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Résumé
[La gouvernance d’entreprise constitue l’un de ces sujets qui s’invitent toujours au débat et à l’actualité de la
recherche en sciences de gestion. Initialement de connotation financière et privilégiant l’étude de la seule
relation entre les dirigeants et les actionnaires dans une approche purement financière, le champ d’étude de la
gouvernance d’entreprise s’est élargi progressivement pour intégrer d’autres parties prenantes et couvrir d’autres
dimensions notamment les dimensions cognitive et comportementale.
La recherche académique s’est beaucoup intéressée à l’investigation de la relation possible entre les mécanismes
de la gouvernance de l’entreprise et sa performance. La plupart des études empiriques recensées dans ce travail
confirment l’existence d’une corrélation positive entre ces mécanismes et les différentes mesures de performance
opérées. D’autres études, néanmoins, remettent en cause cette causalité et nuancent fortement l’importance du
lien présumé.
Mots-clés : Gouvernance, performance, corrélation.
Abstract
[Corporate governance is one of the “hot” topics in management science. Initially, it had a financial connotation
and privileged the study of the only relationship between managers and shareholders in a purely financial
approach. The field of study of corporate governance has then widened progressively to integrate other
stakeholders and to cover other dimensions including cognitive and behavioral dimensions.
Academic research has been very interested in studying the possible link between the mechanisms of corporate
governance and corporate performance. Most of the empirical studies identified in this work confirm the
existence of a positive correlation between these mechanisms and the various performance measures performed.
Other studies, however, question this causality and strongly nuance the importance of the presumed link].
Keywords : Governance, performance, correlation.
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Introduction
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leur ouvrage de référence « The Modern Corporation and Private Property » qualifié du texte
le plus cité dans la littérature contemporaine sur la gouvernance d’entreprise (Gomez, 2009).
En effet, à travers leur ouvrage précité, Berle et Means ont soulevé la question de la
séparation entre la propriété et le contrôle au niveau de l’entreprise moderne. Ainsi, les
actionnaires, propriétaires du capital social, ne peuvent assurer la gestion quotidienne de la
firme et se voient dans l’obligation de désigner des administrateurs pour en assurer la
direction et le contrôle. Ces derniers, et dans l’absence d’un contrôle minutieux de la part des
actionnaires, peuvent mobiliser les ressources de l’entreprise pour leurs propres intérêts au
détriment de ceux des apporteurs des capitaux.
L’idée de base de Berle et Means est que l’entreprise moderne a modifié
fondamentalement les bases de la propriété privée. Ainsi, en renonçant à leur position de
propriétaires indépendants, les actionnaires se sont vus disputer le droit que la société soit
gérée dans leur seul et unique intérêt. En d’autres termes, le transfert du contrôle de la
richesse des actionnaires à une direction unifiée, a fait que cette dernière a été dotée d’un
pouvoir discrétionnaire qui a brisé la configuration classique des relations de propriété dans le
sens où l’entreprise est dirigée par des personnes autres que les investisseurs qui ont mis en
jeu leurs fortunes.
L’élargissement du champ d’adoption du contrôle unifié s’est manifesté par une
centralisation de plus en plus accrue de la richesse des actionnaires sous le contrôle central
des dirigeants, ce qui a élargi considérablement le pouvoir de ces derniers au détriment de
celui des actionnaires propriétaires.
La modification des rapports de force entre les actionnaires et dirigeants a accentué la
divergence d’intérêt entre ces deux parties. Dans ce cadre, Berle et Means ont souligné la
perte de pouvoir des actionnaires sur leurs entreprises, en affirmant que la dématérialisation
de la propriété de ces derniers, qui s’est traduite par la concentration de leur richesse dans les
actions immatérielles qu’ils détiennent, a entrainé une diminution de leur marge de manœuvre
sur leur propriété sous-jacente (entreprise physique et moyens de production) et une
dépendance de plus en plus accrue aux marchés. D’autant plus qu’avec cette révolution de
l’entreprise, l’actionnaire a perdu le privilège de façonner sa propriété physique, censée
représenter un prolongement de sa personnalité, et a perdu avec, la satisfaction qui lui aurait
été procurée et qui va au-delà des revenus générés par cette propriété.
