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musiques contemporaines
Quelle norme ?
Parole queer et création musicale
Numéro dirigé par Éric Champagne et Mar tine Rhéaume
enquête
Queer Perspectives in New Music
55 Gabriel Dharmoo (With contributions from Annette Brosin, Anthony R. Green, Luke Nickel, Emily Doolittle,
Symon Henry and Teiya Kasahara 笠原 貞野 )
cahier d’analyse
De l’expression d’un désir gay et du queer dans l’opéra contemporain :
le cas d’Elia (2004) de Silvio Palmieri
67 Éric Champagne
Sur le diapason : autour d’un cycle de création, entre son, science et lumière,
de Nicolas Bernier
89 Fanny Gribenski
97 Les illustrations
99 Les auteurs.trices
103 Résumés/Abstract
Mathieu Laca, Jonathan Bélanger, 2015. Huile sur lin, 92 x 122 cm. Collection privée.
maxime mckinley
soit le lieu, voire l’occasion, de réflexions qui lui sont propres ; d’un éclairage
singulier sur des enjeux communs qui, réciproquement, stimulent et nour-
rissent cet art particulier. Dans cette dynamique, Circuit constitue un espace
éditorial qui n’impose pas de position unique, mais qui, en revanche, propose
une position d’écoute. Ce n’est certes pas suffisant, mais cela demeure indis-
pensable pour réfléchir sereinement, apprendre, se sensibiliser et avancer. 5
sociales, sous la direction d’Igor à nos jours6. J’en profite pour signaler que nous préparons, avec Donin, un
Contreras Zubillaga : https://journals. autre dossier dans lequel nous traiterons de nouveau d’une question publique
openedition.org/transposition/79
(consulté le 7 décembre 2020). importante : comment se positionnent, dans les divers aspects de leurs pra-
6. Genève, Droz/Haute école de tiques, les milieux des musiques contemporaines face aux défis écologiques
musique de Genève, 2019. mondiaux, à l’ère de l’anthropocène ? Ensuite, un compte rendu de Fanny
7. Dijon, Les Presses du réel, 2018. Gribenski aborde le livre Sur le diapason de Nicolas Bernier7. Cette fois, ce
8. Annelies Fryberger (dir.) (2020), n’est pas à un numéro futur que l’on peut faire référence, mais à un numéro
Art + son = art sonore ?, numéro de la
revue Circuit, musiques contemporaines, passé, soit celui consacré aux arts sonores8 – en effet, ce compte rendu sur
6 vol. 30, no 1. le travail de Bernier pourrait être considéré comme en étant une extension !
maxime mckinley
Ce n’est que depuis quelques décennies que les questions lgbtq+1 font 1. Le sigle lgbtqqip2saa signifie
« lesbienne, gay, bisexuel, transgenre,
l’objet d’études et de réflexions soutenues. Comment aborder ces réalités
queer, en questionnement, intersexuel,
qui sont extrêmement larges et diversifiées ? Un dossier thématique comme pansexuel, bispirituel, asexuel et
celui-ci ne peut évidemment pas couvrir l’ensemble des enjeux du domaine, alliés ». Ce sigle est en constante
évolution afin de représenter avec le
d’autant plus que le volet des queer studies qui se penche sur la création
plus d’inclusivité possible les réalités
musicale contemporaine est assez peu diffusé et approfondi dans le monde de la communauté queer. Nous
francophone. Nous avons opté ici pour des portraits de l’état de la parole et avons ici choisi d’utiliser sa forme
écourtée (lgbtq+) dans le but d’alléger
de l’identité queer dans le contexte des musiques de création, de la table de la lecture. De plus, nous n’avons pas
travail d’un.e compositeur.trice jusqu’au regard posé par l’analyste, en passant uniformisé ce sigle dans l’ensemble
par les réalités du terrain. du numéro, laissant à chacun.e des
auteurs.trices le choix d’utiliser la
Prenons un pas de recul pour considérer l’origine du mouvement. Dans forme qui lui convient. La même
les milieux anglophones des années 1980, la réappropriation subversive de liberté a été accordée concernant
é r i c c h a m pa g n e e t m a r t i n e r h é a u m e
l’écriture inclusive.
l’insulte « queer » en un cri de ralliement, de revendication et d’identité
retourne le doigt accusateur de 180 degrés. Nous divergeons de la norme ?
Soit. Mais le problème, c’est la norme en tant que telle : hétérosexuelle,
monogame, blanche, cis, etc. Le discours porté par les divers mouvements
gays, lesbiens et transgenres des années 1960 et 1970, relié de près aux luttes
pour les droits civiques, trouvait alors une expression forte de l’axe principal
à la base de la discorde : la norme.
Aujourd’hui, ce sont les questions subtiles entourant l’impact d’un dis-
cours identitaire queer en musique contemporaine que nous sommes
amené.e.s à mettre en lumière. Quelle est la place de la prise de parole d’un.e
compositeur.trice gay, lesbienne ou transgenre en musique contemporaine ? 9
Ligeti tient ici un discours bien ancré dans son époque. L’application des
théories issues des gender studies au travail musicologique d’alors cherchait
non seulement à définir une esthétique dite « homosexuelle » (et qui, semble-
t-il, pouvait être « choisie »), mais allait même jusqu’à « genrer » les produc-
tions musicales historiques pour en développer de nouveaux angles d’analyse.
C’est ainsi qu’on en est venu à confronter le très viril Beethoven au très effé-
miné Schubert. C’est d’ailleurs à l’aide de ce cas de figure que Nicholas Cook
s’attacha à synthétiser, non sans une touche d’ironie, la pensée de Susan
McClary – pionnière des gender studies en musicologie – dans le chapitre
3. Nicholas Cook (2016), Musique, « La musique et le genre » de son ouvrage Musique, une brève introduction3.
une brève introduction, Paris, Allia, Les choses ont passablement évolué en trente ans, comme tout portrait
p. 109-131.
d’une identité en mouvance. Sans prétendre avoir atteint une sorte de vérité
définitive sur le sujet, le tout récent article « Le sexe comme champ d’investi-
gation », de la théoricienne de la musique Danielle Sofer, propose de dresser
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é r i c c h a m pa g n e e t m a r t i n e r h é a u m e
vues comme anecdotiques. La musique contemporaine demeure un milieu
de niche, héritier des grands courants de la musique classique européenne,
avec son lot d’hétéronormativité et d’exclusions de toutes sortes. Parmi les
questionnements que soulèvent ces témoignages, nous sommes appelé.e.s à
nous demander quel peut être l’impact de ce milieu sur l’autocensure – ou
son refus –, par les compositeurs.trices, de leur propre identité ? En quoi la
musique contemporaine en souffre-t-elle ?
Et qu’en est-il de la prise de position ? Comment un compositeur peut-il,
à travers son art, évoquer, réfléchir, commenter et revendiquer les réalités
lgbtq+ ? Dans le Cahier d’analyse, Éric Champagne s’intéresse à l’opéra
Elia (2004) de Silvio Palmieri (1957-2018) qui, à notre connaissance, est le 11
12
En tant qu’universitaires lgbtqia+, femmes, personnes de couleur et autre- 1. [ndlt] La version originale de
ment marginalisées, nous sommes souvent appelés à afficher nos identités cet article, parue en anglais dans
le Zeitschrift der Gesellschaft für
partout où nous allons. Plusieurs d’entre nous préfèrent pourtant mettre Musiktheorie (vol. 17, no 1, 2020,
de côté ces identités dans le cadre du travail, pour nous concentrer sur la p. 31-63, doi.org/10.31751/1029
[consulté le 10 mars 2021]), trace un
musique, sur autre chose que ce qui nous définit personnellement. Et pour-
portrait plus exhaustif des métaphores
tant, lorsque notre vie musicale et notre vie sexuelle se croisent, on s’attend sexuelles comme outils d’analyse
à ce que nous parlions franchement de nos recherches tout en étant prêts à chez les théoriciens de la musique.
Nous croyons important d’en reporter
exposer de manière vulnérable des aspects intimes de notre vie. Mes propres l’essence ici, afin de fournir au lectorat
recherches sur la sexualité dans la musique électronique sont inextricable- de langue française une perspective
ment liées à ces vulnérabilités et semblent souvent ouvrir la porte à des com- essentielle des sources potentielles
d’exclusion des expertises théoriques
mentaires inappropriés de la part de collègues qui auraient autrement évité pour les femmes, les personnes de
de faire des remarques sur mes intérêts sexuels. Je mesure souvent la valeur couleur et celles s’identifiant comme
lgbtqia+. Les points de suspension
de mon travail par rapport aux risques et aux sacrifices qui accompagnent tout
entre crochets marquent les endroits
amalgame de mes identités personnelles et professionnelles. où nous avons dû couper dans
[…] l’argumentation, faute d’espace. Nous
invitons ceux et celles qui souhaitent
Plus loin dans cet article, je montrerai […] comment « la corporalité »
aller plus loin à consulter la version
participe d’une abstraction habituelle qui tend en fait à orienter l’analyse
danielle sofer
originale (Sofer, 2020). Merci à Vanessa
musicale loin du travail des femmes queers de couleur, comme Sara Ahmed Blais-Tremblay d’avoir porté cet article
à notre attention.
et moi-même3. Je soutiens que les théories de la « corporalité » utilisent
2. Cet essai doit beaucoup à la
l’inclusion et la diversité comme une forme de vertu symbolique visant à communauté en ligne des chercheurs
accroître le statut d’un chercheur d’une manière qui n’élève pas réellement en musique, qui m’a merveilleusement
soutenue. Je tiens à remercier
ceux qui continuent à être marginalisés dans la théorie musicale en tant que 13
accent mis sur la stase relative du « habiter l’espace » qui ignore la mobilité,
la flexibilité et l’activité de « faire des choses » qui se déploie dans le temps.
