1.3.2.3 « Success Kid » 83
4.1.3.2.4 « Grumpy Cat » 84
4.1.3.2.5 « Bad Luck Brian » 85
4.1.3.2.6 « Rage Comics » 86
4.1.3.2.7 « Trollface » 88
4.1.3.2.8 « Be like Bill » 89
4.1.3.2.9 « Jealous Girlfriend » 90
4.1.3.2.10 « Relatable memes » 92
4.1.3.2.11 « Twitter meme » 94
4.1.3.2.11.1 Image et Texte 94
5.1.3.2.11.2 Texte uniquement 95
4.1.4 Habitudes liées aux memes 97
4.1.4.1 L’identification personnelle 98
5
4.1.4.2 Le partage avec l’entourage 99
4.1.4.3 La création de ce type d’image 100
4.1.4.4 La compréhension de ce type d’image 101
4.1.5 Analyse en temps de crise 102
4.1.5.1 Identification personnelle en temps de crise 105
4.1.5.2 Identification d’autrui en temps de crise 106
4.1.5.3 Partage en temps de crise 107
4.1.5.4 Production mémétique en temps de crise 108
4.1.5.5 Sentiment de communauté en temps de crise 109
4.1.5.6 Augmentation du partage de contenu en temps de crise 109
4.1.5.7 Augmentation de la réception de contenu en temps de crise 111
4.1.5.8 Partage de contenu en lien avec la crise 112
4.1.5.9 Réception de contenu en lien avec la crise 113
4.1.5.10 Compréhension du contenu mémétique en lien avec la crise 114
V. DISCUSSION 116
6
I. Introduction
Couramment appelé le “bug de l’an 2000” (Rutledge, 2020), le passage au 21e siècle
a suscité beaucoup d’anxiété et de crainte pour le grand public, particulièrement les
informaticiens. Ces derniers avaient prédit qu’une obsolescence systémique aurait
lieu au niveau de l’informatique, entrainant de pannes dans tous les domaines de la
société, dont celui des nouvelles technologies. La crainte était que cela puisse à son
tour entrainer une perte d’information et une régression non négligeable sur le plan
technologique, provoquant la fin du monde tel qu’il avait été connu jusqu’à lors.
Ce passage tant anticipé a effectivement été accompagné d’un bouleversement qui a
révolutionné notre mode de vie, mais pas de la manière dont on l’avait imaginé. Il n’y
a en effet pas eu de grand ‘bug’, mais plutôt un réel changement de paradigme au
niveau de la technologie. Alors qu’internet avait été conceptualisé et mis en marche
au milieu des années 1980 par Tim Berners-Lee, les nouveaux outils mis à disposition
à partir du 21e siècle ont permis une démocratisation du produsage, c’est-à-dire de
production de contenu par, et pour le grand public (Bruns, 2007). Dès lors, la création
et le partage de contenu ont explosé, ainsi que les diverses plateformes permettant
leur dissémination – donnant lieu à ce que Tim O’Reilly a adéquatement nommé le
“web 2.0” (O’Reilly, 2007).
Le web est donc aujourd’hui synonyme de communication, de partage et de création,
mais cela n’a pas toujours été le cas. Avant ce changement de paradigme, sur lequel
nous reviendrons, les sites étaient composés de pages statiques, pouvant relayer de
l’information au lecteur, mais ne lui permettant pas d’interagir avec la plateforme, ou
ses autres visiteurs. internet était donc semblable à d’autres technologies de l’ordre
du média froid (McLuhan, 1964) comme la télévision et la radio. Alors que les médias
au 20e siècle avaient opté pour une communication massive, impersonnelle et
unidirectionnelle autrefois considérée comme étant comparable à une seringue
hypodermique (Lasswell, 1927), le changement de paradigme du début des années
2000 a introduit une nouvelle notion d’interactivité, de production et de partage liée
aux nouveaux médias.
De nouvelles plateformes sont apparues, encourageant une utilisation “sociale”
d’internet ainsi qu’une communication dite “peer to peer” (Bruns, 2007) qui implique le
partage des moindres faits et gestes, des préférences, des centres d’intérêt, des
opinions et des humeurs des internautes. L’apparition du réseau social Facebook en
7
2004 a démocratisé cette activité, déjà présente sur internet par le biais des “weblogs”
de l’époque, et a pavé le chemin pour d’autres plateformes sociales comme YouTube,
Instagram ou encore Twitter.
En parallèle, alors que la production, la distribution et la consommation de contenu
étaient autrefois trois domaines séparés (la production étant réservée aux grands
acteurs commerciaux et culturels, distribuée ensuite massivement aux
consommateurs), ces trois secteurs ont convergé pour former ce qu’Axel Bruns
qualifie de “produsage”, c’est-à-dire un mode d’engagement hybride qui fait du
consommateur le producteur et le distributeur de son contenu. Si l’on ajoute à cela
l’idée selon laquelle il y a eu une résurgence d’intérêt dans le concept du “DIY” ou
“Do-It-Yourself” c’est-à-dire de créer soi-même des choses que l’on peut se procurer
sur le marché (Gauntlett, 2018) en réponse au monopole de la production massive du
20e siècle, il semblerait que l’avènement du 21e siècle ait battu un terrain
extrêmement fertile et propice à la création et au partage de contenu avec autrui.
Cela fait donc quelques années que cette démocratisation de la production, du
partage et de la consommation s’est emparée du web, donnant lieu à un véritable
phénomène culturel. Le produsage fait désormais partie intégrante de la manière dont
on communique sur les réseaux aujourd’hui et ses qualités se retrouvent dans un
concept omniprésent sur internet qui a émergé lors des vingt dernières années: il s’agit
du meme.
Faussement amalgamé avec le mot « même », le terme est en réalité issu du concept
grec de « mimeme ». Ce mot qui signifie « imitation » a été altéré par le biologiste
Richard Dawkins en 1976 dans son ouvrage The Selfish Gene pour former le
néologisme meme que l’on connait aujourd’hui (Dawkins 1976: 248). Dans son livre,
l’auteur s’est centré sur le rôle du gène dans l’évolution humaine. Traçant un parallèle
entre l’évolution biologique et l’évolution culturelle, il a proposé d’utiliser le mot meme
pour définir tout ce qui a trait à la réplication de la culture. Alors que les gènes servent
à répliquer l’espèce humaine, les memes servent à répliquer la culture.
Bien qu’on y trouve des éléments du meme que l’on connait d’aujourd’hui, la définition
de Dawkins est bien plus complexe qu’une simple image partagée sur les réseaux
sociaux et n’a d’ailleurs pas été conçue pour s’appliquer à du contenu produit et
disséminé sur internet. Il n’empêche que le concept du meme de Dawkins illustre bien
le tri qui se fait au niveau du contenu sur les réseaux ainsi que les facteurs qui
déterminent s’il se propagera ou non. Comme pour les gènes, une sélection naturelle
8
a lieu sur les réseaux sociaux. Elle trie le contenu mémétique selon sa pertinence et
son potentiel de popularité. Alors que certains memes tombent dans la désuétude,
d’autres sont propagés massivement jusqu’à atteindre la viralité. Dans le cadre de ce
travail, le terme meme servira donc à définir le contenu publié et décliné en masse sur
internet.
Lors d’un recensement effectué en 2019, il a été estimé que plus de cinq milliards de
personnes utilisent internet (Global Digital Overview, 2019). Le web fait donc partie
intégrante du quotidien des trois quarts de la population mondiale et semble exercer
un réel monopole sur la société, que ce soit pour y puiser de l’information, écouter de
la musique, regarder des séries ou des films, ou encore communiquer avec son
entourage proche ou lointain. Alors qu’autrefois la culture dictait le contenu présent
sur internet, aujourd’hui la tendance semble inversée, car la culture créée et partagée
sur internet déborde dans notre vie de tous les jours, la rendant aussi présente sur la
toile que dans notre vie quotidienne – une idée que nous aborderons plus tard dans
ce travail. Il est donc important de se questionner sur le contenu que l’on y consomme,
et de comprendre quel effet ce contenu a sur nous-mêmes, ainsi que sur nos relations
sociales. C’est pour ces raisons qu’il est important de déceler les mécanismes
socioculturels derrière transmission des memes sur le web 2.0.
1.1 Problématique
Aujourd’hui selon le journaliste Perry Kostidakis (2019) les memes sont devenus une
des manières principales de communiquer sur internet. Qu’ils soient partagés par des
célébrités, des politiciens, des amis ou des membres de la famille, ils ont percé dans
la culture populaire – on pourrait même dire qu’ils en sont à la base. Nous nous
trouvons dans un contexte socioculturel qui a été complètement bouleversé par le
monopole d’internet. Alors que le web est une technologie qui est nouvelle pour les
générations antérieures aux milléniaux, celle d’aujourd’hui n’a pas connu un monde
sans la présence du numérique. Les plus jeunes générations communiquent
majoritairement par ce biais, avec des outils tels que les réseaux sociaux et les
applications comme Whatsapp ou Skype. En 2019, 58% de la population mondiale a
accès à internet (Global Digital Overview). En Europe occidentale et aux États-Unis,
le chiffre s’élève à plus de 95%. Cela démontre la concentration massive qu’il y a sur
internet, et particulièrement sur les réseaux sociaux.
9
Tandis que les memes de l’époque constituaient un contenu de niche, réservé aux
internautes les plus initiés lorsqu’ils ont fait leur apparition sur le web, ils font
désormais partie intégrante des réseaux sociaux. Aujourd’hui, ils sont créés, modifiés
et partagés au quotidien par des milliers d’internautes (Kostidakis, 2019). Leur
contenu provient de films, de bandes dessinées, de photos libres de droits tirées
d’internet, d’archives personnelles et plus encore. Ce contenu peut être créé dans le
but spécifique de faire un meme, ou repris, modifié et partagé massivement à l’insu
d’une personne - un aspect qui a été documenté par BuzzFeed dans leur série de
vidéos intitulées « I accidentally became a meme »1.
La propulsion du meme au statut de déterminant culturel coïncide avec l’augmentation
massive du nombre d’individus présents sur internet et le monopole des réseaux
sociaux tels que Facebook, Twitter et Instagram. Tandis que nous passons de plus en
plus de temps sur internet, les memes sont devenus les véhicules parfaits pour faciliter
l’information, l’humour et l’opinion. Autrefois des simples images avec du texte
superposé, ils sont désormais des outils de rhétorique et de communication pour
disséminer de l’information envers des millions de personnes.
Le fait que le web ait développé des aspects communicationnels plus étroits et
personnels à partir de la fin des années quatre-vingt-dix peut être attribué, en partie,
à l’émergence du phénomène memetique qui est synonyme des forums, des blogs et
de la collaboration – trois aspects déterminants du web 2.0.
Ce travail cherche à connaitre les motivations derrière la production et le partage de
contenu mémétique et tâchera de démontrer la manière dont les memes ont
révolutionné́ la communication sur les réseaux sociaux, sur internet et même dans la
vie de tous les jours - particulièrement chez les personnes ayant grandi avec ce
phénomène.
Pour cela, il s’agit de comprendre comment le concept du meme a affecté́ la culture
d’internet, la communication interpersonnelle, les références culturelles et l’humour
des internautes. Pour cette raison, il est important de comparer les comportements
des internautes avec l’évolution des plateformes digitales et des outils disponibles, et
par conséquent, avec l’évolution du meme en tant que tel. Ce travail de recherche se
focalisera sur la manière dont les memes ont évolué depuis leur apparition il y a plus
1
« I accidentally became a meme : Hide The Pain Harlold », BuzzFeed 2020.
https://www.youtube.com/watch?v=a3WnvDtDD2M
10
de vingt ans, pour se démocratiser et devenir un outil essentiel à la
cybercommunication. Il s’agira également de comprendre les variances
intergénérationnelles concernant leurs habitudes liées aux memes, afin d’en déceler
les utilisateurs primaires et comprendre si l’âge d’un individu impacte la
consommation, la production et le partage de contenu mémétique. Ce travail tentera
aussi de démontrer comment les memes ont révolutionné la communication sur les
internet et dans la vie de tous les jours pour toutes les générations, même celles qui
n’ont pas grandi avec l’avènement d’internet et du contenu mémétique.
Plusieurs questions se posent donc : comment est-il possible d’expliquer l’évolution
de meme ? Comment est-il utilisé pour communiquer ? Qui l’utilise ? Et surtout, dans
quel but, et avec quels effets ?
11
II. Théorie
2.1 Concepts
2.1.1 L’évolution des médias
2.1.1.1 Le Web 2.0
La notion du web 2.0 a été introduite par Tim O’Reilly en 2005, après avoir constaté
que le web semblait plus puissant que jamais, et qu’il avait pris une nouvelle forme en
réaction au krach boursier de la Bulle Internet en Mars de l’an 2000 (O’Reilly, 2005 :
5). Plusieurs éléments différencient le web 1.0 du web 2.0. On remarque que les pages
web statiques, typiques des années quatre-vingt-dix ont été remplacées par des
pages dynamiques : « data base-backed sites with dynamically generated content
replaced static web pages well over ten years ago. What's dynamic about the live web
are not just the pages, but the links, with "permalinks" for any individual entry, and
notification for each change. » (O’Reilly, 2005 : 9). Cela a eu comme effet une
intensification de la discussion et du sentiment de communauté sur les sites web, car
il était désormais possible de partager une publication ou une page précise d’un site
ou d’un weblog avec son entourage avec l’introduction de ces « permalinks » qui ont
pu, comme O’Reilly le note, relier les blogs les uns aux autres. Ce nouveau système
a favorisé la mise en relation des internautes et le partage mutuel de contenu,
marquant ainsi le début d’un nouveau chapitre dans l’histoire du web.
12
transformed into resources through which we make sense of our everyday lives »
(Jenkins, 2006 : 8).
Lorsque la télévision s’est démocratisée au milieu du 20e siècle, l’industrie des médias
redoutait la concurrence que son omniprésence pouvait avoir vis-à-vis des médias
écrits et radiophoniques. Il en a été de même avec la popularisation du web, qui
semblait menacer le monopole de la télévision : « The digital revolution paradigm
presumed that new media would displace old media », explique l’auteur. Cependant,
« the emerging convergence paradigm assumes that old and new media will interact
in ever more complex ways. » (Jenkins, 2006 : 12). En effet, il est aujourd’hui possible
de lire un livre, regarder un film ou une série, écouter une émission de radio ou
feuilleter un album photo sur internet, le tout simultanément. Cette notion de
convergence des médias véhicule donc l’idée selon laquelle contrairement à la
télévision, le web n’a pas détrôné ses prédécesseurs, mais a plutôt provoqué un
changement de paradigme vis-à-vis de la consommation des divers media channels
à disposition aujourd’hui, qui s’entremêlent désormais à notre quotidien.
13
obsolète, comme l’explique Jenkins : « Many industry leaders argue that the main
reason that television cannot continue to operate in the same old ways is that the
broadcasters are losing younger viewers, who expect greater influence over the media
they consume » (2006 : 244).
14
différence entre une interaction en ligne ou une interaction en personne : la
communication par message est désormais interchangeable avec la communication
en face à face. (McNeil, 2009). Ce rapprochement entre les différents modes de
communication a fait naître un nouveau type de folklore moderne qui se propage en
ligne et qui déborde souvent dans la vie réelle.
Si le folklore est synonyme de transmission d’information et de contenu, et qu’il est
désormais présent en ligne sous forme de folklore moderne, il est aisé de se
questionner sur la nature de son contenant. Limor Shifman propose l’idée selon
laquelle le folklore moderne serait véhiculé par les memes, entre autres : « memes
are seemingly trivial and mundane artifacts, but they actually reflect deep social and
cultural structures. In many senses, Internet memes can be treated as (post)modern
folklore, in which shared norms and values are constructed through cultural artifacts
such as Photoshopped images or urban legends » (2009 : 13). Le folklore survit à
l’épreuve du temps grâce à plusieurs paramètres qui ensemble, lui permettent une
transmission culturelle fructueuse. Ce processus ressemble beaucoup à celui du
meme, décrit par Richard Dawkins comme une sélection naturelle, liée en partie à la
pertinence culturelle de son sujet. Comme le folklore, le meme occupe la fonction d’un
vaisseau contenant une information qui sera, ou non, partagée en masse.
15
selon laquelle seul le gène est à la base de l’évolution humaine. Il faut aussi prendre
en considération l’élément derrière l’évolution culturelle, car ont permis aux hommes
de construire et de faire évoluer les différentes sociétés qui peuplent le monde
aujourd’hui . Les différences culturelles entre les sociétés seraient donc le produit de
‘mutations culturelles’, qu’il nomme les memes. À travers ce néologisme, Dawkins
souhaite véhiculer cette idée de transmission et d’imitation culturelle si essentielle à
l’évolution des êtres humains. En effet, la loi de Dawkins veut que la vie évolue par la
survie différentielle de réplication d’entités (Dawkins 1976 : 249). Il donne d’abord le
mot « mimeme », ce qui signifie « imitation » en grec ancien, puis décide de l’abréger
pour qu’il soit monosyllabique et qu’il ressemble plus à son homologue, gène. Il donne
quelques exemples d’un meme: une mélodie, une idée, un slogan, une mode.
Alors que les gènes se propagent par le biais du gene pool (patrimoine génétique) par
le sperme ou les ovules, les memes se propagent par le biais du meme pool
(patrimoine mémétique) de cerveau en cerveau. Si par exemple un scientifique entend
ou lit une nouvelle idée intéressante, il en parlera à l’ensemble de son réseau, ou le
mentionnera dans ses articles et dans ses cours. Si l’idée suscite de l’intérêt, elle se
propagera en passant de cerveau en cerveau. À travers ce partage, le cerveau est
parasité, car il est utilisé comme véhicule pour la propagation du meme – comme un
virus.
Un exemple percutant serait celui du sujet concernant la vie après la mort. Selon
Dawkins, le meme « vie après la mort » a été multiplié des milliards de fois au point
d’être devenu une image qui fait partie intégrante de la structure physique du monde
et affecte même le système nerveux des êtres humains en raison du stress qu’il peut
provoquer. Il en est de même pour l’idée de Dieu – on ne sait pas comment cette idée
est arrivée dans le meme pool mais elle s’est répliquée de manière exponentielle à
travers la parole orale et écrite et la musique, les mélodies ou encore l’art. Si ce dernier
a survécu aussi longtemps, ce n’est pas un hasard. Pour l’auteur, la survie d’un meme
est attribuable à son attrait psychologique. Si le meme « Dieu » a réussi à survivre
aussi longtemps, c’est parce qu’il a permis à l’être humain de ressentir un certain
apaisement, une stabilité dans son environnement culturel (Dawkins 1976 : 250). Pour
lui, la survie d’un meme est attribuable à son attrait psychologique. La vie après la
mort et le concept de Dieu sont deux exemples de memes qui donnent une réponse
caractérisée par l’auteur comme étant “superficiellement plausible” (Dawkins 1976:
250) à une question profonde et troublante concernant l’existence.
16
Certains memes ont donc plus de succès dans le meme pool que d’autres, ce qui est
logique lorsque l’on compare les memes aux gènes : Il s’agit du mécanisme de la
sélection naturelle. En plus de ces aspects psychologiques, un meme doit aussi faire
part d’une longévité, d’une fécondité et d’une fidélité de copie pour survivre et se
multiplier de manière optimale. La fécondité est l’aspect le plus important, car elle va
déterminer à quel point un meme va pouvoir pénétrer la culture populaire. En effet,
l’espace dédié aux memes est limité. Comme les gènes qui se disputent contre des
allèles, les memes se disputent pour l’attention du cerveau humain – que ça soit à la
radio, à la télévision, dans les tops musicaux ou dans les journaux (Dawkins 1976 :
256). L’idée de cette propagation culturelle peut être applicable en toute circonstance.
Alors que la propagation du meme se faisait autrefois par des moyens physiques et
donc limités, l’émergence du web et ses qualités de réseau informatique ont créé une
nouvelle voie propice à la transmission culturelle et un terrain extrêmement fertile en
matière de production personnelle et de partage massif. Bien que la théorie de
Dawkins ait été élaborée avant l’avènement d’internet, elle peut être appliquée à ce
nouveau médium.
Dans son article « What was the first meme ever ? An exhaustive investigation », le
journaliste Will Fulton admet, tout comme Dawkins, qu’il y a quatre caractéristiques
que les memes ont besoin d’avoir pour être considérés en tant que tel : il s’agit d’un
message, d’une évolution, d’une maniabilité et d’un effet. En qui concerne le message,
il donne quelques indicateurs importants: « There needs to be a clearly definable,
central message or reference that’s understood, and relatable by commonly shared
knowledge or experience. The medium of the message isn’t relegated to an image
and text; it can be either, or both. Or video, or solely audio » (Fulton, 2019). Au niveau
de l’évolution, pour lui, le meme ne peut rester statique. Il doit être remanié et modifié
par une communauté de personnes. Concernant la maniabilité du meme, il explique
que: « It must aid in its own evolution by having defined characteristics that can be
changed while maintaining and preserving some semblance of the original message
». Enfin, au niveau de l’effet, il faut selon lui qu’il atteigne un certain niveau de
popularité et de compréhension, ou le message n’aura pas de sens et donc pas
d’impact, empêchant sa viralité. En effet, l’aspect le plus important du meme est cette
viralité qui permet de toucher un maximum d’internautes. Ces caractéristiques font
écho à celles émises par Dawkins 40 ans plus tôt et permettront d’élaborer les critères
de ce travail qui serviront à déterminer si un contenu est mémétique ou non.
17
2.1.3.2 Premier internet meme : le cas du « Dancing Baby »
Dans son article sur les premiers memes, Ashley Hamer explique que le premier «
meme » tel qu’on le conçoit aujourd’hui est celui du Dancing Baby en 1996. À cette
époque Michael Girard et son collège Robert Lurye, des animateurs pour l’entreprise
de logiciels Autodesk ont voulu montrer qu’il était possible d’exécuter un même
mouvement animé par différents personnages avec l’aide du logiciel qu’ils venaient
de créer. C’est alors là qu’ils ont mis au point l’animation d’un bébé dansant le cha-
cha. Lorsqu’ils l’ont envoyée à d’autres entreprises dans le but de prouver les
compétences de leur nouveau logiciel, cette animation fut rapidement transformée en
format “GIF” par un de ses récepteurs pour en faciliter la transmission par e-mail.
