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Le savoir-faire, le secret d’affaire et le droit voisin sur les données et essais

cliniques
SOMMAIRE

INTRODUCTION

Chapitre I : La Conception du Savoir-faire, Secret d’affaire et le Droit Voisin

Section I : La Conception du Savoir-faire

Section II : La Conception du Secret d’affaire

Section III : La Conception du Droit Voisin

CHAPITRE II : Utilisations des Savoir-faire, le Secret d’affaire et le Droit Voisin et Conséquences sur
les Données des Essais Cliniques

Section I : Les Données d'essais cliniques

Section II : Le règlement Européen n°536/2014 et Etude d’un Exemple

CONCLUSION

INTRODUCTION

Dans le domaine de la recherche médicale et pharmaceutique, l'accès aux données des essais
cliniques est crucial pour garantir la sécurité et l'efficacité des traitements, ainsi que pour
promouvoir l'innovation et les progrès scientifiques. Cependant, la gestion et la protection de ces
données sont devenues de plus en plus complexes en raison de l'interaction entre différents
concepts juridiques tels que le savoir-faire, le secret d'affaires et le droit voisin. La propriété
industrielle a pour objet la protection et la valorisation des inventions, des innovations et des
créations industrielles ou commerciales. Elle comprend notamment les brevets, les marques, les
modèles industriels, ainsi que les zones géographiques couvertes. Le brevet a une durée limitée à 20
ans à compter du jour de dépôt de la demande. Dans la plupart des secteurs industriels, l’invention
brevetée sera disponible sur le marché deux ou trois ans après le dépôt de brevet, parfois moins. Le
détenteur du brevet dispose donc de 17 ou 18 ans d’exclusivité commerciale. La règle des 20 ans est
la même pour le médicament. Cependant, une nouvelle molécule, dont le brevet vient d’être déposé,
fera encore l’objet de recherches, de mises au point et d’essais pendant une dizaine d’années avant
que les autorités sanitaires n’autorisent sa mise à disposition pour les malades. Le médicament ne
sera donc en réalité protégé par le brevet qu’une dizaine d’années. Afin de compenser la durée
exceptionnellement longue de sa recherche, le médicament bénéficie d’un certificat complémentaire
de protection (CCP) qui prolonge la durée du brevet, au maximum pour 5 ans complémentaires
(prolongeables de six mois supplémentaires pour les médicaments développés pour un usage
pédiatrique).
En pratique, le médicament est en moyenne protégé commercialement pendant 12 à 15 ans, ce qui
reste inférieur à la protection de 20 ans prévue théoriquement par le brevet pour les autres secteurs
industriels. Lorsque les droits de propriété intellectuelle ont expiré, on dit que l’invention « tombe
dans le domaine public ». Dans ce cas, le médicament original peut être légalement copié, on parle
alors de « médicaments génériques »."

Ce travail vise à explorer les interactions complexes entre le savoir-faire, le secret d'affaires
et le droit voisin dans le contexte des essais cliniques. Nous analyserons également les conséquences
de ces interactions sur la disponibilité, la transparence et l'utilisation des données cliniques, ainsi que
sur l'innovation médicale et pharmaceutique.

Chapitre I : La Conception du Savoir-faire, Secret d’affaire et le Droit Voisin

Le savoir-faire, le secret d’affaires et le droit voisin sur les données des essais cliniques trouvent une
source commune dans l’article 39 des accords ADPIC. Il s’agit d’appréhender à travers de
mécanismes propriétaires des éléments qui, soit ne peuvent intégrer la propriété intellectuelle, soit
ne l’intègrent pas par choix.

