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PREPARATION CRFPA 2018-2019

NOTE DE SYNTHESE

GALOP D’ESSAI

Samedi 09 mars 2019

De 9h00 à 14h00

Amphi Athéna

Ce sujet comporte 27 pages

À partir des seuls documents joints, rédiger en quatre pages environ (4


pages manuscrites ou 2 pages dactylographiées) une note de synthèse
relative au sujet suivant :

" Le harcèlement moral "


1
DOCUMENTS

DOCUMENT n° 1 : Dalloz-Actualités le 16 Octobre 2018 À propos de la déjudiciarisation en


droit du travail Par Jean-Emmanuel Ray

DOCUMENT n° 2 : Code du travail

DOCUMENT n° 3 :Conseil constitutionnel 12 Janvier 2002 Numéro de décision : 2001-455 DC

DOCUMENT n° 4 :La Semaine Juridique Social n° 8, 19 Février 2013, 1093 La délicate frontière
entre délit de harcèlement moral et exercice du pouvoir de direction

DOCUMENT n° 5 :Lexis Nexis Actualités 07/02/2019 Harcèlement moral à l’origine de l’absence


prolongée du salarié : nullité du licenciement

DOCUMENT n° 6 :Lexis Nexis Actualités 17/10/2016 Le salarié qui dénonce des agissements de
harcèlement moral ne peut être poursuivi en diffamation

DOCUMENT n° 7 :Lexis Nexis Actualités 18/01/2012 Cass. crim., arrêt, 6 déc. 2011, n° 10-
82.266, M. c/ M.

DOCUMENT n° 8 : Droit pénal n° 2, Février 2019, comm. 22 Harcèlement moral au travail -


Pouvoir de direction de l'employeur - Commentaire par Philippe CONTE

DOCUMENT n° 9 :Code pénal

DOCUMENT n° 10: Recueil Dalloz 2018 p.813 La chambre sociale maintient son contrôle sur le
contentieux du harcèlement moral.

DOCUMENT n° 11: Cour de cassation chambre sociale 24 Septembre 2008 n° 06 45579

DOCUMENT n° 12 :Cour de cassation chambre sociale 27 Octobre 2004 n° 04-41.008

DOCUMENT n° 13:Cour de cassation chambre sociale 01 Juillet 2009 n° 07-44.482

DOCUMENT n° 14 :Cour de cassation chambre sociale 10 Mars 2009 n° 07-44.092

DOCUMENT n°15 :Cour de cassation chambre sociale 03 Mars 2015 n° 13-23521

DOCUMENT n° 16 :Cour de cassation chambre sociale 13 Septembre 2017 n° 15-23.045

DOCUMENT n° 17 :Cour de cassation chambre sociale 17 Juin 2009 n° 07-44.629

DOCUMENT n° 18 : Cour de cassation chambre sociale 8 juin 2016 n° 14-13418

DOCUMENT n° 19 : Cour de cassation chambre sociale 03 Février 2017 n° 15-23.499

DOCUMENT n° 20 :Cour de cassation Civ. 2ème, 17 mars 2016, n° 15-14.459


DOCUMENT n° 21 :Cour de cassation chambre sociale 28 Mars 2018 n° 16 26788
DOCUMENT n° 22 : Cour de cassation chambre sociale 07 Février 2012 n° 10 18135

2
DOCUMENT n° 1 : Dalloz-Actualités le 16 Octobre 2018
À propos de la déjudiciarisation en droit du travail
Par Jean-Emmanuel Ray professeur à l’Univeristé Panthéon-Sorbonne

…. un contentieux prud’homal qui se diversifie

Centré sur le licenciement (personnel) dont le défaut de cause réelle et sérieuse est désormais
encadré par le barème obligatoire, il est en train de se diversifier. Soit pour contourner le
plafonnement, soit pour chercher à échapper au plafond, soit enfin pour en contester le principe
même en faisant appel aux normes internationales.
….
• Les trois entrées pouvant conduire au déplafonnement
Invoquer l’un des deux harcèlements ou une discrimination a trois avantages collatéraux : le délai
de prescription passe d’un à cinq ans, le régime probatoire est nettement allégé, et ce sont des
thèmes qui attirent les médias, pouvant provoquer un bad buzz sur les réseaux sociaux : déplorable
pour les grandes entreprises dans notre société de la réputation, mais important en vue d’une
éventuelle transaction.
1. Le harcèlement moral semble faire aujourd’hui l’objet d’une véritable overdose chez nombre de
conseillers prud’hommes, voyant arriver depuis des années des dossiers-fleuves confondant
exercice normal du pouvoir de direction ou disciplinaire avec harcèlement moral. Ce dernier ne
serait reconnu que dans les cas d’atteinte à la dignité ou de management par la peur, dûment
renseignés avant le départ de l’entreprise (par ex. : courriels).
Mais ce repli du juge prud’homal pourrait être compensé par l’activisme du juge pénal. Surtout,
depuis l’arrêt de la chambre criminelle du 5 juin 2018 dans l’affaire France Telecom, où étaient mis
en cause les plus hauts cadres dirigeants du groupe lui-même, aujourd’hui renvoyés devant le
tribunal correctionnel. Activisme permettant en amont, dans notre société de la réputation, un
rapport de force différent en cas de négociation entre les parties.
2. Le harcèlement sexuel autorise également le déplafonnement, mais la situation semble ici
inversée. Moins en raison de la multiplication à l’infini des infractions (un fait divers = une loi),
finissant par se chevaucher entre elles (v. la première condamnation le 25 septembre 2018 sur «
l’outrage sexiste » : 400 € d’amende, alors qu’en réalité, il s’agissait dans ce bus d’une agression
sexuelle), que d’une atmosphère générale depuis l’affaire Weinstein puis la vague #MeeToo.
3. La violation d’une liberté fondamentale et/ou les discriminations ont ici un double effet : un
plancher minimal ne pouvant être inférieur aux salaires des six derniers mois (contre 12 avant
2017), et l’absence de plafond.

3
DOCUMENT n° 2 : Code du travail

Chapitre II : Harcèlement moral.

Article L1152-1
Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour
effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa
dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Article L1152-2
Aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire
l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de
formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion
professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des
agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir
relatés.

Article L1152-3
Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.
1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Article L1152-4
L'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de
harcèlement moral.
Les personnes mentionnées à l'article L. 1152-2 sont informées par tout moyen du texte de l'article
222-33-2 du code pénal.

Article L1152-5
Tout salarié ayant procédé à des agissements de harcèlement moral est passible d'une sanction
disciplinaire.
...
Article L1154-1 Modifié par LOI n°2016-1088 du 8 août 2016 - art. 3
Lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L.
1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié
présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont
pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs
étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction
qu'il estime utiles.

Article L1235-3
Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut
proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la
charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés
dans le tableau ci-dessous.

4
…...

Article L1235-3-1 Modifié par LOI n°2018-217 du 29 mars 2018 - art. 11


L'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché
d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne
demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est
impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure
aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :
...
2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3
et L. 1153-4 ...