Selon Hamer, ce fut la première modification connue d’un meme sur internet. Ce
format allégé de l’animation permit à ses destinataires de la renvoyer à leur tour à
leurs propres contacts, jusqu’à ce que le Cha-Cha baby atteigne la viralité.
Ce succès s’est confirmé lors de l’apparition du « cha-cha baby » sur le feuilleton Ally
McBeal en janvier 1998 – un an et demi après qu’il ait fait son grand début sur internet.
Le bébé y apparaît sous forme d’hologramme lorsque la protagoniste fait un rêve en
rapport avec son horloge biologique qui lui provoque un empressement d’avoir des
enfants. Dans l’extrait, le bébé danse non sur du cha-cha, mais sur la chanson
“hooked on a feeling” par Blue Suede – un élément qui changera à son tour ce meme,
en le liant étroitement à cette chanson et aux paroles de l’introduction, “oogatchaka
oogatchaka”. A partir de ce moment, le meme sera connu sous le nom d’“Oogatchaka
baby”. En l’an 2000, on observe à nouveau un détournement du meme dans un
épisode des Simpsons, lorsqu’une animation de Jesus qui fait les pas de danse du
“oogatchaka baby” figure sur l’écran. Ce clin d’oeil a toute son importance, car il
montre l’utilisation des premiers memes sur les plateformes de type “weblog” de
l’époque – la voie principale par laquelle les premiers memes ont circulé, comme nous
le verrons plus tard. Cela démontre également l’omniprésence de cette image dans la
culture populaire et les diverses formes qu’elle a pu adopter.
Le principe de “longévité” de Richard Dawkins qui est essentiel à la genèse d’un meme
peut-être observé dans l’exemple du oogatchaka baby: En effet, on le retrouve en
2018, soit 22 ans plus tard dans un clip de la chanteuse Charli XCX pour sa chanson
“1999”, dans laquelle figurent également d’autres éléments phares des années 90.
Cela démontre parfaitement le processus décrit par Dawkins qui explique que malgré
18
le fait qu’un meme puisse aisément tomber dans les oubliettes de la culture collective,
il suffit d’une personne pour qu’il refasse surface et qu’il génère une nouvelle viralité.
Le meme du cha-cha (ou plutôt, du oogatchaka) baby remplit tous les critères
proposés par Dawkins. Psychologiquement, il provoque des rires, de la joie et de la
légèreté à celui qui le regarde. Il a une longévité, comme nous l’avons vue, car il a
réussi à se perpétuer sur plus de deux décennies ; il est fécond dans le sens où il est
possible d’en créer des dérivés en tout genre, et par conséquent il a une bonne fidélité
de copie, car il est simple, mais efficace.
19
que le terme “viral video” a atteint un pic en 2006, soit une année après la création de
YouTube.
Les memes sont devenus les fondements du discours public sur les reseaux sociaux.
Les memes et la culture populaire sont désormais étroitement liés – ils ne sont plus
cachés dans les forums obscurs d’internet, comme ils l’étaient à une époque.
Aujourd’hui, ils se trouvent partout et sont accessibles à tous. Selon l’auteur, “memes
have gone from a somewhat underground form of casual humor to becoming an
everyday part of social interaction. They still get used as comedic devices more often
than not, but they’ve also become such a recognized communicative method that
they’re capable of spreading ideas, opinions and information” (Kostidakis, 2019).
20
“Charlie bit my finger” qui date de 2007 et qui a plus de 868 millions de vues sur
YouTube aujourd’hui. La vidéo a notamment été utilisée pour la marque de téléphone
américaine Sprint et pour Google (ABC News, 2019). Les dank memes (annexe :
Figure B) sont décrits par la base de données Know Your Meme comme “term used
to describe online viral media and in-jokes that are intentionally bizarre or have
exhausted their comedic value to the point of being trite or cliché”. Kostadikis émet
l’hypothèse selon laquelle les mêmes vont continuer à évoluer et grandir malgré le fait
que les méthodes par lesquelles ils sont consommés vont inévitablement changer.
21
« advice animals » a commencé suite à un image macro nommé « Advice Dog »,
partagé pour la première fois en Septembre 2006 sur le forum Mushroom Kingdoms.
Par la suite, un site spéficiquement destiné à la création de memes de l’ordre des
Advice Animals a été conceptualisé en 2009 sous le nom de « Memegenerator ».
Cette plateforme a contribué à la propagation massive de memes du type Image
Macro, et donc des Advice Animals. Parmi eux, on peut trouver des personnages tels
que « Scumbag Steve », « Bad Luck Brian », « Creepy Wonka », ou encore
« Philoseraptor ». Les Advice Animals sont constitués d’un personnage de base, qui
correspond généralement au texte partagé en haut et en bas de sa photo : une photo
de « Bad Luck Brian » sera donc accompagnée d’un texte qui relate une histoire ou
une blague liée à la malchance, alors qu’une photo de « Philoseraptor » sera
encadrée de pensées philosophiques pour accompagner la figure pensive du
protagoniste de l’image, un Vélociraptor dans la même position que le Penseur
D’auguste Rodin.
Selon Marta Dynel, « Advice Animals are seen as cycles of visual – verbal jokes –
widespread humorous units typical of participatory new media, which flourish via
individual users’ creative contributions » (2016 : 660). Cependant, la particularité des
Advice Animals se trouve dans le fait que son contenu n’est pas explicitement drôle
(contrairement au Oogatchaka Baby ou à Grumpy Cat) à moins d’être accompagné
par une légende humoristique. Il faut donc avoir l’image et son texte pour en déceler
l’humour au risque de sembler incomplet. Ce besoin de complément est un facteur qui
peut encourager les internautes à produire des variantes mémétiques de l’image de
base. C’est un aspect du meme qui sera approfondi plus tard dans notre travail.
Ces personnages se sont emparés des réseaux sociaux à partir des années 2008
avant de devenir relativement obsolètes aujourd’hui. Ils ont également pavé le chemin
pour d’autres types de memes tels que les LOLCatz et les Rage Comics qui, selon
Know Your Meme, peuvent être considérés comme faisant partie du canon des Advice
Animals.
22
chacun une émotion et un type de comportement. Il semblerait que ce meme ait
émergé sur 4chan en 2008 lorsqu’un utilisateur a publié une série de quatre dessins
représentant la caricature d’un personnage visiblement enragé nommé « Rage Guy.
Par la suite, différents personnages ont été créés par d’autres internautes pour former
le canon mémétique des Rage Comics. Ce type de meme est représentatif du côté
amateur et accessible de ces images, dessinées grossièrement avec un programme
gratuit et accessible à tous.
Ces comics relatent des expériences de la vie de tous les jours avec, pour la plupart
du temps, une punchline humoristique. Tout comme pour les images-macros, il existe
des sites générateurs de rage-comics qui permettent au grand public d’en créer. Ryan
Milner explique que, malgré le fait que les Rage Comics et les Image Macros aient
des formats différents, les thèmes abordés sont les mêmes. En effet, ils illustrent des
« winners and losers in social life » (2016 : 117), c’est-à-dire de personnages
chanceux, et moins chanceux que l’auteur qualifie aussi de « ‘fail’, ‘what the fuck’ and
‘win’ memes ». Ces memes représentent donc des situations dans lesquels les
internautes peuvent se retrouver, et sont un biais par lequel les internautes peuvent
partager leurs propres expériences ou illustrer leurs réussites et leurs défaites avec
leur entourage. Cela confère un aspect cathartique que l’on retrouve souvent dans les
memes, et que l’on détaillera plus tard.
Selon google trends, l’apogée du succès des rage comics a été atteinte en février
2012, avec une courbe augmentant particulièrement depuis novembre 2010, c’est à
dire une année après que reddit ait crée un fil de discussions sur les rage comics. Les
Rage Comics sont aujourd’hui relativement obsolètes tout comme les image-macros
en général, mais cela n’empêche qu’ils ont joué un rôle crucial dans la propagation du
meme au début du 21ème siècle.
23
Malgré une baisse dans la popularité de ce type de meme, la plateforme de « I can
haz cheeseburgers » est toujours active et, selon Kate Miltner, forme une
communauté niche qui a développé son propre language, le « Lolspeak », ne
permettant qu’aux initiés de comprendre les légendes de ces memes : « Enjoying the
genre involves the sweet scent of an inside joke, understood by those who are
immersed in the digital cultural landscape » (2017 : 111).
24
internet au lieu de se mettre au travail, le fait de se taper le doigt de pied contre un
meuble) ou de sentiments (l’angoisse du futur, l’anxiété liée à une situation, la
frustration dûe à un acte manqué). Ce type de contenu permet à l’individu qui le crée
de s’exprimer et de faire part de son ressenti. Son partage provoque une sorte de
communion entre les individus qui éprouvent un même ressenti et contribue à souder
les liens sociaux entre les internautes.
2
https://twitter.com/fatjew
3
https://twitter.com/RespectfulMemes
4
https://www.instagram.com/fuckjerry
5
https://www.instagram.com/best_of_grindr
25
Les types de memes explicités ci-dessus font partie de ce que Limor Shifman divise
en trois grands groupes : les real-life moment memes, les remix memes et les digital
native memes (2015 :117).
26
humoristique. Popularisés en 2007, ces memes sont connus par une grande partie
des digital-natives (c’est à dire des générations qui ont grandi en parallèle à
l’émergence du web 2.0), car ils représentent l’apogée du produsage. Selon l’auteur,
« these genres embody the development of a complex grid of signs that only those ‘in
the know’ can decipher. Thus, in order to produce and understand LOLcats, users
need to master LOLspeak ; to create a rage comic, the user requires familiarity with a
broad range of new symbols » (2015 : 118). Alors que le deuxième groupe des
« Remix Memes » est constitué de photos et de vidéos jouant sur du contenu produit
par les médias de masse, le contenu de ce troisième groupe est essentiellement
fabriqué par des amateurs.
27
Facebook, Twitter et Instagram se sont emparées du web et exercent aujourd’hui un
monopole sur les réseaux sociaux. La popularisation de ces réseaux a provoqué de
nouvelles manières de communiquer et a encouragé l’interaction sociale par le biais
de contenu multimodal comme le texte, les photos, la musique et les vidéos.
Selon le Digital Report, plus de 3,5 milliards de personnes sont sur les réseaux sociaux
en 2019 – ce chiffre n’est cependant pas homogène, et la concentration d’utilisateurs
présents sur les réseaux varie entre les pays. Le mode de consommation sur ces
réseaux sociaux est de l’ordre de ce que Brooks et Churchill appellent l’ « information
snacking » (2010, 4), où les utilisateurs se connectent lorsqu’ils ont un peu de temps
devant eux – que cela soit chez le médecin, dans une salle d’attente ou lors d’une
pause au travail – pour consulter le contenu (texte, photo, vidéo, musique) qui les
intéresse, disponible au moment où ils se trouvent connectés.
2.1.4.1.1 Facebook
Le réseau social américain Facebook a été créé en 2004 par Mark Zuckerberg et fait
aujourd’hui du Big Four (ou « GAFA », acronyme donné par Eric Schmidt, ancien CEO
de Google), constitué des compagnies considérées comme ayant provoqué un
changement radical dans la société à cause de leur rôle dominant dans le quotidien
des humains. D’origine destinée aux étudiants de l’université de Harvard, puis d’autres
universités à travers le monde dans le but de connecter les étudiants entre eux,
Facebook s’est démocratisé en 2006 lorsqu’il a permis à toute personne de plus de
13 ans de s’y inscrire gratuitement. À partir de 2010, Facebook est devenu la plus
grande plateforme de partage d’images, détrônant la concurrence comme Flickr et
MySpace. Aujourd’hui, Facebook compte plus de 2 milliards d’utilisateurs actifs par
mois (Digital Report), faisant de la plateforme le réseau social le plus populaire au
monde.
2.1.4.1.2 Twitter
Développée en 2006, la plateforme Twitter permet aux utilisateurs de publier des
messages sous forme de textes de 140 caractères maximum (environ deux phrases).
Appelées des « tweets », ces phrases peuvent être partagées avec le grand public de
Twitter, ainsi que les personnes qui décident de s’abonner au compte (connu sous le
nom de « followers »). Ce réseau a pour but d’imiter le flux de la conscience de ses
28
utilisateurs, qui peuvent publier leurs pensées et leurs réflexions à tout moment. Ces
tweets sont accessibles en dehors de Twitter, envoyé et reçu par mail, SMS (short
message service) ou au moyen d’un moteur de recherche, si le profil n’est pas
privatisé. Ils peuvent également contenir d’autres formes de contenu multimédia
comme des photos, des vidéos ou des liens. Aujourd’hui, on compte plus de 340
millions d’utilisateurs actifs sur twitter – un chiffre bien moins élevé que celui de
Facebook, mais tout de même conséquent. Dans les dernières années, les Tweets
sont devenus des memes à part entière lorsqu’ils ont commencé à être partagés en
masse sur d’autres réseaux sociaux, un phénomène dû en partie à la créativité
qu’engendre le fait de devoir restreindre son message à un chiffre maximum de
caractères, et poussant les utilisateurs à faire preuve d’imagination pour produire des
boutades courtes et humoristiques. Souvent mêlés à des images, des vidéos et des
GIFS – les tweets constituent un format non chronophage, facile à consommer et facile
à partager. Cette popularisation de memes sous la forme de tweets a fait resurgir le
succès des « canned jokes » (Dynel, 2016), c’est-à-dire des blagues orales, dites
traditionnelles.
2.1.4.1.3 Instagram
Instagram est un réseau de partage de photos et de vidéos lancé en 2010 par Kevin
Systrom et Mike Krieger. Initialement conçu uniquement pour la publication de photos
et de vidéos, le réseau a suivi ses prédécesseurs en y incorporant un service de
messagerie en 2015, ainsi que la possibilité de publier du contenu multimédia
éphémère et de ne partager du contenu qu’avec des abonnés désignés comme « amis
proches ». Le réseau a donc pris exemple sur ses concurrents pour affiner la
possibilité de lien entre ses utilisateurs. Instagram compte aujourd’hui plus d’un
milliard d’utilisateurs et se situe quantitativement parlant entre Twitter et Facebook.
29
détourné par des commentaires (notes) que l’on peut publier en sus du contenu
partagé. La popularité de la plateforme a atteint son apogée en 2013, puis a décliné
dans les cinq dernières années. Des comptes entièrement dédiés aux memes ont
commencé à apparaitre et ont accumulé un public massif - un aspect dont la relève a
été prise, selon Kostidakis par des plateformes telles que Facebook et Twitter. Il est
important de noter que l’aspect d’annotation des reblogs (l’outil de partage de Tumblr)
a également contribué au développement du meme, en permettant aux utilisateurs
d'en transformer le contenu.
2.1.4.2.2 4chan
L’auteure Caitlin Dewey caractérise le site 4chan comme “the internet’s own
bogeyman”, car c’est de là que proviennent des délits des plus notoires d’internet
(partage d’informations secrètes, hackathons etc..). Ce site est un forum
complètement anonyme, fragmenté en différentes sous-discussions (sub-topics) où
les utilisateurs peuvent discuter de tout genre de sujet, partager des anecdotes, des
images, des vidéos. Selon elle, plus de 22 millions d’utilisateurs y participent
mensuellement (Dewey, 2014). Ce qui différencie 4chan d’autres forums c’est qu’il n’y
a d’abord pas besoin de créer un compte ni de choisir un pseudonyme. Les
participants peuvent par conséquent dire et faire ce qu’ils veulent sans se soucier
d’une quelconque responsabilité. Cela implique également qu’il n’est pas possible de
prendre contact avec un autre utilisateur par le biais d’un système de messagerie car
il faut que cette personne révèle sa véritable identité pour garder contact. De plus, les
fils de discussions ont un temps d’expiration de quelques jours, ce qui donne un aspect
d’impermanence à la plateforme et fait que les utilisateurs du site voient rarement les
mêmes publications. La plateforme est complexe et à la fois extrêmement minimaliste,
les publications étant organisées dans une chronologie inversée et Dewey relève cet
aspect qui fait de 4chan un forum très différent des autres. Cette interface le rend
difficile d’accès et de compréhension pour les non-initiés - un aspect sans doute
prémédité par ses concepteurs. Ce qui différencie donc 4chan des autres forums c’est
le fait qu’il n’y ait pas d’identité, peu de règles, et peu de conséquences. 4chan est
l’antithèse de la majorité des autres plateformes “mainstream” du web. Il en découle
que les personnes peuvent donc y faire et dire tout ce qu’elles veulent ou presque:
c’est donc un des terrains les plus fertiles d’internet. Selon les statistiques propres du
30
site, la majorité de ses utilisateurs sont des jeunes hommes avec une éducation
universitaire avec un intérêt particulier pour la culture japonaise, les jeux vidéo, les
comics et la technologie. La plupart d’entre eux vivent dans des pays anglo-saxons
(États-Unis, Grande Royaume-Uni, Canada, Australie), mais il y a également
beaucoup de trafic provenant d’Allemagne, de Suède et de France. L’auteur explique
que 4chan est l’incubateur originel d’un grand nombre de memes et de
comportements que nous considérons aujourd’hui “mainstream”.
2.1.4.2.3 Reddit
Reddit est une plateforme web qui se revendique comme la « page de couverture
d’internet ». Selon Jake Widman, le site est le 18ème site le plus populaire du monde.
Il fonctionne comme une version améliorée de 4chan - c’est-à-dire que dans son
forum, il a plus d’un million de communautés, communément appelées des
“subreddits” qui couvrent des sujets différents. La page principale du site affiche une
liste de posts qui sont “trending” - c’est-à-dire des publications les plus populaires
tirées de toutes les communautés du site. Contrairement à 4chan, il faut un compte
pour poster sur Reddit, et lorsque l’on en a un, il est aisé de créer des “subreddits”
selon nos goûts et nos passions - pour autant qu’ils respectent les règles du site.
Chaque publication peut être “upvoted” ou “downvoted” par les autres utilisateurs
suivants s’ils aiment ou n’aiment pas le contenu apporté, attribuant aux publications
une certaine notoriété qui peut les amener jusqu’à la page principale, en “trending”.
C’est généralement sur cette dernière que l’on trouve les memes les plus populaires,
qui se propagent ensuite à travers les réseaux sociaux sur le reste du web.
31
Cette plateforme a permis à certains créateurs comme Justin Bieber ou The Weeknd
d’accomplir des carrières d’artistes internationales, et à d’autres comme
Normanfaitdesvidéos ou Raphael Carlier et David Coscas de devenir des comédiens
avec un succès notoire.
Le contenu produit par des amateurs constitue plus des trois-quarts des vidéos
présentes sur YouTube. On estime que plus de 500 heures de contenu vidéo sont
publiées par minute sur YouTube depuis 2019, faisant de la plateforme le deuxième
site le plus populaire au monde, après Google.
Au niveau de son contenu mémétique, cela fait depuis les débuts de YouTube que
certaines de ses vidéos atteignent la viralité. D’abord, parce que cette plateforme a
permis aux internautes de « remixer » et modifier du contenu audiovisuel tel que des
bandes-annonces ou des publicités produites par des médias de masse. Ensuite,
parce que la démocratisation de la production de vidéos a donné aux amateurs la
possibilité de partager leurs créations avec le monde – que ce soit en faisant du
playback sur une chanson (comme Numa Numa guy, mentionné ci-dessus), ou en
partageant du contenu jugé humoristique (que ce soit délibéré, comme des parodies
ou pas, comme la célèbre chanson « chocolate rain » du musicien Tay Zonday). Dans
tous les cas, les vidéos qui y sont publiées peuvent être reprises, modifiées et
transformées en image ou en GIF, pour en faciliter le partage. C’est le cas du Dramatic
Chipmunk, une vidéo propagée massivement au début des années 2000, mais plutôt
connue sous forme de GIF aujourd’hui.
2.1.4.3.2 Vine
Bien qu’elle n’existe plus aujourd’hui, la plateforme vidéo de Vine a considérablement
altéré la production de memes et a eu un impact considérable sur leur contenu. La
plateforme était caractérisée par le fait que les vidéos ne pouvaient pas être
téléchargées au préalable – il fallait donc filmer avec l’application, pour une durée
maximum de 7 secondes. Les utilisateurs ont donc dû faire preuve d’innovation et de
créativité en matière de contenu. Vittorio Marone explique que cela a contribué à
l’usage mixte de plusieurs médiums tels que le texte, la photo et la vidéo : « Similar to
cartoons, Vine embodies a “condensed” medium that features different and
interconnected modes that dynamically contribute to the construction of meaning. »
(2018 : 4). Ainsi, Vine a contribué à la création de tout un canon mémétique. Leur
32
contenu est de l’ordre de l’humour décalé et parfois difficilement compréhensible par
les “non-initiés” tel que le simple fait de mal prononcer des mots. L’auteur continue en
expliquant que « the humour conveyed on Vine is not always easy to grasp and
process because of its short form, its multimodal delivery (e.g. some Vines start with
a written title and then continue the discourse in the video), and frequent endogenous
and exogenous references (pointing at other Vines or external sources) ». Il semble
que le contenu de Vine entre dans ce que Limor Shifman caractérise de memes
« digital natives », nés sur internet et produits par des amateurs avec du contenu qui
n’est pas tiré des médias de masse. Marone confirme cela lorsqu’il explique que “user-
enacted humour, as opposed to captured comical scenes or bare samples taken from
TV shows or movies” (2018 : 5).
33
Image-Macros, TikTok a repopularisé les « real-life memes » en encourageant le
concept des défis exécutés en dehors d’internet.
34
c’est-à-dire un contenu mixte qui peut contenir du texte, des images, des vidéos et de
la musique à la fois, le tout en temps réel (ibidem).