Le savoir-faire se trouve au cœur des activités économiques et industrielles 1635, dont le secteur de
l’industrie de luxe 1636, celui de la chaudronnerie 1637, la production industrielle, l’aéronautique, ou
des biotechnologies. La société Google a fondé sa domination sur des algorithmes secrets – très
certainement brevetables au regard des pratiques de l’USPTO – analysant le contenu des
informations proposées en ligne et les triant par pertinence en fonction des requêtes des utilisateurs.
Le savoir-faire est omniprésent dans l’activité économique mais se trouve en marge du droit des
biens. Il est contesté que le savoir-faire puisse être un bien, et plus particulièrement un bien
intellectuel

Section I : La Conception du Savoir-faire

A - Le savoir-faire est un bien intellectuel

Définition du savoir-faire

Le savoir-faire désigne l’ensemble des capacités d’une personne à accomplir une tâche. Du
fait de la pratique et de l’expérience professionnelle, le savoir-faire permet à un individu de réaliser
une opération concrète, une tâche précise. L’expérience du passé offre la possibilité d’acquérir le
savoir-faire. Le savoir-faire, ou « know-how », correspond aux connaissances pratiques substantielles
(informations, méthodologies, formules, techniques, secrets de fabrique) qu’une entreprise conserve
secrètement. Sans statut juridique précisément défini, il occupe une place primordiale dans l’actif
incorporel de nombreuses entreprises qui, bien souvent, ne pensent pas immédiatement à le
protéger ou à le valoriser efficacement. Sa valeur économique peut pourtant être considérable.
Certes, il n’existe pas de titre de propriété industrielle (brevet, marque) permettant d’assurer un
droit d’exclusif d’exploitation d’un savoir-faire ; dans ce domaine, le secret reste de mise. Mais la
mise en œuvre d’un certain nombre de techniques et de mesures de sûreté industrielle permettra de
garantir la protection du savoir-faire contre d’éventuelles atteintes

B- Protection du savoir-faire dans les droits de propriété intellectuelle.


La protection du savoir-faire revêt une importance cruciale dans le domaine de la propriété
intellectuelle. À travers divers moyens tels que les brevets, les secrets industriels et les contrats de
licence, les entreprises cherchent à préserver et valoriser leur expertise technique et leurs
connaissances spécifiques.

B-A- Protection du savoir-faire par des brevets

La matérialisation d’un savoir-faire sous la forme d’inventions, de procédés manufacturiers


innovants, de produits et services ou d’une œuvre artistique (œuvre de l’esprit) peut être protégée
par le brevet (voir Le brevet), la marque (voir La marque), les dessins et modèles (voir Les dessins &
modèles) ou le droit d’auteur (voir Le droit d’auteur) et ainsi donner lieu à un droit exclusif
d'exploitation

B-B- Protection du savoir-faire par le secret

En revanche le savoir-faire constitué de connaissances techniques, procédés, formules de


fabrication non brevetée acquis au cours d'années d'expérience de votre entreprise, ne donne pas
lieu à un droit exclusif d’exploitation. Il est le mieux protégé de la copie par le secret et par la
signature d'accords de confidentialité avec vos employés, fournisseurs et partenaires. Votre savoir-
faire sera naturellement mieux protégé de vos concurrents si les produits et services que vous
commercialisez ne révèlent pas votre savoir-faire.

B-C- Savoir-faire inclus dans un contrat de licence

Par contre, il est tout à fait possible d'inclure votre savoir-faire dans le cadre de la
négociation de contrat de licence. Dans ce cas, des précautions sont à prendre pour lister
précisément les éléments de savoir-faire qui sont transmis dans le cadre de la licence. Il est à noter
qu'un contrat de licence couvrant à la fois un brevet et du savoir-faire peut perdurer au-delà de la
durée de validité du brevet, ou indépendamment du sort d'une demande de brevet

B-D- Evaluation financière de savoir-faire

De même, votre savoir-faire représente un élément de vos actifs immatériels, il présente une
valeur financière intrinsèque, et peut être évalué à ce titre. Les équipes d'IPSIDE peuvent réaliser ce
service d'évaluation financière de vos actifs de propriété industrielle.

