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Revue africaine de management - African management review

ISSN : 2509-0097
VOL.3 (1) 2018 (PP.55-68)
http://revues.imist.ma/?journal=RAM

Vers une approche spécifique de gouvernance de l’entreprise familiale

Taib BERRADA EL AZIZI*, Badr HABBA*,


*Chaire « Entreprises Familiales au Maroc », ESCA École de Management, Maroc

Résumé :

Cet article présente les spécificités des entreprises familiales et interpelle un changement de registre traditionnel
de la gouvernance tant en ce qui concerne les risques identifiés que les dispositifs à mettre en œuvre. Nous
introduisons une approche de gouvernance centrée autour de la problématique du renforcement des liens
familiaux et de l’engagement des associés familiaux à l’égard de l’entreprise. Nous analysons par la suite les
mécanismes adoptés par des entreprises familles marocaines qui réussissent à concilier performance et
préservation du contrôle familial.
Mots clés : Entreprise familiale ; pérennisation ; Gouvernance, Liens familiaux, Instance familiale de
gouvernance.

Abstract :

This paper presents Family Businesses specificities and calls for a change in the traditional Governance
mechanisms both with regard to the risks and the devices to be implemented. We introduce a governance
approach centered on the problem of strengthening family ties and the commitment of family members to the
company. Then, we analyze the mechanisms adopted by Moroccan family business which succeed in reconciling
performance and preservation of family control.
Keywords : Family Businesses ; sustainability ; Governance ; Family ties ; Family governance

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1. Introduction
Selon « Family Business Institute », seulement 30% des entreprises familiales survivent à la deuxième
génération, 12% durent jusqu’à la troisième, et environ 3% prospèrent à la quatrième génération ou au-delà. Ces
statistiques sont alarmantes car les entreprises familiales constituent sans conteste la forme la plus répandue de
l’initiative privée de par le monde. Elles transcendent entre toutes les tailles d’entreprises (TPE, PME, grandes
entreprises). Leur prévalence économique n’a pas pourtant eu sa contrepartie en intérêt puisque jusqu’à un passé
récent le capitalisme familial a été rattaché à une image d’entreprises cloisonnées autour des logiques de la rente
et du népotisme. Nombreuses sont cependant les études qui attestent aujourd’hui de la vision à long terme de ces
organisations. Quitte à s’engager dans un contre-courant, le contrôle familial du capital de ses sociétés qui a
longtemps été décrit comme expression de formes anciennes, vieillissantes aux antipodes des rigueurs de la
finance, constitue aussi l’envers d’une organisation qui a pour propriétés de soustraire les entreprises familiales
aux emballements court-termistes des marchés financiers, d’allonger les horizons temporels et de stabiliser les
cadres de l’investissement (Wang et Zhou 2012).
La conscience de l’importance de ces atouts et la prévalence du poids économique des entreprises familiales ont
permis une nette amélioration de leur image. Pourtant, en réalité, malgré leur résilience organisationnelle et leur
performance, une part importante des entreprises familiales peinent à survivre au-delà des premières générations.
Au –delà de s’attarder sur le symptôme en analysant leurs spécificités, nous avons jugé pertinent d’aller chercher
les causes profondes de cette rupture douloureuse tant au niveau économique que social. Nous étudions les
facteurs clés de succès des sociétés qui ont réussi le défi de la continuité. A ce niveau, de plus en plus d’écrits
corroborent l’idée de l’enjeu des mécanismes familiaux de la gouvernance et de leur importance en tant que
facteur de stabilisation et de préservation de l’harmonie familiale qui est au cœur de la pérennité (Berent-Braun
et Uhlaner 2012, Fahed-Sreih 2009 et Tower et al. 2007).
Donc, fondamentalement, l’entreprise familiale de par ses spécificités congénitales qui naissent de
l’entremêlement tant économique, social et émotionnel entre la famille et l’entreprise nécessite une relecture du
cadre de l’étude de sa gouvernance (partie I).
Cette porosité entre plusieurs systèmes parfois avec des finalités et des logiques différentes pour ne pas dire
antinomiques et finit par créer les principales raisons de fragilisation des entreprises familiales. L’enjeu de la
préservation de la continuité passe alors par la prise en considération de la gouvernance de l’entreprise familiale
en tant que philosophie axée autour du management des équilibres entre les intérêts de la famille, de l’entreprise
elle-même et des membres de la famille (partie II).
L'approche méthodologique de cette recherche est qualitative. L’étude empirique menée auprès des entreprises
familiales marocaine à forte maturité a soulevé les principaux enjeux de la gouvernance de ces entreprises ainsi
que les instances et les dispositifs préconisés pour sa mise en œuvre. Les dirigeants des entreprises familiales
étudiées sont conscients de l’enjeu que présente la mise en œuvre de dispositifs familiaux de maintien de
l’intensité du lien et de l’engagement familiaux en vue d’éviter l’effritement du contrôle familial. Souvent, les
entreprises familiales meurent avec le temps. La dispersion du clan familial au grès de l’évolution des
générations finit par entacher le déroulement des processus économiques de l’entreprise. L’importance de la
structuration du fonctionnement de la famille et la clarification de son interface avec l’entreprise, la prise en
compte des attentes des membres familiaux, la lutte contre l’atténuation des liens familiaux, les rivalités et les
crises émotionnelles surgissent alors comme les principaux enjeux de la gouvernance de l’entreprise familiale.
Les réunions de famille, les processus de socialisation des descendants, la charte familiale et les instances
familiales se placent alors au cœur de cette problématique qui obnubile la majorité des dirigeants et de plus en
plus les pouvoirs publics et la communauté économique (partie III).

2. L’entreprise familiale nécessite une relecture du cadre de la gouvernance


traditionnel
Si les définitions de l’entreprise familiale foisonnent. En général, ce qui ressort des travaux académiques est
qu’une entreprise familiale désigne une entreprise dans laquelle la famille détentrice contrôle la majorité de vote
et est surtout mue par la volonté de transmettre l’entreprise aux autres générations. Cette insistance sur le critère
qualitatif traduit l’importance de la volonté de transmission en tant que philosophie de management. La majorité
de la littérature sur le sujet atteste qu’au-delà des clivages culturels entre les pays et les économies, le
management familial, au sens large du terme, est largement dominé par la logique de la préservation et de la
sécurisation de l’entreprise en tant qu’actif familial (Siebels et al. 2012). Au-delà d’édicter un cadre de gestion
spécifique aux entreprises familiales tant en terme d’objectifs que de politiques adoptées, cette spécificité vient