2.1.5.2.1 Le « meaning-making »
Aujourd’hui, lorsqu’un contenu est partagé sur le Web, il traverse généralement un
processus de resémiotisation, c’est-à-dire le fait de prendre du contenu amateur ou
médiatique et de le repartager sous une forme modifiée. Ce processus est
essentiellement utilisé pour rendre un contenu cohérent face à des situations et des
problématiques actuelles. L’une des motivations premières derrière le partage sur
internet serait donc de réajuster du contenu culturel afin de le rendre plus cohérent et
pertinent pour son entourage : il s’agit de ce que Shifman caractérise de meaning-
making (2015 : 3). Selon elle, « this notion helps to describe how different groups and
individuals interpret de de- and retextualise the same cultural units ». Cette
modification de contenu dépend donc de l’environnement culturel dans lequel un
internaute se trouve, et peut expliquer la raison derrière les milliers de modifications
d’un même meme. Cela rejoint la théorie de Walter Lippman, exprimée dans le
chapitre douze de son œuvre Public Opinion, intitulé « Self-Interest Reconsidered ».
Il prend l’exemple d’un fait relaté par une personne : la version du narrateur initial,
c’est à dire, la première version, ne maintient pas sa forme et ses proportions. En effet,
au fil de la transmission de ce fait, il est modifié par les personnes qui le partagent à
leur tour, suivant leur perspective personnelle. Pour lui, « the more mixed the
audience, the greater will be the variation in the response. For as the audience grows
larter, the number of common words diminishes. Thus, the common factors in the story
become more abstract. This story, lacking precise character of its own, is heard by
people of highly varied character. They give it their own character. » (1922 : 110). Alors
que la théorie de Lippman a été conçue bien avant l’avènement du Web 2.0 et du
meme, elle peut facilement être appliquée aux phénomènes de modification et de
transmission de contenu sur les réseaux. En donnant l’exemple d’un consommateur
de médias de masse, il explique que « what reaches him of public affairs, a few lines
of print, some photographs, anecdotes, and some casual experience of his own, he
conceives through his set of patterns and recreates with his own emotions. (…) He
takes his stories of the greater environment as a mimic enlargement of his private life »
(1922 : 111). L’idée première de Lippman concerne les objets tangibles, comme une
35
photo ou une phrase lue dans un journal papier, ainsi que les objets immatériels
comme une anecdote ou une expérience personnelle et implique un partage et une
transmission orale d’un contenu modifié par le consommateur. Cependant, le
processus est le même sur les réseaux, avec comme seule différence le fait de pouvoir
être transmis en temps réel, à tout moment, et à un plus large public grâce au simple
clic d’une souris.
36
en ses capacités constitue un aspect fondamental du besoin humain, le « besoin
d’accomplissement de soi » illustré également par Maslow dans sa pyramide. En
parallèle, la gratification proviendra de cette meilleure connaissance de lui-même et
de son entourage. Un contenu médiatique divertissant lui permettra de réduire la
tension ou l’anxiété accumulée au quotidien – un besoin de base qui se retrouve dans
le « besoin de sécurité » de Maslow, et qui se transforme en gratification lorsqu’il lui
permet de voyager en s’échappant de sa vie de tous les jours.
Enfin, un contenu médiatique pourra être partagé avec son entourage,
instantanément, ou différé dans le temps lorsqu’il en discute avec ses proches. Ce
partage remplit deux besoins fondamentaux cités par Maslow : Le « Besoin d’estime »
accomplit par le fait de prendre parti dans des conversations groupées en partageant
ses connaissances avec son entourage, et le « Besoin d’appartenance » qui est
comblé l’intégration dans une communauté d’individus qui consomment le même
contenu.
Cette théorie des usages et gratifications a de nombreux points communs avec les
nouvelles théories sur la production et le partage de contenu en ligne : en effet, il
semble que les besoins primaires qui poussent un individu à produire et partager du
contenu, ainsi que les gratifications qui en résultent sont les mêmes. Louis Leung a
tenté d’appliquer la théorie de Katz et. Al. au cas d’internet (2013). Il a trouvé que les
motivations principales qui poussent un individu à aller sur internet, soit de partager
sur les réseaux sociaux et de produire son propre contenu, est motivé par un grand
nombre de besoins et de gratifications : « these motivations include information
exchange, conversation and socializing, information viewing, entertainment,
information and education, escape and diversion, reassurance, and fashion and
status » (2013 : 998). Elles entrent dans les quatre grandes catégories mentionnées
ci-dessus.
37
l’idée selon laquelle les personnes partagent majoritairement du contenu qui les
stimule émotionnellement de manière positive. Le contenu positif génère « a feeling
of elevation in the face of something greater than oneself » (2018 : 67). Elle utilise
l’exemple du contenu humoristique, ou bien de contenu qui illustre des personnes
surmontant l’adversité, des photos et des vidéos de merveilles du monde, ou encore
des découvertes scientifiques pour le bien de l’humanité. Cette catégorie de contenu
a tendance à procurer une sensation de bien-être à celui qui le visualise, et lui donne
envie de le partager avec son entourage pour, à son tour, leur procurer le même effet.
Selon Leung, le besoin de divertissement (« entertainment needs ») lié à sa théorie
des usages et des gratifications sur internet est essentiel aux utilisateurs. C’est la
quatrième raison principale liée à la production et au partage de contenu sur le Web,
dans le but de se relaxer, de s’amuser, ou de passer le temps (2013 : 999). En plus
d’augmenter les chances d’être partagé, un contenu humoristique a plus souvent
tendance à être imité ou reproduit par ses consommateurs « given its association with
playfulness, incongruity and feelings of superiority » (Shifman, 2016 : 96). Si l’on suit
la théorie du Meaning-Making, le contenu reproduit par le destinataire sera
inévitablement modifié. Cela explique en grande partie pourquoi les memes, qui
véhiculent essentiellement des émotions positives, sont aussi rapidement transmis et
aussi aisément modifiés. Au contraire, le contenu négatif tel que les vidéos
choquantes dépeignant de la violence ou de la maltraitance aura moins tendance à
être partagé, à moins de contenir des notes d’humour (des critiques humoristiques
d’un régime injuste ou des parodies d’un gouvernement mauvais ou d’une situation
désagréable par exemple). Mais d’une manière générale, elle explique que « stories
that made people sad (but not angry or anxious) did not propagate well (…) because
sadness is a deactivating emotion » (2018 : 68).
38
intéressant ou utile par exemple, parce que le bonheur que ce contenu provoque
envers son entourage se reflète sur la personne l’ayant partagé. Cette personne se
sentira plus confiante, plus importante, et aura l’impression d’avoir un impact positif
au sein de son réseau lorsqu’un contenu qu’elle a partagé a du succès : « they prefer
spreading content that makes others feel good and at the same time reflects on
themselves as upbeat and entertaining » (Shifman, 2016 : 67). Dans l’étude faite par
Louis Leung sur les motivations derrière le partage et la production de contenu sur les
réseaux sociaux, il a trouvé que la majorité des participants prétendaient le faire pour
des raisons liées à leurs besoins sociaux et d’affection (« social and affection needs »)
(2013 : 999). Un internaute gagne aussi à partager son contenu pour se démarquer
des autres en se montrant créatif et connecté. (Shifman, 2016 : 31). L’auteur Vittorio
Marone explique qu’alors qu’une majorité du contenu publié sur Vine est humoristique,
la plateforme est également utilisée comme « confessional » pour ses utilisateurs, qui
leur permet d’exprimer des émotions, des idées ou des réactions. Il semblerait donc
que la création et le partage de contenu jouent le rôle d’une échappatoire et aient un
impact cathartique sur son producteur. Le sondage de Leung (999 : 2013) corrobore
cette idée en montrant que les répondants ont prétendu partager et produire du
contenu afin de se libérer d’émotions négatives (« venting negative feelings »).Alors
que Shifman émet l’hypothèse selon laquelle un utilisateur ne va pas forcément
produire du contenu (comme un meme) dans le but d’obtenir une certaine notoriété
ou de devenir célèbre, le prestige est tout de même un aspect non négligeable dans
la création et le partage de contenu. Comme vu ci-dessus, certaines plateformes telles
que YouTube ou TikTok ont propulsé des créateurs au statut de célébrité, leur
permettant par la suite d’en tirer de substantiels revenus (comme avec l’exemple du
jeune chanteur Justin Bieber, qui a commencé en publiant du contenu amateur sur
YouTube et qui fait parti des dix des célébrités les plus influentes d’aujourd’hui, selon
Forbes Magazine). De plus, un utilisateur qui partage du contenu à succès gagnera
en prestige auprès de son entourage, et obtiendra un type de label de qualité
métaphorique auprès de son audience. Il exercera donc une plus grande influence.
Partager du contenu avec autrui peut aussi jouer en la faveur de l’utilisateur qui en est
la source. De cette manière, il pourra montrer son soutien et son alliance envers une
cause particulière, ce que Shifman caractérise de positionnement. Ce positionnement
offre à l’utilisateur une gratification liée au « besoin d’estime », car il sera reconnu par
son entourage comme étant un citoyen engagé. Ce dernier critère est étroitement lié
39
à la théorie de l’engagement civique sur les réseaux que l’on abordera plus tard. Par
le fait que cet engagement civique est étroitement lié au « besoin d’estime » cité par
Katz et. Al, il n’est pas forcément le fruit d’une réelle envie de faire changer les choses
(bien que cela puisse être le cas dans certaines situations). En effet, l’étude de Leung
(2013) montre que la troisième raison la plus citée concernant le partage et la
production de contenu est le besoin de reconnaissance (« recognition needs »)
motivée par l’envie de promouvoir ou publiciser leur expertise liée à un sujet, établir
une identité personnelle forte, et gagner le respect et le soutien de ses paires.
Leung cite le besoin cognitif (« cognitive needs) comme la cinquième principale
motivation derrière le partage et la production de contenu sur internet. Selon lui, un
usager aura recours à de telles pratiques dans le but d’élargir ses connaissances et
de perfectionner son mode de pensée (2013 : 999).
40
contenu présent et accessible sur le web. Le deuxième est ce qu’elle caractérise de
« introducing a puzzle or a problem », ou plus simplement, le besoin de compléter un
contenu qui semble avoir une pièce manquante (2014 : 54).
41
démontre une autre tendance liée à la production et au partage de contenu, celle du
civisme sur les réseaux.
Nicholas Johns explique que « in the last few years, sharing, imitating, remixing and
using popularity measurements have become highly valued pillars of participatory
culture, part and parcel of what is expected from a digitally literate netizen » (2015 :
23). Cela signifie qu’un internaute peut créer et partager du contenu dans le but
d’appartenir à une cause et d’exercer son devoir en tant que citoyen-internaute instruit.
Les observations de Henry Jenkins contribuent à confirmer cette idée. L’auteur a
observé que les internautes se saisissent des thématiques politiques complexes les
rendent plus accessibles au public en les intégrant dans la culture populaire par le
biais de contenu. Il justifie cette action par le fait qu’elle donne l’impression aux
internautes d’exercer leur droit civique (2006 : 223). Ce phénomène combine plusieurs
besoins primaires de l’humain, soit le « Besoin d’estime » (en montrant à son
entourage que c’est un bon citoyen), le « Besoin d’accomplissement de Soi » (en se
donnant l’impression d’avoir un impact sur son entourage), ainsi que le « Besoin de
Sécurité » (qu’il se crée en s’informant sur les problématiques actuelles et en les
dénonçant) (Katz et. Al, 1973).
42
capital, de la main-d’œuvre et de la connaissance pour produire en masse. Le
problème réside plutôt dans l’attention limitée que l’être humain peut lui accorder.
Cette notion d’économie de l’attention n’est pas nouvelle, mais s’est retrouvée au
centre du débat lié à internet lors de ces dernières années : « Previous generations of
citizens didn't have an attention problem, at least not compared to ours. They didn't
have the Internet with its ever-increasing number of Web sites. At most, they had a
few channels of broadcast television, a local newspaper, and a few magazines. »
(Davenport & Beck, 2001).
Plus un produit ou un contenu attirera de l’attention, plus il aura du succès dans
l’économie d’aujourd’hui. Mais comme l’ont prédit Davenport et Beck en 2001,
l’émergence constante de nouvelles technologies a démultiplié le nombre de contenus
sollicitant notre attention, qui en tour a augmenté la compétition pour attirer l’attention
des internautes. Cela provoque un problème de taille car « There is only so much
attention to go around, and it can only be increased marginally by somehow exercising
the brain or by adding new sentient beings to the planet ». En effet, contrairement au
capital et à la main-d’œuvre, il est impossible d’augmenter l’attention disponible chez
l’être humain – ce qui est fort problématique dans un climat où les supports nécessitant
son attention se sont massivement démultipliés.
Cette théorie implique qu’une des motivations principales derrière la production de
contenu est le fait qu’il soit repartagé en masse, afin de retenir l’attention d’un
maximum d’internautes. Selon l’auteure, « the number of derivatives spawned by a
certain video is an indicator of attention, which, in turn, draws attention to the initial
memetic video in a reciprocal process » (2015 : 32). Un meme sera donc créé d’une
manière à attirer l’attention des internautes de manière optimale. Pour cela, il
contiendra des éléments qui optimisent le partage et la réplication : Shifman élabore
ces critères essentiels à la captation d’attention et donc de réplication : « A video
structured for easy replication has a chance to succeed in YouTube’s attention
économy ». Une vidéo faite dans le but d’attirer l’attention et d’être répliquée
contiendra de l’information claire et concise ou des blagues simples pouvant être
comprises et partagées par un large public (2015 : 69).
43
2.1.6 Classes générationnelles
Afin d’analyser les attitudes des différentes classes d’âge en lien avec le contenu
mémétique, nous allons suivre le schéma classique générationnel : silent generation,
baby-boomers, génération X, milléniaux (parfois appelés génération y) et génération
Z. Au niveau de la catégorisation de ces classes d’âges, nous nous basons sur les
résultats de l’institut américain du Pew Research Center, car c’est la classification la
plus souvent citée dans les articles à ce sujet. Il est important de comprendre que,
selon le président de cet institut, « Generational cutoff points aren’t an exact science.
They should be viewed primarily as tools, allowing for the kinds of analyses detailed
above. But their boundaries are not arbitrary » (Dimock, 2019). Il explique que les
générations doivent englober une certaine envergure – d’au moins 16 ans en ce qui
concerne les générations X et les milléniaux, et de 19 ans en ce qui concerne les
baby-boomers.
L’auteur explique que la technologie est également un critère qui a contribué au
renforcement de ces catégories générationnelles : « Technology, in particular the
rapid evolution of how people communicate and interact, is another generation-
shaping consideration » (Dimock, 2019). Pour ces raisons, nous allons également
nous pencher sur les caractéristiques générationnelles liées à la technologie.
44
2.1.6.1.2 Technologie
Du point de vue technologique, selon le Pew Research Center cette génération est
celle qui s’y connaît le moins en technologies modernes, avec seulement 40%
possédant un smartphone et moins de 28% à être présente sur les réseaux sociaux.
Ce chiffre démontre la nette augmentation du taux d’individus de la génération
silencieuse présents sur les réseaux sociaux lors des dernières années : depuis 2012,
le nombre de personnes de 75 à 92 ans inscrites sur Facebook est passé de 21% à
27%. En dehors des réseaux sociaux, 62% utilisent internet (PRC, 2019). Comme
prévu, ce chiffre est très bas lorsqu’on le compare aux autres générations. Emily
Vogels explique que « Previous Pew Research Center surveys have found that the
oldest adults face some unique barriers to adopting new technologies – from a lack of
confidence in using new technologies to physical challenges manipulating various
devices » (Vogels, 2019). Cela peut également être attribué au fait que cette
génération ne perçoit pas forcément de bienfait à l’utilisation d’internet, contrairement
aux millennials qui soutiennent à 73% que l’internet a plutôt eu un impact positif sur la
société (PRC, 2019).
45
elle a pavé le chemin pour les générations à suivre. Selon Mary Elizabeth Hughes
dans son article The lives and times of the babyboomers, « the boomers are pivotal
because they responded to historical change by living in new ways that set patterns
for succeeding cohorts » (2006).
2.1.6.2.2 Technologie
Selon Dimock, les « Babyboomers grew up as television expanded dramatically,
changing their lifestyles and connection to the world in fundamental ways », et qu’ils
ont par conséquent appris à s’adapter au fur et à mesure de l’évolution technologique.
Nous pouvons constater cela en regardant les chiffres donnés par le Pew Research
Center en 2019. En effet, 60% des baby-boomers possèdent un smartphone, et 59%
sont sur les réseaux sociaux, cela forme un écart considérable avec la génération qui
les précède. Selon Emilie Vogels du Pew Research Center « Boomers are now far
more likely to own a smartphone than they were in 2011 (68% now vs. 25% then) »
(Vogels, 2019).
2.1.6.3 La génération X
2.1.6.3.1 Caractéristiques
Les membres de la génération X sont nés entre 1965 et 1980 et ont aujourd’hui entre
40 et 55 ans. Dans son article «Understanding Generation X ... Boom or bust
introduction », Mark-Andrew Mitchell explique que la génération X a grandi dans une
période de grands changements : que ce soit par rapport aux contraceptifs, à
l’épidémie du SIDA, la libéralisation de certains idéaux conservateurs comme le
divorce, l’avortement ou encore l’entrée en force des femmes dans le monde du
travail, et par conséquent des changements liés aux rôles des genres (2005). Dans
son article « Differences in generation X and Generation Y: implications for the
organization and marketers », Timothy Reisenwitz explique que malgré l’amalgame
souvent fait entre cette génération et celle des milléniaux (ici appelés « génération Y
»), la génération X se retrouve, dissonante, entre deux générations qui se ressemblent
davantage : « Generation Y has been characterized as less cynical, more optimistic,
more idealistic, more inclined to value tradition, and more similar to baby-boomers
than Generation X » (Marketing Management Journal, 2009).
46
2.1.6.3.2 Technologie
C’est la première génération à grandir avec des technologies comme le
magnétoscope et les jeux vidéo, ainsi que les ordinateurs personnels et du
développement des médias interactifs. Le président du centre de recherche explique
que « Generation X grew up as the computer revolution was taking hold » (Dimock,
2019). C’est donc une génération qui a été forgée par l’invention des ordinateurs et
leur évolution, autant sur le plan technologique qu’au niveau de l’apparition d’outils
révolutionnaires comme internet.
La génération X « are credited with moving the Internet into the mainstream »
(Reisenwitz, 2009). L’auteur explique également que cette génération a une
préférence pour la communication par e-mail. Selon Mitchell, la génération X « has
been pushing the line toward interactivity and away from mass communication since
they first discovered how to turn on the television set and how to control its content
with a remote control » (2005). Selon le Pew Research Center, 90% des personnes
appartenant à la génération X possèdent un smartphone et 76% sont sur les réseaux
sociaux – dont 74% sur Facebook, le réseau le plus prépondérant au sein de cette
classe d’âge (2019). Ils se montrent beaucoup plus orientés vers la technologie que
la génération qui les précède, avec une vitesse d’adoption des nouvelles technologies
qui suit les milléniaux et la génération Z de près.
47
lors de la crise économique de 2008, ayant eu un effet sur les États-Unis, mais aussi
sur toute l’Europe. Selon l’auteur, « Many of Millennials’ life choices, future earnings
and entrance to adulthood have been shaped by this recession in a way that may not
be the case for their younger counterparts » (Dimock, 2019).
2.1.6.4.2 Technologie
En matière de technologie, il explique que cette génération « came of age during the
internet explosion ». Selon Timothy Reisenwitz, elle communique surtout par
messagerie instantanée et par téléphone portable, avec une utilisation relativement
faible du système d’e-mail (en dehors du cadre professionnel). Il soulève le fait que la
« Generation Y is the first generation in which Internet consumption is exceeding
television consumption », ce qui la différencie radicalement de la génération X.
Selon lui, cette génération est beaucoup plus à l’aise que les précédentes quand il
s’agit de la technologie. C’est une génération axée sur le multimédia et le multitasking
(qui utilise plus de deux médias en même temps).
Le Pew Research Center indique que 93% des milléniaux possèdent un smartphone
– avec un avantage de seulement 3% sur la génération X. Cela corrobore les résultats
de l’étude de Timothy Reisenwitz qui démontre que cette génération partage des
points communs avec la génération X, liés à l’utilisation d’internet : « Both groups
primarily accessed the Internet via their own computer (65% for Generation X and 67%
for Generation Y), used the Internet 5-9 hours per week (29%for Generation X and
28% for Generation Y), accessed the Internet daily (67% for Generation X and 77%
for Generation Y) » (Reisenwitz, 2019). Au niveau des réseaux sociaux, ils sont 86%
à y être présents, un chiffre qui selon le Pew Research Center, est stable depuis 2012.
L’étude démontre que le réseau le plus utilisé par cette génération est Facebook, avec
84% des milléniaux qui sont présents sur la plateforme.
2.1.6.5 La génération Z
2.1.6.5.1 Caractéristiques
Les personnes issues de la génération Z sont nées après 1997 et ont moins de 23
ans aujourd’hui. Selon Dimock, « Most are in their teens, or younger » (2019). Il
explique que contrairement à la plupart des autres générations, il n’y a pas de coupure
claire entre celle-ci et celle des millennials, et qu’il a donc fallu en créer une : « we
48
believe 1996 is a meaningful cutoff between Millennials and Gen Z for a number of
reasons, including key political, economic and social factors that define the Millennial
generation’s formative years » (Dimock, 2019).
Le centre de recherche s’est donc basé sur la catastrophe du 11 septembre, un
événement qui eut un impact planétaire, pour trancher entre les deux générations. La
génération Z englobe toutes les personnes qui sont trop jeunes pour se souvenir de
cet événement. Pour Dimock, cette génération est « the most racially and ethnically
diverse adult generation in the nation’s history » (Dimock, 2019).
2.1.6.5.2 Technologie
Sur le plan technologique, la génération Z est singulière, car c’est la première à avoir
grandi après le boom d’internet : « what is unique for Generation Z is that all of the
above have been part of their lives from the start » (Dimock, 2019). En effet, les
membres les plus âgés de cette génération n’avaient que 10 ans lorsque le premier
iPhone est sorti en 2007. À partir de cette époque, les jeunes ont donc principalement
communiqué par le biais de cette nouvelle génération de téléphones, équipés de 3G,
de WiFi et de tous les outils nécessaires pour accéder au web. Dimock explique
qu’alors que les générations antérieures (milléniaux inclus) ont dû s’adapter aux
réseaux sociaux, à la communication constante et la connectivité instantanée, la
génération Z n’a pas connu autre chose. Selon Louis Leung, la génération Z (qu’il
surnomme Net Generation, car ils ont grandi avec internet) se sent beaucoup plus à
l’aise que leurs parents face à un ordinateur, une tablette ou un smartphone. Ils sont
plus enclins à régulièrement fréquenter et utiliser divers réseaux sociaux. Il explique
le fait que cette génération qui a été bombardée dès leur tendre enfance avec des
informations liées à la technologie, est fondamentalement plus apte à comprendre
l’économie digitale. Leur environnement exerce également sur eux une lourde
pression d’être « media savvy » (2013 : 998), c’est-à-dire d’avoir de grandes
compétences liées aux médias et surtout, à y être présents.
