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Littératures

Essai d'interprétation d'un sonnet de Mallarmé


Robert Condat

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Condat Robert. Essai d'interprétation d'un sonnet de Mallarmé. In: Littératures 6, automne 1982. pp. 65-72;

doi : https://doi.org/10.3406/litts.1982.1217

https://www.persee.fr/doc/litts_0563-9751_1982_num_6_1_1217

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Essai d'interprétation

d'un sonnet de Mallarmé

scandée
« Les
partrous
ses de
dentales,
drapeaux
dansméditants...
le sonnet » Quelle
: belle soie
attaque
aux dubaumes
quatrain,
de
temps, mais qui ne laisse pas d'être énigmatique. Ces « trous » ont donné
aux exégètes bien du fil à retordre. Qu'on en juge :
« Mallarmé fait allusion aux drapeaux portés dans un défilé qui
passe devant les fenêtres » (1).
« Dehors, quelque fête aux drapeaux vétustés » (2).
« Dans le deuxième quatrain les drapeaux, semblables à des trous
dans la toile de fond du ciel, ne sont plus étendus par un coup de vent
(...), mais suspendus immobiles au sommet des mâts dans l'avenue » (3).
« Quels drapeaux ? Ceux d'une fête quelconque, ou d'un
monument glorieux. A moins qu'il ne s'agisse toujours — ce qui est fort
possible — d'immobiles nuées lacérées dans la gloire du couchant » (4).
« La tapisserie parcourue d'un souffle d'au-delà a pour doublet le
thème du drapeau troué (...), « trous de drapeaux méditants » (5).
« Mais ce qu'il faut expliquer aussi, ce sont les « trous » des
drapeaux méditants et qui s'exaltent. Le 14 juillet, on ne met pas aux
fenêtres des drapeaux percés. Il ne peut s'agir que de drapeaux revenant de la
guerre et percés par les balles.
« Le seul « défilé de drapeaux » dont j'ai pu retrouver la trace
remonte à 1859, au retour des Guerres d'Italie ; sans doute Mallarmé a-t-il
été conduit par ses grands-parents à la revue » (6).
« Quant aux trous, je pense qu'on peut les comprendre de deux
façons : soit littéralement (drapeaux troués), soit par une autre possibilité
d'ordre visuel, les trous formés par les drapeaux dans l'air. Et je renvoie
à un tableau de Monet en 1878, et à des vers comme « Dans l'air que ce
feu troue » (7).
66 —

Nous voici au rouet, devant cette irritante poésie qui, à la fois, nous
fascine et nous défie. Mallarmé ne se laisse pas approcher à l'étourdie, et
déjoue même souvent les efforts des têtes les mieux faites ; avec lui
surtout,
« Aux meilleurs esprits,
« Que d'erreurs promises ! »
Dans ce cas particulier, la solution paraît à chercher du côté de la
structure verbale, s'il est vrai que, comme nul ne l'ignore, le poète lui-
même l'ayant dit — « le seul débat reste de grammairiens » — ,
Mallarmé soit avant tout un « syntaxier » ; mais d'une subtilité telle que nous en
avertir ne suffit pas. Antoine Adam a levé quelques obscurités de cet
ordre (8), mais des secrets dorment encore dans les replis de mainte
proposition.
La difficulté provient de ce qu'on a considéré jusqu'ici l'expression
« les trous de drapeaux » comme un bloc intangible (9), dans lequel le
second terme, qui semble avoir creusé définitivement son alvéole, ne peut
être qu'un génitif ; or, si l'on en descelle les éléments, on s'avise que
« drapeaux » est plus probablement, déplacé par une inversion somme
toute classique, le complément d'agent du pronominal à sens passif
« s'exaltent » : les trous, les ouvertures (fenêtres et portes de l'avenue)
s'exaltent de drapeaux (10).
Cet essai de nouvelle lecture a l'avantage de restaurer entre les deux
parties du quatrain un rigoureux parallélisme. Bien que suggérée par la
disposition en deux groupes de vers, et le tour insistant « Moi, je » au
début du second, la comparaison implicite restait floue ; elle retrouve
désormais son assise et s'appuie sur des termes strictement appariés,
« trous » et « yeux », « drapeaux » et « chevelure », « s'exaltent » et
« enfouir », « contents » (ces derniers mots répondant à la fois aux idées
d'enveloppement et de festivité), et même, si l'on veut, « avenue » et
« moi » :
« Les TROUS de DRAPEAUX méditants
« S'exaltent dans notre avenue :
« Moi, j'ai ta CHEVELURE nue
« Pour enfouir mes YEUX contents ».
La similitude de situation permet de célébrer, non sans humour,
deux triomphes analogues. Une fois dissipé ce qui brouillait la netteté du
trait, la trouvaille des « drapeaux méditants » ne souffre plus d'un
voisinage équivoque, et l'ordonnance du quatrain retrouve un bel équilibre :
plus de lacune du fait de ces « trous » malencontreux (11).

