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EL7 : Voltaire, Mélanges, Pamphlets et œuvres polémiques (1759-1768)

« Femmes, soyez soumises à vos maris » (extrait)


I. Un passage narratif montrant la réaction de lectrice de la Maréchale (lignes 1 à 3)
Citations Procédés Explications
« On lui fit lire Montaigne » C’est le pronom indéfinie L’expression ferait comprendre qu’une femme est si
« On » qui souligne la bête qu’elle ne peut penser par elle-même. Elle est
dépendance donc dépendante de l’homme. Ainsi ses lectures
sont conseillées, car elle manquerait de
+ MONTAIGNE= un homme discernement dans leur choix.

Elle lit des écrits rédigés par des hommes :


Montaigne (auteur humaniste du XVIe siècle qui a
écrit les Essais).
« Elle fut charmée d’un « qui faisait…. » + Phrase importante. Elle se sent reconnue par
homme qui faisait « qui doutait de tout » Montaigne, ce dernier n’écrivait pas que pour les
conversation avec elle, et Proposition subordonnée hommes, et ce qu’elle aime sont des écrits ouverts
qui doutait de tout » relative qui interrogent. D’où le fait qu’elle ressente les
textes de Montaigne comme une conversation.
L’enjeu sous-jacent est de permettre à la femme de
s’exprimer, de rendre compte de ses opinions.

« On lui donna ensuite les ON pronom indéfinie répété Dénonciation de la misogynie littéraire.
grands hommes de PLUTARQUE = un homme
Plutarque »
« Elle demanda pourquoi il « Pourquoi » adverbe Pour elle, Plutarque pose un problème : Vies des
n’avait pas écrit l’histoire interrogatif hommes illustres (des biographies fonctionnant par
des grandes femmes » paires, mettant en scène un Grec et un Romain, par
Antithèse : « grands exemple Thésée (mythologie grecque) et Romulus
hommes / grandes femmes » (légende de la fondation de Rome)). La maréchale
s’offense du fait que les vies de femmes ne soient
pas rapportées en littérature. Les femmes n’ont donc
aucun rôle dans la littérature, la culture ou
l’histoire ! La femme est sous la dépendance de
l’homme mais cela va plus loin : elle n’existe pas !

II. Le dialogue entre l’abbé de Châteauneuf et la Maréchale (lignes 4 à 13)


1. Un dialogue vivant (l. 4 à l. 8)
Citations Procédés Explications
« L’abbé de Châteauneuf la « Rencontra » : passé simple Narration.
rencontra un jour toute temps du récit + « un jour »
rouge de colère. » Une femme a la personnalité impulsive.
« Toute rouge de colère » :
Hyperbole
« "Qu’avez-vous donc, Discours direct Le discours semble plus vivant.
madame ?" lui dit-il. »
« J’ai ouvert par hasard, « par hasard » , »quelques Ironie voltairienne dans la mesure où ce champ
répondit-elle, un livre qui recueil » , «qui traînait » : lexical désigne les Épîtres de saint Paul, considérées
traînait dans mon cabinet ; champ lex du hasard comme des textes sacrés par l’Église
c’est, je crois, quelque catholique( Nouveau testament) . Par conséquent,
recueil de lettres » son ignorance et son irrespect font sourire.
« J’y ai vu ces paroles : Impératif= ordre Scandalisée, elle revendique l’égalité homme-
Femmes, soyez soumises à Adjectif «  soumise » femme.
vos maris ; j’ai jeté le livre.  L’action marque son indignation personnelle.
Voltaire cherche à amuser le lecteur pour le faire
adhérer aux propos de la maréchale : sa réaction
excessive à la lecture du commandement de saint
Paul suscite le rire.

2. Une objection indignée (l. 9)


Citations Procédés Explications
« Comment, madame ! Les modalités exclamatives et interrogatives
Savez-vous bien que ce témoignent de l’agitation de l’abbé face à l’acte
sont les Épîtres de saint irrévérencieux de la maréchale.
Paul ? »
L’abbé souligne ce sacrilège.

3. Une contre-attaque plaisante (l. 10 à l. 13)


Citations Procédés Explications
« Il ne m’importe de qui La maréchale ne connaît pas ces Épîtres de saint
elles sont ; l’auteur est très Paul, ignorance soulignée par Voltaire.
impoli. »
La maréchale traite saint Paul avec beaucoup de
mépris lorsqu’elle utilise l’expression « très impoli ».
« Jamais Monsieur le Elle compare saint Paul à son mari. Ce qui le ramène
maréchal ne m’a écrit dans à un homme bien ordinaire.
ce style »
« je suis persuadée que Elle s’implique personnellement et poursuit sa
votre saint Paul était un démonstration en considérant saint Paul comme un
homme très difficile à simple mortel alors qu’il est un des fondateurs du
vivre » christianisme.
« Était-il marié ? » Dialogue vivant.
« Oui, madame » Réponse courte.
L’abbé est submergé par son franc-parler et par la
contestation de cette autorité religieuse célèbre.
Comique de situation.

