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tét'\U
CONTE
D'UN SOIR
Mon conte prend son essor et va se poser sur un
paysan nommé Atchaminagué. Il était très pauvre,
la faim faisait coller sa peau sur son estomac. Il
était toujours habillé en haillons. Ses chaussures
étaient vieilles et il habitait à l'orée du village.
Par un jour chaud et ensoleillé, alors qu'il
revenait de son champ de maïs, il se sentit
défaillir et alla en titubant s'appuyer contre un
arbre. Il s'écria
- Ah sije pouvais être riche un jour, la vie ne
serait pas un si lourd fardeau pour moi !
A peine avait-il prononcé ces mots qu'un
homme barbu, tout de blanc vêtu, grand,
démesurément grand se précipita sur lui. Son
cou était long de deux kilomètres, ses yeux
creux et sa voix sèche.
Atchaminagué prit peur, il voulait s'enfuir
mais il avait l'impression que ses jambes se
liquéfiaient. L'esprit lui dit :
-Atchaminagué,je ne te veux aucun mal,j'ai
entendu tes lamentations et je suis venu pour te
rendre riche et heureux. Il eut un sourire radieux.
Alors l'esprit fit sortir de sa poche sept
graines et il prononça ces paroles :
- Sur le chemin du retour, tu les jetteras à
terre et tu les écraseras l'une après l'autre mais
la dernière, tu la jetteras à l'endroit où tu
souhaites t'installer. Je te donne tout cela sans
rien �mander en contrepartie. Seulement tant
que tu vivras, je souhaiterais que tu sacrifies
chaque année, un Pigeon et un Canard.

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- Ce n'est rien du tout, répondit Atchaminagué, redoublaient de prouesses plus incroyables les
)i je sacrifierai trois Pigeons et trois Canards. unes que les autres mais Atchaminagué fut le
I..:esprit esquissa un sourire et disparut. meilleur et reçut le prix.
Atchaminagué s'éloigna et jeta la première Mais ce dernier avait oublié une promesse
;aine au sol. Aussitôt, il se transforma en un roi des plus importantes, celle faite à l'esprit, de
êtu de somptueux habits de soie, portant une sacrifier un Pigeon et un Canard chaque année.
ouronne et entouré de valets et de courtisans Un jour, alors qu'il allait s'asseoir pour
1 ui chantaient ses louanges. déjeuner, arriva un pauvre vêtu de haillons qui
La deuxième graine fit apparaître des malles lui demanda un Pigeon et un Canard.
·emplies d'or et de pierres précieuses. Atchaminagué était fou de rage.
Un peu plus loin, de belles femmes portant - Suis-je marchand de Pigeons et de
de merveilleux enfants se présentèrent devant Canards ? Tu t'es trompé d'adresse, déguerpis !
Atchaminagué. Un an après, un autre mendiant se présenta à
Lorsqu'Atchaminagué lança la quatrième lui et lui demanda un Pigeon et un Canard.
graine, il sortit de terre un verger contenant des Atchaminagué, furieux à un point où la fumée
manguiers, des goyaviers et des bananiers dont lui sortait du crâne, répondit
les branches laissaient pendre des fruits murs et - Suis-je ton père pour que tu viennes
juteux. m'embêter, va au marché acheter ce que tu veux.
Atchaminagué fut fou de joie lorsqu'il Tu n'as pas le droit de récolter ce que tu n'as pas
découvrit un troupeau de Vaches et de Moutons semé. Et le mendiant fut congédié les mains
au lancer de la cinquième graine. vides.
I..:avant dernière graine se transforma en une Un an après alors qu'Atchaminagué allait se
ferme remplie d'oiseaux de toutes sortes : mettre à table, un mendiant loqueteux se
Pigeons, Canards. présenta à lui pour lui demander un Pigeon et un
La septième et dernière graine, Atchaminagué Canard.
la jeta en se rapprochant de son village, aussitôt Cette fois Atchaminagué faillit le gifler :
un palais se dressa devant lui, à l'endroit même - Mais tu m'embêtes toi ! Ne reviens
où se trouvait sa pauvre masure. jamais ici, trois fois je t'ai renvoyé. Il fut
Le paysan passa de la plus grande pauvreté à congédié les mains vides.
une immense richesse. Alors il voulut aller s'asseoir, il vit un de ses
Pendant toute la soirée et la journée suivante ...
serviteurs lui courir après .
une foule de gens, d'amis et de parents qu'il ne · - Votre Majesté, votre ferme et votre
connaissait pas vinrent au palais. verger, tout a disparu, sans laisser de trace !
Le soir lorsque les tambours royaux battaient, - Tu racontes des bêtises.
la cour se transforma en danse. Les danseurs Il jeta le serviteur par terre. Il sentit soudain

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s' appuyer
contre un
.erre trembler et alla avait
conscience, tout
re. Quand il reprit que
l se souvint de ce
?aru· A ce moment , i er un Pigeon et un
crifi
;prit lui avait dit : sa vivrait.
qu'il
nard chaque année le
rut jusq u' u lieu où il avait rencontré
Il cou de
lui donner une secon
a

nie et le supplia de
ance. Le géni
e app arut. mais
Atch min gué, j'ai entendu tes voeux,
- étais un
j'ai appris que tu
a a

mse d'abord, car


�and danseur. chanter :
Alors le génie se mit à
a gué !
- Ah, hé, Atchamin
e à l'espoir. Il esq
L e désespoir fit plac
uissa
eilleur de
et donna le m KOKOU
es pas de danse
ui-même . é
t di p rut et laissa Atchaminagu LE RUSÉ
r.: espr rien en
la p au vreté. Sans
s a

effectuer la danse de
i
Moustiques pul­
Autrefois, existait un pays où les
. Or le roi du
retour. lulaient et piquaient tout le monde
rdisait de tuer
pay s avait imposé une loi qui inte
fai saient. Celui
ces insectes malgré le mal qu'il
donnée.
Respectons la parole
ence du roi ét ait
s

qui tuait un Moustique en prés


absence était
décapité ! Celui qui tuait en son
nque essayait de
puni par le fétiche du roi ! Quico
conséquences :
braver cette règle en subissait les
roi.
décapité ou tué par le fétiche du
du p y s voisin connu
Un jour/1<.okou, un sujet a
ce pays où les
pour ses ruses, entendit parler de
s ma lgr é les
Moustiques ét aient intouchable
souffrances qu'ils inf
ligeaient au peuple. Il
devant le roi
décida d'aller br aver la lo i
ét aient curieux
lui-même. Les habitant s du pays
s'y prendre. Il
de savoir comment Kokou allait

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était l'objet de tous les commentaires dans le
pays et son nom était sur toutes les lèvres.
A son arrivée, Kokou se rendit à la cour du
roi, où il y avait déjà plein de visiteurs. Des
dizaines de Moustiques s'abattirent sur lui. Il ne
fit aucun geste pour les tuer, resta même attentif
aux moindres faits et gestes autour de lui. Tout à
coup, il aperçut à quelques mètres le bourreau du
roi qui ouvrait l'enclos pour amener les Vaches au
pâturage. En voyant le troupeau, le jeune homme
poussa un cri d'étonnement et dit :
- Grand Dieu ! Est-ce une anomalie ? Aurais­
je la berlue ?
Tout le monde le regarda avec surprise. Sans
faire attention à personne, et oubliant même
jusqu'à la présence du roi, il continua :
- Dans votre pays, les Vaches ont de drôles de LE LIÈVRE
cornes, et elles poussent bizarrement.
Pendant qu'il disait cela les méchants ET LE SINGE
Moustiques continuaient à le dévorer. Le roi étonné
par les paroles du jeune homme, lui demanda : Le Singe et le Lièvre étaient très bons amis. Un
- Jeune homme, dans ton pays, comment jour, alors qu'ils se promenaient ensemble ils
poussent les cornes des Vaches ? passèrent à proximité d'un champ d'arachide� où
Le jeune homme tapa chaque partie de son un paysan était en train de faire la dernière récolte
corps où il y avait des Moustiques en disant car c'était la fin de la saison. Les deux amis se
- Les cornes des Vaches poussent comme-ci, plaignirent du fait que le paysan soit en train
comme ça, par ici, par là... d'arracher les arachides dont ils se nourrissaient
Ce faisant, il écrasa un à un tous les tous les jours.
Moustiques. Le roi comprit la ruse du jeune - Comment pourrions-nous nous y prendre
homme, et ne le décapita pas. pour réussir à profiter un peu des
.
Depuis ce jour, tout le monde fut autorisé à arachides avant que le paysan ne finisse de tout
tuer les Moustiques quand ils piquaient. engrang�r ? Dit le Singe.
Le Lièvre suggéra de faire semblant d'être mort:
Il faut savoir être malin dans la vie pour -Tu me laisseras pendre le long de ton sac bien
se sortir des situations difficiles. en vue. Dès que le paysan, qui raffole de la viande

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le Lièvre te verra avec un gros Lièvre mort, il te le Singe en train de manger tout seul. Il l'interpella
iemandera de le lui vendre ; mais toi au lieu en ces termes
:l'accepter de l'argent tu demanderas des - Mais ami Singe tu sais bien que moi je ne
arachides. Dès que tu les auras prises, tu iras te peux pas grimper, envoie-moi un peu de feuille
mettre sous le gros baobab qui est à l'autre bout du d'arachides que je puisse manger moi aussi.
champ. Quand le paysan me déposera par terre en Pour toute réponse, le Singe attacha feuilles et
attendant de me faire cuire, je prendrai la fuite, et coques autour des branches de l'arbre et continua
viendrai te rejoindre, ensemble nous dégusterons de manger tranquillement sans se soucier du
les arachides, toi les coques, moi les feuilles. Lièvre. Pure méchanceté de sa part car il ne mange
- Marché conclu. que les coques. Malgré les plaintes et les
Le Lièvre se laissa tomber et fit le mort. Le supplications de son ami, le Singe ne cessa de le
Singe le prit par les pattes, se dirigea vers le narguer et de manger. Le Lièvre resta là, pensif,
paysan et lui dit : affamé, révolté. Il ne laisserait pas cet affront
- Salut paysan comment te portes-tu? impuni, il se gratta les oreilles et chercha une idée
- Tiens, ami Singe, tu as attrapé un bien beau de vengeance.
Lièvre? Entre temps dans le village, un enfant venait de
- Oui comme tu le vois. tomber malade. Son père alla consulter un devin
- Vends-le-moi, s'il te plaît, pour régaler mes qui lui recommanda de trouver la tête d'un Singe,
enfants ce soir. Quelle somme d'argent veux-tu? seul remède pour guérir son enfant.
- Ami paysan, offre-moi en échange beaucoup Il prit son fusil, se lança dans la brousse à la
d'arachides. recherche de Singe. En chemin il rencontra le
Le paysan très content, appela un de ses Lièvre qui détala. l;homme cria de toutes ses
enfants qui saisit le Lièvre. Il tendit un· gros paquet forces.
d'arachides au Singe qui partit en trombe en - Lièvre je ne veux pas te tuer ni t'attraper, ce
direction du lieu convenu. Arrivés à la maison, les n'est pas toi que je veux mais un Singe.
enfants du paysan posèrent le Lièvre à côté de la Le Lièvre s'arrêta et revint vers le chasseur
cuisine. Dès que celui-ci remarqua que plus décidé à se venger de ce que le Singe venait de lui
personne ne faisait attention à lui, il se réveilla et faire subir. Il demanda à nouveau à l'homme :
détala à toute vitesse. Personne n'avait rien - Peux-tu me répéter ce que tu veux?
remarqué. Il se dirigea vers le baobab, l'arbre du - Voilà, répondit l'homme, mon enfant est
rendez-vous. Quand il arriva sur place le Singe n'y gravement malade et le devin m'a recommandé de
était pas. Et pour cause, juché sur son arbre, il ,., absolument la tête du Singe.
lui ramener
dégustait les arachides et laissait tomber les Le Uèvre entendit ce que disait le chasseur. Il
déchets au pied de l'arbre, sur la tête du Lièvre. se recroquevilla et se coucha le pus possible der­
Celui-ci leva la tête, à sa grande surprise découvrit rière une branche aux feuilles touffues.

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Le Lièvre très· malin indiqua à l'homme par un LE PÈRE
chant où se trouvait le Singe. Le chasseur leva la
tête et aperçut le Singe qui tentait de se cacher. Il ET SES TROIS ENFANTS
ajusta son fusil, tira, et atteignit Je Singe, qui
tomba au pied de l'arbre. Il était une fois un père qui avait trois fils. Il aimait
Le chasséur lui trancha la tête et retourna au particulièrement Kapko, le plusjeune et l'associait
village pour sauver son fils. à tout ce qu'il faisait. Un jour, il tomba gravement
Le Lièvre heureux d'avoir fait payer au Singe malade et, sentant venir sa fin, souhaita faire des
sa malhonnêteté, s'approcha du cadavre décapité confidences à son fils bien-aimé. Il le fit venir
et lui dit : près de lui, loin du regard de ses frères. Kapko,
triste et crispé s'agenouilla près de son père, prit sa
Le méchant finit toujours par payer ses main et lui dit
méfaits. - Vénéré père, parle je t'écoute !
- Mon fils bien-aimé, je vais te surprendre : je
ne vais rien te laisser en héritage.
Le garçon se mit à pleurer et demanda à son père
pourquoi il avait pris une telle décision alors qu'il
disait l'aimer beaucoup. Le père touché par la peine
de son fils, lui expliqua les raisons de son choix.
- Tu sais bien que je t'aime, et que je dois te
combler jusqu'à la mort et au-delà. Mais si je te
couvre de richesses visibles, tes frères seront
jaloux et te tueront quand je ne serais plus là.
Puis il appela les deux frères aînés et leur
distribua toutes ses richesses matérielles. Il donna
néanmoins à Kapko un Cabri chétif et lui dit :
., - Mon fils, voilà ta richesse. Ce Cabri sera ton
fidèle compagnon, et tu ne manqueras de rien.
Confie-lui tes joies et tes peines et demande-lui
ô ... �_· tout ce dont tu auras besoin. Il me remplacera à tes
\ . i\"

côtés.
o.

'li,
I.:enfant prit le Cabri, l'attacha à un piquet et
retourna près de son père qui mourut quelques
. ¼· ,if' minutes plus tard. Après l'enterrement, Kapko
détacha son Cabri et s'en alla loin de ses frères.

18 19
Peu de temps après, ses aînés lui envoyèrent un arrivé chez lui, il recommença à pleurer de plus
émissaire, afin de l'informer qu'ils organisaient belle. Le Cabri lui demanda à nouveau ce qui lui
une cérémonie en mémoire de leur père et qu'il manquait.
était tenu d'y assister. - Tu sais, quand je suis allé à la cérémonie en
Kapko se mit à penser à son triste sort: l'honneur de mon père, j'ai vu mes deux frères
- Comment pourrais-je me vêtir ? Je n'ai pas avec femmes et enfants alors que moi je suis tou­
d'habits ni même d'argent pour en acheter et aller jours seul...
honorer mon père et mes frères se moqueront de - Va chercher encore quarante et un bâtons et
moi ! reviens me battre jusqu'à épuisement des bâtons.
Il éclata en sanglot et pleura longtemps. Le Kapko s'exécuta de nouveau. Au quarante et
Cabri, peiné, lui demanda : unième coup, le Cabri bêla trois fois et, aussitôt,
- Pourquoi pleures-tu ainsi mon enfant? Que te s'alignèrent devant lui plusieurs femmes d'une
manque-t-il? Ton père en mourant t'avait bien dit beauté exceptionnelle. Kapko choisit celles qui lui
de me confier tes joies, tes peines et de me plaisaient, les épousa et les autres devinrent des
demander tout ce dont tu avais besoin. Mais quand servantes. Il eut la joie de devenir père plusieurs
j'aurais exaucé trois de tes voeux, je mourrai. Tu fois.
devras alors me faire de grandes et belles Les frères, de plus en plus intrigués par la sou­
funérailles. daine aisance de leur cadet, décidèrent de trouver
Kapko se souvint alors des paroles de son père l'origine de toutes ces richesses.
et demanda au Cabri de beaux vêtements pour Kapko en apprenant cela, fut très peiné et se
aller assister à la cérémonie. La réponse du Cabri mit à pleurer. Le Cabri lui demanda la cause de
fut étonnante : cette nouvelle tristesse.
- Va donc chercher quarante et un bâtons flexi­ - Mes frères ont décidé de venir me rendre
bles et reviens me battre jusqu'à épuisement des visite afin de voir de près comment je suis devenu
bâtons. riche. Si à leur arrivée, il n'y a pas de vraies et
Kapko s'exécuta. Au quarante et unième coup somptueuses cases, j'en aurai honte.
de bâton, le Cabri bêla trois fois et aussitôt sorti­ - II suffisait de demander au lieu de te faire du
rent de sa bouche de riches pagnes, de l'or, des souci ! Va chercher quarante et un bâtons avec les­
sandales, une jolie veste et tout ce qu'il fallait pour quels tu me battras quarante et une fois.
faire bonne figure à la cérémonie en l'honneur du Kapko courut vite chercher les bâtons et se mit à
défunt père. battre 1� Cabri. Au quarante et unième coup, le
Les frères, en voyant arriver Kapko, furent sur­ Cabri bêla et de luxueuses cases sortirent de terre.
pris de le voir si richement paré et se posèrent de Kapko avait maintenant de quoi accueillir ses frères.
nombreuses questions. Kapko, de son côté, assista Le Cabri lui donna or, argent, vêtements et tout ce
dignement aux funérailles et repartit. Aussitôt dont il avait besoin pour le restant de ses jours. Et

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tprès avoir exaucé les trois souhaits de son jeune HESSA
naître, il mourut. Comme il lui avait promis,
{apko lui fit des funérailles grandioses, puis coula Il était une fois un chasseur nommé Hessa. Il
fos jours heureux au milieu de toutes ses femmes. était l'unique chasseur dans son pays. Le roi du
pays avait trois filles si belles qu'on aurait dit des
Il faut faire confiance à nos parents et savoir fées. Mais il n'avait jamais révélé leurs
apprécier ce qu'ils nous offrent. Cela peut nous prénoms à qui que ce soit. La première
porter bonheur. s'appelait « Gandjaï man gba », la seconde « Vo
vo yé non sin » et la troisième « Houn ma klo
ka ». Un jour, le roi réunit tous ses sujets et
promit la main de ses trois filles à qui saurait les
nommer. Tout le monde se lança dans la litanie
des prénoms : Fakamné, Alougba, Bayi, Sojo,
Soni... Tout y passa ! Cela dura deux jours et deux
nuits. Personne ne trouva la solution. Au
troisième jour, après une longue réflexion, Hessa,
le chasseur alla consulter le devin. Ce dernier
l . consulta à son tour la divinité Fa qui révéla ceci
- Il faut faire une offrande de Poulets et de
Cabris à la divinité Lègba dont l'aide serait
1- efficace.
Aussitôt dit, aussitôt fait. En effet, Lègba

j promit de l'assister dans sa quête des prénoms


des trois filles. Devant la maison du roi se
dressait un grand arbre de goyaves sauvages. On
ne ramassait ses fruits que lorsque tombait la
nuit. C'était les trois filles du roi qui s'en
z
.. �-
"'·: ·
chargeaient vers trois heures du matin.

�:
... Aux environs de minuit, Lègba alla sous le
goyavier et récupéra tous les fruits tombés. Il
grimp4 . ensuite sur l'arbre et, par des
�. incantations, empêcha d'autres fruits de tomber.
� A l'heure prévue, les filles arrivèrent. Du haut
de l'arbre, Lègba visa l'aînée des filles et
jeta une goyave à ses pieds. Les autres crièrent

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- Oh là ! C'est « gandjaï man gba » qui en a chaque fois, il faisait une pause, ce qui permit à
trouvé une ! Hessa de donner au roi et au public le prénom
Lègba retint ce prénom. Quelques minutes des filles. A l'énoncé de son prénom, chacune
après, il visa la seconde fille et lança une goyave d' elle s'approchait en déposant un baiser sur la
devant elle. Ses soeurs crièrent : joue de Hessa.
- Ah ! Cette fois c' est « Vo vo yé no sin » qui Comme Hessa avait donné les trois prénoms
a trouvé une goyave ! dans l'ordre, le roi lui offrit ses trois filles en
Lègba retint ce prénom. Dès que la troisième mariage sous les yeux admiratifs et envieux du
fille fut à l' écart, Lègba lâcha un fruit à ses pieds public. Les battements de tam-tam saluèrent
et les autres dirent en choeur l'événement, le mariage fut célébré en grande
- C'est « houn man klo ka » qui en a une à pompe.
son tour !
Ainsi, Lègba avait réussi à découvrir les trois La prise en compte des traditions et la
prénoms, mais par prudence, il resta immobile consultation du Fa, spécialiste du monde
sur l'arbre jusqu'au départ des trois filles. A invisible, peut rendre un service précieux,
l'aube, Hessa vint voir Lègba qui lui livra les dans un monde où la rationalité ne résout pas
trois prénoms, tout en lui recommandant de ne tous les problèmes.
pas se précipiter pour les proclamer lors de la
réunion publique. Il devait attendre son signal.
Dès qu'il j ouerait de la ·flûte de chasse, Hessa
pourrait intervenir.
Au jour dit, les gens se rassemblèrent et
reprirent la litanie de prénoms, aussi farfelus et
erronés les uns que les autres. En même temps,
Lègba loin de la foule, prit sa flûte et se mit à
jouer :
- Hessa, tu as la mémoire courte et tu oublies
vite.
- Hessa l'une se prénomme « gandjaï man
gba ».
- Hessa, l'autre se prénomme « vo vo yé non \
·"

sin ».
.' l .•
- Hessa, la troisième se prénomme « houn e
� �

man klo ka ». ' ..


Lègba reprenait ses couplets sans cesse. A

24 25
LES ANIMAUX
EN DÉMOCRATIE
Pendant longtemps, le Lion avait été désigné
comme roi des animaux. Un jour, il convoqua
une assemblée et déclara
- Je suis fatigué de garder le trône qui m'a été
confié depuis deux siècles. Je voudrais que
quelqu'un parmi vous me remplace.
A ces mots tous les animaux se regardèrent et
un silence s'empara d'eux. La Tortue demanda à
sa majesté d'expliquer les raisons de sa décision
à l'assemblée. Le Lion reprit la parole :
- Comme je vous l'ai déjà annoncé, je suis
fatigué de régner sur le trône et le royaume.
Soyez donc rassurés, mes chers amis. Je suis sin­
cère, je voudrais quitter mon trône.
Surpris par cette décision les animaux se
retirèrent pour se concerter. Le Singe, le Lièvre,
le Renard et l' Aigle furent volontaires pour
accéder au trône. Sur la proposition de
! 'Eléphant, sa majesté leur demanda de dégager
un seul candidat. Mais à l'issue de leur réunion,
les quatre candidats ne s'étaient pas entendus.
I:un des conseillers du roi, !'Hippopotame, dit
alors :
- Majesté ! Avec vous, nous étions à l'aise.
Mais maintenant, demandons aux candidats de
présenter un programme de développement sur
cette base, nous allons voter pour le candidat le
plus méritant.
Belle idée, tout le monde applaudit. Alors le
Lion comprit que ses sujets souhaitaient la
démocratie. Il annonça à son peuple sa décision :
-----------------
l
- Tout le monde dans ce royaume est prêt à sauvegarder la paix et l'unité qu'ils ont pourtant
être dirigé par un gouvernement élu. Je promises. A partir de cet instant je mets fin à la
n'aimerais pas qu'il y ait des troubles dans ce pagaille que nous vivons. Plus d'élection ! Adieu
royaume. Prenons le temps des dispositions les menteurs !
avant qu'il ne soit trop tard.
Il invita donc les quatre concurrents à présen­ Depuis ce jour le Lion demeure le roi des
ter chacun un programme à l'assemblée. Il ren­ animaux.
voya la séance à une autre fois. Tous les animaux
se séparèrent avec l'espoir d'être gouvernés.
A la rencontre suivante, le Singe prit la
parole, le premier.
- Vous êtes mon peuple bien-aimé, je veille­
rais sur votre sécurité. Je contrôle le ciel et la
terre. Du sommet des arbres,je surveille tous les
mouvements des hommes. Je donnerais à man­
ger à tout le monde. La paix et la tranquillité
règneront. Je vous prie de m'accorder vos voix.
Ainsi de sui,te 1� Lièvre, l'Aigle, et le Renard
présentèrent chacun un programme.

�i
Sa majesté ordonna l'organisation du vote.
Au premier tour le Singe et l'Aigle furent élimi­
nés. Le Lièvre et le Renard participèrent au
second tour. Mais le résultat donna le même

i/t :- ���'\
-,
_J
"
nombre de voix à chacun d'eux. Sa majesté
appela les deux concurrents et leur demanda un . i .,.,;
seul représentant pour gouverner le pays. --
Malheureusement les deux ne réussirent pas à
s'entendre. Deux camps se constituèrent dans le
royaume : Le camp du Lièvre et le camp du
Renard. . ..;• ''=''

Le Lion se fâcha et provoqua une dernière ,
réunion.
- Vous avez vu vous-même ce qui s'est passé
aujourd'hui dit-il, l'unité de notre royaume est
menacée. Nos deux candidats sont incapables de

28 29
LA COIFFURE
AUX TROIS TOUFFES
Un homme vivait avec sa femme, son fils et
élevait en plus le fils d'un ami. Un jour, il alla voir
son coiffeur et lui demanda de lui raser la tête,
tout en prenant soin de lui laisser trois touffes de
cheveux : une à gauche, une au milieu et une à
droite. Le coiffeur exécuta sa volonté. I.:homme
lança alors un défi à tous les habitants du pays :
celui ou celle qui donnerait la signification exacte
de ses trois touffes aurait une grosse récompense
et serait riche à jamais. Chacun tenta sa chance
sans succès. Le roi du pays informé du défi lancé
par cet homme se dit :
- Il n'y a que moi qui suis le détenteur de
toute la richesse. Comment ce simple roturier
peut-il promettre d' enrichir celui qui expliquera
ses trois touffes !
L e roi l e convoqua. I.:homme arriva,
s'agenouilla et, tête baissée, il attendit. Le roi lui
demanda :
- Que signifient ces trois touffes sur la tête ?
- Mon roi, je m'amuse à lancer une devinette,
comme c'est un défi, je ne peux pas vous donner
la réponse.
- Et si moi, ton roi, j e relevais ce défi et en
devinais la signification, que se passera t-il ?
- Mon roi, vous me décapiterez.
- B91;1 rentre chez toi, on verra.
I.:hômme rentra chez lui. Des semaines et des
mois passèrent. Tout le monde oublia le défi.
Entre temps, le roi convoqua au palais la femme
de lanceur de défi et lui dit

30 31
- Si tu arrives à m'obtenir la signification des semaines puis, contrarié, finit par céder en
trois touffes de ton mari, je te donnerais la raison de son amour pour sa femme.
moitié de mon royaume. La femme promit au roi Quelques jours après, la femme se rendit
de tout mettre en œuvre pour lui apporter le plus chez le roi et lui révéla la signification des trois
rapidement possible la réponse. touffes. Une semaine après la révélation du sens
- Quant au lanceur de défi, il alla voir son des trois touffes par la femme du lanceur de défi,
meilleur ami en qui il avait toute confiance et lui le roi réunit tout le monde et convoqua l'homme.
livra le secret de ses trois touffes en lui -Tu m'avais dit que si je donnais la
faisant promettre de ne jamais le révéler à signification de tes touffes de cheveux, je
personne : pouvais te décapiter ?
Première : Touffe de droite : avoir beaucoup - C'est bien cela, mon roi.
d'enfants, mais avoir son propre fils. - Voici la signification . . .
Deuxième : Touffe de gauche : ta mort peut L e roi donna exactement les trois bonnes
provenir de ta femme plus sûrement que d'une réponses, à la surprise et à la stupéfaction de
autre personne. l'homme qui jeta un regard interrogateur à sa
Troisième : Touffe du milieu : enfant d'autrui femme. D'une voix digne et posée le lanceur de
reste enfant d'autrui. défi dit :
Son ami lui donna des conseils de prudence - Majesté, décapitez-moi vous avez résolu
afin qu'il ne soit pas décapité par le roi. A la l'énigme de mes trois touffes.
maison la femme devint plus attentionnée à Le bourreau sortit son sabre, prêt à
l'égard de son mari. Celui-ci fut l'objet de tous exécuter l'homme. C'est alors que le fils de son
ses soins ; il fut cajolé, aimé, chouchouté. Un ami cria en direction du bourreau
jour, la femme refusa de céder au désir de son - Attendez que je lui retire le pagne qu'il a
mari et n'accepta plus de remplir son devoir autour de la taille ! Il est à moi et je ne veux pas
conjugal. Cela dura des semaines et des mois. que son sang coule et le tache. Le propre fils du
!;homme étonné du comportement inhabituel de supplicié s'écria de son côté :
sa femme, voulut en connaître les raisons. Elle - Moi, je lui laisse mon pagne, son sang peut
les lui donna sans détours y couler et le tacher puis il se mit à
- Si je ne peux pas connaître l'explication de sangloter.
tes trois touffes, c'est que d'après toi, je ne suis Voyant la réaction de ces deux enfants, le roi
pas capable d'entendre tes secrets et de les arrêta le bourreau et dit :
partager. J'ai donc décidé de ne plus faire - Ne tuez point cet homme. Cette
1'amour avec toi. Je te quitterai bientôt si tu aventure des trois touffes vient de nous donner
persistes à me cacher la signification de ta· une grande leçon et nous devons y réfléchir.
coiffure. !;homme résista encore quelques En effet, c'est sa propre épouse qui m'a

32 33
révélé son secret, elle seule est responsable de sa
mort. I.: enfant de son ami, quant à lui, vient de LE ROI
démontrer le peu de cas qu'il fait de la Il était une fois un roi qui avait pour femmes
condamnation de son tuteur. Son fils, par contre, une Poule, une Chèvre, une Tourterelle, une
a donné la preuve de son amour filial. I.:homme Perruche et une Cane. Un jour, ce roi tomba
a donc raison et les touffes ont dit vrai. gravement malade et aucun traitement ne put venir
Ainsi, l'hornme fut sauvé et comblé de biens à bout du mal. N'en pouvant plus, et ne sachant
par le roi. Il répudia sa femme, chassa le fils de plus que faire il envoya un émissaire chez le devin
son ami et vécut heureux avec son fils. qui pouvait consulter le monde invisible et lui
préconiser les remèdes pour le guérir. C'était la
Révèle le moins de secrets possible à ta femme Chèvre du roi qui partit chez le devin pour
femme, quelles qu'en soient les raisons et les la première consultation. Le devin consulta le
circonstances. monde invisible et, au vu du message, resta un
moment silencieux, perplexe presque dubitatif.
Son regard allait de la Chèvre aux instruments de
la consultation. Il finit par demander à la Chèvre,
si elle était suffisamment courageuse pour donner
à son mari les directives à suivre pour le guérir de
la maladie qui le minait. La Chèvre s'empressa de
répondre :
- Bien sûr, devin, je transmettrai à mon époux
la commission immédiatement.
- Ecoute moi bien : selon les recommandations
c'est toi la Chèvre que je tue pour faire un
sacrifice avec ta tête afin que ton époux guérisse,
sinon il ne survivra pas à sa maladie. Voilà le
message à lui transmettre.
Elle retourna chez son époux, lui dit que selon
le devin sa maladie n'était pas grave, c'était juste
une question de temps, il guérirait sans tarder.
Confiant, le roi malade se mit à espérer,
connaissant la renommée du devin. Le soir venu,
la femme Chèvre fit sa valise et alla se réfugier
chez ses parents.
Comme la maladie s'aggravait, le roi envoya la

34 35
femme Poul e auprès du devin pour lui dire que son dernier espoir était sa fidèle épouse Perruche qui
état, au lieu de s'améliorer comme il l'avait dit ne n'avait pas ménagé ses forces jusque là pour le
'
faisait qu' empirer. La Poule fit la commission . le sauver. Désespéré, à bout de souffle, il l'appela, et
'
devin surpris d'apprendre que la santé du roi lui demanda d'aller voir le devin afin de découvrir
déclinait au lieu de s'améliorer, persuadé que la la vérité. Si sa mort était inévitable, il pourrait
femme Chèvre n'avait pas transmis exactement au ainsi dicter ses dernières volontés de souverain
roi ce qu'il avait dit, il répéta la même chose à la avant sa mort. La Perruche se rendit auprès du
femm e Poule devin qui, jusque là, n'avait rien pu faire pour sau­
- li faut que ta tête tombe pour pouvoir sauver ver son mari. Elle commençait maintenant à dou­
ton mari. ter de sa capacité à guérir son époux. Le devin,
- Ah bon ! C'était ça, la commission ? Je m'en voyant arriver la Perruche comprit qu'aucune des
vais de ce pas lui dire ce que je viens d'entendre de femmes n'avait dit la vérité au roi puisque aucune
votre bouche. d'elle ne revenait pour le sacrifice. II dit à nouveau
Arrivée à la maison, la Poule dit au roi de ne à la Perruche ce qu'il avait dit aux autres femmes.
plus s'inquiéter, mais de faire confiance au devin La femme Perruche répondit
sa guérison n'était plus qu'une question de jour� - Ce n'est rien, cher devin, moi, j'accepte de
puis comme la femm e Chèvre, la femme Poule se sacrifier ma vie pour celle de mon mari. Le roi a
sauva aussi vite qu'elle le put de la maison et alla besoin de forces pour gouverner son peuple. Venez
se réfugier elle aussi chez ses parents. avec moi sur-le-champ procéder au sacrifice de ma
Vint le tour de la femme Cane, elle se sauva à personne.
son tour après la visite chez le devin. Restaient la Le devin malgré sa surprise accepta de suivre
femme Tourterelle et la Perruche. Comme la la Perruche pour aller chez le roi procéder à la
Perruch e était celle qui s'afférait le plus autour du cérémonie du sacrifice. La femme Perruche le
roi, veillait sur lui nuit et jour, il ne restait plus précéda et apprit à son époux ce que le devin avait
qu'à envoyer la Tourterelle chez le devin. La révélé. Elle l'informa qu'aucune de ses femmes ne
femme Tourterelle arriva chez le devin qui lui avait transmis les recommandations du devin.
s'étonnait vraiment de ce qui se passait chez le roi. Mais elle, Perruche, acceptait de lui offrir sa vie
Il répéta la même chose à la nouvelle messagère. pour sauver son mari. Alors le roi, pris de pitié et
Sans plus rien dire, elle courut à la maison dire au de compassion pour elle refusa de la sacrifier pour
roi qu'il devrait guérir dans les quarante huit sa propre guérison. Elle insista, expliquant à son
heures au plus. Discrètement elle se déroba à la époux qu'elle était un élément insignifiant dans la
vue du roi, rassembla ses affaires et partit comme cité, elle n'avait d'autorité sur personne, alors que
les autres chez ses parents. lui, le roi avait besoin d'être en bonne santé pour
Restait la femme Perruche. Le roi demeurait régner sur son peuple. Juste à ce moment arriva le
intrigué par l' absence de toutes ses femmes. Son devin. La femme se pressa à sa rencontre et alla