Berle et Means partent de l’idée selon laquelle la recherche du profit personnel est la
force motrice qui guide les choix des dirigeants pour conclure que ces derniers dont les
intérêts sont divergents voire radicalement opposés à ceux des actionnaires ne satisferont en
aucun cas ces derniers car ils chercheront à satisfaire leurs propres intérêts.
La théorie de l'agence (Jensen et Meckling, 1976) est venue mettre l’accent encore
davantage sur les conflits d’intérêt qui existent entre les actionnaires et les managers en
confirmant que la séparation de la propriété du capital de la direction des entreprises a doté les
dirigeants d’un large pouvoir discrétionnaire dont ils peuvent facilement abuser.
Cette théorie considère que les actionnaires sont les « meilleurs garants de la bonne
gestion des entreprises en imposant des retours sur leurs investissements en capital
suffisamment élevés pour obliger les dirigeants à optimiser les outils de production » (Gomez,
2009).
Shleifer and Vishny, (1997) ont confirmé ces propos en affirmant que la gouvernance
d’entreprise traite des manières à travers lesquelles les pourvoyeurs de capitaux s’assurent
d’avoir un retour sur leur investissement1.
1
Selon Shleifer et Vishny, (1997) : « Corporate Governance deals with the ways in which suppliers of finance to
corporations asure themeselves of getting a return on their investment ».
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2
« Les stakeholders représentent l’ensemble des agents dont l’utilité est affectée par les décisions de la firme » (G.
Charreaux et P. Desbrières (1998)).
3
Le Cadbury Report, intitulé «Financial Aspects of Corporate Governance », est un rapport publié par " The Committee on
the Financial Aspects of Corporate Governance" présidé par Adrian Cadbury qui énonce des recommandations sur
l'organisation des conseils d'administration et des systèmes comptables susceptibles d’atténuer les risques et les
défaillances de la gouvernance d'entreprise.
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d’atteindre ces objectifs et de contrôler leur réalisation ». En outre, nous ajoutons la définition
donnée par le Code Marocain de bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise qui stipule que
« La gouvernance d’entreprise regroupe l’ensemble des relations entre les dirigeants de
l’entreprise et son organe de gouvernance avec les actionnaires d’une part et les autres parties
prenantes d’autre part et ce, dans l’objectif de création de valeur pour l’entreprise ».
Enfin, nous pouvons affirmer que l’approche partenariale de la gouvernance présente un
caractère révolutionnaire dans le sens où, elle a remis en question les fondements de
l’approche financière historiquement dominante. En conséquence, la finalité même de
l’entreprise a été modifiée profondément en passant de la recherche de la maximisation de la
valeur actionnariale à la poursuite de l’accroissement de la valeur partenariale qui garantit
l’intérêt général et assure un partage équitable de la richesse créée. L’implication de nouveaux
partenaires dans le processus de création et de répartition de la valeur, a entrainé un
changement de fond dans les rôles des mécanismes de la gouvernance à qui incombe
désormais la responsabilité, non seulement de maximiser la valeur partenariale, mais de
limiter les pertes de valeur liées aux conflits pouvant exister entre la multitude des parties
prenantes.
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4
Mercer est une filiale de Marsh & McLennan Companies (NYSE : MMC), un groupe mondial de services professionnels
dans les domaines du conseil et de solutions en risques, en stratégies d’entreprise et en ressources humaines
(www.mercer.fr).
5
Ce rapport s’intitule “Shedding Light on Responsible Investment: Approaches, Returns and Impacts”.