III. L’argumentation de la maréchale de Grancey (lignes 14 à 25)


1. Une femme libre s’exprimant dans un langage lui-même libéré (l. 14 à « du pays », l. 15)
Citations Procédés Explications
« Il fallait que sa femme fût La maréchale maîtrise le subjonctif, donc elle
une bien bonne créature » appartient à une classe sociale noble.

« si j’avais été la femme Nouvelles impertinences de la maréchale qui font


d’un pareil homme, je lui rire le lecteur.
aurais fait voir du pays » En envisageant d’être son épouse, la maréchale
montre qu’une femme peut combattre cet homme
tout à fait ordinaire. Ainsi, elle renverse les codes
établis (c’est-à-dire que la femme doit être soumise
à son mari et lui doit obéissance).

2. Une dévalorisation de la valeur sacrée du mariage (de « Soyez soumises », l. 15, à « d’obéir », l. 19)
Citations Procédés Explications
« Soyez soumises à vos Cette répétition souligne que la maréchale est une
maris ! » femme impétueuse et une femme de caractère, qui
n’hésite pas à exprimer librement ses idées : c’est
une femme libre de penser.
« Encore s’il s’était Humour voltairien = stratégie de persuasion.
contenté de dire : Soyez
douces, complaisantes, Jeu sur le préjugé selon lequel les femmes sont
attentives, économes, je intéressées par l’argent. Elles dépensent sans
dirais : Voilà un homme qui compter pour assouvir leur coquetterie.
sait vivre »
« et pourquoi soumises, s’il Victimisation collective.
vous plaît ? »
« Quand j’épousai M. de Elle argumente en revenant à son propre exemple
Grancey, nous nous marital (« je »).
promîmes d’être fidèles : je Elle fait comme si la seule promesse échangée lors
n’ai pas trop gardé ma du mariage portait sur la fidélité.
parole, ni lui la sienne » Immédiatement elle insiste d’ailleurs sur l’inanité de
cette promesse et la réduit à néant. Ainsi, elle
dévalorise la valeur sacrée du mariage. En outre, elle
reconnaît ses infidélités devant un abbé, ce qui est
assez scandaleux à l’époque.
« mais ni lui ni moi ne Mise à égalité de l’homme et de la femme dans le
promîmes d’obéir » couple. Revendication de cette égalité.

3. Un plaidoyer pour les femmes (l. 19 à 25)


Citations Procédés Explications
« Sommes-nous donc des Victimisation collective.
esclaves ? »
« N’est-ce pas assez qu’un La conception (valeur chrétienne) est ici dénigrée.
homme, après m’avoir Voltaire témoigne d’un fléau de son époque : de
épousée, ait le droit de me nombreuses femmes, faute d’une hygiène
donner une maladie de élémentaire et d’un suivi médical sérieux, mouraient
neuf mois, qui quelquefois en accouchant.
est mortelle ? »
« N’est-ce pas assez que je Elle parle de ce qui ne se dit pas : les souffrances
mette au jour avec de très dues à l’enfantement. Au XVIIIe on n’est pas censé
grandes douleurs un enfant parler du corps.
qui pourra me plaider Voltaire témoigne aussi d’une autre injustice de son
quand il sera majeur ? » époque : il rappelle que juridiquement la femme est
une mineure qui n’a pas le droit de gérer ses biens,
ni même de garder un héritage. Ainsi, un fils pourra
la « plaider quand il sera majeur », c’est-à-dire la
dépouiller de tous ses biens.
Le statut de la femme n’est donc guère enviable à
cette époque…
« Ne suffit-il pas que je sois Elle parle de ses menstrues. Là encore, il s’agit d’un
sujette tous les mois à des sujet tabou.
incommodités très Ainsi, elle fait appel aux sentiments du lecteur. Elle
désagréables pour une emploie des figures de style pour le rallier à sa
femme de qualité, et que, cause.
pour comble, la Il ne s’agit pas de vraies questions ouvertes, mais de
suppression d’une de ces questions rhétoriques, c’est-à-dire qu’aucune
douze maladies par an soit réponse n’est attendue ou que la réponse est incluse
capable de me donner la dans la question elle-même ne permettant pas
mort sans qu’on vienne me l’échange.
dire encore : Obéissez ? » La maréchale exprime son opinion bien plus qu’elle
n’interroge ! Elle dit clairement son refus de se plier
à son mari, donc indirectement son refus du propos
biblique.

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