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remettre en cause l’adéquation du cadre de réflexion traditionnel sur la gouvernance des entreprises dans le cas
des firmes familiales.
2.1 Le contrôle familial remet en cause les contours de la littérature sur la gouvernance des
entreprises managériales
Le contrôle familial est associé à un contexte relationnel et à des objectifs tout à fait différents de ceux postulés
dans les travaux sur la gouvernance des entreprises managériales (a). Au centre, se positionne la volonté de
préservation du contrôle familial (b).
a. Le contexte relationnel du contrôle familial
La séparation entre la propriété et la direction qui caractérise les entreprises managériales cotées implique que,
techniquement, pour les dirigeants, la seule possibilité d’agir sur le bien-être des actionnaires consiste en la
maximisation de leur richesse. Dans cette lignée, la majorité des théories qui ont vu le jour depuis les travaux
fondateurs de Berle et Means (1932) et Coase (1937) sur la théorie de la firme ont fait référence à un corps
d’hypothèses instituant principalement l’asymétrie d’information entre les parties impliquées et la rationalité des
acteurs en présence (celle-ci s’exprimant par la volonté de chacun de maximiser sa propre fonction d’utilité).
Dans ce cadre de réflexion, il est tout à fait simple d’imaginer qu’un dirigeant d’une entreprise qui dispose d’un
avantage informationnel par rapport aux actionnaires et qui, de plus, cherche à maximiser sa propre utilité
(richesse, avantages en nature, …) prendrait des décisions qui ne s’inscrivent ni dans l’intérêt de la société ni
dans celui des actionnaires. Le corpus des travaux s’inscrivant dans le courant de la théorie de l’agence (Jensen
et Meckling, 1976) a largement permis d’élucider l’impact pernicieux de l’asymétrie d’information et des conflits
d’intérêts sur la maximisation de la valeur de l’entreprise et les distorsions qu’ils introduisent dans les
comportements des entreprises et les décisions prises par les managers.
Aux yeux de bon nombre d’intéressés, l’avènement de certains faits marquants tels la célèbre histoire de Jean
Marie Messier ancien patron de Vivendi dans les années 90 mais aussi d’autres faits marquants a été une preuve
vivante que des histoires pareilles, racontées par M. Jensen dès 1986 (i), ne sont pas de simples écrits issus de
l’imagination d’une recherche académique mais reflètent les réalités de l’entreprise et du contexte économique
actuel. Concrètement, la théorie de l’agence a montré que les conflits d’intérêts entre les actionnaires et les
dirigeants impliquent des coûts pour l’entreprise en vue de leur résolution. Jensen et Meckling (1976) parlent de
coûts d’agence. Ces coûts intègrent, entre autres, les coûts de surveillance (engagés par le principal pour vérifier
que les décisions prises par l’agent sont conformes à ses propres intérêts). Dans cette lignée, l’une des voies de la
recherche académique a par la suite été concentrée sur les mécanismes et dispositifs de gouvernance permettant
de discipliner les dirigeants et de les obliger à agir dans l’intérêt des actionnaires. Ces travaux que nous pouvons
regrouper sous la houlette de « la gouvernance de l’entreprise » se sont essentiellement focalisés le rôle du
conseil d’administration, l’indépendance des commissaires aux comptes, les dispositifs juridiques prévus par les
différentes lois sur les sociétés
Dans le cas des entreprises familiales, la situation est tout à fait différente du contexte décrit ci-dessus. Hirigoyen
(2014) affirme que « si dans les entreprises managériales, il existe des dispositifs de gouvernance, tels que le
conseil d’administration, l’assemblée des actionnaires, etc. Souvent, dans les entreprises familiales, l’on oublie
la nécessité d’organiser la gouvernance de la famille ». Cette assertion témoigne à notre avis du clivage profond
qui existe entre les contextes des entreprises managériales et familiales, tant les différences sont importantes.
Celles-ci concernent tout d’abord la philosophie managériale et les objectifs poursuivis par le management des
entreprises familiales, mais surtout la nature tout à fait distincte du lien familial lorsqu’il se place comme lien
juridique entre des associés.
b. La volonté de préservation du contrôle familial
L’entreprise familiale présente une différence congénitale par rapport aux autres catégories d’entreprises, celle-ci
réside dans l’existence d’un lien entre les associés qui dépasse le contrat de société (Harvey et Evans 1994). La
société familiale est une affaire de famille. Les liens familiaux qui unissent les associés rendent le contexte de
l’entreprise fortement relié à la solidarité familiale, à la légitimité du fondateur, et même après lui, à la culture
qu’il instaure et aux émotions.
Ces traits font que les objectifs poursuivis ne se conforment pas de manière stricte à la finalité ultime de la
recherche de la maximisation de la valeur des actions ou à celle de la rentabilité. Les études montrent que dans la
plupart des cas, la finalité essentielle est d’assurer le développement de l’entreprise dans des conditions qui
permettent la préservation du contrôle familial de l’entreprise et sa transmission entre les générations. Le
développement de l’entreprise devient alors contraint non seulement par les possibilités qu’offre son
environnement mais surtout et principalement par la culture d’indépendance, d’autonomie et de stabilité. Le
souci des chefs d’entreprises s’apparente plus à la préservation du patrimoine, la réussite de la succession et la
sauvegarde de l’indépendance financière de leur entreprise (Hirigoyen, 2002 ; Allouche et Amann, 1998). Des
études empiriques corroborent cette thèse de la prédominance des objectifs de la survie, de la capacité

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d’autofinancement parmi les priorités des chefs des entreprises familiales par rapport aux objectifs de la
rentabilité (ii).
2.2. Les risques qui justifient la nécessité d’une vision particulière de la gouvernance des entreprises
familiales
Les principaux risques qui permettent de légitimer une vision particulière de la gouvernance des entreprises
familiales tout en en dénotant l’importance couvrent essentiellement les conflits familiaux (a), les risques
d’erreurs stratégiques inhérents au caractère familial (b) et enfin, l’aversion des fondateurs à planifier leur
succession (c).