49
l’aisance vis-à-vis de la production de contenu varie selon les générations : il s’agit du
« digital divide » (2006 : 23). Selon lui, « not all consumers have access to the skills
and resources needed to be full participants in online cultural practices ». Cette
division digitale donne lieu à une inégalité vis-à-vis de la participation sur le web. Alors
que dans l’ère du web 1.0 cette inégalité était une conséquence du fait de ne pas avoir
accès à un ordinateur ou à internet, aujourd’hui, plus de 4 milliards de personnes ont
accès à internet (Global Digital Report, 2019) – l’inégalité se trouve désormais dans
les compétences digitales. Pour produire du contenu sur internet, même avec la
démocratisation du produsage et les outils faciles d’accès comme MS Paint ou
MemeGenerator, un minimum de connaissances liées à la technologie est requis pour
être à l’aise sur les réseaux sociaux. Les générations considérées comme « digital
natives » tel que les milléniaux et la génération Z, qui sont nées et qui ont grandi dans
un environnement étroitement lié aux nouvelles technologies, ainsi que tous les
enfants d’aujourd’hui savent instinctivement utiliser des outils technologiques comme
les Smartphones et les Tablettes. La génération X, surnommée les « Media-actives »
par Henry Jenkins (2006 : 245) n’a pas grandi avec les réseaux sociaux, mais avec
d’autres technologies phares comme la télévision, le magnétoscope, les CDs et les
premiers modèles d’ordinateur. Cela fait d’eux une génération qui a appris à s’adapter
aux nouvelles technologies en réponse à la convergence des médias, et donc plus à
l’aise sur le web que les baby-boomers. Selon Louis Leung, les baby-boomers ont su
s’adapter en partie, mais leurs préférences se tournent plutôt vers les blogs ou les
forums que les réseaux sociaux (2013 : 1003). La génération dite silencieuse qui a
plus de 75 ans n’est que très peu présente sur le web, et encore moins sur les réseaux
sociaux. Leurs compétences liées aux nouvelles technologies paraissent très limitées.
Selon Eszter Hargittai et Gina Walekjo, cela pourrait être problématique sur le long
terme : « As online content becomes increasingly important in social setting, political
and cultural agendas, the existence of such a participation gap will have increasing
implications for social inequality » (2008 :16). Ceux qui ont l’éducation, les
compétences, les ressources financières et le temps requis pour consommer et
partager l’information mise à disposition sur le web et qui en produisent à leur tour
auront un meilleur accès à ce que Jean Burgess qualifie de « nouvelles opportunités
culturelles » (2006 :125).
Selon l’auteure, cette longueur d’avance permettra aux plus jeunes générations (ainsi
qu’aux populations ayant un meilleur accès au web et à ses outils) de découvrir « new
50
forms of cultural expression that engage their passions and help them forge their own
identities, and will be the curators of their own expressive lives », alors que les
personnes n’ayant pas ces capacités ou cet accès aux ressources sont obligées de
dépendre des médias traditionnels de masse et des géants du divertissement, qui
partagent une information positionnée et triée. Selon elle, ces personnes se trouvent
du mauvais côté de cette division digitale et culturelle. Cela crée une inégalité
flagrante entre les générations plus âgées et les générations plus jeunes - qualifiées
par Jean Burgess de « the new cultural elite ».
51
III. Enquête
3.1 Hypothèses
Cette hypothèse reprend l’idée selon laquelle le contenu positif ou humoristique aura
plus de chances d’être partagé par un internaute, que cela soit pour des gratifications
personnelles ou sociales (Shifman, 2018).
52
mémétique sur les réseaux sociaux, selon les caractéristiques générationnelles et
technologiques citées ci-dessus.
Hypothèse 3 : Les générations connaissent essentiellement les memes qui ont atteint
l’apogée de leur popularité lorsqu’elles étaient régulièrement présentes sur les
réseaux sociaux.
Cette hypothèse stipule que le contenu mémétique sur les réseaux sociaux évolue et
se multiplie au fil des années et que selon la théorie de l’économie de l’attention
(Davenport, 2001) il est impossible pour un utilisateur d’être familier avec tout le
contenu mémétique. Pour ces raisons, nous partons du principe qu’un internaute
saura essentiellement reconnaître les memes ayant atteint le pic de leur succès au
moment où l’internaute a le plus fréquenté les réseaux sociaux.
3.2 Méthodologie
3.2.1 Données et niveau d’Analyse
Cette recherche se focalise sur 4 générations : Les baby-boomers, la génération X,
les milléniaux (aussi appelés « génération y ») et la génération Z. Initialement,
53
l’enquête devait inclure la génération « silencieuse » (les personnes de 75 ans et
plus), mais elle n’y est finalement pas représentée car il n’a pas été possible de trouver
suffisamment de répondants issus de cette tranche d’âge.
Les individus ayant participé à l’enquête sont issus de pays francophones. Malgré le
fait que le corpus ne traite pas le cas de la Suisse en particulier, il est tout de même
possible en raison de la nature globale du web d’appliquer les concepts du corpus à
notre échantillon. L’échantillon est de nature « boule de neige », c’est-à-dire qu’il a été
partagé avec des individus remplissant les critères de l’échantillonnage souhaité, en
leur demandant à leur tour de partager le questionnaire avec des personnes de leur
entourage qui remplissent également ces critères.
Le questionnaire a été distribué en ligne entre mars et avril 2020, dans le but d’obtenir
environ 30 réponses pour les 4 catégories d’âge susmentionnées. Le nombre total de
réponses s’élève donc à 120 participants, afin d’entamer une recherche quantitative
plutôt que qualitative. L’enquête a pour but de questionner les participants sur leurs
habitudes liées à la production, à la consommation et au partage de contenu sur les
réseaux, puis de tenter de comprendre leurs connaissances liées aux memes en
proposant divers exemples connus sous formats photo et vidéo.
54
quant au nombre exacte de recherches – il les classe simplement de 1 à 100 (100
étant l’apogée du succès d’une recherche). Par conséquent, Huang s’est également
basé sur les chiffres de Know Your Meme qui affiche le nombre de vues d’un meme
précis. Il a ensuite comparé les résultats de google trends avec ceux de Know Your
Meme pour confirmer la pertinence du nombre de vues affichées par le site.
55
Hypothèse 1 : Un meme sera partagé s’il permet à la personne de ressentir un
apaisement émotionnel ou une stabilité dans son environnement culturel.
Variable 1 : l’émotion
L’émotion qui pousse un utilisateur à produire, consommer ou partager du contenu
peut être multiple. Il s’agira ici de comprendre quelle émotion en particulier pousse un
utilisateur à produire, consommer ou partager du contenu sur les réseaux sociaux.
Variable 2 : l’entourage
Un utilisateur peut produire, consommer ou partager du contenu avec différentes
catégories de personnes. Il s’agira de déterminer avec qui l’utilisateur vise à travers
ses publications – amis, famille, inconnus.
Variable 2 : l’âge
Les répondants seront répartis dans 4 catégories de générations (baby-boomers,
génération X, milléniaux et génération Z). Il s’agira donc de faire une distinction entre
les <16-23>, les <24-39>, les <40-55> et les <56-74>.
Hypothèse 3 : Les générations connaissent essentiellement les memes qui ont atteint
l’apogée de leur popularité lorsqu’elles étaient régulièrement présentes sur les
réseaux sociaux.
56
Variable 1 : les réseaux sociaux
La popularité des réseaux sociaux fluctue avec le temps et ne cesse de changer
depuis leur conceptualisation au début des années 2000. Il s’agira ici de comprendre
sur quel réseau social l’individu a produit, consommé et partagé des memes.
57
Le partage de cette enquête se fera selon la technique « snowball » (boule de neige),
qui cible d’abord un échantillon remplissant les critères de la recherche, puis qui leur
demande de partager l’enquête à leur tour, avec des membres de leur entourage qui
remplissent également les critères de l’étude afin d’atteindre un échantillon plus large
que celui initialement sélectionné. Le partage de cette enquête s’est majoritairement
fait sur les réseaux sociaux, mais a également été fait sur des services de messagerie
comme Whatsapp ou Gmail, afin d’obtenir des réponses de personnes qui n’étaient
pas forcément présentes sur les réseaux sociaux, ou qui n’y allaient pas suffisamment
pour avoir accès à l’enquête.
Le questionnaire en tant que tel comporte soixante-six questions et est divisé en
quatre points. Tout d’abord, une partie est dédiée aux informations sur le participant
en matière de démographie, d’appartenances et d’habitudes technologiques, de
consommation sur internet et sur les réseaux sociaux puis d’habitudes de partage. La
deuxième partie du questionnaire est consacrée à tester les connaissances et les
habitudes de partage en ligne du participant en lui proposant diverses images et
vidéos phares du web 2.0, issues des vingt dernières années. La troisième partie du
questionnaire regroupe des questions liées à la relation entre l’individu et le concept
du meme. Il s’agit ici de réellement comprendre sa compréhension et ses
connaissances vis-à-vis du phénomène mémétique, ainsi que son ressenti par rapport
à la consommation, à la production et au partage de memes. Enfin, la quatrième partie
tente de comprendre les mécanismes derrière la consommation, la production et le
partage mémétique en situation de crise, et se penche sur les changements liés aux
habitudes mémétiques dans le cadre de la pandémie du Covid-19.
Comme expliqué précédemment, ce questionnaire a été publié en ligne, sur diverses
plateformes comme Facebook et Instagram, ainsi que par message et e-mail. Afin
d’obtenir un échantillonnage générationnel qui est représentatif de la méthode de
classement traditionnelle, nous avons décidé de diviser les catégories d’âges dans le
questionnaire avec les 4 générations principalement actives sur le web : baby-
boomers, génération X, milléniaux et génération Z.
58
3.3.1.1 Problèmes rencontrés lors de la récolte de résultats
3.3.1.1.1 Tranches d’âges
Nous avons obtenu 271 réponses, mais ces dernières semblaient inégalement
réparties. À cause de la nature aléatoire de la méthode « snowball », certaines classes
d’âge ont répondu plus présentes que d’autres. Celle des milléniaux, par exemple, a
constitué presque la moitié des réponses, alors qu’aucun membre de la « silent
generation » n’a répondu présent.
Au vu de ce décalage technologique, la génération silencieuse a donc été omise de
l’enquête. Nous avons ensuite effectué une sélection en deux temps dans le but de
recueillir un échantillon plus représentatif et plus complet. D’abord, sur la base des
classes d’âge en prenant 30 individus pour chacune des génération (Z, millénariale,
X et baby-boomer). Ensuite, selon le genre, afin de pouvoir éventuellement déceler
des tendances différentes liées à la consommation et le partage de memes chez les
femmes et les hommes. Quinze hommes et quinze femmes ont donc été sélectionnés
pour constituer chacun des échantillons générationnels. Le processus de sélection a
été effectué sur Google Forms. Les 271 répondants ont été classés par tranche d’âge
et par genre puis sélectionnés au hasard au sein de ces catégories.
59
fortement orientées. Il est donc important de prendre en compte cet aspect-là, qui peut
affecter la qualité et le contenu et donc la qualité des réponses.
60
IV. Analyse
4.1 Résultats
Ces résultats ont été analysés avec l’aide de Google Sheets. Afin de croiser des
résultats comme l’âge et la connaissance mémétique, l’outil « countifs » a été
employé. Certaines questions ouvertes ont été comptabilisées à la main. Comme
explicité précédemment, les 120 réponses par question sont réparties entre les
générations et les genres: c’est-à-dire 30 réponses par génération, dont 15 hommes
et 15 femmes afin de tenter d’obtenir une représentation équilibrée.
Figure 1 : présence
100%
84%
87%
sociaux
61
La quasi-totalité des participants possède un smartphone (figure 2), c’est-à-dire 100%
chez les générations Z, X et baby-boomers, et 97% chez les milléniaux. La majorité
possède également un ordinateur, soit 97% dans chaque classe d’âge. Sur les 120
répondants, seule une personne de la génération X a signalé ne pas avoir de
connexion internet chez elle.
100%
97%
97%
97%
100%
97%
100%
97%
En ce qui concerne les réseaux sociaux (figure 3), le réseau le plus fréquenté par la
génération des baby-boomers est Facebook, avec 80% d’entre elle qui prétend être
présente sur ce réseau social. Il en est de même pour la génération X, qui est 76% à
avoir un compte Facebook. Les milléniaux suivent cette tendance, et sont 96% à être
présents sur cette même plateforme. Cela change cependant avec la génération Z,
qui n’est que 70% à être sur Facebook, comparé aux 100% qui sont sur Instagram.
Ces résultats démontrent une différence générationnelle au niveau du réseau de
préférence. Cela s’explique entre autres par le fait que les trois démographies les plus
actives sur Facebook ont grandi, ou se sont adaptées en réponse à l’élaboration et la
démocratisation du premier réseau social (Facebook) alors que la génération Z a
grandi lors de la popularisation d’Instagram, qui a été provoquée en partie par la
baisse de popularité de Facebook. Pour ces raisons, il est aisé d’envisager le fait que
les références mémétiques de la génération Z seront différentes de celles des
générations qui la précèdent, car les memes ne sont pas issus de la même plateforme.
62
100%
75%
25%
100%
75%
25%
63
On décèle ensuite des variations entre les classes d’âge en ce qui concerne les
activités de production, de publication, de commentaire et de communication. La
génération Z est celle qui produit le plus de contenu : 27 personnes sur 30 prétendent
que c’est la deuxième activité qu’ils pratiquent le plus sur les réseaux. Les milléniaux
utilisent essentiellement les réseaux pour communiquer, tout comme la génération
des baby-boomers. La génération X prétend utiliser les réseaux sociaux pour partager
du contenu plutôt que pour communiquer. On décèle cependant une grande tendance
liée au partage de publications dans toutes les classes d’âge.
50%
100%
75%
Figure 5 : le partage
en lien avec l’impact
50% émotionnel
25%
64
4.1.1.2.1.1 La corrélation entre l’humeur et le contenu
Les répondants ont ensuite été sondés sur une question importante liée aux
nombreuses théories mémétiques vues ci-dessus : le contenu mémétique (qu’il soit
produit, consommé ou partagé) reflète l’humeur ou l’état d’esprit de la personne (figure
6).
33%
7% 7% 20% 26% 40%
65
Leung a observé que la génération z (appelée également « net-geners ») a davantage
tendance à publier sur les réseaux, car c’est une habitude qu’ils cultivent depuis leur
enfance, et qu’ils se sentent extrêmement à l’aise sur le web (998 : 2013). Cela
pourrait donc expliquer cette forte tendance chez la génération Z : ils sont 96% à
répondre qu’ils ont déjà partagé du contenu en lien avec une situation dans laquelle
ils se trouvaient. Presque un tiers d’entre eux ont répondu qu’ils le faisaient très
souvent. Cette tendance est consolidée par les réponses à la question concernant le
fait de partager du contenu en rapport avec une série ou un film (figure 8).
10%
13% 13% 23%
17% 10%
30%
10%
30% 36% Figure 7 : le contenu
reflète la situation
26% 43%
17%
37%
30%
20% 23%
30%
17%
30% 37%
47%
23%
Figure 8 : Le contenu
33%
reflète un film ou une série
17%
43%
36%
20% 33%
Il semblerait donc qu’il y ait une différence entre les générations qui ont grandi en
parallèle à l’émergence des réseaux sociaux (milléniaux et génération Z) et celles qui
ont dû s’adapter à cette nouvelle technologie (baby-boomers et génération X). Alors
que les « digital-natives » semblent utiliser les réseaux sociaux de manière
majoritairement cathartique, pour partager des expériences et des ressentis
personnels avec leur entourage, les générations qui les précèdent – et en particulier
66
les baby-boomers, ne semblent pas employer les réseaux sociaux de cette même
manière.
17%
20% 37%
27%
20% Figure 9 : partage de contenu
20% lié à l’émotion ou la réaction
17%
23% 30%
33% %
23%
30%
23%
23% 23%
13% 10%
Dans notre échantillon, le partage de contenu avec autrui est souvent motivé par une
humeur, un état d’âme ou bien envoyé comme réaction à un message (figure 9). Ceci
est particulièrement le cas chez la génération Z et les milléniaux. La génération X et
les baby-boomers, eux, ne semblent pas avoir recours à cette pratique très
fréquemment. En effet, nous avons vu qu’il ne semble pas y avoir de fortes corrélations
entre l’humeur et le type contenu partagé chez les baby-boomers. Il se pourrait
également que ces derniers n’aient pas pour habitude d’envoyer des images, des
vidéos ou des «GIFS » en réaction à un message, car c’est une pratique étroitement
liée à Twitter, un réseau social très peu fréquenté par cette génération.
67
plus larges indications quant aux habitudes de partage liées aux différentes
générations.
10% 13%
17% 20%
20%
Il semblerait que toutes les tranches d’âge reçoivent souvent du contenu (images et
vidéos de genres différents). Seuls 4% des répondants ont prétendu ne jamais ou
rarement recevoir du contenu de la part de leur entourage et 17% des répondants ont
prétendu ne pas recevoir du contenu de leur entourage très fréquemment. Cela
signifie que 79% des répondants reçoivent souvent, ou très souvent du contenu sous
forme d’image ou de vidéo de la part de leur entourage.
68
6% 13%
13% 20% 27%
27% 13%
13% 17%
Il a ensuite été question de comprendre quel type de contenu était sauvegardé par les
répondants (figure 12).
100%
75%
Figure 12 : Type de
50%
contenu sauvegardé
25%
Le contenu le plus sauvegardé par toutes les générations est le contenu drôle, suivi
du contenu auquel ils arrivent à s’identifier, ou à identifier autrui, puis le contenu
touchant (ces deux derniers sont inversés chez la génération Z). Le contenu choquant,
lui, est le moins souvent sauvegardé, en particulier chez les générations Z et X.
En ce qui concerne le partage de publications en dehors des réseaux sociaux, les
résultats sont relativement similaires entre catégories (figure 13). Alors que ce partage
externe se fait en majorité par WhatsApp, ce moyen est suivi de près par le partage
en face à face, toutes générations confondues. Seule une minorité des participants
partagent des publications par SMS, et les baby-boomers sont quasiment les seuls à
partager des publications avec leur entourage par mail.
69
100%
75%
50%
Figure 13 : le partage en
dehors des réseaux
25%
33% 17%
23% 33%
27%
13%
27%
17% 26%
17%
70
habitudes de partage, afin d’observer les éventuelles différences intergénérationnelles
concernant le partage de contenu en masse.
7%
10%
30% 13%
23% 23%
% 20% Figure 15 : partage de
% contenu en masse
17%
27%
40%
40%
43%
27%
20% 20%
10% 7%
On remarque d’abord que seuls très peu de répondants (environ 10% de l’échantillon)
ne prétendent jamais envoyer le même contenu à plusieurs personnes. En effet, la
majorité des participants ont répondu qu’ils l’avaient déjà fait au moins une fois (figure
15). Plus de 50% de chaque tranche d’âge semblent l’avoir fait plusieurs fois, voire
relativement souvent – en particulier les milléniaux. Selon les résultats, cette pratique
de partage en masse se fait également fréquemment chez les baby-boomers, qui
jusqu’à lors ne semblaient pas suivre les tendances générales liées aux réponses des
autres générations. Étrangement, l’échantillon qui représente la génération Z se
trouve derrière les trois autres tranches d’âge en matière de partage de masse – une
tendance qui sera analysée au point 5.1 concernant l’analye des résultats.
71
une forme de contenu partagé sur les réseaux. Les répondants qui ne savent pas ce
qu’est un meme partagent et reçoivent tout de même du contenu envers et de la part
de leur entourage. Le contenu partagé et reçu est majoritairement (comme nous le
verrons plus tard) mémétique. Or, si nous leur avions demandé s’ils recevaient ou
partagaient des memes avec leur entourage, ils auraient sans doute répondu non, car
une des hypothèses de ce travail est le fait que les générations plus âgées partagent
des memes, sans s’en rendre
compte.
Figure 16 : connaissance du
concept
51%
66%
96% 86%
% 16%
10%
33% 86%
23%
Les réponses à cette question n’ont fait que confirmer notre hypothèse de travail.
Concernant la génération Z, 96% ont dit connaitre connaître le terme meme. Chez les
milléniaux, le nombre de personnes qui savaient ce qui était un meme était légèrement
plus bas, mais tout de même élevé à 86%. La tendance change nettement avec la
génération X, où seuls 33% des personnes savent ce qu’est un meme, 16%
prétendant avoir déjà entendu ce mot mais ne sachant pas le définir. Pour les baby-
boomers, seuls 23% prétendent savoir ce qu’est un meme, et 10% en ont déjà entendu
parlé, mais ne sont pas capable de le définir.
72
Ces réponses se recoupent avec celles liées à la création de contenu (figure 4,
habitudes sur les réseaux), mais les répondants qui affirment produire des memes
sont beaucoup moins nombreux que ceux ayant répondu qu’ils publiaient du contenu
sur les réseaux – alors qu’il s’agit, le plus souvent, de la même chose. En effet, alors
qu’ici la génération X et les baby-boomers ont majoritairement répondu qu’ils n’avaient
jamais, voire rarement crée un meme, ils étaient environ 50% et 20%, respectivement,
à avoir répondu qu’ils produisaient du contenu sur les réseaux. On remarque donc à
nouveau un manque de familiarité de ces générations-là avec le concept du meme au
sens large. En ce qui concerne les digital natives (génération Z et milléniaux), ils
étaient plus de 50% à prétendre produire et publier du contenu sur les réseaux (figure
4), contre environ 45% et 30%, respectivement, à produire des memes. Il est
également important de prendre en considération le fait que les générations Y
(milléniaux) et Z ont eu accès à des plateformes génératrices de memes comme
« meme generator » ou « know your meme » qui leur ont permis de produire du
contenu mémétique beaucoup plus aisément que les générations précédentes.