36 37
pré�e�ir le roi de son arrivée. Le roi refusa de LE ROI ET SON ÉPOUSE
sacnf1er la seule femme qui lui était restée fidèle
et déclara préférer mourir. Le devin prit enfin la
MANCHOTE
rs, avait une
parole : Da danègbo, le roi de l'unive
- Maj�st� il n'est pas question que votre fidèle quarante femmes.
_ ' particularité, il avait déj à
et b1en-a1mee vous quitte. Je vous assure, elle de ses sorties, il
Pourtant, au cours d'une
�ardera sa tête, mais j e vais vous dire une chose , d'une be auté hors
remarqua la fille d'un paysan
il me faut la tête de vos épouses Chèvre, Poule, avait un défaut :
du commun. Seulement, elle
Tourterelle, et Cane, pour mon sacrifice. danègbo demanda la
elle n'avait qu'un bras. Da
- Dans ce cas ma réponse est oui, déclara le roi lui répondit qu'il
fille en mariage. Le paysan
on fera ce sacri�ice. � amenez toutes mes épouse� qu'il redoutait que
_ avait déj à quarante femmes et
qm se sont enfuies, ou qu'elles soient ! pas honorer cette
sa fille manchote ne puisse
Ce qui fut fait sur le champ, les quatre épouses il lui offrait.
_ quarante et unième place qu'
furent ramenees de force chez le roi. Leurs têtes e soin d'elle ?
- Pourrez-vous vraiment prendr
furent sacrifiées et le roi fut sauvé. t d'elle et elle se
Les co-épouses se moqueron
1 appela ensuite sa femme Perruche et la
, .� sentira trop humiliée...
fehclta publiquement. Depuis ce jour, seules les t'inquiète pa s,
- Jamais pay san ! Ne
plumes de la �erruche et du Perroquet peuvent
j'assurerai l'ordre chez mo i!
é, craignait les
orner les pamers et autres objets destinés au
_ . La jeune fille aussi, de son côt
sacnf1ce. De m ême, jamais la tête d'aucune roi la rassura et
railleries de ses co-épouses. Le
Perruche n'est utilisée par les devins pour un uire spécialement
propos a même de faire constr
nt haut qui lui
sacrifice. pour elle un mur suffisamme
l'abri des regards
permettrait de se baigner à
La fidélité, l'honnêteté et la bravoure sont epta. Le roi lui offrit alors une
indiscrets. Elle acc
des qualités qui sont souvent récomp:nsées riche dot et fit célébrer un gra
nd mariage.
d'une manière inattendue. Comme le voulait la traditio
n, la nou velle
ille, rej oignit le
mariée, accompagnée de sa fam
habillée et parée,
domicile conjugal la nuit. Bien
des vêtements
son infirmité était cachée par
amples.
mes et leur
Le roi convoqua les autres fem
épo use. Ell es
présenta Gb èss i, l a nouvelle
uèrent rien
l'ac cueillirent mais ne remarq
à chaque
d' anorm al, sauf un détail : alors qu'

39
38
arrivée d'une nouvelle femme, le roi faisait La rumeur parvint aux oreilles de Gbèssi.
construire une douche en branchages, il avait fait Effondrée, elle se dit
ériger cette fois une douche en brique avec un - Voilà les railleries que je craignais! A force
mur si haut que personne ne pouvait voir celle de m'espionner, il y en a une qui a fini par
qui s'y lavait. découvrir mon infirmité. Il faut que je retourne
L'une des épouses du roi, appelée Wouhouan, chez moi en parler à mon père. La nuit venue,
était intriguée : c'était bien la première fois elle se sauva et alla voir son père :
qu'elle voyait cela ! Qu'avait donc de particulier - Père, père, ce que je redoutais est arrivé. Une
cette nouvelle épouse pour mériter tant épouse m'a espionnée et a décelé mon handicap.
d'attention? Elle chante pour m'humilier et m'avertir que, bien
Pire encore, le roi désigna non seulement une qu'infirme, je dois piler le mil dans quatre jours,
servante pour cette nouvelle femme mais fit aller puiser de l'eau, et faire la cuisine avant
construire pour elle aussi une nouvelle douche d'avoir accès au lit nuptial !
en brique, alors que les précédentes n'avaient ni - Ne t'inquiète pas ma fille, fais-moi
l'une ni l'autre... confiance.
Tout cela cachait sûrement quelque chose... - Son père l'amena chez un devin qui la
Les anciennes épouses, d'abord soupçonneuses, rassura et l'informa que non seulement elle
n'y prêtèrent bientôt plus attention. Cependant, resterait chez son mari, mais qu'elle serait son
Woubouan, la plus indiscrète et la plus jalouse épouse préférée.
était une commère. Elle était résolue à découvrir - Je vais te faire un gris-gris et les yeux
la cause de tant de sollicitude. Alors, elle se mit fermés, tu iras le jeter dans un fleuve qui coule
à espionner Gbèssi tous les jours. non loin de chez ton père.
A force de l'espionner, Woubouan finit par - Gbèssi s'exécuta sur le champ. A peine
découvrir l'infirmité de sa rivale. Poussée par sa avait-elle jeté le gris-gris dans le fleuve que le
jalousie, elle alla de porte en porte, ridiculisa la génie de l'eau apparut et l'entraîna avec lui sous
nouvelle épouse et raconta, en riant à gorge l'eau, puis lui demanda ce qu'elle venait chercher
déployée que Gbèssi n'avait qu'un bras : elle était dans son domaine. La jeune femme expliqua au
« golio ». Ainsi, tous les grands dignitaires du génie son histoire et l'humiliation qui la guettait
royaume furent-ils au courant de l'état de Gbèssi si dans trois jours elle n'arrivait pas à piler le mil
la nouvelle femme du roi. et à satisfaire aux autres obligations.
Quatre jours avant le quarante et unième jour, Désemp�ée, elle lui confia sa peine, et demanda
Wouhouan fit irruption dans la cour. Par le biais au génie de l'engloutir pour éviter la honte
de quolibets et d'allusions, elle fit comprendre à qu'elle devait essuyer. Le génie la rassura et
tout l e monde que le mil devrait obligatoirement promit de lui venir en aide. Par magie il lui
être pilé, qu'on ait des bras ou qu'on n'en ait' pas. reconstitua son bras manquant et rien ne le

40 41
distinguait d'un bras ordinaire. Il lui demanda devrait en être de même pour Gbèssi la favorite
ensuite de fermer les yeux, lui donna un coup si elle veut consommer son mariage cette nuit.
sec sur la tête et lorsqu'elle ouvrit les yeux, elle Ces récriminations faisaient bouillir
se retrouva sur la rive. Le génie lui avait offert d'indignation Gbèssi. Elle demanda au roi de la
également deux pilons dorés pour piler le mil au regarder relever le défi : celui de piler le mil. Le
jour décisif et un canaris pour puiser de l'eau. Il roi bien que contrarié, vint s'installer. Aussitôt,
lui recommanda d'être la plus discrète possible Wouhouan apostropha la nouvelle mariée, la
et de ne rien laisser apparaître jusqu'au jour de pressa de venir accomplir sa tâche. Gbèssi sortit
l'épreuve. Gbèssi courut dire à son père ce qui de sa chambre, bien couverte, ses bras cachés
lui était arrivé. Ce dernier, heureux, la ramena sous le pagne . Arrivée à hauteur du roi, elle
aussitôt chez le roi par des chemins secrets, et détacha son pagne avec énergie, le noua autour
personne ne se rendit compte, ni de son départ, de sa taille, laissant voir ses bras dignes des bras
ni de son retour. De son côté, Wouhouan ne d'une fée. Wouhouan la jalouse était stupéfaite.
cessait de répandre ses médisances, ameutait les Gbèssi la fixa d'un regard triomphal, s'empara
autres épouses, et faisait tout pour que ses ragots de ses deux pilons en or et demanda à
arrivent aux oreilles de leur époux, le roi. Ce l'assistance l'autorisation d'entonner une
dernier était très contrarié, car il avait promis, chanson : « Do gon miton lo, allogan kèdè wè è
avant d'épouser Gbèssi, qu'aucune de ses nonli bè man mi ». Wouhouan honteuse, se
épouses ne se moquerait d'elle. précipita vers la nouvelle épouse et lui dit :
- Le jour venu, dès le premier chant du Coq, - Pile-moi! Co-épouse, s'il te plaît, pile-moi à
Wouhouan sortit du grenier une quantité la place du mil. Et Gbèssi lui répondit en
importante de mil, alla de case en case rappeler chantant :
l'événement aux autres épouses et les convia à - Ce n'est pas toi mais le mil que je dois piler.
assister à un événement inédit : l'épouse Elle continua de piler et de chanter. Le roi
manchote allait piler le mil, puiser de l'eau, et intervint et lui dit :
préparer le repas ! Le roi avait donné l'ordre de - Ça suffit, ma belle Gbèssi, ça suffit ! Elle
ne pas faire subir ces épreuves à sa nouvelle cessa de piler. Le roi interpella tous ses conseil­
épouse. Il avait imposé que sa servante fasse tout lers, ainsi que le bourreau et leur demanda ce
à sa place. qu'ils avaient vu d'anormal. Ils avouèrent tous
I nstantanément, la femme jalouse avait que depuis le jour, Wouhouan racontait partout
commencé à s'agiter et à ronchonner. que la nouvelle femme était manchote, qu'elle
- Quoi ? C'est inadmissible ! Quand je suis n'était �apable de rien. C'était pour cette raison
arrivée ici, je n'ai pas eu droit moi à une que le roi avait désigné une servante qui devait
servante. J'ai accompli moi-même toutes les tout faire à sa place. Quoique surpris lui-même,
obligations avant d'avoir accès au lit nuptial. II le roi fit constater que la nouvelle épouse n'avait

42 43
aucune infirmité. E n guise de châtiment,
l'épouse calomniatrice fut décapitée afin de TOHOSSOU
servir d'exemple à toutes les femmes de la
maison royale et du pays tout entier.
ET SES ENFANTS
Un jour, Tohossou qui voulait tester ses
La discrétion est la seule conduite digne à enfants afin de savoir lequel était compétent pour
avoir dans la vie de tous les jours. La jalousie lui succéder après sa mort, mit au point une
fait du tort à autrui et à soi-même. stratégie. Il fit semblant d'être malade et de
trembler de froid, il appela son fils aîné et lui dit
- Va sur la terre ferme chercher des braises
pour me faire du feu afin que ma demeure puisse
chauffer. Le fils réagit violement.
- Comment père ? Le feu ne peut être amené
à la demeure, il s'éteindrait.
- Si ! On peut, répondit vigoureusement le
père !
Le fils sortit de la rivière et se rendit dans un
village, sur la terre ferme et revint avec les braises
puis plongea dans l' eau ; mais au contact de l'eau
les braises s'éteignirent. Il retourna en chercher
d'autres qui s'éteignirent aussi. Au bout de six
tentatives, découragé et en colère, il retourna voir
son père et lui dit qu'il était désolé de ne pas lui
ramener les braises pour chauffer la maison.
Le père fit le même scénario avec le second
fils qui lui répondit
- J' y vais tout de suite père.
Il alla chercher les braises et plongea. Au
contact de l'eau les braises s'éteignirent. Il
recommença six fois avec le même résultat.
Dépité et en colère, lui aussi retourna voir le
père et)ui dit :
- Je ne peux pas traverser la rivière sans que
le feu ne s'éteigne.
Le père fit le même scénario avec l e

44 45
troisième fils et obtint le même résultat. Tous les
enfants avaient essayé sauf le cadet. Quand son
tour arriva, lui aussi fit une première tentative. Les
braises s'éteignirent encore. Alors il réfléchit et
alla exposer son problème au vieux sage du village
où il était allé chercher les braises.
Il est sûrement plus expérimenté que moi pensa
t-il. Le vieux lui conseilla d'aller consulter le
devin du royaume à l'autre bout du village .
L'enfant partit exp oser son problème au
LA FAUSSE MORT
devin. Celui-ci promit de l' aider à condition DU LION
qu'il ramène une gourde, une calebasse, du
son compère
Kapok et de la cire. Le fils c ourut aussitôt Le Lio n était le roi de la forêt et
ani �x le� plus
ma
chercher tous ces accessoires et les ramena au était la Panthère. Ils étaient les
De u s touj ours:
devin. Celui-ci c oupa la calebasse, la remplit de redoutés par les autres espèces. � �
é itaient pas a
Kapok, mit une braise au milieu et replaça le lorsqu'ils avaient faim, ils n'h �
rnr. A la lon gue
tout dans une gourde qu'il ferma hermétique­ chasser les animaux pou r se nou
fiants. P o� se
ment avec de la cire. Il remit l a gourde à son les autres animaux devinrent mé
outables roi s de
visiteur. L'enfant arrivé au bord de l'eau, plon­ mettre hor s de, la por tée des red
gea jusqu'à la demeure paternelle, il sortit la . 1 a forêt ils s enfuirent et se cachèrent loin. très
' que les roi s de
gourde et l'ouvrit. L a braise avait déjà consumé loin. Cela faisait plusieurs jours
à manger. Ils
t out le Kapok e t la calebasse elle-même était la for êt n' avait plus rien
Lio n app ela la
déjà entamée. Fièrement, le cadet tendit à son faiblissaient à vue d'œil. Le
e:
p ère la gourde contenant les braises. Panthère et lui fit par t de sa rus dra
.
,
Très content le p ère appela les autres enfants. bla nt d' être mo rt, j e m'é ten i
_ Je ferai sem
iras annonc er
Il leur fit comprendre que le cadet avait une je retiendrai ma respiration et tu
Tu les per suaderas
capacité de réflexion plus grande et était plus ma mort aux autres animaux.
astucieux. C'est à lui qu'il laisserait son pouvoir. de venir à mes funérailles.
Lio n ;it le
Ses trois enfants confus et furieux se mirent à Joignant le geste à la parole le
alo rs d alle r
murmurer. Malgré leur colère ils s' inclinèrent mo rt. La Panthère se pre ssa
aux .
devant l a c onclusion de leur père. Le cadet se annoncer la triste nouvelle aux anim
n'y a plus
mit à apprendre le métier de chef avec son père. - Le roi Lio n est mo rt ; Sortez il
Obéir à ses parents est une bonne chose, rien à cr�indre.
ole des
recourir aux conseils des personnes plus Le Liè vre qui était le p orte par
tou t et les
expérimentées est recommandé. animaux diffusa la nou vel le par

47
46
convoqua pour organiser l 'enterrement du roi.
Arrivés sur les lieux, la Taupe et le Rat furent
désignés pour creuser la tombe. Ils se mirent au
travail, tous les autres animaux chantaient pour
les encourager.
L'Ecureuil arriva le dernier. Sa première
question était de savoir si les autres avait vu le
cadavre du Lion. Si oui où était-il ?
Le Lièvre lui montra le Lion étalé par terre,
sans vie. Tout doucement !'Ecureuil se mobilisa
derrière le mort sans se faire remarquer et se mit
à l 'observer. Au bout d'un moment le Lion ne se
sachant pas épié, cligna des yeux. L'Ecureuil
sursauta, certain, de ce qu'il avait vu. Avec
précaution, il introduisit un doigt dans l' anus du
Lion. L' anus s e rétrécit instantanément ;
L'Ecureuil fit un bond de surprise et rejoignit
ceux qui étaient près de la tombe, entonna une LES HUIT VOLEURS
ai nt huit voleurs
chanson : Dans un village paisible viv �
Lée min non kougbon é djin na ! Tchédé, semaient l a terreur
de grands chemins, qui
tchédé. personne. Qu�n� la
partout 1 Ils n'é pargn aient
Quétché zodé, madougougbon, tchédé, d'être _ leu r victime
nuit tombait, l' angoisse
tchédé.
emPêchait tout le mond e de dormir. Les vol�urs
.
Le Lion comprit que sa ruse allait être
s'en prenaient particul" ier em ent , à un nc he
découverte. Il se réveilla et d'un bon magistral t reguherement.
archand chez qui ils allaien
se dirigea vers la tombe. Ce fut la débandade étées des voleurs,
;xaspéré par les visites rép
générale. La Taupe et le Rat creusèrent vite une c eux. Il arpenta les
celui-ci décida d'en finir ave
galerie pour s ' y enfermer et ainsi, ils eurent la t et fort :
rues du village en clamant hau
vie sauve. Les plus rapides s'échappèrent mais arderont encore
- Gare aux voleurs qui se has
les autres tombèrent dans la tombe. Le Lion les sans aucune autre
dévora les uns après les autres. chez mo i ! Je les arrêterai
forme de procès. , . , .
L'Ecureuil grimpa prestement sur un arbre et e, il etait a11 e,
En eyffet il s'était bien prépar
de là-haut observa le carnage. d'un� �r�nd e
consulter un devin sor cie r
souhait �tait �e
Dans tous les milieux, il y a toujours réputation. Il expliqua qu e son
ce. Apres avo ir
quelqu'un de plus malin que les autres. réussir à les arrêter sans violen

48 49
complices entendit le
consulté les oracle s et procédé à différents · incontrôlable. U n de se s
a. Le chef riait de �lus
sacrifice s, le devin lui remit une corbe ille dans rire du chef et s'interroge
r décida d'aller voir de
laquelle il enferma une petite cal eb a sse belle . Le deuxième voleu
t rir�. ? ès_ qu'il_ toucha
conte nant le gris-gris anti-vol. Le devin dit que plus près ce qui le faisai
ntamme lm aussi par ce
la corbe ille devait être déposée dans l a maison. le bras du chef il fut co
tous les autres ,v�le�r�
Si un voleur touchait à n'importe quel objet il fou rire. A tour de rôle,
n et ce fut 1 h1lante
serait pris d'un fou rire incontrôlable . II n'y rentrèrent dans la maiso
_ retenue . �lors, le pro­
aurait alors que le propriétaire qui serait en générale, ils riaient sans _ leurs.
n e sans fm l�s vo
m e sure de neutraliser l e gris-gris avec de s pri étaire arriva, regarda :
agique ne serait
pa �, p�o­
formules connues de lui seul. Arrivé chez lui il Tant que l a for mule m
serait . Le propnetatr�
posa la corbeille au milieu de ses objets les pius noncée, l'épidémie, ne ces
ants d� village qm
précieux qui attireraie nt l 'atte ntion de s voleurs. co nvoqua tous le s habit
s, la mam da�s �e �ac.
Les voleurs apprirent le défi que l eur avait lancé accoururent voir les voleur
jours, ils ne reallsa1ent
c e marchand. Ils tinre nt immédi ate ment conseil Les voleurs riaient tou
lageois étaient là à les
pour mettre au point une ruse d'attaque . Le riche même pas que tous les vil ger de
p�o �riétaire surprit leur conversation, il apprit regarder, prêts
à les lyncher pour se ven
er un e
aire alla ch erch
ams1 une ruse pour le dévaliser. Au bout d'un leurs méfaits. Le propriét
ngea la main dans l e
moment, il fit irruption dans leur réunion et les décoction de feuilles, plo
mu le magiqu_e et _les
menaça : liquide, prononça la for :t l a
- Je vous l e dis solennellement, je suis le aspergea. Ils ce ssè
rent de rire �t, s�sautere1 �
. pn etaire leur dit •.
nche propriétaire et aucun de vous ici ne pourra vue des villageois. Et le pro
e vous ne paume z
me dévaliser. Je vous arrêterai tous. _ Je vous avais bie n dit qu
us voilà donc avertis
Les voleurs se retournèrent vers l'homme qui plus j amais me voler, vo
pas :ous fair� de mal,
continua de dire : publiquement. Je ne veux
partir de mamtenant,
- Si vous osez encore venir chez moi il va ni vous emprisonner. A
s ne peut venir voler
vous arriver des choses terrible s et v�us le sachez qu'aucun de vou
e.
regretterez toute votre vie. chez moi ni dans ce villag
I.:homme partit. Alors les vol eurs décidèrent Depuis ce jour, les vol eurs éparg�ère nt la
i que le village .
de dépouiller et de saccager sa maison. demeure du propriétaire ains
Le l endemain, le s huit voleurs se décidèrent.
voit r la riche�se
Ils encerclèrent la maison du marchand, mirent Ça ne sert à rien de con �
acqms ne profite
a� point � pla n d' �tta que . L e chef du gang des autres. Le bien mal
.
s mtrodu1s1t l e premier dans la propriété pour jamais.
_
reperer les objets intéressants. Dès qu'il toucha
l e premier obj e t il fut pris d'un fou r ire

51
50
LA POULE
ET LA TOURTERELLE
Mon conte vole, s'envole et tombe sur un
village.
La récolte avait été mauvaise cette année-là
riz, mil, maïs, patates, il ne restait plus rien.
- Comment faire pour nourrir mes Poussins ?
Se demandait une mère Poule. Une Tourterelle
qui passait par là, la rassura
- Ne t'inquiète pas, lui dit-elle je connais un
champ de patates près de la forêt. Tu y trouveras
beaucoup de nourriture. Suis-moi. Mais nous
devons faire attention le paysan vient parfois
visiter son champ. Il faut alors s'envoler très
vite.
La Poule est contente de la bonne nouvelle
que la Tourterelle lui donne. Elles partent toutes
les deux. Elles arrivent au champ. Sans perdre
de temps elles déterrent les patates avec leurs
pattes et leurs becs et elles les mangent. Puis
elles choisissent pour leurs petits de la bonne
nourriture.
Mais voilà le paysan qui arrive il faut partir.
La Tourterelle attrape deux petites patates et
s'envole. La Poule en prend deux grosses dans
chaque patte. Mais les patates sont trop lourdes,
la Poule ne peut s'envoler ! Vhomme court
derrière la Poule et l'attrape. Puis il l'emporte
chez lui et l'enferme dans une cage.

C'est depuis ce jour-là que les Poules


. '

vivent dans les basses-cours des maisons.

52
D ONOU ET DOSS retrouvèrent dans la forêt au li eu de la demeure
A
Il étai t une fois de du génie.
ux fre, res.. 1 , un s 'app
Donou et l 'autre elait - Maintenant, dit l e génie, tu iras à ton vil­
Dossa. Ils gran .
harmom.eusement. , · d·1Ss a1ent lage, tu choisiras un endroit désert tu prendras
A 1 a? � e ad�Ite, Donou
devenu très riche, tou 1 . était un de ces fruits, tu fermeras les yeux et tu le lan­
t u1 re, uss1s
Dossa étant pauvr sa1t, tandis que ceras . Si on ouvrant les yeux tu remarques
e bûchero . n: Il p e1na1 . .
beaucoup pour tro t quelque chose d'étrange, ne dis rien et ne fais
uver de quoi vivre.
D ossa partit en forêt
abattre des arbres. Aprè
u · n Jour aucun c ommentaire . Puis tu lanceras un
long travail, il s'ass s un deuxième fruit en fermant les yeux, tu ne feras
it sous un arbre
reposer, perd,u dans pour se aucune remarque ni commentaire en les ouvrant.
,
à cou un gem. e bienf . ses pensees sur sa vie Tout Et enfin tu feras les mêmes choses pour l e
aiteur surgit devant i
lui dir ui, et troisième fruit. Et alors tu trouveras des
- Bonjour humain, richesses de toutes sortes à tes pieds.
que cherches-tu 1. c1.
pied de cet arbre qm. au Le génie ajouta
est ma propriété ?.
Dossa se mit à tre , . - Quand tu deviendras riche, tu feras tracer un
mbler et r�po nd1t au génie
qu'il coupait du b . chemin de chez toi jusqu'à ma dem eure .
ur en
de houes qu ' il ven��:ft� faire des manches Toujours, tu prendras soin de ce chemin. Tu dési­
- Si Je te rend . gneras un de tes serviteurs qui devra balayer tou­
s ri che me ser
rec onnaissant ? as-tu jours. Une fois que l'endroit sera propre, tu tue-
- Comment devi · mgra ras un Mouton ou un Bœuf en guise de sacrifice
. endrais-J� t devant mon
bi enfaits· e. ur, je serais. reconn pour m'honorer annuell ement. Tu ne monteras
- 1 Je te rends ais sant toute ma v·ie.
riche tu auras a, entre jamais sur un Cheval sous aucun prétexte pour
li eu comm e chez . tenir ce venir m'honorer, cet animal est un tabou de mon
toi et tu ve1·1ieras
qu ' aucune herbe n a
'Y p ousse. Il y aura · . ce totem. Promets de bien suivre ces recommanda­
espace agréable o , . a1ns1 un tions et de m'honorer annuellement ?
u tu viendras te déte
reposer· Es -tu d' acc ndre et te - Bien sûr que oui.
ord ?·
- Bien sûr ! - Va et exécute ce que j e t'ai dit.
- Ferme les yeux et Le bûcheron partit et suivit les recommanda­
touche-moi.
Il ferma les yeu tions du géni e. Après avoir lancé les trois fruits,
x et to�cha le
instantanément ils génie et il devint le roi d'un peuple et le propriétaire de
se retro�v�rent �he
géni e lui dem;n da z lui. Le plusieurs cases et biens.
de
1 'arbre s e trouvant d . ,cue1llIr trois fru1·ts de Donou, son frère jume au, étonné, lui
ernere sa case, il le
génie lui demanda , fit. L e demanda des explications sur sa richesse . Dossa
a nouveau de l e t
buche
� ron le fit et, . ou cher. Le lui raconta tout et Donou lui dit
mstantanément ils
se - Un géni e est intransigeant sur l es interdits.

54
55
- Ne t'inquiète pas pour .
moi, tu sais bien que Voyez ce qm 'arrive' je n'ai plus ri en car je
j'obéirai à la lettre à mon
Dossa devint heureux.
génie.
Vint
n'ai pas respec�e rr: ,.
\ �: : :
1 du Cheval. Mon frère
d.t
fice primaire en l'honneur le jour du sacri­ Donou, tu vois s les richesses se sont
du génie . Chants, envo 1 , s 1
.
tam-tam, danse, tout était .
prêt pour fêter l'évé­
ee
nem ent. II donna l'ordre Son frere , 1 'entend't 1 et se précipita vers 1Ul
nécessaire : un gros Bœuf,
d'acheminer tout le pour lui demander, : .
de l'eau, des bois­ , un
sons. Richement paré il fut - Frere, que. t arnves- t- i' l, toi qui étais . . ?
le dernier à partir. Il , . à r ndr V1S1t .
monta sur un Cheval et grand chef a qm Je m 'apprêtais e
prit le chemin qui
e e

conduisait au génie. Par1e . .1


A peine eut-il fini que le - V01s-tu, 1e génie a repris tout ce qu'1 1
géni e sous forme m'avait donné. J suis redev nu pauvr e comm
humaine lui dit e e e

- Ne m'avais-tu pas promi avant.


s de respecter mes - C'est ta faute, tu es têtu et indélicat , il
interdits et de ne pas venir ch . .
, me
ez moi à Chev 1 d ton g car tu en
- Pitié mon génie, tu al ? fallait resp cter 'mt erdit
as raison mais par­ ·
e e e

donne- moi pour cette fois avais. iai� 't 1 a prome . . ss u


v01 1 '
a c qui arrive aux
je venais rapidement
e

ingrats et a, ceux qui n'honorent pas leur


e

p our t'honorer.
Vint le deuxième anniversai promesse.
le génie. En retard, Doss re pour honorer
a choisit un beau Chev
et galopa en direction du al Il faut être fidèle à la parole donnée
li eu. N'ayant même pas
terminé de trancher la
tête
génie apparut sous forme de l'animal que le
humaine et lui dit :
- Dossa tu es vraim ent
têtu ! Je t'avais inter­
dit de venir à Cheval.
- Pardonne-moi encore.
Les mêmes chos es arrivè
rent au troisième
anniversaire du géni e.
Mais cette fois-ci le génie
prit sans pitié tout ce qu'il
avait offert à Dossa le
bûcheron et celui- ci re
devint pauvre comme
avant. II prit sa houe et
son coupe-coupe et alla
tant :
vers son village en chan
- Le génie m'avait e
nrichi et m'avait interdit
de venir dans sa demeure
avec un Cheval mais
j'ai désobéi. Mon frère
Donou, b elles dem eures,
serviteurs, femmes et enfan
ts se sont évanouis !