a. Le risque des conflits familiaux


L’enseignement principal qui ressort des travaux académiques définit l’entreprise familiale en tant que symbiose
entre plusieurs sous-systèmes (famille, entreprise, membres familiaux). Cette vision si elle autorise une vision
intégrée permet aussi de nous rappeler la probabilité de genèse de soucis organisationnels et humains dans ces
entreprises du fait de la cohabitation entre des systèmes sociaux dont les finalités sont a priori incompatibles
(Pieper et Astrachan 2008). Une telle situation déboucherait, entre autres, sur la confusion des rôles (iii), les
conflits d’intérêts et les rivalités entre les membres ou les clans familiaux. Elle provoque aussi une certaine
confusion des rôles. De l’autre côté, du point de vue des dirigeants, nombreux sont ceux qui estiment que des
attitudes préjudiciables à la logique de la croissance s’enracinent dans les esprits des actionnaires non impliqués
dans la direction de l’entreprise et finissent par devenir un blocage réel à la continuité. Cette situation se produit
lorsque les actionnaires familiaux non engagés dans le management considèrent que l’entreprise est assez
surdimensionnée et qu’ils ne désirent pas voir engagés leurs bénéfices dans des situations d’investissement
risquées dont ils se seraient passés. Il est donc fort probable que les acteurs en présence entrent en conflit lorsque
les actionnaires familiaux externes à l’entreprise ne sont pas convaincus par les finalités de la politique
d’investissement. Ce conflit a par ailleurs lieu dans un contexte où les uns et les autres se connaissent
personnellement et où les actionnaires sont quasi-parfaitement informés.
En définitive, les conflits familiaux peuvent déboucher sur une situation d’inertie pour la croissance de la firme.
Un niveau d’endettement raisonnable si l’on se réfère à la pure logique économique, pourrait être perçu comme
étant trop risqué dans une perspective familiale (Boyer et al., 1999). En filigrane à ce type de conflits, souvent au
sein des entreprises de seconde génération, le déploiement de l’entreprise en hypo-groupe répond à l’impératif de
résolution des conflits entre les frères et les sœurs (Wong, 1985). Les nouvelles entités créées, tout en étant une
extension naturelle de l’entreprise familiale, impliquent, toutefois, une dispersion des ressources financières
familiales aux dépens des investissements de l’entité centrale (Carney et al., 2002).

b. Les risques d’erreurs stratégiques


Le cumul de la propriété du capital et de la direction de la société au sein des structures familiales aboutit dans
diverses situations à une efficacité limitée. Les causes de cette sous performance présumée de certaines
entreprises familiales seraient dues à l'absence de concurrence pour le choix de la personne la plus qualifiée pour
diriger le groupe, mais aussi à une plus grande réserve à l’égard de l’endettement (Allouche et Amann, 1998,
Hirigoyen, 1985, Berrada et al, 2014).
En conséquence, la performance dans les entreprises familiales n’est pas stimulée par l’augmentation du risque de
faillite créée par la dette. En l’absence d’endettement significatif, avec un risque de défaillance plus limité, les
dirigeants ne recherchent donc pas la performance maximale, ce qui constituerait une source de fragilité à terme.
Néanmoins, parfois, c’est la situation inverse que l’on rencontre. Ainsi, à titre d’illustration, et dans le contexte de
la mondialisation, la ténacité patrimoniale des dirigeants de la société familiale moyenne française Joker, leur
désir acharné de préserver le contrôle du capital (en évitant l’ouverture du capital) et leur compréhension
insuffisante de l’évolution des métiers de l’entreprise, les ont poussé à surestimer la capacité de l’entreprise à
secréter des cash-flows dans l’avenir et à financer la croissance externe et les investissements de production par
endettement. Lorsque la tendance des marchés s’est inversée, l’entreprise s’est trouvée en situation de
surendettement.
Dans la même perspective de l’analyse du risque d’erreur stratégique, surgit la question de surinvestissement au
sein des entreprises familiales. En effet, l’ambiguïté qui entoure la décision d’investissement de cette catégorie
d’entreprises concourt parfois à une aggravation de leurs difficultés. Le manque de rigueur observé parfois est
nourri par une idée courante selon laquelle en raison de la faible asymétrie d’information avec les actionnaires
familiaux, les dirigeants des entreprises familiales n’ont pas besoin de disposer d’une stratégie d’investissement
fondée sur des critères clairs. A peine insiste-t-on que cette lisibilité s’impose lorsque l’entreprise est en phase de
planifier une phase d’investissements massifs et a besoin d’accéder à l’endettement. Le manque de réflexion dans
le processus d’investissement et l’excès de confiance dans l’intuition et l’imitation ont été « parfois à l’origine
d’investissement désordonnés, voire inopportuns » (Hirigoyen, 2002). Or, comme l’écrit Gélinier O. « ne pas
investir, c’est la mort lente ; mal investir, c’est la mort rapide »

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c. L’aversion des fondateurs à planifier leur succession


« Ce que tu as enterré dans ton jardin ressortira dans le jardin de ton fils », telle est l’image de la succession
comme pré dessinée dans notre culture arabo-musulmane ; une préservation de l’effort intergénérationnel pour les
prochaines générations. L’un des principaux risques tient à l’hésitation et au tabou qui entoure cette manœuvre
tant elle est décisive ; derrière ce report, la peur de l’échec mais aussi parfois les valeurs culturelles. A ces
facteurs d’ordre attitudinal, s’ajoute la nature des actifs transférables. Les principales ressources d’une entreprise
familiale sont, pour l’essentiel, constituées d’actifs spécifiques « en raison de l’interaction qui s’y produit entre
la famille, les individus-acteurs et l’entreprise » (Habbershon et al., 1999). De ce point de vue, les principales
ressources identifiées revêtent, entre autres, l’engagement des membres familiaux (Neubauer et al., 1998), la
culture et la réputation familiales (Dyer, 1986). De tels actifs permettent aux entreprises familiales de développer
et déployer des stratégies spécifiques et super-performer le marché (Cabrera–Suarez et al., 2001, p. 38). Les
relations de long terme avec les banques et les autres partenaires peuvent être décrites de ce point de vue. La
question de préservation de ces actifs devient alors stratégique. Leur fragilisation signifie une plus grande
vulnérabilité de l’entreprise surtout pendant les phases de transition (Ang, 1991). Mais si la transmission de
l’affaire entre générations risque de rendre les ressources familiales, actifs par nature intangibles, plus fragiles,
cette exposition à un risque de vulnérabilité s’accroît lorsque les dirigeants ont du mal à prendre en compte la
succession comme un véritable acte de management stratégique.
Parfois, la réticence des fondateurs à déléguer leur autorité fait que la succession entraîne une rupture des
relations avec les principales parties prenantes. L’attentisme des fondateurs, peut avoir des retombées
pernicieuses pour l’entreprise. Il implique une incertitude sur la propriété et la continuité du contrôle de
l’entreprise, le report des opportunités d’apprentissage pour les successeurs potentiels mais aussi des
conséquences négatives sur le degré d’engagement des actionnaires familiaux (Vilaseca, 2002) et la visibilité
stratégique de l’horizon d’investissement.
Le degré du succès de la succession est fondamentalement lié à la nature des liens émotionnels que le successeur
établit avec son père, de sa capacité à préserver les grands équilibres tout en insufflant du changement. Miller et
al., (2003) ont ainsi établi typologie de successions à partir de ce critère du degré de maturité du successeur et de
ses réactions émotionnelles face à la culture instituée par le fondateur. Ils attirent l’attention sur le fait qu’en
raison des relations affectives qui lient ces deux personnages (fondateur et successeur) et l’écart d’expérience,
entre eux, il existe un risque que les réactions des successeurs de la seconde génération puissent être extrêmes et
aboutissent à la défaillance de l’entreprise. Deux types de réactions sont possibles de la part des nouveaux
dirigeants face à la trajectoire dominante sous le règne de leurs prédécesseurs. Une première catégorie de
succession peut être qualifiée de rebelle. Les successeurs représentatifs de cette tendance semblent rejeter
l’héritage familial et s’inscrire en totale rupture tant dans les domaines stratégiques qu’organisationnels. Bien
évidemment le revirement opéré affecte substantiellement la politique d’investissement de l’entreprise. Le souci
de mener le changement s’accompagne d’une rupture au niveau des activités et des couples produits / marchés.
Ce revirement s’opère au gré d’opérations de nouvelles acquisitions, d’investissement de croissance et de
nombreux désinvestissements. Ce processus traduit parfois une ambition de croissance démesurée, parfois mal
raisonnée, qui finit par piéger l’entreprise dans le cycle vicieux du surendettement et aboutit même à la perte du
contrôle familial.
Les auteurs dénotent aussi le danger de situations inverses où les successeurs paraissent plutôt excessivement
dépendants de la trajectoire tracée par les fondateurs. Ils ont tendance à privilégier le statu quo, l’immobilisme
aux dépens des préoccupations dictées par l’évolution environnementale. Ces successions conservatrices sont
marquées par une stabilité des choix stratégiques, l’aversion à l’égard du risque et par-là même une politique
d’investissement assez inerte. Elles pourraient aussi s’avérer fatales pour l’entreprise.