Ahmed rappelle le « modèle phénoménologique de l’incarnation féminine »
d’Iris Marion Young, soulignant que les orientations ne sont pas « simplement
8. Ibid., p. 60. données », mais définies par ce que nous faisons8, c’est-à-dire que ni le lan-
gage musical ni l’expression musicale ne sont simplement donnés, les deux
sont coconstruits simultanément par les « choses » et ceux d’entre nous qui
« faisons des choses » avec ces choses.
14
graphiques (selon la boutade de Maus sur la « théorie musicale dominante », 11. Une partie de cette analyse
apparaît dans Sofer, 2017.
qui renvoie principalement à « Schenker et [aux] ensembles13 » – c’est-à-dire à
12. McClary, 1989, p. 61.
l’héritage de la rigueur compositionnelle employée par Babbitt, Westergaard
13. Maus, 1993, p. 267.
et d’autres dans leur expansion du « système » à douze tons de Schönberg), elle
examine comment ces compositeurs ont cherché à dresser une barrière entre
le public et les spécialistes afin d’assurer leur « prestige absolu » sur un public
(supposé) inexpérimenté et incompétent. McClary conteste la prétendue
danielle sofer
autonomie des œuvres musicales et sensibilise aux préjugés qui opèrent au sein
de la théorie musicale en tant qu’institution en tenant les compositeurs – c’est-
à-dire les personnes, et non les œuvres – responsables14. McClary décrit 14. McClary, 1989, p. 62.
Philomel de Babbitt, une œuvre sérielle sur un texte inspiré d’Ovide détaillant
le viol brutal et l’agression du personnage principal, comme « une instance 15
rôle influent de Babbitt en tant que professeur a ouvert la voie à d’autres ana-
lyses de son œuvre, telles que, par exemple, la contribution de Richard Swift
au numéro spécial de Perspectives of New Music, « A Critical Celebration of
Milton Babbitt at 60 ». L’essai de Swift présente une analyse de Philomel qui
19. Swift, 1976, p. 241-246. décrit […] les manipulations sérielles pendant plus de cinq pages19. À aucun
moment l’analyse ne mentionne le viol ou fait même allusion au sujet du
livret. L’analyse par Swift de A Survivor from Warsaw de Schönberg dans la
20. Ibid., p. 238-239. Une analyse plus
détaillée et contextualisée de cette
même publication omet également des détails sur la perspective juive des
16 œuvre figure dans Calico, 2014. survivants des camps de concentration nazis20.
que les conséquences réelles de l’écoute de telles œuvres. Elle souligne que,
même lorsque le compositeur et le théoricien sont une seule et même per-
sonne, des mesures sont prises pour « écarter » le contenu sexuel, peut-être, à
mon avis, par crainte de légitimer des théories plus solides sur la signification
sexuelle de la musique. En effet, l’omission de toute mention du sexe permet
aux théoriciens de la musique d’associer plaisir sexuel et violence sexuelle, de
sorte que Philomel pourrait être évaluée sur un pied d’égalité avec toute autre
œuvre de Babbitt, qu’elle soit programmatique ou non22. Que ce soit l’inten- 22. En musique électronique, les
tion de Babbitt ou pas, de nombreuses analyses de l’œuvre présentent des voix des femmes apparaissent
beaucoup plus souvent que celles des
comptes rendus du fonctionnement structurel ou géométrique de Philomel, hommes, ce qui indique le désir des
tandis que McClary souligne, au risque peut-être d’un essentialisme sexiste compositeurs de « fixer » les voix des
femmes (en s’appuyant sur la notion de
reposant sur des stéréotypes, que
média fixe) (Bosma, 2003). En ce sens,
[p]lusieurs de mes étudiantes ont du mal à écouter passivement Philomel en tant couper, coller, échantillonner, et donc
manipuler la voix d’une femme pour
qu’exemple supplémentaire de manipulation sérielle et électronique : elles ont
produire une pièce qui suscite une
du mal à adopter une attitude intellectuelle objective qui leur permettrait de se signification sexuellement connotative
concentrer sur des techniques de composition pures. Pour la plupart des femmes, ou des connotations érotiques pourrait
le viol et la mutilation ne sont pas des banalités qui peuvent être commodément être assimilé à une contrainte sexuelle
mises entre parenthèses au nom de l’art, surtout un art qui accorde du prestige à au même titre que le viol qui se
produit dans le mythe de Philomèle.
la célébration de ces violations23.
Pour une analyse supplémentaire sur
ce point, voir le chapitre 1 de Sofer, à
[…]
paraître.
En lisant McClary, nous constatons que le fait de mettre le sexe entre
23. McClary, 1989, p. 75.
parenthèses n’exclut pas seulement le point de vue de l’analyste, mais menace
également de dissimuler ou d’omettre complètement la subjectivité de ceux
que la musique est censée représenter.
danielle sofer
logique, si le critique doit être à la recherche de la « bonne » écoute d’une
œuvre, cette écoute ne doit pas donner lieu à une interprétation originale,
mais seulement « révéler » quelque chose qui a été transmis par la musique
et son créateur. Lochhead soutient que la « bonne » musique, parce qu’elle
est censée être « juste », peut imposer des préjugés concernant le sexe et la 17
28. Ibid. interprétée comme son mode légitime (et donc, authentique ?) d’expressivité
musicale28 ? » Lochhead fait valoir que la musique tonale pourrait être perçue
par les auditeurs comme étant émotionnellement expressive dans le contexte
où cette émotion est facilement reçue – la musique orchestrale du xixe siècle,
par exemple. En revanche, la musique atonale devrait être plus émotionnelle
pour les compositeurs pour lesquels ce langage est idiomatique.
[…]
En bref, la dichotomie entre le tonal et l’atonal, et entre le modernisme et
18 l’esthétique expérimentale, repose sur des dichotomies sexuées et sexualisées
danielle sofer
à bien des égards, façonné le type d’approches méthodologiques que les plus grande diversité ». Voir Sofer, 2020.
théoriciens ont adopté à l’égard de la musique. Pour rappeler Lochhead, 31. Voir Sofer, 2017.
32. Lewin, 1969, p. 63 et Guck, 1994 ;
« ce que la musique “signifie” doit dépendre de deux aspects : pour qui et
voir aussi Lochhead, 1982, Lewin, 1986
quand33 ? » Avec cet adage à l’esprit, on peut faire l’analogie entre la musique et Cox, 2016.
et la technologie, et entre les auditeurs (théoriciens ou non) et les utilisateurs. 33. Lochhead, 1999, p. 252. 19
danielle sofer
pourraient très bien changer.
21
Nous apprenons l’usage par l’usage : l’usage est la façon dont nous réglons les
choses lorsque nous sommes occupés, ainsi qu’une façon de parler des occupations
et des prises. Mon objectif a également été d’élargir le champ de ce que nous
entendons par utilitarisme en réfléchissant à la manière dont le concept d’utilité
exercé dans le cadre de cette tradition se rapporte à des usages plus ordinaires.
J’étudie également l’utilitarisme en tant qu’histoire administrative qui nous aide
à comprendre comment l’usage devient une façon de construire des mondes. Je
m’intéresse en particulier à la manière dont l’exigence d’être utile tombe inéga-
lement sur les sujets, ou comment l’utilité en tant que système de référence (utile
pour, utile à) est resserrée ou relâchée en fonction de l’endroit où l’on se trouve
43. Ahmed, s.d. ; l’italique provient du dans ce système43.
texte original.
Dans les sections précédentes, j’ai étudié un certain nombre de façons dont le
mot « sexe » peut être utilisé comme moyen à des fins d’analyse musicale. En
fait, plus précisément, plutôt qu’à des fins analytiques, les théoriciens utilisent
c i r c u i t v o lu m e 31 n u m é r o 1
danielle sofer
des domaines qui pourraient enrichir les modes d’analyse musicale actuelle-
ment omniprésents, même pour les théoriciens qui sont déjà préoccupés par
la confluence de la musique avec le sexe et le genre.
23
Cox, Arnie (2016), Music and Embodied Cognition : Listening, Moving, Feeling, and Thinking,
Bloomington, Indiana University Press.
Davis, Angela Y. (1995), Blues Legacies and Black Feminism : Gertrude « Ma » Rainey, Bessie
Smith, and Billie Holiday, New York, Vintage Books.
Derrida, Jacques (1994), Specters of Marx : The States of the Debt, the Work of Mourning and
the New International, traduit du français par Peggy Kamuf, Londres, Routledge.
Guck, Marion A. (1994), « A Woman’s (Theoretical) Work », Perspectives of New Music, vol. 32,
no 1, p. 28-43.
Hanninen, Dora A. (2001), « Orientations, Criteria, Segments : A General Theory of Segmenta
tion for Music Analysis », Journal of Music Theory, vol. 45, no 2, p. 345-433.
24
danielle sofer
Society for Music Theory, à l’occasion d’une séance intitulée « What happens when Queer
Theory + Music Theory ? », 6 au 9 novembre, Milwaukee, www.shlomitsofer.com/docs
(consulté le 21 mai 2020).