6
Ce rapport s’intitule « Demystifying Responsible Investment Performance, a review of key academic and broker research
on ESG factors”. Il a été publié conjointement par The Asset Management Working Group of the United Nations
Environment Programme Finance Initiative et Mercer en octobre 2007.
7
ABI (2008) ‘Governance And Performance In Corporate Britain’.
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gouvernée subissent de faibles rendements. Ainsi, une somme de 100£ investie dans une
entreprise ne souffrant d’aucun problème de gouvernance produit un rendement moyen de
120£, tandis que si le même montant avait été investi dans des entreprises mal gouvernées, le
rendement n’aurait été que de 102£. L’ABI a affirmé également que la volatilité du
rendement des actions des entreprises bien gouvernées est inférieure de 9% à celle des
entreprises mal gouvernées.
Dans ce même sillage, la recherche académique a confirmé l’existence du lien de
causalité entre les mécanismes de gouvernance et la performance des entreprises. Parmi les
études réalisées, nous pouvons considérer celle de Black (2001) qui est l’une des premières
études effectuées dans ce champ. Black a testé l’existence de ce lien sur un échantillon de 21
grandes entreprises russes. Bien qu’il se soit basé sur un échantillon relativement restreint, les
résultats de son étude ont montré une corrélation très significative entre la valeur des
entreprises étudiées et leur qualité de gouvernance.
La relation entre la gouvernance d’entreprise et la performance opérationnelle semble
être moins significative et moins stable que la relation de la gouvernance avec la valeur de
marché de l’entreprise. A ce propos, Black, Jang, et Kim (2006) ont cherché à tester
l’existence de cette corrélation au niveau des entreprises coréennes cotées. Ils ont construit un
indice de gouvernance et l’ont appliqué à 515 entreprises. Il appert de cette étude, une relation
significative entre les mécanismes de gouvernance et la valeur de marché des entreprises
étudiées appréhendée par le Tobin’s Q, le Market to book et le market to sales.
De leur côté, Chong et Lopez-de-Silanes (2007) ont conclu que la gouvernance
influençait certainement la performance opérationnelle des entreprises étudiées mais que cette
influence restait beaucoup moins importante que celle exercée sur la valeur de marché de ces
mêmes entreprises. Enfin, Bauer et al (2003) ont confirmé que la gouvernance était
positivement corrélée à la rentabilité des titres et aux valeurs de marché des entreprises
européennes de leur échantillon d’étude mais qu’elle était négativement corrélée à leurs
performances opérationnelles.
La faiblesse de la relation de la gouvernance avec la performance opérationnelle peut
être expliquée par le pouvoir discrétionnaire accordé aux dirigeants dans l’élaboration des
reportings comptables étant entendu qu’un meilleur système de gouvernance réduirait ce
pouvoir discrétionnaire.
Par ailleurs, Gruszczynski (2005) a testé l’existence de ce lien dans le contexte polonais.
Il ressort de son étude, une corrélation significative entre le score de gouvernance calculé et la
performance financière des entreprises polonaises étudiées. En outre, Bauer et al (2008) ont
étudié l’association entre la qualité de la gouvernance et la performance sur des entreprises
japonaises. Ils ont procédé à l’élaboration d’un indice total regroupant six dimensions de la
gouvernance. Les résultats de cette étude montrent que les entreprises les mieux gouvernées
ont une performance supérieure aux autres de 15% par an.
Selon Bebchuk et al (2004), les mécanismes de gouvernance impactent différemment la
performance des entreprises. Ce qui signifie que la composition de l’indice de gouvernance
peut conditionner les résultats de l’étude menée de par l’effet de compensation qu’il peut y
avoir entre l’impact des différents indicateurs de mesure de la gouvernance sur la performance
des entreprises évaluées, d’où l’intérêt de la hiérarchisation de ces indicateurs afin de
déterminer ceux qui se corrèlent le plus avec la performance.
