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LE SECRET PROFESSIONNEL

DE L’EXPERT-COMPTABLE
relèvent d’un droit de discrétion qui, un peu à l’instar de la vie privée,
ne relèvent que de la responsabilité civile.

À noter que, le caractère absolu du secret professionnel de l’expert-


comptable (I) a un objectif : lui permettre de recueillir toutes les
informations nécessaires à l’accomplissement de sa mission, le client
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ayant la certitude que celles-ci ne seront pas divulguées. Pour autant,
cet absolutisme est ajouré d’exceptions (II).

LE PRINCIPE : UN SECRET PROFESSIONNEL ABSOLU


Définition du caractère absolu
Aux termes de l’article 21 de l’ordonnance de 1945, l’expert-comptable
est tenu au secret professionnel, sous peine d’une sanction pénale
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prévue par l’article 226-13 du code pénal, pouvant aller jusqu’à un an


d’emprisonnement et 15 000 € d’amende.

Ce secret recouvre les confidences reçues ainsi que les informations


déduites à l’occasion ou en raison de l’exercice de la profession, sans qu’il
puisse s’agir d’informations publiques qui, elles, ne sont pas couvertes
par le secret professionnel.

Ce secret professionnel est qualifié d’absolu, en ce sens, que rien ne


peut en délier l’expert-comptable, pas même l’autorisation de son client.
Ce caractère absolu est primordial pour établir un lien de confiance
avec le client.
Pourquoi l’État protège-t-il si intensément ce secret ? Car, parfaitement

L
a protection du secret professionnel par l’État est d’inérêt géné- éclairé par un « sachant », il escompte une prise de conscience par le
ral. En effet, il est primordial que chaque client, en se confiant client des risques d’une infraction qu’il renoncera ainsi à commettre.
sans crainte à un professionnel, et notamment à un expert-
comptable, puisse se rassurer sur sa situation et sa conformité aux Le secret Le caractère absolu et le fait qu’il soit pénalement sanctionné distinguent
règles de droit. Dans le cas contraire, il doit pouvoir la rectifier, cor- le secret professionnel de l’obligation de confidentialité et de discrétion
rectement conseillé par ce même professionnel. professionnel également opposable à l’expert-comptable.
Si la protection n’était que contractuelle, ce qui est le cas dans beau- est qualifié
coup de pays, elle serait relative car le client pourrait, maître qu’il est Distinction entre le secret professionnel, l’obligation
du contrat, relever le professionnel de son secret. d’absolu, en ce de confidentialité et le devoir de discrétion :
Le devoir de discrétion est prévu à l’article 147 du code de déontologie
L’intervention du code pénal empêche ce relèvement et fait passer le sens, que rien qui dispose que : « sans préjudice de l’obligation au secret professionnel,
secret de relatif à absolu et « le secret absolu empêche qu’il puisse être ne peut en délier les personnes mentionnées à l’article 141 sont soumises à un devoir de
fait pression sur le client pour qu’il commande une levée du secret » discrétion dans l’utilisation de toutes les informations dont elles ont
(Comptabilité et Droit pénal, LITEC, sous la direction de Maxime l’expert-comptable, connaissance dans le cadre de leur activité ».
Delhomme et Yvonne Muller, n°758).
pas même La discrétion vise donc toutes les informations générales, recueillies au
Il y a là une ligne de départage entre « les informations à caractère l’autorisation de cours de la mission, et que le professionnel de l’expertise comptable ne
secret » de l’article 226-13 du code pénal dont l’expert-comptable doit pas divulguer sans l’accord explicite de son client (ancienne norme
est, en conscience, maître, et les informations plus ordinaires que son client professionnelle n°114) ce qui les distinguent de celles couvertes par le
son client peut lui demander d’adresser à tel ou tel partenaire et qui secret professionnel. uuu

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n les opérations mettant en jeu des sommes dont ils savent, soup-
çonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent
d’une infraction, passible d’une peine privative de liberté supérieure à
un an ou participent au financement du terrorisme ;
n les sommes ou opérations dont ils savent, soupçonnent ou ont de
bonnes raisons de soupçonner qu’elles proviennent d’une fraude fis-
cale, lorsqu’ils sont en présence d’un des critères définis à l’article
D. 561-32-1 du code monétaire et financier.

Il s’agit donc d’une exception au secret professionnel, dans la mesure


où cette déclaration à TRACFIN s’impose quelle que soit la nature de
l’information portée à la connaissance des professionnels de l’exper-
tise-comptable. Reste néanmoins que ces professionnels de l’exper-
tise-comptable sont exonérés de cette obligation de déclaration en
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application de la directive européenne, transposée à l’article L. 561-3
du code monétaire et financier, lorsqu’ils donnent des consultations
juridiques, conformément aux dispositions de l’article 22 de l’ordon-
nance de 1945.