Sofer, Danielle (2017), « Strukturelles Hören ? Neue Perspektiven auf den “idealen” Hörer »,
in Klaus Aringer, Franz Karl Praßl, Peter Revers et Christian Utz (dir.), Geschichte und
Gegenwart des musikalischen Hörens : Diskurse – Geschichte(n) – Poetiken, Freiburg,
Rombach, p. 107-131. 25
26 Mathieu Laca, Frida Kahlo i, 2016. Huile sur lin, 92 x 77 cm. Collection privée.
En 1991, le fondateur et rédacteur en chef de la revue Circuit, revue nord- 1. Carrière, 1981, p. 32.
américaine de musique du xx e siècle2, Jean-Jacques Nattiez, avance trois 2. [ndlr] Le titre de la revue a été
modifié au tournant du xxie siècle,
raisons de consacrer un numéro double à Claude Vivier : l’originalité du devenant Circuit, musiques
compositeur, l’abondance de son catalogue et l’importance esthétique de contemporaines.
son œuvre. Au sujet de la large part de la publication consacrée aux écrits du
compositeur, Nattiez ajoute :
Il n’est pas exagéré de dire […] que son œuvre est essentiellement autobiogra-
phique. Des aspects entiers de son orientation stylistique et le sujet de ses com-
positions vocales s’expliquent par l’univers religieux, mystique, voire ésotérique,
qui est le sien, et pour étranger que ce monde-là puisse être à beaucoup de ses
auditeurs, savoir comment il le représentait ne peut que faciliter la compréhension
de son œuvre musicale3. 3. Nattiez, 1991, p. 5.
martine rhéaume
sous forme d’articles indépendants4. Dès 1993, Ruth A. Solie reconnaît, à la 4. McClary, 1991.
première page de son introduction à Musicology and Difference, l’importance
historique de l’ouvrage de McClary, qui est l’un des premiers à s’attaquer
aux rapports entre la différence identitaire et la musique. Les ouvrages
Queering the Pitch5 et Queer Episodes in Music and Modern Identity6 sont 5. Bret, Wood et Thomas, 1994.
alors sur le point de s’engager dans ce même champ d’études. C’est ainsi que 6. Fuller et Whitesell, 2002. 27
martine rhéaume
présent, un témoignage, même naïf et maladroit, de la dimension mystique de la
15. Nattiez réfère ici à Deliège, 2003.
pensée de Vivier est indispensable si l’on veut comprendre sa musique avant de la
juger16. 16. Nattiez, 2005, p. 87, note 46. Les
italiques proviennent du texte original.
De la même façon qu’il convient de dépeindre un jeune Vivier maladroit et
naïf, je suis d’avis que les générations qui n’ont pas connu le personnage trou-
veraient éclairant de lire sa correspondance – même personnelle et parfois 29
Vivier pour désigner un homosexuel dans « Introspection d’un compositeur24 », l’artiste éprouve du mal à accepter
ne porte pas nécessairement la
son orientation au cours de ses années de pratique catholique. Dans une
connotation de passivité associée au
mot dans le Grand Robert, par exemple. entrevue accordée à Daniel Carrière et reproduite dans la revue Le Berdache
À l’origine une insulte, le mot est repris – « première publication gay militante d’envergure au Québec25 » –, il affirme :
par les homosexuels du Québec pour
« je ne m’apitoie plus sur le fait que je suis une tapette26 », déclaration qui fait
se désigner eux-mêmes ou entre eux,
en émoussant ainsi considérablement foi d’un cheminement vers l’acceptation de son identité.
la portée, si elle devait leur être lancée. Les écrits suivants se présentent moins par blocs homogènes, pour la
Le terme, injurieux dans le langage
familier, est utilisé ici uniquement dans
simple raison qu’ils sont ordonnés chronologiquement – et, pour le cas des
30 le cadre de citations verbatim de Vivier. notes de programmes, dans l’ordre de composition des œuvres. On y retrouve
Ce besoin d’expression est présent ailleurs dans ses écrits, autant dans ses
notes de programme – qui prennent un ton moins revendicateur – que
martine rhéaume
dans ses prises de position contre un système ou une culture de masse. Des
considérations spirituelles, rattachées ou non à une religion spécifique,
sont également présentes dans plusieurs des textes qui portent sur le rôle du
compositeur, notamment en ce qui a trait au rituel qu’il se doit de créer par
sa musique.
31
a) La parole gay
Avec la perspective que peut offrir un recul de près de trente ans, je souhaite
questionner les choix éditoriaux de l’édition de 1991 des écrits de Vivier qui
ont conduit à l’exclusion de documents qui me paraissent aujourd’hui d’une
importance cruciale pour une meilleure compréhension de sa personnalité.
Il aura fallu une vingtaine d’années avant d’avoir eu accès à des travaux qui
nous signalent le caractère incomplet de cette première édition. Je songe
notamment à la biographie de Bob Gilmore, parue en 2014, qui livre un
compte rendu exhaustif dépassant la connaissance de l’artiste par ses contem-
porains, collègues et amis, pour entrer dans la sphère de l’interprétation de sa
vie et de sa musique. Dans son ouvrage, Gilmore relate avec précision l’état
de sécurité relative dans laquelle les homosexuels montréalais se trouvaient
34. Gilmore, 2014, p. 172. à la fin des années 1970 et au début des années 198034 ; il aborde également
l’entrevue avec Carrière (mentionnée plus haut) et, pour la première fois
dans la littérature, présente Vivier comme le porte-étendard d’une parole
gay dans l’art.
Le recul permet en effet de constater que l’homosexualité et la témérité
de Claude Vivier, dans leurs manifestations à l’écrit, sont plus présentes
dans les catégories de textes qui n’ont pas été retenues pour la publication
35. À ce sujet, voir Robert, 1991,
(entrevues et correspondance35) que dans ceux imprimés. En ce qui a trait
p. 35-36.
à la correspondance, quelques lettres non datées adressées à son ami Pierre
36. Ces documents sont conservés aux
Archives de l’Université de Montréal Rochon lors de ses études avec Paul Méfano, à Paris (1971-1972), et Karlheinz
(P0235). Stockhausen, à Cologne (1972-1973)36, font état, en des termes parfois crus,
c i r c u i t v o lu m e 31 n u m é r o 1
37. Il écrit que les homosexuels de l’intimité des correspondants, d’une vie homosexuelle assumée. Dans ces
allemands « ne sont pas très drôles
en général et les plus beaux mâles lettres, Vivier parle notamment d’un musicien de l’ensemble de Stockhausen,
finissent toujours par te demander de déplorant qu’il ne soit pas homosexuel ; il y décrit également la participation
l’argent » (Archives de l’Université de
à des orgies sans apparente limite sexuelle et d’autres aléas d’une sexualité
Montréal, Fonds Claude Vivier (P0235),
document A0002, lettre non datée active dont les sous-entendus laissent supposer qu’elle est pratiquée principa-
à Pierre Rochon), une pratique peu lement en compagnie de partenaires d’un soir37. Bien entendu, ces thèmes
courante entre partenaires stables.
sont juxtaposés à des considérations plus professionnelles. Une carte postale
38. Fonds Claude Vivier (P0235),
document A0004. L’espace large est
et une dédicace à celui qui fut son amoureux à Montréal, Dino Olivieri – à
32 tirée du document original. qui il écrit : « Je t’aime beaucoup peut-être…38 » –, complètent la maigre
martine rhéaume
humains d’identités confondues prennent part, dans le but d’aplanir les dif-
férences. En parlant d’une musique gay, qu’il considère comme féministe,
Vivier décrit son style à la fois théoriquement, c’est-à-dire en décrivant le
discours musical – par l’absence de considérations de tension et détente, de
direction fonctionnelle –, et à la fois socialement, par l’idée d’un mode de
communication qui graduellement érode l’hégémonie patriarcale jusqu’à ce 33
b) Tchaïkovski
42. Selon Gilmore, 2014, p. 212.
43. Une mise en abyme de cette Dans une lettre datant du 23 février 1983, Claude Vivier annonce, pour l’an-
œuvre est représentée dans l’opéra née de la musique de l’unesco en 1985, un opéra portant le titre Tchaikowsky,
Petit-Tchaïkovski ou La Liquéfaction
un requiem russe, pour chœur, orchestre, huit solistes et danseurs. Le projet,
de la lumière (1990) du compositeur
Michel Gonneville et du librettiste Alain interrompu par le meurtre du compositeur le 7 mars 1983, était complètement
Fournier. esquissé, visiblement prêt pour la rencontre avec la librettiste (probablement
44. L’extrait concerné de l’entrevue Elisabeth Halbreich42), qui devait avoir lieu au courant du mois de mars43.
est reproduit à l’Annexe 2. Cette
entrevue avec Cubaynes fait partie
Parmi les personnages de l’opéra se trouvent le tsar de Russie, l’amant de
c i r c u i t v o lu m e 31 n u m é r o 1
« L’amour que Tchaïkovski porte à son amant est l’amour qu’il porte à un
martyr et dont il assumera le martyr[e] par sa propre mort. » Au cours de la
scène, il fait intervenir les images des martyrs de ses causes – la féministe
Jeanne d’Arc, l’homosexuel Pasolini46, le martyr chrétien saint Sébastien47 – 46. Pier Paolo Pasolini, auteur et
dans un jeu de miroirs où Vivier laisse Tchaïkovski projeter son sort sur son cinéaste italien assassiné en 1975,
vraisemblablement par un prostitué.
amant, d’une façon qui lui était peut-être cathartique.