3. Le besoin de réflexion sur une grille de lecture spécifique à l’entreprise familiale


Les tentatives d’expliquer le comportement et les avantages des entreprises familiales à l’aune du cadre de la
théorie de l’agence sont nombreuses. La forme de gouvernance étudiée dans la littérature de l’entreprise familiale
a été celle où la famille réunit les critères de contrôle et de direction. Le développement de la théorie de l’agence
a ainsi renforcé cette conception de l’entreprise familiale, en tant que structure organisationnelle au sein de
laquelle les risques de comportements déviants des dirigeants sont atténués du fait de la concentration des rôles
de principal et d’agent (actionnaire et dirigeant). Les membres de la famille sont liés par des liens affectifs qui
gouvernent leurs relations ; ils n’ont pas d’intérêt à agir contre ce qui représente leur capital et patrimoine. Il en
résulte un avantage en termes de coûts d’agence pour les entreprises familiales. Les situations potentielles de
conflit peuvent apparaitre mais le fait d’être en famille permet mieux de les juguler.
A l’extrême, dans une telle acception, l’entreprise familiale se trouverait dans une situation tout à fait idyllique au
sens de la théorie d’intendance puisque le conflit d’intérêt et l’asymétrie d’information, seraient reléguées au
second plan ; une entreprise sans conflit d’agence, le dirigeant agissant par nature dans le sens de l’intérêt des
associés (Sharma, 2004). Nous avons toutefois tout au long de nos propos montré que des problèmes spécifiques

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aux entreprises familiales peuvent apparaître, comme les rivalités dans l'actionnariat familial (Caby et Hirigoyen,
2002), la difficulté d’assurer la succession. De telles dissensions risquent de compromettre la réussite des vœux
familiaux de voir réussie la transmission aux générations futures(v). Cette préoccupation rend nécessaire de
prendre en compte l'évolution des liens familiaux et du cycle de vie de l'entreprise au cours du temps. En effet, les
liens entre les membres de la famille « commencent graduellement à s'atténuer et déclenchent des forces qui
contribuent à diminuer plutôt qu'à construire la confiance » (Steier, 2003). Dans ce contexte familial entaché de
l’émotionnel, la logique du contrôle cède la place à une logique d’accompagnement et de stabilisation. Il s’agit
alors de concevoir la gouvernance de l’entreprise familiale en tant que philosophie axée autour du management
des équilibres entre les intérêts de la famille, de l’entreprise elle-même et des membres de la famille.

3.1 La gouvernance de l’entreprise familiale en tant que philosophie axée autour du


management des équilibres entre les intérêts de la famille, de l’entreprise elle-même et
des membres de la famille
Le temps soumet l’entreprise familiale à différents enjeux, risques et défis. Ce fait indéniable pousse les
chercheurs et les patrons à réfléchir à une approche en vue d’assurer la survie de l’entreprise familiale alors que
les défis relatifs à la dynamique des activités, des marchés et des technologies s’accompagnent d’un défi d’une
toute autre nature, lié à l’accroissement du nombre de membres de la famille au grès de l’évolution des
générations. Cette thématique, aussi ancienne soit-elle a suscité ces dernières années de multiples investigations
sur la façon dont l’entreprise familiale parvient à survivre au cours du temps. L’idée centrale qui en ressort
consiste à dire que si la morphologie de l’entreprise familiale et les risques qui la traversent ramènent le débat
autour de thématiques originales, le management des équilibres se place alors au cœur des enjeux identifiés
(Olson et al.2003) La réussite interpelle un dosage savant entre des intérêts parfois en contradiction, ceux de la
famille, de l’entreprise et des membres de la famille. Cette préoccupation revient avec la même acuité ou presque
dans l’ensemble des entreprises familiales au-delà de leur taille, de leur cotation ou non ; elle s’intensifie
cependant à l’aune de l’agrandissement de la famille.

a. Le maintien de l’équilibre entre les intérêts des différentes composantes de l’entreprise familiale
De plus en plus, l’idée que les entreprises familiales sont la conjugaison de deux sous-systèmes antinomiques
devient caduque. S’attachant à une conception optimiste autour des synergies, est apparu un courant dit de la
conception systémique (Habbershon et al., 2003). Dans cette approche, l’idée centrale est de veiller à ce que les
sous-systèmes qui composent le l'entreprise familiale en tant que système interagissent ensemble de manière à
créer une synergie positive (Eddleston et Kellermanns 2007). Celle-ci naissant de la porosité entre les
composantes. Une telle valorisation de l’interaction signifie que les sous-systèmes « entreprise, famille et
membres familiaux » puissent générer par le biais de l’action collective ce qu’ils ne peuvent pas produire à eux
seuls. La conceptualisation de l’entreprise familiale est alors opérée à l’image de trois sous-systèmes : la famille,
l’entreprise et chaque membre de la famille individuellement. De cette interaction nait le familiness, nœud
d’actifs spécifiques à l’entreprise familiale et qui permet de la différencier au-delà des simples indicateurs
économiques et financiers. Allouche et Amman (1998) relèvent ainsi que « l’interpénétration et la simultanéité
des rôles : identité partagée, histoire commune, implication émotionnelle, langage privé, sensibilisation mutuelle
et la signification symbolique de l’entreprise familiale » puissent conforter la performance de ces entités, le tout
créant une dynamique de confiance encastrée dans le maillage des relations familiales qui structurent et façonnent
au quotidien la structure de l’entreprise dans ses valeurs, ses normes et son fonctionnement.
Le maintien de l’équilibre entre ses trois composantes est alors au centre des préoccupations, de plus que chaque
système évolue parfois selon une trajectoire qui lui est propre. Le risque d’effritement loin d’être une éventualité
est un des soucis majeurs (Steier, 2003). Hirigoyen (2008) précise ainsi : « l’affectio-societatis s’estompe, le
contrôle familial devient vulnérable et l’attachement émotionnel à la propriété familiale se délite ».
Le déroulement spontané des processus économiques et familiaux ne vont pas de soi. La cohésion repose sur le
maintien et la conciliation entre les attentes fondamentales de chacune des parties prenantes internes. La richesse
sociale prend tout son sens de la réussite de cet équilibre entre un capital social, dans le sens sociologique du
terme, et un capital financier, la coexistence harmonieuse devient alors le principal enjeu. Il est fondamental de
préciser, en évoquant Sorenson (1999), que la réussite de l’entreprise et celle de la famille et inversement. Une
entreprise qui réussit autorise en effet une famille à avoir librement en interne un dialogue ouvert (Gallo et
Kenyon-Rouvinez 2005). Une famille forte pose à son tour les fondements de la réussite de l'entreprise (Lansberg
1999).. Le risque de rupture peut provenir d’une composante ou d’une autre, c’est à titre d’illustration le cas
lorsque la famille met une charge trop grande sur la société. L’entreprise familiale peut se rompre à cause de la
trop grande pression familiale qu’elle doit supporter. Pour cette raison, il peut être approprié d’élaguer à temps
l’arbre familial en réduisant le nombre de propriétaires familiaux en désignant les membres de la famille et les