53%
40% Figure 17 : création d’un
meme
17%
En ce qui concerne la reception d’un meme crée par une personne de l’entourage,
les réponses sont très claires suivant les générations (figure 18). Les baby-boomers
sont une majorité à prétendre ne jamais, ou très rarement recevoir des memes
produits par des membres de leur entourage. Il en est de même pour la génération X,
malgré une infime exception. Les milléniaux sont ceux qui ont répondu le plus souvent
avoir déjà reçu du contenu mémétique de la part de leur entourage, avec environ 50%
des réponses se trouvant entre « souvent » et « très souvent ». Il se pourrait que cela
soit dû à l’effervescence des générateurs de memes au début des années 2010,
73
lorsque les milléniaux étaient très actifs sur Facebook et d’autres plateformes de
microblogging. Enfin, l’échantillon de membres de la génération Z ne semble pas
recevoir beaucoup de memes créées par des personnes de leur entourage.
13% 23%
37%
46%
33%
30%
27%
30% 17%
36%
33%
23%
17%
10%
On remarque d’abord le succès de certains de ces sites chez les plus jeunes
générations, notamment de Tumblr, de Vine et de Reddit. Tumblr reste le site le plus
connu chez la génération X, mais les autres plateformes n’ont pas ce succès. Enfin,
les baby-boomers sont une majorité, soit 76% à n’en connaître aucun. On remarque
74
également que 4chan est le site le moins connu de toutes les générations – ce qui
peut être expliqué par son inaccessibilité en matière de la configuration de la
plateforme, qui est difficile à appréhender. Cette dernière est connue des internautes
comme étant réservée aux « initiés ».
75
Il semble logique de commencer l’enquête avec celui qualifié de « premier meme »
de tous les temps, apparu en 1996, et montré aux répondants sous forme de vidéo.
Ils avaient la possibilité de cocher les options « vu sous forme de GIF » ou « vu sous
forme de photo » dans le but de comprendre s’ils ont été confrontés à son format initial
(vidéo) ou à un de ses dérivés (photo ou GIF). Le choix de réponses pouvait être
multiple.
Figure 21 : Résultats
pour le « Cha-Cha
Baby »
Peu de répondants ont semblé connaître ce dernier (figure 21). Ce sont les milléniaux
qui ont donné le plus de réponses positives avec 43%, comparé à 13% chez la
génération Z, le chiffre le plus bas recueilli. Le taux de réponses positives liées à ce
meme est identique pour la génération X et les baby-boomers, avec 26% des deux
échantillons ayant répondu favorablement à la question. Cela corrobore l’idée émise
ci-dessus selon laquelle les générations connaissent majoritairement les memes qui
sont apparus sur le réseau social qu’ils fréquentent. Comme vu précédemment, le
« oogatchaka baby » a été transformé en format « gif » (Graphics Interchange Format)
et partagé sur les réseaux au début des années 2000. Les personnes qui étaient donc
présentes sur Facebook à ce moment-là l’ont inévitablement déjà vu (bien que cet
échantillon soit petit, vu que Facebook s’est réellement démocratisé en 2007). La
génération Z, présente tardivement sur les réseaux et en particulier sur Instagram, n’a
donc probablement pas été confrontée à ce meme.
76
Le « Dramatic look », ou « dramatic chipmunk » est tiré de l’émission japonaise ‘Hello
Morning !’. L’extrait de l’émission a été modifié lorsque l’utilisateur Magnets99 y a
rajouté un sample audio issu du film Young Frankenstein (arrangement musical par
John Morris, 1974). C’est sous cette forme-là qu’il a été publié sur YouTube en 2007.
Par la suite, il a été transformé en GIF et en image.
Figure 22 : Dramatic
Chipmunk
2
77
En effet, selon Google Trends, le meme dramatic chipmunk a atteint son pic de
recherches en juillet 2007, puis a baissé radicalement dans les mois qui ont suivi.
Aujourd’hui, les chiffres indiquent que son nombre de recherches a baissé de 99%.
Cela explique pourquoi les milléniaux ont été les plus nombreux à prétendre le
connaître ; il a atteint son apogée lorsque ces derniers se trouvaient en masse sur les
réseaux sociaux.
Le dernier meme que nous avons proposé sous format vidéo est beaucoup plus
récent. Dans le but de tenter de mieux comprendre la variation entre les
connaissances de la génération Y de la génération Z, nous avons sondé les
répondants avec le meme « and I oop » qui a atteint l’apogée de sa popularité en
2019. Le « And I oop » ou « Anna Ou » (figure 24) est un extrait d’une vidéo publiée
en 2015 par la drag queen Jasmine Masters, dans laquelle elle se cogne en plein
milieu d’un discours. En 2019, l’extrait de la vidéo a été republié sur YouTube puis
partagé sur Twitter et Instagram sous forme d’image, de vidéo et de GIF.
Ce meme semble être connu en majorité par la génération Z (Figure 25), avec 53%
de réponses positives, soit 33% de plus que dans l’échantillon des milléniaux. Les
membres de la génération X ne sont que 10% à avoir déjà aperçu ce meme, contre
0% chez les baby-boomers.
78
Figure 25 : Résultats pour
« And I Oop »
Ce meme a fait son apparition sur les réseaux récemment, soit au moment où la
génération Z s’est trouvée en âge de côtoyer les réseaux sociaux en masse. Selon
Google Trends, c’est en septembre 2019 que ce meme a atteint son pic de recherche,
et a été partagé massivement sur Twitter et Instagram – deux réseaux majoritairement
côtoyés par la génération Z. Cela explique son succès auprès de cette dernière.
La première image sur laquelle les participants ont été questionnés (figure 26) est à
l’origine du canon mémétique des « Lolcats » (explicité ci-dessus) selon la base de
données Know Your Meme. Ce meme a instigué tout un mouvement autour de la
création de montages issus de photos humoristiques de chats, avec un texte en
« lolspeak » (se référer au point 2.1.3.4.5) qui est sensé refléter le dialogue interne du
chat en question.
79
Figure 26 : I can haz
Cheeseburger
100%
Figure 27 : Connaissances
liées à « I can haz
cheeseburger »
50%
Nous avons ensuite sondé les participants vis-à-vis du partage de ce meme, ou d’une
de ses déviations (un processus qui a été reproduit pour les 12 images constituant le
corpus mémétique proposé). En effet, il semble important de comprendre l’impact qu’a
le contenu d’un meme sur sa propagation. Sur les 108 répondants qui ont prétendu
80
connaître ce meme ou un meme semblable, 18 d’entre eux l’ont déjà partagé avec
leur entourage.
100%
4.1.3.2.2 « Philosoraptor »
81
selon Google Trends, il a atteint l’apogée de sa popularité sur les réseaux en février
2012.
Prenant en considération le fait que l’image a atteint son pic en 2012, il se peut que
les deux générations aient côtoyé ce meme au même moment, ce qui expliquerait la
popularité du Philosoraptor chez l’une comme chez l’autre.
Au contraire, les générations plus anciennes ont été nombreuses à affirmer ne pas
connaître cette image ou une image semblable. Il se pourrait qu’elle n’ait pas eu
beaucoup de succès auprès de la génération X et des baby-boomers en raison de sa
nature abstraite, peut-être plus difficilement compréhensible qu’une photo. En effet,
comme beaucoup de memes du style « Advice Animals », le Philosoraptor est issu de
4chan – qui comme nous l’avons vu, est une plateforme difficilement accessible et
produisant du contenu relativement niche.
82
4.1.3.2.3 « Success Kid »
Selon Google Trends, le nombre de recherches pour « success kid » a atteint son pic
en février 2012 – un tournant au niveau de la fréquentation générationnelle des
réseaux, qui a vu des membres de la génération Z s’y installer progressivement.
100%
Figure 33 :
Connaissances
liées à « Success
50% Kid »
83
réponses positives. Les membres de la génération X connaissaient cette image à
56%, suivis de loin par les baby-boomers qui étaient plus de 75% à ne pas connaître
cette image, ou une image semblable. Cela démontre que ce type de meme, au
contenu plutôt abstrait, est peu accessible aux générations qui n’ont pas grandi avec
l’émergence des memes.
Enfin, les tendances de partage liées à cette image étaient plus élevées que pour le
« Philosoraptor », particulièrement chez les milléniaux et la génération Z avec plus de
21% et 40% de partages, respectivement (annexes : figure 34). Il est intéressant de
noter que les baby-boomers qui connaissaient l’image ont été plus nombreux que la
génération X à l’avoir partagée avec leur entourage. Il se pourrait que cette image leur
ait paru plus accessible, ou attendrissante que la précédente, car son protagoniste
n’est pas un personnage fictif abstrait, mais un humain qui fait preuve d’émotions
auxquelles il est possible de s’identifier.
Selon les réponses au questionnaire (figure 36), les milléniaux sont les plus nombreux
à connaître ce meme, soit plus de 80%. Comme pour les memes étudiés
précédemment, la génération Z suit cette tendance de près, alors que la génération X
est loin derrière. Seuls 20% des baby-boomers ont prétendu connaître ce meme. Au
niveau du partage (annexe, figure 37), Grumpy Cat a été peu partagé, mais suit la
tendance des memes précédents, avec le plus de partages provenant des milléniaux,
84
suivi de la génération Z. Cette fois-ci, les baby-boomers se retrouvent en dernière
position au niveau du nombre de partages liés à « Grumpy Cat », derrière la
génération X. Ce résultat est surprenant, car « Grumpy Cat » est devenu un
personnage connu des internautes, et du monde entier lorsque le chat, Tardar Sauce,
a fait la une des médias et a figuré dans de nombreuses publicités.
Il a intégré le statut de
« normie meme » (point
100% 2.1.3.4.1) suite à ses
nombreuses apparitions
dans les médias de masse,
50% et devrait par conséquent
être connu par une grande
partie des répondants, peu
importe leur génération ou
leurs habitudes liées au
Figure 36 : Connaissances liées à Grumpy Cat
web.
réponses positives.
85
La génération Z suit derrière, avec 75% de réponses prétendant connaître le ce meme,
ou une image semblable. La tendance s’inverse à nouveau avec la génération X, puis
la génération des baby-
boomers, dont 75% ne
100%
connaissent ni « Bad Luck
Brian » ni un de ses dérivés.
Le contraste entre la
50% génération des milléniaux et
celle des baby-boomers est
frappant, mais suit la
tendance observée jusqu’à
En matière de partages (annexes : figure 40), Bad Luck Brian a eu plus de succès
chez les jeunes générations que les memes abordés précédemment, avec 50% de
milléniaux ayant répondu qu’ils avaient déjà partagé cette image, ou une image
semblable, contre 30% chez la génération Z. Le nombre de partages chez les
générations X et baby-boomers reste très bas, conformément aux autres publications
abordées.
Les participants ont ensuite été sondés sur un personnage tiré des « Rage Comics »
(point 2.1.3.4.4), connu communément sous le nom de « Rage Guy » (figure 41). La
première mention de ce personnage date
de 2008, sur 4chan. Par la suite, d’autres
personnages dessinés de la même
manière (majoritairement avec l’aide de
l’outil MS Paint) ont commencé à
apparaître sur les réseaux. Le pic de
popularité de « rage guy » a été atteint en
novembre 2010, et celui du terme « rage
comics » a été atteint en mars 2012.
Figure 41 : Rage Comics (Rage Guy)
86
Cela montre l’évolution et la
transformation du
100%
meme « rage guy » en
véritable canon mémétique
que forment les « rage
50%
comics ».
Le pic de la popularité des Rage Comics a été atteint en 2012, lors de l’effervescence
des multiples réseaux sociaux présents aujourd’hui. Lorsque l’on observe les
habitudes de partage en lien avec ce meme (annexes : figure 43), on remarque une
vaste différence entre celles des jeunes générations, et celles des générations plus
âgées. En effet, plus de 50% des milléniaux et de la génération Z ont dit avoir déjà
partagé le meme du Rage Guy, ou un meme semblable issu des Rage Comics, contre
moins de 10% pour la génération X, et 5% pour la génération baby-boomer. Ce meme
a donc été largement partagé par, et entre, les générations dites « digital-natives »,
contrairement aux autres générations, qui n’ont donc pas rencontré ce meme lors de
leur présence sur les réseaux.
87
4.1.3.2.7 « Trollface »
Selon les réponses au questionnaire, ce meme est connu par tous les répondants de
l’échantillon de la génération Z (avec 100% de réponses positives) et d’environ 95%
des répondants de la génération des milléniaux.
À nouveau, on observe
un contraste flagrant
100% avec la génération des
baby-boomers, qui sont
95% à prétendre ne pas
connaître ce meme,
50%
suivi de la génération X
avec environ 50% de
réponses positives
liées à la connaissance
La popularité de ce meme a atteint son pic en mars 2012 (Google Trends) mais
contrairement aux memes qui ont été abordés précédemment, ce dernier a
régulièrement rencontré de nouveaux pics de popularité dans les dernières années
(annexe : figure 45). Cela pourrait expliquer la connaissance de ce meme à l’unanimité
chez les membres de la génération Z. À nouveau, une explication pour le manque de
88
connaissances liées à ce meme ou un meme semblable chez les baby-boomers
pourrait être lié à la nature de l’image, qui est très abstraite et quasiment
incompréhensible lorsqu’elle est sortie de son contexte.
89
Selon la base de données, ce meme a fait son apparition sur Reddit en 2015, dans le
but de dénoncer les pratiques des « social justice warriors », c’est-à-dire des
internautes qui s’offusquent et qui s’insurgent lorsqu’ils sont confrontés à des
publications qui ne suivent pas leurs préceptes et leurs croyances. Selon Google
Trends, le meme a atteint son pic de popularité en janvier 2016, pour tomber dans la
désuétude dans les années qui ont suivi.
Selon les réponses, la connaissance de ce meme (figure 49) est mitigée entre
générations. La génération Z a donné environ 95% de réponses positives, suivie par
90% chez les milléniaux. L’échantillon de la génération X a été un peu plus de 55% à
prétendre connaître le meme, la génération des baby-boomers, suivant la tendance
des images précédentes,
100%
n’étaient que 25% à
connaître le meme, avec
une tendance tout de
même plus élevée pour
50%
cette image que pour les
memes sondés ci-dessus.
Au niveau du partage (annexes : figure 50), les tendances sont plus élevées pour Be
like Bill que pour les memes du style Rage Comics ou Trollface. En effet, environ 50%
des milléniaux et de la génération Z ont prétendu avoir déjà partagé ce meme ou un
meme semblable, et les membres de la génération X et des baby-boomers ont été
plus nombreux en matière de partage de ce meme, avec environ 15% chez la
génération X et 10% chez les baby-boomers. Il se pourrait que cela soit lié à la fonction
« exploitable » de Be Like Bill, et au fait qu’il n’ait pas besoin d’être placé dans un
contexte spécifique pour être compris par les internautes.
« Jealous Girlfriend », aussi connu sous le nom de « Distracted Boyfriend » (figure 51)
est un meme issu d’une image illustrant un homme qui se retourne pour observer une
90
femme alors qu’il tient
la main de sa conjointe.
D’origine, cette image
provient de « iStock »,
une base de photos de
libre droits (aussi
appelées des « stock
photos »). La première
modification de l’image
date de 2017, lorsqu’un
Figure 51 : Jealous Girlfriend
utilisateur Facebook y a
superposé du texte. Par la suite, des variantes avec d’autres messages textuels ont
commencé à circuler sur les réseaux. Le texte qui figure sur l’image illustre
typiquement un conflit d’intérêts, représenté par l’homme qui se retourne pour
regarder quelque chose qu’il ne devrait pas regarder, alors que sa conjointe se trouve
juste à côté.
Selon Google trends, l’image a atteint l’apogée de son succès en aout 2017, ce qui
coïncide avec le moment où un utilisateur de Reddit a publié une variante liée aux
éclipses solaires (figure 51), qui a été partagée en masse sur les réseaux,
particulièrement sur Instagram (Know Your Meme, 2017).
Face à cette image, (figure 52), la génération Z a prétendu connaître cette image, ou
une image semblable à l’unanimité avec 100% de réponses positives, suivies par 95%
chez les milléniaux.
Tout comme pour
100%
l’image précédente, la
génération X est
divisée, mais une
50% majorité, soit 63%, a
prétendu connaître le
meme ou un meme
semblable. Enfin, la
Figure 52 : Connaissances liées à Jealous Girlfriend tendance chez les
91
baby-boomers augmente légèrement comparée aux images précédentes, avec
environ 20% de réponses positives.
Les tendances liées au partage de cette image (annexes : figure 53) indiquent que
« Distracted Boyfriend » est le meme qui, jusqu’à présent, a été le plus partagé par la
génération Z. En effet, plus de 60% des répondants issus de cette catégorie ont
prétendu l’avoir déjà partagée. Cette tendance s’inverse chez les milléniaux, qui ne
sont que 30% a avoir déjà partagé ce meme ou un meme semblable. La génération X
et les baby-boomers n’ont été que 10% à donner une réponse positive, mais
proportionnellement aux nombres de personnes ayant prétendu connaître le meme,
les baby-boomers sont plus nombreux à l’avoir partagé. En ce qui concerne les
résultats de partage pour la génération Z, cela peut être expliqué par l’omniprésence
de cette image sur Instagram, le réseau le plus fréquenté par cette génération (Global
Digital Overview, 2019). Les résultats de partage relativement élevés des baby-
boomers peuvent être expliqués par l’aspect accessible de l’image, qui contrairement
à d’autres memes vus ci-dessus, n’a pas besoin de s’inscrire dans un contexte précis
pour être appréciée.
92
consommés dans le but de représenter des situations quotidiennes, auxquelles les
internautes pourraient s’identifier eux-mêmes, ou bien des personnes de leur
entourage. Ce type de meme s’est popularisé dans les dernières années et leur
succès reste relativement stable comme le montre Google Trends (annexes : figure
54). Pour représenter le canon des images qui rentrent dans la catégorie des
« relatable memes », nous avons choisi un des memes les plus populaires de ce style,
selon Know Your Meme. Il s’agit ici du personnage de Kermit la grenouille couchée
sur un lit, avec un texte qui représente la fainéantise et la procrastination que l’on peut
ressentir au quotidien (figure 55).
Les réponses positives concernant la connaissance de cette image ne sont pas aussi
nombreuses que pour les images précédentes (Figure 56). Il se pourrait que cela soit
parce que ce n’est pas tant l’image en soi qui est connue, mais plutôt la catégorie
« relatable » dans laquelle elle se trouve. Environ 90% de la génération Z prétend
connaître cette image, suivie des milléniaux qui sont moins nombreux avec 70% de
réponses positives. La
génération X n’est pas loin
100%
derrière les milléniaux, avec
45% de participants qui ont
dit connaître cette image.
50% Enfin, les baby-boomers
suivent à la hausse la
tendance observée jusqu’à
présent, avec 15% de
réponses positives.
Figure 56 : Connaissances liées au Relatable Memes
93
génération X et les baby-boomers pourrait être attribué au fait que ce type de meme
est plutôt présent sur des plateformes sociales plus récentes et plus fréquentées par
la génération Z et les milléniaux comme Instagram et Twitter, comme nous allons le
voir.
Cela a contribué à la création d’un type particulier de memes, les « twitter memes »,
provenant en majorité de cette plateforme. Les « twitter memes » existent sous de
nombreuses formes, et peuvent contenir des images avec du texte, ou simplement du
texte – un nouveau format de contenu mémétique qui est apparu sur les réseaux dans
les dernières années. Ces memes sont généralement de l’ordre du « relatable
meme », c’est-à-dire qu’ils illustrent des situations du quotidien auxquelles l’internaute
peut s’identifier. La première image du type « twitter meme » qui a été montré aux
participants de l’enquête contient du texte et deux photos. On y voit un garçon qui fait
une grimace humoristique (les deux images semblent être le même garçon à quelques
années d’écart). Le texte superposé sur l’image représente un échange entre un
auxiliaire de vente et un client, qui donne une réponse absurde lorsque l’auxiliaire de
vente lui demande s’il peut faire quelque chose pour lui (figure 58). Ce type de
94
scénario illustre l’incongruité entre le client, qui se croit drôle, et l’auxiliaire de vente
qui semblablement a souvent à faire à ce genre de réplique.
100%
Au niveau du partage lié à cette image ou à une image semblable (annexes : figure
60), la génération Z a été nombreuse à répondre de manière positive. Environ 45%
d’entre eux ont prétendu avoir déjà partagé cette image ou une image semblable avec
leur entourage, contre 23% chez les milléniaux. La génération X a été peu nombreuse
à donner une réponse positive liée au partage, avec seulement 6% de répondants
ayant prétendu qu’ils avaient déjà partagé cette image ou une image semblable. Enfin,
tous les participants issus de la génération des baby-boomers ont prétendu ne jamais
avoir partagé cette image ou une image similaire. Cela peut-être expliqué par le fait
que ces derniers sont peu nombreux sur Twitter et Instagram.
95
formats les plus répandus sur les réseaux en ce moment : les memes constitués
d’images avec du texte, et les memes avec du texte uniquement. Ce deuxième
« Twitter Meme » fait donc partie de la deuxième catégorie. La popularisation des
memes textuels est due à leur provenance : ils sont pour la majeure partie issu de
Twitter, un réseau dont la caractéristique principale fait que les publications ont un
nombre limité de caractères, comme explicité dans le point 2.1.4.1.2. Cela invite ses
utilisateurs à faire preuve de créativité pour s’exprimer de la manière la plus concise
possible – contrairement à d’autres réseaux comme Facebook ou Instagram. Twitter
partage des similitudes avec 4chan, Reddit ou encore Vine dans le fait d’avoir un type
d’humour très précis, souvent en rapport avec l’autodérision. C’est un lieu où la
génération Z et les milléniaux peuvent partager leur ressenti, leurs problèmes ou leurs
expériences avec une communauté d’utilisateurs capables de compatir.