56
LE LIÈVRE, LE CANARD
ET LES GRENOUILLES
Histoire raconte, histoire raconte, mon
histoire vole, court et va voir le Lièvre qui passe au
bord d'une rivière. Il rencontre le Canard assis les
pieds dans l'eau.
- Bonjour, Canard, comment vas-tu ?
- Ça ne va pas ! Répond le Canard. En ce
moment, il n'y a pas de Poissons. Il y a encore des
Grenouilles mais elles restent dans des trous pro­
fonds. Je ne peux pas les attraper. Mon panier est
vide, à la maison ma femme et mes enfants ont
faim.
Le Lièvre se gratte la tête avec sa longue patte.
Il réfléchit un moment puis dit :
- J'ai une idée ! Etends-toi sur le sable. Ne
bouge pas, fais le mort.
Le Canard s'étend et le Lièvre va se cacher
dans la brousse. Une Grenouille curieuse sort sa
tête hors de l'eau. Elle regarde le Canard, il ne
bouge pas. Elle avertit ses compagnes. Et voilà
deux têtes, trois têtes, dix têtes, vingt têtes mouil­
lées qui regardent le Canard avec des yeux dorés.
- Couac, couac, disent les jeunes Grenouilles.
Le Canard ne bouge pas. Est-ce qu'il est mort ?
Allons voir.
- Couac, couac disent les vieilles Grenouilles.
Le Canard ne bouge pas. Est-ce qu'il est mort ?
Faîtes attention, il n'est peut-être pas mort. Il va
vous attraper.
Le Lièvre sort de la brousse. Il s'approche du
Canard ; il le remue. Le Canard se laisse faire sans
bouger. Le Lièvre pleure :
- Mon ami est mort ! Mon ami est mort !
En voyant la scène, les jeunes Grenouilles

58
59
n 'écoutent plus I es v1e .
· 111 es. Elles sortent de 1 'eau
Elles dansent autour du Ca
nard :
· Le Canard est mort t·1 ne
' peut plus nous man-
ger !
Les vieilles Grenouilles s , app
rochent : elles
regardent. Elles entrent a uss1
_ dans la dan se
- Il fa ut enterrer le Cana
rd .r Disent• •
les
Gr enouilles. Toutes I s
gros ses et les p etites, les
jeunes et les vieil i e;, reusent l e
;
sable.
, - Po uvez-vous sortir du
. trou ?· demande le
Lrevre.
· No us le po uvons · Et I es Gr
enouilles sautent
dehors.
- Mais le Canard p ourrai•t s ort.
ir aussi ! Creusez
enc ore r
Les Grenouili es creusent enc
ore I e trou, sr pro-
fond que bientôt, ell es ne pe
uvent plus sortir .r
- 'ton repas est prêt ! Di ,
t al ors le L"revre au LE CHASSEUR
Canard.
Le Canard se lève il lan ET SON SECRET
s on filet dans le trou
et ramasse les Greno�ill es. ��
en rapporte un plein
panier à la mais on.
Un grand chasseur nommé Tagnon
partit dans la forêt avec son fusil. Il faisait le guet
sur un grand arbre à la recherche de gibier. Tout à
coup, il aperçut un Buffle qui approchait une ter­
mitière tout près de lui. Juste au moment où
Tagnon armait son fusil, le Buffle entra dans la
termitière et après, une jeune et très belle femme
en sortit. Elle suivit une route qui menait a
village, pour danser.
La fille disparue au loin, Tagnon s'approcha
de la termitière et découvrit que le B uffle avait
mué : sa1'eau, ses cornes, ses sabots étaient dans
la termitière. I l les ramassa rentra chez lui et les
enferma hermétiquement dans un silo puis partit
à la fête où se trouvait la jeune fille. Elle dansait

. 60
l �ngoureusement. Entre deux danses,
Tagnon Un jour, Tagnon discutait avec Sossi dans
s approcha d'elle et l'invita à danser
de la danse, il lui demanda de l'épous
; au cours leur case et celle-ci lui demanda : , . ,
er mais elle _ Cher mari, si un jour tu eta1s attaque
refusa. Tagnon insista mais en vain.
comment ferais-tu pour te défendre ? . .
Peu avant la fin de la fête, à l'au
be, le _ J'ai beaucoup de gris-gris, je m'en sortirais
has
? seur reprit sa place sur l'arbre. Peu après, la
Jeune f��e arriva à son tour et se diri en Lézard.
gea vers - Et si ton ennemi piétinait le Lézard.
l a term1tiere. Elle constata la disparit
ion de sa _ Je changerais et je deviendrais une
mue. Elle se mit à se lamenter et à mau
dire le calebasse.
voleur de sa mue. Tagnon du haut de
l'arbre _ Et si l'autre voulait briser la calebasse ?
�oussa légèrement pour attirer son attention. La - Je changerais pour devenir . . .
Jeune femme s'adressa à lui :
L a mère du chasseur qui était à côté l'arrêta,
- S'il vous plaît, dîtes-moi, qui a ramassé
ce en colère :
que j'ai laissé ici ?
- Tu es trop bavard, garde un peu tes secrets.
- Je te le dirais à condition que tu dev
iennes Tagnon se tut et Sossi ne posa �lus de ques­
ma femme. en
tions. Au fil des mois, elle devenait de plus_ _
- Non, c'est impossible, je suis qu Baï a prem iere
redoutable. Si tu venais à te moque
un Buffle plus nerveuse, de même � �
r de mo1. Je . que la jalou sie rong eait. Un Jour �a��n
ferais du dégât. épouse
' la cour n . heSita
partit à la chasse. Sossi balayant· n col ere,
No
. � �, je jure et je promets que je ne dévoile­ pas à frapper Baï. Celle-ci : ' msulta
rai J ama1s ton secret. pers onne .
Sossi et la traita de Buffle mue en
Après main!es sup lications, la fill
Tagnon la presenta �a sa mère
e accepta. Sossi se sentant trahie, répliqua :
. , et à Bai.. sa _ Moi la princesse, tu me traites de bête !
prem1e, re epo use . Il no a sa femme Sossi. Baï - Tu n'es pas une princesse. Tu n'es qu'un
ne cessait_ de demander l'origin
mm

e de Sos si à simple Buffle, je sais même où se trouv� ta mue


�a�non. ':u bout d'un certain temps, Tagnon (peau). Elle est dans le silo de mon man.
f1?1t par ceder et conduisit Baï dan
s la brousse et Dès que Baï eut montré la cach�tte de sa
l m parla :
mue, Sossi bascula le couvercle et pnt sa mue,
- Je vais enfin tou t te dire
condition que tu fermes ta bou
mais à tout en prenant soin de partager un morce �u de
mo rt est garantie.
che sinon ma sa peau à ses enfants qui devinren� aus�1 des
Bufflons et elle en Buffle. Les trois ammaux
- Oui, je jure de garder le secret.
furieux saccagèrent toute la maison et partirent à
- �oilà Sossi n'est pas une fille nor
male. la reche��he du chasseur pour le tuer. Le voilà
C
. . est , un Buffle transformé en personne, et qui venait, fusil en bandoulière. Les bêtes se
J 'a1 cache sa peau dans mon silo.
précipitèrent sur lui, il devint un Lézard que les
bêtes essayaient de pie . ·
' tmer puis il dev
calebasse Elle , . . ,' mt une LA STRATÉGIE
rec1p1�eren t su l caleba sse
qui devin� une �:;/.
nx et s envola Join très
r a

Les B ffl � �ou:aient pl us J' a Join DE LA BANANE


tard Ta�n:� ;eJ01g�1t ttei�d re. Plu;
son domicile dévasté Il était une fois deux amies inséparables,
, qui
trouva_ sa mere et y
s'éta it transformée r Dossi et Dohoué. Un jour, la mère de Dossi
p uv�1r. Il 1 remerci
� a, c'était grâce

n avait pas divul à e1f: q�?i� tomba malade. Elles se dépensèrent t outes les
gué son dem1er secret. deux p our la soigner avec dévouement. Malgré
Ne dévoilez jamais à tous les soins, l a m al ade mourut. Quelque temps
e
secrets, et su r tou t p à ! ;�� nne, tous vos avant sa mort, Do ssi, sa fille avait réc olté un
as vo r mme . gros régime de b ananes qu'elle avait mis à mûrir
derrière sa case. A la mort de sa mère, toute la
famille pleurait et se lamentait. Personne ne
faisait la cuisine avant les obsèques. Ainsi Dossi
l'éplorée se lamentait et refusait d'avaler quoi
que ce soit avant les obsèques prévues trois j ours
plus tard. Mais dès qu'il y avait moins de monde
autour d'elle, elle allait en cachette derrière sa
case se gaver de bananes.
Son amie D ohoué ne le sachant pas conti­
nuait de la supplier d' avaler quelque chose m ais
celle-ci refusait touj ours. Dès la fin des
obsèques son amie lui apporta de la bouillie
qu'elle but. Tout le monde, Dohoué en
particulier, était surpris de la résistance de Dossi
pendant ces trois jours.
Quelques mois après, la mère de Dohoué
tomba malade. Les deux amies et toute la famille
lui prodiguèrent tous les soins. Finalement la
maman mourut. Voulant faire comme son amie,
elle fit un jeûne total et le deuxième jour elle ne
tenait presque plus debout ; elle commença à
s'affaiblir. Dossi la supplia d'avaler quelque
chose mais Dohoué refusa tout d'emblée et dit à
son amie :
- Toi quan d tu as perdu ta mère
tu n'as ni.
mange, , ni bu pendant les trois · rs', mo .
· Jou
i aussi
j'agirai com me t01.•
A l'aube du troisième J·o r, D �h?
ue tomba en
s yncope. Tout le mond
e s
/ ,
ec1p 1ta, son amie
Do ssi lui ap porta de la boui·f1�ie. Elle
. . . avala une
gorgée pms deux
, pms trois .
' · , pm s tou t le bol
EU e repnt p eu a p e'u ses espn. ts. D oss .
1 lui fit des
remontrances en lu·1 d'1sant :
- Voici trois jours que Je .
. te demande de
·
manger et de boire mai s tu reftises. J
e constate
que tu n'as pas . s au p��.nt une stra
tégie ! Tu
n 'as ri en mis à m��1·r dern
er e la case .,
E tonne, e, D o houé interrogea : LA TORTUE
- Que fallait-. .
. � · ?.
Il mettre à m urir ET UÉCUREUIL
D ?ss 1 1 lll. rac ont a l'as tuce qu'
· ee. elle avait
Ut1·1 1s Il était une fois une Tortue et un E cureuil.
!;Ecureuil avait un grand champ, tellement
Il ne faut jam · s su vre aveugl grand qu 'il y avait tout dedans et qu'il n'y avait
ément ce que
font les autres au:� r :ie vous. pas d'entrée. Le propriétaire, !'Ecureuil passait
li faut toujours
aller au-delà : dans les arbres pour y accéder. Ses enfants et ses
ren ce s pour
comprendre le fond ::s c::s�:. femmes n e savaient pas qu'il avait un champ
pareil. Pendant ce temps, les enfants et les
femmes mange aient, buvaient et brillaient
correctement malgré la sécheresse du village. La
Tortue surve illait !'Ecureuil depuis longtemps et
elle connaissait le chemin qui menait dans ce
champ. La Tortue coupa tout ce dont elle avait
besoin et qu'elle allait vendre. Arrivée à la
maison, elle commanda aux autres animaux de
venir travailler pour elle puis prépara à man ger
pour tous les animaux. Au travail, sur le champ
qui ne lui appartenait pas, les animaux furent
très étonnés à la vue de ce champ immense. Dès
le retour des animaux, la Tortue proposa de

66 67
apace et c'est la
couper tout ce qu'ils voulaient. Après trois jours, elle se cach_e dans sa car
uge. Ell e se moque
! 'Ecureuil revint dans son champ. Arrivé là-bas, carapace qm lui sert .de ref.

il ne restait plus rien. Fâché, il se cacha pour voir des gens Parfo,is en disant , .
quels étaient les auteurs d'un tel désordre. - Restez la, quan d vou s serez fatigues, Je
.
m. Et voi là le
Finalement, après quelques heures d'attente, il vais prendre mo n ch em
la Tortue jus qu 'à
vit la Tortue accompagnée de ses femmes et de comp ortem.ent de
ses enfants, paniers ou corbeilles sur la tête. aujourd' bm.
Une bagarre éclata puis on décida de se
rendre chez le roi. l:Ecureuil narra le différend
qui les opposait. Le roi finit par envoyer une
commission chez la Tortue.
- Qu 'est-ce qui prouve que ce champ
appartient à !'Ecureuil, il n'y a pas d'entrée.
Répliqua la Tortue.
- TI suffit de passer d'arbre en arbre pour y
parvenir expliqua !'Ecureuil.
L e ro.i s'adressa à la Tortue
- Est-ce que ce champ t'appartient ?
- Oui, et j 'ai des témoins pour prouver mes
dires.
Le roi appela tous les témoins, les animaux
qui témoignèrent que c'était eux qui avaie
nt
tracé le passage d'accès et finalement le roi
renvoya ! 'Ecureuil en lui intimant de ne plus
remettre les pieds dans ce champ.

Jugez en citoyen, vous voyez l'injustice.


(mè yi do mè bouè énon hou). Depuis ce
jour l'Ecureuil vit seul. La Tortue a
l'habitude de tromper les gens et quand vous
la voyez, elle sort des vers pour jouer ou
tromper les gens. Quant aux chasseurs, elle ne
les trompe jamais. Ils connaissent ses
habitudes et sa manière de tromper. Et quand
la Tortue constate que quelqu'un apparaît,

69
SODJO LE C ULTI . ' 1·
VATE UR _ B 1en sur
.
ET YOKOUNTO _ Je vais te donner un conseil .. tu devrais
. r où tu entreposerais .
LE FOSS OYE UR construi re un grand greme
.
tous les haricots que � aura1s cueillis dans leur
état actue1 ' pour e. n tirer le me1·11eur du prix
Aussi l oin que remont
e ma mémoir
après . Tu ne les laisser as arriver à m aturité
deux a mis liés depu e, vivaient �
is leur jeune âge complète. Ton ch m e t �aste et la réco lte ici
s 'appelait S
odjo et l 'au
: l'un est promet�eus� .
� je t'aiderais à tro uver l es
tre Yokounto . Sodj
un paysan qui o était meilleurs circuits de ve�te. Je connais de bons
travaillai t toujours
champ p o ur n o urrir dans son acheteu�s . Je te l es amenerai s dans huit jours .
sa famiHe . Tandis
Yokounto était un que Les hancots auront mûri . et auront une couleur
fainéant qui vivai t aux
des autres. Il pass dépens rouge a , tre très apprec1ee , , de s clients et
ait son temps à as
o bsèques des si ster aux ,
morts du villa revendeurs• Ils coûteront très cher sur le march e
qu'il exerçait de te ge. La eule activité car cette variété est tres
s
mps à autre étant de
des tom bes quan creuser - Est-ce que tu es vrai:;::�t sincère cher ami ?
d il voyait un mo
village. Les deux rt dans Je Dem�da S?dj o .
amis avai ent l 'hab
rendre visite. itude de se - Bien sur comment ne l e serais-je pas avec
Un jour, Yokounto . ? Nous sommes des ami s et nous nous devons
alla rendre visite to1 .
Ne 1 'ayant pas tro à S odj o . ,
fidélité et devouement. J t'ai expose, 1e c iond de
uvé à la m aison,
dans son champ. il se rendit
Il rej oignit le cult ma pensée et les conse�l 1 s que j e viens de te
avait déjà labouré ivateur qui donner te seront utiles tu verras .
un immense cham '
des haricots secs. p et semé Il insi sta encore davantage en • pré sence de la
Il était jus tement
sarcler les ma uva is en train de femme et d�s enfants du cultivateur. Celui-ci
es herbes,
tout le champ était
vert et les hari cots
avai ent une belle fl stupide et na1f, se m1. t à arracher tous les haricots
qui p romettait oraison, ce
une belle récolte. avec sa fiem m e et ses enfants . Un autre
l 'étendue du cha Surpris par cultivateur pa ssant par là fut surpri s . I l
mp, Yokounto devint
l 'idée que son ami envieux à
ferait une belle r l'interpella et lui dit :
demanda à faire écolte. Il - Que fais-tu ?. Tes hanc . ots ne sont pas encore
Je tour du cham
accepta. Le cha p et Sodjo
mp était tellement bons pour la récolte ! Tu es fiou, tu saccages ta
étaient épuisés à la vaste qu'ils culture !
fin du tour. Yokou ,
dans un fauteuil. nto s 'affala _ Non, non ne t'inquiète pas j ai trouvé un
Il venait de mij
dit à son am i. ter un plan et marché in!éressant.
o

- Tu sais que Ils déterrèrent tous les hanco • ts en fleurs et


nous sommes de s ,
longue date ! ami s de 1es engrangerent dans d 'immenses greme . rs
. . .
qu'ils recouvnrent de pai·11 e . Quatre à six J o urs
plus tard, tous les gre
ni ers commencèrent à lui restait de l'argent pour continuer à vivre.
fu11?er et à dégager une
odeur nauséabonde . Les Quelques temps après Yokounto rendit visite à
hancots commençaient à
pourrir et à s ,abîmer. Sodjo qui se pressa de lui montrer toute la
Affolé Sodjo dit à ses e
nfants : richesse qui lui re stait après les obsèques de sa
- Courez vite chercher
mon ami, qu'il vienne mère . Son idée de vengeance en tête il dit à son
constater l es résultats de s e
s conseils. ami :
Une fois arrivé, Yokou
. nto, avec désinvolture -Tu gardes ta vieille mère à la maison ! Elle
d1t au cultivateur :
- Voyons, voyons, c ,était est source de dépense pour toi et ne t ' apporte
une blague à ne p as rien. La mienne je l ' ai abattue moi-même vu son
prendre au sérieux.
Sodj o était très amer, âge avancé, et j' ai fait croire à tout 1 � �on�e
i1 dissimul a son qu' elle était morte. Le résultat, tu le vois Je sms
ressentiment et dit à son
ami devenu riche.
- �ui �que tu es mon ami
depuis toujours, va _ Cher ami de toujours, tu me dis la vérité ?
en pa1x, Je ne t '
en tiens pas rigu
eur. - Bien sûr mon ami.
Le �ossoyeur lui fit des
excuses et retourna _ Eh bien je vais rentrer chez moi. Si demain
chez lm. Pour le rassurer
_ Sodjo garda de bonnes tu apprends une triste nouvelle, ne sois pas
re lations avec lui.
�r?is années passèrent et Yokou surpris . Tu es le seul averti.
oubI �e son méfait envers nto avait - Entendu, j'attendrai de tes nouvelles .
_ son ami, mais ce Le soir même Yokounto tua sa mère en
dern'.er ava1 g?rdé ·au fond
: de lui ce qui s , était l'assommant avec un pilon, après avoir pris soin
p as �e. Il prepara sa
vengeance. Tous l es d'éloigner ses enfants et sa femme pour qu'il n ' y
avait l eur 1:1èr deux
:V ivante . Un jour Sodjo all ait pas de témoin. Le lendemain, il sortit de sa
e
cac�er sa mere lom du
village. Le lendemain
a

sortit en pleurs de sa case il case en pleurs et en criant


en criant
- Ma mère est morte ! - Malheur sur ma maison ! Ma mère est
Oh ! M alheur ! morte, ma mère est morte, elle est tombée sur la
Po�r simuler le cadavre,
il prit un tronc de tête . . . Venez, venez !
bana�er qu'il taill a en
lui donnant une forme Tout le monde se précipita chez lui, des
?�am � et le couvrit d'un linc
eta1t s tisfaisant.
eul. Le résul tat questions fus aient de partout . Yokounto
_� Cela ressemblait au ca
la vieill e femm e. A davre de lui-même disait
son cri le s vill ageois - Elle pilait le mil avec moi il y avait à peine
coururent chez lui en se
lamentant une minute !
- Comment ? La mère
du cultivateur est morte ? - Que s'est-il passé ? Comment a-t-elle eu un
Ce n' est pas possible ! C'
est bien triste !
accident'? Je ne comprends pas . . .
?es dons d ' argent lui furent appor
obseques de sa mère. Il tés pour l es Yokounto fut appelé à expliquer comment sa
l 'enterra dignement et il mère était morte en pilant du mil !
- Eh bien ! dit-il en p eurant,
_ ' _ _ ! j'ai été _ Tiens donc ! Suis-je fou ou ingrat pour tuer
maladroit. J'eta1s en tram de pller du mil quand
par maladresse, mon pilon s'est abattu ma mère ? Cela ne se fait pas ?
sur sa tête _ Quoi ? Tu m'avais même affirmé que c'était
et elle a succombé aussitôt.
Tous les villageois vociférèrent con en tuant ta mère que tu étais devenu riche ! En
fossoyeur, l'accusant d'avoir tué
tre le suivant ton exemple, j'ai tué ma mere pour
sa mère. m'enrichir. . .
Perso�ne ne voulut assister aux
obsèques _ Mais tu es fou ; c'était une plaisantene de
contra1�ement à ce qui s'était passé pou
de SodJ o. Il n'eut aucun don et s'endett
r la mère ma part et toi, tu as pris cela au sérieux 1
a pour _ Quoi ? Une blague ? Comment pouvais-tu
enterrer sa mère. Sodjo ayant appris
les nou­ plaisanter sur une chose pareille ? C'est un
vell es vint lui présenter ses condolé
ances sacrilège !
constatan� que le fossoyeur avait mis en
pratique Il prit à témoin tous ceux qui étaie�t autour
ses consells.
d'eux. Son ami Sodjo prit la parole et dit :
Une dizaine de jours plus tard, Sodjo
alla _ Cher ami, tu as la mémoire courte 1 Te
cherc_her �a mère cachée dans un
,
1 habilla nchement et la laissa aller au
village. Il souviens-tu il y a trois ans du tour que tu m'as
Or, le seul ch_emin qui menait au mar
marché. joué ? J'avais cru en toi et je t'ai ��ivi � �a lettre.
ché passait La suite, nous la connaissons. J a1 f�1�h p�rdre
. devant la maison de Yokounto. Celui-ci aperçut femme et enfants. A présent, nous v01la qmttes.
la mère de son ami et n'en crut pas
ses yeux Yokounto rentra chez lui et vécut avec la
- C'�st �ien la mère de mon ami
Grand ciel, Je suis en train de voir un
Sodjo ? mort de sa mère sur la conscience, abandonné de
fantôme ! tous.
- No�, mon fils, c'est bien moi, je ne
suis pas Dans ce monde, ne conseille, ni ne fais du
mort�, Je me suis juste absent
ée quelques mal à ton prochain. Tôt ou tard, la vérité finit
semames.
par rattraper le mensonge.
Il suivit la mère jusque chez elle. Sod
, jo vint
a sa rencontre
- Bonne arrivée mère !
Yokounto resta éberlué, sans voix.
Au bout
d'un moment après s'être raclé
la gorge, il
demanda à son ami
- N'est-ce pas ta mère ?
- Bien sûr, cher ami.
- Mais je ne comprends plus ! Tu m'a
..
vais dit
qu� � l'avais tuée ! Et tout le vill
age t'avait
assiste pour ses funérailles !
LE LION
ET LE MOUSTIQUE
Dans la brousse, se trouvaient deux animaux
le Lion et le Moustique. Le Moustique trouvait du
plaisir à piquer le Lion et à lui faire mal. Le Lion
fatigué de se tourner et se retourner pour gratter
l'endroit où il avait mal se fâcha. Il envoya le
Moustique en l'air à l'aide d'une de ses pattes
puissantes. Il était indigné par les querelles du
Moustique, lui qui était roi de la brousse.
Le Lion croyait bien avoir tué le vilain
Moustique. Tout heureux il s'endormit. Mais le
Moustique revint, il s'approcha en silence, entra
dans le nez du Lion et piqua bien fort.
-Aie, aie ! Cria le Lion en se dressant sur ses
pattes. Il cria, souffla et passa sa grosse patte sur
son nez.
- C'est moi le petit Moustique, qui te pique.
Diras-tu encore que tu es le roi des animaux ?
Le Lion ne répondit pas, alors le Moustique
rentra dans son oreille gauche puis dans son
oreille droite.
- Aie, aie ! Cria le Lion. Il se frotta la tête à
gauche puis à droite, il se roula dans l'herbe.
- C'est toujours moi, le petit Moustique, qui
te pique. Diras-tu encore que tu es le roi des
animaux.
- Non, dit le roi vaincu. Tu es plus fort que
moi.
Tout fier, le petit Moustique sortit de l'oreille
du Liott 'én criant
- C'est moi le nouveau roi des animaux, c'est
moi . . . .
Mais i l n'eut pas le temps de finir sa phrase
une Grenouille l'attrapa au vol et l'avala.

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LA PIGEONNE
ET LE PAYSAN
Conte raconte, conte raconte.
Mon conte s'envole et trouve une Pigeonne
qui avait fait son nid sur un tas de mil près des
cases d'un village.
Le matin où les Pigeonneaux venaient de
naître, le paysan s'approcha du tas de mil et dit
à ses enfants :
- Demain, on fera le battage du mil.
La Pigeonne l'entendit et fut bien inquiète,
elle pleura toute la journée :
- Malheur ! Que va devenir ma petite
famille ?
La nuit venue, elle prit son envol et s'en alla
chez le Bon Dieu
- Mon Dieu, lui dit-elle, je suis malheureuse !
Mes petits sont nés le matin, sur un tas de mil. Et
voilà que le propriétaire veut battre son mil
demain, il l'a dit. . .
- Est-ce que le paysan a dit ou a ajouté : « s'il
plaît à Dieu » ?
- Non, il ne l'a pas dit.
- Eh bien, va en paix, Pigeonne, cet homme
ne battra pas son mil demain.
Toute joyeuse, la Pigeonne s'en retourna vers
ses petits.
Cette nuit-là, il y eut un orage qui arracha le
toit de la case du cultivateur. Etant dans le souci
de réparer sa case et de remettre son toit, le
cultivateur oublia de faire le battage du mil et
ceci fut rejeté à un jour lointain.
La Pigeonne eut le temps de prendre soin de
ses enfants qui grandirent vite. Ses petits ayant
l'âge de voler, elle s'envola avec eux et quitta le
champ du cultivateur.

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LA CALEBASSE PIÉGÉE
Aujourd'hui, ma parole est allée de porte en
porte et s'est arrêtée devant la maison de
Gbègnon et Sessi.
C'était un couple qui s'aimait sans réserve et
qui était très uni. I.:un ne faisait rien sans l'autre.
Leur intimité, leur complicité, était telle que tout
leur entourage les admirait et les enviait. Un
jour, Gbègnon demanda à son épouse :
- Sessi, nous menons une vie harmonieuse et
avons une entente sans faille depuis notre union
mais je me pose une question : si un jour je
commettais une faute vis-à-vis de toi, me
pardonnerais-tu ?
- Moi ? Ton épouse ? Je te jure que je te
pardonnerais.
Gbègnon avait un ami sincère appelé Zinsou.
Il n'avait pas de secret pour lui. Au cours d'une
. visite, Gbègnon lui raconta l'entretien avec son
épouse et la promesse de cette dernière. A peine
avait-il fini que l'ami éclata de rire pendant un
bon moment. Puis, il demanda à Gbègnon s'il
avait vraiment confiance en cette promesse.
Gbègnon affirma sans hésitation qu'il avait
totalement confiance. Zinsou conseilla à son
ami de réfléchir aux moyens de vérifier la
sincérité de sa femme. Il alla au marché acheter
une calebasse et un piège. Il tendit le piège, le
déposa dans la calebasse, le recouvrit de sable et
arrosa le tout de sang et de plumes d'un Poulet
qu'il venait de sacrifier. Il appela sa femme, lui
montra la calebasse et dit :
- Je sâis que depuis notre union, il n'y a pas
l'ombre d'un doute dans notre vie. Puis-je
toujours te faire confiance ?
è gnon, j e
. . e cela, dit Gb
- Bien sûr, tu p eux et tu dois avo ir confiance - Puisque c' est comm
chez cette femme.
en m oi !
m'en vais de ce pas e.
· mes secrets' tu ne t, en clette et p artit en tromb
- . Si. je te conr·iais Il enfourcha sa bicy m ort
,
servirai s pas pour m élimine r ? e condamna à une
Sessi, enr agée , l et l ja usie,
- En aucun cas, J e ne te voudrais du ma l ! e par la colère
immédiate. Aveu glé
a lo

t ses deux. bras


- Eh b'i en , re garde ce tte cal ebasse ; elle
. . elle s ' appro
cha du gri-gri et abatti
contient le gn· -gn qm m e. p r ot'e ge. Si un jour, la cale b as se. Le pi
è ge se refe
r ma
su r et elle se mit à
·
quelqu'un en col.ère v�nait y abattre sa main ou
' . instantané
m ent sur ses deux. bras
se. s deux �ains, J ' aurais des maux de v entre si appeler au secours.
. hurl er de dou leur et à a
v10lents que J·e pe rdrais connaissance. ou· que J_e prévoyait le geste de s
En réalité, Gbè gnon et n'était
me tro uve, j e tomberais et mourrais· Tu ne d01s ché derrière sa case
femme , il s'était ca cas
en parler à p ersonne.
me, prêt à interv ir en
. . allé chez l'autre fem
en
- Fais-moi confiance J e resp ecterais tes
' de danger. le
consigne s. upa autour de Sessi,
Un jour, Gbègnon rencontra une femme. Il f't I Tout le m onde s'attro nda ce qui se
rant et dema
sembl ant de sortir avec elie. Il passait plusieurs m ari arriva en cou qua
tout en hurlant, expli
heures par J.our avec cette personne, malgré la pre­ passait. La femme, es au piège te
ndu
sence de sa femm
.
ll v it les mains pris
· e· Il se �ermettait même de ren­ qu'
Elle voulait le suppr
imer.
dan s la caleb asse.
e e a a
trer tard à 1 a maison Sess1 bou111,ante de �olère et pa r le s
minée par Ja jalousi� co·
' , nt d'être surpris
;:
ença a le r�pnmander.
, Thomme fit sembla
se .
Elle devint. brusquemen es amere et Jtritée. déclarations de son épou ner ?
, L' i n évitabl e se produis it ·· de s d'i s putes n i tu v oulai s m'élimi
- Ah ! Ah ! Ai est
, . . . hurlant de do ur. C'
ul
s
e clater ent et Gbègno 1 ,mt1ma l'o:dre de se - Oui ! Dit-elle en
e
frap p ait
si l' on
taire. I l n e v oulait p�uts entendre msulter et ais d it que
to i qui m' av ux. m ains tu ,
traiter de l a sorte. t l caleb a sse avec les d e
vio l mm
- Je ne m e tairai pas tu cours après une autre vre-moi !
a

mourrais au ssitôt. D éli


e en

.'
femme tu , tous les habitants se
' . men�s ta vie et tu me laisses de côté :Chom me attendit que chef
A p eme av ait- elle fini de. p�1er, que sous l e r sa femme . Le
. . réunissent pour libére
coup de la cole' r e, son m an lm admmi stra une pourquoi elle voulait
demanda à la femme
grande gifle. sess1,. surpns . e et révoltée se mit à expl iqua les rai sons.
élimin er son m ari. Elle prov oca­
hurler. ari d'av oir été
- Tu m'as gifle' , tu as osé m e gifler, c' est fini Le chef reprocha au m ilier et de
é de se réconc
pour toi. teur. Le couple fut intim la compréhension et
- Comment ?. C'est f'mi. pour m oi repn· t retrouvér leur sérénité d
ans
,
Gbe gnon, que penses-tu contre moi ? ' la fidélité.
- Nous verrons bien· Tu trouves une autre pas le contrôle .
ferrune et tu oses m e gifler ! La confiance n'exclut

82 83
GLESSI ET SON AMI qui mènerait dans le champ. Aussitôt dit,
aussitôt fait. Il demanda ensuite à sa femme et à
FONLINON ses enfants de venir récolter le maïs avec lui.
Lorsque Glessi arriva dans son champ, quelle ne
Mon conte vole, vole, virevolte et va se poser fut pas sa surprise de voir qu'il y avait un large
;ur un cultivateur appelé Glessi et son ami chemin qui reliait désormais son champ au
�onlinon. village ! Sa plantation avait même été pillée.
Glessi labourait son champ au beau milieu Très en colère, il monta le guet pour surprendre
rune forêt dense sans chemin d' accès. Il ne le voleur. Fonlinon ne tarda pas à revenir avec
voulait donner sa récolte à personne, pas même femme et enfants. Le cultivateur cria au voleur.
i ses parents. Il avait semé du maïs et cela Le fainéant cria encore plus fort en traitant son
promettait une bonne récolte. Pour accéder à son ami de voleur et lui demanda quand il avait semé
::hamp, il passait d'arbres en arbres, de lianes en ce maïs et par où il passait pour se rendre dans le
lianes de peur de laisser des traces que pouvaient champ. La dispute les conduisit chez le chef du
suivre les gens pour lui voler du maïs. La récolte village. Chacun exposa ses raisons. Glessi
fut très abondante, il revenait à chaque fois de confirma que pour aller au champ il passait par
son champ avec un sac plein d'épis de maïs. des arbres et des lianes. Les observateurs du roi
Un jour, son ami Fonlii;ion vint le voir et avaient en effet remarqué qu'il y avait des traces
constata que Glessi avait toujours beaucoup de de passage sur les troncs d'arbres et sur les lianes.
maïs frais. Il lui demanda d'où venaient ces Quant à Fonlinon, il affirma que lui, il passait
graines ; le cultivateur répondit qu'il les avait par un chemin normal pour accéder à son champ.
achetées. Etant donné la quantité de sacs remplis Les observateurs constatèrent l'existence d'un
de maïs, Fonlinon ne le crut pas. Il décida de chemin récemment tracé qui permettait
l'espionner. d'accéder à son champ. Le chef, confus, reporta
Le jour suivant, Glessi partit dans son champ le jugement à trois jours, puis convoqua ensuite
avec son coupe-coupe. Fonlinon le suivit ses conseillers pour leur demander conseil.
discrètement et surprit son ami qui grimpait aux Après quelques minutes de réflexion l'un deux
arbres et aux lianes. Il ne put le suivre plus loin trouva une astuce : il proposa que l'on fabrique
car il n'y avait aucun chemin d'accès vers le deux caisses pouvant contenir chacune un
champ. Au retour du cultivateur, encore chargé adolescent. Le jour du jugement, à l'insu des
d'une récolte abondante, le fainéant se décida à deux protagonistes, le chef enferma un
aller voir ce qu'il y avait au-delà des arbres et adolescent!''éians chaque caisse. II demanda aux
des lianes. Sans ménager ses efforts, il arriva et protagonistes de charger chacun sur sa tête une
découvrit un immense champ de maïs. D e retour caisse et de faire trois fois le tour du palais.
chez lui, il décida alors de tracer un vrai chemin Aussitôt dit, aussitôt fait. Après le second tour,

84 85
onlinon se croyant seul, commença à se LE PIQUE-ASSIETTE
laindre et à faire des réflexions Un brave cultivateur avait deux enfants, ils
- C'est dur de voler ! J'aurais dû ne pas les avaient instruits et éduqués de telle sorte
nentir et je n'aurais pas eu à porter ce poids sur qu'un simple geste ou regard suffisait pour
a tête. qu'ils se comprennent. Une grande sécheresse
Glessi, le propriétaire du champ, à son tour se s'abattit sur le pays entraînant ainsi une famine
.nit à parler tout haut, se croyant seul sans précédent. Le cultivateur avait un ami qui
- La vie est injuste ! J'ai pensé pour cultiver était paresseux et vivait aux dépens des autres.
mon champ, Fonlinon vient me voler et il faut Chaque jour ce fainéant guettait l'heure du
encore que je ploie sous cette caisse pour avoir repas, arrivant quelques minutes avant, et
gain de cause. entamait des conversations sans intérêt, histoire
Après trois tours, tous les deux furent invités d'être présent à la cuisson du repas pour y
à déposer leur poids, aucun d'eux ne connaissant participer. Cela se répétait tous lesjours. Excédé
le contenu de sa caisse. Le chef ouvrit d'abord le cultivateur mit au point une stratégie avec ses
celle de Fonlinon et un jeune homme en sortit. fils : Pendant que ses enfants seraient en train de
Le chef lui demanda si son porteur avait fait préparer la nourriture, lui quitterait les lieux
quelques réflexions. Le jeune homme pour aller s'abriter sous une paillote en retrait de
répondit par l'affirmative. Il expliqua ce que son la maison. Ainsi, si le fainéant arrivait, il irait le
porteur avait dit. De la caisse de Glessi, sortit un rejoindre sous son abri. Là, ils discuteraient
adolescent. A la demande du chef, ce dernier ensemble tant qu'ils le voudraient, et son ami
raconta ce que son porteur avait dit. n'aurait rien à manger étant entendu que les
Le chef demanda aux deux protagonistes de enfants ne viendraient pas les prévenir que le
se prononcer sur ce qui venait de se passer. repas était prêt. Unjour le père décida avec ses
Fonlinon confus et honteux demanda pardon et enfants de déguster un Coq en sauce et de
expliqua que Glessi était son ami mais qu'il était l'igname pilée. A peine le Coq attrapé que le
trop avare. C'était pour le punir qu'il avait tracé fainéant arriva. Les garçons se pressèrent de dire
le chemin qui menait à son champ. Glessi n'eut au visiteur où était leur père. Il rejoignit son ami
pas de mots pour expliquer sa pratique des et les mêmes bavardages commencèrent. De
arbres et des lianes. temps en temps il s'assurait que les enfants
Le chef condamna Fonlinon mais le laissa en faisaient bien à manger. Les enfants avaient bien
liberté. Mais en effet, il reprocha à Glessi son fait le Coa, mais il manquait du sel. Personne ne
égoïsme. Il ne voulait plus voir un tel savait où· le père l'avait rangé et on ignorait
comportement dans son royaume. comment aller le lui demander sans éveiller les
Uavarice est un vilain défaut. soupçons de son ami le fainéant. L'un des fils se

86 87
)posa d'aller poser habilement la question. Ils - Papa, il y a quelque chose qui m'intrigue et
pouvaient pas faire la cuisine sans sel. j'ai préféré venir te poser la question. Le
Il se rendit sous la paillote et commença à cultivateur voisin qu'on appelle « igname cuite »
urner en rond. Le père constata que quelque raconte partout qu'il est né avant toi, nous ne
10se n'allait pas. Le garçon au bout d'un sommes pas d'accord avec lui et mon frère m'a
toment : demandé d 'obtenir confirmation auprès de toi.
- Papa pourquoi me regardes-tu comme si Le père répondit avec une pointe d'ironie :
étais un Coq sans sel ? Le père fit semblant de - Quelle bonne blague ! Je me rappelle bien
'énerver et répondit : que pendant ce fameux conflit où les aînés
- Allez disparais ! Tu ne fais que bavarder prenaient deux morceaux et les jeunes un
:omme les mamans qui cachaient le sel dans le morceau, ce cultivateur n'était pas encore né. Va
,inteau. lui dire qu'il ment.
Il venait implicitement de révéler où se Le garçon rejoignit son frère et lui expliqua.
trouvait le sel. I..:enfant partit en trombe et alla Le plus âgé prit deux morceaux et le plus jeune
regarder sur le linteau où il trouva le sel. Pour un morceau. Les enfants mangèrent l'igname
bouillir l'igname il ne savait pas s'il fallait le cuite à défaut de la piler et l'accompagnèrent du
faire en entier ou le découper en morceaux. délicieux Coq en sauce. Tant pis si sous sa
Finalement le même messager se rendit à la paillote le père avait aussi faim, il mangerait
paillote, arriva tourna en rond et dit : plus tard.
- Papa ton ami nommé « impossible de
mettre le Buffle en entier » vient de passer et Une forte complicité et une grande
m'envoie t e saluer. Le père répondit : compréhension entre parents et enfants
- Ah ! Ah ! Et son frère « coupé en morceaux » rendent parfois service.
se porte-t-il bien ?
- Oh oui papa il semble bien en forme.
Le garçon rejoignit son frère et lui traduisit le
message : découper l'igname en morceaux. A la
fin de la cuisson, il était prévu de piler l'igname,
mais si j amais il y avait le bruit du mortier, le
pique assiette comprendrait et ne s'en irait plus.
Les enfants ne pilèrent plus l'igname. Le temps
passait et le visiteur ne se décidait pas à partir. Les
••'

garçons avaient très faim. Fallait-il piler l'igname


ou mourir de faim ? Le même messager partit à la
paillote, arriva tourna en rond et enfin dit :

88 89
LE VOYAGEUR
C'est l'histoire d'un homme qui voyageait
beaucoup. Or, aux temps de nos aïeux, il n'y
avait aucun moyen de déplacement. Cet homme
marchait durant quarante nuits et quarantejours.
Il arriva dans un pays qu'il ne connaissait pas. Il
s'arrêta à la première case et demanda de l'eau.
Une prisonnière lui apporta au fond d'une
calebasse un petit peu d'eau.
- Cette eau est pourrie, elle sent mauvais, en
voilà une saleté ! Dit l'étranger en colère.
- Oh mon fils répondit la prisonnière, il n'y a
plus d'eau dans le pays.
- Eh pourquoi?
- Un grand Caïman habitait la rivière. Il nous
défendait de prendre de l'eau plus d'une fois
l'an. Chaque année il fallait lui donner une fille
vêtue comme une fille de roi, avec des bijoux et
des anneaux aux chevilles. Si la fille lui plaisait,
il l'emportait et la dévorait. Si elle ne lui plaisait
pas il ne nous renouvelait pas la provision d'eau.
C'est justement demain que lajeune fille devrait
être conduite au Caïman
En colère, l'homme dit
- Donne-moi une outre, je vais aller à la
rivière et j'y prendrai moi-même de l'eau.
- Tu seras dévoré, disait la femme en
tremblant.
I:homme alla à la rivière remplir le récipient
que la ..,femme lui avait donné et buvait
correcte'ment, quand il entendit un grand bruit.
C'était le Caîman qui sortait de l'eau.
- Que viens-tu faire par ici demanda le
Caïman.