47. Saint Sébastien, martyr chrétien
Ces notes sont parmi les écrits de Vivier qui sont les mieux structurés et exécuté au ive siècle, transpercé de
qui communiquent le mieux une vision qui devenait sans cesse plus engagée flèches, est reconnu depuis longtemps
comme une icône homosexuelle.
dans une revendication identitaire outrepassant la place de l’artiste. Sans
reproduire les notes en entier, certains textes – dont l’esquisse du solo du
tsar – éclairent la conception que pouvait avoir Vivier de l’univers machiste
qu’il dénonçait de plus en plus. Observons ce texte :
J’ai peur, j’ai peur
J’ai aimé sa musique
si belle
Pourtant, pourtant
Ces mélodies que je croyais venir du ciel
et qui me rappelaient le Dieu de mon enfance
moi le tsar de toutes les Russies
Le représentant de Dieu peut-être
le Dépositaire de la vérité
la seule vérité du pouvoir.
Ces chants m’ont trompé
Ces chants m’ont subjugué
Sa musique douce comme une rose d’Ispahan
n’était pas divine
elle était de chair
martine rhéaume
moi qui croyais vénérer Dieu
c’est devant un cul qu’on me faisait pleurer
moi, moi le tsar
il doit mourir
Ce sorcier doit mourir48[.] 48. Solo du tsar, extrait de
Tchaikowsky, un requiem russe. Fonds
Claude Vivier (P0235). 35
50. McClary, 2002, p. 78. dans la Russie du xixe siècle50. Malcolm H. Brown démontre quant à lui
qu’une homophobie insidieuse est à l’origine d’un changement de paradigme
dans la réception et la critique de la musique de Tchaïkovski, entre la per-
ception d’une expression puissante et sincère, avant que l’histoire ne le sorte
du placard, et celle d’une musique hystérique, efféminée et structurellement
51. Brown, 2002, p. 145. faible, une fois son homosexualité rendue publique51. Au moment de sa mort,
Vivier s’apprêtait donc à écrire une œuvre musicale qui aurait également été
une expression plus explicite de sa quête d’une perception juste et éclairée de
36 la musique de Tchaïkovski – et peut-être de la sienne.
martine rhéaume
même discuté avec lui de cette ouverture et de cette mission d’une émanci-
pation gay dont il s’investissait. Ce qui était alors absent du recueil des écrits
du compositeur ne l’était sans doute pas de leur conception du personnage ni
de leur interprétation de sa musique. Qui plus est, comme je l’ai mentionné
plus haut, le numéro de la revue Circuit ne devait pas demeurer le seul objet
de construction intellectuelle du compositeur, mais être plutôt la première de 37
bib l i og r a p h i e
Braes, Ross (2003), « An Investigation of the Jeux de timbre in Claude Vivier’s Orion and His
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Lévesque, Patrick (2004), « Les voix de Vivier : langage harmonique, langage mélodique et
langage imaginaire dans les dernières œuvres vocales de Claude Vivier », Mémoire de
maîtrise, Université McGill.
38
martine rhéaume
46 Le clown 1965-1966
48 Ojikawa* 1968
49 Hiérophanie b
1971
49 L’acte musical 1971
51 Notes du soir 1971
53 Musik für das Ende a
1971
39
121 Orion a
1981
123 Imagine [c. 1979-1982]
125 Pour Gödel 1982
127 Cinéma et musique 1981
129 Que propose la musique ? 1982
130 À propos de Gilles Tremblay 1982
131 Trois airs pour un opéra imaginaire *
a
1983
133 Glaubst du an die Unsterblichkeit der Seelea* 1983
40
Claude Vivier (c. v.) : Le cas Tchaïkovski, c’est un cas très spécial dans l’histoire de
la musique – et dans l’histoire tout court de toute façon – c’est un cas assez horrible.
Tchaïkovski était homosexuel et Tchaïkovski en souffrait beaucoup. Tchaïkovski était
extrêmement complexé de ça et sentait le poids du péché sur lui. C’est en fait toute
une civilisation qui l’avait rendu comme ça, la civilisation occidentale.
Et il est tombé en amour avec un jeune homme qui était le neveu du duc, d’un
duc quelconque à la cour du tsar Nicolas. Et ce duc en question a tout simplement
voulu faire une poursuite en bonne et due forme. Poursuivre Tchaïkovski en justice.
Le procureur général de l’époque était un ancien condisciple de Tchaïkovski à
l’école de droit de Moscou et lui n’a absolument pas voulu poursuivre publiquement
Tchaïkovski, parce que ça aurait été une tare épouvantable. Imagine, avoir une tapette
à l’école de droit de Moscou ! Alors il a tout simplement demandé un procès d’hon-
neur. C’étaient les différents pairs de Tchaïkovski qui étaient là. […] Ils lui ont fait un
procès qui a duré cinq heures et lui ont demandé de se suicider. Et Tchaïkovski l’a
fait, comme Jeanne d’Arc aussi avait accepté de mourir.
martine rhéaume
41
Growing up gay in the 1950s was a social nightmare, because you were certainly not
supposed to be that. And I found, as I’ve said many times before, that a great way
of accounting for my being such a social misfit, and being temperamental, and in 1. Elinor Dunsmuir (1887–1938),
a singer, pianist, violinist and
a bad mood most of the time, [and] drunk a lot of the time, was to be an ‘artiste.’
composer whose music was recently
So this was why I was a musician. It was a great outlet for feelings. And then being rediscovered, has emerged as an
part of the dance world, everybody was higglety pigglety—you didn’t know who was intriguing candidate for the honour
what; you didn’t have to conform to anything. It was a comfortable world to be in. It of “first known Canadian lesbian
was a godsend for me! composer.” The biographer of the
Dunsmuir family avoids “the L-word”
— Ann Southam, video interview with the author, April 17, 2010.
but evokes Elinor’s lesbianism through
innuendo and vintage stereotypes
That Ann Southam belongs in this issue of Circuit—perhaps even with pride of (“masculine” attire and presence;
cigars; self-loathing), apparently
place (so to speak)—is beyond dispute. Born in 1937, she was, to my knowledge,
based on reminiscences of a great-
the first female Canadian composer of so-called art music to “come out” in a niece of Elinor Dunsmuir (Reksten,
modern sense of the term—self-identifying as gay in interviews, and agreeing 1991, pp. 244–45, 278). In 2019, an
exhibition called “Finding a Voice:
to appear on a concert of music by lgbtq2 composers.1 She was a role model Gender, Sexuality and Music Through
for—and champion of—women in music. And Southam’s compositional voice the Work of Elinor Dunsmuir” ran
remains one of the most distinctive and compelling of her generation, from at the Courtenay (B.C.) and District
Museum and Paleontology Centre.
her early, mesmerizing electroacoustic pieces written for pioneering modern (See www.courtenaymuseum.ca/
dance choreographers in Canada, through the exuberant process music of programmes-exhibits/online-exhibits/
ta m a r a b e r n s t e i n
finding-a-voice (accessed December 2,
works like Glass Houses for piano (1981; rev. 2009), to the vast, meditative, emo-
2020). More research on Dunsmuir
tionally ambiguous canvases of late works like Simple Lines of Enquiry (2007), is needed. I am grateful to Janet
and In Retrospect (2004).2 In short, Southam’s music and life—along with the Danielson of Simon Fraser University
for alerting me to Dunsmuir’s story.
possibility of connections between them—matter.
2. Scores to Southam’s music are
And so one strides confidently forward, only to feel squishy ground under- available through the Canadian Music
foot almost immediately. What, if anything, does the public need to know Centre: https://cmccanada.org. 43
in Curved Air (1968) was a particular inspiration5; in 2010 she also singled out
6. April 17, 2010 interview, 01:25:12
to 01:25:26. Reich’s Music for Mallet Instruments, Voices and Organ (1973), saying that
7. Conversation with the author, she loved the piece “to this day.”6 While she initially included Philip Glass
c. 1989. When reminded of this among these models, by the late 1980s she was no longer a fan, saying that his
comment in 2010, Southam confirmed
harmonic choices conveyed “a failure of spirit.”7
her assessment of Glass’s music,
then expressed her enthusiasm for By the early 1980s, Southam had stepped back from regular collaborations
the fundamental sunniness and with choreographers, and was exploring minimalism—perhaps more fruit-
“hopefulness” in Steve Reich’s music
(April 17, 2010 video interview, 01:51:44
fully described as “pattern” or “process” music—in piano works like Glass
44 to 01:53:00). Houses and Rivers (1979–1981; rev. 2004–2005).
nist dimension to her process music was not inherently audible in it: “[M]usic is
ta m a r a b e r n s t e i n
music[;] it’s not politics or ideology. It can be used in the service of such things[,]
of course.”12 But it is clear that writing (in the sense of both composing and writ- 12. Quoted in Egoyan, 2008, p. 45.
ing out by hand) and playing her process music was a way for her to integrate
feminism with her art and life—another “godsend,” one might say.
By 1979, Southam had developed the unique musical language—her per-
sonal dialect of minimalism, so to speak—that would sustain and fascinate 45
lesbianism in any of them (email to the and to the famous song by Schubert, who many believe was homosexual.
author).
Before writing the article, I spoke to Southam, who was 66 at the time,
about her involvement in the concert. She told me that she was “very happy”
to be identified with the gay community, but otherwise swatted away the
opportunity to wave the rainbow flag:
[A]s far as my own sexuality goes, I can’t really say where I am on the continuum
at this point. And I couldn’t care less! By far the greater issue for me is the fact that
I’m a woman composer. I think I’m far more likely to be discriminated against as a
46 woman than as a gay person. You’ll notice, for instance, that I’m the only woman
specific musical works, as was necessary. But she was also more open about
lesbianism than I had expected.