Section II : La Conception du Secret d’affaire

A- Définition de secret d’affaire

Un secret d’affaires est tout simplement une information dont vous ne voulez pas que la
concurrence ait connaissance. Le secret d’affaires est un régime juridique qui protège des relations
fondées sur la confiance. Avant l’avènement de l’ère industrielle, les artisans à l’esprit innovant
conservaient jalousement leurs “trucs et astuces” au sein de petites échoppes familiales. Rapidement
cependant, avec le passage à la production industrielle, il devint nécessaire de mettre en place un
système juridique obligeant tout employé à respecter le caractère confidentiel d’un procédé ou d’un
équipement secret. Sans le secret des affaires, c’en serait fini de l’industrie, des services, de
l’économie
B - Les caractéristiques d’un secret d’affaires
En règle générale, pour être qualifiés de secrets d’affaires, ces renseignements doivent :
• Avoir une valeur commerciale parce qu’ils sont confidentiels.
• Être connus uniquement d’un groupe limité de personnes.
• Faire l’objet de mesures raisonnables prises par leur détenteur légitime pour les garder
secrets, notamment d’accords de confidentialité avec les partenaires commerciaux et le personnel.
L’acquisition, l’utilisation ou la divulgation non autorisée de ce type de renseignements secrets, d’une
manière contraire aux pratiques commerciales honnêtes, est considérée comme une pratique
déloyale et comme une violation de la protection du secret d’affaires.
C - Les types de renseignements protégés par le secret d’affaires
D’une manière générale, tout renseignement commercial confidentiel qui confère à une
entreprise un avantage concurrentiel et n’est pas connu d’autres personnes peuvent être protégé
par le secret d’affaires.
- Les secrets d’affaires incluent à la fois des renseignements techniques tels que des procédés
de fabrication, données d’essais pharmaceutiques, dessins et représentations graphiques de
programmes d’ordinateur, et des renseignements commerciaux tels que des méthodes de
distribution, listes de fournisseurs et de clients et stratégies publicitaires.
- Un secret d’affaires peut être aussi une combinaison d’éléments qui, pris individuellement,
appartiennent au domaine public mais dont la combinaison, qui est tenue secrète, constitue un
avantage concurrentiel.
- D’autres renseignements comme les renseignements financiers, les formules, les recettes et
les codes sources peuvent également être protégés par des secrets d’affaires.
D - La protection des secrets d’affaires

Les secrets d’affaires durent aussi longtemps que les informations présentant un intérêt
commercial restent confidentielles et sont protégées par des mesures raisonnables pour maintenir le
secret. Ce qui est considéré comme raisonnable varie en fonction de la nature des informations, de
leur valeur et d’autres circonstances. Voici quelques exemples de mesures :

• Indiquer que les informations sont confidentielles.

• Limiter l’accès aux informations en imposant des restrictions matérielles et techniques.

• Faire signer aux employés, fournisseurs et partenaires des accords de confidentialité par lesquels ils
s’interdisent d’utiliser ou de divulguer des informations confidentielles sans en avoir reçu
l’autorisation.

• Réviser périodiquement la liste des salariés qui “ont besoin de connaître” les informations visées
par le secret d'affaires.

• Créer une culture d’entreprise qui fait du respect de la confidentialité une priorité
Section III : La Conception du Droit Voisin

À la suite du savoir-faire et du secret d’affaires, un autre régime, hors du CPI, appréhende


une catégorie spéciale de données techniques par le secret, avec un mécanisme juridique spécial.
L’une des principales questions qui se posent au sujet de l’accès aux médicaments est de savoir
comment traiter les demandes d’AMM qui concernent des produits génériques identiques 1703. En
présence d’un régime d’exclusivité des données, forme de propriété, la mise sur le marché de
médicaments génériques peut être retardée, car les requérants d’une AMM doivent attendre
l’expiration de la période d’exclusivité. Bien que le producteur de médicaments génériques puisse, en
principe, refaire les essais cliniques ou s’entendre avec le laboratoire de princeps pour utiliser les
données originelles, cela ne se pratique guère. Les raisons en sont, entre autres, le temps et l’argent
nécessaires à l’établissement de ces données. Les opérateurs qui arrivent ensuite sur le marché après
le promoteur du produit princeps et déposent des demandes pour le même médicament peuvent
éviter de reproduire ces données originelles s’ils sont autorisés à utiliser les données communiquées
dans le cadre de la demande du laboratoire de princeps pour montrer que leurs produits ont un effet
équivalent (bioéquivalence)

CHAPITRE II : Utilisations des Savoir-faire, le Secret d’affaire et le Droit Voisin et conséquences sur
les Données des Essais Cliniques