En outre, une remarque s'impose : les drapeaux ne figurent pas dans


les versions antérieures (12), et ce détail qui suppose une circonstance
précise, et que Mallarmé ajoute quand il adapte le sonnet à des fins nou-
67

velles, a quelque chance de revêtir une importance et une signification


particulières dans l'histoire de ses amours avec Méry Laurent.
Reprenons une hypothèse. Ce quatrain, remanié en 1885, esquisse
le décor d'une fête populaire et nationale, apparemment le 14 juillet ;
s'il en est ainsi, il ne peut se rapporter qu'au 14 juillet 1884, le seul
compris entre le début de la liaison avec Méry et la date de parution du
sonnet (13). Or, un fragment de lettre fait allusion à un événement
mémorable de cette liaison, précisément situé un 14 juillet :
« Voilà que je croyais t'envoyer un baiser à l'heure des feux
d'artifice (tu te rappelles, Paon dont la queue les défie, où nous vîmes
ensemble le dernier) ; et pas du tout, la fête se répercute ici par une absence de
facteur, ce matin » (14).
Par malheur, ce passage n'est accompagné que de la mention « un
14 juillet à Valvins » (15). Certes, il peut être tentant de faire le
rapprochement, mais, outre qu'il s'agit d'un feu d'artifice et non expressément
du 14 juillet, aucun indice supplémentaire ne vient le confirmer, et la
lettre la plus proche en date ne permet pas de trancher ; en effet, le
mercredi 9 juillet 1884, Mallarmé écrit à Villiers : « ... qu'une dame, qui
s'informe souvent de toi, te voulait voir, avant d'aller aux eaux (...)
demain jeudi avant 14 h. Et je t'emmène dîner dans un coin charmant du
Bois de Boulogne » (chez Méry) (16). Nous sommes à deux doigts —
ou à quatre jours — de la date cruciale, Mallarmé et Méry sont tous
deux à Paris le 10, mais la question reste entière : Méry y était-elle encore
le 14 ? Nous n'en savons rien. Rien à glaner non plus dans la
correspondance pour l'année 1885, tout au contraire, puisque le poète parle
d'un « mois de juillet parisien » pour sa femme (17), ce qui semble
exclure sa présence à Valvins le 14 juillet.
Dommage. Car la piste est d'autant plus séduisante que, la chance
aidant cette fois, nous posséderions sur cette période des précisions
météorologiques inespérées, gracieusement fournies dans son Journal par ce
collectionneur de potins, de broutilles et d'instantanés qu'est Edmond de
Goncourt :
« Ces épouvantables chaleurs m'enlèvent toute activité, tout ressort,
toute faculté d'accomplir n'importe quoi » (1er juillet 1884).
« Un beau temps implacable, inhumain » (13 juillet).
« Des chaleurs telles que je n'ai qu'une jouissance : boire frais et
faire bidet idem » (lundi 14 juillet) (18).
Comme la poésie, même la plus quintessenciée, ne saurait
s'abstraire totalement des contingences, l'épithète du vers 5 prendrait tout à coup,
dans cette atmosphère, sa vérité : « méditants », parce que immobiles
dans l'air lourd et pendants sur leur hampe, en même temps que
l'opposition entre le dehors inhospitalier et le dedans accueillant serait
renforcée. Et le sonnet pourrait se présenter comme la commémoration d'un
jour particulièrement faste (on peut, à ce propos, relever la note d'intimité
contenue dans le possessif « notre avenue »).
— 68 —

Que l'enquête s'achève sans grand profit, il faut en convenir, du


moins sans autre profit que de laisser l'imagination vagabonder autour
de fragiles indices...

Restent les tercets, eux aussi objets de litige.