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branches de la famille forment le système d’entreprise familiale et en structurant de manière claire les zones
d’interaction entre les composantes.
b. La prise de conscience de l’éclosion du risque d’atténuation des liens et de l’engagement
familiaux à long terme
Lorsqu’on s’interroge sur les ingrédients d’une vie réussie, la réponse de Freud est sans équivoque « aimer et
travailler ». Tel est l’état d’esprit qui traverse les entreprises familiales et serait même derrière leur réussite
parfois fulgurante. Cette philosophie de vie nécessite cependant un mécanisme difficilement appréhendable, celui
de l’engagement à la fois envers la famille, ce qui matérialise l’amour, et envers l’entreprise, ce qui matérialise la
réussite, l’effort et le sacrifice. Si on arrive aujourd’hui à évoquer les entreprises familiales, c’est qu’elles ont pu
développer et nourrir ce type d’engagement de par ses deux facettes.
Pourtant, nombreux sont ceux qui soulignent le risque d’atténuation de l’engagement et des liens familiaux du fait
du relâchement de l’attachement à l’entreprise familiale au fur et à mesure que la structure de l’actionnariat
familial évolue et se disperse (Ward, 1997 ; Romano et al., 2000) surtout en l’absence d’anticipation de la part de
la famille.
Dans l’un des modèles les plus célèbres, Ward montre ainsi clairement l’association qu’il peut y avoir entre
l’évolution de l’actionnariat familial et l’évolution de la nature des préoccupations des associés familiaux ; celles-
ci s’éloignant au fur et à mesure d’un référentiel commun fédérateur. Il s’agit alors, pour l’essentiel, d’analyser
l’évolution des objectifs de la firme familiale à travers le double prisme du cycle de vie et de la métamorphose
des préoccupations des actionnaires (Labaki 2011) (viii).

Tableau 1 : Phase d’évolution de la structure de propriété

Phase d’évolution de la structure de Les préoccupations des actionnaires


propriété
Phase 1 : le(s) fondateurs  Transfert du pouvoir
 Planification de la succession
Phase 2 : le partenariat entre frères et sœurs  Maintien de la cohésion.
 Maintien de la propriété et du contrôle familiaux.
 Succession.
Phase 3 : la confédération de cousins  Préoccupations financières
(dividendes, niveaux d’endettement et de profit).
 Niveau de liquidité des titres de propriété.
 Culture/traditions familiales.
 Résolution des conflits familiaux.
 Participation et rôle de la famille.
 Les liens entre famille et entreprise.

La première étape se caractérise généralement par un fort engagement de la part du fondateur(s) envers le succès
de son entreprise et par une structure de gouvernance relativement simple. Dans l’ensemble, cette étape laisse
surgir des problèmes de gouvernance d’entreprise peu complexes par rapport à la suite en raison de la
concentration du contrôle et de la propriété de l’entreprise entre les mains des mêmes personnes : le(s)
fondateur(s). La légitimité du patriarche joue aussi le rôle de mécanisme de gouvernance implicite. Néanmoins,
cette phase finit par poser le problème lancinant de la succession.
La deuxième phase voit la famille s’étendre et avec cette évolution, laisse apparaître des contraintes inhérentes à
la dilution de la propriété, à un début d’éclosion des intérêts propres à chaque descendant. Néanmoins, le fait de
travailler entre frères et sœurs permet quand même de maintenir une cohésion relative tant au niveau de la prise
de décision que dans l’intensité du lien familial (vii). Cet arrangement est tributaire de manière significative de la
manière dont les frères et sœurs ont été éduqués, du contexte culturel, des mécanismes mis en place par le
fondateur pour éclaircir la nature des positions et des liens pour l’avenir. La seconde phase est donc
fondamentalement tributaire de la première et de la vision du fondateur.
L’avènement de la phase de « confédération de cousins » n’est pas spontané mais quand il se produit rend la
gouvernance plus complexe. Il laisse apparaitre des clans familiaux dont parfois les intérêts sont totalement
éloignés et nourrit le potentiel des conflits familiaux. En effet, lors de cette phase, davantage de membres de la
famille sont directement ou indirectement impliqués dans l’entreprise, y compris les enfants des frères et sœurs,
les cousins et la belle-famille. Beaucoup de ces membres appartiennent à des générations différentes, ayant des
logiques non forcément identiques. Il devient probable que leurs visions diffèrent quant à la manière dont
l’entreprise devrait être gérée et avec laquelle la stratégie générale devrait être définie. Par exemple, la décision
de réinvestir les bénéfices dans l’entreprise au lieu de les distribuer sous forme de dividendes peut être perçue de