5
DOCUMENT n° 3 :Conseil constitutionnel 12 Janvier 2002 Numéro de décision : 2001-455
DC

Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à l'article 61, alinéa 2, de la
Constitution, de la loi de modernisation sociale,
…..

* En ce qui concerne les dispositions relatives au droit civil et au droit du travail :

87. Considérant, d'une part, que le quatrième alinéa ajouté à l'article 1er de la loi susvisée du 6
juillet 1989 par l'article 158 de la loi déférée dispose qu'" en cas de litige " la personne qui considère
que le refus de location d'un logement qui lui a été opposé trouve sa cause dans une discrimination
prohibée par le premier alinéa du même article " présente des éléments de fait laissant supposer
l'existence d'une discrimination directe ou indirecte " et qu'" au vu de ces éléments, il incombe à la
partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée " ; que le juge civil compétent pour
connaître de ce litige " forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les
mesures d'instruction qu'il estime utiles " ;

88. Considérant, d'autre part, que le nouvel article L. 122-52, inséré dans le code du travail par
l'article 169 de la loi déférée, aménage, dans les mêmes termes, la charge de la preuve pour les
litiges portés devant le juge du travail en application des deux premiers alinéas de l'article L. 122-46
du code du travail relatifs au harcèlement sexuel au travail et du deuxième alinéa du nouvel article
L. 122-49 relatif au harcèlement moral au travail ;

89. Considérant que les règles de preuve plus favorables à la partie demanderesse instaurées par les
dispositions critiquées ne sauraient dispenser celle-ci d'établir la matérialité des éléments de fait
précis et concordants qu'elle présente au soutien de l'allégation selon laquelle la décision prise à son
égard constituerait une discrimination en matière de logement ou procéderait d'un harcèlement
moral ou sexuel au travail ; qu'ainsi, la partie défenderesse sera mise en mesure de s'expliquer sur
les agissements qui lui sont reprochés et de prouver que sa décision est motivée, selon le cas, par la
gestion normale de son patrimoine immobilier ou par des éléments objectifs étrangers à tout
harcèlement ; qu'en cas de doute, il appartiendra au juge, pour forger sa conviction, d'ordonner
toutes mesures d'instruction utiles à la résolution du litige ; que, sous ces strictes réserves
d'interprétation, les articles 158 et 169 ne méconnaissent pas le principe constitutionnel du respect
des droits de la défense ;

90. Considérant que, sous les strictes réserves énoncées aux considérants 83, 86 et 89, les articles
158, 169 et 170 ne sont pas contraires à la Constitution ;

6
DOCUMENT n° 4 :La Semaine Juridique Social n° 8, 19 Février 2013, 1093
La délicate frontière entre délit de harcèlement moral et exercice du pouvoir de direction
Commentaire par Céline Leborgne-Ingelaere maître de conférences en droit privé - université de
Lille 2 – CRDP-LEREDS

Caractérise le délit de harcèlement moral, le fait d'adresser à un salarié des convocations multiples
accompagnées de reproches graves comme la commission de malversations, de lui imposer des
missions à réaliser dans l'urgence et dans des conditions ne permettant pas de les exécuter
correctement, de modifier ses conditions matérielles de travail, en lui assignant un bureau aveugle
avec la conséquence que ces agissements ont affecté la santé du salarié et ont compromis l'avenir
professionnel de l'intéressé, qui a été licencié pour faute grave après trente ans d'exercice de ses
fonctions sans avoir fait l'objet d'une procédure disciplinaire.
Cass. crim., 19 juin 2012, n° 11-87.963, F-D , Mme O. : JurisData n° 2012-019090
Note :
Pénalement, le harcèlement moral est constitutif d'un délit défini et sanctionné par l'article 222-33-2
du Code pénal : « le fait de harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour
effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa
dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est
puni de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende ». Les conséquences potentielles de la
reconnaissance d'une situation de harcèlement moral sont donc lourdes pour son auteur de sorte que
la plus grande prudence s'impose lors de l'examen des faits. Celui-ci n'est toutefois pas toujours aisé
tant la frontière entre une situation de harcèlement moral et l'existence de conditions de travail
stressantes est parfois malaisée à tracer. L'enjeu est pourtant clair : éviter le « tout harcèlement »
sans passer à côté de tristes réalités méritant une juste sanction. L'arrêt rendu par la chambre
criminelle de la Cour de cassation le 19 juin 2012 témoigne de ce tiraillement quasi systématique
entre le sentiment fort, pour la victime, d'avoir été harcelée, et l'argument patronal d'une gestion
normale de l'entreprise par un exercice légitime du pouvoir d'organisation et de direction de
l'employeur.

En l'espèce, la cour d'appel de Colmar, dans un arrêt en date du 5 octobre 2011, avait déclaré la
prévenue, nouvelle directrice d'un office de tourisme issu d'une fusion entre deux offices
préexistants, coupable de harcèlement moral à l'égard d'une salariée qui avait précédemment occupé
les fonctions de directrice du second de ces établissements. La prévenue avait formé un pourvoi en
cassation en arguant de l'absence de l'élément matériel et de l'élément intentionnel du délit. La Cour
de cassation rejette toutefois les arguments avancés. Elle caractérise le harcèlement en présence d'un
comportement excédant manifestement les pouvoirs conférés par les fonctions de la prévenue et
rappelle le sens de l'élément intentionnel du délit.

La consécration d'un harcèlement lorsque le comportement dépasse l'usage de l'autorité que


lui conféraient ses fonctions.
...la Cour de cassation s'attache à ne pas opérer de confusion entre harcèlement et exercice du
pouvoir de direction de l'employeur. Le harcèlement moral ne doit pas être confondu avec les
exigences du travail subordonné. Comme le relève la chambre sociale, l'employeur doit pouvoir
exercer légitimement son pouvoir hiérarchique (Cass. soc., 14 oct. 2009, n° 08-41.091. – Cass. soc.,
16 déc. 2009, n° 08-42.958 : JurisData n° 2009-050925) et prendre des mesures répondant aux
exigences du service et à un souci de bonne gestion (Cass. soc., 19 janv. 2010, n° 08-44.609), sans
qu'un harcèlement moral soit, de suite, qualifié. Il est « constant que des faits de harcèlement moral
ne peuvent être confondus avec l'exercice, fut-il autoritaire, du pouvoir général d'organisation du
chef d'entreprise [...] ; qu'en effet toute activité professionnelle peut être à l'origine de contraintes,
de difficultés relationnelles ou de stress sans que les problèmes de santé qui en découlent soient ipso

7
facto rattachés à des situations de harcèlement moral » (CA Chambéry, 18 mars 2008, n° 07/01338 ;
CA Chambéry, 5 juin 2007, n° 06/01128. – CA Chambéry, 26 sept. 2006, n° 04/02825. – CA
Grenoble, 22 oct. 2007, n° 06/02967. – CA Grenoble, 10 sept. 2007, n° 06/01547). La chambre
criminelle s'attache également à vérifier si les limites du pouvoir de direction de l'employeur ont été
dépassées. Ainsi, encourt la censure l'arrêt de la cour d'appel qui condamne l'infirmière d'une
maison de retraite pour harcèlement moral envers des salariées placés sous son autorité sans
caractériser les agissements de la prévenue ne rentrant pas dans l'exercice de son pouvoir de
direction envers les plaignantes et ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions
de travail de celles-ci (Cass. crim., 18 janv. 2011, n° 10-83.389 : JurisData n° 2011-001721 ; Dr.
pén. 2011, comm. 47, note M. Véron)...