À mesure que le champ des secrets commerciaux protégeables s'est élargi, les entreprises
ont revendiqué des protections de type secret commercial pour de nombreux types d'informations
pertinentes pour la santé. Les conséquences pour la capacité de toutes les personnes à accéder à des
médicaments sûrs et abordables sont significatives

Section I : Les Données d'essais cliniques

Comprendre la sécurité et l'efficacité des médicaments sur le marché est crucial pour la santé
publique. Les entreprises pharmaceutiques collectent régulièrement des données sur la sécurité et
l'efficacité, y compris les données individuelles des participants, les métadonnées (telles que les
protocoles d'essai pour interpréter les résultats) et les données de niveau de résumé. Les régulateurs
de la santé exigent des entreprises qu'elles soumettent des données d'essais cliniques pour évaluer la
sécurité et l'efficacité des médicaments proposés. (Moins de données peuvent être requises pour des
technologies telles que les diagnostics, et il n'existe pas encore de cadre réglementaire clair pour les
technologies plus récentes telles que les applications de santé.) Les entreprises invoquent cependant
couramment des protections de secret commercial pour empêcher ou limiter la divulgation de
données aux chercheurs externes ou au public. Le maintien de telles données secrètes a des
conséquences significatives. Tout d'abord, les régulateurs sont souvent sous-effectifs et sous pression
pour approuver rapidement les médicaments, et ils commettent parfois des erreurs. Sans accès aux
données d'essais cliniques, les chercheurs ne peuvent pas vérifier ou enquêter sur les avantages et
les risques allégués d'un médicament. Il existe de nombreux exemples où des effets secondaires
graves, parfois mortels, ou un manque d'efficacité, n'ont été révélés que de nombreuses années
après la mise sur le marché d'un médicament, car les données d'essais cliniques étaient gardées
secrètes pour les chercheurs. Des exemples marquants incluent le rofécoxib (Vioxx), la thérapie
hormonale aux œstrogènes (Prempro) et l'oxycodone à libération prolongée (OxyContin). Le secret
entourant les essais cliniques peut également entraver le fonctionnement approprié des évaluations
des technologies de la santé, qui contribuent à la prestation et à la réforme des soins de santé. Les
évaluations des technologies de la santé « fournissent à un éventail d'intervenants ... des
informations accessibles, utilisables et fondées sur des preuves pour orienter les décisions
concernant l'utilisation et la diffusion de la technologie et l'allocation efficace des ressources ». Par
exemple, elles sont utilisées pour formuler des recommandations sur la fixation adéquate des prix
des médicaments et la manière de canaliser les fonds vers la recherche qui aura le plus de valeur
pour les patients. Cependant, les évaluations des technologies de la santé ne peuvent fonctionner
que lorsqu'elles disposent d'informations suffisantes sur les médicaments et les dispositifs qu'elles
évaluent. Les chercheurs peuvent également faire de nouveaux usages des données d'essais cliniques
là où elles sont disponibles, comme pour prédire comment des sous-groupes réagiront à un
médicament ou comprendre l'évolution naturelle d'une maladie. Dans le cas des vaccins COVID-19,
par exemple, l'accès aux données d'essais cliniques et aux données de surveillance post
commercialisation peut aider les chercheurs à en savoir plus sur l'infection par le COVID-19 et les
réponses immunitaires, ainsi qu'à poser de nouvelles questions sur la sécurité et l'efficacité des
vaccins. Un plaidoyer fort en faveur de l'accès aux données a eu un impact significatif dans ce
contexte. Les régulateurs américains ont publié des résumés détaillés - bien que toutes les données
n'étaient pas incluses - sur les vaccins pendant le processus réglementaire, et les entreprises ont
publié relativement rapidement des essais clés. Ces mesures ont aidé les scientifiques à comprendre
et à débattre de leur efficacité et ont probablement renforcé la confiance du public dans les
processus réglementaires et les vaccins

La France a été le premier pays à fixer un cadre légal à la recherche biomédicale et aux essais
thérapeutiques, avec la loi Huriet-Sérusclat de 1988. Bonnes pratiques, contrôles, demande de
consentement… ce texte de loi instaure de nombreux garde-fous. Il a été ensuite renforcé par la
Directive européenne du 4 avril 2001, applicable en France depuis août 2006, sans oublier la
déclaration d’Helsinki (1964) et ses amendements qui énoncent des principes éthiques applicables à
la recherche biomédicale impliquant des êtres humains. Et depuis 2004, tout essai thérapeutique
doit obtenir l’aval de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) mais aussi d’un Comité
de protection des personnes (CPP) pour être autorisé.