90 91
- J'avais soif et je buvais répondit calmement
l' homme.
- Va-t-en tout de suite où je te dévore ?
- Tu ne me fais pas peur.
Le Caïman furieux nagea vers lui. Il ouvrait
une gueule énorme, le feu sortait de ses yeux et
l'homme tremblait comme une feuille. Il tomba.
Le Caïman s'approcha croyant qu'il était
mort. A ce moment l'homme tira sur lui et le tua.
Depuis ce jour le village pouvait se procurer
de l'eau, et l'homme fut promu chef du village.

Un bienfait n'est jamais oublié.

LE SCARABEE
Il était une fois un homme qui avait un grand
champ, et pendant toute la saison, il cultiva et
sema son champ. La récolte fut abondante,
tellement abondante que malgré de bonnes
ventes, il lui restait encore de la récolte qu'il
décida d'entreposer chez lui dans un grenier. Un
jour, les Termites découvrirent sa cachette et
détruisirent toute sa récolte. Ne sachant que
faire, il alla voir le Scarabée pour demander
secours :

� i.e
- Aide-moi mon ami, ces maudits insectes,
les Termites sont déterminées à détruire ma
,... -if�. ....... .. récolte.
- Toi qui t'es toujours moqué de moi parce
O
-:::-

..
que je tr,ansforme les matières fécales en boule,
tu me demandes de l'aide?
• ,f - Scarabée, je reconnais que je ne suis pas un
saint, je détruis l'environnement avec mes
déchets après avoir mangé, le mil, le maïs, le riz,
>

92 93
le manioc, le sorgho, l'igname, le haricot, la LES TROIS SOURDS
viande, le poisson, la patate, la mangue, la
pomme de terre. . . Il était une fois une femme qui était sourde,
- Ce n'est pas de ta faute, c'est la faute de tellement sourde qu'elle n'entendait même pas
Dieu, c'est lui qui a mis tous ces repas à notre l'éclatement du tonnerre pendant les tornades.
disposition, raison pour laquelle après t'être Tous les matins, elle attachait son bébé sur son
servi tu dois me servir. dos et allait travailler dans son champ.
- Ah ! ah ! ah j'aimerais un jour assister à ton Un jour, pendant qu'elle était en train de
travail. piocher, arrive auprès d'elle un homme aussi
- Tu ne pourras pas supporter l'odeur et la sourd qu'elle qui cherchait ses Moutons. Cet
façon dont je travaille. homme lui dit :
- Comment ? - Mes Moutons se sont sauvés. Ne sont-ils pas
- Je détruirai toutes les matières fécales que passés par ici?
les Termites ont laissées dans tes récoltes Il y en a un qui boite de la patte arrière. Je
Après le départ de l'homme le Scarabée se vous le donnerais en cadeau si vous m'indiquez
mit au travail. Il sortit de sa cachette et se dirigea où est le troupeau.
dans le grenier o ù les Termites avaient laissé La femme n'a rien entendu, rien compris. Elle
leurs détritus rendant ainsi impropre à la pense que l'homme lui demande où s'étend son
consommation la récolte de l 'hornme. champ, alors elle allonge le bras et lui dit
Quant le vent souffla le Scarabée se perdit. Il - Mon champ va jusque-là ; après c'est le
s'arrêta en priant, et demanda au vent de ne plus champ de ma voisine.
souffler, par moment il s'arrêtait pour suivre la L'homme voyant le bras tendu croit que la
direction du vent. femme lui indique où sont ses Moutons. Il s'en va
L'homme debout à côté surveillait le travail de ce côté e t justement, il y trouve son troupeau
de son ami Scarabée. Le Scarabée arrivé devant broutant derrière un buisson. Tout heureux, il
son butin trouva des Mouches posées sur les prend le Mouton boiteux revient vers la femme et
provisions. Quand elles virent arriver le lui tend l'animal en disant
Scarabée, elles s'envolèrent. Le Scarabée - Je suis allé à l'endroit que vous m'avez
commença son travail de façon bizarre . En montré et j'y ai trouvé mes bêtes. Voici le Mouton
faisant des boules et en transportant le tout, petit que je vous ai promis.
à petit, hors du grenier. Ainsi, il sauva la récolte La femme regarde le Mouton, elle voit qu'il
de son ami. boite et.�lle imagine que l'homme l'accuse d'avoir
blessé èet animal. Elle se fâche et crie
Nul n'est de trop, on se complète. - Comment pouvez-vous dire que j'ai blessé ce
Mouton? Je n'ai même pas vu votre troupeau!

· 94 95
Puisque vous m'accusez, je saurai me défendre ! LA CONSIGNE
Allons au tribunal !
L'homme, la voyant en colère, croit qu'elle D'UN PÈRE
refuse le Mouton boiteux et veut un Mouton en
bon état. Il se fâche à son tour et crie : Kélani est un chef féticheur. Les jours de
- C'est ce Mouton queje vous ai promis et pas repos, son fils Sali fou vient l'aider dans son
un autre! Puisque vous n'êtes pas contente, nous atelier de fabrication de filets. Pour
nous expliquerons devant le juge! Allons au l'encourager, Kélani lui promet un filet magique
tribunal! qui aura le pouvoir d'attirer et de capturer
· Il s'en vont tous deux au tribunal. En route, ils beaucoup d'oiseaux. Sali fou accueille avec
ne cessent de se disputer, chacun ne comprenant enthousiasme la promesse faite par son père.
rien de ce que dit l'autre. Ils arrivent devant le Mais le père lui explique que le filet passera
juge. Celui-ci rend la justice sous l'arbre aux d'abord septjours dans l'atelier du féticheur, qui
palabres au milieu de nombreux spectateurs. Il dit lui donnera le pouvoir nécessaire. Les
aux nouveaux venus cérémonies sont faites. Au jour fixé, Kénali va
- Racontez- moi votre affaire. retirer le filet magique prêt à capturer des
L'homme commence ses explications du oiseaux.
début à la fin devant le juge et les spectateurs. La Avant de le remettre à Salifou, il lui fait
femme fait de même. comprendre qu'on ne doit pas se quereller à côté
- Le juge, qui est lui-même sourd comme un du filet, que c'est formellement interdit. Il remet
pot, n'entend pas un seul mot de ces deux donc le filet à Salifou qui va le tendre dans le jar­
discours. Il croit que l'homme et la femme sont din scolaire en compagnie de son ami Sanni. Le
mariés ensemble, et, voyant que la femme porte filet à peine posé, de beaux oiseaux au
un bébé attaché sur son dos il imagine que plumage multicolore commencent à descendre et à
l'enfant est la cause de leur dispute. Il se tourne se poser l'un après l'autre sur le filet magique.
vers l'homme et lui dit : Quelques instants après, les différents bouts
- N'as-tu pas honte de parler ainsi. Cet enfant du filet magique se replient sur les oiseaux et
est ton fils, d'ailleurs, il te ressemble. Donne à forment un nœud. Plusieurs oiseaux sont ainsi
cette femme tout ce qu'elle te demande en argent capturés ; les deux amis, très contents de la
et en nourriture. Et tâche de ne plus chasse, se précipitent sur le filet pour les
recommencer. transporter à la maison.
En entendant ce jugement, tous les spectateurs En c�:min, une discussion s'engage entre
éclatent de rire. Et quoique n'ayant rien compris, eux :
le juge et les deux plaignants en font autant. - A qui appartiennent ces oiseaux ? Demande
Sanni.

· 96 97
- Ils sont à moi. RANCUNE
- Pourq uoi dis-tu qu'ils sont à toi seul ?
- Je dis qu'ils sont à moi parce que le fi let CONJUGUALE
magique q ui les a capturés est à moi.
- Nous sommes pourtant tous les deux restés Il était une fois un couple qui avait des prises
à surveiller le filet. de bec. Ils ne tenaient pas de conversations entre
- Comp rends que c'est parce que mon filet eux mais chacun remplissait correctement ses
est magique que nous avons eu autant d'oiseaux. devoirs quotidiens au sein du foyer. Ils se
Les deux amis se disputent. Un instant après, couchaient dans le même lit mais dos à dos.
le nœud se défait miraculeusement. Les oiseaux Quand il était nécessaire de se parler, chacun
s'envolent très haut dans le ciel bleu azur en d'eux écrivait sur un bout de papier et le
chantant au-dessus de la forêt. déposait sur la table du salon.
- Aïe, mes oiseaux ! Aïe, mes oiseaux ! Ils se saluaient tous les matins, se
S'écrie Salifou, mécontent. souhaitaient bon appétit, bonne nuit et se
- Comment les oiseaux ont-ils réussi à s'éva­ remerciaient mais toujours sur un bout de papier
der ? Demande Sanni. et cela pendant des jours, des semaines, voire
- Mon père me l'avait dit. On ne doit pas se des mois.
quereller à côté du filet, c'est interdit. Un jour, le mari voulut assister à une réunion
Les deux amis rentrent bredouilles ; Salifou très importante prévue pour le lendemain dans
pleurniche. Ils se rendent chez le père de Salifou un village un peu éloigné du sien.
et lui racontent leur mésaventure. Le p ère leur Pour pouvoir se réveiller très tôt, il écrivit à
rappelle les interdits du filet magique. sa femme pour lui demander de le réveiller à six
A cet instant les deux amis prennent la heures du matin et déposa le mot sur la table.
résolution de ne plus se querelle r. A six heures du matin, la femme se leva et
écrivit sur un morceau de papier qu'il était
l'heure de se réveiller. Mais l'homme dormait
paisiblement et ronflait encore au lever du soleil.
Il dormit très tard ce matin-là, ratant ainsi les
opportunités et avantages qu'il préconisait
d'avoir lors de cette rencontre.

98 99
LA FEMME QUI
SE TRANSFORMAIT
EN ÂNE
Il était une fois un homme qui avait un
enfant ; la mère de cet enfant mourut et l'homme
prit une autre femme. Celle-ci n'aimait pas
l'enfant ; toutes les fois que la femme devait
faire quelque chose, elle se déchargeait sur
l'enfant. Le père avait une rizière, il envoyait son
fils surveiller le riz. Un jour, l'enfant rapporta à
son père qu'un Âne mangeait son riz et que cet
Âne était sa marâtre.
- Ta marâtre ? Comment ta marâtre peut-elle
manger le riz? Tu dis cela car tu ne l'aimes pas.
- Bien, papa.
Toutes les fois que le père était absent, on
voyait la femme se transformer en Âne et aller dans
la rizière où elle mangeait le riz. Toutes les tâches
étaient faites par l'enfant, qui dit à son père
- Si tu crois que je mens, je vais te faire
entendre la chanson que ma marâtre chante.
Il insista pour que son père l'écoute. I.: enfant
se mit à chanter
- Oh là là, Oh là là, Oh là là
Mère défunte
Oh là là, Oh là là, Oh là là
Mère défunte, mère défunte, Seigneur,
Seigneur.
Après avoir entendu la chanson, le père lui
dit :
•· !
- Tu meps
- Eh bien, papa, un jour, tu verras si je ne dis
pas la vérité.
Pendant que la marâtre préparait le repas, elle

100 101
emanda à l'enfant d'aller chercher de l'eau. Il LE POISSON
e mit à chanter la chanson qu'il avait fait ET LE CRABE
,ntendre à son père.
La femme dit à l'enfant : Il y a très longtemps, les Poissons et les
- Prends ta machette et va me chercher du
Crabes vivaient tous dans l'eau de la rivière et
JOiS.
du fleuve. Mais les Poissons n'aimaient pas
I..:enfant continuait de chanter.
beaucoup les Crabes à cause de leur façon de se
- Prends la vaisselle, range-la dans la maison.
(1 continuait toujours. déplacer de côté et de l'aspect de leur corps :
La femme dit alors à son mari : carapace, pattes articulées, pinces coupantes . . .
- Dis à ton fils de prendre garde, il ne fait que Malgré cela les Crabes s'entendaient bien
chanter. Puis s'adressant à l'enfant avec les Poissons et s'accommodaient de la vie
- Prends ta machette, arrache ces herbes et en communauté.
apporte-les-moi immédiatement. Mais un jour, un gros Poisson joua un
Le père protesta : mauvais tour à une mère Crabe
- Non ! Ce n'est pas lui qui doit tout faire ici. - Salut, mère Crabe ! Comment vas- t u et
Tout à coup, la femme se transforma en Âne, comment vont les enfants ?
se mit à ruer et à tout casser, puis elle se - Salut à toi, cousin Poisson ! Je vais bien. Je
précipita vers la rizière et mangea le riz à satiété. dois m'occuper de tenir mes petits Crabes
Alors le mari prit sa machette et, d'un coup sec propres. C'est beaucoup de travail etje me sens
lui trancha la tête. fatiguée.
- Vraiment ? dit le Poisson. Je connais
justement une manière très efficace pour garder
les petits Crabes propres et jolis. Je peux m'en
occuper si tu veux, dit le gros Poisson.
- De quoi as-tu besoin pour le faire ?
Demanda la mère des Crabes.
- Le Poisson répondit : d'un petit enclos, d'un
demi-litre d'huile, d'une marmite et de quelques
brindilles.
La mère Crabe, très contente, mit le matériel
à la disp9.:,ition du Poisson où il s'enferma avec
les petits' Crabes.
Aussitôt, il fit du feu, fit cuire les petits
Crabes et les mangea tous. Puis il sortit et

103
102
referma la porte. Il expliqua à mère Crabe que
ses enfants étaient propres et qu'ils dormaient. Il
conseilla à la maman de ne pas les réveiller
aussitôt et promit de revenir avant la tombée de
la nuit. Sur ces belles paroles, il s'en alla.
Mais mère Crabe, après de longues heures
d'attente et de patience, jeta un regard dans
l'enclos du Poisson. Elle constata alors que le
Poisson avait dévoré ses petits.
Furieuse, mère Crabe déserta les cours d'eau
pour ne plus vivre auprès des Poissons. Elle
décida de s'installer et de vivre sur les berges.
Elle devint ainsi l'aïeule des Crabes des côtes.

LE TRESOR CACHE
Dans les temps anciens, certains hommes
comprenaient le langage des animaux. Mais
attention, les chasseurs et les bûcherons
uniquement jouissaient de cet avantage.

,j Comment ont-ils appris à comprendre le langage


de ces milliers d'animaux qui pullulent partout ?
On ne le saura jamais.
Un jour, un jeune bûcheron du nom de Sègla
se rendit de bonne heure à son travail. Il frappa
longtemps avec sa hache. Vers la mi-journée, il
., arrêta de couper pendant un moment, s'assit par
terre, le dos et la tête contre le tronc d'un jeune
,.,, arbre feuillu, si feuillu qu'aucun rayon de soleil
Q••

ne pouvait traverser son feuillage. Les yeux


' perdus dans le lointain, le bûcheron songeait.
8
• ;;

Mais à quoi pensait-il ? On ne saura jamais.

. 104 105
Soudain, de petits oiseaux se posèrent dans le
pépites de la termitière, les cacha dans une
1illage de l'arbre sous lequel le bûcheron se
grande jarre qu'il enterra dans sa case.
)osait. Les oiseaux se disaient entre eux.
- Cet homme me paraît bien bête. Peu de temps après, il construisit une belle
maison, acheta des Chevaux, des Bœufs, des
- Pourquoi parles-tu ainsi ? C'est un brave
Moutons et devint un grand commerçant. Ainsi
une homme qui travaille beaucoup. Du matin
du jour au lendemain, Sègla, le bûcheron était
1 soir, il coupe le bois pour gagner
devenu un homme riche et respecté.
:mnêtement sa vie. Moi, je l'admire, dit un
iseau. Plus tard, un charlatan lui révéla que sa
richesse était l 'œuvre du Serpent, fétiche de son
- C'est vrai, il est très laborieux mais il est
clan. Alors, chaque année, il organisait de
,ête car derrière sa case, il y a une termitière.
grandes cérémonies pour son bienfaiteur.
)ans cette termitière se trouve un immense
résor que ses enfants, ses petits-enfants, arrières
;,etits-enfants et lui-même ne finiront jamais
d'exploiter. Malheureusement, il ne le sait pas et
se tue à la tâche sous le soleil et sous la pluie. Ne
vois-tu pas qu'il est vraiment bête ?
- Le pauvre bûcheron l Mais comment le lui
dire ?
Le bûcheron avait tout entendu. Un léger
sourire illumina son visage. Il se remit au travail
avec plus d'ardeur encore ; il frappait toujours.
Des morceaux de bois volaient autour de lui.
L'arbre gémissait par moments. Quelques
temps après, il tomba en faisant un grand
bruit...
Puis Sègla courut vers la termitière qu'il se
mit à creuser sur le flanc. M iracle ! Des
pépites ! Sègla n'en croyait pas ses yeux. Il les
écarquillait, les fermait, les frottait, les rouvrait
pour sortir de son rêve. Non, ce n'était pas un
rêve, l'or était bien là. Il resta étonné quelques
instants puis recouvrit les pépites de terre pour
les cacher.
A la faveur de la nuit, il enleva toutes les

106 107
. . .. ... ...,

d'ici à entrer en compétition avec quelqu'un de


TROIS TUENT UN, très instruit, vraiment tu ne réfléchis pas.
UN TUE TROIS, - Tu dis que la fille connaît énormément de
choses ! Mais chacun d'entre nous connaît
TROIS TUENT SEPT énormément de choses aussi ! La fille a la
connaissance de ce qu'elle a appris dans les
Il y avait un roi qui avait une fille très belle. livres et, moi de mon côté, j ' ai aussi acquis un
:n dehors d'elle il n'y avait personne d'aussi certain savoir.
)lie dans le pays. Son p ère l'envoya faire des - Mon enfant, je ne veux pas que tu ailles
tudes à l ' étranger et, lorsqu'elle revint, elle chez le roi, parce que, vois-tu dans notre famille,
tait instruite. Le roi était si content qu'il dit : nous avons déjà perdu une quinzaine de jeunes
- Maintenant que ma fille a terminé ces gens, avec cette histoire d'énigme à poser à la
tudes, je vais organiser un concours. Les fille du roi.
oncurrents vont poser des énigmes à ma fille et - Que tu le veuilles ou non, maman, j'irai.
i quelqu'un propose une énigme à laquelle elle - Bien ! Puisque c'est ainsi, vas-y.
. e peut pas répondre je le marierais avec elle et Cependant, la mère s'était dit en elle-même :
ui donnerais de surcroît, la moitié de mon - Ce garçon, il faut que ce soit moi-même qui
oyaume. l'enterre car il faut que nous ayons au moins la
Les candidats affluèrent. Ils posaient des possibilité de nous recueillir sur la tombe de
nigmes auxquelles la fille répondait en un clin notre enfant.
l'œil. Les gens défilaient et c'est ainsi que tous Voilà donc ce que fit la mère ; elle dit à son

'
es jeunes gens de la région trouvèrent la mort, fils :

l
:ar le roi avait proclamé que si la fille trouvait la Mon enfant le trajet sera long. J'ai un seul
éponse à l ' énigme, le candidat serait tué. B ourricot, mais je te le donnerai car je ne
A quelques kilomètres de là habitait un voudrai pas que tu arrives trop fatigué chez le
;arçon. Un j our, il dit à sa mère : rm.
- Voilà ce que j'ai décidé de faire : J'irai chez - Bien maman ! Cela me fait très plaisir. Mais
e roi à mon tour, car c'est moi qui doit épouser comment feras-tu pour expédier tes produits sur
. a fille. le marché ?
Sa mère fut très surprise et lui dit : - Mon enfant, ne te fais pas de souci. Ta
- Tu plaisantes mon enfant ! Tu ne vois donc maman saura touj ours se débrouiller.
>as que cette fille ne te ressemble pas ? Tu ne te Puis apr?s' une pause elle ajouta :
·ends pas compte qu'elle est d'un autre milieu ? - Demain j e te sellerai le Bourricot.
ru n'es pas allé à l'école. Tu es resté ici sous le - D'accord.
nanguier. Tu as appris certaines choses, mais Sur ce le garçon alla se coucher. Le

108 109
lendemain, la mère se leva à quatre heures du
matin ; elle sella le bourricot, puis elle prit de la
lf vit trois animaux carnivores en train de dévorer
le Bourricot. Le garçon, surpris, chassa les
farine de manioc et prépara trois boulettes oiseaux à coups de pierres. Ces derniers
qu'elle remit au garçon en lui disant de les s'envolèrent et allèrent se poser sur une énorme
manger en route avant d'arriver, lorsqu 'il aurait colline. Alors il resta à les observer. Sur ces
faim. Le garçon fut très content. Mais la mère entrefaites, sept chasseurs arrivèrent et
avait empoisonné le repas afin que le garçon 1 'interpellèrent
meure en chemin. Ensuite, elle n 'aurait plus - Jeune homme ! Que fais-tu seul dans cette
qu'à récupérer le corps, à l'enterrer et ils forêt?
auraient au moins une tombe des jeunes gens - Eh bien . . . Je ne fais que passer. Ma mère
qu'ils avaient élevés. m'a envoyé faire une course etje me suis attardé
Le garçon s'en alla ; il marcha très à regarder ces oiseaux au-dessus de ma tête.
longtemps. Au bout de trois jours, il décida de - Comment ! Tu as vu des oiseaux
manger une des trois boulettes. Il la prit donc, par ici?
mais au dernier moment, il réfléchit et eut un Où sont-ils ?
remord. Les chasseurs s'approchèrent et virent les
- Je vais manger et le Bourricot que va-t-il oiseaux. Trois d 'entre eux épaulèrent et ils les
manger? Moi j'ai un bon repas et lui, il n'a rien tuèrent, cela faisait bien des heures qu'ils
eu depuis trois jours que nous sommes en route. chassaient et ils n'avaient encore rien attrapé
Que faire ? Tant pis, je vais être dans l'obligation pour se mettre sous la dent. Ils allumèrent donc
de donner la nourriture au Bourricot, car c 'est un feu, firent cuire les oiseaux, les mangèrent et
lui qui me porte. C'est lui qui se fatigue, donc tous les sept moururent.
c'est à lui que revient ce repas. Lorsqu'il vit les sept chasseurs s'effondrer le
C 'est ainsi que le gar�on donna la nourriture garçon dit
au Bourricot, qui les mangea et mourut. - Tiens voilà un bon sujet d 'énigme à
Le garçon continua à pied, il marcha très proposer. Je vais aller chez le roi.
longtemps. A un certain moment, il s'arrêta,· se Et le voilà à nouveau faire demi-tour. Il
reposa, se sentit découragé et se dit : marcha longtemps et arriva chez le roi. En
- Et puis non je ne continue plus, je me arrivant, il salua tout le monde. On lui rendit son
résigne. Cette histoire de Bourricot me tracasse. salut ; on le plaça devant la cour et on lui
Cette mort a été bizarre. Il faut que je retourne à demanda l'objet de sa visite.
la maison et que j' apprenne à maman ce qui - Roi, j'tti appris que vous avez une fille très
s'est passé. intelligente, très instruite ; que tous ceux qui se
Il retourna donc sur ses pas. Arrivé à sont présentés ici sont morts car ils étaient
l 'endroit où le Bourricot était mort, il regarda et incapables de lui poser une énigme à laquelle

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elle ne savait répondre, et ceci quel que soit le Puis une cinquième, puis une s1x1eme, la
domaine choisi. septième journée approchait et avec elle la date
- C'est vrai et quand je trouverai quelqu'un limite, car il était dit que si le septième jour, à
capable de la coller, je lui donnerai mon minuit, la fille n'avait toujours pas trouvé la
royaume. solution, alors elle était battue.
- Eh bien mon roi c'est ce que je suis venu Aussi lorsque la fille vit l e septième jour
chercher. approcher et qu'elle ne trouvait pas la réponse à
- Très bien puisque c'est la cause de ta venue, la devinette, elle sortit de la chambre située à
va te reposer. A quatre heures nous nous l'étage, descendit dans la cour et se dirigea vers
réunirons et tu poseras ton énigme. la chambre occupée par le garçon. En arrivant
- D'accord roi. elle lui dit :
Le garçon alla se reposer. Il prit un bain se - Cher ami, je n'ai toujours pas trouvé ta
restaura, revêtit la belle tenue royale qu'on lui devinette dans mes livres ; je n'ai pas trouvé la
offrit, s'apprêta. A quatre heures il se présenta réponse, aussi vais-je te demander de m'aider.
devant la cour. Elle était au grand complet et Tu vois cette bague que j'ai au doigt. C'est une
c'était vraiment une assemblée grandiose. Enfin bague de très grande valeur. Elle suffirait à te
on donna la parole au garçon, qui dit alors rendre très riche, je vais te la donner et en
- Roi, voilà ce quej'ai à dire à votre fille. Elle échange tu me donneras la réponse.
devra chercher la solution et me la donner. Le lendemain lorsque la cour se réunit à huit
Voilà ! En partant de chez moi, ma mère m 'a heures, après le petit déjeuner, la fille annonça
donné trois boulettes de manioc. En chemin, qu'elle avait trouvé la réponse. Le roi lui
trois ont tué un, un a tué trois, trois ont tué sept. demanda confirmation :
Toute la cour réfléchit, et chercha ; une - Tu as vraiment trouvé la réponse ?

l
première journée s'écoula sans qu'elle ne trouve - Oui roi.
la réponse, une deuxième, une troisième . . . Le roi était soulagé et avec lui, toute la cour.
Lorsque l e roi vit que ni s a fille, n i personne Il s'adressa alors au garçon :
à sa cour ne trouvait la réponse et comme il ne - Nous savions que tu n'étais pas capable de
souhaitait pas avoir comme gendre ce garçon rivaliser avec des gens instruits.
laid, miséreux, sans instruction, sans rien et ne - Nous verrons.
sachant plus comment s'en sortir, il demanda de Puis on invita la fille à parler. Elle dit :
l'aide à l'extérieur ; il envoya quérir les plus - Roi;1orsque ce garçon partit de chez lui, sa
grands experts de son royaume afin d'aider la mère lui donna trois boulettes de manioc, il était
fille. Ce fut peine perdue. sur un Bourricot. En cours de route, au bout de
Le roi ne savait plus comment faire il trois jours, il donna son repas au Bourricot. Les
réfléchissait. .. Une quatrième journée s'écoula. boulettes tuèrent le Bourricot. Trois oiseaux

112 113
v inrent à manger le cadavre, sept chasseurs les
tuèrent, les mangèrent et moururent.
Le roi demanda au garçon si c'était bien cela
l'explication de son énigme. Il acquiesça. Le roi
s'adressa alors à son bourreau
- Saisis ce garçon.
Le garçon l'interrompit.
- Non' vous faites erreur roi. Hier soir, j 'ai
maîtrisé la Lionne, en voici la preuve.
Et il montra à la cour médusée, la bague de la
fille qu'il portait sur son doigt.
La j eune fille fut contrainte d'avouer sa
supercherie. Le roi, furieux, la donna en mariage
au jeune homme comme il l'avait promis.
Ainsi, la jeune fille avait trouvé p lus fort LE TROUVEUR
qu'elle.
DE DEVINETTES
Ne vous croyez jamais plus intelligent que ET IJENFANT
les autres.
Il était une fois un homme qui avait trois sacs
d'argent. Il cherchait la personne qui réussirait à lui
poser une énigme qu'il ne saurait résoudre. Pour la
récompenser, il lui offrirait les sacs d'argent . Il
allait de villages en villages pour la trouver.
Un jour, il entendit parler d'une dame qui
avait un enfant très fort en la matière, c'est
p ourquoi l'enfant vit approcher quelqu'un
portant trois sacs sur le dos. En arrivant, il
souhaita le bonjour à l'enfant ; ce dernier lui
répondit aussitôt, l'autre enchaîna :
- Mon �nfant, veux-tu m'offrir une petite
« crasse » d'eau ?
- Une petite « crasse » d'eau, mon oncle ?
- Oui, mon enfant.
Lorsqu'il eut dit oui, l'enfant entra dans la