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manière différente par les divers propriétaires, en fonction des autres rôles qu’ils assument au sein de
l’entreprise. Un associé qui travaille dans l’entreprise familiale peut ne pas s’opposer à une telle décision
puisqu’il perçoit en contrepartie un salaire et des avantages de la part de l’entreprise. Inversement, un associé
non impliqué dont la source principale de revenus dépend des dividendes pourra développer un avis distinct
sachant qu’il a peu de possibilité de diversifier son portefeuille à l’image d’un actionnaire tout à fait ordinaire.
Cette catégorie d’associés sera effectivement intéressée de recevoir des dividendes plus élevés et plus fréquents.
La gouvernance devrait alors intégrer ces attentes de liquidité et l’équilibre à construire entre la croissance et le
maintien de l’équilibre familial.
Pour Carrau (2014), la question de la conservation des liens familiaux est tout aussi tributaire à l’attention
accordée à la succession. A cet égard, il préconise de ne pas imposer les valeurs, ni les arrangements. « Dès lors
que les choses ne sont pas exprimées ou symbolisées, elles constituent un barrage codé imposé aux successeurs.
…Des sortes de fragments transmis sans être assimilables en l’état, mais potentiellement sources de mal être
pour les héritiers du mandat familial » (Carrau, 2014, p 23). La transmission de l’entreprise familiale est
multidimensionnelle. Elle implique le transfert du pouvoir de décision, de l’expérience et de la propriété
(Fletcher, 2000). Ces évènements ne se produisent pas simultanément. Ainsi, l’expérience est transmise à travers
l’apprentissage fait dans l’entreprise avant même que le transfert des parts d’intérêt n’ait lieu. Par ailleurs,
Goldberg (1996) estime que les meilleurs successeurs sont ceux qui ont bien prouvé leur compétence managériale
pendant la période qui précède leur désignation.

Sharma (2004), quant à lui, soutient que la performance des entreprises familiales est difficilement soutenable
sur la durée à moins de migrer sur un sentier conduisant à aligner l’harmonie familiale et la performance
économique. La majorité des auteurs dénotent l’effet souvent dévastateur des conflits familiaux et les rivalités
pour revendiquer une position ou convoiter la succession et occuper le fauteuil de la direction (Miller et al. 2003)
confirmant si certains en doutent l’importance des émotions au sein de l’entreprise familiale (Gomez-Mejia et
al. 2007). La maitrise des émotions ne fait pas totalement partie de notre registre, il parait quand même important
de souligner le rôle des instances familiales de ce point de vue émotionnel et affectif. La sociologie de la famille
fait de la répétition des actes dans lesquels la famille s’active le réceptacle de la construction du sentiment
familial et de sa régénérescence. Les repas et les réunions de famille sont l’occasion de sacrifier au rituel du
transgénérationnel et ainsi de poursuivre le tissage de l’histoire familiale commune. Bourdieu (1993) affirme que
les rituels familiaux servent à institutionnaliser le sentiment familial en tant que vecteur affectif de cohésion. Cet
effort d’institutionnalisation est fondamental au sein de l’entreprise familiale ; il en va de la continuité d’un
capital familial symbolique cristallisé dans une famille, un nom, une culture commune.
Il est évident qu’à long terme, il devient vital de mettre en place des structures de gouvernance bien identifiées et
des mécanismes de gouvernance familiale qui sont à même d’établir des canaux de communication efficaces,
une définition claire des rôles et des attentes de chaque personne impliquée dans l’entreprise familiale et une
stratégie de gestion de l’actionnariat familial dont le cœur est le maintien de l’engagement familial.

3.2 La gouvernance de l’entreprise familiale interpelle des dispositifs organisationnels et


institutionnels centrés autour de la famille

La dernière section de cet article est empirique. A travers une recherche qualitative, dans le cadre d’une posture
interprétativiste, nous cherchons à comprendre les dispositifs de gouvernance mis en œuvre aujourd'hui par des
entreprises familiales marocaines ayant réussi le défi de la transmission à la deuxième génération tout en
conciliant performance et maintien du contrôle familial. Six cas de groupes familiaux composent notre
échantillon.

Tableau 2 : Les Cas de groupes familiaux de l’étude empirique


ENTREPRISE FAMILIALE L’INTERVIEWE FONCTION
GROUPE RICHBOND Karim TAZI Administrateur
DARI COUSPATE Hassan KHALIL Directeur Général
T-MAN HOLDING Abdelillah Raji Président
SOFT GROUP Mohamed Kabbaj Président
GROUPE TIKIDA Jalil BENABBES-TAARJI Directeur Général
LABORATOIRES AZBANE Khalida Azbane Directeur Général
Nos données proviennent des entretiens semi-directifs. Nous avons abordé avec les l’interviewés les points
suivants :
 La mise en liaison entre les spécificités du caractère familial d'une entreprise et les risques qu’il fait
naitre pour les dirigeants et les associés.

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 La spécificité et les éléments de complexité de la gouvernance des entreprises familiales


 L’organisation des instances et les dispositifs préconisés pour la mise en œuvre de la gouvernance à
partir des expériences concrètes
Notre objectif est de corroborer les différents points évoqués par la littérature dans le contexte marocain, mais
aussi de faire émerger des thèmes de façon exploratoire.