La solution est justifiée. Certes, les juges doivent prendre garde au contexte dans lequel les faits se
sont déroulés. Marie-France Hirigoyen relève ainsi que « lorsqu'on aborde le problème des
contraintes professionnelles, il faut avoir conscience que certaines personnes peu motivées par leur
travail se sentent harcelées dès qu'on les houspille en essayant de les stimuler ». Toutefois, il n'y a
parfois qu'un pas entre pouvoir et abus. Un pas entre subordination et harcèlement. Le présent arrêt
s'inscrit ainsi dans la lignée d'autres espèces analogues. Pour exemple, justifie sa décision de
condamner le directeur d'un site de La Poste pour harcèlement moral la cour d'appel dont l'arrêt met
en évidence des agissements délibérés commis de façon réitérée dans un contexte professionnel par
le prévenu qui ont outrepassé les limites de l'exercice de son pouvoir de direction et ont porté
atteinte à la santé de sa subordonnée. Le fait qu'une enquête interne ait conclu à l'inexistence d'un
harcèlement moral ne lie pas le juge (Cass. crim., 8 juin 2010, n° 10-80.570 : JurisData n° 2010-
011208 ; Dr. pén. 2010, comm. 117, note M. Véron). Notons, en outre, que le changement de
directrice et la nouvelle organisation ne sauraient justifier les excès invoqués par la prévenue. En ce
sens également, la cour d'appel de Reims rappelait, dans un arrêt en date du 1er septembre 2004,
que « si l'employeur dans le cadre d'une nouvelle direction est parfaitement en droit de changer les
méthodes de travail et d'exiger des salariés une autre façon de faire et des résultats différents de
ceux qui avaient été jusque-là obtenus, la transition doit se faire cependant dans le respect dû à tout
salarié et dans les conditions normales d'exercice des pouvoirs dont dispose l'employeur » (CA
Reims, 1er sept. 2004, n° 03/02023). L'argument de la prévenue, qui invoquait le changement de
statut de l'office et sa soumission aux lois du marché, doit logiquement être écarté.
Au-delà, le présent arrêt rappelle le caractère intentionnel du délit de harcèlement moral.

L'indispensable élément intentionnel.


Le pourvoi rappelle, à juste titre, que le délit de harcèlement moral par dégradation des conditions
de travail pouvant porter atteinte aux droits, à la dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel
d'autrui est un délit intentionnel, qui suppose la conscience par l'auteur des faits poursuivis de ne
pas seulement poursuivre l'intérêt légitime de l'entreprise mais de nuire à certains salariés. La
jurisprudence est constante sur cette question (Cass. crim., 18 janv. 2011, n° 10-83.389 : JurisData
n° 2011-001721 ; Dr. pén. 2011, comm. 47, note M. Véron. – Cass. crim., 15 mars 2011, n° 09-
88.627 : JurisData n° 2011-003738). La Cour de cassation caractérise le délit « en tous des éléments
constitutifs, tant matériels qu'intentionnels [...] en présence d'agissements délibérés, qui ont été
commis de façon réitérée ». .... Tel est d'ailleurs aujourd'hui un point important de discordance entre
la chambre sociale de la Cour de cassation, dans sa stricte application des dispositions du Code du
travail (Cass. soc., 10 nov. 2009, n° 08-41.497 : JurisData n° 2009-050431 ; Bull. civ. 2009, V, n°
248 ; JCP S 2010, 1125, étude C. Leborgne-Ingelaere, 1re esp.) et la chambre criminelle.

...Cela ne suppose pas que le prévenu ait l'intention de parvenir aux conséquences dommageables
prévisibles (E. Monteiro, Le concept de harcèlement moral dans le Code pénal et le Code du
travail : Rev. sc. crim. 2003, p. 277).

8
DOCUMENT n° 5 :Lexis Nexis Actualités 07/02/2019
Harcèlement moral à l’origine de l’absence prolongée du salarié : nullité du licenciement
Cass. soc., 30 janv. 2019, n° 17-31.473, F-P+B

Le licenciement du salarié prononcé pour absence prolongée et perturbation du fonctionnement de


l'entreprise nécessitant son remplacement définitif est nul s'il trouve sa cause directe dans le
harcèlement moral qu’il a subi.

C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation dans une affaire où une salariée, qui avait fait l’objet
d’arrêts de travail à la suite d’un accident du travail puis d’arrêts de travail pour maladie, avait été
licenciée par son employeur, celui-ci invoquant son absence prolongée perturbant le bon
fonctionnement de l’entreprise et nécessitant son remplacement définitif. Estimant subir un
harcèlement moral, elle avait saisi la juridiction prud’homale en arguant que l’unique cause de son
absence prolongée à son poste de travail résultait du comportement fautif de l’employeur en raison
du harcèlement moral dont elle avait été la victime ; ces agissements, imputables à l’employeur,
constituent la véritable cause du licenciement. La société s’était pourvue en cassation, faisant grief à
l’arrêt d’appel d’avoir prononcé la nullité du licenciement et de l’avoir condamnée au paiement de
dommages-intérêts pour harcèlement moral et pour manquement à l’obligation de sécurité.

La Cour régulatrice a anéanti ses derniers espoirs, confirmant qu’est nul le licenciement du salarié
malade lorsque son absence prolongée est la conséquence du harcèlement moral dont il a été l'objet,
l'employeur ne pouvant alors se prévaloir de la perturbation que cette absence prolongée a causée au
fonctionnement de l'entreprise (V. déjà Cass. soc., 11 oct. 2006, n° 04-48.314 : JurisData n° 2006-
035350 ; JCP S 2006, 1985 , note J.-Y. Frouin ; Bull. civ. V, n° 301 . - Cass. soc., 16 déc. 2010, n°
09-41.640 , inédit : JurisData n° 2010-023924). Tel était le cas en l’espèce, les juges ayant retenu
l’existence d’un harcèlement moral qui avait eu des répercussions sur l’état de santé de la salariée,
dont ils avaient constaté l’absence de l’entreprise en raison de plusieurs arrêts de travail, et ayant
fait ressortir le lien de causalité entre le harcèlement à l’origine de l’absence de la salariée et le
motif du licenciement.

9
DOCUMENT n° 6 :Lexis Nexis Actualités 17/10/2016 Le salarié qui dénonce des agissements
de harcèlement moral ne peut être poursuivi en diffamation
Pierre-Olivier BACH, Juriste, Cabinet Barthélémy Avocats
Dans un arrêt de principe bénéficiant d'une large diffusion, la première chambre civile de la Cour
de cassation précise la protection dont bénéficient les salariés lorsqu'ils dénoncent auprès de leur
employeur des agissements de harcèlement moral dont ils estiment être victimes.