1 14 115
est a llé ouvrir un trou pour en boucher un, mais .
il
maison. Il y avait des seaux remplis d'eau ; 1 e trou reste toujours béant.
'il
renversa to ute l'eau des récipients et, lorsqu - Bon ! N'avais-je pa s vu que tu avais un
» et la p à
eut fini, i l prit la « crasse orta
grand frère ? Où est-il passé ?
l'homme. - ?h, depui s ce matin, papa a envoyé mon
- Oh ! Mon enfant ! Je t'ai demandé une ,
frere a la chasse. Tout le gib i er qu'il trouvera il
e tu
p etite « goutte » d'eau et c'est la crasse qu devra le laisser, ne pas le ramener, to ut ce q�'i l
m'apportes. ne rencontrera pas, il devra le ramener.
- Non, mon oncle, tu ne m'as pas demandé de Ils en restèrent là. Sur ces trois po int s
u.
l'eau , tu m'a s demandé de la « crasse » d'ea 1 '�omme ne sut que répondre à l'enfant. Aussi il
- Bon d'accord ! Je t'avai s dem andé un p etit '
drt:
peu d'eau. - Eh bien, mon enfant, je ne vois aucune
- B i en. Maint enant, tu m'as demandé de l'eau réponse à te donner, je vais te remettre les sacs
mon oncle. d'argent.
I.: enfant partit ; il prit un autre verre et il lu
i
r.; enfant acquiesça. I.:homme prit les trois
donna de l a bonne eau. Quand l'ho mme eut fini sacs d'argent et les donna à l'enfant, qui lui dit :
de boire, il dit : - Tu peux t'asseo ir, à mon retour, je vais te
- Mon enfant, voi là ce qui m'amène par ici : je donner les réponses. r.; enfant prit l'argent .
mit
parcours le monde · (à ce moment , il l'ho mme le vit rentrer dans la chambre (l'enfan;
les sacs par terre et les montra à l'enfant). Ces sacs eut !e temps d'aller plus loin que la maison de
que tu vois, sont remplis d'argent. Cet argent peu
t
me fami lle, pour cacher son argent). Un i nstant
être à toi, car si j e trouve quelqu'un capable de
ais
passa , puis il revint par la porte d'où i l était sorti.
poser des énigmes auxquelles j e ne pourr A son retour, i l s'assit et dit :
répondre, je le lui offrirais. - Tonton, tu ne connais pas les réponses ;
I.: enfant lui dit alors : laisse-moi te les donner.
- Mon oncle, si tu es venu chercher des
Tu m'as demandé où était maman ? Je
éni gmes, maman n'est pas là, papa n'est pas là, , _ .
t a1 dit que maman ét ait allé chercher ce
mais j e peux t'en poser.
qu'elle n'avai t pas semé ! Il faut que tu
I.:homme acqui esça et ajouta : saches que maman est matrone, comprends-tu ?
- Mon enfant, commençons. Bon ! Mon Qu�d quelqu'un a ses premières douleurs, on
enfant, où est ta mère ? e? vo1e chef9her maman, mais maman n'est jamai s
- Maman ? Mon oncle ! Maman est allée la quand la personne se fait faire un enfant.
chercher ce qu'elle n'a pas semé. I.:homme tira un papier de sa poche, n ota
I.:homme demeura co i . Puis il dit : l'éni gme, puis lui dit :
- Bon ! Et ton père ? - Et ton père ?
- Pap a est parti avant que le jour ne se lève , il

117
116
- Papa ? Ce matin, comme papa devait de remis de l'argent pour lui amener une bête . . . Le
l'argent à quelqu'un, il est allé emprunter de Tigr e qui arrivait à toute allure, s 'arrêta.
l'argent à une autre personne pour pouvoir le I.;enfant ajouta :
rembourser mais de fait, papa reste toujours avec - Certes, je sais que papa ne prend pas ce
sa dette, quoiqu'il fasse. petit Tigre que tu lui amènes. Le Tigre ne
- Ah ! C'est vrai ! Bon et ton frère ? bougea plus.
- Mon frère ? r.: enfant continua. De toute façon, papa est
- Mon frère avait beaucoup de chiques aux une grande personne, moi je ne suis qu'u
pieds. Alors, papa l'a envoyé à la rivière pour se n
enfant. Aussi, je ne sais pas si, quand il arrivera,
laver les pieds et retirer toutes les chiques. il sera content ou fâché ? Je vais donc te donner
Celles qu'il n'aura vues, il les rapportera, et le bout de chaîne et tu attacheras le Tigre.
toutes celles qu'il aura vues, il les laissera dans Lorsque le Tigre vit l'enfant approcher avec
l'eau. le bout de chaîne, il se mit à courir. I.;hornme
- D'accord. Mon enfant, tu es très fort. resta là. Lorsque l'enfant s'aperçut que l'homme
Après un instant, il ajouta : Mon enfant, c'est était resté immobile, il lui dit alors
fini, j'ai épuisé la question, je m'en vais. - Oh ! Tonton ! Regarde ! Maintenant que tu
I.; enfant le laissa partir. as laissé le Tigre s'emparer de la route, par où
Mais que crois-tu qu'il fit ? Il alla chercher passeras-tu ?
un Tigre et se dit : - Par tous les diables !
- Quand l'enfant verra le Tigre, il aura peur et I.;hornme prit ses jambes à son cou. Lorsque
me rendra l'argent. le Tigre vit l'homme en train de courir derrière
Mais l e père de l'enfant avait un bout de lui, il crut que c'était pour l'attraper et il courut
chaîne assez long chez lui. encore plus vite. I.;homme hâta le pas
I.; enfant, quant à lui était assis à côté du feu également. Ils coururent l'un poursuivant
qui brûlait près de la maison. Lorsque l'enfant l'autre. Et c'est ainsi que le Tigre, suivi de
regarda, il vit l'homme qui arrivait avec un Tigre l'homme, tomba dans un précipice où tous les
énorme, une bête si grosse qu'elle n'aurait fait deux s'écrasèrent. r.:enfant, quant à lui, était
qu'une bouchée de lui. I.;enfant ne bougea pas, riche avec tout l'argent gagné grâce aux
il regarda et dit : énigmes. Lorsque son père et sa mère revinrent,
- Ah ! Tonton ! Papa se fâchera contre toi, tu il leur dit
sais. - Maman ! Papa ! Nous sommes riches.
Puis, il fit mine de réfléchir un instant et
ajouta :
..,
- Papa aura des histoires avec toi car je crois
que cela fait environ dix mois depuis qu'il t'a

1 18 119
LE CHASSEUR LA HYÈNE
DOSSOU ET LE LIÈVRE
Il était une fois un chasseur nommé Dossou Il était une fois un village, dans lequel régnait
qui décida de partir en voyage pour voir les une grande famine. Il n'y avait plus le moindre
activités du pays voisin et s'instruire. grain de mil et on n'en trouvait plus que très
Arrivé au bord d'une mare, non loin d'une loin, à plusieurs journées de marche.
forêt, il aperçoit un Buffle ressemblant à un La femme du Lièvre dit à son mari :
véritable monstre. Le Buffle, qui était en train de - Il paraît que la Hyène est déjà partie et
se baigner, se tourne vers le chasseur. Il gronde revenue. Elle est allée chercher un sac de mil. Tu
comme le tonnerre et semble sortir de son corps. devrais faire comme elle. Nous n'avons plus rien
Mais Dossou le chasseur ne s'effraie pas ; il à manger.
regarde le monstre bien en face. Le Lièvre prit donc le sentier du village avec
Le Buffle se développe à un point tel que sa un sac vide sur les épaules, et il aperçut en effet
tête touche le ciel. Le chasseur lui dit tranquille­ la Hyène qui revenait avec toute sa charge de
ment : mil. Le Lièvre cacha son sac et s' étendit sur le
- Pourquoi fais-tu cela, Buffle ? Tu perds ton sable en remontant ses pattes.
temps, je n'ai pas peur. - Tiens un Lièvre mort de faim, remarqua la
Le Buffle lui répond : Hyène en passant.
- Tu es le plus brave de tous les hommes, je Sitôt qu'elle se fut éloignée le Lièvre se
vais te récompenser. Je te donnerai ce fusil. Il te releva, ramassa son sac, et faisant un détour dans
suffira de le sortir de son fourreau pour que ton la brousse, revint s'étendre tout raide sur la piste
ennemi tombe mort. que suivait la Hyène.
Dossou le chasseur prend le fusil et se dit : - Par mon grand-père et les revenants, jura la
- Bien ! Je vais voir si le Buffle n'a pas Hyène en apercevant ce nouveau cadavre,jamais
menti ! les Lièvres n'ont connu pareille famine, ils
Il sort le fusil du fourreau et le Buffle tombe crèvent tous !
mort. C'est ainsi que Dossou a sauvé sa tête. Et baissant sa tête, elle se mit à penser dans .,
C'est depuis ce jour qu'est né l'adage son ventre. Une Hyène n'est autre qu'un ventre,
populaire : ..
qu'elle aur�it bien fait de ramasser ces Lièvres
morts. Ellè continua son chemin à contre cœur.
« La charité bien ordonnée commence par Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept. . . Elle
soi-même ». comptait, la sotte bête. Voilà déjà sept cadavres
de Lièvres qu'elle avait rencontrés. Alors elle

120 121
n ' y résista plus. Près du dernier Lièvre et
toujours le même, qui ne bougeait pas d'un poil,
elle déposa son sac de mil et à toutes j ambes
revint sur ses pas pour ramasser ces morceaux
de succulente viande qu'elle avait rencontrés
j usque-là .
Elle s'était à peine éloignée que le Lièvre
sautait sur ses pattes et vidait le mil de son sac,
remplissait de sable celui de la Hyène, et
revenait tranquillement à la maison.

A vouloir trop gagner on perd tout.

. POURQUOI LE CRAPAUD
EST SI PLAT
Un jour le Crapaud avait été élu roi. Il déte­
nait toute l'eau du pays. Dieu lui avait confié la
garde de l'eau. II arriva que toutes les bêtes
avaient soif et qu'elles ne trouvaient pas une
goutte d'eau. Compère Bourricot alla voir Dieu :
- J'ai soif, je ne trouve pas une goutte d'eau à
boire.
- Va trouver compère Crapaud, dis-lui que je
t'ai envoyé chercher de l'eau.
B ourricot arriva, frappa à la porte, le Crapaud
demanda::"
- Qui est là ?
- C'est moi compère B ourricot qui te demande
s'il n'y a pas d'eau dans le village ?

· 122 1 23
- Va-t'en Bourricot, va t'en Bourricot. Il n'y a
pas d'eau dans le village.
Le Bourricot s'en alla, il retourna vers Dieu.
- Je suis allé. Le Crapaud ne m'a rien donné.
Ainsi, les mêmes choses se passèrent pour le
Mulet, le Cheval, le Cochon, le Mouton, le Cabri,
le Dindon, la Poule, le Canard, le Chien et tous
les animaux sans aucun bon résultat.
Le Bon Dieu voyant ceci, y alla à son tour (on
sait que Dieu est un être puissant). Il frappa.
- Qui est là ?
- C'est moi Dieu, je te demande s'il n'y a pas
d'eau dans le village ?
- Va-t'en Dieu, va-t'en Dieu. Il n'y a pas
d'eau dans le village.
Le B on Dieu tira la porte, posa le pied sur le
Crapaud et l'eau fut à jamais délivrée.

LE MAUVAIS ESPRIT
ET L'ENFANT
Mon conte s'en va, s'en va et tombe sur un
vieux et une vieille. Ils avaient un fils unique. Le
mari était cultivateur et la femme lingère. Quand
ils se rendaient chacun à leur activité, ils
laissaient l'enfant de six ans seul à la maison. A
midi, l'enfant mangeait les pommes de terre
sauvages préparées par la maman.
Un jour, après le départ des parents, un
mauvais esprit rendit visite à l'enfant. Quand il
le vit venir/il se mit à chanter : Olo' Mou réro
mawolè Téré na na dja Kalo.
- Où sont tes parents ?
- Téré na na dja Kalo. Ils sont partis.

124 125
- Lorsqu'ils sont partis, que t'ont-ils laissés ? UN HOMME STÉRILE
- Ils ont laissé trois p atates sauvages au
Il était une fois, un vieillard dans un village.
plafond.
Ce vieux avait cent cinquante ans et mit au
Le mauvais esprit les prit et les mangea. Une
monde un seul fils à l'âge de cent ans. L' enfant,
fois qu'il a mangé, il disparaît.
Kodjo grandissait, il aidait ses parents aux
Quand les parents rentrèrent, ils questionnè-
champs. A l'âge de se marier, Kodjo épousa une
rent l'enfant
femme du village qui s'appelait « Kolèto mon
- As-tu mangé ?
nonmon To » (c'est-à-dire quelqu'un qui tourne
- Non, rien depuis le matin.
ne trouve pas son oreille). Quand il revenait du
- Mais où est passé la nourriture que l'on a
champ, Kodjo s'endormait et il était impossible
préparée ?
de le réveiller. Même sa femme n'y parvenait
L'enfant ne raconta rien de ce qui s'était
pas. Un soir, au clair de lune, sa femme voulut le
produit avec le mauvais esprit.
réveiller p our qu'il puisse remplir ses devoirs
Un jour, son père décida de guetter et de voir
conjugaux, mais il resta endormi.
qui venait voler la nourriture de son fils.
Or, dans le village, il y avait une vieille dame
C enfant chantait
âgée de deux cent ans qui servait le père de
- Mon papa est parti cultiver et maman est au
· Kodjo. Elle avait un enfant, un garçon grand,
marigot p our faire là lessive.
costaud et beau. Mise au courant de la stérilité
Il se cacha et aperçut le mauvais esprit qui
de Kodjo, elle promit à Kolèto mon nonmon To
tendait la main pour prendre la nourriture de
de l'aider à concevoir un enfant. Elle lui proposa
l'enfant.
son jeune garçon.
Aussitôt, le père attrapa sa machette pour
La nuit tombant, la femme de Kodjo dressa le
couper la main du mauvais esprit.
lit, parfuma la chambre et attendit la visite du
C'est depuis ce temps-là que ces esprits
jeune homme qui se prénommait « Amon non
n'habitent plus avec les hommes ; ils vivent
ma dor » , celui qui n'a pas sommeil.
désormais dans la forêt.
Tous deux passèrent la nuit ensemble et
quelques mois plus tard, elle mit au monde un
C'est pourquoi, l'entente est impossible
garçon. Quelque temps après, la femme de
entre les esprits et les humains.
« Amon non ma dor » accoucha d'une petite
fille. ��
Les deux enfants passaient beaucoup de
temps ensemble. Le couple formé par Kodjo, qui
était aisé, s'occupait des deux enfants, les
nourrissait, les vêtissait, les aidait à se loger.

1 26 127
Les années passèrent, les deux enfants gran­ LA VIE
dirent et devinrent très proches. Ils décidèrent de D'UN GOURMAND
se marier. La femme de Amon non ma dor
refusa. Elle savait que son mari était le père du Il était une fois deux jeunes hommes liés
garçon. d'amitié. I.: un se prénommait Bio et l'autre
Le vieux Kodjo, touché par l'âge, décida Kakpo. Quand ils étaient sous la tutelle de leurs
d'au toris er le mariage, demanda pardon à parents, Bio était un combattant u n bon
« Amo n non ma dor ». Il ne voulait pas salir son travailleur. Kakpo, quant à lui, était p�esseux et
nom et fâcher le roi. Contre l'avis de la femme gourmand. Il mangeait à longueur de journée. A
d' « Amon non ma dor », il consulta l'oracle du l'âge adulte, leurs parents décidèrent de les
Fâ. La divinité refusa l'union des deux jeunes laisser se débrouiller seuls. Ils devaient donc
gens. Ceux -ci contestèrent cette décision et travailler pour subvenir à leurs besoins. Comme
menacè rent de se suicider si on les empêchait de ils étaient cultivateurs, les parents voulurent les
se marier. Alors, ils entonnèrent une chanson : envoyer séparément dans l'une de leurs fermes
- Lors que tu couchais avec la femme dans un village très éloigné du leur.
d'autrui, tu connaissais la gravité, Le jour de leur départ, le père de Bio donna
Tu n'allais pas penser à la loi divine. des outils à son fils et trois boules d'akassa
Aujourd'hui, nous allons respecter la divinité celui de Kapko, des outils de travail et troi�
mais dorénavant pour les papas : ignames. Or, dans une des ignames, le frère de
- « Amon non ma dor ». Kapko avait mis une chaîne sacrée, une fortune.
La v ie est un aller et un retour Au cours du chemin, après quelques
Ne trompez plus, si les Hommes . ,
k1lo�etres parcourus, Kapko sentait la fatigue et
Ne vous voient pas, Dieu vous voit la fan�. Comme il n'avait que des ignames
Alors faîtes très attention dans la vie. crues, 11 demanda à Bio d'échanger ses ignames
contre les boules d'akassa. Bio accepta.
Arrivés à l'entrée du village ils se séparèrent,
chacun prenant sa direction.
Un jour, Bio décida de préparer les ignames.
Dans la première qu'il coupait, il découvrit la
chaîne sacrée nommée « Je nan nan » '· il la
cacha.��
Plusieurs années plus tard, le fils aîné du roi
tomba gravement malade. Son état était sans
espoir, et comme la coutume africaine le veut' le

128 129
roi fit appel à l'oracle du Fa. Celui- ci lui fit
comprendre que pour sauver l'enfant, il fallait UN HOMME
offrir e n sacrifice la chaîne sacrée. ET UN RICHARD
Le roi envoya tout son peuple à la recherche
de cette fameuse chaîne. Il était une fois un père, une mère et une
Quand Bio apprit la nouvelle, il se présenta grand-mère. La mère mourut et le père s'en alla,
au palais royal et présenta la chaîne sacrée au laissant l'enfant à la grand-mère en disant :
roi. I.:enfant fut sauvé grâce à Bio. - Mon enfant, tout ce que tu feras sera très
En récompense, le roi divisa toutes ses bien.
fortunes en deux et donna la moitié à Bio. Bio I.:enfant dit à sa grand-mère
devint le roi du village tandis que son ami - Grand-mère, je peux te parler ?
continuait de travailler dans une ferme. - Parle donc, mon enfant.
- Grand-mère,je vais démolir la rp.aison.
La gourmandise n'est jamais récompen­ - Tu veux démolir la maison ? Où dormirons-
sée. Elle n'attire que des ennuis. nous ?
- Nous dormirons dans la cuisine.
Et d'un seul coup, il démolit la maison. Un
jour, il dit :
- Je vais te dire quelque chose.
- Parle donc, mon enfant.
- Grand-mère, je vais briser la vaisselle.
- Tu as déjà commencé à tout détruire,
continue donc.
Et d'un seul coup, il brisa la vaisselle. Un
autre jour, il proposa de détruire la cuisine, alors
ils dormirent sous un arbre. Un autre jour, il
coupa l'arbre et ils dormirent donc sous un soleil

� .1;
de plomb. Plus tard, il vit passer un oiseau qu'il
appela et lui dit :
•4> --� -
i ��
v�•
- Petite bête, où vas-tu ? Emmène-moi avec
toi. �J
- Je vais dans le village où les gens vivent
enfermés dans des calebasses car le roi qui y
règne est un tyran.
I.:oiseau le mit sur son dos. (I.:enfant avait

130 131
toujours un couteau sur lui dans sa poche). Ils TEL EST PRIS
arrivèrent au village de Nord . L'enfant se
promenait en sifflotant pour bien indiquer qu'il QUI CROYAIT PRENDRE
ne craignait rien. Le roi l'entendit et se mit à sa
recherche (C'était un géant dont !'enjambée Il y a longtemps, très longtemps, si
allait loin). Le roi s'assit et chanta : longtemps que peu de gens s'en souviennent
- Bassou. Eh ! Oh ! Il faut que j'attrape ce encore, Yogbo le gourmand et Soukpo le rusé
Bossou ! Eh ! Oh ! étaient de bons voisins.
- Eh ! Oh ! Bossou où te caches-tu ? Depuis de longs mois, la famine sévissait
- Eh ! Oh ! Bossou. dans le pays. Vainement, l'on avait espéré la
Le petit garçon lui répondit : pluie. Les semences avaient brûlé, les marigots
- Doucement, tonton Richard, doucement taris. Pour trouver de la nourriture les hommes
Doucement, tonton Richard, doucement ! se livraient une lutte impitoyable. Certains
Je ne suis pas quelqu'un d'ici, doucement. n'hésitaient pas à s'attaquer aux vieilles
Le roi l'aperçut alors, posa la main sur lui et femmes. Dès qu'elles préparaient leur repas, ils
l'avala. Le petit garçon lui coupa son premier se jetaient sur elles, ravissaient leur maigre
boyau et sortit par son derrière (le roi avait sept pitance et s'enfuyaient. Après s'être longtemps
boyaux). Le roi chanta de la même façon sacrifiés pour leurs enfants, les pères se
qu'avant. Le petit garçon lui répondit aussi de la cachaient maintenant pour manger ce qu'ils
même manière. Le roi l'avala de nouveau, le trouvaient. Un soir, au crépuscule, Yogbo invita
petit garçon recoupa un boyau et sortit une fois son fils Kavi à l'accompagner au champ pour
de plus. Et petit à petit, les boyaux du roi se récolter des patates douces. Sa femme Wenon
faisaient couper, le roi s'affaiblissait, car il s'étonna.
commençait à ne plus avoir de boyaux intacts. - De vraies patates ? Demanda-t-elle. Depuis
Le roi mourut car il avait perdu tous ses boyaux. quand les as-tu plantées ? Je crois que tu rêves.
Les gens du pays brisèrent alors leurs calebasses - Je ne te parle pas, femme, répliqua Yogbo.
et en sortirent. Le petit garçon les aida. Puis il Je sais bien ce que je dis. Ne me casse pas les
envoya chercher sa grand-mère et son père et ils oreilles avec tes bavardages. Kavi, prends un
devinrent les seuls maîtres du pays. panier et sortons discrètement, de peur que notre
voisin Soukpo ne nous voie et ne nous suive.
Yogbo�"conduisit l'enfant dans un champ
installé sur un terrain en creux, toujours humide,
où il avait aperçu par hasard Flinso, un paysan
prévoyant en train de ramasser des patates. A
tâtons, il déterra une douzaine de gros

132 133
tubercules violets, remplit hâtivement le panier, l'attendait, cette pluie. Au dire des grandes
en chargea son fils et ils s'en retournèrent personnes, elle seule mettrait fin à la famine et
rapidement. ramènerait l'espoir. Mais pour Kavi la pluie est
Certain de pouvoir bientôt manger, Kavi aussi promesse d'ébats joyeux dans les flaques
sentait à peine le poids de sa charge. I.:eau lui d'eau. Yogbo apprécia la fraîcheur des premières
venait déjà à la bouche. gouttes sur son corps, huma la bonne odeur de la
- Quelles belles patates ! Songea-t-il. Rondes terre mouillée, se frotta les mains. Le ciel me
et fermes à souhait, gorgées de sève sucrée. Il bénit, se dit-il. Le père et le fils revinrent tout trem­
imagina les diverses façons de les préparer. pés, cachant de leur mieux le panier de patates.
Grillées sous la cendre, elles ont une saveur En ce temps de famine, les gens s'épiaient les
incomparable, mais la cuisson est longue et uns les autres, l'oreille aux aguets, l'odorat
l'épluchage malaisé. Correctement bouillies aiguisé, l 'œil vigilent. Aussi, malgré les
leur peau devient si tendre qu'on la mangerai; �ré �au:ions de Yo� bo, son vieil ami Soukpo,
volontiers. En définitive, la meilleure recette de mtngue par sa sortie nocturne, pensa qu'il avait
patates douces est sans conteste le ragoût à certainement trouvé quelque chose à manger et
l'huile de palme. Hum ! Un régal. Hélas ! Par décida de s'en assurer.
ces temps-ci qui pouvait déguster ce repas de Wenon, la femme de Yogbo n'en crut pas ses
prince ? yeux lorsqu'elle vit les belles patates. Elle les
- Marche vite, dit Yogbo. A quoi rêves-tu ? lava immédiatement et, sans les éplucher, les mit
- Aux patates, répondit Kavi. à bouillir. Kavi activa le feu, y fourra des
- Tu as raison, approuva Yogbo. Mais elles brindilles sèches, soufflait à perdre haleine sur
sont meilleures sous la dent qu'en rêve. les bûches flambantes, tisonnait sans arrêt. A
- Père, depuis quand as-tu cultivé ce champ ? trois reprises, Yogbo souleva le couvercle de la
- Je venais y travailler la nuit pour ne pas marmite et, avec un couteau, piqua les
éveiller de soupçon. Un bon père de famille doit tubercules pour vérifier le degré de cuisson.
être prudent. Importunée par leur agitation, Wenon les chassa
- Pourquoi est- ce aujourd'hui seulement que de la cuisine. Ils allèrent dans la case. De peur
nous faisons la première récolte ? qu'un visiteur ne vienne les déranger, Yogbo
- Tais-toi, petit. Quand tu as faim, si tu ferma la porte à clé.
trouves de la nourriture, ne pose pas trop de - Comqi.ent mère va-t-elle entrer ? Demanda
questions. Kavi.
A mi-chemin de leur maison, la pluie éclata - Ah oui ! Je suis trop pressé, admit Yogbo. Va
subitement. I.:enfant eut envie de courir' de lui ouvrir. D'ailleurs, pourquoi tarde-t-elle
encore ?
danser.
Pensez donc Il y avait si longtemps qu'on Enfin, Wenon apporta une calebasse pleine

134 1 35
de patates fumantes. Kavi et Yogbo l'accueilli­ - Pas du tout ! Manger ? Qu' aurions-nous
rent avec des yeux brillants. I.:enfant s'assit par mangé ?
terre, déglutit sa salive, les narines dilatées. - Ce ne sont pas des patates que je vois là ?
- A quoi penses-tu, petit distrait ? Cria Demanda Soukpo.
Yogbo. - Sans doute, répondit Yogbo, sans doute
Va vite refermer la porte. mais elles sont suspectes.
A bout de patience, Kavi bondit pour - Ah ! Pourquoi donc ?
exécuter l'ordre. Sa mère voulut se servir. - Elles sont restées trop longtemps dans
- Attends un peu dit Yogbo, c'est trop chaud. le sol. D'ailleurs, laisse-moi vérifier leur
Laisse-moi d'abord goûter. qualité.
Il tendit la main vers le plat. Juste à ce Décidé à ne pas se laisser dépouiller, Yogbo
moment, quelqu'un frappa. Yogbo sursauta, leva dit à contrecoeur
lentement les yeux et vit dans 1 'embrasure de la - Assois-toi donc ami Soukpo. Pendant que
porte, son ami Soukpo qui le regardait d'un air celui-ci s'installait, ravi, devant la calebasse de
affable. I.:arrivant essuya ses pieds contre le patates, Yogbo imagina une bonne ruse pour le
seuil et entra sans attendre de réponse. A la vue feinter.
des grosses patates il resta interdit, bredouilla - Je ne partagerai pas mon repas avec ce
des salutations. parasite, jura-t-il.
Furieux de s'être laissé surprendre par cet Dans son coin, le petit Kavi se racla la gorge
intrus, Yogbo ne répondit pas. Wenon, également pour rappeler sa présence. Dehors, Yogbo crut
contrariée, retourna à la cuisine. voir rôder aux abords de sa concession, des
- Kavi, dit Yogbo d'un ton brusque, va ombres furtives. D'autres gourmands ont dû
attendre à côté. flairer l'odeur de mes patates, pensa-t- il. Je les
L enfant voulut prendre une patate. aurai tous.
- Laisse ça d'abord, petit gourmand gronda - Mon ami, tu as l'air soucieux, remarqua
Yogbo. Soukpo.
- Je venais juste vous saluer et demander - Pas du tout, répondit Yogbo. Je pensais à la
comment vous luttez contre la faim, dit saveur du ragoût de patates à la sauce de
Soukpo. Mouton.
- Depuis ce matin tu m'as posé sept fois la - Moi je préfère les plats sucrés aux salés,
même question, grinça Yogbo. Ne te tracasse pas déclara Souiépo. Je me contenterai bien de ces
autant pour les amis. Ici nous nous portons très patates cuites à l'eau.
mal. Nous allions nous coucher. - Je te sais très conciliant, admit Yogbo. Mais
- Comment ! S'étonna Soukpo. Vous avez laisse-moi tout de même les examiner. Yogbo
déjà mangé ? prit une patate dure, à la peau éclatée, l'approcha
de son nez, la renifla, fronça les sourcils et la la force de rester assis ; je vais m'évanouir ; je
considéra d'un air déçu. dois me coucher.
- Quel dommage ! Dit-il, elle est gâtée. Je ne Soukpo comprit que son ami le renvoyait.
puis te l'offrir. - Prends ton mal en patience, dit-il en se
Il jeta la patate qui alla tomber dehors dans la levant. Estime-toi heureux d'avoir eu pendant un
boue. Il en saisit une autre, la regarda moins moment l'espoir de manger. Qu'importe si tu es
longtemps, assura qu'elle était pourrie, finalement déçu ! Bonne nuit, compère.
immangeable et la lança dans la cour. - Bonne nuit, répondit joyeusement Yogbo, et
Soukpo tenta vainement de 1 'arrêter. De bonne chance ! Si tu trouves quelque chose à te
guerre lasse il dit qu'il n'était nullement mettre sous la dent, n'oublie pas les amis.
exigeant sur la qualité. Yogbo affirma sans - Bien sûr, répondit Soukpo avec un sourire
sourciller qu'il était dangereux de consommer malicieux. Je n'y manquerai pas.
un aliment douteux. Chaque fois qu'un Yogbo ne l'écoutait plus. Il fixait les patates
tubercule disparaissait, le petit Kavi soupirait. gisant éparses, dans la boue.
- Comment des patates si belles tantôt, - Pourquoi Soukpo se penchait-il pour les
s'étaient-elles soudainement gâtées ? Se regarder ? S'étonna-t-il, retenant son souf fle. Ce
demanda-t-il. En tout cas, gâtées ou pas, finaud va-t- il quand même les prendre ?
pourries ou non, je vais les récupérer et les - Eh ! Que fais-tu ? S'écria Yogbo.
manger, résolut-il. - Rien, répondit Soukpo. Je compatis à ta
C'était exactement la secrète intention de déception.
Yogbo qui tenait avant tout à décourager son Du pied, il poussa un tubercule, l'examina
visiteur. Il ramasserait les patates et les laverait attentivement et se mit à chanter.
après son départ. Mais en voyant la dernière - Ah ! Quel malheur ! Quel malheur !
voler mollement vers la cour, il sembla à Soukpo Elle est pourrie, pourrie, pourrie,
que son ami craignait de la voir s'écraser. Il Vraiment pourrie, la vilaine patate.
devina alors la comédie que lui jouait Yogbo. Il Ah ! Quel dommage ! Quel dommage !
dissimula son ressentiment. Elle est gâtée, gâtée, gâtée !
Une fois la calebasse vide, Yogbo V raiment gâtée, la vilaine patate.
commença à se lamenter, à maudire la sécheresse Ah ! Quelle misère ! Quelle misère !
responsable de la famine, la dernière pluie Elle est mauvaise, mauvaise, mauvaise,
parfaitement inutile pour les semailles, Dieu qui V rairtl"ént mauvaise, la vilaine patate.
ne s'occupait plus des hommes, enfin, les patates Une patate est-elle pourrie ?
qu'on s'épuisait à cultiver et qui pourrissaient Il faut l'écrabouiller, l'écrabouiller,
juste quand elles devraient vous nourrir. l'écrabouiller.
- Oh ! Gémit-il, je meurs de faim. Je n'ai plus Une patate est-elle gâtée ?

138 139
Il faut l'écraser, l'écraser, l'écraser. Sa femme lui rit au nez en pensant que son
Au rythme de cette chanson, Soukpo écrasait égoïsme méritait bien cette sévère leçon.
les patates, les foulait aux pieds. Passant d'une Le lendemain, le paysan Flinso se rendit tôt
patate à l'autre, il continua son manège dans son champ et récolta toutes ses patates, de
jusqu'à les réduire toutes en une infecte peur qu'avec la pluie, l'excès d'eau ne les fasse
bouillie. Comprenant le malheur qui arrivait, pourrir. Ainsi Yogbo n'eut plus l'occasion d'en
Kavi voulut se précipiter. Son père 1'empoigna manger. Il ne s'en consola jamais.
rudement et le projeta dans un coin. Et voici la fin de l'histoire. Yogbo,
L'enfant se mit à pleurer en se pressant le ventre. l 'Araignée, garda une tenace rancune à Soukpo,
Atterré, les yeux exorbités, Yogbo assista la Mouche. Pour calmer sa fringale, Yogbo
impuissant à la danse perverse de son voisin. résolut de dévorer son ami. En attendant sa
Pris à son propre jeu, il ne put rien tenter pour prochaine visite, il tissa dans un angle de sa case
sauver son repas. Soukpo s'en alla en ricanant. une toile presque invisible et se mit à l'affût.
Yogbo sentit une violente colique lui tordre les Mais pour éviter le piège, Soukpo décida de ne
boyaux. Son espoir de manger venait de plus sortir la nuit. Cependant, lorsque par
s'évanouir. gourmandise ses enfants courent manger chez
A la vue de la. calebasse vide et de son fils en les autres sans être invités, ils se trompent
pleurs, la femme de Yogbo se fâcha. Croyant que parfois de chemin et se laissent capturer.
Soukpo et son mari avaient mangé toutes les
patates, elle courut à la cuisine, saisit une bûche
et roua Yogbo de coups furieux. Le pauvre
homme se coucha, le ventre vide, le corps
endolori, couvert de bosses.
- Demain soir, je récolterai encore des
patates, promit-il à Wenon pour la calmer.
- Crois-tu que je vais me fatiguer à les cuire
uniquement pour toi et ton vaurien d'ami ?
- J e n'en ai pas mangé une seule, se lamenta
Yogbo. Soukpo les a toutes écrasées dans la
boue.
JP� "'""'" . -........
• , ;"<LI
- C'est le comble, s'écria Wenon. Ces patates
auraient suffi à nous rassasier, nous quatre.

�.,;·
- Je ne voulais pas les partager avec Soukpo,
avoua Yogbo et en fin de compte, elles n'ont
profité à personne.