Dans le cas du Twitter Meme ne contenant que du texte (figure 61), la génération Z a
été la plus nombreuse à prétendre connaître ce meme, ou un meme semblable avec
65% de réponses positives (figure 62). La génération des milléniaux a suivi ce résultat
100%
Figure 62 : Connaissances
liées au Twitter
50%
Meme (texte)
96
de très près, avec 60% de réponses positives. Enfin, les résultats de la génération X
et celle des baby-boomers se suivent également, mais dans la tendance inverse, avec
25% de réponses positives et 15% de réponses positives, respectivement. Ces
résultats étaient prévisibles au vu du réseau sur lequel ce type de meme se propage.
Les plus jeunes générations, davantage actives sur Twitter et Instagram, y ont sans
doute été plus souvent confrontées.
97
internautes pourraient s’identifier (figure 64). Le meme représente deux photos d’un
homme avec des écouteurs – une prise de loin, et une prise de plus près. On y voit
l’homme qui semble écouter de la musique en regardant à sa gauche de manière
suspecte. Le texte au-dessus des images décrit une situation dans laquelle une
personne a ses écouteurs, mais éteint la musique afin d’écouter une conversation qui
se passe à côté de lui. On observe d’abord une incongruité entre le texte et l’image –
un aspect typique des memes que l’on a abordé précédemment. En observant la
photo, on imagine que l’homme écoute de la musique, mais lorsqu’on lit le texte on se
rend compte que ce n’est pas le cas. La tournure de la phrase est faite de manière à
aider l’internaute à se projeter personnellement dans la situation, car elle le vise
directement en commençant par « when you » (« quand tu ») – un autre aspect central
aux « relatable memes » car cela participe à établir une relation entre l’internaute et
l’image qu’il visualise.
Il a été demandé aux participants de cocher les affirmations auxquelles ils s’identifient
le plus par rapport à ce type d’image. Ils pouvaient choisir entre « Tout à fait
d’accord », « Plutôt d’accord », « Plutôt pas d’accord » et « Pas du tout d’accord ».
La première question qui a été posée aux participants vis-à-vis de cette image
concerne l’identification personnelle. On remarque un grand contraste entre les
réponses issues des Digital Natives, et celles issues des générations plus âgées. En
effet, environ 80% des répondants issus de la génération Z ont répondu être « Tout à
fait d’accord » ou « Plutôt
d’accord » avec le fait de
100%
s’identifier à ce type
d’image. Les milléniaux
suivent cette tendance
50%
avec environ 75%
réponses positives. En
revanche, la génération X
et celle des baby-boomers
ont toutes deux exprimé un
Figure 65 : Identification personnelle liée au meme
98
désaccord avec cette affirmation, en étant plus de 70% pour la génération X et 90%
pour la génération des baby-boomers à répondre « Plutôt pas d’accord » et « Pas du
tout d’accord » concernant le fait de s’identifier à ce type d’image.
99
4.1.4.3 La création de ce type d’image
Les résultats liés à cette affirmation (figure 67) se recoupent avec ceux concernant la
production de memes en général (figure 17). La majorité des répondants, toutes
générations confondues, ont prétendu ne pas être d’accord avec le fait de créer ce
type d’image et de le partager avec leur entourage. Comme dans le cas de la figure
17, la génération Z est celle qui a répondu avec le plus de réponses positives. Environ
45% de cet échantillon a prétendu être « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord »
avec cette affirmation, un taux égal à celui ayant répondu favorablement au fait de
produire des memes en général. L’échantillon des milléniaux a été moins nombreux
avec environ 26% de réponses « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord »
concernant le fait de créer un meme de ce type, soit 4% de moins que dans le cas de
la figure 16. Alors que 10% des répondants de la génération X et des baby-boomers
avaient prétendu avoir déjà créé un meme, ici la tendance est à la baisse avec
seulement 7% de réponses positives liées à la création d’un meme du type
« relatable » chez la génération X, contre 4% pour l’échantillon issu des baby-
boomers. Il semblerait donc que la génération Z soit tout aussi capable de créer un
meme du type « relatable » que n’importe quel autre type de meme, alors que les
milléniaux, la génération X et les baby-boomers sont moins enclins à créer un meme
du style « relatable », dans le but de partager un ressenti ou une émotion avec leur
entourage, que de créer quelconque autre type de meme.
100%
Figure 67 : la création de
50% ce type d’image
100
4.1.4.4 La compréhension de ce type d’image
L’idée de l’accessibilité mémétique qui a été abordée ci-dessus joue un rôle indéniable
dans la compréhension de certains memes. Alors que l’image (figure 64) sur laquelle
les participants ont été sondés n’a pas besoin d’être inscrite dans un contexte
spécifique pour avoir du sens contrairement à d’autres memes que nous avons étudié
ci-dessus (Rage Comics, Trollface), elle n’est tout de même pas forcément accessible
à toutes les générations d’internautes. D’abord, de par le fait qu’elle s’inspire d’un style
d’image communément partagé sur des réseaux tels qu’Instagram et Twitter, et que
pour réellement en comprendre tout son sens, il faut avoir des connaissances liées au
style des« Twitter Memes » ou « Relatable Meme ». Ensuite, en raison de la
formulation qu’elle emploie, souvent familière, qui s’adresse directement à son public.
Enfin, parce qu’elle illustre la plupart du temps des situations auxquelles pas toutes
les générations peuvent s’identifier. On remarque ici le « digital divide » évoqué par
Henry Jenkins (2006) : en effet, les habitudes des diverses générations liées à la
technologie diffèrent. Prenant le cas de l’image sur laquelle les participants ont été
sondés concernant la compréhension de ce type de meme (figure 64), on peut noter
des différences liées aux habitudes d’écoute de musique dans les lieux publics. Les
plus jeunes générations effectuent souvent des activités quotidiennes en écoutant de
la musique sur leur smartphone (dans les transports en commun, en faisant les
courses, en marchant dans la rue) alors que les baby-boomers, par exemple, n’ont
pas ce réflexe (Reuters, 2020). Confrontés à cette image, non seulement les baby-
boomers d’arriveront pas forcément à s’y identifier, mais ils seront donc moins
nombreux à la comprendre.
100%
Figure 68 : 50%
Compréhension de ce
type d’image
101
On constate en effet que l’échantillon des baby-boomers est celui qui contient le plus
de réponses « Tout à fait d’accord » et « Plutôt d’accord » avec plus de 60% de
réponses concernant le fait de ne pas comprendre ce type d’images (Figure 68). En
revanche, la tendance s’inverse chez les plus jeunes générations. Les participants
issus de la génération Z ne sont que 13% à ne pas comprendre ce type d’image,
comparé à 3% chez les milléniaux. Enfin, la génération X est mitigée, avec environ
50% des répondants qui sont « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt pas d’accord »
concernant le fait de ne pas comprendre ce type d’image. Dans l’ensemble, les
participants prétendent comprendre ce type d’image, hormis la majorité des baby-
boomers – sans doute pour les raisons explicitées ci-dessus.
Le questionnaire a été produit en mars 2020, et distribué sur les réseaux en avril 2020,
lors du premier semi-confinement lié au Covid-19 en Suisse. Il a donc semblé propice
de tenter de tester la théorie de la « Règle des 3 C » émise par Lisii Lainest, selon
laquelle les internautes produisent, consomment et partagent plus de contenu lors de
crises, de conflits ou de catastrophes (1030, 2016). Il s’agirait d’un mécanisme
psychologique qui consiste en une sélection émotionnelle de contenu afin d’affronter
une situation anormale en partageant son ressenti et son vécu avec autrui.
Pour tester cette théorie, les participants ont été confrontés à quatre memes du type
« relatable » en lien avec diverses situations provoquées par le Covid-19. Il leur a été
demandé de cocher les affirmations qui leur semblaient pertinentes de manière à
établir un comparatif entre leurs réponses liées à la production, au partage et à la
consommation de memes en général versus en temps de crise sanitaire.
102
Figure 69 : « relatable meme » en
lien avec le semi-confinement
103
Figure 71 : « relatable meme » en
lien avec les cours sur Zoom
104
Les quatre memes présentés ci-dessus ont été choisi, car ils représentent des
situations auxquelles presque tous les participants ont été confrontés lors de la
première vague de cas Covid-19 en Suisse. La figure 57 illustre le contraste flagrant
qui a été constaté vis-à-vis des habitudes du quotidien. En effet, les restrictions liées
aux activités en groupe et aux déplacements ont provoqué en véritable essor dans les
activités sportives et les promenades dans les lieux publics en Suisse. La figure 58
illustre l’impact (exagéré) de la désinfection fréquente des mains au quotidien. La
figure 59 illustre l’adaptation des étudiants aux plateformes de cours en ligne comme
Zoom, et la possibilité de débuter la journée de cours chez soi, en pyjama, ou bien
tout fraichement levé du lit, ainsi que la panoplie de visages des différents élèves,
souvent en décalage les uns avec les autres (certains bien habillés, d’autres en
jogging, certains avec une mauvaise connexion, ou une webcam de piètre qualité). La
figure 60 illustre le ressenti des parents, confrontés au fait de devoir garder leurs
enfants à la maison et veiller à ce qu’ils suivent les cours en ligne, et donc obligés de
passer leurs journées avec, contrairement au fait de pouvoir les déposer à l’école.
Lorsque les participants avaient été sondés vis-à-vis des « relatable memes » du
quotidien (figure 64), les générations semblaient être divisées concernant le fait de
s’identifier au contenu mémétique. Tandis que 80% de la génération Z et 75% de la
génération des milléniaux avaient répondu qu’ils arrivaient à s’identifier au contenu du
type « relatable memes », seuls 30% de la génération X et 10% de la génération des
baby-boomers avaient prétendu pouvoir s’identifier à ce type de contenu.
105
signalé être « Tout à fait d’accord » et « Plutôt d’accord » avec l’affirmation liée à
l’identification personnelle, contre 50% de réponses positives chez les baby-boomers.
On remarque donc une augmentation non négligeable du taux de répondants qui
arrivent à s’identifier à du contenu lorsqu’il est en rapport avec une crise actuelle.
Concernant les plus jeunes générations, les chiffres sont similaires à ceux recueillis
dans la figure 64, avec 80% de réponses positives du type « Tout à fait d’accord » et
« plutôt d’accord » chez la génération Z et chez la génération des milléniaux.
On observe dans la figure 12, en rapport avec les motivations derrière la sauvegarde
de photos et de vidéos, que l’identification d’autrui est une des raisons principales
derrière le fait de sauvegarder du contenu mémétique. En effet, selon Limor Shifman,
l’individu obtient une gratification personnelle lorsqu’il partage un contenu du type
« relatable » avec des membres de son entourage – comme vu précédemment.
Lorsque les participants ont été sondés sur la question concernant l’identification de
leur entourage à des images du type « relatable meme » en rapport avec la crise du
Covid-19 (figure 74), la majorité d’entre eux ont répondu qu’ils étaient « Tout à fait
d’accord » et « Plutôt d’accord » avec le fait que leur entourage pourrait s’identifier à
ce type de contenu mémétique. En effet, 80% des répondants de la génération Z et
86% des répondants issus de la génération des milléniaux ont répondu de manière
positive à cette question. La génération X n’était pas loin derrière avec 66% de
réponses de l’ordre du « Tout à fait d’accord » et « Plutôt d’accord », suivie par la
génération des baby-
boomers qui étaient 53%
100%
à répondre de manière
positive à cette question.
Il semble donc qu’un
50% grand nombre des
participants de l’enquête
soit plutôt d’accord avec
le fait que leur entourage
puisse s’identifier à du
Figure 74 : Identification d’autrui en cas de crise
contenu mémétique en
106
rapport à la crise du Covid-19. Comme vu précédemment, reconnaître quelqu’un de
son entourage dans un contenu mémétique encourage l’individu à le partager. Cela
pourrait donc en partie expliquer pourquoi le contenu mémétique en rapport avec une
catastrophe, un conflit, ou une crise, se propage aussi massivement.
Lorsque les participants ont été sondés sur le fait de partager du contenu mémétique
ordinaire avec leur entourage (figure 66), les générations Z et milléniaux ont été 60%
et 53%, respectivement, à répondre qu’ils partageraient des images du type
« relatable meme », comparé à 30% de réponses positives chez la génération X et les
baby-boomers. Cette tendance a largement augmenté lors de la crise du Covid-19,
particulièrement chez les générations plus âgées (figure 75). En effet, 50% des
répondants issus de la génération X et 60% des répondants issus de la génération
des baby-boomers ont prétendu être « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord »
avec le fait de partager des images du type « relatable memes » en rapport avec la
situation du Covid-19 avec leur entourage – soit presque le double de réponses
positives qu’en temps normal. Environ 70% de la génération Z et des milléniaux ont
répondu « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord » avec le fait de partager ce type
de meme avec leur entourage, avec un taux légèrement plus positif chez les
milléniaux.
107
4.1.5.4 Production mémétique en temps de crise
Nous nous sommes déjà attardés sur la production de contenu mémétique par les
différentes générations. Il est cependant intéressant de voir si le taux observé jusqu’à
présent varie lorsque les individus se trouvent en situation de crise. Lorsque les
participants ont été sondés sur le fait de produire et partager du contenu mémétique
du type « relatable meme » (figure 67), la majorité des participants a prétendu ne pas
participer à ce genre d’activités. Chez la génération Z, environ 45% de répondants ont
prétendu être « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord » avec le fait de créer un
même du type « relatable », contre 26% chez les milléniaux. En ce qui concerne la
génération X, seuls 7% des répondants ont été « Tout à fait d’accord » ou « plutôt
d’accord » avec le fait de créer du contenu mémétique auquel leur entourage pourrait
s’identifier. Enfin, la génération des baby-boomers a donné le taux de réponses
positives le plus faible des divers échantillons, où seuls 4% des répondants ayant
prétendu qu’ils pourraient créer du contenu du type « relatable meme » et le partager
avec leur entourage.
108
Les participants de cet échantillon ont été 20% à répondre qu’ils pourraient créer un
meme du style « relatable » en cas de la crise du Covid-19, soit cinq fois plus
nombreux qu’en temps normal.
Nous avons observé au point 4.1.5.3 que les participants ont été plus nombreux à
prétendre partager du contenu de type « relatable meme » en rapport avec la crise du
109
Covid-19 (figure 75) comparé à leurs habitudes de partage en temps ordinaire (figure
66). Il est donc important de comprendre s’ils sont conscients de cette augmentation,
et s’ils ont constaté une augmentation dans leurs habitudes de partage pendant la
pandémie.
Les résultats montrent qu’une partie non négligeable des répondants ont prétendu
avoir partagé davantage de contenu mémétique depuis le début de la crise du Covid-
19 (figure 78).
La moitié de
100%
l’échantillon de la
génération Z (50%) a
répondu être « Tout à
110
réseaux (figure 4) et 10% à prétendre partager une image du type « relatable meme »
ordinaire, ils ont été les plus nombreux des quatre générations sondées à affirmer
qu’ils partageaient plus de contenu depuis le début de la crise du Covid-19.
répondants. Pour cette raison, les participants ont été sondés sur l’augmentation de
la quantité de contenu reçu par leur entourage depuis le début de la crise du Covid-
19. Selon les résultats illustrés par la figure 78, tous les échantillons générationnels
ont constaté une augmentation au niveau de leurs habitudes de partage. Cela devrait
donc se ressentir dans les résultats liés à l’augmentation du contenu reçu.
En effet, plus de la moitié des échantillons issus de toutes générations ont répondu
qu’ils avaient reçu davantage de contenu mémétique de la part de leur entourage
depuis le début de la pandémie (figure 79). Les répondants issus de la génération Z
ont été les plus nombreux à être « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord », avec
un taux de 83% de réponses favorables concernant l’affirmation. Les répondants issus
de la génération des milléniaux ont été 60% à constater une augmentation au niveau
du contenu mémétique reçu de la part de leur entourage. La génération X a suivi cette
tendance de près, avec 66% de réponses positives liées à l’augmentation du contenu
reçu. Enfin, les répondants issus de la génération des baby-boomers ont été 70% à
être « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord » avec le fait d’avoir reçu un nombre
plus élevé d’images et de vidéos depuis le début de la pandémie.
111
4.1.5.8 Partage de contenu en lien avec la crise
Les tendances liées au contenu partagé en temps de crise varient entre les
générations (figure 80). En effet, les répondants de la génération Z ont été 56% à être
« Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord » avec l’affirmation selon laquelle le
contenu qu’ils ont partagé depuis le début de la crise avait le plus souvent un lien avec
la pandémie du Covid-19, contre seulement 36% pour l’échantillon des milléniaux. La
génération X, elle, a été 56% à prétendre partager en majorité du contenu en rapport
avec la crise. Enfin, les tendances mémétiques en temps de crise chez les baby-
boomers continuent à être plus élevées que les autres générations : 70% de
l’échantillon a prétendu être « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord » avec le fait
que la majorité du contenu qu’ils ont partagé en période de crise avait un rapport avec
la pandémie. Il
semblerait donc que
la situation de crise
100%
ait radicalement
modifié les habitudes
de partages des
50%
baby-boomers, ce
qui suit la tendance
démontrée jusqu’à
lors.
Figure 80 : Partage de contenu en lien avec la crise
112
4.1.5.9 Réception de contenu en lien avec la crise
Les participants ont ensuite été questionnés sur la nature du contenu mémétique qu’ils
ont reçu depuis le début de la crise du Covid-19, afin de comprendre s’il était différent
du type de contenu reçu en temps normal. Comme l’illustre la figure 80, une grande
partie des participants ont prétendu envoyer davantage de contenu en lien avec le
Covid-19 depuis le début de la pandémie. Il est donc aisé d’imaginer que le contenu
qu’ils ont reçu de leur entourage suit cette même tendance.
Selon les résultats, plus que de 70% des répondants, générations confondues, a
prétendu avoir reçu en majorité du contenu ayant un rapport avec la pandémie du
Covid-19 depuis le début de la crise (figure 81). Les participants de génération Z ont
été les plus nombreux, avec 83% à répondre être « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt
d’accord » avec l’affirmation selon laquelle le contenu mémétique qu’ils ont reçu de
leur entourage depuis le début de la crise avait un rapport avec le Covid-19. Les
milléniaux ont été les moins nombreux à exprimer un accord avec cette affirmation,
avec 63% de réponses positives – un chiffre tout de même non négligeable.
L’échantillon de la génération X a été plus nombreux à être en accord avec
l’affirmation, avec 73% de réponses positives. Le taux de participants qui étaient
« Tout à fait d’accord » ou « plutôt d’accord » chez les baby-boomers est légèrement
plus élevé, avec 76% de réponses positives – ils étaient cependant les plus nombreux
à prétendre être
« Tout à fait
d’accord » avec le
100%
fait de recevoir
davantage de
contenu concernant
50%
le Covid-19 depuis le
début de la crise.
113
4.1.5.10 Compréhension du contenu mémétique en lien avec la
crise
Comme constaté précédemment, les résultats corroborent l’idée selon laquelle la crise
du Covid-19 a davantage impliqué les générations plus âgées, particulièrement celle
des baby-boomers, dans la consommation et le partage mémétique. Lorsque les
répondants (toutes générations confondues) ont été sondés sur leur compréhension
vis-à-vis de « relatable memes » qui illustre des situations ordinaires (figure 68), 60%
des participants issus de l’échantillon baby-boomer ont prétendu ne pas comprendre
ce type d’image, suivi dans cette même tendance par 50% des répondants issus de
la génération X. En revanche, seuls 13% des membres de la génération Z ont
prétendu être « Tout à fait d’accord » ou « Plutôt d’accord » avec le fait de ne pas
comprendre le contenu mémétique du style « relatable meme, contre seulement 3%
pour la génération des milléniaux.
Lorsque l’on compare ces résultats avec la compréhension de contenu mémétique lié
à la crise du Covid-19, on observe un changement radical au niveau de la
compréhension de ce type de contenu, particulièrement chez les générations X et des
baby-boomers (figure 82). En effet, 96% de l’échantillon de la génération X prétend
être « Plutôt pas d’accord » ou « Pas du tout d’accord » avec le fait de ne pas
comprendre ce type de contenu mémétique, un taux de réponse égal à celui de la
génération des milléniaux. Cette tendance est suivie, à la baisse, par les participants
issus de la génération des baby-boomers, avec 76% de réponses qui affirment ne pas
être en accord avec le fait de ne pas comprendre les memes en rapport avec la crise
du Covid-19 (Figures
69, 70, 71 et 72). Enfin,
100%
90% des répondants
issus de la génération
Z sont « Plutôt pas
50%
d’accord » ou « Pas du
tout d’accord » avec le
fait de ne pas
comprendre ce type
d’image.
Figure 82 : Compréhension du contenu mémétique en lien avec la crise
114
Ces résultats démontrent qu’un contenu mémétique semble mieux compris lorsqu’il a
un rapport avec une situation vécue. En effet, si l’on compare la compréhension de
mêmes « ordinaires » (figure 68) avec celle de memes liés à une situation de crise
(figure 82) les résultats de la génération X et des baby-boomers vis-à-vis de la
compréhension de contenu mémétique sont démultipliés de manière exponentielle.
115
V. Discussion
5.1 Observations
5.1.1 Les classes d’âge et la technologie
Le nombre de personnes présentes sur les réseaux selon les classes d’âge est
prévisible. Il va en décrescendo suivant l’augmentation de l’âge, malgré le fait que la
majorité des participants se trouvent sur au moins un réseau social. Tous les
participants issus de l’échantillon de la génération Z ont prétendu être sur un réseau
social (figure 1).
5.1.1.1 La génération Z
Le réseau le plus fréquenté par cette génération est Instagram, avec la présence de
100% des participants sur ce réseau – soit 30% de plus que leur présence sur
Facebook. Il semblerait qu’Instagram ait servi de remplacement, ou d’une alternative
plus moderne que Facebook. Elle offre le même type de fonctions (production,
publication, messagerie instantanée, like et partage de contenu) avec en plus, un
aspect plus interactif lié à la possibilité de faire des Stories (du contenu éphémère) et
des Lives (une diffusion en direct). Lorsque l’on observe les habitudes de cette
génération liées aux réseaux (figure 4), on remarque qu’ils sont les plus nombreux à
produire du contenu (soit 90% d’entre eux) vis-à-vis des autres générations. Les
nombreux outils de production de contenu proposés par Instagram en font donc la
plateforme idéale pour eux.