Divulgation nécessaire à l’exercice de la défense


de l’expert-comptable en cas de mise en cause de sa responsabilité
Seule
En effet, « l’expert-comptable est délié du secret professionnel pour les une
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stricts besoins de la défense lorsque des poursuites civiles, pénales ou


disciplinaires sont engagées à son encontre » (ancienne norme profes- disposition
sionnelle n° 114).
légale
Un expert-comptable peut donc produire en justice des documents
À titre d’exemple, nous pouvons citer le cas de la révélation du nom concernant une société cliente qui a mis en cause, par exemple, sa spéciale
d’un client. En effet, avant de référencer les noms de ses clients sur un responsabilité civile.
support de communication, le professionnel de l’expertise-comptable peut faire
doit obtenir l’accord préalable de son client. En dépit du secret professionnel auquel l’expert-comptable est tenu dans
l’intérêt de la société bénéficiaire, la production par celui-ci, de documents
échec
Ainsi, « tout ce qui concerne le client est susceptible, sauf volonté expresse nécessaires à la manifestation de la vérité et relatifs aux contrôles par au caractère
de sa part, de donner lieu à une action en dommages et intérêts alors que lui effectués, dans un litige ayant pour objet d’établir sa responsabilité
seules les informations confidentielles au sens strict sont susceptibles de à l’égard d’un tiers, créancier de ladite société en liquidation, constitue asolu
constituer le délit de violation du secret professionnel » (M. Delhomme, un moyen de preuve légal (Cour de cassation, Chambre commerciale,
Le Secret professionnel de l’expert-comptable, LPA, 25 septembre 2000, financière et économique, 14 novembre 1995 - Le Quotidien juridique du secret
n°191, p. 49). n°96, 30 novembre 1995, note de Maître Peignot).
professionnel
Les conséquences de la divulgation d’informations sont également dif- Le secret partagé
férentes. Elles sont pénales, civiles et disciplinaires pour le secret pro- Bien que le législateur n’ait pas, à ce jour, défini ou consacré la notion de
fessionnel ; elles sont civiles et disciplinaires pour la discrétion. secret partagé, certains auteurs estiment que pour pouvoir travailler en
équipe, les professionnels doivent partager des informations à caractère
Un absolutisme ajouré d’exceptions secret. Ce partage ne serait possible qu’à la condition qu’il s’agisse de
personnes tenues aux mêmes obligations de secret.
Seule une disposition légale spéciale peut faire échec au caractère ab-
solu du secret professionnel. En effet, l’article 226-14 du code pénal Toutefois, « à l’intérieur de ce partage, il n’est pas forcément nécessaire
dispose que : « l’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi de tout dévoiler et chacun retrouve là encore cette conscience
impose ou autorise la révélation du secret ». professionnelle qui doit lui permettre de sélectionner les informations
à transmettre. Trop restrictif, le professionnel faillirait à son devoir,
Dénonciation de crimes ou d’opérations en rapport avec trop expansif il se mettrait en infraction » (Maxime Delhomme,
le blanchiment de capitaux « Comptabilité et Droit pénal », Les Professionnels et le Secret, p. 453).
Les articles L. 561-15 I et II du code monétaire et financier prévoient
que les professionnels de l’expertise-comptable doivent déposer une Comme nous l’avons vu, le secret professionnel comporte certaines
déclaration à TRACFIN portant sur : limites. Toutefois l’opposabilité du secret reste la règle. uuu

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Quelques exemples tirés du quotidien
de l’ordre des experts-comptables

L’ordre des experts-comptables de la région Paris Île-de-France est ré-


gulièrement sollicité par des confrères concernant le secret profession-
nel et en particulier lors des trois situations suivantes :

Le secret
Droit de communication de l’administration fiscale
Lorsque l’administration fiscale exerce son droit de communication en
vertu des articles L.81, L.86 et L.102 du livre des procédures fiscales,
l’expert-comptable doit se limiter à ce qui peut être requis. L’article

professionnel
L.86 du LPF précise que le droit de communication « ne porte que sur
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l’identité du client, le montant, la date et la forme du versement ainsi
que les pièces annexes de ce versement ».

a un
Dans ce cadre, l’expert-comptable doit refuser toute demande d’élargir
à d’autres renseignements et en particulier à ceux relevant du secret
professionnel.

caractère
Droit de communication des agents de l’URSSAF
L’article L.114-19 du code de la sécurité sociale créé un droit de com-
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munication pour les agents de l’URSSAF, qui ont les mêmes préroga-
tives que les agents du fisc.

absolu même Ainsi, l’expert-comptable doit veiller à ne transmettre que les rensei-
gnements demandés sur l’identité de son interlocuteur et sur les modes

s’il comporte
d’échanges. Il ne doit transmettre ni documents comptables, ni notes
ou correspondances, sous peine de violer le secret professionnel. C’est
la réponse du conseil supérieur.

certaines
Convocation par la police
L’expert-comptable doit se soumettre à la convocation. Toutefois, il ne
peut, sans violer le secret professionnel, divulguer spontanément des René Keravel
Président de la commission

exceptions
informations couvertes par le secret.
Déontologie & Études techniques
Il ne peut fournir que des informations non couvertes par le secret
professionnel, qui doivent être limitées à ce qui est indispensable à la

prévues par
sincérité de sa déposition.

Il peut, tout en respectant ces obligations, être amené à répondre à toute


question portant sur des problèmes de technique comptable, financière

la loi ou fiscale. Il peut, en tant que « sachant », éclairer les enquêteurs et les
juridictions, pour leur éviter de mauvaises interprétations sur les docu-
ments comptables dont ils disposent déjà.

En conclusion, le secret professionnel a un caractère absolu même s’il


comporte certaines exceptions prévues par la loi.
Comme l’a précisé le conseil supérieur dans une motion en date du
7 mai 1980 : « le secret professionnel est l’apanage d’une profession libé-
rale organisée et responsable. Il favorise le climat de confiance indis-
pensable à l’accomplissement de la mission du professionnel et garantit
aux individus l’inviolabilité d’une certaine sphère d’activité ». n

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