140 141
LE ROI croyait être une preuve. Il fit condamner sa
femme à mort.
ET SES TROIS FEMMES Après c onsultation de son féticheur et
vérification le roi se rendit compte de son erreur.
Il était une fois un roi qui avait trois femmes, C'est depuis ce jour que dans ce royaume l'on
l'une mourut. Parmi les deux femmes restantes ne mange plus les Escargots.
une donna naissance à un garçon. La dernière
trompait le roi avec un autre homme qu'elle Il faut avoir de la patience dans la vie,
rejoignait et avec qui elle resta cinq à sept jours surtout avec son semblable. La violence ne
faisant croire au roi qu'elle était allée résout rien. Et la colère est mauvaise
rendre visite à ses parents. A la dernière conseillère.
visite son amant se rendit en brousse avec son
fils. I l demanda à ce dernier de l'attendre
dans une cabane afin qu'il puisse aller
cueillir des ignames que sa mère
préparerait.
Cette brousse était pleine de pièges pour
gibier et justement il y en avait un à côté de la
cabane. Le fils ne fit pas attention, tomba
dedans et mourut.
Le corps de l'enfant fut transporté au
royaume . La femme infidèle inventa une
histoire, elle arriva en criant qu'il fallait sauver
son fils, qu'elle ne savait pas ce qui lui était
arrivé, tandis que son amant se pressa de quitter
le village. Quelques années après, le roi décida lJ,
de faire labourer son champ, il convia du monde,
notamment des hommes et leur deux épouses

e0
'
pour aller labourer le champ. Arrivée au champ

l
la femme infidèle que le roi continuait de .. -0 · ,
.... . � �, ,.

suspecter enleva son deuxième pagne qu'elle mit


par terre pour mieux labourer. Or, un Escargot
passa sur ce pagne et laissa sa glu. Le roi en G

'
.#
voyant cela crut que son épouse l'avait trompé . --;:

une fois de plus mais cette fois-ci avec ce qu'il

142 143
LE ROI LION ET SES les princes et les punit quand le roi les
condamne.
MINISTRES L'Eiéphant, Adj aho (si tu coupes la parole)
est le ministre de la police. Il veille sur le palais
M on conte s'envole, s'envole et trouve et dirige tous les domestiques.
!'Eléphant. En ce temps-là, il était le plus Le Buffle, Tokpo (la vie moins chère)
important d'entre les animaux. Mais un ministre de l' agriculture et du commerce,
changement intervint avec le roi Lion. Celui-ci contrôle les champs, surveille les récoltes et les
pour se rendre à la chasse avait l'habitude de marchés.
traverser avec ses compagnons un champ dont le La Girafe, Ganhou (le géant, le plus grand)
propriétaire s'appellait Bassou le Gorille qui commande l'armée pendant les batailles.
était robuste et très fort. Un j our, Bassou le La Panthère, Akpologan (le patron des
Gorille, furieux que des passants brisent ses ramasseurs) garde les tombeaux royaux et dirige
tiges de mil, s'arma d'un manche de houe et les les cérémonies religieuses.
attendit. Quand les premiers compagnons du roi Le Cerf, le Yvogan (le blanc est sauvé) chef
arrivèrent, Bassou le Gorille leur tomba dessus. des blancs représente le roi partout et règle les
Les frappant de droite à gauche, cassant les bras, affaires entre les autres animaux.
fracassant les mâchoires, il mit en fuite une
dizaine d'animaux. Ceux-ci coururent. Le roi · Les ministres qui travaillent bien reçoivent
émerveillé de cet exploit parla habilement à des récompenses du roi. Ils montent à Cheval,
Bassou le Gorille, réputé grand faiseur de seul le roi est transporté dans son hamac.
gris-gris. Il l'invita dans son palais, discuta Les oiseaux qui sont les chefs du village ren­
longuement avec lui et lui confia le poste de dent compte régulièrement au roi. Ils dénom­
bourreau et de premier ministre. Présenté brent tous les habitants de leur village, perçoi­
comme tel au peuple rassemblé sur la place du vent les impôts pour le compte du roi.
palais, la foule prosternée s'écria :
- Nous sommes sauvés, si un chef aussi puis­ Qui ne risque rien n'a rien, il faut oser.
sant nous administre.
Le Gorille, Migan (nous sommes sauvés, en
langue fan) désormais premier ministre se place
à la droite du roi. Après l'intronisation, c'est lui
le premier qui doit présenter le roi.
L'Ecureuil, le Méhou (nous sommes sur ton
corps) nommé ministre des affaires étrangères
se place aussitôt à la gauche du roi. Il surveille

. 144 145
La première monta en chantant :
UNE VIEILLE FEMME -Tin ba djé, tin ba mou koko arougbo kiOkun
ET SEPT FILLES gbé mi réré, ki osa gbé mé ra lorügoun oni so lo
dèdè mi mon ri émakoEman ko
Il était une fois sept filles qui allaient tous les (Si j'ai mangé, si j'ai pris les patates de la
jours dans le champ d'une vieille dame pour vieille que la lagune m'emporte).
chercher des fagots. Cette dernière avait une
cabane dans son champ. Un jour, elle voulut Quand celle qui était sur la corde chantait, les
préparer des patates sauvages, quand les sept autres filles répétaient à la fin « éman ko ».
filles surgirent. La vieille demanda : Les six filles traversèrent la mer sans
- S'il vous plaît, voulez-vous manger ? Pour problème. Mais quand la dernière, qui avait
que j e prépare plus de patates sauvages, car je ne mangé les patates sauvages, chantait, elle
savais pas que vous veniez me rendre visite : pleurait sur son sort. Quand son tour arriva, elle
- Non, nous ne voulons pas manger, monta sur la corde, arrivée au milieu de la mer,
répondirent-t-elles. elle tomba.
Elle prépara pour elle seule, en mettant sur le
feu les patates puis elle continua ses travaux C'est pourquoi voler n'est pas une bonne
champêtres. Les sept filles veillaient à la cuisson chose.
des patates. Pendant qu'elle sortit de la cabane,
l'une d'elles profita de ce moment pour repartir
dans la cuisine et manger les patates cuites.
S'étant rendue compte de sa gourmandise, elle
remplaça les patates par des pierres. A son
retour, la vieille constata la supercherie. Elle
demanda :
- Est-ce vous qui avez mangé mes patates ?
- Non, répondirent-t-elles.
La vieille alla chercher une corde mince,
dont elle attacha l'extrémité à un arbre et l'autre
bout à un cocotier, en passant sur la mer. Après,
elle ordonna aux sept filles de passer sur la
corde, en disant ceci
- Si ce n'est pas vous qui avez mangé mes
patates, vous passerez sur cette corde sans
tomber dans la mer.

. 146 147
AWADAGBE
Awadagbe était un malade mental.
I l passait de maisons en maisons pour
quémander, en chantant awadagbe awa nan hidé.
Tout le monde le connaissait à ce titre. Il arrivait
des fois où les enfants chantaient la chanson
avec lui. Cet homme, malade mental, devint
l'ami de tout le monde. Partout où il passait un
accueil chaleureux l'attendait. Chacun
s'inquiétait de son absence quand on ne le voyait
pas. Parfois, il donnait volontiers aux gens une
partie des cadeaux qu'il recevait, notamment aux
enfants. Et il le faisait avec beaucoup de plaisir.
Un jour, il passa voir le roi du village pour lui
demander des dividendes. Le roi n'arrêtait pas de
dire :
- J'en ai assez de toi, tous les j ours tu passes.
Trop c'est trop !
Un j our, le roi empoisonna une baguette de
LE SOLEIL
pain, qu'il offrit à Awadagbé lors de son passage. ET LA LUNE
Ce dernier l'avait gardé dans le creux de sa main.
En se promenant dans le village, il l'offrit à un Autrefois la Lune et le Soleil étaient de
enfant rencontré en chemin. A la grande surprise grands amis. Ce dernier éclairait le monde entier
ce fut l'un des enfants du roi, qui après avoir avec ses enfants. Les hommes en avaient assez
mangé ce pain, sentit un malaise et rentra de la chaleur. Ils se dirent un jour qu'il fallait
rapidement chez lui. Il s'en suivit des maux de mettre un terme à cette chaleur, sinon la
ventre, des vomissements. Quand le roi sut que diminuer. Car on étouffait. Alors ils allèrent voir
son enfant avait mangé le pain qu'il avait offert à sa meilleure amie la Lune et lui dirent :
Awadagbé, il comprit qu'il s'était fait du tort. - N"ô'us ne supportons plus le Soleil et ses
enfants, il fait tellement chaud que nous
Un bienfait n'est j amais perdu. Et tout se étouffons, aide-nous à résoudre cette
paie ici bas. équation.
Madame la Lune, partit en promenade, voir
le Soleil et lui dit :

148 149
- Les hommes ont trop chaud, je pense qu'à voir mourir, il allait les laisser dans l'eau. Et
nous deux ils tiendront mais il faudrait nous quand le Soleil revint et qu'il comprit qu'il ne
séparer de nos enfants, en les jetant à la mer. pouvait plus récupérer ses enfants, i l se battit
Le Soleil aux bords des larmes, mais malgré avec Madame Lune et i l la poursuivit, et les
lui, accepta. Et le lendemain, ils se donnèrent voilà finir au fond de la mer. Quelques fois le
rendez-vous au bord de la mer. Chacun devait Soleil arrive à rattraper la Lune, c'est l'éclipse.
prendre un sac et mettre ses enfants dedans. Seulement la Lune nous laisse un petit souvenir
L a Lune au lieu de mettre ses enfants dans le de cette histoire : quand nous allons au bord de
sac, mit plein de petits cailloux dedans. Et le la mer, que nous ramassons les petits coquil­
Soleil fidèle à la parole donnée, prit le sac, mit lages. Ce sont les pierres jetées par la Lune.
ses enfants dedans et attacha le sac. Ils allèrent
tous les deux aux bords de la mer. La Lune fut la C'est depuis ce jour, que partout où il y a
première à jeter son sac dans la mer. Et quand le la mer, il y a le Soleil qui attend de voir sortir
Soleil entendit le bruit, il se dit ses enfants de l'eau. Il les surveille pour qu'ils
- Oh ! La Lune a jeté ses enfants, à mon tour. aillent bien. Le Soleil a toujours le remord
Et le Soleil jeta ses enfants à la mer. d'avoir laissé ses enfants dans l'eau. C'est
Quand ils rentrèrent à la maison, le Soleil ainsi qu'il dort toujours partout où il y a de
constata que la Lune avait tous ses enfants, il l'eau. C'est le coucher du Soleil.
comprit qu'il avait été trompé par Madame
Lune.
Le Soleil était tellement en colère qu'il
empoigna la Lune. Il lui dit :
- Je vais d' abord récupérer mes enfants et je
m'occuperai de toi après.
Quand il arriva au bord de la mer, il plongea
sa main pour récupérer le sac et là il réalisa que
ses enfants s'étaient débattus et avaient pu sortir
du sac.
Il réussit à sortir quelques enfants de l'eau.
Mais chaque fois qu'un enfant du Soleil sortait
il convulsait et mourait. I l répéta ce geste au
moins dix fois et le résultat fut le même. Il faut
dire que les enfants n'avaient jamais pardonné à
leur père.
Il se dit que plutôt que de les sortir et de les

150 15 1
Le roi lui dit :
NUKUN MAN MON - Je ne veux de toi ni or ni argent ni aucun
Mon conte vole et va se poser sur trois frères : autre présent comme le veut la coutume, je veux
Tinkpon, Somiyi et Nafon. Un jour, ils que tu me ramènes un objet rare qu'on appelle
rencontrèrent la fille unique du roi du pays, la Nukun Man Mon.
belle Agbalê et voulurent l'épouser. Et les trois frères, chacun de son côté, sans le
Tinkpon alla rendre visite au roi et lui savoir, partirent à la recherche de l'objet rare
demanda la main d'Agbalê. Le roi lui conseilla Nukun Man Mon.
d'aller poser la question à l'intéressée. Sa Pendant trois ans, ils allèrent de pays en pays
demande fut acceptée par Agbalê et il mais personne ne connaissait le Nukun Man
commença à la courtiser. Mon.
Somiyi et Nafon rendirent visite au roi et lui U n jour, ils arrivèrent dans un grand
demandèrent aussi la main d'Agbalê. Le roi leur marché où une foule bigarrée achetait et vendait
fit la même réponse qu'à Tinkpon. Les deux toutes sortes de choses. Tinkpon alla vers
frères allèrent voir Agbalê qui accepta de se l'étalage d'une marchande et trouva un miroir. Il
laisser courtiser. Elle i gnorait que les jeunes demanda le prix : il coûtait cinq sous. I l
gens étaient des frères. Au bout de quelques marchanda, mais la commerçante ne céda pas et
temps, Tinkpon alla voir le roi et lui annonça il dut donner les cinq sous qui lui restaient. Il
qu'il voulait se fiancer avec Agbalê. voulait à tout prix ce miroir car cela faisait trois
Le roi lui dit : ans qu'il ne s'était pas vu.
- Je ne veux de toi ni or ni argent ni aucun Au moment où i l partait, la marchande
autre présent comme le veut la coutume, je veux l'interpella
que tu me ramènes un objet rare qu'on appelle - Sais-tu comment s'appelle cet objet ?
Nukun Man Mon ( Ce que l'œil n'a jamais vu). Etonné, Tinkpon répondit :
Tinkpon remplit une bourse d'argent et partit - C'est un miroir.
à la recherche de cet objet rare. - Non, ce n'est pas un miroir ordinaire, c'est
Peu de temps après, Somiyi alla voir le roi et un Nukun Man Mon. Si tu veux aller dans un
dit qu'il désirait se fiancer avec Agbalê. Le roi lui pays que tu ne connais pas et où tu n'es jamais
fit la même réponse qu'à son frère aîné : allé, i l suffit de prendre le miroir, de le regarder
- Je ne veux de toi ni or ni argent ni aucun fixemeQS, de prononcer le nom de ce pays et tu
autre présent comme le veut la coutume, je veux verras instantanément tout ce qui s'y passe.
que tu me ramènes un objet rare qu'on appelle Tinkpon siffla de joie, prit le miroir et
Nukun Man Mon. remercia la marchande. Puis il alla s'asseoir
Nafon alla à son tour voir le roi et demanda sous une paillote du marché où il se mira aussi
lui a ussi la permission de se fiancer. longtemps qu'il voulait.

152 153
Somiyi se promena longtemps dans le même réussis à mettre dans la bouche d'une personne
marché et arriva devant une marchande qui morte et pas encore enterrée un morceau de cette
vendait du tissu b lanc. Il s'arrêta, décida graine, cette personne ressuscitera.
d'acheter ce tissu blanc pour changer ses Heureux, il siffla de joie et arriva à son tour
vêtements qui étaient sales et usés. Ce b out de sous la même paillote que ses deux frères. Il ne les
tissu blanc coûtait cinq sous, et il eut beau avait pas reconnus et s'assit comme un étranger.
marchander, il fut obligé de l'acheter cinq sous, En les observant, il trouva qu'ils
tout ce qui lui restait. Il prit le morceau de tissu ressemblaient étrangement à ses deux frères
et s'en alla. La marchande l'interpella : qu'il n'avait pas vus depuis trois ans. Il les
- Sais-tu comment s'appelle cet objet ? aborda et Somiyi le premier reconnut son petit
Etonné Somiyi répondit : frère Nafon. Ils se jetèrent dans les bras les uns
- C'est un tissu blanc. les autres et au bout d'un moment, ils se
- Non c'est un Nukun Man Mon. Il peut te posèrent la même question :
'
conduire n'importe où, même si vous êtes Pourquoi étaient-ils là ?
plusieurs. Il suffit de vous envelopper dans le Nafon leur expliqua comment il était tombé
tissu et il vous emmènera dans le pays désiré. amoureux de A gbalê, la fille du roi, et que ce
Fou de bonheur, il alla s'asseoir sous la dernier avait exigé qu'il lui ramène un Nukun
paillote où il y avait déjà son grand frère qu'il Man Mon. Somiyi et Tinkpon furent surpris et
n'avait pas reconnu. li l'aborda en disant : racontèrent comment eux aussi étaient tombés
- Excusez-moi monsieur, vous ressemblez amoureux d'Agbalê et que le roi leur avait
étrangement à mon grand frère Tinkpon que je demandé aussi de ramener le Nukun Man Mon.
n'ai pas vu depuis trois ans. Les trois frères réfléchirent aux moyens de se
- C'est étrange, vous aussi vous ressemblez à sortir de cette situation.
mon jeune frère Somiyi que je n'ai pas vu non Tinkpon prit son miroir pour voir ce qui se
plus depuis trois ans. passait chez le roi. Il le vit en pleurs ainsi que toute
Il se reconnurent et se jetèrent dans les bras sa famille parce qu'Agbalê venait de mourir.
l'un de l'autre. Les trois frères se lamentèrent en se
Pendant ce temps, Nafon arriva au marché et demandant comment faire pour retourner au pays.
acheta une graine de palmier à huile qu'il Nafon jura que s'il pouvait être près de sa
voulait manger parce que cela faisait très bien-aimée, il pourrait la ramener à la vie.
longtemps qu'il n'avait rien mangé. Quand il Somiyi1'eur dit alors que s'ils pouvaient tous
s'en alla, la marchande l'interpella : tenir sous son morceau de tissu blanc, ils
- Sais-tu ce que tu viens d'acheter ? arriveraient sans tarder auprès de Agbalê.
- Bien sûr, c' est une graine de palmier à huile ! Quand le roi les aperçut, il pleura encore plus
- Non, c'est un Nukun Man Mon. Si tu fort :
- Voilà les prétendants de ma fille, mais - C'est Tinkpon qui doit épouser la fille parce
hélas, elle vient de mourir. que s'il n'avait pas regardé dans son miroir, il
Nafon intervint et lui dit : n'aurait pas vu que Agbalê était morte.
- Majesté, arrêtez de pleurer, moi, je vous D'autres dirent
promets de ressusciter Agbalê. - Non, c'est Somiyi qui doit l'épouser parce
Le roi et toute sa famille étaient en colère qu'avec son tissu blanc il a pu les ramener
parce qu'ils pensaient que Nafon se moquait de rapidement au palais.
leur malheur. Ils menacèrent de le tuer si Agbalê D'autres soutinrent :
ne revenait à la vie. On le conduisit dans la - C'est Nafon qui doit l'épouser car, grâce à
chambre mortuaire où Agbalê gisait, encore plus la graine, il a ressuscité la princesse.
belle. Il coupa un morceau de la graine de - La confusion était totale. Le roi prit alors la
palmier à huile, lui desserra la mâchoire, y parole et dit aux trois frères
introduisit le morceau magique. Quelques - Rentrez chez vous, prenez le temps de la
secondes après, Agbalê commença à respirer réflexion et venez me faire part de votre
puis elle ouvrit les yeux et réclama à manger. décision. J'ignorais que vous étiez trois frères.
Après avoir bien mangé, elle se leva, alla se Quand ils rentrèrent chez eux, ils se
baigner et revêtit ses plus beaux habits. La concertèrent, discutèrent et décidèrent d'un
tristesse et la douleur du roi et de sa famille commun accord de laisser leur jeune frère Nafon
cédèrent la place à la joie. Tout le pays accourut épouser Agbalê. Ils revinrent à la cour du roi et
admirer la belle ressuscitée. lui firent part de leur décision. Surpris, le roi
La f oule était si dense qu'il était difficile de leur demanda la raison de leur choix. Tinkpon
se frayer un chemin. Au milieu de ce brouhaha, lui répondit
le roi obtint le silence et expliqua qu'il ignorait - Nous sommes frères : quand des frères se
que les trois fiancés de sa fille étaient frères. querellent ou se battent, ils peuvent se
Tinkpon raconta leur voyage pour ramener réconcilier, tandis qu'un ami peut vous garder
l'objet précieux que désirait le roi avant de rancune à vie en cas de litige et vous nuire.
donner sa fille en mariage. Il expliqua comment Le roi et son peuple accueillirent cette parole
ils avaient acheté chacun un Nukun Man Mon. de sagesse avec enthousiasme. Le roi fit célébrer
Le miroir, le drap et la graine avaient joué les noces de sa fille, la belle Agbalê, avec Nafon
leur rôle pour leur permettre à tous les trois de et tous vécurent heureux.
sauver la princesse. Très embarrassé, le roi
demanda au peuple : Il faut �ujours sauvegarder les liens forts
- A votre avis, lequel des trois doit épouser de fraternité.
Agbalê ?
Certains répondirent

156 157
LES MÉSAVENTURES
DE LA TORTUE
Il était une fois Dieu qui créa le monde, les
végétaux, les hommes, les animaux. Et parmi ces
derniers, Le Lion, la Hyène, la Vipère et la Tortue
qui étaient de bons amis. Ils se rendaient
régulièrement visite tantôt chez l'un, tantôt chez
l'autre. Un jour, sur invitation du roi des animaux
ils se réunirent à l'ombre d'un baobab.
- Chers amis, dit le Lion, j'apprécie beaucoup
nos rencontres périodiques et votre agréable
compagnie. Pour que notre amitié soit solide et
durable, il faudrait éviter toute parole ou tout acte
susceptible de froisser l'un de nous. Je propose
que chacun, librement et sincèrement, révèle ce
qui l'irrite le plus.
Les invités approuvèrent cette sage initiative
de leur roi et se sentirent flattés. La Vipère siffla
de satisfaction et darda sa langue fourchue. La
Hyène grogna, se leva, se rassit. La Tortue remua
sa tête de gauche à droite et dit
- A tout seigneur, tout honneur. Que le Lion
parle le premier.
Le Lion apprécia l'excellente éducation de la
Tortue et rugit de plaisir.
- Je suis noble et généreux comme vous le
savez, je ne tue que pour assouvir ma faim. Grâce
à moi, la Hyène et ses cousins trouvent les
charognes�'dont ils raffolent. Voilà pourquoi ils
s'attachent fidèlement à mes pas. Je feins de ne
pas entendre le Singe mal élevé affirmer que ma
crinière abrite des puces et des poux comme leur
peau galeuse. Je laisse barrir ce lourdaud

159
158
...... ...,
•I

d'Eléphant qui se croit plus fort que moi. Je mégarde me piétinent, mais malheur à qui marche
pardonne beaucoup d'offenses, mais personne ne sur ma queue. Oui ma queue ! Elle n'est pas très
doit me regarder dans les yeux pour me traiter longue, cependant c'est mon point sensible, pour
comme son égal. Je ne peux souffrir une telle ne pas dire mon point d'honneur.
insolence. - Je suis heureuse d'apprendre cela dit la
Les autres animaux détournèrent aussitôt le Tortue. J'en informerai mes enfants pour qu'ils
regard de peur que sa majesté se sente offensée. vous respectent davantage. Je traite tout le monde
Pour se donner une contenance, la Hyène se racla avec courtoisie. Je marche avec précaution pour
la gorge. ne pas soulever la poussière ou piétiner les gens.
- Je suis pacifique et travailleuse, dit- elle. Avec Je balance la tête de gauche à droite pour ne fixer
les Chacals et les Vautours, je débarrasse la mon regard sur personne. J'accepte que les
brousse des cadavres qui pourraient la rendre gourmands volent les œufs de ma compagne ,
inhabitable. Lorsque les stupides Moutons qu'on m'appelle bossue, bonne à rien ou même
s'égarent et ne savent plus retrouver leur chemin, ironiquement, une tordue. Cependant ma patience
je les assomme pour abréger leur embarras. a des limites. Ainsi je n'aime pas qu'on me parle
J'impose volontiers silence aux herbivores dont avec un certain mépris.
les cris agacent le Lion. J'accepte qu'on prenne - Que veux-tu dire ? Demanda la Hyène.
ma prudence pour de la couardise, qu'on parle de - Quels termes de mépris ? Interrogea le Lion.
ma gueule puante. Tant qu'il s'agit d'insultes Sois claire petite commère. N'ai pas peur. Précise
verbales, je fais la sourde oreille, mais quand on ce qui te déplaît.
me jette du sable sur le corps pour faire croire que - Vas- y chère amie, appuya la Vipère. Dis sans
je suis un animal insignifiant, alors je vois rouge hésiter ce qui te fâche.
et je cogne. Donc jamais au grand jamais on doit - Très bien ! Accepta la Tortue. Il ne faut pas
me jeter du sable. qu'on me dise, par dédain, peuh ! Sinon, quoique
- Fort bien apprécia la Vipère. Vous avez raison petite et faible, je sais me défendre.
d'exiger le respect, sinon la vie en société serait Le Lion, la Hyène et la Vipère gardèrent un
impossible. Imaginez que certains se moquent de silence embarrassé. Sans rien ajouter, la Tortue se
ma peau lisse et froide, me comparent à une liane glissa dans les herbes à proximité. Ses amis la
et s'étonnent de me voir me déplacer sans pattes. crurent partie. Le Lion qui n'aimait pas trop
Croyez-vous que je me fâche pour ces injures réfléchir secoua la crinière d'un air agacé. La
grossières ? Pas du tout ! A la course ou à la nage Hyène haùssa ses épaules trapues, fit un tour sur
je ne crains personne. Pour me nourrir je me elle-même et regarda la V ipère. Celle-ci fit
contente d'avaler des petits rongeurs et les frétiller sa langue filiforme et n'émit aucune
oisillons qui piaillaient inutilement dans les bois. opinion.
Je pardonne les quadrupèdes haut perchés qui, par - La Tortue exagère, dit le Lion. Ne s'est-elle

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pas moquée de nous ? Pourquoi paraît-elle si - Chers amis quelle surprise de vous retrouver
timide ? De quoi a-t-elle honte pour se cacher si encore ici ! Je vous croyais partis depuis
souvent sous sa carapace ? A-t-on idée de s'irriter longtemps.
pour si peu ? Comment pourrait-elle réagir si je - Oh j'allais justement prendre congé, dit la
lui disais peuh ! La plus petite de mes griffes Hyène. Nos parlions de choses sans importance.
suffit à lui transpercer le crâne. - Fuitt ! Siffla la Vipère, je cours à une affaire
- Par ma barbiche absente, dit la Hyène, je pressante. Au revoir.
plains vraiment la Tortue. Elle ne sait ni marcher, - Le Lion s'étira, bâilla et déclara qu'il avait
ni courir. Comment peut-elle m'atteindre, s'il me grand faim et devait aller chasser.
prend la fantaisie de lui crier peuh ! Ah ! Ah ! - Pardon ! Pardon, attendez un instant, dit la
Ricana t-elle. Peuh ! Peuh ! Que c'est drôle ! Tortue. Puisque vous souhaitez la franchise
Ignore t-elle que d'un coup de poing je peux permettez que je vous exprime respectueusement
l'aplatir contre le sol ? ma déception. Je suis très peinée de vos
- Je me demande si j'ai bien compris les commentaires et de vos moqueries. Je les ai
propos de la Tortue dit la Vipère. Voilà ce qui parfaitement entendus. Pourquoi m'avoir poussée
arrive lorsqu'on tolère la compagnie de gens à dire ce qui m'irrite si c'est pour ensuite me
minables. En cas de danger, en quoi peut nous être railler ?
utile une bête indécise et vraiment trop bête ? Elle - Eh là ! Doucement, ma petite, l'interrompit
ose défendre qu'on lui dise peuh ! N'a-t-elle le Lion. Si tu nous fais des reproches mal fondés,
jamais entendu parler de mon venin ? Comment nous aurons le droit de nous moquer de toi pour
peut-elle m'empêcher de dire peuh ! Si j' en ai de bon et de te dire peuh ! Entends-tu ? Peuh !
envie, moi, qui ne crains personne sauf ces voyous - Je suis capable de vous défendre de me dire
de Hérissons et ces serpentaires arrogants peuh ! répliqua la Tortue.
Les trois compagnons continuèrent un - Comment cela ? S'indigna le Lion.
moment à jaser sur le compte de la pauvre Tortue - Quelle impertinence ! Lança la Vipère. Pour
qui pensait, le coeur gros de chagrin, à la fausseté qui te prends-tu ?
des amis, à leur double langage, plein de miel en - Défends tout ce que tu voudras, gronda le
votre présence, gorgé de fiel dès que vous avez le Lion. Moi le seigneur de la brousse, je peux dire à
dos tourné. ma guise peuh ! Peuh !
- Je vais dénoncer leur hypocrisie et les - Et moi ? Pardi ! Enchaîna la Hyène. Qui peut
confondre, se dit-elle. Il faudra bien qu'ils me m'empêcher de dire aussi peuh ?
présentent des excuses. Et la Vipère, la Hyène, le Lion, de crier en
Elle sortit sa tête de dessous les herbes et bien­ cœur joyeux : Peuh ! Peuh ! Peuh ! En se
tôt apparut toute entière comme si elle revenait de tordant de rire, en sifflant, en grognant, en
loin. Feignant l'étonnement, elle s'écria : rugissant.

·162 163

Outrée, exaspérée, humiliée, la Tortue préféra La Vipère tournoya sur elle-même et, pour cal­
se taire. Sans un regard pour ses prétendus amis mer son mal, se mordit la queue. Sa douleur s'ac­
qui continuaient de répéter des Peuh ! Peuh ! crut et elle fila comme une flèche pour
méprisants, elle tourna les talons et alla se cacher s'arrêter à quelques pas, agitée de convulsions.
à demi sous les feuilles mortes. Prenant appui sur Peu de temps après, elle aussi creva, la gueule
ses p attes de devant, de toutes ses forces pleine de bave.
décuplées par la fureur, elle projeta un peu de Alors la Tortue sortit de sa cachette et dit d'un
sable sur la croupe de la H yène et disparut ton sentencieux
aussitôt dans les herbes. Quel dommage ! La stupidité de la Hyène l'a
Sentant le sable sur son pelage, la Hyène perdue. La colère du Lion l'a aveuglé. Le venin de
s' arrêta net, la mine dure, les babines retroussées. la Vipère destiné aux autres l'a étouffée.
Elle se retourna pour voir qui avait osé lui faire cet Nonchalamment, elle dodelina de la tête et
affront, et se trouva nez à nez avec le Lion. s'en alla, fière d'avoir victorieusement bravé ses
- Ce félin prétentieux croit-il que je me offenseurs.
laisserais humilier comme la Tortue. Moi je vais
lui tenir tête. Ne nous moquons pas des plus petits que
Elle claudiqua vers la gauche puis vers la soi, sait-on jamais.
droite et, la queue redressée, la crinière hérissée,
vint se planter devant le Lion, les yeux dans les
yeux.
- Pourquoi me fixes-tu de cette manière,
misérable H yène, rugit le Lion hors de lui.
Vincident était intervenu tellement vite que la
Vipère ne comprit pas pourquoi le Lion et la
H yène se défiaient. Elle se dressa pour les
séparer. Mais déjà le Lion avait bondi. D'un coup
de patte magistral, il abattit la H yène. En
retombant, il piétina rudement la queue de la
Vipère qui siffla de douleur, se tortilla et lui planta
des crochets dans le jarret.
Le Lion sentit à peine la fine piqûre. Mais dès
qu'il eut éventré la Hyène, il se mit à tituber. Sous
la virulence du venin il grogna, sentit son cœur
défaillir. Après une brève agonie il se raidit pour
toujours, au pied du baobab.