Dans l’ensemble, les dirigeants des entreprises familiales marocaines étudiées considèrent la gouvernance
familiale comme un art de l’équilibre entre les diverses composantes de l’entreprise familiale et de préserver
l’entreprise des perversités qui risquent de surgir au sein de la famille. Plus celle-ci vieillit, les enjeux et les
attentes ne sont plus forcément les mêmes, la légitimité de la culture familiale finit elle-même par s’affaiblir. Il
devient alors décisif d’évoquer le volet institutionnel comme axe de stabilisation. De ce point de vue, la majorité
des dirigeants insistent sur le fait qu’à partir d’un stade d’évolution, les institutions de gouvernance familiale
jouent le rôle de vecteur de renforcement de l’harmonie et des relations familiales autour du devenir de
l’entreprise. En permettant aux membres de la famille de se réunir sous une ou plusieurs structures organisées,
les institutions familiales intensifient les possibilités de communication entre les membres familiaux et leur
entreprise de la même manière qu’elles leur offrent l’opportunité institutionnaliser un rituel pour discuter des
aspects qui peuvent concerner autant l’entreprise que la famille. Ces activités organisées contribuent à
l’amélioration de la compréhension des enjeux, des contours des décisions prises et à accroitre l’engagement des
membres de la famille. En d’autres termes, ce qui était parachuté du temps du fondateur devient discutable voire
même rejetable lorsque les jeunes générations deviennent impliquées. La gouvernance en tant que mécanisme de
consensus devrait alors s’appuyer progressivement sur des dispositifs qui prônent le dialogue et l’équité au sein
de la famille.
3.3 La holding familiale est un véritable levier juridique au service de la préservation du
contrôle familial
Selon plusieurs dirigeants interviewés, la holding familiale offre plusieurs avantages, dont sa capacité à dissocier
le capital et le pouvoir, ce qui permet au fondateur de transmettre à l’un de ses héritiers le contrôle de la société,
sans léser pour autant ses autres héritiers d’un point de vue patrimonial ou, dans le cas des groupes familiaux,
d’organiser la direction des sociétés entre les frères et les sœurs tout en gardant la stabilité du capital social des
entités faisant partie du giron du groupe. En l’occurrence, un fondateur peut désigner chacun de ses enfants à la
tête d’une des sociétés du groupe familial en organisant la propriété et la répartition du capital social entre les
enfants au sein d’une holding familiale ; celle-ci possédant directement les sociétés d’exploitation. Un tel levier
juridique permet d’éviter les aléas de l’indivision et de coupler la méritocratie managériale à l’impératif de
l’équilibre familial. Les fondateurs peuvent aussi prévoir, dans le cadre des statuts de la holding, des clauses
dédiées à assurer la préservation du contrôle familial. Par exemple, les clauses de préemption obligent un
éventuel associé familial qui souhaite céder ses parts sociales à les transmettre en priorité au sein du cercle
familial. La holding permet aussi une sécurisation juridique des entreprises familiales structurées en groupes en
évitant aux dirigeants de se retrouver dans des positions de non-conformité eu égard aux dispositions légales. En
l’occurrence, les dirigeants peuvent en organisant la remontée des dividendes à la holding assurer l’appui
financier des sociétés appartenant à la famille et engagées dans des programmes d’investissement intenses ou
passant par des périodes de conjoncture tendues.
3.4 La charte familiale et les instances familiales sont au cœur du dispositif de gouvernance des
entreprises familiales :
Il est un fait indéniable, presque toutes les entreprises familiales étudiées ont instauré des mécanismes de
gouvernance familiale. Celle-ci s’articule en général autour de deux dispositifs principaux : la charte familiale et
les instances familiales. C’est grâce à ces dispositifs que se règlent les principales questions de gouvernance
familiales.
a. La charte familiale
La charte familiale est une sorte de constitution familiale, La charte familiale n’a pas de valeur juridique, mais
une connotation morale qui est encore plus forte. Signée par tous les membres, elle reprend l’ensemble des
valeurs de la famille et fixe parfois même les conditions nécessaires pour pouvoir y entrer; elle retrace les
grandes lignes de l’engagement familial envers la vision et la mission centrales de l’entreprise. Elle permet aussi
de définir les rôles, les compositions et les pouvoirs des principaux organes de gouvernance de l’entreprise :
membres de la famille / actionnaires, conseil d’administration et dirigeants. La charte familiale éclaircit les
relations entre les organes de gouvernance et précise comment les membres de la famille peuvent contribuer à la
gouvernance de leur entreprise.
Si la majorité des familles sont conscientes de l’enjeu de la délimitation des zones de pouvoir de chaque membre
familial et des frontières entre les instances, souvent, de telles directives participent de la vision du fondateur. La

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position de patriarche au sein du clan familial est un facteur de légitimation de ces décisions qui touchent à la
position des descendants dans l’entreprise et de leur territoire ; ceci permet lors des premières générations le
maintien de la stabilité. Il est un risque de voir évoluer cette situation lors des générations successives, la
formalisation de la charte devient alors nécessaire. Par ailleurs, un tel dispositif devrait évoluer pour
accompagner le développement de l’entreprise familiale et le transfert entre générations.
Une charte familiale devrait permettre d’appréhender au moins les éléments suivants :
 La vision, les valeurs et la mission familiales ;
 Les institutions familiales, notamment l’assemblée familiale, le conseil familial, ..., etc.
 Le conseil d’administration ;
 Les dirigeants ;
 L’autorité, la responsabilité et les relations entre la famille, le conseil d’administration et les dirigeants ;
 La formation de membres de la famille aux métiers de l’entreprise et à la gestion ;
 Les politiques concernant les enjeux familiaux importants, tels que l’emploi des membres de la famille, la
politique de gestion de l’actionnariat, la succession,
 La résolution des conflits et le recours à la médiation (désignation d’un médiateur),
 Les modalités de révision de la charte.
Dans certains groupes familiaux de notre étude, la charte intègre même les modalités de financement et soutien
de projets de membres de la famille (études, création d’entreprise…). Parmi les thématiques évoquées que nous
détaillons à titre d’illustration :
Politique de gestion de l’actionnariat :
Cession et transfert des actions et parts sociales (droit de Préemption, conditions de cession)
Droit de rétention des titres
Emissions d’actions
Politique de dividendes
Investissement dans d’autres sociétés
Politique de gestion de l’emploi des membres familiaux :
Admission
Responsabilités
Rémunération
Evaluation et carrière
b. L’organisation des instances familiales :
Notre étude auprès des entreprises familiales marocaines et les « best practices » préconisées dans ce cadre, il
ressort pour l’essentiel que les principales instances identifiées sont : l’assemblée familiale et le conseil familial.

 L’Assemblée Familiale :
Si dans la majorité des cas, lors de l’étape du fondateur de l’entreprise, l’assemblée familiale prend la forme
d’une « réunion familiale » relativement informelle et assez fréquente, l’assemblée familiale évoquée ici, elle, est
une réunion de discussion formelle qui réunit tous les membres de la famille en vue de débattre des questions et
problématiques communes à l’entreprise et à la famille. Cette assemblée permet à tous les membres de la famille
de se tenir au courant des questions concernant l’entreprise et leur offre l’opportunité d’exprimer leurs opinions
sur le développement de l’entreprise et les sujets familiaux d’une certaine importance significative. Les
assemblées familiales contribuent également à éviter les conflits éventuels qui pourraient surgir parmi les
membres de la famille à cause d’un accès inégal aux informations et aux autres ressources.
De telles assemblées familiales se tiendraient généralement une ou deux fois par an environ afin de discuter et de
gérer les sujets importants pour la famille sur la base d’un projet préétabli.
La programmation de ces questions et la présidence de l’assemblée familiale reviennent généralement au
patriarche de la famille ou à un autre membre respecté de la famille. Dans les familles plus nombreuses, cette
tâche incombe généralement à un conseil familial désigné parmi l’assemblée.
A titre d’exemples des questions traitées au cours des assemblées familiales, nous pouvons évoquer :
 L’approbation de tout changement dans la vision familiale ;
 La sensibilisation des membres de la famille au sujet de leurs droits et responsabilités ;
 L’approbation des aspects relatifs à l’emploi des membres de la famille et leur rémunération ;
 L’élection des membres du conseil familial (si le conseil existe) ;
 etc.,
 Le conseil familial
C’est le cas lorsque l’entreprise familiale est au stade du fondateur et que celui-ci réunit ses enfants dont le
nombre est limité dans un comité familial périodique en vue de communiquer autour des questions à l’ordre du
jour, de construire une vision concertée mais aussi souvent de cantonner les conflits potentiels ou effectifs à ses
réunions fermées entre membres familiaux en évitant des situations de non-retour. Une autre situation surgit