Le deuxième réseau le plus populaire au sein de cette génération est Facebook, avec
70% de l’échantillon présent dessus, faisant d’elle la génération la moins présente sur
ce réseau social. Selon le Digital Report, Facebook a atteint l’apogée de sa popularité
en 2010 alors que les membres les plus âgés de la génération Z n’avaient que 13 ans
– l’âge minimum requis pour se créer un compte sur la plateforme. De plus, les outils
proposés par Facebook ne permettent sans doute pas le même potentiel d’interaction
que les deux réseaux susmentionnés. Ces aspects pourraient donc expliquer pourquoi
ils ne sont pas plus nombreux à être sur ce réseau social.
116
propose des aspects semblables aux fonctions d’Instagram, avec la possibilité d’une
communication directe avec les célébrités ou les influenceurs. Il permet aussi aux
utilisateurs d’interagir librement (et publiquement), sans avoir besoin d’être « amis »
ou de faire partie du même cercle. Cela a favorisé le développement des Fandoms,
c’est-à-dire des groupes de fans d’une même célébrité (La «Beyhive » de Beyonce,
les « Little Monsters » de Lady Gaga, les « Bieliebers » de Justin Bieber etc..) qui a la
possibilité de se faire remarquer par les célébrités qu’ils vénèrent et de partager avec
les autres membres d’un même groupe de fans.
Twitter et Instagram proposent en plus des comptes dédiés entièrement aux memes
(dont quelques-uns ont été mentionnés ci-dessus). Les memes qui y sont publiés sont
de l’ordre des « relatable memes », abordant des thématiques auxquelles les jeunes
utilisateurs peuvent s’identifier, ou identifier leurs amis avec qui ils ont la possibilité de
partager et de s’envoyer ce contenu mémétique par le biais des messageries
instantanées disponibles sur les deux plateformes.
Le taux de présence sur TikTok et égal à celui pour Twitter, soit 60% de l’échantillon.
Cette plateforme cible essentiellement la génération Z – il suffit de regarder quelques
une de ses vidéos pour le comprendre. Selon le Pew Research Center (2019), 75%
des utilisateurs de TikTok ont moins de 20 ans (2019). De plus, ce réseau requiert
certaines compétences technologiques pour comprendre son interface plutôt
complexe, particulièrement lorsqu’il s’agit de l’outil « création de vidéo » qui propose
des milliers d’effets et de possibilités de postproduction, ainsi qu’en matière
d’interaction avec les autres utilisateurs. Le taux de présence sur TikTok (figure 1)
recueilli en mars 2020 serait sans doute bien plus élevé aujourd’hui, car la plateforme
a subi un véritable boom lors de cette dernière, à cause de la pandémie du Covid-19.
Le réseau le plus côtoyé par l’échantillon, avec une présence de 96% des milléniaux
est Facebook. De toutes les générations, les milléniaux sont les plus présents sur la
plateforme. En 2010, lors de l’apogée de Facebook (Digital Report, 2019), les plus
jeunes milléniaux étaient en âge de s’inscrire sur le réseau, mais la majorité de cette
génération y était sans doute déjà présente. Selon le Pew Research Center, les
membres plus âgés de cet échantillon étaient d’ailleurs déjà adolescents lorsque le
117
Web 2.0 et les plateformes sociales se sont popularisés. Ils sont également la
première génération à avoir privilégié Internet aux médias traditionnels, comme la
télévision (Reisenwitz, 2019).
Instagram est le deuxième réseau le plus fréquenté par cette génération malgré le fait
qu’elle soit 30% plus basse que dans le cas de la génération Z. La plateforme a fait
ses débuts en 2010, lorsque Facebook était en plein essor, et a atteint le pic de sa
popularité lorsque les plus jeunes milléniaux étaient déjà adultes. Selon la figure 4 liée
aux habitudes sur les réseaux, cette génération privilégie la communication au-delà
de la publication ou du partage de contenu (contrairement à la génération Z). Or, l’outil
de messagerie instantanée proposé par Instagram est très minimaliste en
comparaison à celui Facebook qui propose « Messenger », une plateforme très
complète, et entièrement dédiée à la communication. Ces raisons pourraient
également contribuer à la basse fréquentation de Twitter chez les milléniaux, soit
seulement 25%.
Linkedin est cité comme le troisième réseau le plus populaire au sein de cette
génération, sans doute parce que tous les milléniaux sont aujourd’hui adultes, et
qu’elle facilite le contact professionnel. La présence des milléniaux sur TikTok était
très basse lorsqu’ils ont été sondés en mars 2020, mais cette tendance a sans doute
changé aujourd’hui, nous y reviendrons.
5.1.1.3 La génération X
118
La différence majeure est que c’est Linkedin qui occupe la deuxième place en termes
de popularité au sein de l’échantillon de la génération X (sans doute pour des raisons
professionnelles, similaires à celles expliquant la présence des milléniaux sur cette
plateforme).
Comme pour les deux générations précédentes, Facebook est le réseau social préféré
des baby-boomers. Ils sont même plus nombreux que la génération X à y être
présents, soit à 83%. Cela illustre l’idée de Dimock (2019) selon laquelle cette
génération a appris à s’adapter aux diverses technologies qui ont émergé au cours de
leur vie (télévision, ordinateur, smartphones, réseaux sociaux). Cependant, leur
présence sur les autres réseaux sociaux est moins répartie que pour les générations
qui leur succèdent.
En effet, seuls 30% d’entre eux prétendent être sur Instagram. Bien que ce résultat
soit relativement bas, il montre que cette génération a fait preuve d’un effort
adaptation. Ce pourcentage est le même qui celui lié à leur présence sur Linkedin, un
résultat qui pourrait être justifié par le fait que les baby-boomers étaient déjà en plein
dans la vie active et professionnelle en 2003, au moment où Linkedin a été créé.
Étonnement, leur taux de présence sur Twitter n’est pas loin de celui de la génération
des milléniaux. Il est cependant important de noter que contrairement à Facebook et
119
Instagram, un internaute n’a pas besoin de se créer un compte sur Twitter pour
visualiser son contenu (en revanche, il doit en avoir un pour en produire et en partager,
ainsi que pour interagir avec les autres utilisateurs de la plateforme). Lorsque l’on
prend en compte les résultats liés aux habitudes sur les réseaux (figure 4), on
remarque que la génération des baby-boomers est celle qui publie, qui partage et qui
commente le moins. En effet, elle semble favoriser la communication avec son
entourage et le fait de liker du contenu. Son utilisation des réseaux sociaux liée au
contenu est donc majoritairement passive. Cela pourrait contribuer à expliquer cette
présence sur Twitter.
Si l’on analyse les résultats concernant les habitudes des générations sur les réseaux
(figure 4), il est possible d’en déceler les tendances principales et d’y appliquer le
modèle d’Horowitz explicité ci-dessus. Selon cette théorie, les utilisateurs des réseaux
peuvent être classés dans trois catégories : les créateurs (production de contenu),
les synthétiseurs (partage et modification de contenu) et les consommateurs
(consommation et like de contenu) (15 : 2008). Comme nous l’avons vu, 90% de
l’échantillon de la génération Z a répondu qu’ils publiaient du contenu sur les réseaux
(notamment sur Instagram), faisant d’eux une génération constituée en majorité de
Créateurs. Les milléniaux ont été beaucoup moins nombreux à prétendre créer du
contenu, soit 60% - un pourcentage égal à ceux d’entre eux ayant prétendu partager
du contenu. Ils se trouvent donc dans une catégorie de Créateur-Synthétiseur. Les
participants de la génération X ont été 73% à prétendre essentiellement liker du
contenu sur les réseaux, une habitude suivie de près, à 70%, par celle de partager du
contenu. Ils se trouvent donc, comme la génération des milléniaux, entre deux
catégories : ce sont pour la plupart des Synthétiseurs-Consommateurs. Enfin, la
génération des baby-boomers ont été une majorité (60%) à prétendre liker du contenu
– ce qui fait d’elle une génération de Consommateurs.
Les quatre générations sondées entrent donc dans des catégories différentes en
matière de leur activité sur les réseaux sociaux, et par conséquent en termes de leurs
habitudes et connaissances liées aux memes.
120
5.1.3 Le partage de contenu : Retour sur les Usages et Gratifications
Les questions liées aux raisons derrière le partage de contenu sur les réseaux ont été
posées dans le but de déceler les motivations derrière cette habitude. En effet, un des
postulats de ce travail est le fait que le contenu mémétique se propage massivement,
car il permet à l’internaute de remplir des besoins fondamentaux autant sur le plan
émotionnel (compréhension, communication et partage de son ressenti avec autrui)
que social (gratification liée à son image, intégration sociale). Cette impression est
renforcée par l’idée de Limor Shifman, selon laquelle un internaute bénéficie
d’émotions positives autant lorsqu’il partage du contenu avec son entourage que
lorsqu’il en reçoit (14 : 2018).
La tendance générale des résultats obtenus montre également qu’un contenu est
partagé essentiellement lorsqu’il a suscité une émotion positive et forte chez le
répondant – par opposition au fait de susciter une émotion positive et forte chez le
destinataire. En effet, le nombre de participants ayant prétendu partager un contenu
parce qu’il pourrait faire rire ou intéresser leur entourage est bien moins élevé que
ceux ayant prétendu partager un contenu pour des raisons liées à la gratification
personnelle. Dans le cas du partage pour des raisons liées à l’entourage, le fait de
partager un contenu intéressant prime sur le fait de partager du contenu humoristique.
121
Cela appuie l’idée selon laquelle un individu partage du contenu essentiellement pour
des raisons centrées sur lui-même: En effet, Shifman explique qu’un utilisateur aura
tendance à publier du contenu étonnant, intéressant ou utile plutôt qu’humoristique
(démontrée par les résultats obtenus lors de cette enquête), car cela lui donnera
l’impression d’instruire ou d’éduquer son entourage et satisfera donc son besoin
d’estime, car il se sentira important (Maslow, 1943), son besoin civique, s’il s’agit de
contenu lié à une cause importante (Johns, 2015) ainsi que son besoin
d’appartenance au groupe (Leung, 2018).
Ces tendances, plutôt égocentriques, de l’internaute sont appuyées par les résultats
des figures 6, 7 et 8 en lien avec le contenu servant de reflet à l’individu. Les
générations ont d’abord été sondées sur la fréquence du partage de contenu reflétant
leur humeur (figure 6) : une moyenne de 90% des participants issus des générations
Z, millénariale et X a prétendu avoir déjà partagé du contenu en lien avec leur humeur.
En revanche, cette tendance est moins élevée pour la génération des baby-boomers,
avec 60% de réponses positives liées à la question. En ce qui concerne le fait de
partager du contenu qui reflète une situation vécue par l’individu (figure 7), environ
80% des répondants – toutes générations confondues – ont prétendu l’avoir déjà fait
au moins une fois, bien que la tendance soit légèrement plus basse chez la génération
des baby-boomers. Enfin, lorsque les individus ont été sondés sur le fait de partager
du contenu en lien avec un film ou une série qu’ils ont regardés, 100% de l’échantillon
de la génération Z a répondu l’avoir déjà fait, suivis de près par les milléniaux. On
remarque ici une dissidence avec les générations X et des baby-boomers où environ
40% des participants en moyenne ont répondu n’avoir jamais partagé de contenu en
lien avec un film ou une série.
122
observe les graphiques (figures 6, 7, et 8) on remarque que le partage de contenu en
lien avec soi-même diminue au fil des générations.
Cette théorie est appuyée par la figure 9 concernant le fait d’envoyer du contenu à
quelqu’un dans le but d’illustrer son humeur ou son état d’âme. À nouveau, la
génération Z a été 96% à prétendre l’avoir déjà fait, suivie de la génération des
milléniaux avec 83% de réponses positives. Les répondants issus de la génération X
ont été 67% à répondre qu’ils avaient déjà envoyé du contenu à quelqu’un dans le but
d’illustrer une humeur ou un état d’âme, comparé à 63% pour la génération des baby-
boomers. Il semblerait donc que de manière générale, les plus jeunes générations
créent, consomment et partagent du contenu en lien avec leurs émotions, leurs
humeurs ou leur situation de manière plus fréquente que les générations X et des
baby-boomers.
Les résultats observés jusqu’ici laissent donc penser que l’usage de la génération des
baby-boomers lié aux réseaux sociaux est différent que celui des autres générations.
Ils ont tendance à partager du contenu qui leur semble intéressant, à titre informatif,
généralement pas définie par une humeur ou une situation dans laquelle ils se
trouvent, et participent donc à un partage peut-être plus objectif et moins centré sur la
personne que les générations Z et milléniariaux (il semblerait que la génération X se
trouve dans un entre-deux). Lorsque l’on observe les tendances liées au partage en
masse (figure 15) - c’est-à-dire le fait d’envoyer le même contenu à plusieurs de ces
contacts, on remarque que les baby-boomers sont à la tête du classement avec 94%
de réponses prétendant avoir déjà envoyé le même contenu à plusieurs personnes.
On remarque également qu’ils sont les plus nombreux à prétendre recevoir du contenu
de la part de leurs contacts, et ce à une fréquence plus élevée que les autres
générations (figure 10). On décèle donc une habitude de partage informative et
massive liée à cette génération en particulier – un mode de partage qui évoque
l’époque des chaînes de messagerie. Alors que la génération X semble s’être adaptée
à Internet en optant pour une utilisation qui se calque sur celle des plus jeunes
générations, les baby-boomers semblent s’y être adaptés en leurs propres termes.
123
5.1.4 Les connaissances liées aux memes
Lorsque l’on observe les résultats liés à possession d’objets connectés (figure 2), le
niveau élevé des répondants possédant un smartphone (99%), un ordinateur (96%)
et une connexion Internet (99%) nous indique que les participants sont très connectés
en matière de technologie, toutes générations confondues.
En ce qui concerne les plateformes qui ont occupé un rôle clé dans l’évolution et la
diffusion mémétique, la génération des milléniaux semble en connaître le plus grand
nombre (figure 19). Cela peut être expliqué par le fait que les sites tels que Reddit,
4chan, Tumblr – ayant contribué au succès du meme, ont émergé entre 2003 et 2007
et se sont popularisés dans les années qui ont suivi, soit au moment où la présence
milléniaux s’est intensifiée sur le Web 2.0. La génération Z suit cette tendance de près,
et connaît également un grand nombre de ces plateformes, mais d’une manière plus
passive, car aujourd’hui la production et la diffusion mémétique ont migré en grande
partie sur des réseaux comme Twitter et Instagram. On note ensuite un léger écart
avec la génération X qui prétend connaître une partie de ces plateformes, hormis
4chan – une tendance qui peut être expliquée par le côté obscur de cette plateforme
explicité précédemment, qui difficilement compréhensible et accessible à moins
d’avoir grandi avec ou d’avoir les outils générationnels pour la comprendre. Enfin, 73%
de l’échantillon des baby-boomers prétend ne connaître aucune de ces plateformes,
un résultat qui n’est pas étonnant, mais qui a sans doute un impact sur les
connaissances et la compréhension mémétique de cette génération.
124
En moyenne, la génération Z est celle ayant répondu le plus favorablement, avec 75%
de réponses positives liées à la connaissance du corpus, suivie de 73,4% pour la
génération des milléniaux. La moyenne de réponses favorables pour la génération X
est de 34,7%, contre seulement 15% pour la génération des baby-boomers.
Ces chiffres illustrent les tendances globales liées au corpus. Les générations Z et
millénariale se sont chevauchées en matière de connaissances mémétiques :
cependant, on décèle une tendance selon laquelle une génération connaîtra mieux un
meme ayant été produit ou diffusé en masse lors de l’apogée de sa présence sur les
réseaux sociaux, comme démontré par les résultats liés aux trois vidéos du corpus
(figures 20, 22 et 24) c’est-à-dire « Cha-Cha Baby » (2006), « Dramatic Chipmunk »
(2007) et « And I Oop » (2015). Les participants issus de l’échantillon des milléniaux
ont été les plus nombreux à prétendre connaître « Cha-Cha Baby » et « Dramatic
Chipmunk » de manière générale et particulièrement en format vidéo – le format sous
lequel ils ont été diffusés en premier sur les réseaux. Bien que ces vidéos soient
encore présentes aujourd’hui, particulièrement sous format « GIF », elles ont atteint
le pic de leur popularité sur les réseaux avant 2010. À cette époque, les individus les
plus âgés de la génération Z n’étaient pas encore en âge d’y être présents,
contrairement à la génération des milléniaux qui s’y trouvaient déjà en masse. Les
résultats pour « And I Oop » confirment cette idée : publiée en 2015 et atteignant le
pic de sa popularité en 2019, elle est majoritairement connue par la génération Z, qui
se trouve plus nombreuse sur les réseaux que quelconque autre génération (Global
Web Index, 2019), alors que le taux de présence des milléniaux sur les réseaux baisse
progressivement depuis 2017 (ibidem).
La tendance concernant le contenu mémétique sous forme d’image (soit les 12
memes restants) soutient cette idée, avec quelques exceptions. Le quatrième meme
de la liste « I can haz cheeseburger » (figure 26) est connu en majorité par la
génération Z, alors qu’il a atteint le pic de sa popularité avant 2010. Cela peut être
expliqué par le fait que le mouvement des Lolcatz (explicité ci-dessus) est encore
d’actualité aujourd’hui, et il existe encore toute une communauté active qui produit et
qui partage du contenu dérivé de ce meme. Cela rajoute donc à notre théorie le fait
qu’un meme sera connu en majorité par la génération qui l’a côtoyé sur les réseaux à
son pic, à moins qu’il soit encore pertinent aujourd’hui. Un autre meme qui rentre dans
cette catégorie est celui du « Trollface », apparu sur les réseaux pour la première fois
en 2008, mais encore utilisé et pertinent aujourd’hui, comme le montre Google Trends
125
(annexes : figure 46). Cela peut justifier le fait qu’il soit connu par 100% des
répondants issus de la génération Z, bien que ce taux soit comparable à celui de la
génération des milléniaux.
En ce qui concerne le reste du corpus, les résultats suivent les tendances évoquées
jusqu’ici. On remarque même une division temporelle liée à la connaissance de
memes chez la génération Z et la génération des milléniaux : les memes ayant atteint
le pic de leur popularité avant 2012 sont connus en majorité par la génération des
milléniaux – tandis que les memes ayant atteint le pic de leur popularité après 2015
sont connus en majorité par la génération Z (nous n’avons pas de memes datant de
2013 ou 2014 dans le corpus). Alors que « Philosoraptor » (figure 29), « Success Kid »
(figure 32), « Grumpy Cat » (figure 35), « Bad luck Brian » (figure 38 ) et « Rage
Comics » (figure 41) – tous parus avant 2012 et devenus relativement obsolètes
aujourd’hui, sont connus en majorité par la génération des milléniaux, « Be like Bill »
(figure 48), « Jealous Girlfriend » (figure 51), « Relatable memes » (figure 55),
« Twitter Memes – Image et Texte » (figure 58) et « Twitter Memes – Image
uniquement » (figure 61) ont tous fait leur apparition après 2015 et sont connu en
majorité par la génération Z. Les tendances liées aux générations X et baby-boomers
restent constantes pour l’entièreté du corpus : alors que la génération des baby-
boomers se démarque en raison de son manque de connaissances liées au corpus
mémétique, la génération X se trouve entre les deux extrêmes. Ces tendances
reflètent les résultats du Global Web Index (Viens, 2019) qui expliquent que
« Babyboomers currently rank last in nearly every category and metric when it comes
to technology and social media use » et que la génération X passe moins de temps
sur les réseaux sociaux que la génération Z et les milléniaux, mais plus de temps que
la génération des baby-boomers.
126
de ce type de relatable meme est en corrélation avec l’utilisation plus personnelle et
individualiste des réseaux et de la production de contenu. Cette partie du
questionnaire sert également à mieux comprendre les habitudes liées aux memes de
manière générale.
La génération Z est la plus nombreuse à prétendre pouvoir s’identifier à ce type
d’image (80%), suivie de très près par la génération des milléniaux (75%). Les
répondants issus de l’échantillon de la génération X sont beaucoup moins nombreux
à être d’accord avec cette affirmation (30%), un résultat tout de même trois fois plus
élevé que chez la génération des baby-boomers (10%). Au niveau du partage de ce
type de contenu avec l’entourage (figure 66), la tendance est la même. Les répondants
issus de la génération Z sont les plus nombreux à prétendre pouvoir partager ce style
de meme avec leur entourage (60%), suivis de très près par la génération des
milléniaux (53%). Concernant les générations X et des baby-boomers, les résultats
sont les mêmes que pour l’identification personnelle (30% et 10%, respectivement).
En ce qui concerne le fait de créer ce type d’image (figure 67), la génération Z est
celle qui a répondu le plus favorablement à cette affirmation (45%), soit un taux deux
fois plus élevé que chez les milléniaux. Les générations X (7% de réponses positives)
et des baby-boomers (4% de réponses positives) ont été pour la majeure partie, en
désaccord avec cette affirmation. Ces résultats illustrent les divers rôles qu’occupent
les générations au sein des réseaux sociaux : La génération Z rentre dans la catégorie
des créateurs, la génération des milléniaux dans celle des créateurs-synthétiseurs, la
génération X rentre dans la catégorie des synthétiseurs-consommateurs et la
génération des baby-boomers dans celle des consommateurs. Ils corroborent
également les concepts abordés ci-dessus concernant les différentes gratifications
générationnelles liées au contenu mémétique. Les plus jeunes générations, qui ont
pour habitude de consommer et de partager du contenu dans un but de gratification
personnelle et sociale, s’identifient plus facilement à ce type de meme que les baby-
boomers – tandis que la génération X se trouve entre les deux extrêmes. Ces mêmes
buts vont motiver les plus jeunes générations à créer et partager du contenu de ce
type avec leur entourage, dans le but d’améliorer leur estime de soi ou pour signaler
une appartenance au groupe, alors que les générations plus âgées, particulièrement
celle des baby-boomers, vont favoriser un contenu plus pragmatique et objectif et une
utilisation plus passive des réseaux.