1 64 1 65
UNE FEMME STÉRILE lui parla donc de la promesse faite au Serpent. Il
s'avérait que cet homme était un grand chasseur
Mon conte s'envole, s'envole et va tomber sur du village voisin. Ce dernier prit bonne note des
une femme très âgée qui voulait avoir un enfant. informations données par sa future belle-mère. Il
Durant des années, elle implora tous les dieux de rentra dans son village et courut contacter un
la terre afin qu'elle puisse accoucher d'un enfant féticheur à qui il exposa son problème.
au moins une fois dans sa vie. Cette dame était Le féticheur lui demanda de lui fournir un
une vendeuse de bois de chauffage. Partout où elle Cabri, un Coq, de l'huile de palme, un sac de
passait, c 'était la seule prière qu'elle faisait. farine de maïs et de haricots et un pagne blanc.
Un jour, elle allait dans la forêt à la recherche Tout ceci fut fourni au guérisseur qui consulta les
de bois sec, tout à coup elle aperçut sur un arbre ancêtres. Après ses incantations, il prépara une
un gros Serpent qui brillait, un très joli Serpent. potion qu'il remit au prétendant avec des
Elle se mit à genoux sous l'arbre et demanda au instructions fermes.
Serpent Le jour du sacrifice arriva, le Chasseur et sa
- S'il te plaît avale-moi. future épouse allèrent à l'endroit où devait se
- Pourquoi t'avaler ? dérouler le sacrifice de la jeune future épouse.
- A mon âge je n'ai pas d'enfant, il n'y a pas Le Serpent était prêt à avaler sa proie quand le
de raison que je puiss.e continuer à vivre. jeune homme éparpilla la potion que lui avait
- Lève-toi, si je te donne un enfant quelle sera fourni le féticheur, ce qui permit de faire perdre
ma récompense ? au Serpent son pouvoir. Le chasseur profita de ce
- Si j'ai un enfant, quand tu le voudras, je te moment pour viser et tirer, tuant ainsi l'animal.
l'offrirais. Il rentra au village avec la fille qu'il épousa et
Chose promise, chose due. Ils se séparèrent. une grande fête fut organisée pour leur mariage.
Quelques jours après, la dame était enceinte.
Après neuf mois de grossesse naquit une petite Apprenons à exposer nos problèmes si on
fille. Seulement, la dame n'avait jamais oublié la veut être aidé.
promesse faite au Serpent. Années, après années
la fille grandissait et atteignit l'âge légal pour se
marier. A ce moment, on assista à un balai de
prétendants tellement qu'elle était belle. Mais la
maman s'était toujours opposée compte tenu de la
promesse qu'elle avait faite au Serpent. Il y eut
quinze prétendants à qui elle dit non. Le seizième
prétendant, on ne sait pour quelle raison, elle eut
envie de lui donner les raisons de son refus. Elle

166 167
UN VOLEUR ÉTRANGE conversation : l'amant proposait à Nanssi de se
débarrasser de son mari en 1 'empoisonnant.
Un homme appelé Cakpo, était un grand Cakpo ayant l'habitude de boire toujours au début
travailleur et bel homme. Il avait épousé Nanssi, du repas, il suffirait de mettre un poison violent
une belle jeune fille qui ne laissait aucun homme dans la calebasse d'eau.
indifférent. Au début de leur mariage, tout allait Nanssi sans vergogne accepta. Cakpo, après
bien : le matin Cakpo prenait son petit déjeuner, une journée de travail au champ, rentra chez lui,
se rendait dans son champ et travaillait beaucoup. content de retrouver sa femme en qui il avait
Quand le soleil était au Zénith, Nanssi allait au entièrement confiance et qu'il aimait toujours
champ avec des mets délicieux pour que Cakpo se autant. Nanssi l'accueillit avec un grand sourire
restaure et reprenne des forces. comme les autres jours et lui tendit la calebasse
Voilà qu'un jour, alors que Cakpo était au d'eau empoisonnée. Au moment où Cakpo porta
champ, un jeune homme aborda Nanssi et par des la calebasse à ses lèvres, une voix lui dit :
formules magiques réussit à conquérir son cœur. - Ne bois pas cette eau, sinon tu mourras !
Ils devinrent amants. - D'où vient cette voix ? Interrogea Cakpo.
Tous les jours l'amant guettait le moment où Mais personne ne répondit, alors Cakpo
Capko se rendait au champ. Alors il rejoignait approcha de nouveau la calebasse de sa bouche.
Nanssi et passait de bons moments avec elle. Il Une seconde fois, puis une troisième, la voix
s'affalait sur le lit conjugal pendant que Nanssi cria :
faisait mijoter de bons petits plats qu'il dévorait - Ne bois pas ! Ne bois pas !
avant le mari. Ensuite, il retournait chez lui. Une Cakpo reposa la calebasse. Soudain, le voleur
fois son ami parti, Nanssi apportait à manger à surgit du grenier, atterrit dans la case et en
son mari au champ. présence de la femme, il dit :
Mais un jour, un voisin surprit Nanssi et son - Cakpo appelle ton Chien et fais-lui boire
amant. Ce voisin, jaloux et envieux, se garda bien cette eau, tu comprendras alors pourquoi je te
d'avertir Cakpo et décida de profiter de la disais de ne pas boire.
situation. Quand il vit l'amant arriver chez Nanssi, Cakpo appela son Chien qui mourut aussitôt
il s'introduisit discrètement dans le grenier à maïs, après avoir bu l'eau de la calebasse. Pressé de
un sac sous le bras. Il le remplit de maïs, en riant questions, le voleur raconta tout ce qu'il savait. Il
aux plaisanteries du couple trop amoureux pour demanda la clémence de Cakpo pour avoir profité
s'apercevoir de sa présence. Dès que l'amant de la situation en se servant dans le grenier. Cakpo
quittait Nanssi, le voleur s'éclipsait et retournait pardonna.,au voleur qui venait de lui sauver la vie,
tranquillement chez lui. Il renouvela 1 'opération mais il n'hésita pas à se séparer de sa femme.
plusieurs jours de suite sans que ni l'amant, ni la
femme, ni le mari ne s'en aperçoivent. II faut toujou r s secou rir quelqu' u n en
Mais un jour, le voleur surprit une danger.

168
L'ENTÊTEMENT
DE TRITO
Mon conte vole et vole, tourne et virevolte et
va se poser sur un cultivateur nommé Vignon.
Travailleur consciencieux, il exploitait bien son
champ et en tirait régulièrement de bonnes
récoltes. Quand il eut épargné assez d' argent pour
envisager l'avenir sans crainte, il décida de se
maner.
Il choisit une femme appelée Cica, aussi sage
que belle, à la peau fine et douce, d'un noir
brillant, au cou cerclé d'un triple collier de Vénus.
Certains trouvaient le teint de Cica trop noir.
Vignon se moquait de leur ridicule engouement
pour les femmes à l'épiderme clair. Il aimait
tellement la sienne qu'il jura de ne plus en
prendre d'autre. D'ailleurs, il redoutait les tracas
de la polygamie et la méchanceté des femmes
jalouses.
Dès le début de son mariage, il désira un
enfant. Mais les années passaient et il ne voyait
aucun signe prometteur.
Ses parents insinuèrent que Cica était stérile.
Pour s'en assurer, il alla consulter un devin qui lui
révéla, à sa grande surprise, que rien ne dépendait
de son épouse
- Tu ne peux engendrer d'enfant, précisa le
devin. Seule la divinité des eaux peut changer ton
destin. Offre-lui des sacrifices et attends son bon
vouloir. ,Mais si un enfant te naissait, il sera
désobéissant et capricieux.
- Peu importe ! Dit Vignon. Même s'il était
aussi entêté qu'un âne, je l'accepterais. Je

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l'éduquerais patiemment et le transfonnerais. après avoir mangé, courait au marché au moment
Vignon accomplit les prescriptions du devin, où les vendeuses rangeaient leurs affaires, allait
lui fit de généreuses offrandes et alla lui-même au marigot lorsque les poreuses d'eau en reve­
poser, à trois carrefours différents, des boules' naient.
d'argile rouge piquetées de cauris pour conjurer le Le jour où elle entendit parler de la forêt
mauvais sort. Après quoi, plein d'espoir, il aima sacrée et apprit que le roi avait fonnellement
sa femme d'un amour ardent. défendu d'y entrer ou de s'en approcher, elle fut
Bientôt, Cica lui annonça une grossesse. Fou très intriguée.
de joie, plus prévenant que jamais, Vignon - Cette vieille loi date du fondateur du
l'embrassa, la cajola, lui offrit, comme à une royaume, lui expliqua son père, et le sorcier
jeune épouse, des pagnes, des bijoux, de la Zékpété en surveille l'observance.
vaisselle. Les gens riaient de son exaltation et le - Où se trouve ce bois ?
disaient envoûté. - Tout près de mon champ. Aucun bûcheron
Sa femme accoucha d'une fille que l'oracle n'y a jamais coupé une b ranche. Toutes sortes
baptisa Trito. d'animaux y vivent, mais jamais un chasseur n'y
Vignon multiplia les soins pour la fortifier et a mis les pieds, aucun guérisseur ne s'y
lui permettre de survivre. Soir et matin, sa mère la hasarderait pour chercher des plantes.
lavait avec des décoctions de racines et de feuilles, - Mais qu'a donc de particulier cette forêt ?
la couchait de force sur ses genoux, emprisonnant - Des génies y habitent.
ses bras menus et, au risque de l'étouffer, la - Quels génies ?
bourrait de tisanes. - On les appelle Aziza. Malheur aux hommes
Trito grandit normalement et devint une qui violent leur domaine ou cherchent à percer
fillette splendide, aux yeux vifs comme des billes, leur mystère.
au sourire espiègle. Trito se mit à rire, à la stupéfaction de son père
Vignon n'accorda pas d'importance à ses qui espérait l'effrayer ou la décourager. Elle ne
premières désobéissances. A un certain âge, croyait pas aux génies, justement parce que tout le
pensa-t-il, tous les enfants jouent à s'opposer aux monde y croyait. Pensant que son père lui avait
ordres q u'on leur donne. Cependant, malgré ses caché le véritable secret de cette forêt et lui avait
manières gentilles, Trito éprouvait un malin raconté une histoire à dormir debout, elle alla
plaisir à contrarier ses parents. Elle n'obéissait interroger sa mère.
pas, faisait tout de travers, répétait sans cesse les - PourqÛ�i personne ne doit-il entrer dans le
mêmes questions. Son père la traitait avec bois sacré ?
douceur. - Pauvre fille ! S'écria Cica. Ne parle plus
Trito dormait quand sa mère préparait le repas, Jamais de cette forêt. Elle porte malheur.
refusait de balayer la case, de laver la vaisselle - Qu'y trouve-t-on de si terrible ?
- Des animaux monstrueux, des p lantes aux beau, riant lorsqu'elle voyait les gens pleurer, se
vertus magiques qui provoquent la foudre ou des moquant de tout, insouciante, malicieuse,
accidents et ressuscitent les morts. insupportable.
- C'est formidable ! Apprécia Trito, plus Un j our, elle provoqua un scandale
désireuse que j amais de voir ces choses par elle­ retentissant. Elle revenait du marché lorsqu'elle
même. rencontra des jeunes gens qui rebroussèrent
Un jour, toute seule, elle s'en alla rôder aux chemin et la suivirent.
environs du bois sacré, observa de loin les troncs Certains lui adressèrent des compliments,
élancés, mais n'aperçut rien d'anormal ; elle d'autres lui lancèrent des plaisanteries égrillardes.
s'assit au bord du sentier, se demandant s'il fallait - Trito, dit l'un deux, pourquoi provoques-tu
s'enfoncer dans la futaie. Une passante les garçons en dévoilant ta poitrine ? Tu devrais te
l'interpella vêtir plus décemment.
- Que cherches-tu ma fille ? Sais-tu que - Tu n'as qu'à détourner les yeux, répliqua
personne ne doit traîner par ici ? Trito. Je fais ce qui me plaît. Si tu n'es pas
- J'attends mon père parti au champ. content, je peux enlever mon pagne.
- Ne reste pas là, répéta la femme en - Tu n ' oserais pas te mettre nue, cria le jeune
s'éloign ant. homme excité.
T rito opina de la tête mais ne bougea pas d'une Pour relever le défi, Trito dénoua calmement
semelle. Un peu plus tard, son père la vit et son pagne, le plia, le posa sur sa tête. Excités
l'entraîna de force. comme des fous, les jeunes gens hurlèrent,
- Ma fille, gronda-t-il, ne t'ai-je pas défendu ouvrirent des yeux concupiscents. Certains
de venir en cet endroit ? Tu risques la mort ou la s'enfuirent, mais revinrent bientôt sur leurs pas
folie. Me promets-tu de ne plus recommencer ? pour s'assurer que Trito était vraiment nue.
- Oui, je le jure. - Reste comme ça, tu es magnifique, lança un
Trito ne parla plus du bois sacré et sa vive jeune homme musclé nommé Eglovi.
curiosité parut se calmer. Trito lui jeta un coup d'œil incendiaire, tira la
Elle devint une jeune fille ravissante que les langue et se drapa de nouveau dans son pagne, de
jeunes gens et même les hommes mariés rêvaient la poitrine aux talons. Les jeunes gens
d'épouser. protestèrent vivement et escortèrent Trito jusque
Mais chez elle, toujours butée, elle faisait le chez elle, dans l'espoir qu ' elle recommencerait
contraire de ce qu'on lui demandait. A la cuisine, ses facéties. Cette aventure défraya la
ou bien elle ne salait pas du tout les mets ou bien conversâ'.tion des villageois durant plusieurs lunes.
elle les salait trop. Elle mettait du bois vert dans le Vignon se désolait.
foyer, lavait son linge le soir ou par temps de - Vaut-il mieux avoir un enfant qui vous cou­
p luie, vagabondait dans les rues quand il faisait vre de honte ou rester sans enfant ? Je voulais à

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tout prix un descendant. Me voilà bien servi ! Je - Les gens sont tous des menteurs, se dit-elle.
devrais marier cette fille pour que son époux la Pourquoi les grandes personnes racontent-elles
mate comme il faut. Mais elle rit au nez de tous des sottises aux enfants ? Aujourd'hui je vais les
les prétendants. démasquer.
- Quand cesseras-tu de te comporter comme Elle se mit à crier :
une écervelée ? Lui demanda sa mère. - Ohé ! Habitants de la forêt sacrée ? Ohé !
- Je suis tout à fait normale, répondit Trito. Montrez-vous donc ! Sinon je détromperai le roi
Pourquoi ne ferais-je pas ce qui me plaît ? Les et le sorcier Zékpété et je prouverai à tous qu'on
gens m'en veulent parce qu'ils n'osent pas agir peut b ien chercher du bois dans la forêt
comme moi. sacrée.
U n matin, Trito décida d'aller chercher du I.;écho ne répéta même pas ses paroles.
bois. Elle ramassa une douzaine de branches
- A la bonne heure ! Se réjouit sa mère. Enfin mortes, les assembla, les attacha avec des lianes.
tu vas te rendre utile. Se souvenant du fameux « Aziza », le prétendu roi
Mais Vignon parut intrigué de cette forêt, elle rit aux éclats
- Cette enfant impossible a toujours refusé de - On m'a menti sur tous les points. Aziza, où
ramasser du bois. Nous en avons déjà une bonne es-tu ?
provision. Si elle y tient, elle ira en compagnie Aussitôt surgit devant elle un bonhomme de
d'autres jeunes filles. petite taille, plus court que le plus petit des nains,
- Je veux partir toute seule, dit Trito. avec un gros crâne, des yeux rouges, des dents
- Dans ce cas tu ne bougeras pas. jaunes, des oreilles pleines de poils blancs, une
- D'accord, je reste à la maison, mais ne me lourde barbe qui touchait terre. Les paupières
reprochez pas d' être paresseuse. mi-closes, il regardait méchamment Trito qui ne
Cependant Trito ne renonça pas à son idée. En parut nullement impressionnée.
fait, elle voulait retourner dans le bois sacré. - Tiens ! Dit-elle. Es-tu un homme ou une bête ?
Un après-midi, elle sortit discrètement du Pourquoi es-tu si petit ?
village et prit le chemin de la forêt. Une fois arrivée, Le génie grogna.
elle s'enfonça sans hésiter au milieu des arbres. - Vis-tu dans ce bois ? Demanda Trito.
Dans l' impressionnant silence du sous-bois, - Oui, grinça le génie. Que cherches-tu ici,
elle percevait seulement le bruit de ses pas fillette ?
écrasant les brindilles sèches et les feuilles mortes ; - Je ne suis pas une fillette. J'ai dix-huit ans. Je
elle se fraya un chemin à travers les troncs armés suis qtlâtre fois plus haute que toi. Je suis venue
de c ontreforts ; elle ne vit aucun animal, chercher du bois.
n'entendit le chant d'aucun oiseau, pas même le - Du bois ! Qui t'a autorisée ? Ton père et ta
crissement d'un insecte. mère n'ont jamais mis pied dans cette forêt, ni ton

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__ ___________
.,__ _,.

grand-père, ni ta grand-mère, ni personne de ton Elle essaya d'avancer vite pour aller chercher
village ! du secours. Elle trébuchait, souhaitait se coucher
- Ils ont trop peur. pour atténuer sa douleur, mais elle ne pouvait ni
- Ho ! Ho ! Ho ! Grogna de nouveau Aziza.
Ainsi ' toi-même tu as décidé de chercher du bois,
s'allonger ni déposer son fardeau.
Sur le sentier du village, elle aperçut une
comme ça, par curiosité, dans mon domaine ? vieille femme qui cueillait des plantes
- Oui ! Répondit Trito. Je voulais connaître le médicinales. Voyant Trito sortir du bois sacré, la
secret de cette forêt. Rien d'extraordinaire, en femme la regarda stupéfaite.
vérité. Je vais repartir. Pour attirer son attention, Trito cria. A sa
- Hi ! Hi ! Ricana le génie. Elle est venue surprise, un mince filet de voix sortit de son
chercher du bois. Elle aura vraiment du bois. gosier comprimé. En un effort désespéré, elle
- Aide-moi à charger le fagot sur ma tête, dit entrouvrit les lèvres, demeura un moment bouche
Trito en posant son coussinet sur ses cheveux bée, parvint enfin à parler.
tressés. Je vais me baisser car tu es trop petit. - Aide-moi, grand-mère à décharger ce fagot.
- Attends un peu, ordonna Aziza qui prit d'une La vieille leva les bras et vit sur le fagot, un
main le fagot, sauta et le lui posa sur la tête. énorme crâne d'où pendait une nappe de barbe
Il n'avait qu'une jambe. Trito se mit à rire. blanche. Le génie la fixait durement.
- Eh bien ! Malgré tout, tu es très fort, dit-elle. Comprenant le danger, elle s'éloigna en grom­
- Hi ! Hi ! Hi ! Gloussa le génie. melant qu'elle ne voulait pas se mêler des affaires
- C'est amusant, commenta Trito. Au revoir et d'Aziza.
merci, gentil nabot. A la prochaine fois ! Abasourdie, Trito la vit repartir, disparaître à
Dès qu'elle tourna le dos, le génie bondit et se un détour du chemin. Elle continua sa marche tra­
jucha sur le fagot de bois. Tout d'abord, Trito ne gique, persuadée qu'avant d'arriver à la maison,
s'aperçut de rien ; mais à mesure qu'elle avançait, elle mourrait écrasée.
sa charge s'alourdissait et elle commença à Un peu plus loin elle croisa une femme qui se
transpirer, à haleter. rendait au marigot. Trito l'appela :
Elle n'avait pas progressé de trente mètres et - Toyissi ! Toyissi ! Toyissi !
déjà le fagot pesait comme un tronc d'arbre. Elle La femme se retourna. Trito articula pénible-
se rendait bien compte de son poids anormal. Son ment :
cou s'enfonçait dans ses épaules. Elle tenta de - Oh ! Toyissi, oh ! Toyissi !
jeter à terre le fagot, vainement. Il semblait rivé à Déoharge-moi de ce fardeau !
son crâne. Décharge-moi vite de ce fagot.
- Que m'arrive-t-il ? S'inquiéta-t-elle enfin. Oh ! Toyissi ! Aide-moi.
Ce génie difforme m'aurait-il envoûtée ? Pourquoi Toyissi déposa sa jarre, leva les bras et aperçut
me suis-je aventurée seule dans ce lieu désert ? soudain le gnome au crâne poli. Interdite, elle

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hésita un moment et entendit cette chanson fille parvint plus morte que vive devant la case de
menaçante : ses parents. Habitués à ses fréquentes sorties,
- Eh ! Toyissi ! Eh ! Toyissi ceux-ci ne s'étaient guère inquiétés de son
Gare à toi ! Gare à toi ! absence. La rumeur des gens qui la suivaient les
Décharge-la de ce fagot, alerta. Vignon se précipita. La mise en garde du
Et ton père mourra ; génie l'affola et il demeura interdit.
Décharge-la, ta mère mourra ; - Voilà où conduit la désobéissance, dit-il. Tu
Décharge-la, ton mari mourra ; as tenu à pénétrer dans le bois sacré et tu nous
Décharge-la, tes enfants mourront ; ramènes la malédiction. Que puis-je faire à
Dans le bois sacré, présent ? Ton sort est sans doute de finir victime
Tranquille j'étais, de ce génie puisque rien n'a pu t'empêcher d'aller
Quand vint la demoiselle dans la forêt.
Violer ma forêt, Trito pleura, supplia son père.
Quand vint la demoiselle - Sauve-moi, père !
Voler mon bois ; Elle ployait sous le fagot ensorcelé. Eglovi le
Et me demanda de la charger. jeune homme qui l'avait le plus admirée le jour où
De ce fagot je l'ai chargé, elle avait fait scandale, poussa le fagot pour le
Puis sur le fagot, me suis assis. faire tomber. Mal lui en prit. Aziza prononça une
Décharge-la, Aziza te tuera. incantation et le téméraire garçon tituba, s'écroula,
Effrayée, Toyissi reprit sa jarre en tremblant et comme foudroyé. Trito sanglota plus fort.
s'en alla à pas pressés. Entendant les cris de sa fille, Cica accourut.
Trito n'avait pas entendu la voix du génie et ne Elle s'arrêta, désemparée, mais n'hésita pas
comprit donc pas pourquoi Toyissi s'était enfuie. longtemps.
Elle continua en gémissant sa marche fatale - Têtue ou pas, insoumise ou non, Trito est ma
jusqu'à rencontrer une autre femme qui se rendait fille, se dit-elle. Je ne l'abandonnerai pas. Si vous
au marché. ne pouvez l'aider, cria-t-elle aux hommes qui
- Ahiyissi ! Ahiyissi ! assistaient apeurés au supplice, allez-vous-en, tas
Ahiyissi ! Au secours ! d'incapables !
Décharge-moi de ce fardeau. Le génie ricanait toujours. Les genoux de Trito
Décharge-moi vite de ce fagot. touchai ent presque terre, mais une force
Oh ! Ahiyissi, aide-moi. mystéPi�use l'empêchait de s'affaler. Une idée
Ahiyissi s'approcha d'elle et sursauta en enten­ audacieuse, folle, traversa l'esprit de Cica :
dant la voix rauque du génie. Terrifiée, elle s'enfuit - Les génies comme les animaux craignent le
précipitamment, abandonnant Trito à son sort. feu, se dit-elle. Je n'ai plus d'autre solution. Tant
Rapetissée par sa formidable charge, la pauvre pis pour les conséquences !

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Elle courut à la cuisine, prit du tourteau de déclara-t-il ; à cause d'elle notre pays connaîtra
palme, y versa quelques gouttes d'huile, des calamités. Elle mérite la mort.
l' enflamma, revint près de Trito. - Qu'avez-vous à répondre ? Demanda le
- Tiens bon, tiens bon, cria-t-elle. roi.
Et vlan ! Elle jeta le tourteau flambant sur le Surprise par l'acharnement du sorcier, Cica dit
fagot . Aziza sautilla sur son unique jambe, à son mari :
regarda, ahuri, le feu crépitant qui mordait le bois - J'ai arraché ma fille au génie malfaisant. II
sec. De ses bras velus il tenta de protéger sa barbe. faut la délivrer des mains du sorcier.
La charge de Trito sembla s'alléger. - Ne t'en fais pas, Répondit Vignon.
- Laisse tout tomber et sauve-toi, ordonna S'adressant au roi, il évoqua les conditions de
Cica. Le fagot s'effondra dans une gerbe la naissance de Trito, rappela que son destin était
d'étincelles. La barbe du génie brûlait ; il hurla de de désobéir.
terreur, ses yeux se révulsèrent, il se consuma et - Cependant, patiemment, continua-t-il, ma
fut réduit en une boule qui explosa soudain. Une femme et moi l'avons bien élevée.
épaisse fumée noire recouvrit le village, flotta Malheureusement nos efforts pour l'empêcher
au-dessus de la forêt sacrée et se dissipa d'aller dans la forêt sacrée ont échoué. Elle a
lentement. Ainsi périt Aziza, le génie redoutable. offensé Aziza et l'a obligé à sortir des bois.
Trito, sanglotante, tomba, dans les bras de sa Certes, il s'agit d'une faute grave, mais elle a sué
mère. sang et eau pour la payer. Maintenant délivrée
La foule de curieux se dispersa. Longtemps d'un charme maléfique, elle paraît calme et
encore, on entendit des commentaires, des raisonnable. Au fond, n'a-t-elle pas rendu service
exclamations de surprise, des rires de à tout le pays ? Pourquoi vénérer un génie hostile
soulagement. On rapporta au roi comment la fille aux hommes, qui se terre dans la forêt et ne peut
de Vignon avait violé le secret du bois sacré et en rien nous aider ? L'audace de Trito nous a gué­
provoqué la mort d'Aziza. Le sorcier Zékpété ris de la peur.
traduisit devant le Conseil Royal Trito et ses - Majesté, rugit le sorcier, Vignon approuve sa
parents et demanda qu'on leur inflige des fille. Il l'a encouragé à violer la loi. Sa femme a
sanctions exemplaires. Entraînés par Eglovi, les brûlé la barbe du génie. Par leur faute, nous
jeunes gens se rendirent au palais, le jour où l'on connaîtrons des catastrophes. La forêt sacrée
fit c omparaître les accusés. disparaîtra, la famine sévira.
A moitié ivre, le cou ceint d'un collier de - Pui�:,ent ces prophéties de malheur ne jamais
griffes de Panthère, Zékpété reprocha à Vignon et se réaliser ! Riposta Cica. Pour sauver ma fille,
à Cica d'avoir fait de Trito une fille entêtée, j'ai attaqué le génie. Je n'avais pas d'autre
révoltée, dévergondée. choix. Grâce à Dieu, elle est devenue obéissante
- Elle a commis un sacrilège impardonnable. et rangée. L'esprit d'Aziza pesait donc sur elle et
- .. ... - �
�--.
.
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l'attirait vers la forêt sacrée. Que le roi nous sorcier déclara tabou l'emplacement du bois
c omprenne et soit clément ! sacré. Mais un jour, passant à proximité, Vignon
- Oui, approuva Eglovi, soutenu par ses com­ remarqua la belle couleur noirâtre du sol et y
pagnons. Trito était la victime d'un génie malveil­ aménagea un petit lopin de terre sur lequel il sema
lant. du maïs et de l'igname. [; abondance de la récolte
- Les divinités des bois vont se déchaîner contre semblait tenir du prodige. Beaucoup de gens
nous, gronda Zékpété. Malheur ! Malheur ! envièrent la chance de Vignon et voulurent
Le roi prit l'avis du prince héritier, délibéra un l'imiter. Le roi distribua la terre aux meilleurs
moment et finalement suspendit son verdict, dans paysans, s'en réserva une parcelle pour
l'attente des suites fâcheuses annoncées par les cultures du palais. Comme aucune des
Zékpété, Il autorisa V ignon et les siens à retourner calamités annoncées par Zékpété ne se produisit,
chez eux. Les jeunes gens manifestèrent bruyam­ le roi le jeta en prison pour le restant de ses
ment leur satisfaction. jours.
Quelques jours plus tard, au grand étonnement Une fois les récoltes engrangées, Vignon
de Vignon, trois émissaires du roi vinrent lui interrogea de nouveau sa fille, en présence de sa
demander la main de sa fille pour le prince. mère et de ses tantes.
Frappé par la beauté de Trito, émerveillé par son - Acceptes-tu d'épouser le prince ? Lui
courage, le fils du roi avait exprimé le désir de demanda-t-il.
l'épouser. Le souverain approuva son choix. Trito garda encore le silence.
Vignon et Cica se sentirent très honorés, Que - Pourquoi hésiter, Trito ? Intervint une de ses
pouvaient-ils souhaiter de mieux pour leur fille ? tantes. Le parti qui s'offre à toi est des plus
Après le départ des messagers, ils consultèrent enviables. Le fils du roi s'impatiente. Nous
Trito qui demanda à réfléchir. Son hésitation désirons que tu deviennes sa femme. Aurais-tu
surprit Vignon, mais il prit patience. des objections ?
Deux semaines après le jugement du roi, un Trito hésita, regarda son père et ne dit mot.
incendie détruisit la forêt sacrée. Le sorcier - N'aie pas peur, reprit sa mère ; parle sans
Zékpété l'attribua à la colère des génies, annonça crainte.
la s ècheresse et la famine, réclama de nouveau le - Je me sens également très flattée d'avoir plu
châtiment des coupables. au fils du roi, dit enfin Trito. Pardonnez-moi si
Le roi fit consulter les oracles et apprit que une foi� encore je vous désobéis. Je ne puis
l'incendie avait été provoqué par un ennemi de épouse;· le prince.
Vignon. Le devin accusa le sorcier Zékpété qui - Pourquoi ! S'exclamèrent les tantes. Peux-tu
nia effrontément. Vignon s'offrit à implanter trouver un mari plus riche, plus généreux ?
ailleurs une nouvelle forêt avec l'aide des jeunes - Ma fille tu me surprends, dit Vignon. Aimes­
gens du village. Le roi l'en félicita. Par dépit, le tu un autre homme ?

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- Oui, père, répondit Trito. J'aime Eglovi et il
Très ému, Vignon se leva pour que sa fille ne
m'aime aussi.
- Qui est-ce ? Demanda sa mère. Que t'a-t-il voie pas ses yeux mouillés.
promis pour que tu le préfères au prince ? - C'est bien ! C'est bien dit-il en lui tapant
- Est-ce le fils du cultivateur Eglo ? Interrogea l'épaule. Mes parents avaient eu raison de me
Vignon. J'ai entendu dire qu'il est lui-même un nommer Vignon.
remarquable traceur de sillons.
Avoir un enfant est toujour s une bonne
- Oui père, il va demander ma main. Il est
chose.
courageux. Lui seul a osé s'attaquer au génie des
bois pour me délivrer.
- Ma fille ! S'écria Cica. Oublies-tu que sans
moi tu serais morte ? Que répondrons-nous
maintenant aux émissaires du roi ?
Vignon pouvait bien, selon la tradition, lui
imposer son choix et donner sa main au prince
héritier. La famille l'approuverait et Trito n'aurait
aucun recours. Mais songeant à ce que lui avait
coûté cette enfant et aux épreuves qu'elle avait
subies, il se montra compréhensif. Les tantes
critiquèrent sa faiblesse, mais il décida de ne pas
sacrifier sa fille bien-aimée à la gloire de devenir
le beau-père du roi.
- C'est bon, conclut-il. J'irai voir moi-même
notre souverain. Je lui dirai que tu as déjà promis
ton cœur à un homme ; que tu serais malheureuse
de ne pas l'épouser et qu'en conséquence tu ne
pourrais faire le bonheur du prince. Je braverai le
roi pour que tu sois heureuse.
Folle de joie, Trito se jeta aux pieds de son
père et bredouilla :
- Merci, père ; merci a toi aussi ma mère.
Malgré mes désobéissances vous m'avez
comprise et aidée. Vous m'avez sauvée du génie et
du sorcier. Je vous serai soumise jusqu'à la
mort.

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LE PACTE
SACRÉ
Il était une fois deux chasseurs : Kougbéto et
Gbêgbéto. Un jour, ils voulurent sceller un pacte
de bonne conduite, ils creusèrent un trou qu'ils
camouflèrent avec des branchages. Dès que
quelque chose tomberait dans le trou, ils devraient
le partager à parts égales.
Leur première prise fut un animal comestible
appelé agouti. Le partage se fit comme convenu à
parts égales et il en fut ainsi à chaque fois.
Kougbèto (le chasseur de la mort) avait un
Chien qui le suivait partout. Un jour Kougbèto
partit dans la brousse au lieu d'aller vers le piège.
Cette fois-ci son Chien le rejoignit plus tard, mais
il alla directement vers le piège et y tomba.
Gbêgbéto (le chasseur de la vie) vint inspecter
le piège et y trouva le Chien.
Kougbèto arriva et il lui demanda :
- Notre piège a-t-il attrapé quelque chose
aujourd'hui ?
- Oui ! Un animal y est tombé.
Kougbéto se précipita vers le piège le sourire
aux lèvres et il vit que c'était son Chien. Il supplia
alors son ami de laisser son Chien en vie au lieu
de le partager à parts égales comme le stipulait
leur accord.
Gbêgbéto refusa et rappela à son ami les
clauses du pacte : tout ce qui tombe dans le trou
doit être partagé à parts égales et c'est ce que nous
avions'' fait jusque-là. Il n'est pas question de
changer la règle parce que c'est ton Chien !
Ils discutèrent longtemps, mais Gbêgbéto, ne

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voulut rien savoir. Kougbéto, en colère, descendit à parts égales selon le pacte, mais auparavant,
dans le trou, tua son Chien, et ils le partagèrent à dîtes-moi : quand le Chien est tombé dans le
parts égales ! piège, qui est descendu l'achever dans le trou pour
Quelque temps après, la femme de Gbêgbéto, faciliter le partage ?
qui attendait un bébé, partit dans la brousse - C'est moi Kougbéto qui suis descendu tuer
cueillir des feuilles de bananier. mon Chien.
En marchant, elle tomba dans le piège des - Dans ce cas, il faut que toi, Gbêgbéto, tu
deux amis. Ce jour-là Kougbéto se rendit le descendes dans le trou tuer ta femme, dit Lègba.
premier à l'endroit du piège. Gbêgbéto arriva peu Puis laissant les deux hommes près du piège
de temps après et demanda à son ami s'il y avait Lègba courut voir Hêbiosso, (le dieu du tonnerre)
une bonne prise. Kougbéto lui répondit : pour lui demander son aide après lui avoir
- Oui, une prise exceptionnelle. expliqué la situation.
Gbêgbéto se pencha et vit que c'était sa femme Pendant ce temps, Kougbéto s'agitait et
qui appelait au secours. Il supplia Kougbéto menaçait de descendre dans le trou si Gbêgbéto ne
d'épargner sa femme, mais rien n'y fit. se décidait pas à y aller.
Kougbéto lui rétorqua. Soudain, Hêbiosso, au milieu des grondements
- Un pacte est un pacte. Quand mon Chien est du tonnerre, lança des éclairs qui déclenchèrent
tombé dans le piège, tu n'as rien voulu savoir l'accouchement. Il mit ensuite le bébé et sa mère
malgré mes supplications. Au contraire tu m'as d'un côté, le placenta de l'autre. Puis il ramena la
bien fait comprendre qu'un pacte est sacré et ne femme et le bébé à la maison et posa le placenta à
peut être rompu quelles que soient les côté de Kougbéto qui s'était évanoui en entendant
circonstances. Alors cher ami nous devons le grondement du tonnerre.
partager ta femme en deux parts strictement Au bout de quelques minutes, Kougbéto reprit
égales. conscience et vit qu'il y avait le placenta à côté de
Le bruit de la discussion parvint à Lègba, dieu lui.
de la pagaille et du désordre. Il s'approcha des Il se dit :
deux hommes et leur demanda les raisons de leur - Gbêgbéto a déjà fait le partage et m'a laissé
litige ; chacun y alla de son explication. le placenta ! Drôle d'équité !
Après les avoir écoutés, Lègba leur dit En emportant le placenta chez lui, Kougbéto
- Gbêgbéto, quand ton ami t'a demandé de eut sûrement le temps de réfléchir !
laisser la vie sauve à son Chien, il fallait accéder A ne pas vouloir céder devant la raison, on
à sa demande car une grande affection les finit t@ujours par se trouver dans des situations
unissait. Maintenant tu te trouves dans la même extravagantes.
situation et il n'y a pas de compromis possible,
vous devez partager ce qui est tombé dans le piège Il n'y a pas de règles sans exceptions.