Section II : Le règlement Européen n°536/2014 et Etude d’un Exemple

A - le nouveau règlement UE n°536/2014 : pression pour les brevets couvrant les résultats d’essais
cliniques

Lorsque les industries pharmaceutiques souhaitent protéger les résultats d’essais cliniques se
pose la question du meilleur moment pour déposer une demande de brevet. Une demande de
brevet couvrant les essais cliniques doit montrer que l’effet thérapeutique est plausible. Faute de
données expérimentales convaincantes au moment du dépôt, il en découle que l’invention ne
remplit pas les exigences de suffisance de description (Art. 83 Convention sur le brevet européen) ou
d’activité inventive (Art. 56 CBE). Des preuves expérimentales ultérieures peuvent être prises en
considération en cours d’examen en soutien de la brevetabilité de l’invention. Seulement, comme
illustré dans les décisions T609/02 et T2059/13, ces preuves ne peuvent être prises en compte que si,
à la date effective de la demande de brevet, l’information contenue dans la demande de brevet
originale avec les connaissances générales de l’homme du métier rend plausible l’effet thérapeutique
revendiqué. Ces preuves seules ne peuvent être prises en compte pour établir la suffisance de
description ou l’activité inventive. Ainsi, il est généralement préférable d’attendre l’obtention de
données expérimentales convaincantes avant de déposer une demande de brevet. Or, la publication
des essais cliniques représente un art antérieur opposable à la nouveauté et l’activité inventive de
l’invention revendiquée. En effet, bien que la mention de l’entrée en phase clinique d’un
médicament pour une application thérapeutique particulière ne s’oppose pas obligatoirement à la
nouveauté de l’effet thérapeutique de l’invention, cette mention peut être préjudiciable à l’encontre
de l’activité inventive. La Chambre de recours de l’OEB dans sa décision T2506/12 a considéré, dans
le cas particulier d’une combinaison de thérapies anti-cancéreuses, qu’il était raisonnable de
s’attendre à ce que le traitement désigné dans l’essai clinique réussisse. Ainsi, doit-on attendre et
inclure suffisamment de données pour rendre crédible l’effet thérapeutique revendiqué au risque
que la mention de l’essai clinique représente un art antérieur préjudiciable à la brevetabilité ou
déposer une demande de brevet avant de débuter l’essai clinique au risque de ne pas satisfaire les
exigences de suffisance de description ou d’activité inventive ? Ce dilemme se pose d’autant plus
aujourd’hui que le règlement UE n°536/2014 du Parlement européen relatif aux essais cliniques de
médicaments devrait entrer en vigueur en 2020. Ce règlement prévoit de renforcer la transparence
des essais cliniques en rendant public l’enregistrement et toutes les informations utiles liées à l’essai
clinique dans la base de données de l’Union européenne. Il est donc indispensable aujourd’hui de
finement évaluer selon les circonstances le meilleur moment pour déposer une demande de brevet
en Europe couvrant les résultats de ces essais cliniques.

B - La Propriété Intellectuelle : un outil dans la lutte contre le cancer du sein

B-A- Les innovations dans la lutte contre le cancer du sein

De la chirurgie aux traitements tels que la chimiothérapie, l’immunothérapie ou la thérapie