Une salariée soutenant être victime de harcèlement moral de la part de deux de ses supérieurs,
dénonce ces faits par courrier auprès de son employeur en informant le CHSCT et l'inspection du
travail. Estimant que les propos de cette salariée étaient diffamatoires à leur égard, la société et les
deux responsables hiérarchiques de cette salariée l'assignent en diffamation.
Les juges d'appel font droit à la demande des plaignants et condamnent la salariée à leur verser une
somme de 300 €. Celle-ci se pourvoit alors en cassation sur le fondement de l'article L.1152-2 du
Code du travail lequel interdit à l'employeur de sanctionner un salarié relatant des agissements de
harcèlement moral. La jurisprudence a toutefois tempéré ce principe lorsque le salarié à l'origine de
la dénonciation des faits de harcèlement moral supposés est de mauvaise foi ( ).

La première chambre civile fait droit à la demande de la salariée considérant que le régime
probatoire en cas de poursuites pour diffamation est « de nature à faire obstacle » au principe posé
par l'article L.1152-2 du Code du travail. En effet, si la partie poursuivie a « la possibilité de
démontrer l'existence de circonstances particulières de nature à la faire bénéficier de la bonne foi »,
elle doit toutefois en rapporter la preuve laquelle suppose « de justifier de la légitimité du but
poursuivi, de l'absence d'animosité personnelle, de la prudence dans l'expression et de la fiabilité de
l'enquête ». La cour ajoute que l'auteur présumé des actes diffamatoires ne saurait bénéficier de la
bonne foi en raison de sa seule croyance en l'exactitude des imputations diffamatoires.
Or, un salarié peut être amené à relater des agissements de harcèlement qui finalement s'avéreront
inexacts sans pour autant que l'interdiction faite à l'employeur de le sanctionner disciplinairement ne
soit levée.

Ce régime probatoire strict, sans compter que la personne poursuivie ne dispose que d'un délai de
dix jours après la signification de la citation pour apporter les éléments de preuve, est de nature à
dissuader les salariés victimes d'agissements de harcèlement moral d'user de leur droit de les
dénoncer.

Si la première chambre civile écarte donc la possibilité pour les personnes accusées de faits de
harcèlement moral d'agir en diffamation, elle ne ferme pas totalement la porte à une action
judiciaire. En effet, elle ajoute que « lorsqu'il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié
avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi
de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être
retenue ».

Définie comme la dénonciation d'un fait de nature à entraîner des sanctions judiciaires,
administratives ou disciplinaires et dont l'auteur sait totalement ou partiellement qu'il est inexact, il
aurait de prime abord pu être surprenant que la cour de cassation permette d'agir sur le terrain de la
dénonciation calomnieuse alors qu'elle écarte la possibilité d'agir en diffamation.
C'est une fois de plus le régime probatoire qui conduit la plus haute juridiction à prendre une telle
position. En effet, contrairement au régime applicable en matière de diffamation, c'est au plaignant
de démontrer la mauvaise foi de l'auteur présumé d'actes de dénonciation calomnieuse. Ce régime
probatoire n'est donc pas « de nature à faire obstacle à l'effectivité du droit » du salarié de dénoncer
des agissements de harcèlement moral.

10
DOCUMENT n° 7 :Lexis Nexis Actualités 18/01/2012 Cass. crim., arrêt, 6 déc. 2011, n° 10-
82.266, M. c/ M.
Reconnaissance du harcèlement moral ascendant

Une responsable de service subit durant plusieurs années le comportement irrévérencieux et


méprisant d'un salarié subordonné. Ce salarié diffusait d'elle une image d'incompétence dans son
milieu professionnel, et son comportement contribue à dégrader le climat et les conditions de travail
de sa supérieure hiérarchique, de telle sorte qu'elle se suicide.

Le procureur général poursuit le salarié incriminé devant les juridictions criminelles du chef de
harcèlement moral, de dégradation des conditions de travail pouvant porter atteinte aux droits, à la
dignité, à la santé ou à l'avenir professionnel d'autrui. Le tribunal correctionnel avait déclaré
constitué le délit de harcèlement, mais la cour d'appel de Poitiers infirme ce jugement. Elle
considère en effet que, d'une part, le délit d'harcèlement suppose que la dégradation des conditions
de travail soit de nature à compromettre l'avenir professionnel de la victime ; la victime étant ici la
supérieure hiérarchique, la cour estime que le salarié n'est pas en position de compromettre sa
position professionnelle. D'autre part, la cour d'appel estime que la preuve n'a pas été apportée que
les agissements du salarié n'ont pas effectivement porté atteinte aux droits, à la dignité de la victime
ou altéré sa santé physique ou mentale, le suicide de la responsable ne pouvant être exclusivement
et directement imputé au comportement du salarié irrévérencieux. Elle reconnaît cependant que ces
agissements ont contribué à compromettre l'équilibre moral de la responsable, mais n'estime pas
suffisante la relation de cause à effet pour incriminer le salarié.

La Cour de cassation casse la décision de la cour d'appel sur les deux points.

Elle relève en premier lieu que les juridictions saisies ont constaté et reconnu que le dénigrement
auquel s'était livré le prévenu pendant plusieurs années avait contribué à dégrader les conditions de
travail de sa responsable, au point d'altérer sa santé physique ou mentale et de compromettre son
avenir professionnel. La cour d'appel, en retenant que « les conséquences de la dégradation des
conditions de travail devaient être avérées, alors que la simple possibilité de cette dégradation suffit
à consommer le délit de harcèlement moral » a ajouté aux textes de loi une condition qu'elle ne
comporte pas.

De même, elle ajoute des éléments supplémentaires à la constitution du délit de harcèlement moral
que les textes n'exigent pas en subordonnant le délit à l'existence d'un pouvoir hiérarchique, alors
que le fait que la personne poursuivie soit le subordonné de la victime est indifférent à la
caractérisation de l'infraction.

L'affaire est par conséquent renvoyée devant la cour d'appel d'Angers afin que celle-ci statue
définitivement sur la constitution du délit de harcèlement, à la lecture stricte des textes ainsi
analysés.

11
DOCUMENT n° 8 : Droit pénal n° 2, Février 2019, comm. 22
Harcèlement moral au travail - Pouvoir de direction de l'employeur -
Commentaire par Philippe CONTE

Cass. crim., 13 nov. 2018, n° 17-85.005, D : JurisData n° 2018-020147


Cass. crim., 13 nov. 2018, n° 18-80.374, D : JurisData n° 2018-020197

Note :
Ces deux décisions illustrent le courant jurisprudentiel qui, pour apprécier si le comportement d'un
employeur ou assimilé ... relève de la qualification de harcèlement moral au travail, tient compte du
pouvoir de direction qui lui appartient (...) La solution ne ressort pas de la lettre, beaucoup trop
vague ... de l'article 222-33-2 du Code pénal, mais elle est seule raisonnable ; dans le cas d'un
contrat de travail, elle peut s'autoriser, au demeurant, d'une permission implicite de la loi, en
l'occurrence les dispositions du Code du travail précisant les prérogatives et les obligations des
employeurs et salariés. Bien que les solutions ici retenues soient apparemment à l'opposé l'une de
l'autre, elles ne sont nullement contradictoires.