127
5.3. Analyse en temps de crise
Comme dans le cas du corpus mémétique, les résultats liés aux habitudes de
production et de partage en temps de crise ont été analysés en profondeur au point
4.1.5. Il s’agira ici d’en déceler les tendances générales. Les affirmations sur
lesquelles les participants ont dû se baser pour cette partie du questionnaire sont en
lien avec les figures 69, 70, 71 et 72, quatre memes avec du contenu lié à la crise ou
à ses différentes répercussions.
128
Alors que le taux d’identification des générations Z et millénariale en cas de crise est
du même ordre que d’habitude, le nombre de participants issus de ces deux
générations qui ont prétendu y reconnaître des personnes de leur entourage est très
élevé (figure 74). Tandis que ces derniers étaient peu nombreux à prétendre partager
du contenu qui pourrait faire rire, toucher ou intéresser autrui, il semblerait que la crise
ait provoqué un changement au niveau des habitudes individualistes de ces plus
jeunes générations, et donc un bouleversement dans les gratifications en lien avec
l’usage des médias. Il paraît en être de même pour la génération des baby-boomers,
dont 60% des répondants ont prétendu partager ce type de contenu, soit deux fois
plus qu’en temps normal (figure 75). Le changement lié aux usages et aux
gratifications de cette génération se fait donc au niveau du contenu qu’elle partage :
alors que d’ordinaire elle privilégie le contenu objectif et informatif, la situation de crise
semble augmenter l’incidence au niveau du partage de contenu plus personnel. Cela
va de pair avec l’idée selon laquelle ce type de contenu mémétique, toujours en lien
avec la crise du Covid-19, permet aux internautes de se sentir moins seuls face à une
telle situation. Les générations Z et millénariale sont très nombreuses à être d’accord
avec cette affirmation, ce qui n’est pas étonnant au vu de leurs besoins de gratification
personnelle et émotionnelle. Cependant, les répondants issus de la génération des
baby-boomers ont été aussi nombreux que la génération X (43%) à être d’accord avec
cette affirmation. Alors que leur côté plutôt pragmatique et leur maturité font qu’ils ne
ressentent pas forcément le besoin d’être rassurés au quotidien, la situation de crise
provoque une incertitude globale et un besoin de réconfort qui peut être trouvé dans
ce type de contenu mémétique.
La tendance liée à la production de memes en cas de crise (figure 76) n’est pas très
différente que d’habitude, si ce n’est une augmentation chez la génération X et les
baby-boomers. En effet, en cas de crise, les participants issus de la génération X sont
deux fois plus nombreux à prétendre créer du contenu mémétique (soit 14%). En ce
qui concerne la génération des baby-boomers, elle semble passer de consommateur
à créateur-consommateur car le nombre de réponses prétendant créer du contenu
mémétique est cinq fois plus élevé (20%) en cas de crise qu’en temps normal.
L’augmentation de la production mémétique en période de Covid-19 se voit également
chez les milléniaux, qui sont 10% de plus à créer du contenu mémétique que
d’habitude. La génération Z reste cependant celle avec le plus grand nombre de
129
réponses positives liées à la production de memes, soit le même taux qu’en temps
normal (45%). Il est difficile de connaître les raisons exactes derrière cette
augmentation de création de contenu que l’on constate chez trois des quatre
générations sondées. Il se pourrait que cela soit dû au fait d’avoir plus de temps libre
(l’augmentation a lieu chez les trois générations qui, théoriquement, sont déjà lancées
dans la vie active et professionnelle ). En effet, nous avons vu que le trafic sur internet
a radicalement augmenté depuis le début de la crise, sur les réseaux sociaux ou sur
les plateformes de messagerie instantanée. Étant donné que la majorité de la
génération Z n’a pas encore l’âge de travailler et occupe une présence quotidienne
sur internet, cette augmentation pourrait être en partie due à l’accroissement du
nombre d’internautes issus des générations millénariale, X et baby-boomer. Ainsi, il
se pourrait que des générations qui d’habitude n’ont pas beaucoup de temps à
consacrer à la production de contenu mémétique se retrouvent dans une configuration
qui pousse l’individu vers une participation plus active. Nous avons également
constaté que la génération des baby-boomers opte généralement pour un partage
massif de contenu, destiné à plusieurs contacts en même temps. En situation de crise,
il pourrait donc leur sembler plus propice de créer, puis d’envoyer du contenu en lien
avec la pandémie du Covid-19.
En ce qui concerne la nature du contenu partagé par les participants (figure 80), 55%
d’entre eux ont répondu qu’il était en lien avec la pandémie du Covid-19,
particulièrement chez les baby-boomers (70%) qui ont été deux fois plus nombreux
130
que la génération X, ainsi que les générations Z et milléniaux, à prétendre partager du
contenu en lien avec le Covid-19. Au niveau de la nature du contenu reçu (figure 81),
74% des participants ont répondu qu’il était en lien avec la crise – en particulier la
génération Z et les baby-boomers.
Lorsque l’on compare les résultats liés à la compréhension d’un meme ordinaire
(figure 68), avec ceux liés à la compréhension d’un meme en rapport avec la crise du
Covid-19 (figure 82), on constate un grand écart au niveau des réponses données par
les générations plus âgées. La compréhension de contenu mémétique par les
générations Z et millénariale est du même ordre en temps de crise qu’en temps
normal, tandis que cette tendance est deux fois plus élevée (96%) chez les répondants
issus de la génération X lors d’une situation de crise comme celle du Covid-19. Malgré
le fait que ce taux soit plus bas au sein de l’échantillon des baby-boomers, il est
également démultiplié en temps de crise, pour atteindre 76% de réponses favorables
au fait de comprendre le contenu d’un meme. Cela signifie que les compréhensions
mémétiques des générations X et les baby-boomers ont doublé depuis le début de la
pandémie. Cette augmentation a un lien indéniable avec la nature du contenu reçu et
partagé, qui représente ici des situations humoristiques, énervantes et frustrantes,
provoquées par la pandémie et qui touche, en raison de ce fait, un public beaucoup
plus massif que le contenu des « relatable memes » ordinaires. Le contenu des
memes qui ont un rapport avec la situation du Covid-19 peut s’appliquer à quiconque,
car cette situation est mondiale, et ne discrimine ni l’âge, ni les compétences ni encore
le milieu socioculturel de l’internaute qui le consomme. Pour ces raisons,
l’identification personnelle est beaucoup plus probable, peu importe la génération.
Les participants ont été nombreux à prétendre partager du contenu lié à des émotions
131
positives telles que l’humour ou l’intérêt (figure 5). Très peu des répondants ont
prétendu partager du contenu choquant ou lié à des émotions négatives.
Plus de la moitié des participants issus des plus jeunes générations (Z et milléniaux)
ont répondu plutôt partager du contenu qui reflète une humeur ou une situation
personnelle (figures 6 et 7), une tendance suivie à la baisse par la génération X. Au
contraire, la génération des baby-boomers a été peu nombreuse à prétendre favoriser
le partage de contenu qui reflète une humeur ou une situation dans laquelle ils se
trouvent, et privilégient le partage de contenu qui suscite un intérêt, autant sur le plan
personnel que pour leur entourage.
De manière générale, les générations Z et millénariale ont exprimé le fait de pouvoir
s’identifier à du contenu en lien avec des situations de la vie quotidienne et de le
partager avec leur entourage, dans le but de véhiculer une émotion ou un ressenti
individuel (figures 65 et 66). Ces deux générations ont également été plus
nombreuses à prétendre créer du contenu mémétique lié à leurs humeurs, leurs
émotions ou des situations dans lesquelles ils se trouvent. L’identification personnelle
en rapport avec du contenu mémétique du type « relatable » est en revanche
quasiment inexistante chez les générations X et particulièrement chez la génération
des baby-boomers qui ne prétend ni créer ni partager ce type de contenu.
Il semblerait donc que les gratifications liées au partage de contenu soient différentes
entre les deux extrêmes générationnels. Les plus jeunes générations (Z et
millénariale) vont prôner le partage de contenu en lien avec leurs expériences. Cette
tendance semble liée aux gratifications personnelles et émotionnelles qui en
découlent, ainsi qu’aux sentiments de rassurance et de validation, procurés par un
ressenti commun avec d’autres internautes. Les générations plus âgées (X et baby-
boomers) privilégient le partage d’information et de contenu plus détachés de leurs
ressentis et de leurs vécus personnels – sans doute en raison leur plus grande
expérience de vie qui fait qu’ils ressentent moins le besoin de partager du contenu
dans le but de se rassurer ou de s’apaiser émotionnellement.
Cette hypothèse est donc partiellement validée : Un meme sera plus susceptible d’être
partagé par un individu issu de la génération Z ou milléniale s’il permet à cet
individu de ressentir un apaisement émotionnel ou une stabilité dans son
environnement culturel.
132
varient entre les générations
La génération Z est celle qui produit le plus de contenu sur les réseaux, suivie de la
génération millénariale qui partage surtout, mais qui prétend tout de même en produire
de temps en temps (figures 4 et 67). La génération X partage du contenu et en
consomme passivement à titre égal. La génération des baby-boomers prétend
consommer du contenu en majorité. Selon le modèle de Horowitz (2008) concernant
les habitudes liées au contenu sur les réseaux, les quatre générations se trouvent
dans des catégories différentes : si l’on se base sur les tendances générales, les
individus issus de la génération Z sont des créateurs. Ceux de la génération
millénariale sont des créateurs-synthétiseurs. Les membres de la génération X sont
des synthétiseurs-consommateurs. Enfin, les individus issus de la génération des
baby-boomers sont des consommateurs. L’hypothèse 2 est donc validée. Concernant
les quatre sous-hypothèses, on décèle effectivement des tendances différentes chez
les générations sondées.
133
qu’elle n’en partage – un résultat confirmé par ses réponses liées au corpus
mémétique. Bien que la majorité des répondants ait prétendu connaître les
memes du questionnaire, seule une fraction prétend en avoir déjà partagé avec
leur entourage. La génération X est également la moins nombreuse à prétendre
recevoir du contenu de la part de son entourage (figure 10). L’hypothèse 2c est
donc infirmée.
Hypothèse 3 : Les générations connaissent essentiellement les memes qui ont atteint
l’apogée de leur popularité lorsqu’elles étaient régulièrement présentes sur les
réseaux sociaux.
Les résultats du questionnaire montrent que les milléniaux sont plus nombreux à
connaître les memes du corpus qui ont atteint un pic de popularité avant 2012, lorsque
134
la génération Z n’était pas encore en âge de fréquenter les réseaux sociaux.
Inversement, les individus de la génération Z sont plus nombreux à connaître les
memes du corpus qui ont atteint un pic de popularité entre 2015 et aujourd’hui, une
période où la présence des milléniaux sur les réseaux sociaux est en baisse, selon le
Global Web Index (Viens, 2019). L’hypothèse 3 est donc validée.
Cette hypothèse est liée à la théorie de Lisii Laineste (1030, 2016) selon laquelle une
situation de catastrophe, de conflit ou de crise favorisera une sélection émotionnelle
liée au contenu qui poussera les individus à en créer, en partager et en consommer
davantage.
Lorsque les participants ont été questionnés sur leurs habitudes liées aux réseaux en
temps normal (point 5.1.4), les tendances entre les plus jeunes générations (Z et
milléniau) et les générations plus âgées (X et baby-boomers) étaient diamétralement
opposées. Alors que les plus jeunes générations ont été une majorité à prétendre
créer et partager du contenu mémétique en lien avec une situation à laquelle ils
s’identifiaient, les générations X et des baby-boomers ont été une majorité à répondre
qu’ils n’avaient pas pour habitude de créer, de partager ou de consommer ce type de
contenu. En revanche, lorsque les participants ont été confrontés à du contenu
mémétique en lien avec la crise du Covid-19 (point 5.1.5), les réponses issues des
échantillons X et baby-boomers ont radicalement changé. En effet, deux fois plus des
répondants issus de la génération X ont prétendu s’identifier à ce type de contenu et
être susceptible de produire du contenu mémétique qu’en temps normal, alors que le
taux de participants prétendant partager ce type d’image est le même en cas de crise
qu’en temps normal. En ce qui concerne l’échantillon des baby-boomers, ils ont été
cinq fois plus nombreux à prétendre s’identifier au contenu mémétique en temps de
crise et à en créer. Le nombre de partages issus de cette génération a également
doublé pendant la crise. Les habitudes de la génération Z et millénariale liées à la
production, le partage et la consommation de contenu mémétique ne sont pas si
différentes qu’en temps normal, hormis au niveau des habitudes de production
mémétique chez les milléniaux qui ont augmenté de 10% en situation de crise.
L’hypothèse 4 est donc partiellement validée : la situation de crise a augmenté le taux
135
de partage, de consommation et de production chez la génération X et les baby-
boomers. Les habitudes de la génération Z et des milléniaux, elles, demeurent
relativement inchangées.
Environ 55% des participants (toutes générations confondues) ont constaté qu’ils
avaient essentiellement partagé du contenu en lien avec la crise du Covid-19
depuis le début de la pandémie. Au niveau du contenu reçu, 74% des
participants ont prétendu qu’il était en lien avec le Covid-19. Ces résultats
confirment l’hypothèse 4a.
136
5.5 Apports et limites de la recherche
Un des principaux apports de cette recherche est qu'il n'existe pas d'autres travaux
sur les habitudes des générations issues de la francophonie concernant la production,
la consommation et la partage des memes. Alors même qu'il existe des études
similaires concernant des pays anglophones, notamment les États-Unis, encore était-
il nécessaire de vérifier si certaines des conclusions tirées dans des environnements
culturels et linguistiques différents s'appliquaient également dans un pays
francophone comme la Suisse. Bien que le concept du meme soit né outre-Atlantique
et concernait, jusqu'alors des problématiques étrangères à la culture francophone, il
est possible d'affirmer qu'il s'est désormais démocratisé et implanté dans des pays
francophones.
En découle de cela la première limite de ce travail, liée au manque de ressources
concernant les habitudes mémétiques des pays francophones. En effet, il n’existe que
très peu d’articles de recherche à ce sujet. Les nombreuses théories qui ont contribué
à l’analyse des résultats obtenus sont donc issues de pays majoritairement
anglophones et ont parfois fait part d’idéaux qui n’étaient pas applicables aux
échantillons sélectionnés.
Une autre limite concernant ce travail est liée à la représentativité des échantillons –
d’abord en raison du choix de la technique boule de neige explicitée ci-dessus, ainsi
que par les grands écarts entre les participants d’une même génération. En effet, une
partie de la génération Z est encore trop jeune aujourd’hui pour fréquenter les réseaux
sociaux. Les répondants du questionnaire issus de cette génération se trouvent donc
sans doute dans l’extrême plus âgé. Les limites générationnelles ont également posé
des problèmes au niveau de la représentativité des participants. Il se pourrait qu’une
partie des répondants milléniaux n’aient qu’une année de différence avec la
génération qui les précède ou qui les succède. Il en est de même pour toutes les
autres générations. Enfin, la nature même de ce travail a posé un problème au niveau
de la représentativité des individus plus âgés que la génération des baby-boomers,
mentionnés ci-dessus comme la génération Silencieuse, parce que les répondants
issus de cette génération ont largement manqué à l’appel – un manque sans doute lié
au fait que ce questionnaire a été distribué en grande partie sur les réseaux.
137
Une troisième limite liée à ce travail est celle du corpus mémétique. Bien que les
memes qui le composent aient été choisis dans le but de représenter divers types
mémétiques issus de différentes époques, il existe en réalité bien trop de memes pour
pouvoir tous les prendre en considération. La sélection des memes du corpus s’est
basée sur les chiffres issus de la base de données mémétiques Know Your Meme afin
de prendre les memes les plus populaires des vingt dernières années, mais la nature
de cette sélection reste relativement arbitraire.
La quatrième limite est celle de la barrière de la langue. En effet, les memes les plus
populaires sont tous en anglais. Or, il se pourrait que certains participants ne
maîtrisent pas cette langue. Cette limite pose également un souci lié au domaine
socioculturel, car elle implique que le contenu des memes est issu de pays
anglophones et qu’il est n’est donc pas forcément toujours en lien avec le contexte
dans lequel se trouvent les participants, issus de pays francophones. Enfin, elle pose
un problème au niveau des plateformes qui ont contribué à la production et à la
propagation des memes (4chan, reddit, tumblr). Elles restent pour la plupart des
plateformes américaines (4chan, Reddit) probablement moins fréquentées par les
individus francophones.
138
Cette limite introduit cependant un autre apport de ce travail, lié au contexte de crise
dans lequel il a été partiellement effectué. Il est basé sur des données récoltées en
mars-avril 2020, soit au tout début de la crise du Covid-19 en Suisse. De ce fait, les
données récoltées et les conclusions qu'elles permettent de tirer constituent une
photographie de la situation à un moment t, "pré-Covid-19". Ces données pourront,
dans le futur, servir de point de référence pour déterminer l'ampleur des
bouleversements sociétaux créés par cette crise, notamment l'utilisation de
technologies et de méthodes de communication par divers groupes de générations.
Certaines des questions de notre questionnaire portant sur les conséquences de la
crise du Covid-19 (à son début), nous ont déjà permis de constater une tendance à la
hausse en matière de partage et d'identification des memes pour les générations plus
âgées. Il sera très intéressant de constater si, dans un futur proche, les tendances
actuelles auront radicalement changé, en partie en raison de la crise du Covid-19 et
des confinements qu'elle a provoqué.
139
VI. Conclusion
L’objectif de ce travail était de déceler l’impact du meme sur l’individu, qu’il soit lié à la
gratification personnelle, émotionnelle, sociale, civique ou bien d’autres encore, afin
de comprendre le succès de ce phénomène, et les raisons qui poussent les
internautes à y participer. Il avait pour objectif de répondre à trois questions, dont la
suivante : « Qu’est-ce qui pousse quelqu’un à consommer, produire et partager un
meme ? »
140
des émotions positives chez les personnes avec qui il partage un certain contenu se
reflètera sur lui, lui procurant également une gratification personnelle. Enfin, un
individu produira du contenu mémétique dans l’optique de rajouter sa pierre à l’édifice
des réseaux sociaux. Il le fera dans le but de s’exprimer, tout en démontrant sa
créativité et ses compétences – un acte qui contribuera à son besoin d’estime.
141
Mais lorsqu’elles sont confrontées à une situation de crise comme celle du Covid-19,
les besoins de gratification des générations plus âgées semblent changer
radicalement. On remarque une nette augmentation dans l’intérêt qu’elles portent au
contenu mémétique. Leurs habitudes de consommation, de partage et de production
décuplent pour atteindre des taux comparables à ceux des plus jeunes générations.
Il semblerait donc qu’en période de crise, le meme passe d’un contenu qui leur paraît
relativement obsolète, à un contenu qui leur sert d’échappatoire, de soutien moral, de
consolation ou encore de distraction, et qui élimine les barrières entre générations afin
de leur permettre de se confier, de s’exprimer, de se rassurer, et de s’informer ou de
s’unir face à une situation menaçante à laquelle il n’y a pas de réponses ni de
remèdes.
Ce travail s’est appuyé sur de nombreux concepts dans le but de constituer un cadre
conceptuel qui a permis d’émettre quatre grandes hypothèses et cinq sous
hypothèses, dont la majorité a été validée. Elles ont démontré que l’âge d’un individu
a une corrélation indéniable avec le fait de consommer, de partager et de produire des
memes, et qu’il est possible de catégoriser les différentes générations en ce qui
concerne leurs habitudes mémétiques, en y appliquant le modèle créateur-
synthétiseur-consommateur de Horowitz (2008). En effet, la génération Z démontre
des tendances de créateur, car c’est celle qui produit le plus de contenu. La génération
millénariale produit autant de contenu qu’elle n’en partage et se trouve donc entre
deux catégories, créateur-synthétiseur. La génération X partage du contenu en
majorité, mais est aussi nombreuse à prétendre qu’elle en consomme de manière
passive, faisant d’elle une génération plutôt synthétiseur-consommateur. Enfin, la
génération des baby-boomers est celle qui consomme le plus de contenu de manière
passive : c’est une génération consommateur. Ces différentes catégories sont sans
aucun doute le fruit des disparités socioculturelles entre les générations et servent à
expliquer, en partie, les différences intergénérationnelles liées au partage mémétique.
Les disparités se résorbent en période de crise, comme il a été démontré avec le cas
du Covid-19, une conséquence qui découle sans doute de l’incertitude globale vis-à-
vis d’une telle situation.
Dans un climat où même les plus grands acteurs mondiaux sont dans l’incertitude, les
êtres humains vont chercher de l’information et de la rassurance auprès de leur
entourage, à travers le partage et l’unification face à la menace du Covid-19. Les
142
réseaux sont donc pour eux un moyen d’obtenir du soutien psychologique, en partie
grâce au contenu mémétique qui facilite le partage d’émotions et de ressentis. La
relation qu’ils ont avec le web s’est renforcée lors des derniers mois parce qu’il a
permis aux individus de s’unir virtuellement, à défaut de pouvoir le faire en personne.
Même s’il reste encore beaucoup à découvrir de son impact sociétal profond, les idées
qui ressortent de cette enquête démontrent le rôle unificateur du phéno-meme qui
aujourd’hui défie les ruptures générationnelles.
143
VII. Annexes
7.1 Exemples de memes
Figure A : le meme « Success Baby » utilisé à des fins de marketing de masse. (Source : Virgin Media)
144
2.1.3.4.2 Image-Macros
Figure C : exemple d’un Image-Macro meme
145
2.1.3.4.4 Rage Comics
Figure E : exemple d’un Rage Comic meme
2.1.3.4.5 LOLcats
Figure F : exemple d’un LOLcats meme
146
2.1.3.4.6 Reaction Memes
Figure G : exemple d’un Reaction meme
Figure H : un relatable meme qui illustre le fait de faire des projets à l’avance
mais de changer d’avis le jour J. (Source : Imgur)
147
2.1.3.4.8 Twitter Memes
Figure I : exemple d’un Twitter meme
148
4.1.3.2.4 « Grumpy Cat »
149
4.1.3.2.7 « Trollface »
150
4.1.3.2.9 « Jealous Girlfriend »
Figure 54 : popularité des « Relatable Memes » au fil des années (Google Trends)
151
4.1.3.2.11.1 « Twitter memes » : Texte et image
Figure 60 : Habitudes de
partage liées aux « Twitter
Memes » (texte et image)
152
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