cellulaire, de nombreuses solutions thérapeutiques sont disponibles. Malgré cela, le cancer du sein
reste la première cause de décès par cancer chez la femme en France. Par conséquent, la recherche
de nouvelles innovations thérapeutiques dans la lutte contre le cancer demeure nécessaire. Et des
solutions innovantes, il y en a de nombreuses à l’étude. Parmi elles, on peut citer notamment, le
vaccin NeuvaxTM (développé par la société américaine Galena Biopharma), en combinaison avec
l’adjuvant Leukine®. Cette combinaison cible la protéine HER2, surexprimée dans certains cancers du
sein. En phase II, NeuvaxTM a montré son efficacité dans le cancer du sein à un stade précoce. Il est
désormais en phase III afin de prouver l’intérêt thérapeutique de cette combinaison. Un brevet
intitulé « HER2/neu multi-peptide vaccine » a notamment été délivré en 2010 en Europe. De
nombreux autres essais cliniques, en phase I et/ou II sont encore en cours et pourraient mener à des
vaccins thérapeutiques dans le cancer du sein et cocorico, la France n’est pas en reste. En effet, la
start-up ErVaccine Technologies développe un vaccin thérapeutique composé d’antigènes dérivés de
rétrovirus endogènes humains (HERV) spécifiquement surexprimés par des cellules tumorales,
comme cibles thérapeutiques pour développer de nouvelles immunothérapies en cancérologie. Des
essais cliniques de phase I devraient être lancés en 2024. Cette société a déposé une demande de
brevet, intitulée « New method for identifying herv-derived epitopes » en 2022

Le développement de thérapie dans le cancer du sein reste essentiel mais le dépistage et le


diagnostic le plus précocement possible restent la base dans la lutte contre le cancer du sein, en
effet, « mieux vaut prévenir que guérir ». L’avenir est à l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA).
Pour la première fois en 2023, un algorithme basé sur une IA a été validé cliniquement pour le
diagnostic du cancer du sein de biopsies mammaires à l’initiative de l’Institut Curie et Ibex Medical
Analytics. Cette IA a des niveaux de précision très élevés et est capable d’identifier plus de 50
caractéristiques mammaires spécifiques au cancer, permettant ainsi de réduire les erreurs et
d’améliorer la qualité du diagnostic. Ceci a été rendu possible avec l’aide de nombreux spécialistes,
par des méthodes d’apprentissage profond « deep-learning », avec plus de 2 millions d’échantillons
d’images choisis au hasard ou avec des caractéristiques peu communes. Ainsi, cette IA permet de
détecter l’avancée de nombreux cancers et d’affiner la précision du diagnostic. Des demandes de
brevets ont été déposées par Ibex Medical Analytics depuis 2018, notamment sur des « système et
procédé de gestion de flux de travaux d’examen de lames de pathologie ».

CONCLUSION

Dans un domaine aussi crucial que la recherche médicale et pharmaceutique, la gestion des
données des essais cliniques est une question de premier plan, impactant directement la sécurité des
patients, l'innovation et l'accès aux traitements. Notre exploration des interactions entre le savoir-
faire, le secret d'affaires et le droit voisin dans ce contexte complexe met en lumière les défis et les
opportunités auxquels sont confrontés les acteurs de l'industrie. Le savoir-faire, en tant que somme
des connaissances techniques accumulées au fil du temps, est essentiel pour la conception et
l'exécution d'essais cliniques de haute qualité. Cependant, sa protection peut entraver la
collaboration et la diffusion des connaissances, limitant ainsi le progrès scientifique. De même, le
secret d'affaires, bien qu'il soit nécessaire pour protéger les investissements et encourager
l'innovation, peut parfois entraver la transparence et l'accès aux données essentielles pour la santé
publique. Trouver un équilibre entre la protection des intérêts commerciaux légitimes et la
promotion de la recherche scientifique ouverte est un défi constant. Enfin, le droit voisin, en
reconnaissant les droits de propriété intellectuelle des producteurs de données, vise à protéger les
investissements dans la collecte et l'analyse des données cliniques. Cependant, son application peut
parfois restreindre l'accès aux données pour les chercheurs et les régulateurs, compromettant ainsi
l'évaluation de l'efficacité et de la sécurité des médicaments. Dans ce contexte, il est impératif que
les législateurs, les chercheurs et les entreprises pharmaceutiques collaborent pour trouver des
solutions qui garantissent à la fois la protection des intérêts commerciaux légitimes et la promotion
de la transparence et de l'accès aux données des essais cliniques. Seule une approche équilibrée et
coopérative permettra de maximiser les bénéfices pour la santé publique tout en stimulant
l'innovation dans le domaine médical et pharmaceutique

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