Dans le premier arrêt (n° 17-85.005), la chambre criminelle considère certains actes du prévenu
comme « étrangers par leur nature » à ses pouvoirs d'employeur : il lui était reproché d'avoir eu à
l'encontre de la victime une attitude d'ignorance dévalorisante, de lui avoir imposé une mise à l'écart
professionnelle injustifiée et imputé des comportements attentatoires à sa dignité et à son honnêteté.
Quelles que soient en effet les éventuelles carences professionnelles du salarié, de tels
comportements ne sauraient être justifiés par l'exercice du pouvoir de direction.

Dans la seconde affaire (n° 18-80.374), un cadre supérieur de banque, après s'être consacré à
plusieurs missions, avait concentré son activité sur le développement d'un nouveau produit
financier, sans le succès attendu, en dépit de la mise à sa disposition des moyens nécessaires. Sa
hiérarchie, concluant alors à un échec, l'avait réorienté vers un autre poste, après lui avoir notifié
une note d'évaluation négative de son travail : il lui était reproché un manque d'esprit d'initiative et
une absence de vision stratégique sur ses projets. L'instruction au cours de laquelle avait été mis en
cause le supérieur hiérarchique étant close par un arrêt de non-lieu, le pourvoi est rejeté : la Cour de
cassation juge que la chambre de l'instruction a pu, « compte tenu du domaine spécifique d'activité
(du salarié), des performances attendues et de ses résultats, estimer que les agissements incriminés
n'avaient pas outrepassé les limites de l'exercice du pouvoir de direction et de contrôle de
l'employeur ». Autrement dit, là où, dans un cas, la responsabilité de l'employeur résulte
objectivement de son seul comportement, en raison de sa « nature » même ..., dans l'autre, c'est
uniquement au terme d'une analyse concrète de la situation que la commission d'un harcèlement
moral peut être admise ou écartée.

...
Il est certain, en tout cas, que la façon dont le salarié ressent les mesures dont il est l'objet est
indifférente, au sens où il ne saurait être question de conclure au délit au seul motif qu'il s'est senti
humilié ; pour cette raison, le législateur a été peu inspiré de viser une atteinte non pas à la dignité
de la victime, mais à « sa » dignité (en l'espèce, le salarié, polytechnicien, apparemment peu
coutumier d'une remise en question, avait très mal vécu son évaluation, pour sombrer dans une
profonde dépression, suivie d'un suicide). On ajoutera, enfin, que dans le cas, plus rare, du
harcèlement commis par un salarié à l'encontre de son supérieur hiérarchique, l'infraction ne
disparaît évidemment pas au motif que la victime, grâce à ses pouvoirs de direction, aurait les
moyens de se soustraire aux agissements de son subordonné (Cass. crim., 18 janv. 2011, n° 10-
83.389 : JurisData n° 2011-001721).

12
DOCUMENT n° 9 :Code pénal

Section 3 bis : Du harcèlement moral

Article 222-33-2
Le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet
une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité,
d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, est puni de
deux ans d'emprisonnement et de 30 000 € d'amende.

13
DOCUMENT n° 10:Recueil Dalloz 2018 p.813
Droit du travail - Relations individuelles mars 2017 - février 2018
Pascal Lokiec, Professeur à l'École de droit de la Sorbonne (Université Paris 1), IRJS
Jérôme Porta, Professeur à l'Université de Bordeaux COMPTRASEC - UMR 5114 CNRS

La chambre sociale maintient son contrôle sur le contentieux du harcèlement moral. Que la
qualification de harcèlement moral relève de l'appréciation souveraine des juges du fond ... ne
signifie pas que l'opération de qualification elle-même échappe à tout contrôle. La Cour opère ici un
contrôle renforcé (Soc. 24 sept. 2008, n° 06-46.517, n° 06-45.747, n° 06-45.794, n° 06-45.579, et n°
06-43.504,...) avec le dessein explicite d'harmoniser les pratiques (communiqué relatif aux arrêts du
24 sept. 2008, préc.). Elle veille ainsi au respect d'un guide de qualification dont elle a pu expliciter
les directives (Soc. 8 juin 2016, n° 14-13.418, D. 2016. 1257, 1588, chron. E. Wurtz, et 2017. 840,
obs. J. Porta). Ainsi, « pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au
juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les
documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris
dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral » (ibid.). Par un
récent arrêt du 6 octobre 2017, la chambre sociale confirme la rigueur de son contrôle. 1

Cette rigueur affirmée à l'égard de la qualification de harcèlement moral n'en contraste que plus
avec la brèche que révèle un arrêt du 13 septembre 2017 dans la protection de la dénonciation des
agissements de harcèlement moral. Afin de libérer la parole des salariés victimes de harcèlement ou
des témoins de ces agissements, le législateur a entendu leur conférer une protection spéciale, au-
delà de la seule liberté d'expression. Ainsi est nulle toute mesure prise à l'encontre d'un salarié qui
aurait « témoigné de tels agissements ou les [aurait] relatés » (art. L. 1152-2 c. trav.). Une protection
analogue s'applique à la dénonciation de faits de harcèlement sexuel (art. L. 1153-3 c. trav.) et de
faits discriminatoires (art. L. 1132-3 c. trav.). Le salarié bénéficie ainsi d'une véritable immunité qui
n'a de limite que la mauvaise foi, « laquelle ne peut résulter de la seule circonstance que les faits
dénoncés ne sont pas établis » (Soc. 10 mars 2009, n° 07-44.092, D. 2009. 952, obs. L. Perrin ;
RDT 2009. 376, obs. B. Lardy-Pélissier, et 453, obs. P. Adam). À lire la formulation de l'attendu, il
eût donc fallu que le salarié ait soin de qualifier explicitement les agissements qu'il dénonçait de
harcèlement. La solution révèle manifestement la préoccupation de la chambre sociale de limiter le
domaine de cette immunité. ... Malheur donc à celui qui dénoncerait des faits de harcèlement en
omettant de les qualifier comme tels !

14
DOCUMENT n° 11: Cour de cassation chambre sociale 24 Septembre 2008 n° 06 45579

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Gerin a été engagée le 1er mai 1969 par la société nouvelle
Clinique de l'Union en qualité de sage-femme ; que la salariée a saisi la juridiction prud'homale aux
fins d'obtenir la condamnation de l'employeur au paiement de diverses sommes à titre de rappel de
salaire et de dommages-intérêts ;

... sur le premier moyen du pourvoi principal de la salariée :

Vu les articles L. 122-49 et L. 122-52 du code du travail devenus L. 1152-1 et L. 1154-1 du même
code ;

Attendu que peuvent constituer un harcèlement moral des agissements ayant pour objet ou pour
effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux droits et à la
dignité du salarié, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir
professionnel ;

Attendu que pour débouter la salariée de sa demande de dommages-intérêts à titre de harcèlement


moral, la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas établi que l'altération de l'état de santé de celle-ci
matérialisée par un état anxio-dépressif fût la conséquence d'agissements répétés de harcèlement
moral émanant de l'employeur, que la médecine du travail n'avait pas été alertée et que l'allégation
d'un malaise collectif des sages-femmes de la clinique ne saurait établir l'existence d'agissements
répétés de harcèlement moral ;