190 19 1
Taureau qui menait à un train d'enfer une harde
U AMITIÉ ENTRE déchaînée, il prononçait une incantation et se
UHOMME ET LE LION trouvait brusquement porté plus loin. De temps en
temps, grâce à un sortilège, il disparaissait. Mais
Un homme et un Lion s'étaient liés d'amitié. dès qu'il redevenait visible il était de nouveau à la
L'homme, chasseur réputé, découvrit un jour le merci des Buffles impétueux. Il sentait dans son
Lion pris au piège, grondant de rage. dos leur souffle rauque et le dur piétinement de
Au lieu de profiter de la situation pour le leurs sabots.
transpercer de sa flèche empoisonnée, il A bout de ressources, il se souvint du Lion et
l'épargna, trouvant indigne d'un grand chasseur cria :
de tuer un Lion en dehors d'un combat loyal. Il - Sauve-moi, invincible Lion à la crinière
voulut l'aider. Le roi des animaux devina ses rouge, sauve-moi.
amicales intentions et se laissa faire. Le chasseur Aussitôt retentirent de profonds rugissements.
s'approcha de lui, le libéra et soigna sa patte Pris de panique, les Buffles freinèrent leur galop
démise et brisée. Lorsqu'il allait partir, l'homme éperdu. Le Taureau de tête fut agrippé au poitrail
entendit le Lion parler. En ce temps-là, bêtes et par des griffes d'acier ; il pointa ses cornes
gens se comprenaient. solides et projeta en l'air le Lion dont les canines
- Si jamais tu te trouves en danger, dit le Lion cherchaient à lui ouvrir la gorge.
n'hésite pas à m'appeler en criant au secours et en Au terme d'une lutte sans merci, le Lion fit un
prononçant ces paroles bond acrobatique, contourna le Buffle et, d'un
- Sauve-moi, invincible Lion à la crinière coup de patte, lui trancha les testicules. Le
rouge, sauve-moi ! Taureau beugla de douleur, tituba et s'écroula
Le chasseur promit, mais se dit qu'il n'aurait lourdement. Alors, le troupeau désorienté s'égailla
probablement pas à demander l'aide d'un animal, dans toutes les directions.
fût-il le Lion, ce fauve prétentieux qui se croyait Le chasseur remercia le Lion et se permit de
invincible. Ne sait-il pas que je suis le roi des caresser son épaisse crinière rouge feu. Ainsi
chasseurs ? Il haussa les épaules et s'éloigna. l'homme et le Lion devinrent des inséparables
Pendant la saison sèche il revint plusieurs fois compagnons. Mais souvent les chasses du Lion
dans les environs, mais ne rencontra plus le Lion. étaient des plus fructueuses. En quelques bonds
Un après midi, alors qu'il retournait au village, véloces, il rejoignait ses proies et les abattait, la
l'homme fut chargé par un troupeau de Buffles gorge S'aignante ou la nuque brisée. Moins agile,
sauvages excités par la fumée et les flammes d'un moins redoutable malgré ses armes, l 'homme
feu de brousse. Malgré le pouvoir et les gris-gris, s'arrêtait essoufflé par la course, fatigué par les
il prit la fuite, terrifié. Chaque fois qu'il risquait longues attentes à l'affût dans la savane
d'être atteint par les cornes redoutables du ensoleillée, parfois meurtri ou blessé. Si le félin

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ne chassait que pour assouvir sa faim, l'homme - Impossible, répondit le chasseur.
qui voulait beaucoup de gibier pour la vente ne Evidement, la curiosité du Lion s'accrut. Il
cessait de tuer qu'à regret. Il acceptait encore les harcela vainement l'homme de questions.
morceaux de choix que lui offrait le Lion Finalement, il résolut de s'approcher d'un village
Antilopes à la chair savoureuse et Cobras trapus. pour observer d' autres hommes. Il marcha
Mais humilié par le prestigieux tableau de chasse longtemps dans la brousse, traversa des forêts
du Lion, il dissimulait mal son dépit. A la fin de longea une rivière. Quand le soleil atteignit 1�
la journée, au moment de partager le butin ou de milieu de sa route il s'arrêta à proximité d'un
se séparer, l'homme était de mauvaise humeur. JI village de pêcheurs. Il se plaça contre le vent pour
regardait à peine son compagnon et ne le que les Chiens ne décèlent pas sa présence. Il vit
remerciait pas. Le lendemain, il revenait, le visage des enfants s'ébattre dans l'eau, des jeunes filles
toujours sombre. chanter gaiement en faisant la lessive. Des
- Que faut-il donc pour le satisfaire ? hommes réparaient leurs filets de pêche à l'ombre
S'interrogea le félin intrigué. Est-ce la compagnie des bananiers. Près des cases, des femmes se
des semblables qui le rend désagréable ? tressaient les cheveux, d'autres triaient les graines
Si le Lion sans arrière pensée, ne cherchait des haricots, d'autres encore faisaient sauter leurs
qu'à aider et à réjouir le chasseur, celui-ci se bébés sur leurs genoux . Le Lion considéra d'un
vexait de découvrir plus habile et généreux. Les air étonné ces scènes paisibles. Aucun visage
silences bourrus de l'homme cachaient son désir n'était triste ou inquiet.
de ridiculiser le seigneur de la brousse. Lorsque revint le chasseur, le lendemain
Un jour, entendant le chasseur se plaindre matin, le Lion lui dit
encore, le Lion lui demanda la cause de sa - Ami, tu as menti en affirmant que tous les
tristesse. hommes éprouvent de la peine. Hier, j'ai
- La déception est le lot des hommes, répondit longuement observé un village d'hommes ; je n'y
le chasseur. Nos joies ne durent pas. De la ai vu que des enfants joyeux, des jeunes filles
naissance à la mort, nous vivons dans affairées et souriantes, des hommes sereinement
l'inquiétude, tandis que vous les animaux, vous ne occupés à leur travail. Ces gens ne semblaient
savez ni rire, ni pleurer ; vous ignorez la peine. nullement souffrir de ce mal mystérieux. La peine
- Qu'appelles-tu la peine ? ne peut être vraie cause de la différence entre les
- Tu ne peux le savoir. hommes et les animaux. Dis-moi donc ce qui te
- Puis-je au moins t'en soulager ? tourmente. Réponds-moi sans ambages sinon je te
- J' apprécie ta sympathie, mais celui qui n'a prendrai pour un faux ami.
pas souffert de ce mal ne peut aider autrui. I:insistance du Lion offrit au cupide chasseur
-Alors puis-je connaître par expérience directe une occasion inespérée. Avant de le soumettre
cette cause de tristesse des hommes ? à l'épreuve, pensa-t-il, je vais tirer de lui

1 94 195
tout le profit possible. Il se décida donc à parler. Le Lion s'étonna de son air content.
- Je veux bien t'expliquer ce qu'est la peine, - Pauvre de toi ! Se dit le chasseur. Tu sauras
dit-il. Mais patiente encore deux jours ; en bientôt en quoi l' homme t'est supérieur.
a ttendant, procure-moi du gibier pour une Après son départ, le Lion se demanda si son
semaine. ami ne s'était pas moqué de lui.
Le Lion sans méfiance, accepta la proposition - Comment ce jouet peut-il me faire du mal ?
et s'élança dans les hautes herbes. Sa hâte de Il m'amuse au contraire.
percer un important secret de l'existence des Et le roi des animaux sauta en l'air, histoire
hommes lui fit faire des prouesses. Peu de temps d'entendre résonner la clochette.
après, il jeta au pied du chasseur, deux Antilopes, - Ah ! Si mon ami m'avait trompé, je
un jeune Buffle et un Sanglier. Du sang saurais bien me venger. Il recevra un de ses coups
s'égouttait des poils de sa puissante mâchoire. de patte dont il se souviendra longtemps.
Devant ce tas de gibier, le chasseur promit de Tout en parlant, le Lion continua de folâtrer à
satisfaire le Lion. travers les bois, bondissant à droite, puis à gauche.
Le jour suivant il apporta une clochette de cui­ Le soir, après s'être bien grisé des gais tintements
vre mume d'un anneau d'où pendait une de la clochette il voulut s'en défaire, mais n'y
cordelette. réussit pas. Il secoua la tête avec force ; la
- Est-ce cela que tu appelles la peme ? clochette tint bon. D'une de ses pattes, il tira
Demanda le Lion. dessus, sans autre résultat que de s'arracher une
- Oui répondit tranquillement l'homme. Je vais touffe de poils. Pour briser la clochette, il se
te l'attacher au cou. frappa le cou contre un tronc d'arbre et grogna de
- Mais tu n'en portes pas, toi. douleur. Pris de rage, il se roula par terre, se
- Prends patience ! Dans la vie, nombreuses battit violemment les flancs de sa queue raidie. A
sont les causes de peine et souvent elles paraissent chacun de ses mouvements il entendait les
insignifiantes par rapport à leurs effets « drelin-drelin » ironiques de l'insolente
désastreux. clochette. Pour la réduire au silence, le Lion fit
- Soit dit le Lion un peu déçu. Je ne vois des culbutes, se contorsionna, se griffa les
vraiment pas comment je souffrirais d'avoir une oreilles, la clochette ne se détacha pas. Alors, au
clochette au cou. Ces hommes sont bizarres, comble de la fureur, il rugit pour prendre à témoin
pensa-t-il. les âri'imaux de la forêt. Mais ceux-ci, ne
Néanmoins, pour marquer son accord il baissa comprenant rien à cette colère démesurée de leur
la tête ; le chasseur enfonça ses mains dans la souverain, préféraient s'éloigner. Toute la nuit, les
crinière touffue et noua solidement la cordelette. confins de la brousse retentirent des
- Dans quelques jours je reviendrai te voir, dit épouvantables grondements du Lion que
le chasseur, en se frottant les mains. ponctuaient les grêles tintements de la clochette.

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Aux premières lueurs du jour, ! 'Epervier qui la patte sur ce menu fretin, la clochette leur avait
n'avait pu fermer l'œil de la nuit à cause du déjà crié de s'enfuir au plus vite.
vacarme du roi des quadrupèdes vint planer au Alors désespéré, le Lion s'étendit de tout son
dessus de son repaire. Malgré sa vue perçante, il long, la langue pendante, la gueule ouverte, les
d outa de lui-même, en apercevant le Lion couvert yeux éteints. Le croyant moribond, un essaim de
d 'affreuses blessures, les flancs ensanglantés, la Mouches s'engouffra en vrombissant dans la
crinière terreuse. Alentour, les arbustes cassés et gueule. Comme mues par des ressorts, les deux
les herbes froissées témoignaient d'un combat de mâchoires claquèrent sèchement et les
géants. I.;Epervier eut beau scruter les taillis et les imprudentes bestioles furent avalées. Ainsi le
buissons, il ne vit pas l'adversaire que le Lion terrible roi des animaux dut répéter ce vil
avait affronté. stratagème pour se donner l'illusion de calmer sa
- Serait-il devenu fou ? Se demanda-t-il. Virant faim. Cependant il se sentait de plus en plus
d'un coup d'aile brusque, le rapace piaula et s'en défaillir.
alla colporter ! 'incroyable nouvelle. - Pourquoi le chasseur me laisse- t-il dépérir
Le Lion voulut s'allonger pour dormir un peu, sans se soucier de moi ? Voulait-il donc me tuer ?
mais la faim le poussa à se mettre à l'affût. Au I.; espoir de lui reprocher son comportement le
moindre de ses gestes, le clair tintement de la maintint en vie jusqu'au matin du troisième jour.
clochette faisait fuir les proies. Surpris de ne voir Entrouvrant les paupières pour contempler une
passer aucun herbivore, il flaira le vent et dernière fois sa savane natale, il vit surgir le
reconnut l'odeur d'une Biche. Il avança à pas chasseur, tel un fantôme.
feutrés et, parvenu à bonne distance fonça - Comment vas-tu, ami Lion ?
brusquement. La force de gronder lui manqua.
La clochette endiablée se mit à vibrer comme - C'est donc bien toi, répondit-il d'une voix à
une folle. peine audible. Avant de m'attacher cette clochette
- Damnation ! S'écria le félin, avec un tel au cou, tu m'avais demandé du gibier pour une
avertisseur, aucun animal ne se laissera approcher. semaine, ôte-la moi maintenant et dès que je
Il ralentit, trotta lourdement et s'arrêta, les pourrais, je t'en offrirai pour seize.
membres endoloris. - Bien volontiers accepta le chasseur ; on dirait
Des Singes impolis le narguaient dans les qu'elle t'a montré les limites de ton pouvoir.
hautes branches des arbres et jacassaient à chaque Pourquoi aucun animal de ton royaume n'est venu
coup de la maudite clochette. Conscients de à ton secours ?
l'impuissance absolue du Lion, les Lièvres - Ces-se de bavarder et fais vite.
gambadaient à proximité, agitaient ironiquement Le chasseur détacha la clochette et la jeta par
leurs longues oreilles ; les Rats et les Hérissons terre. Pour s'assurer que vraiment elle ne tinterait
trottinaient à quelques pas. Le Lion tenta de poser plus à ses oreilles, le Lion secoua la tête. Le

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chasseur lui offrit de l'eau à boire et une Gazelle - Ne te fâche pas, dit le chasseur. Tu as voulu à
fraîchement tuée. Puis il nettoya ses blessures et y tout prix connaître la peine.
versa l'huile. Lorsque le Lion eut repris ses - Pourquoi ne m'as-tu pas simplement
forces, l'homme lui demanda : expliqué en quoi elle consistait ? Lui reprocha le
- Connais-tu maintenant ce qu'est la peine ? Lion. Me croyais-tu incapable de le comprendre ?
- Ta clochette est ensorcelée, répondit le félin Tu as préféré me ridiculiser alors nous devons
en lorgnant l'innocent objet de métal. nous séparer.
- En elle-même elle n'a aucun pouvoir, - Restons ensemble, plaida le chasseur. Je
expliqua le chasseur, mais elle a causé en toi des t'enseignerais les ruses des hommes.
émotions que tu n'as pu maîtriser. Tout d'abord, - Assez plaisanté, rugit le Lion en sortant ses
elle t'a poussée à t'amuser ; et toi le fier seigneur griffes. Va-t-en !
de la brousse, on t'a vu gambader comme un
Chaton j ouant avec un bout de ruban. Le chasseur s'en alla plein de rancune.
Ensuite ennuyé, tu as vraiment essayé de te Ainsi finit l'amitié de l'homme et du Lion.
débarrasser du jouet importun et tu as commis
l'erreur de te mettre en colère contre une
insignifiante clochette, en vérité contre toi-même,
car tu t'es aperçu qu'un rien du tout pouvait te
fléchir les genoux, à toi l'invincible Lion à la
crinière rouge. Incapable de subvenir à tes
besoins, tu as eu honte de voir les plus petits
animaux te narguer.
- Est-ce donc ainsi que vous les humains, vous
vous compliquez la vie ?
- Hélas oui, ami Lion.
- Vous inventez vos propres malheurs. Toi

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chasseur, tu n'as pas été un ami loyal. Tu aurais pu
m'épargner les expériences humiliantes de ces
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jours. Chaque fois que je te reverrai, je me
souviendrais de ta malice, de ce que tu m'as fait •ë .. �
souffrir et je t'en voudrai. En outre, je ne veux
plus tuer les animaux de la brousse pour satisfaire
ta cupidité. Va t-en donc avec les tiens !
Ecarte-toi de mon chemin et tiens-toi sur tes
gardes.

200 201
UN ROYAUME Quand les étrangers quittèrent le village, ils
retrouvèrent de l'autre côté les deux enfants de la
EN PERDITION reine. Ces derniers proposèrent aux quatre
étrangers de les aider, promettant qu'à la mort de
Viqueux était une dame qui avait plus de leur mère, ils pourraient mener à bien leurs
soixante dix ans et qui était à la tête d'un royaume missions. Ils acceptèrent ainsi l'argent que la
où la population ne travaillait pas. Pour manger, reine refusait.
ils vivaient de la cueillette. Plus tard, après le décès de la reine, les
Un jour, elle reçut la visite de quatre étrangers. étrangers cornn1encèrent à abattre les animaux
Le premier s'appelait Chazar, le second Clazar, le matins et soirs, à pêcher le Poisson en abondance,
troisème Car et le dernier Industrial. Ils furent à créer des banques et des usines pour leur profit.
bien reçus, on leur donna à manger et un endroit Le royaume se retrouva sans ressources.
pour passer la nuit. Le lendemain matin, elle les
convoqua pour leur demander C'est depuis ce jour, que l'on est passé du
- Qu'est-ce qui vous amène ? troc à la monnaie, du calme au désordre.
- Moi, répondit Chazar, j'ai pour mission de
chasser tous les animaux qui sont dans la forêt.
J'ai beaucoup d'argent dans ma valise, je vous le
donne et en contrepartie, je chasse tous les
animaux de la forêt.
- Moi, Clazar, ma mission est de ramasser avec
ma machine tous les poissons qui sont dans la
rivière, les marigots et autres pour les
commercialiser par la suite.
- Je suis là pour construire des banques et les
gérer afin que vous puissiez y mettre votre argent
dit Car.
- Construire des industries est mon objectif,
conclua Industrial.
La reine soupira et dit
- Je suis d'accord avec tout ce que vous avez
dit seulement s'il n'y a plus ni Poissons ni
viandes, qu'allons-nous devenir ? Et chez vous,
n'y en a-t-il plus ? Vous allez ramasser vos
affaires et retourner dans votre pays !

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LES TROIS CASES
AUX DEVINETTES
Mon conte aujourd'hui va à la rencontre d'un
couple, Nouglo et sa femme Aïssey. Depuis leur
mariage, ils étaient pauvres. Un jour, ils apprirent
qu'il existait un pays où on pouvait s'enrichir
rapidement. Mais le roi de ce pays soumettait les
étrangers à une épreuve de devinettes. Si les
réponses n'étaient pas bonnes, il les condamnait à
mort. Aussi y avait-il peu d'étrangers qui venaient
dans ce pays.
Malgré cette menace, Nouglo et Aïssey
décidèrent de tenter leur chance. Avant de partir,
Nouglo alla consulter le Fa pour lui demander
conseil.
I.:interprète du Fa lui dit :
- Si tu veux t'enrichir et ne pas être exécuté, il
faut avoir une totale confiance en ta femme et la
mettre dans le secret de tes pensées et surtout
éviter d'être jaloux.
La case des devinettes pour tout étranger qui
arrive est toujours une épreuve terrible : il y a trois
cases, une blanche, une rouge et une noire.
Dans la case blanche est cachée une Panthère,
dans la case rouge un Lion et dans la case noire un
Renard. Jamais personne n'a réussi à trouver les
bonnes réponses et elles ont toutes été tuées.
Au jQ.1Jr convenu, Nouglo et Aïssey partirent.
En chemin, le mari eut envie de se soulager. Il
s'éloigna dans la brousse et demanda à sa femme
de l'attendre au bord du chemin.
Quelques instants après, deux jeunes hommes
originaires du pays des devinettes arrivèrent.

204 205
:u; - -

Dès qu'ils aperçurent la femme, ils s'exclamèrent: d'avoir découvert à l'avance la réponse aux
- Que tu es belle ! Nous ne pouvons pas devinettes.
résister à l'envie de t'épouser immédiatement, Il venait de comprendre pourquoi l'oracle lui
même s'il faut t'enlever à ton mari. avait dit de ne pas être jaloux et de faire confiance
Ils commencèrent à la toucher. La femme se à sa femme.
débattit en criant. Son mari entendit ses cris et en Nouglo et Aïssey continuèrent leur chemin et
colère, il voulut aller la défendre. Mais il se ra�isa arrivèrent dans le fameux pays. Ils furent
en se rappelant que le Fa lui avait dit de ne pas être accueillis par une clameur populaire. Le roi
jaloux et de faire confiance à sa femme. Voyant convoqua tout le peuple pour assister à l'épreuve
que la jeune femme ne se laissait pas faire, les traditionnelle des devinettes pour les étrangers.
jeunes gens décidèrent de partir. L'un d'entre eux Un des sujets du roi leur dit :
fit la réflexion suivante : - Vous devez nous dire ce qu'il y a dans les
- C'est peut-être la femme de l'étranger qui est trois · cases blanche, rouge et noire. Si vos
annoncé dans notre pays et à qui on doit faire réponses sont justes, vous serez acceptés comme
subir l'épreuve des devinettes. enfants du pays et vous pourrez faire toutes les
Habile, la femme répondit : activités que vous voulez qui permettront de vous
- Non, non, je ne suis pas la femme de l'étran­ enrichir.
ger qui vient chez vous, j'attends quelqu'un. Mais Nouglo se racla la gorge pour attirer l'attention
que sont ces devinettes ? du public et dit :
Les deux jeunes lui expliquèrent : - Dans la case blanche, il y a une Panthère,
- Il s'agit de trois cases dans lesquelles sont dans la case rouge, il y a un Lion . . .
cachés des animaux. Dans la case blanche, il y a - Il reste la troisième ! Il reste la troisième case !
une Panthère, dans la case rouge, il y a un Lion et Scandait le public.
dans la noire, un Renard. Si l'étranger ne dit pas - Dans la troisième case ? Dans la troisième
clairement quel animal se cache dans quelle case case ? Répétait Nouglo, l'air pensif, faisant
' semblant de réfléchir.
il sera condamné à mort.
La femme dit aux jeunes gens Mais il ne se rappelait plus de ce qu'il y avait
- S'il en est ainsi, rassurez-vous jeunes gens, dans cette case. Aïssey, elle, se rappelait très bien
moi, je ne viendrai pas dans votre pays. J'attends ce qu'il y avait dans la case noire. Mais comment
quelqu'un et s'il ne vient pas, je m'en irai toute faire pour le dire à son mari. En quelques minutes,
seule. elle trouva un stratagème pour s'approcher de son
Une fois les jeunes gens partis, le mari sortit mari et.Jlui souffler ce que contenait la troisième
des buissons et sa femme l'interpella : case. Elle interpella le public :
- As-tu entendu ce que ces hommes ont dit ? - Chers habitants d'ici, quand un étranger
- Bien sûr, répondit le mari, tout heureux arrive chez vous, même si vous devez le soumet-

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tre à une épreuve, ne lui offrez-vous jamais l'eau
de bienvenue auparavant ?
- Tu as raison, tu as raison, nous avons
complètement oublié cette règle de bonnè
conduite. Amenez-leur à boire, ordonna
le roi.
Pendant qu'un villageois était allé leur
chercher à boire, Nouglo dit à sa femme :
- Donne-moi un morceau de cola queje puisse
manger un peu avant de boire.
Tout en dénouant son pagne pour prendre la
noix de cola, Aïssey chuchota à son mari
- Renard, Renard, Renard. . .
Nouglo prit la noix de cola, mordit dedans, but
une gorgée d'eau, jeta quelques gouttes par terre
et dit :
- Voilà, après avoir bien bu,je peux maintenant LA SOTTISE
vous dire ce qu'il y a dans la troisième case. Dans DU RENARD
la troisième case, il y a un Renard !
Des salves d'applaudissements et des youyous Un jour, lors d'une promenade, le Renard
accueillirent la victoire de l'étranger. Jamais per­ tomba dans un puits. Chaque fois qu'un animal
sonne n'avait réussijusque-là à révéler le contenu passait à proximité du puits, s'y penchait, le
des trois cases. Nouglo fut élu vice-roi et vécut Renard lui demandait de le secourir.
heureux avec Aïssey, sa femme. La Perdrix passa près du puits, et vit le Renard
qui la supplia de le sortir de là. Il promit de
C'est depuis ce jour-là qu'au Bénin, avant l'épargner et de lui enseigner des ruses pour
de faire quoi que ce soit, on va toujours consul­ attraper des proies. La Perdrix le regarda �!. ��i
ter le Fa qui vous guide dans les actions que 1 dit :
vous engagez. - Tiens depuis quand toi, Renard, tu peux
1 m'enseigner la ruse ? Bien fait pour toi, tu n'as
qu'à rester là !
l Et là Perdrix s'envola, loin, très loin. Elle
rencontra la Gazelle et lui conta l'aventure du
1 Renard qui demandait du secours du fond de son
puits.

1
1
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La Gazelle courut vers le lieu indiqué pour Et l'Antilope s'en alla, marcha longuement,
voir par elle-même ce qui se passait. Arrivée près rencontra le Lièvre et lui dit
du puits elle s'y pencha, vit le Renard et fit - Le méchant Renard qui me pourchassait tout
semblant de ne pas le reconnaître. Elle demanda le temps est tombé dans un puits et cherche
- Qui est dans le puits ? quelqu'un pour le secourir, tu devrais aller le voir.
- C'est moi, ton ami, tu as appris que j'étais en Mais le Lièvre n'osa pas aller vers le puits, il
détresse et tu es venue ! Tu es une véritable amie' partit dans la brousse et raconta l'événement au
je te rends hommage. Aide-moi à sortir d'ici et je Singe. Ce dernier demanda où se trouvait le
ne te ferais plus jamais de mal. Je t'enseignerais fameux puits. Le Lièvre le lui montra de loin et le
des ruses pour que tu puisses attraper des proies Singe se précipita vers le puits, s ' y pencha et vit
pour te nourrir. le Renard qui aussitôt lui dit :
La Gazelle rit à gorge déployée et dit : - Ami Singe, tu as appris mon malheur et tu es
- Toi Renard, depuis quand peux-tu enseigner venu à mon secours ! Je te suis reconnaissant !
des ruses aux autres pour attraper des animaux ! Merci, merci et encore merci. Si tu me sors, je ne
Je ne te crois pas. Reste-là, c'est bien fait te ferais plus jamais de mal et je t'enseignerais des
pour toi. ruses pour que tu puisses attraper tes proies pour
La Gazelle s'en alla, rencontra l'Antilope et te nourrir.
lui raconta ce qui était arrivé au Renard. Le Singe répondit
!.:Antilope demanda à la Gazelle de l'accompa­ - Jamais je ne te sortirai du puits pour que tu
gner vers le lieu où le Renard était en difficulté. t'en prennes à moi, je regretterais longtemps mon
Elles partirent donc. Au bout d'un moment la geste.
Gazelle indiqua à l 'Antilope le puits où se trouvait - Je te donne ma parole je ne te ferai pas de
le Renard mais resta à distance. mal.
L'Antilope s' approcha, se pencha et vit le Le Singe, confiant, mit sa main dans le puits
Renard au fond du puits. Dès que celui-ci aperçut pour que le Renard s ' y accroche. Mais le Singe
l 'Antilope, il lui dit : avait beau se pencher, le Renard n' arrivait pas à
- Salut à toi la meilleure des amies. Tu as attraper son bras pour s'y accrocher. Après
appris que j'étais en détresse et tu es venue à mon plusieurs tentatives, le Renard suggéra au Singe
secours ! Merci, si tu me sors de cette mauvaise de laisser pendre sa queue et ainsi lui, le Renard,
situation, je ne te ferais plus jamais de mal, et je pourrait s'enrouler autour de sa queue et
t'enseignerais des ruses pour que tu puisses remonter. Le Singe s'exécuta sans plus se faire
attraper des proies pour te nourrir. prier. Le Renard s'agrippa solidement à la queue
!.:Antilope rit longuement et dit au Renard du Singe qui s' accrocha à un arbre de toutes ses
- C'est bien fait pour toi, tu n'as qu'à pourrir forces et le Renard réussit à s'en sortir. Mais une
là, je ne viendrai pas à ton secours. fois sorti, il ne lâcha pas la queue du Singe, au

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pouvoir manger. Il se rapprocha un peu plus de la
contraire il s'y agrippa. Angoissé, le Singe cria au
Renard : queue du Singe. Impatient, il attendait le
- Mais lâche ma queue ! Ce n'est pas ce que tu troisième signal pour en finir avec le Singe qui
m'avais promis ! Lâche-moi ! Lâche-moi ! mijotait un plan de fuite.
Le Renard lui dit : - Kassa. . . a... aa.
- Si tu veux me sauver jusqu'au bout j'ai une A peine le Lièvre eut-il fini de prononcer pour
faim de Loup, il y a des jours et des jours que je la troisième fois la formule que le Singe, très
n'ai pas mangé. agile, prit la fuite, suivi immédiatement par le
Le Singe en colère rappela au Renard sa Lièvre. Le Lièvre grimpa au sommet du premier
promesse mais rien n 'y fit. Le Renard voulait arbre dans lequel s'était réfugié le Singe. Le
absolument dévorer le Singe. Le Lièvre, attiré par Renard ne put rien faire puisqu'il ne savait pas
le bruit de la dispute, arriva sur les lieux. Ayant la grimper aux arbres.
réputation de toujours rendre justice, dès que Je Du haut de son refuge, le Singe se moqua bien
Renard l'aperçut, il le prit à témoin et lui expliqua du Renard, le traita de tous les noms jusqu'à ce
que le Singe venait de le sortir du puits où il était que le Renard fatigué d'attendre s'en aille,
tombé depuis plusieurs jours mais qu'ayant trop l'échine basse.
faim il n'avait pas d'autres choix que de manger
le Singe. Depuis ce temps-là, on dit d'une personne
Le Lièvre demanda alors au Singe sa version ingrate qu'elle a l'esprit de Renard.
des faits. Ce que ce dernier fit dans le moindre
détail en insistant en particulier sur la promesse
du Renard.
Après avoir écouté les deux protagonistes, le
Lièvre prit la parole
- Et Singe ! Si tu veux sauver le Renard, il faut
effectivement aller jusqu'au bout. Mais voici ce
que le Renard doit faire avant de te dévorer : moi
je vais m'asseoir à gauche et toi Singe, tu seras
ainsi au milieu de nous, le buste penché en avant.
Quand je dirai trois fois cette formule, tu fonceras
sur le Singe pour te régaler.
- Kassa... a. . . aa. En voilà un, dit le Lièvre.
Le Renard serra un peu plus la queue du Singe.
- Kassa. . . a . . . aa. En voilà deux !
Le Renard était tout près du but, il allait enfin

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Le mauvais esprit et l'enfant ............... ................ .125
SOMMAIRE Un homme stérile .................................................. 127
La vie d'un gourmand........................................... 129
Remerciements .......................................................... 5 Un homme et un richard ....................................... 1 3 1
Introduction ............................................................... 6 Tel est pris qui croyait prendre ............................ . 1 3 3
Conte d'un soir ......................................................... 9 Le roi et ses trois fernmes..................................... 142
Kokou le rusé .......................................................... 13 Le roi lion et ses ministres .................................... 144
Le lièvre et Je singe ................................................. 1 5 Une vieille femme et sept filles ............................ 147
Le père et ses trois enfants ..................................... 1 9 Awadagbe .............................................................. 148
Hessa .......................................................................23 Le soleil et la lune................................................ . 149
Les animaux en démocratie ....................................27 Nukun Man Mon ................................................... 1 52
La coiffure aux trois touffes .....................................3 1 Les mésaventures de la tortue .............................. . 1 59
Le roi .................................................. .....................3 5 Une femme stérile ................................................. 1 66
Le roi et son épouse manchote ............................... 39 Un voleur étrange................................. ................. 1 68
Tohosou et ses enfants ........................................... .45 I;entêtement de Trito .......... .................................. 1 7 l
La fausse mort du lion ........................................... .47 Le pacte sacré ....................................................... 1 89
Les huit voleurs ...................................................... .49 I;amitié entre l'homme et le lion ......................... . 1 92
La poule et la tourterelle ......................................... 53 Un royaume en perdition ............. ......................... 202
Donou et Dossa .......................................................54 Les trois cases aux devinettes ............................... 205
Le lièvre, le canard et les grenouilles .................... .59 La sottise du renard..................... .......................... 209
Le chasseur et son secret .............. .......................... 61
La stratégie de la banane ........................................ 65
La torh1e et l'écureuil ............................................. 67
Sodjo le cultivateur et Yokounto le fossoyeur ......... 70
Le lion et le moustique .......................... ................. 77
La pigeonne et le paysan.........................................79
La calebasse piégée ................................................ 8 1
Glessi et son ami Fonlinon ..................................... 84
Le pique-assiette ..................................................... 87
Le voyageur............................................................. 91
Le scarabée ............................................................. 93
Les trois sourds ....................................................... 95
La consigne d'un père ............................................. 97
Rancune conjuguale ................................................ 99
La femme qui se transformait en âne ................... 101
Le poisson et le crabe .......... ................................ .l 03
Le trésor caché ............................. ......................... 105
Trois tuent un, un tue trois, trois tuent sept .......... 108
Le trouveur et devinettes et l'enfant .. ................... 1 1 5 Imprimerie Notre Dame
Le chasseur Dossou .............................................. 120 80 rue Vaucanson - 38330 Montbonnot
La hyène et le lièvre .............................................. 122
Pourquoi le crapeau est si plat .. ............................ 123 Achevé d'imprimer en mars 2009

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