At one point, for instance, I asked Southam what feminism brought to her
on a personal level. Here is her reply, more or less unedited:
Well, all of a sudden, things started to make sense. Thinking that I should be
straight, I went into psychoanalysis in about 1963, and had an absolutely ghastly
ta m a r a b e r n s t e i n
time with the analyst. It was an 11-year nightmare with that guy. And finally, when
feminism started to get through to me, I [realized] that psychoanalysis that was
not informed by any kind of feminist analysis was a complete waste of time, as this
was. And the analyst himself was a complete jerk.
[Growing up], you got the impression that, as a female, you were supposed
to love men simply because they were men. I mean—give me a break! Anyway,
feminism made me aware of the fact that I had been born into and grown up in
an androcentric, phallocentric, misogynistic world, and maybe, in a situation like 47
Ann Southam (a. s.): I rather enjoyed it. It was a very structured life, which
I appreciated. I did well enough. I think that when bss ended, and I went out into
the straight, heterosexual world, into mixed society, I really couldn’t see my way
ahead at all. I just couldn’t. So yeah, bss was good fun.
Tamara Bernstein (t. b.): How did you cope after you left the all-girls’ school?26 26. Southam graduated from bss
in 1955.
a. s.: I drank. A lot. And pretended to be an artiste, you know. But I’m very grateful
for the booze. I would never have managed without it. As I say, in those days, it
was compulsory heterosexuality. What the heck.
ta m a r a b e r n s t e i n
t. b.: When did you stop drinking?
a. s.: Well, I joined AA,27 and I didn’t like that—I didn’t like the “Higher Power” 27. Alcoholics Anonymous.
business. I didn’t want to stop drinking, so I didn’t. And eventually, a friend said:
“If you don’t stop drinking, I’m not going to see you anymore.” And that did the
trick! That really scared me. And then I just stopped. So I never went through the
struggles that people at AA go through. I got to the point where I simply couldn’t 49
t. b.: Was there anything that gave you a new kind of strength at the time?
Feminism?
a. s.: Oh yes! I was also involved in a lesbian relationship. It was all pretty crazy,
but at least my partner—she’s the person who said, “If you don’t stop drinking I’m
28. April 17, 2010 video interview, not going to see you again.”28
05:10:13 to 05:13:08.
Some five minutes later (and to my eternal gratitude), Mary Wong, holding
the microphone boom aloft, asked, “Did you write anything when you were
in love?”
a. s.: Yes, but it didn’t make any difference [to what I wrote]. No—I think that when
I was in the closet, the music that I wrote was my song, as if [I was] trying to seduce
with my song [the way birds do]. But then when I came out of the closet there was
no need to do that anymore. So I would be writing from a different place.
a. s.: Well, I came out in 1974, when I finally got rid of this ghastly psychoanalyst
[laughs]. I ran into the person I’d known for years—we’d kind of danced around
each other but neither of us [had] said anything. I was back from England on my
29. An area of Toronto near the way out west; I was driving north on one of the streets in the Annex,29 taking my
University of Toronto. Now thoroughly car to be fixed. And I came to a stop [sign], and there was this person that I hadn’t
gentrified, in the 1970s it was a popular seen for ten years. She just happened to be walking across! And that’s when we
haunt of students and artists.
became involved in a relationship. But if the timing for either one of us had been
different, we would have missed each other, and my life would have been very
30 April 17, 2010 video interview, different. That was really something—can you imagine?30
05:19:13 to 05:20:59.
(I can, actually: the scene is like something out of a Jane Rule novel. And
the car is a perfect touch: Ann had rather dashing good looks, and drove fast
and well.)
What, then, is my point in plucking out the “gay” parts of Southam’s inter-
views for this piece? For one thing, I’ve not yet done much with the April 2010
c i r c u i t v o lu m e 31 n u m é r o 1
interview, which in a more perfect world would have been the first of several
such sessions, leading to a substantial film. So I welcome the chance to
publish excerpts, in most cases for the first time, in this issue of Circuit. And
while Southam’s struggles with both external and internalized homophobia
shed light on just one of many facets of her life and creative world, they are a
wrenching reminder of how recently lgbtq2s in Canada acquired the rights
and freedoms we now take for granted in this country. When Southam was
born, in 1937, homosexual acts between men, variously defined, had been
50 illegal in Canada since early colonial days; south of the border, us composer
to frequent such establishments for the chill to seep into their lives. 38. The first edition of dsm (1952)
classified homosexuality as a
Looking at this timeline, it’s hard not to notice that the profound transfor- “sociopathic personality disturbance”;
mations of Southam’s life and music in the 1970s coincided not only with a the second edition (1968) reclassified
burgeoning feminist movement, but also with significant advances in gay and it as a “sexual deviation.” It was
removed for the third edition (1973).
lesbian rights around the same time. Other cultural norms were changing,
ta m a r a b e r n s t e i n
Still, “[p]sychoanalysts were one of the
too: in 1973, the American Psychiatric Association removed homosexual- last groups of medical professionals
to openly view homosexuality as
ity from its Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders—the
a curable mental disorder […]. It
psychiatric equivalent of decriminalizion.38 Notwithstanding that romantic wasn’t until 1991 that the American
encounter at a stop sign, one wonders if it was entirely coincidental that Psychoanalytic Association passed a
resolution opposing public and private
Southam entered her first lesbian relationship the following year, shortly after discrimination against homosexuals.”
extricating herself from the “ghastly” psychoanalyst. See Baughey-Gill, 2011. 51
tery, the emotional ambiguity that Southam spun into the musical web that
sustained her for so many decades. And above all, perhaps, the patience, the
attentive listening, and the immense kindness woven into so much of her
music.
Perhaps squishy ground is not such a bad place to be after all.
52
disc o g ra phy
Cornfield, Eitan (2005), Portrait: Ann Southam [Audio documentary], Centrediscs/Centre
disques, cmccd 10505.
Southam, Ann (2011), Returnings: Music of Ann Southam, Eve Egoyan, Centrediscs/Centre
disques, cmccd 17211.
Southam, Ann (2013), 5: Music of Ann Southam, Eve Egoyan, Centrediscs/Centredisques,
ta m a r a b e r n s t e i n
cmccd 19113.
53
This collection of texts by queer artists is an invita- rized upon it, its meaning remains elusive, porous and
tion to reflect on the many ways queerness manifests malleable.2 From my perspective, the lack of a conclu-
in contemporary new music practices.1 In order to go sive, absolute or scientific definition does not obfuscate;
beyond a self-reflexive analysis of my own multifac- it recognizes how queerness allows or begs for indefi-
eted, yet limited experience as a queer cisgender male nite answers and even, contradictions. In the context
person of colour who engages critically with the new of this article, “queer” refers to the recognition or the
music scene, I sought the perspective of six other art- celebration of one’s marginalized and non-normative
ists spanning different gender and sexual identities. sexuality and/or gender identity. Self-labelling as queer
These musicians work both inside and on the fringes may also involve an anti-assimilationist stance towards
of the new music scene as composers, sound artists, the standardized heteronormative lifestyles that are
performers, interdisciplinary artists, educators and/or broadly legitimized and accepted. However, for some
curators. Their statements convey the extent to which lesbians, gays, bisexuals or transgender people, the
their queerness affects their artistic output, as well as emulation of heteronormative lifestyles or gender roles
their relationship with the new music scene. offers safety, self-preservation, the benefit of passing,3
“Queer” is a word with fluctuating, overlapping and and access to equal opportunity. A monolithic view of
paradoxical definitions. At different points in history, it
has been used to describe, to stigmatize, and to reclaim 2. For a succinct history of “queer” and its multiple
definitions, accounting different points of view, see
gabriel dharmoo
power for marginalized individuals and communities. Somerville, 2014.
Although gender and queer studies have vastly theo- 3. Passing refers to trans people being perceived as, or
assumed to be cisgender in mainstream society, whether
1. Mentions of new music, or the new music scene refer to intentionally or not. Passing can also apply to sexual
what is also called Contemporary Western Art Music. orientation or race.
55
intersex, asexual and other identities that fall outside of binary and/or genderqueer, this range of perspectives
cisgender and heterosexual paradigms.” See www.uoguelph.
ca/studentexperience/lgbtq2ia (accessed December 1, 2020).
5. In the Canadian context, new music institutions include art councils), as well as small or large cultural organizations
pedagogic and academic institutions (music faculties, that stem from or espouse these institutions’ models (in the
conservatories), associations or networks (Canadian Music context of Montréal, Société de musique contemporaine du
Centre, Canadian League of Composers, socan, Canadian Québec, Groupe Le Vivier and its affiliated organizations).
New Music Network, professional musicians’ guilds), funding 6. For thoughts on how coloniality is linked to these
bodies (Canada Council for the Arts, provincial and municipal standardized ways of doing, see Dharmoo, 2019.