Qu'en se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, alors que la salariée invoquait le retrait
arbitraire de son statut de cadre, la stagnation de sa rémunération, la suppression de primes et
d'éléments de salaire, la détérioration progressive de ses conditions de travail, la cour d'appel, qui
devait rechercher si de tels éléments étaient établis et, dans l'affirmative, s'ils étaient de nature à
faire présumer un harcèlement moral au sens des textes précités, n'a pas donné de base légale à sa
décision ;

PAR CES MOTIFS :


CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la salariée de sa demande de
dommages-intérêts pour harcèlement moral, l'arrêt rendu le 21 septembre 2006,

15
DOCUMENT n° 12 :Cour de cassation chambre sociale 27 Octobre 2004 N° 04-41.008
Sur le moyen unique :

Attendu que Mme Pouvreau a été engagée par la société Mât de misaine le 2 novembre 2000 par
contrat à durée déterminée en qualité d'animatrice de magasin ; que son contrat de travail a été
renouvelé le 31 janvier 2001 pour une durée de onze mois ; que la salariée a saisi la juridiction
prud'homale de demandes en requalification de son contrat de travail en contrat à durée
indéterminée et en paiement de diverses indemnités notamment pour harcèlement moral ;

Mais attendu que la cour d'appel, qui sans se contredire, a constaté que la salariée avait fait l'objet
d'un retrait sans motif de son téléphone portable à usage professionnel, de l'instauration d'une
obligation nouvelle et sans justification de se présenter tous les matins au bureau de sa supérieure
hiérarchique, de l'attribution de tâches sans rapport avec ses fonctions, faits générateurs d'un état
dépressif médicalement constaté nécessitant des arrêts de travail, a, par une appréciation souveraine,
estimé que la conjonction et la répétition de ces faits constituaient un harcèlement moral ; que le
moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

16
DOCUMENT n° 13:Cour de cassation chambre sociale 01 Juillet 2009 N° 07-44.482

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Orléans, 10 juillet 2007), que Mmes Tréboscen et Duneau, engagées
par l'association Closravi Hameau Saint-Michel respectivement en qualité de maîtresse de maison
en 1996 et en qualité de permanente d'accueil en 1990, victimes de faits de harcèlement moral par la
directrice de l'établissement, ont saisi le juge de demandes tendant, d'une part, à la condamnation de
leur employeur à des dommages et intérêts et, d'autre part, à ce qu'il soit ordonné à ce dernier
"d'écarter la directrice de ses fonctions" ;

Attendu que Mmes Tréboscen et Duneau font grief à l'arrêt de les débouter de cette demande, alors,
selon le moyen, que la carence de l'employeur en présence d'une atteinte à la santé physique et
mentale des salariés autorise le juge prud'homal saisi par les salariés concernés à ordonner toute
mesure propre à faire cesser cette atteinte ; qu'en jugeant qu'elle n'était pas autorisée à se substituer
à l'employeur défaillant en présence d'un harcèlement moral avéré auquel il pouvait être mis un
terme par la mise à l'écart de l'auteur dudit harcèlement, la cour d'appel a méconnu l'étendue de ses
pouvoirs au regard des articles L. 122-49, L. 122-51, et L. 422-1-1 du code du travail ainsi que de
l'article L. 230-2 du code du travail, interprété à la lumière de la Directive CEE n° 89/391 du 12 juin
1989, concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et
de la santé des travailleurs au travail ainsi que de l'article R. 241-51 du code du travail ;

Mais attendu que si, par application de l'article L. 1152-4 du code du travail, l'employeur doit
prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral, il
n'entre pas dans les pouvoirs du juge d'ordonner la modification ou la rupture du contrat de travail
du salarié auquel sont imputés de tels agissements, à la demande d'autres salariés, tiers à ce contrat ;

Que la cour d'appel ayant exactement retenu que l'injonction qu'il lui était demandé de délivrer à
l'employeur impliquait une modification du contrat de travail de la directrice qui ne pouvait être
réalisée qu'avec l'accord de l'intéressée ainsi que son licenciement en cas de refus, c'est à bon droit
qu'elle a débouté les salariées de cette demande et renvoyé l'employeur à ses obligations tirées de
l'article L. 1152-4 précité ;

PAR CES MOTIFS :


REJETTE le pourvoi ;

17
DOCUMENT n° 14 :Cour de cassation chambre sociale 10 Mars 2009 n° N° 07-44.092

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Boulmane a été engagé le 20 janvier 2004, en qualité de chef
d'équipe, par la société entreprise dijonnaise de Bourgogne ; que par courrier du 5 mai 2004, le
salarié s'est plaint auprès de son employeur de divers "faits illégaux" tenant notamment au défaut de
respect d'une promesse de promotion, au paiement des heures supplémentaires sous forme de
primes exceptionnelles, à la variation du taux horaire, à la présentation d'accidents de travail comme
des situations de maladies et à des agissements de harcèlement moral imputés à un supérieur
hiérarchique ; qu'à la suite de ce courrier, il a été licencié pour faute grave par lettre du 3 juin 2004 ;
que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en contestation de son licenciement et
en paiement d'indemnités, de rappels de salaires et d'heures supplémentaires ;

Sur le moyen relevé d'office après l'avertissement prévu à l'article 1015 du code de procédure
civile :

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;

….
Attendu que pour décider que le licenciement de M. Boulmane reposait sur une cause réelle et
sérieuse et le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, l'arrêt retient que
le fait pour un salarié d'imputer à son employeur, après en avoir averti l'inspection du travail, des
irrégularités graves dont la réalité n'est pas établie, et de reprocher des faits de harcèlement à un
supérieur hiérarchique sans les prouver, caractérise un abus dans l'exercice de la liberté d'expression
et constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le grief tiré de la relation des agissements de harcèlement moral par
le salarié, dont la mauvaise foi n'était pas alléguée, emportait à lui seul la nullité de plein droit du
licenciement, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

..PAR CES MOTIFS, CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28
septembre 2006, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

18
DOCUMENT n°15 :Cour de cassation chambre sociale 03 Mars 2015 n° 13-23521

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Dupas, engagée en 1986 en qualité de rédactrice stagiaire
par la société Les Editions Jalou, éditeur de magazines, a bénéficié de trois congés maternité de
juillet 1997 à août 1998, de septembre 2001 à février 2003 et de mars à septembre 2005 ; qu'en arrêt
de travail pour maladie, depuis le mois d'octobre 2006, elle a saisi, en juillet 2007, pour obtenir la
résiliation de son contrat de travail aux torts de l'employeur, un conseil de prud'hommes lequel a
rejeté ses demandes par jugement du 30 avril 2009 ; que le 12 octobre 2009, le médecin du travail,
au cours de l'unique visite de reprise en raison d'un danger immédiat, l'a déclarée « inapte à tout
poste existant dans l'entreprise » ; qu'elle a été licenciée par lettre du 3 décembre 2009 pour avoir
refusé les offres de reclassement ; que devant la cour d'appel la salariée a sollicité paiement de
diverses sommes au titre de la rupture du contrat, d'une discrimination, d'un harcèlement moral et
d'une violation du principe d'égalité de traitement ;