Surtout en ce qui concerne la valeur qu'il convient d'attribuer à la
négation du début. Si la lecture que nous proposons est exacte, cette
négation ne soulève pas de difficulté. Remarquons d'abord que le
mouvement d'ensemble reste identique dans les trois versions (19). L'opposition
entre quatrains et tercets, de l'une à l'autre, se renforce sur le plan formel :
on passe de « Mais » (I) à « Non » (II) puis à « Non ! » (III), que
l'exclamation rend péremptoire ; mais elle s'atténue sur le plan sémantique :
tandis que dans les deux premières versions le renversement est évident
(tentation d'une consolation par la vie dans les quatrains, refus dans les
tercets) (20), il l'est beaucoup moins dans la troisième, où il pourrait
être simplement une survivance de la structure initiale.
De la sorte, « Non » ponctuerait énergiquement le dernier degré
d'une gradation : puisque la préférence manifestée par la négation,
contenue dans le premier quatrain sous l'interrogation rhétorique (aucune
soie ne vaut...), s'est affaiblie dans le deuxième en équivalence, il convient
de lui redonner vigueur. Ce qui lèverait l'objection de L.-J. Austin,
reprochant à la plupart des commentateurs de comprendre « Non » comme
s'il y avait « Oui » (21). Du reste, on voit mal comment ce poème, qui
se présente comme un madrigal, pourrait, sans démentir sa nature même
et manquer à la plus élémentaire galanterie, se dérober à l'hommage
traditionnel. Si dans la perspective métaphysique des deux premières
versions le renversement est logique, dans une perspective amoureuse,
le bonheur n'est plus scandaleux (22).
Néanmoins, subsiste un point délicat : à quoi renvoie exactement le
mot « Gloires » ? Il n'est pas dans la nature de Mallarmé de sacrifier la
poésie, pour quelque raison que ce soit. Le ton général des tercets peut
nous aider ici : le passage emphatique de la première à la troisième
personne (« ma bouche », « s'/V ne fait »), la reprise du pronom anticipé
par une périphrase trop flatteuse (« ton princier amant »), le pluriel
ennoblissant et la majuscule de « Gloires » nous avertissent que nous
sommes dans le domaine ambigu de l'humour ; l'enjouement des tercets
contraste avec la gravité tragique de ces mêmes tercets dans les versions
antérieures (et déjà les « drapeaux méditants » n'avaient-ils pas un rien
d'excès dans la solennité, et le deuxième quatrain un peu trop
d'ingéniosité ?)
Que le mot « Gloires » renvoie simplement à un cri de triomphe
étouffé dans la chevelure [cf. « De rire très haut ma victoire » (23)] ; qu'il
renvoie aux réjouissances tapageuses du dehors, comme si la fête intime
avait besoin, afin de connaître sa perfection et devenir mémorable, de la
— 69 —

fête extérieure, à la fois pour la dédaigner et pour en détourner en


quelque sorte l'éclat à son profit ; ou qu'il renvoie enfin au rêve et à l'idéal
du poète, aux « gloires » dont on n'entend la rumeur, à l'avance, que
dans l'imagination, dans tous les cas l'hyperbole est ironique. Il s'agit d'un
jeu de l'esprit, par lequel Mallarmé feint d'attacher un grand prix aux
liesses officielles et populaires qu'il goûte médiocrement (24), ou se
représente plaisamment et prématurément « Tel qu'en lui-même... », sous
la figure majestueuse et olympienne du Poète, sacrifiant ses ambitions à
la femme aimée. On a beau être Mallarmé — ou à plus forte raison
quand on est Mallarmé, d'autres ayant moins de retenue — on ne
saurait sans sourire parler de soi-même comme d'un « princier amant » (25),
ni convoquer dans un semblable contexte les « Gloires » de la création
poétique. D'ailleurs, l'hommage galant est volontiers hyperbolique. Et
n'aurait-on pas tendance à prendre Mallarmé trop au sérieux, voire au
tragique, alors que sa propension à l'humour est manifeste (26), et qu'y
collaborent en sous-main la complication de la syntaxe et l'expression
indirecte ? Ne relève-t-elle pas, au moins en partie, du même penchant,
la confrontation des petits drames ou triomphes humains avec les
phénomènes naturels, avec le « drame solaire » qui les transforme certes en
apothéose, mais souvent aussi accuse la dissonance (27) ?
Il reste que Mallarmé a sacrifié dans la dernière forme du poème
une sorte d'ascétisme du Néant, qui n'était pas sans noblesse tragique mais
ne correspondait plus à l'état de sa pensée, et quelques-uns peuvent
regretter que ce sombre accent ait disparu, au profit d'un épicurisme plus
facile, sinon plus vulgaire.
Il n'en faut pas plus pour prononcer les mots d'artifice, de préciosité
(28), parler de disproportion entre une dépense formelle excessive et la
minceur du prétexte, d'arabesque au-dessus du vide. Valéry a répondu
par avance à ces imputations (29), alléguant que dans un objet de langage
la perfection du langage ne saurait être une cause d'infériorité et
récusant l'opinion naïve selon laquelle la vérité humaine ne
s'ac ommoderait que de formes molles et relâchées. Une de « ces petites compositions
merveilleusement achevées », tel est bien, dans son cadre exigu, ce sonnet
en octosyllabes, un de « ces systèmes cristallins » dont la régularité se
révèle, à l'expertise, plus parfaite qu'on ne croyait.