56
gabriel dharmoo
with a lens that involves an awareness of a comprehen- from considering and perceiving music as absolute,
sive identity politics and a tool to see my performativity universal, self-present, and autonomous. Because it
really only considerable from an interdisciplinary point isn’t that simple. Overall musical discourse could move
of view. One that isn’t just looking into the bedroom, towards perspectives that involve broader cultural and
57
these three elements form the bulk of my practice, I am being effeminate, even getting into a fight because
also a writer, a teacher, a concert and project curator, I enjoyed knitting. I remember secret bookstore trips
and an amateur entrepreneur. I also engage in fitness, to read xy magazine and other queer books. My mom
I enjoy books, tv and film, I cherish family and friends, took me to church every Sunday, and there often was
travelling, haute cuisine, haute couture, queer and drag anti-gay rhetoric from the pulpit, despite the significant
number of queer parishioners. Consequently, I was out
7. See: www.castleskins.org (accessed December 1, 2020). to my friends, but not my family until my late 20s.
58
gabriel dharmoo
A piece of music sits in my head like a painting on a music takes a different kind of time because my col-
wall. I need to transform that static painting into music laborators must engage in a process that is mostly unfa-
that occurs in time. I try to write down some rhythms, miliar to them and that requires them to listen actively.
and find myself frustrated. I cannot imagine how any- It becomes more difficult for me to apply for grants. My
59
prioritize citing new voices in order to transform the with the then very small and conservative Jewish com-
Eurocentric discourse around experimental music. As munity in Nova Scotia—which at that time was not very
I am learning now in a project led by author Dylan welcoming to intermarried families. And as a child of a
Robinson, I must also extend this undoing to the ways difficult divorce, I was all too aware that most stories
in which I listen. I want to learn to listen with my queer have multiple sides.
ear: to listen across time; to listen as an other and with Looking back, this all seems a bit self-absorbed, and,
others; and to listen to and with pleasure. of course, there would have been people who felt much
60
gabriel dharmoo
of interactions, new interpretations, new feelings: and assez âgé, barbe fournie et bouclée, légèrement teintée
I want my music to facilitate a similar kind of openness de jaune fumeur ; moi, je fixais le diachylon qui main-
and sense of possibility for those who play or listen to it. tenait les deux ovales de ses lunettes en place. Je vivais
sur un sofa fleuri, à l’époque. J’ai appris plus tard qu’il
61
C’est ce que m’affirme un autre « maître » – blanc de composition. Chaque fois, je me suis préparé·e
hétérosexuel assez âgé, barbe soignée. Nous étions le même discours mental : nommer ces phrases, les
installé·es dans la cafétéria d’une institution de perfec- plafonds de verre – genre, origine, orientation, santé
tionnement idyllique où j’avais été invité·e in extremis. mentale, classe sociale ; nommer aussi le bonheur
La voix du bellâtre était douce, cultivée, assertive. d’exprimer la beauté du monde sous forme de sono-
rités lyriques bruitistes décomplexées, celui de dessi-
ner le son plutôt que de le composer, de savoir mes
62
gabriel dharmoo
I knew the opera industry wouldn’t change for me. ration from the dichotomies I possess within myself
In the 2017 Emerging Creators Unit at Buddies in including my polarizing Japanese and German heritage,
Bad Times Theatre, I wrote and first performed an and the masculine and the feminine gender expressions
operatic play called The Queen In Me (tqim ), which I have always struggled with.
63
reinstills the original cultural inspiration appropriated being imposed on [her], and [she also doesn’t] want to
for this work by elevating the Japanese folk songs quoted impose stories on others.” I too believe in the strength
in the opera, forefronting the Japanese language, and of openness, I too “find myself seeking out situations
various Japanese instruments (mostly created electroni- where ambiguity and multiplicity are embraced.” The
cally) such as taiko, shamisen, fue, and koto. This is one only conclusions I can draw are the ones that speak
small step in the right direction for me as an intersec- to my own experience, not those of a reader whose
tional opera singer and interdisciplinary creator. identity I can’t assume.
64
gabriel dharmoo
belonging in ways similar to those Symon expressed, background; Anthony clearly states he is Black; Emily
65
66
S’il est un constat positif qui ressort de la crise que le genre opératique a
traversée au cours du xxe siècle, c’est bien que le renouveau dramatique s’y
joint au désir de prise de parole des compositeurs.trices. Au-delà de la simple
création d’un divertissement, l’opéra – depuis la réforme wagnérienne – pro-
fite de son statut d’art total pour se faire porteur des réflexions personnelles
et du discours philosophique de l’artiste. Les scènes lyriques sont désormais
ouvertes aux prises de parole engagée abordant des questions sociales ou poli-
tiques (on pense ici aux œuvres de Luigi Nono, de Michael Tippet et de Hans
Werner Henze), perpétuant sous divers avatars le concept du Zeitoper, cet
« opéra d’actualité » si cher au duo Kurt Weill/Berthold Brecht, et qui cherche
à parler au public présent des sujets de l’heure. De nombreuses créations des
vingt dernières années suivent cet exemple : évoquons seulement Dead Man
Walking (créé en 2000, à San Francisco) de l’Américain Jake Heggie, opéra
ayant pour sujet la peine de mort, créé dans un pays – les États-Unis – où
onze États pratiquent toujours ce châtiment. Plusieurs compositeurs.trices
ont également souhaité faire de l’opéra une manifestation artistique qui prend
racine dans la société actuelle et la critique.
é r i c c h a m pa g n e
Philippe Albèra synthétise ce constat à merveille :
C’est sans doute à travers des formes scéniques qui repenseront le genre de l’opéra
et en élargiront le concept que la musique actuelle trouvera un souffle nouveau,
c’est-à-dire en confrontant les réflexions formelles, les recherches sur le matériau,
avec des significations éthiques et sociales qui redonneront à l’art une place cen-
trale au sein de la conscience de l’époque1. 1. Albèra, 2003, p. 438. 67
é r i c c h a m pa g n e
Acquittement pour Médée, permet d’explorer plus à fond les relations homme-
femme et leurs conséquences sur plusieurs plans (émotif, psychique, social,
historique et politique). Il est cependant à noter que ce choix ne résulte pas
d’une volonté précise de représenter ni même d’exprimer le désir homosexuel,
mais bien d’utiliser ce ressort dramatique nouveau afin d’approfondir les
facettes du conflit qui se développe entre les personnages de Médée et de 69
L’esthétique que Palmieri développe dans Elia en est une de maturité, influen-
cée notamment par l’œuvre de Gilles Tremblay (dont il a été l’élève) et d’Oli-
vier Messiaen (particulièrement dans certaines couleurs harmoniques). Le
compositeur affirmait que son opéra s’inscrivait dans la lignée vériste (dans
l’optique de la tranche de vie si prisée par les compositeurs marquants de ce
7. Information relayée par Chantal courant) et que son langage était résolument néoromantique, et ce, tant dans la
Lambert, directrice de l’Atelier lyrique conception dramatique que dans l’esthétique musicale7. Affichant son amour
de l’Opéra de Montréal, dans une
correspondance courriel avec l’auteur
pour l’œuvre de Puccini, Palmieri manifeste clairement la volonté de créer
70 le 22 novembre 2020. un opéra où l’expression des sentiments de ses protagonistes est primordiale.
Première partie
Prologue
1 Orchestre
Scène 1
20 Raffaele, Ensemble vocal Exergue chanté en latin :
« Puis la mort et le séjour des morts furent jetés dans l’étang
de feu. L’étang de feu, c’est la seconde mort. » (Apocalypse,
20.14)
Scène 2
61 Elia 1 Elia est à l’asile. Cauchemars et souvenirs de l’infanticide
quelle a commis.
Scène 3
101 Elia 2, Carlo Duo d’amour/souvenir du bonheur conjugal (poème de Pier
(courte intervention d’Elia 1) Paolo Pasolini).
Deuxième partie
Scène 4
147 Ensemble vocal Échos sur le nom « Elia ».
179 Orchestre (solo de piano) Interlude i.
209 Elia 2 Elia écrit une lettre à Carlo pour lui confier ses craintes et sa
solitude. Elle se sent abandonnée par lui.
Scène 5
221 Carlo, Raffaele Carlo rejoint Raffaele chez lui.
230 Elia 2 - Fin de la scène de la lettre ;
- Danse (valse) ;
« Ave Maria » (poème de Daniele Pieroni).
260 Orchestre Interlude ii.
274 Raffaele, Carlo - Après avoir consommé leur amour, Carlo quitte Raffaele
pour rejoindre Elia ;
- Aria de Carlo (poème de Daniele Pieroni).
304 Orchestre Interlude iii.
Scène 6
317 Elia 2, Elia 1 - « Psaume des eaux » (poème de Daniele Pieroni) ;
- Duo des deux Elia.
338 Orchestre Interlude iv.
Scène 7
é r i c c h a m pa g n e
357 Carlo, Elia 1 - Carlo rencontre Elia dans sa chambre. Elle refuse de
répondre aux questions de Carlo qui cherche à comprendre
les raisons de l’infanticide.
386 Carlo Carlo exprime son désespoir, puis médite sur un interlude
instrumental.
411 Ensemble vocal Échos sur le nom « Elia ».
417 Orchestre « Postlude-Cadence ». 71
L’action dramatique se déploie sur une harmonie quasi statique, soit sur
un accord de sept sons qui possède une couleur délicieusement polytonale :
accord de 7e de dominante sur do, auquel se superpose un accord de do dimi-
nué. Au violoncelle alternent un ré bémol et un do, le ré bémol étant ici une
appogiature qui ajoute une tension à la fois plaintive et sensuelle propre au
demi-ton mélodique. Cette harmonie ambivalente crée une tension qui
oscille entre l’appréhension et l’expression d’une affection. Elle s’instaure
sur un ostinato rythmique de doubles croches, noté piano ou pianissimo
72 selon l’instrument. Une montée chromatique sur les deux derniers temps
Chez Raffaele. Carlo frappe à la porte Chez Raffaele. Carlo frappe à la porte
Raffaele Raffaele
Chi è la ? Qui est là ?
Carlo Carlo
Son’io Carlo. C’est moi, Carlo.
Carlo Carlo
Avevo da parlarti e… e mi languidevo di te. Je devais te parler et… et je me languissais
de toi.