Sur le premier moyen :

Vu les articles, L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail ;

Attendu que les obligations résultant des articles L. 1132-1 et L. 1152-1 du code du travail sont
distinctes en sorte que la méconnaissance de chacune d'elles, lorsqu'elle entraîne des préjudices
différents, ouvre droit à des réparations spécifiques ;

Attendu que pour rejeter la demande d'indemnisation au titre du harcèlement moral, l'arrêt énonce,
après avoir retenu l'existence d'une discrimination fondée sur l'état de grossesse de la salariée,
chacun de ses congés de maternité ayant été l'occasion d'une diminution très sensible de ses
activités rédactionnelles, et alloué à cette dernière une somme à titre de dommages-intérêts pour le
préjudice moral résultant du sentiment d'être « mise au placard » et le préjudice financier résultant
de la perte d'une partie des rémunérations qu'elle aurait pu percevoir sous forme de piges, que les
griefs invoqués pour caractériser le harcèlement sont les mêmes que ceux qui ont permis à la cour
de retenir l'existence d'une discrimination et que le préjudice est également identique dès lors que
les dommages-intérêts indemnisent le préjudice moral qui a effectivement été subi ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte de ces énonciations que les dommages-intérêts alloués au
titre de la discrimination réparent les préjudices matériels et moraux résultant de la privation d'une
partie des fonctions de l'intéressée après retour de ses congés maternité et non l'atteinte à la dignité
et à la santé de la salariée, ayant conduit à un état d'inaptitude médicalement constaté, résultant du
harcèlement moral dont elle a fait l'objet, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la salariée de ses
demandes d'indemnisation au titre du harcèlement moral...

19
DOCUMENT n° 16 :Cour de cassation chambre sociale 13 Septembre 2017 N° 15-23.045

Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. Mayorkas, engagé par la société Encyclopedia Britannica
France, aujourd'hui dénommée Book Distributors (France) Ltd (la société), exerçant en dernier lieu
les fonctions de directeur commercial et vice président France, Belgique et Suisse, a été licencié
pour faute grave le 22 février 2011 ; qu'estimant avoir été licencié pour avoir relaté des agissements
de harcèlement moral, le salarié a saisi la juridiction prud'homale aux fins de nullité du licenciement
et de réintégration dans l'entreprise ; que la société a été placée en liquidation judiciaire par
jugement du tribunal de commerce en date du 26 juillet 2016, M. Legras de Grandcourt étant
désigné en qualité de liquidateur ;

...
Mais sur le premier moyen, pris en sa troisième branche :

Vu l'article L. 1152-2 en sa rédaction applicable en la cause et l'article L. 1152-3 du code du travail ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir relaté
des agissements de harcèlement moral ;

Attendu que pour déclarer le licenciement nul, l'arrêt retient que la lettre de licenciement reproche
notamment au salarié d'essayer de créer l'illusion d'une brimade, de proférer des accusations
diffamatoires en se permettant d'affirmer par écrit, dans un courriel, qu'il subirait des
comportements abjects, déstabilisants et profondément injustes sans aucune justification, de tels
faits étant qualifiés par l'employeur de dénigrement, de manque de respect manifesté par des propos
injurieux, constitutifs d'un abus dans la liberté d'expression ; que ce motif renvoie au courriel
adressé le 13 janvier 2011 dans lequel le salarié avisait l'employeur de son souhait de l'informer de
vive voix du traitement abject, déstabilisant et profondément injuste qu'il estimait être en train de
subir, visant ainsi des agissements de harcèlement moral même si ces termes ne sont pas
formellement employés, sollicitant dans un premier temps une rencontre avec son employeur afin
de l'informer et dans un second temps une vérification de ses propos ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le salarié n'avait pas dénoncé des
faits qualifiés par lui d'agissements de harcèlement moral, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les
conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation sur le premier
moyen du chef de la nullité du licenciement entraîne, par voie de conséquence, la cassation sur le
deuxième moyen du chef du paiement de rappel de salaire et des salaires pour la période postérieure
au licenciement ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

20
DOCUMENT n° 17 :Cour de cassation chambre sociale 17 Juin 2009 N° 07-44.629

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;


...
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Couratin, salariée de la société Ausy France qui l'employait
en qualité d'ingénieur principal depuis le 17 juillet 2003, a été convoquée le 13 décembre 2004 à un
entretien préalable à son congédiement et licenciée pour faute grave par lettre du 27 décembre 2004,
notamment pour avoir formulé des accusations mensongères de harcèlement moral dans plusieurs
lettres adressées à l'employeur ;

Attendu que pour débouter Mme Couratin de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture et
de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a retenu que
son initiative d'alerter la direction générale, dès la fin du mois d'avril 2004, sur le harcèlement moral
dont elle se prétendait victime ne reposait sur aucun motif sérieux, qu'en formulant une accusation
aussi grave à l'encontre de ses supérieurs hiérarchiques, elle a provoqué elle-même la dégradation
des conditions de travail dont elle se plaint, et qu'en renouvelant ses accusations injustifiées, malgré
plusieurs semaines d'absence, elle a rendu impossible la poursuite du contrat de travail ;

Qu'en statuant ainsi, sans caractériser la mauvaise foi de la salariée, la cour d'appel a violé les textes
susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE

21
DOCUMENT n° 18 : Cour de cassation chambre sociale 8 juin 2016 N° de pourvoi: 14-
13418
..
Attendu qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement
moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant
en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits
matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un
harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il
revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas
constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs
étrangers à tout harcèlement ;
Attendu que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie
souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement
et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ;
Et attendu qu'après avoir exactement rappelé le mécanisme probatoire prévu par l'article L. 1154-1
du code du travail, la cour d'appel, qui sans se contredire, a souverainement retenu que la salariée
établissait des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral mais que l'employeur
justifiait au soutien de ses décisions d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a décidé,
dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, qu'aucun
harcèlement moral ne pouvait être retenu ;

Commentaire pour le rapport annuel de l'arrêt du 8 juin 2016, n° 14-13.418

Jusqu’en 2008, la Cour de cassation n’exerçait pas de contrôle sur la qualification juridique de
harcèlement moral donnée par l’article L. 1152-1 du code du travail, non plus que sur la bonne
application du mécanisme probatoire prévue par l’article L. 1154-1 du même code.

A partir de 2008, la Cour de cassation a décidé d’exercer un contrôle sur la qualification juridique
de harcèlement moral et, notamment, sur l’application du mécanisme probatoire, essentiel pour
cette qualification (Soc. 24 septembre 2008, n° 06-43.504, n° 06-45.579, 06-45.794, et 06-45.747,
Bull. N° 175).