Robert CONDAT
— 70 —

NOTES

(1) G. Davies, Mallarmé et le rêve d'Hérodiade, Corti, p. 129.


(2) P. O. Walzer, Essai sur Mallarmé, Seghers.
(3) C. Chadwick, « Méry Laurent dans la poésie de Mallarmé », Revue des Science*
Humaines, avril-juin 1962, n° 106. L'auteur de cet article voit dans les drapeaux ceux
des fêtes pour le bicentenaire de Corneille, le 11 octobre 1884 : « Mallarmé fut-il parmi
les nombreuses personnalités littéraires invitées à Rouen pour écouter Mounet-Sully
réciter les « Stances à Pierre Corneille » de Sully-Prud'homme ? En profita-t-il pour
amener Méry Laurent avec lui ? »
(4) Ch. Mauron, Mallarmé l'obscur, Denoël, p. 194. Dans Des métaphores
obsédantes au mythe personnel (Corti), Mauron, étudiant les champs lexicaux, range les
« trous de drapeaux » à la rubrique « Combat », avec « baumes » et « morsure ».
(5) J.-P. Richard, L'univers imaginaire de Mallarmé, Seuil, p. 83.
(6) Intervention de Ch. Chassé dans la discussion faisant suite à la
communication de L.-J. Austin, « Les moyens du mystère chez Mallarmé et chez Valéry »,
C.A.I.E.F. n° 15, mars 1963, p. 409.
(7) Intervention de L.-J. Austin, ibid.
(8) A. Adam, « Pour l'interprétation de Mallarmé », in Mélanges d'histoire littéraire
offerts à D. Mornet, Nizet.
(9) Du moins à notre connaissance.
(10) L'association entre « trou » et « fenêtre » n'est pas unique dans l'œuvre de
Mallarmé
« J'ai troué dans le mur de toile une fenêtre » (Le pitre châtié)
:

« Sauf amplificatrice irruption au trou


« Grand ouvert par un vol ébloui de vitrage » (« A quel psaume... », Les Noces
d'Hérodiade, publication par G. Davies, Gallimard, p. 59, v. 4-5).
(11) II convient de signaler que le baudelairien Château de l'espérance, qui date de
1863, et qui peut être considéré comme un lointain premier état de ce sonnet, assimile
la chevelure à un drapeau « Ta pâle chevelure ondoie / Parmi les parfums de ta
peau / Comme folâtre un blanc drapeau... », ou encore « De planter ce drapeau d'or
:

fin » ; mais dans Quelle soie..., drapeaux et chevelure ne sont que des éléments dans
une image qui porte sur des ensembles et rapproche des séries homologues.
(12) Comme on sait, il en existe deux, que nous reproduisons pour plus de
commodité. La première, écrite vers 1868, publiée dans Fontaine, n° 56, novembre 1946 :
De l'Orient passé des Temps
Nulle étoffe jadis venue
Ne vaut la chevelure nue
Que loin des bijoux tu détends.
Moi qui vis parmi les tentures
Pour ne pas voir le Néant seul,
Aimeraient ce divin linceul
Mes yeux, las de ces sépultures.
Mais tandis que les rideaux vagues
Cachent des ténèbres les vagues
Mortes, hélas ! ces beaux cheveux
Lumineux en l'esprit font naître
D'atroces étincelles d'Etre,
Mon horreur et mes désaveux.
71 —

La deuxième, intitulée Alternative (1869), publiée dans la NNRF n° 13, 1er janvier 1954 :
De l'oubli magique, venue,
Nulle étoffe, musique et temps.
Ne vaut la chevelure nue
Que, loin des bijoux, tu détends.
En mon rêve, antique avenue
De tentures, seul, si j'entends
Le Néant, cette chère nue
Enfouira mes yeux contents