Par ailleurs, Kolsi et Ghorbel (2011) ont étudié l’impact de quatre mécanismes de
gouvernance à savoir, la composition du conseil d’administration, l’actionnariat et
compensation, les droits des actionnaires et la divulgation d’information, sur la performance
financière et boursière d’un échantillon de 134 entreprises canadiennes.
L’évaluation de la gouvernance des entreprises canadiennes étudiées a été effectuée par
le biais du « Corporate Governance Index » calculé par le journal canadien « The Globe and
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Mail » et la performance de ces entreprises a été appréciée à travers les indicateurs suivants :
ROA, ROE et le Market-to-Book (MTB).
Cette étude a révélé la non linéarité du modèle représentatif du lien entre les
mécanismes de gouvernance et la performance. En effet, l’étude a conclu que la gouvernance
n’impacte positivement la performance financière et boursière des entreprises étudiées qu’à
partir d’un certain seuil de divulgation d’information, ce qui signifie que plus l’entreprise est
transparente, plus elle est mieux gouvernée en raison que la majorité de ses politiques et
informations deviennent publiques (Wirtz (2004)) d’où l’impact positif et significatif sur sa
performance financière et boursière.
Mohamed, Basuony, et Badawi (2013) Ont étudié l’impact de la gouvernance
d’entreprise sur la performance financière et boursière de 88 entreprises non financières
cotées de l’indice EGX100 de la bourse égyptienne. Les mécanismes de gouvernance étudiés
sont de l’ordre de trois ; la structure de propriété, la composition du conseil d’administration
et la qualité de l’audit. Des variables de contrôle ont été intégrées à l’analyse, nous citons : la
taille, l’âge, le secteur et la structure financière de l’entreprise. La performance financière a
été appréciée en termes de ROE et ROA et la performance boursière à travers le Tobin’s Q 8.
Selon cette étude, la structure de propriété et la qualité de l’audit n’a pas d’effet
significatif sur la performance boursière des entreprises de l’échantillon étudié, seule
l’indépendance du conseil d’administration l’impacte positivement. En outre, la performance
financière de l’entreprise est corrélée significativement avec l’indépendance du conseil
d’administration et la dualité du PDG. La taille de l’entreprise et structure financière semblent
avoir des effets variables sur la performance financière et boursière de l’entreprise.
Au niveau national, Madhar, S. (2016), a étudié la relation entre gouvernance et
performance en menant une étude sur 46 émetteurs marocains entre fin 2012 et fin 2014.
L’auteur a élaboré une grille composée de 31 critères de Gouvernance couvrant
principalement les pratiques des conseils d’administration et les droits des actionnaires. Afin
de mesurer la performance des entreprises de son échantillon, elle a privilégié des indicateurs
d’ordre financier et boursier notamment le CA, l’EBE et la marge nette.
Les résultats de cette étude ont confirmé, encore une fois, l’existence d’un lien
significatif entre les indicateurs de gouvernance et les indicateurs financiers et boursiers des
entreprises étudiées.
8
C’est un ratio représentant le rapport entre la valeur boursière de l’entreprise et sa valeur d’utilité (valeur de
remplacement du capital fixe).
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Par ailleurs, des études ont carrément démontré l’existence d’une corrélation négative
entre la gouvernance et la performance de l’entreprise. Ainsi, Aman et Nguyen (2007) ont
affirmé qu’au Japon, les entreprises les moins bien gouvernées performent significativement
mieux que celles qui sont mieux gouvernées en termes de rendement du marché. Ceci
s’explique par le fait que la première catégorie d’entreprises présente un risque plus élevé par
rapport à la seconde catégorie et une fois ce risque maîtrisé, la relation entre la gouvernance et
les rendements disparaît. Dans ce même sillage, Suchard et al (2007) ont constaté qu’une
bonne gouvernance est associée à un faible rendement d’actions en Australie.
Conclusion
Références
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