é r i c c h a m pa g n e
nato de doubles croches, mais cette fois sur une harmonie très simple et
transparente (Figure 2) : le demi-ton plaintif du violoncelle (ré bémol/do)
et des mi en alternance d’octave à la main gauche du piano. Ce matériau
se transpose en marche chromatique (mes. 224) pour mener à une texture
frémissante (mes. 225). Notée piano, cette mesure reprend plusieurs éléments
du statisme harmonico-rythmique du début de la scène, mais progresse 73
é r i c c h a m pa g n e
Le deuxième extrait (mes. 279-303) est aussi révélateur de l’expression d’un
désir gay, cette fois-ci dans une aria en bonne et due forme12. Carlo s’apprête à 12. Un enregistrement vidéo de cette
scène, extrait de la captation de la
quitter Raffaele pour rejoindre Elia. L’amant ardent de désir demande à Carlo
création de l’opéra, est disponible au
de rester, mais ce dernier doit partir. Sous forme d’un récitatif, ces répliques sein des suppléments web du présent
précédant l’aria sont chantées a capella, entrecoupées de quelques interven- numéro de Circuit, à l’adresse suivante :
https://revuecircuit.ca/web.
tions instrumentales qui épousent les souhaits à peine retenus de Raffaele. 75
On notera les mesures 279-281 (Figure 3), insérées entre les vers déclamés
« Che tu non parta ancora » et « Resta con me ? », écrites pour le quatuor à
cordes dans un savant contrepoint où des traits de triolets se confrontent à
d’autres en simples croches et créant une impression d’instabilité malgré la
souplesse des lignes instrumentales. Cette intervention se poursuit par un
c i r c u i t v o lu m e 31 n u m é r o 1
court segment de vibraphone puis de piano avant de conclure sur des roule-
ments de tam-tam, qui ajoutent une couleur d’espoir et de lumière au désir
exprimé par Raffaele. La nuance est piano pour l’ensemble de l’intervention,
lui conférant une ambiance intime propice à la confession des désirs.
Le dialogue que couvrent les neuf mesures 276-284 cède donc le pas à
l’aria de Carlo, qui s’avère un épisode beaucoup plus développé. Si le dia-
logue emploie un niveau de langage simple et direct, l’introspection de Carlo
présente un style nettement plus poétique, usant de références codées et de
76 symboles quelque peu hermétiques. Le texte évoque notamment un célèbre
é r i c c h a m pa g n e
Giacché permettendo l’aera incursione Depuis, permettant l’incursion aérienne, je
été retenu ici.
depoveno la veste e l’arguzia di cittadino délaisse mon vêtement et la verve citadine
vanesio. vaniteuse.
E accettavo come ovino mansueto il marchio J’ai accepté comme un mouton docile la
a fuoco, marque au fer rouge,
la cerimonia montana d’una cresima lepida, le rite montagnard d’une subtile Confirmation,
tra cime e pendi i che fanno la mia cattedrale. entre les cimes et abîmes qui font ma
cathédrale. 77
FIGURE 4 Sylvio Palmieri, Elia, mes. 300-301. Reproduit avec l’aimable autorisation des ayants droit de Silvio Palmieri.
c i r c u i t v o lu m e 31 n u m é r o 1
78
é r i c c h a m pa g n e
que « [l]’artiste est un sujet qui se meut
coming out de l’artiste. Elle est ici l’outil d’expression parfait pour s’affirmer dans le désir et par là même reste
éternellement inassouvi » (Jacques et
au grand jour. Dans The Queen’s Throat, Wayne Koestenbaum cherche à Lefebvre, 2005, p. 199, 223).
comprendre en quoi l’opéra – et plus généralement la voix chantée – est lié à
l’incarnation du désir, et ce, particulièrement chez les homosexuels. Il écrit :
« Queers have placed trust in coming out, a process of vocalization. Coming 79
bibl io g ra phie
Abbate, Carolyn (2004), « Musicologie, politiques culturelles et identité sexuelle », in Jean-
Jacques Nattiez (dir.), Musiques : une encyclopédie pour le xxie siècle, vol. 2, Arles/Paris,
Actes Sud/Cité de la musique, p. 822-830.
Albèra, Philippe (2003), « L’opéra », in Jean-Jacques Nattiez (dir.), Musiques : une encyclopédie
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Bourion, Sylveline (2011), Le style de Claude Debussy : duplication, répétition et dualité dans les
stratégies de composition, Paris, Vrin.
Celletti, Rodolfo (1987), Histoire du Bel Canto, Paris, Fayard.
Champagne, Éric (2006), « Une saison effervescente pour l’opéra contemporain à Montréal »,
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Champagne, Éric (2016), « De l’homosexualité à l’opéra », L’Opéra : revue québécoise d’art
lyrique, no 8, p. 49-50.
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Grandena, Florian et Gagné, Pascal (2020), « Xavier Dolan : queer ou coincé ? », in Isabelle
Boisclair, Pierre-Luc Landry et Guillaume Poirier Girard (dir.), QuébeQueer, Montréal,
Presses de l’Université de Montréal, p. 475-489.
Jacques, Alexia et Lefebvre, Alex (2005), « La création artistique… Un en-deçà du Désir »,
Cahiers de psychologie clinique, vol. 24, no 1, p. 187-213.
Koestenbaum, Wayne (1993), The Queen’s Throat : Opera, Homosexuality and the Mystery of
Desire, New York, Poseidon Press.
par titio n
é r i c c h a m pa g n e
Palmieri, Silvio (2004), Elia, Montréal, Centre de musique canadienne au Québec.
adr esses u rl
Hind, Rolf (2015), « Queer Pitch : Is There Such a Thing ? », The Guardian, 12 septembre, www.
theguardian.com/music/musicblog/2015/sep/12/queer-pitch-classical-music-gay-composers-
by-rolf-hind (consulté le 15 décembre 2020).
ecm+ Opéra Elia (extraits, 2004), https://vimeo.com/14531492 (consulté le 29 août 2020). 81
Rober t Hasegawa
actualités
analytiques pour toute personne impliquée quotidien-
nement dans les mystérieux processus de la création
musicale : « Pourquoi ce choix d’une note ou d’un
rythme ? » ; « Quel est le point commun entre ces deux 83
riches et détaillés pour chacun des quarante-huit textes. propre mise en musique polyphonique d’un psaume
On y trouve des descriptions étape par étape de pro- pour chœur (1985) ; d’autre part, Julius Bahle, dans
cessus de composition (Bennett, Sloboda, Reynolds), un projet remarquable, mais peu connu (1929-1939),
des journaux intimes et des carnets de bord (Schaeffer, recourt à des questionnaires envoyés à des composi-
Henze, Platz, Pesson), des réflexions post-hoc sur la teurs – dont Arnold Schönberg et Ernst Krenek – pour
psychologie de la création (Cowell, Saxton), des entre- recueillir des informations sur leur mécanismes de
tiens (Honegger, Adams, Reich) et des descriptions de composition. Sloboda et Bahle adoptent tous deux une
techniques ou de systèmes de composition (Carter, méthodologie basée sur l’introspection, une approche
84 Dallapiccola). La grande diversité des approches est de la recherche psychologique aujourd’hui largement
actualités
français. Dans ce contexte, ce livre constitue un ajout lyse des pratiques musicales de l’Ircam, dirigée par
impressionnant à la bibliothèque des écrits de compo- Donin lui-même8 ? Enfin, l’essai « L’autre tigre » de
siteurs5, et sa valeur est considérable pour les artistes Chaya Czernowin, dense et élégant – en plus d’être
qui cherchent des modèles d’autoréflexion écrite. l’unique texte d’une compositrice dans le volume –, 85
illustrer la composition comme une sorte de recherche 2. Pour une introduction aux méthodes introspectives, voir
« Introspection » d’Eric Schwitzgebel, dans la Stanford Encyclopedia of
scientifique laissant peu de place à l’inspiration, le Philosophy, https://plato.stanford.edu/entries/introspection (consulté
86 compositeur défend la primauté de « l’étincelle créa- le 5 septembre 2020).
actualités
Mathieu Laca, American Poet (d’après un portrait de Walt
Whitman), 2015. Huile sur lin, 155 x 120 cm. Collection privée. 87
Fa n n y G r i b e n s k i
actualités
dans une histoire à la première personne » (p. 13-14). tions de matériaux, de forme, et de dispositifs, variations
Le désir de Bernier de « partager les idées qui d’autant plus perceptibles et frappantes que le diapason
[l’]ont mené à ce travail » résume en tout cas bien est d’une « pureté » exemplaire. Cette tension entre la
l’objet de ce livre, entendu à la fois comme son maté- simplicité de l’outil et la richesse de son histoire est ce 89
Lissajous, Rudolf Koenig, Hermann von Helmholtz présent électronique » (p. 31), que Bernier a matéria-
et John Tyndall), et les catalogues de fabricants lisée par la rencontre entre diapasons et oscillateurs
de diapasons (comme Max Kohl) qui l’ont initié à dans ses installations. C’est là un geste fort, qui montre
l’« importance du diapason dans notre compréhension notamment la vertu heuristique d’un contact direct
des phénomènes audibles » (ibid.), des résonances par avec les collections et leurs objets pour qui veut explorer
sympathie, aux battements et autres décompositions l’histoire des technologies sonores. Cette fonction de
des sons complexes en fréquences fondamentales. Le pont entre des époques est également au cœur du texte
diapason jette aussi des ponts entre ces pratiques scien- que Simon signe dans ce livre, consacré aux liens entre
90 tifiques et les débats qui ont entouré la question de son histoire des sciences et musiques électroniques.