!
Non. Comme par les rideaux vagues
Se heurtent du vide les vagues.
Pour un fantôme, les cheveux
Font luxueusement renaître
La lueur parjure de l'Etre,
Son horreur et ses désaveux.
(13) janvier 1885 dans la Revue indépendante. Du moins si l'on en croit les
biographes, qui font remonter au début de 1884 les relations avec Méry Laurent, car Manet
étant mort le 30 avril 1883, rien ne s'oppose à ce que la liaison ait commencé plus
tôt. Notons que le 14 juillet n'est devenu fête nationale qu'en 1880.
(14) Cité dans H. Mondor, Malllarmé plus intime, Gallimard, p. 242. Sur le rappro-
cement entre Méry et le feu d'artifice, voir J.-P. Richard, op. cit., pp. 512-513.
(15) Ni J.-P. Richard, ni L.-J. Austin, ni François Chapon, Conservateur de là
Bibliothèque littéraire J. Doucet — que nous tenons à remercier ici de leur obligeance — n'ont pu
nous renseigner sur la date de ce passage. L'autographe doit dormir dans le dossier
des lettres de Mallarmé à Méry appartenant au fonds Mondor de la Biblliothèque J.
Doucet, dossier dont la consultation est réservée jusqu'à l'an 2000 !
(16) Mallarmé, Correspondance, t. IV, pp. 266-267 (souligné par nous).
(17) Documents Stéphane Mallarmé, IV, Nizet, p. 398, lettre du 17 juin 1885.
(18) Journal des Goncourt, Flammarion, t. XIII, pp. 136 et 138.
(19) La persistance du premier quatrain sous une forme à peine modifiée doit
permettre d'en fixer le sens avec quelque certitude : il s'agit bien d'une étoffe orientale
ancienne, et non de nuages, ou des drapeaux du second quatrain qui n'ont pas encore
fait leur apparition — à moins que le contexte nouveau n'infléchisse le sens. Et si l'on
rapproche « hors de ton miroir » de « loin des bijoux », on incline à penser que cette
expression signifie simplement que Méry n'est pas en train de se coiffer devant le
miroir, mais défait ses cheveux pour le poète.
(20) II est difficile d'établir le sens précis des tercets par suite de l'amphibologie des
possessifs ; dans les deux cas, l'ambiguïté est la même : l'Etre est qualifié
péjorativement (« parjure » infidèle à l'aspiration au Néant), mais « horeur » et « désaveux »
s'appliquent-ils à l'Etre ou au Néant ? De toute façon, l'attraction de la vie est réprouvée
:

comme une faiblesse.


(21) op. cit.
(22) Dans les deux premières versions, la femme est à peine présente, support éva-
nescent d'une chevelure ; il est loin d'en être de même dans la troisième. On peut
à cette occasion rejeter l'opinion de Robert Goffin (Mallarmé vivant, Nizet ; « Rétros-
pections », Synthèses, déc. 1967-janv. 1968) qui prétend que les relations entre Mallarmé et
Méry Laurent restèrent platoniques, en se fondant en particulier sur la lettre du
11 septembre 1889 (où cependant le verbe paraît suffisamment explicite) : « Au jour le
jour, voyons-nous moins ; jamais dans cette intimité de si près qui, faute de rester
totale entre deux personnes marquées à un coin un peu d'exception, est malaisé » (sic).
C'est prendre Méry pour Mme de Mortsauf, alors qu'elle n'était pas d'une farouche
vertu, en particulier — ce qui est tout à son honneur — avec les poètes. Le mot
« amant », que l'usage classique ni les privautés poétiques ne suffisent pas à |ustifier,
figure d'ailleurs dans ce sonnet. Et on ne saurait écarter la possibilité d'une
interprétation erotique des tercets (Marcel Béalu range ce sonnet dans son antologie de
La Poésie erotique, Seghers).
(23) M'Introduira dans ton histoire.
72 —

(24) cf. « ... je décidai, la solitude manquée, de m'enfoncer même avec bravoure
en ce déchaînement exprès et haïssable de tout ce que j'avais naguères fui dans une
gracieuse compagnie » (une fête foraine), La Déclaration foraine.
(25) L'amant d'une princesse, d'une reine, voire d'une impératrice (cf.
Victorieusement fui) ne saurait être que princier, à la fois comblé et fastueux (cf. « comme un
diamant »).
(26) Comme l'attestent M'introduire dans ton histoire, les poésies de circonstance
et maints autres passages de l'œuvre.
(27) Cf. G. Davies, Mallarmé et le drame solaire, Corti.
(28) Certains n'y ont pas manqué, comme par exemple Emilie Noulet : « Les Poèmes
que Mallarmé a dédiés à Méry Laurent (...) ne sont ni des poèmes amoureux, ni des
madrigaux : bouleversements syntaxiques, entrecroisements de métaphores, ils sont
moins d'un amoureux que d'un rhéteur. L'expression de la passion, qui ne souffre pas
l'artificiel, n'a rien gagné à se perdre dans les arcanes de l'ésotérisme ». (L'œuvre
poétique de Stéphane Mallarmé, Droz, p. 292).
(29) P. Valéry, Œuvres, t. I, Pléiade, notamment pp. 620, 639 et 667-8 ; les citations
qui suivent proviennent de la p. 639.

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