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lorsque la famille a atteint une taille considérable, en général plus de 30 membres, il devient quasi impossible
pour l’assemblée familiale de parachever des discussions et de permettre une prise de décision rapide,
consensuelle et efficace. C’est à ce moment qu’il devient essentiel de mettre en place cette seconde instance,
conseil familial qui est alors formée, comme un organe de gouvernance représentatif pour l’assemblée familiale
dans la coordination des intérêts des membres familiaux à l’égard de leur entreprise. Dans ce second cas, le
conseil permet une meilleure vision consensuelle au sein de la famille mais exige avec plus d’acuité la question
de la légitimité de ses membres. De ce fait sa taille est relativement réduite. Toutefois, ces attributs ne font pas
de ce conseil la réplique du conseil d’administration.
Dans tous les cas, le conseil doit veiller à l’élaboration d’un plan stratégique familial connecté au plan
stratégique de l’entreprise.
Les principales missions d’un conseil familial incluent le plus souvent :
 Être le lien principal entre la famille, le conseil d’administration et la direction.
 Suggérer et discuter des noms des candidats pour l’adhésion au conseil d’administration.
 Élaborer et réviser les documents relatifs à la position de la famille sur sa vision, sa mission et ses valeurs.
 Élaborer et réviser les politiques familiales, telles que l’emploi familial, la rémunération et les politiques
relatives à la détention d’actions par la famille.
 Aborder les autres affaires importantes pour la famille.

3.5 La bonne gouvernance passe aussi par la prise en compte des attentes des parties prenantes
L’entreprise familiale est exposée à des pressions qui l’incitent à se transformer. Cela devrait relever avant tout
d’un choix de stratégie d’évolution. L’objectif in fine reste la transparence pour une bonne gouvernance. Celle-ci
passe nécessairement par une plus grande visibilité des décisions notamment financières et une meilleure prise
en compte des attentes des parties prenantes.
En effet, les dirigeants des entreprises familiales interviewés sont conscients du risque d’absence d’une équité
entre les membres de la famille. Cela concerne notamment le risque inhérent à l’ambiguïté de la politique de
rémunération des associés familiaux tant internes qu’externes à l’entreprise. La politique de dividendes devient
un vecteur principal de stabilisation des liens familiaux dans la mesure où elle permet un équilibre entre l’intérêt
de l’entreprise d’une part (financement des opportunités de croissance et maintien d’un volume de capitaux
propres raisonnable) et celui des membres familiaux externes à l’entreprise. La politique de dividendes
permettrait ainsi de gérer les risques de conflits familiaux qui naissent parfois dans de telles circonstances.
L’adoption d’une politique de dividendes claire permet aussi de rassurer les pourvoyeurs de fonds (banquiers,
fournisseurs, …) qui craignent souvent les effets pervers du caractère familial notamment la confusion
patrimoniale et le risque de détournement des richesses par le biais des prélèvements au profit des membres
familiaux. La lisibilité des décisions et leur clarification vis-à-vis des parties prenantes est un des axes de la
gestion de la continuité de l’entreprise familiale puisqu’il s’agit de s’assurer que les principaux partenaires ne
remettent pas en cause l’équilibre de l’entreprise au moment de la succession. Tel est le cas des banques par
exemple qui reprochent aux entreprises familiales d’être insuffisamment sensibilisées à l’importance de
communiquer autour de leur gouvernance. De ce fait, il est recommandé aux dirigeants de veiller au
renforcement de la communication stratégique et financière envers les partenaires financiers et de clarifier leurs
besoins financiers en mettant à jour régulièrement leur plan d’investissement et de financement. Cet effort
d’instaurer une meilleure visibilité devrait aussi porter sur la politique d’investissement. Les dirigeants des
firmes familiales interviewés corroborent l’enjeu de la prise de décision d’investissement, de l’association qu’il
peut y avoir entre une décision d’investissement insuffisamment raisonnée et l’impact sur le déroulement des
processus familiaux. Ainsi, les fondateurs sont plus que d’autres tenus par la nécessité d’assurer la continuité
raisonnée de leur politique d’investissement même dans les instants où ils réfléchissent à leur départ. Souvent le
relâchement du rythme d’investissement avant la succession implique pour leurs descendants une situation où ils
sont obligés de rattraper les investissements sacrifiés en négligeant les possibilités d’un véritable développement
de l’entreprise. De telles erreurs viennent aggraver la complexité inhérente au contexte familial de la
succession et fragilisent la position du nouveau dirigeant.

Conclusion
La bonne gouvernance des entreprises familiales nécessite une rupture dans la philosophie de fonctionnement de
la famille qui fonctionne selon un registre purement émotionnel. Elle passe alors par l’éclaircissement de la
stratégie, de l’organisation, de l’interface entre la famille et l’entreprise et surtout par la prise en compte des
attentes des parties prenantes y compris les membres familiaux non impliqués dans la direction. Ceux-ci peuvent
s’avérer aussi destructeurs qu’une baisse de conjoncture pressante pour l’avenir de l’entreprise. De leur
engagement à l’égard de l’avenir de l’entreprise dépendra la capacité à pérenniser l’entreprise. La gouvernance

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de l’entreprise familiale devient alors pour une grande part une gestion des processus familiaux qu’il faut
encadrer par la mise en place de mécanismes de gouvernance appropriés.
La gouvernance interpelle aussi un effort, non évoqué dans cet article, d’une meilleure discipline au niveau
juridique ; dimension au centre de laquelle se situe l’intérêt social de l’entreprise elle-même. Une telle
amélioration devrait passer par une meilleure sensibilisation des chefs des entreprises familiales aux risques
naissant de certains comportements non conformes aux dispositions légales tant au niveau juridique que fiscal,
mais aussi aux dispositifs apportés par la loi pour leur faciliter cette mise en conformité. Nous évoquons à titre
d’illustration le risque de se retrouver dans le cas des conventions interdites de par les mécanismes de
financement souvent instaurés directement entre les sociétés appartenant à la famille pour consolider le
financement de certaines d’entre elles, habitudes que les diverses dispositions ressortant des lois sur les sociétés,
mais aussi la loi bancaire interdisent expressément. Un tel risque est souvent ignoré par les chefs des entreprises
familiales ; mais ce qui est regrettable encore plus c’est l’ignorance des possibilités offertes par le dispositif
juridique du holding et les incitations fiscales en vue d’accompagner les groupes familiaux pour leur adoption.
Tant de questions à ce niveau restent à éclaircir auprès des managers et seule une conscience de mener ce
chantier nous permettra d’évoquer une bonne gouvernance de nos entreprises familiales. Encore faut-il que les
pouvoirs publics soient impliqués dans ce processus. Au-delà des mesures ponctuelles, ils doivent faire preuve
d’une réelle volonté d’améliorer la visibilité qu’ont les dirigeants familiaux du point de vue juridique, fiscal et
financier, tant il est vrai qu’il ne suffit pas de réformer les procédures pour modifier les comportements dans un
domaine ou non seulement les contraintes opérationnelles, incitations ou les mécanismes mais plus le poids des
habitudes jouent un rôle plus que décisif.

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