actualités
91
actualités
la composition. Si je me conçois d’abord comme com- plus en plus de mettre les pratiques en dialogue. La
positeur de musique contemporaine par mon rapport formation actuelle, en sextuor, est riche en possibilités
à l’écriture, à la conceptualisation et à la recherche, timbrales et contient, en soi, une variété de pratiques
le son d’ensemble et le type d’interactions que je sou- qui se prolongent et rencontrent parfois des limites à 93
actualités
Simard à la viole d’amour, j’ai concentré mon écriture tiendra également les projets des membres qui se join-
sur des états liminaux, sur des seuils d’ambiguïtés entre dront au cours de l’année.
timbres bruités et passages mélodiques, ainsi que sur cdb étant doublé d’une étiquette de disques, au
des pivots entre différentes évocations de traditions. La moins quatre enregistrements seront par ailleurs lancés 95
que le poète Michel Collot écrit au sujet de la relation 5. Parmi ses fondateurs, on trouve le compositeur de musique de
scène et propriétaire du Studio du Chemin 4, Ludovic Bonnier, le
que la création artistique entretient avec le paysage : contrebassiste, improvisateur et pédagogue Stéphane Diamantakiou
« si l’artiste doit peindre “ce qu’il rêve”, ce n’est pas en ainsi que le compositeur et multi-instrumentiste David Simard.
se détournant de ce qu’il voit, mais en le prolongeant 6. Depuis 2019, le réseau Excentrés rassemble quatre centres œuvrant
en musiques nouvelles dans le but de favoriser des rencontres, des
par l’acte de cette seconde vue qu’est l’imagination,
créations et des diffusions inter-centres. Le Centre d’expérimentation
en une sorte de rêver-voir7 ». Cette conception me
c i r c u i t v o lu m e 31 n u m é r o 1
96
Mathieu Laca
Quand je suis né, j’avais déjà trente ans. J’ai appris la jeunesse sur le tard et
par correspondance. Mon excuse : j’ai grandi coincé entre une mère dont la
douceur ferait pâlir les pâquerettes et un père à l’humeur aussi stable que
celle d’un taureau d’arène. Résultat : j’ai tué en moi l’idée du monde. Je
me suis enfermé dans ma chambre pour lire les classiques de la littérature
française avec, aux lèvres, le sourire d’un poseur de bombes. J’avais autant de
morale que L’Étranger de Camus et autant d’espoir en la vie qu’une chanson
de Nirvana. Je m’étendais dans le champ en attendant de me décomposer.
Raté : j’étais encore vivant.
Un jour, deux professeurs m’ont remarqué et m’ont initié à l’art. Ce fut
une révélation. Dessiner. Peindre. Enfin, je pouvais être. Pur fantasme.
Accessoirement, il semblait que j’étais gay. Depuis, je pratique régulièrement.
J’ai même détourné dans le mariage l’un de ces professeurs dont j’affection-
nais la fronde. Comme je suis méchant !
Contre toute attente, mes tableaux se sont mis à se vendre. Ha ! Les gens
s’arrachent maintenant mes faciès texturés. Ha ! Ha ! Tous les jours dans
mon atelier, auprès d’un gros chien qui dort et d’un époux qui fait chanter sa
mandoline, je produis des croûtes à mon goût immonde et vais continuer à
le faire très, très longtemps. Ha ! Ha ! Ha !
l e s i l l u s t r at i o n s
www.mathieulaca.com (consulté le 19 février 2021)
97
Paul Bazin bué au Grove Music Online, à Musicworks et rique et culturelle, ainsi que les significa-
à Circuit, musiques contemporaines. Dans les tions des situations de concerts reposant
Paul Bazin a terminé des études docto-
années 1990, elle a créé plusieurs documen- sur la performance. Dans ces contextes, les
rales à l’Université McGill (2020), où il a
taires pour l’émission Ideas de CBC Radio et rôles de la répétition et du rituel gagnent
consacré ses recherches aux théories
de nombreux reportages pour CBC Radio 2. une signification accrue et s’incarnent
microtonales d’Ivan Wyschnegradsky ainsi
Entre 2001 et 2020, madame Bernstein a musicalement dans le travail d’Annette.
qu’à leur héritage, notamment chez Bruce
été directrice artistique de Summer Music in
Mather et Pascale Criton. Récipiendaire
the Garden, une série annuelle de concerts Éric Champagne
du prix Fondation Socan/MusCan pour
gratuits présentés au Toronto Music Garden.
la recherche sur la musique canadienne, Récipiendaire du prix Opus « Compositeur
Elle a été conférencière invitée à l’Université
boursier du crsh, de la banq, de l’oicrm de l’année » en 2020, Éric Champagne
de Toronto, au Centre des arts de Banff, à
et de l’Université McGill, Paul Bazin a vit et travaille à Montréal. Il a étudié,
l’Université Stanford et aux universités de
développé une spécialité touchant à la entre autres, auprès de Michel Tétreault,
Colombie-Britannique et de Victoria (C.B.),
musique des compositeurs québécois de François-Hugues Leclair, Michel Longtin,
et a donné des cours de formation conti-
l’après-guerre ainsi qu’à la musique micro- Denis Gougeon, Luis de Pablo, José
nue sur la musique à l’Université Ryerson.
tonale. En 2019, avec Robert Hasegawa, il Evangelista, John McCabe et Gary Kulesha.
Née à Winnipeg, Tamara est titulaire d’une
a c odirigé un numéro de la revue Circuit Sa musique est régulièrement interprétée
maîtrise en interprétation et littérature du
consacré à la microtonalité. En 2021, l’un de au Québec comme à l’étranger. Il a de plus
piano.
ses articles – consacré à la cantate Psaume collaboré avec divers poètes et artistes
pour abri du compositeur Pierre Mercure – Annette Brosin visuels pour la réalisation de projets multi-
a été mis en nomination pour le prix Opus disciplinaires. Compositeur en résidence à
« Article de l’année » du Conseil québécois Originaire d’Allemagne, la compositrice l’Orchestre Métropolitain (om) de Montréal
de la musique. Ses textes sont publiés dans et bassiste Annette Brosin a vécu sur la de 2012 à 2014, il occupe le même poste à
les revues Circuit, Les Cahiers de la sqrm Côte Salish et, depuis 2009, en territoire la Chapelle historique du Bon-Pasteur de
et Intersections. Coordonnateur adminis- Cowichan, sur l’île de Vancouver. En 2016, Montréal de 2016 à 2018. En juin 2017, son
tratif et secrétaire de rédaction de Circuit, elle a obtenu un doctorat en composition monumental Te Deum, pour solistes, chœur
musiques contemporaines depuis 2017, il de l’Université de Victoria. La musique et orchestre, a été présenté au Carnegie
collabore régulièrement avec divers orga- d’Annette a été jouée et diffusée en Hall de New York. De plus, Yannick Nézet-
nismes du milieu montréalais, dont l’ecm+, Amérique du Nord, en Amérique du Sud et Séguin et l’om ont interprété son poème
les auteurs.trices
le nem, la smcq, Le Vivier et le Cmc Qc. en Europe continentale. L’artiste s’intéresse symphonique Exil intérieur en novembre
à une variété de questions ayant trait à la 2017, lors de concerts donnés à Cologne,
Tamara Bernstein relation de plus en plus complexe qui se Amsterdam et Paris.
développe entre les technologies numé-
Tamara Bernstein est une journaliste riques et la musique en tant que lieu de Gabriel Dharmoo
musicale, curatrice de concerts et éduca- reproduction culturelle. Ces questionne-
trice basée à Toronto. Elle a publié plus ments se reflètent directement sur ses Gabriel Dharmoo est compositeur, voca-
de 1300 articles dans le Globe and Mail et compositions, qui explorent les aspects liste, improvisateur, performeur interdis-
le National Post, et a notamment contri- de la mémoire, de la désintégration histo- ciplinaire et chercheur. Son travail a été 99
les auteurs.trices
transmission orale, à Éliane Radigue et
pour sa plume directe et facile d’approche, relevant de la théorie et de l’analyse de la
aux montagnes russes. Nickel a également
elle collabore notamment avec l’Orchestre musique. Ces thèmes sont largement abor-
cofondé le festival Cluster : New Music +
Métropolitain et Tourisme Montréal dés dans une monographie à venir, intitu-
Integrated Arts (Winnipeg, Manitoba), qui
depuis 2017. lée Making Sex Sound : Vectors of Difference
en est à sa douzième saison.
in Electronic Music (Cambridge, mit Press,
2021), le premier livre à explorer la sexua-
lité dans la musique électronique.
101
résumés/abstracts
orientation, queer.
que l’artiste s’identifiait ouvertement comme homo-
Specters of Sex: Tracing the Tools and sexuel, le thème est pratiquement absent des catégories
Techniques of Contemporary Music Analysis d’écrits sélectionnés. Cet article se penche d’abord sur
Music has often served as a vehicle for sexual expression. les choix éditoriaux qui ont présidé à l’édition de ses
But within a musical context saturated with many sonic écrits, puis sur leurs conséquences sur la perception
phenomena, music-analytical tools can be limited in du personnage Claude Vivier et de son style musical, 103
résumés/abstracts
identitaires. Chaque témoignage illustre la façon dont lyriques : pour la première fois dans un opéra québécois,
une expérience queer et marginale peut profondément des personnages gays expriment leur condition et leur
influencer les façons de conceptualiser, créer, diffu- désir. Dans un contexte où la représentation des réalités
ser et comprendre la production propre à ces artistes. queers au sein du genre opératique est de plus en plus
Grâce à un éventail de perspectives, l’article cherche à courante et explicite, cette analyse examine les stratégies
élargir notre compréhension de la queerness, non seu- créatrices qui permettent à Palmieri d’exprimer dans 105
10 6 Mathieu Laca, Francis Bacon ii, 2016. Huile sur lin, 107 x 137 cm. Collection privée.