Ainsi, a t-il été jugé, en ce qui concerne la définition du harcèlement moral :

- qu'il résulte de l'article L. 1152-1 du code du travail que le harcèlement moral est constitué,
indépendamment de l'intention de son auteur, dès lors que sont caractérisés des agissements
répétés ayant pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte aux
droits et à la dignité du salarié, d'altérer sa santé ou de compromettre son avenir professionnel (Soc.
10 novembre 2009, n° 08-41.497, Bull. N° 248), ce qui signifie que le harcèlement moral est
caractérisé par la constatation de ses conséquences telles que légalement définies, peu important
l'intention (malveillante ou non) de son auteur,

- que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un
supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des
agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de
travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou
mentale ou de compromettre son avenir professionnel (Soc. 10 novembre 2009, n° 07-45.321, Bull.
N° 247), ce qui implique que le harcèlement moral peut procéder d'une organisation du travail, pour
autant toutefois qu'il répond aux conditions posées par la loi à l'égard d'un salarié déterminé,
...

22
S’agissant de la bonne application du mécanisme probatoire de l’article L. 1154-1 du code du
travail, après avoir rappelé qu’au regard de ce texte, le salarié n’est tenu que d’apporter au juge des
éléments permettant de présumer l’existence d’un harcèlement moral (Soc. 30 avril 2009, n°07-
43.219, Bull. N° 120, la Cour de cassation a retenu successivement :

- qu’en application des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la
matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge
d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un
harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements
ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments
objectifs étrangers à tout harcèlement (Soc. 25 janvier 2011, n° 09-42.766, Bull. N° 30).

- qu’il appartient au juge du dire si, pris dans leur ensemble, les éléments matériellement établis,
dont les certificats médicaux, laissaient présumer l'existence d'un harcèlement moral (Soc. 6 juin
2012, n° 10-27.766, Bull. N°170).

- que le juge doit se prononcer sur l'ensemble des éléments invoqués par le salarié afin de dire
s'ils laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, apprécier les
éléments de preuve fournis par l'employeur pour démontrer que les mesures en cause
sont étrangères à tout harcèlement (Soc. 19 décembre 2012, n° 11-21.008).

...
Mais par cet arrêt rendu en formation plénière de la chambre sociale, la Cour de cassation retient
désormais une voie médiane en matière de contrôle : ce contrôle, qui a permis depuis 2008 de
mieux encadrer la démarche à suivre par le juge, n’est pas totalement abandonné aux juges du fond,
mais il devient limité et recentré sur la vérification du respect par le juge du fond des règles
s’imposant à lui pour la détermination de son appréciation souveraine des éléments de fait et de
preuve.

23
DOCUMENT n° 19 : Cour de cassation chambre sociale 03 Février 2017 N° 15-23.499

Attendu selon l'arrêt attaqué que Mme Prenière a été engagée par contrat de travail à durée
déterminée à temps partiel du 30 septembre 2003 par la Société Trèfle en qualité d'employée multi-
services au magasin Intermarché, puis, par avenant du 25 novembre 2008, en qualité d'employée
commerciale - employée de nettoyage ; qu'elle a été licenciée le 12 août 2009 ; que le 30 septembre
2009, elle a porté plainte pour harcèlement moral à l'encontre de son directeur de magasin, faits
pour lesquels ce dernier a été condamné par la juridiction pénale ; qu'elle a saisi la juridiction
prud'homale d'une demande de nullité de son licenciement du fait du harcèlement moral et d'une
demande de réintégration, outre le paiement de diverses sommes à titre indemnitaire et rappels de
salaires ;

Sur le premier moyen :

Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil et les articles L. 1152-2 et L. 1152-
3 du code du travail ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter la salariée
de sa demande de nullité du licenciement à raison du harcèlement moral invoqué, l'arrêt énonce que
le jugement du tribunal correctionnel n'a pas autorité de chose jugée pour apprécier le caractère
justifié ou non des sanctions prononcées contre la salariée, que les faits reprochés au titre des
avertissements et du licenciement relèvent du comportement de la salariée dans l'exercice de ses
fonctions et ne sont pas liés à des faits de harcèlement moral , que la salariée ne rapporte pas la
preuve du fait que la tartelette consommée était périmée, et qu'elle ne peut dire avoir subi une
différence de traitement caractérisant un harcèlement moral en étant la seule à ne pas pouvoir
bénéficier de la possibilité de consommer des produits périmés, que la salariée a été victime de
harcèlement moral du fait du directeur du magasin ce qui n'enlève pas au licenciement son caractère
justifié ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la salariée avait été victime de harcèlement moral
de la part de son supérieur hiérarchique, condamné pénalement pour lesdits faits, en sorte qu'il n'y
avait pas lieu d'examiner les autres griefs invoqués par l'employeur pour vérifier l'existence d'une
cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS : CASSE

24
DOCUMENT n° 20 :Cour de cassation Civ. 2ème, 17 mars 2016, N 15-14.459
Sur le moyen unique :
Vu le principe de l'autorité de la chose jugée au pénal sur le civil ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme Boyer, employée de la société Médical service en qualité de
secrétaire-vendeuse, a saisi un conseil de prud'hommes de demandes liées à la rupture du contrat de
travail ainsi que d'une demande de dommages-intérêts en indemnisation de faits de harcèlement
moral dont elle affirmait avoir été victime de la part de M. Gallien, gérant de la société ; qu'à la
suite de la plainte qu'elle avait déposée pour les mêmes faits, un jugement correctionnel devenu
définitif a relaxé M. Gallien des fins de la poursuite ;

Attendu que, pour condamner M. Gallien au paiement de dommages-intérêts pour harcèlement


moral , la cour d'appel relève qu'il ressort de l'ensemble des éléments versés par les parties que
l'appréciation des faits de la cause par le premier juge était exacte en ce qu'il avait indiqué que M.
Gallien était d'un tempérament colérique et qu'il proférait des insultes et plus particulièrement à
l'adresse de Mme Boyer, mais qu'il convient d'ajouter que ces insultes étaient de nature à porter
atteinte à la dignité de la salariée et que, même si aucune date n'était mentionnée dans les
attestations, il n'en demeure pas moins que le caractère de fréquence et de répétition y était
perceptible, et, après avoir rappelé que l'intention de l'auteur n'avait pas à être recherchée, seul
important le caractère répétitif des actes, la dégradation des conditions de travail et l'impact avéré
sur la personne, retient que ce dernier est caractérisé en l'espèce par l'atteinte à sa santé, peu
important que la poursuite pénale engagée contre M. Gallien ait abouti à sa relaxe, la démarche à
suivre n'étant pas la même et la juridiction prud'homale n'étant pas liée par la décision pénale ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résulte des motifs du jugement correctionnel du 29 avril 2013 que la
matérialité des faits de harcèlement moral et la culpabilité de M. Gallien auquel ils étaient imputés
n'étaient pas établies, la cour d'appel a violé le principe susvisé ;

25
DOCUMENT n° 21 :Cour de cassation chambre sociale 28 Mars 2018 n° 16 26788

Attendu selon l'arrêt attaqué (Caen, 30 septembre 2016), que Mme Leforestier, engagée en 1996
comme aide-comptable par la société Agence française de vente du pur sang, aux droits de laquelle
vient la SAS Arqana, a été licenciée pour faute grave le 18 février 2014, l'employeur lui reprochant
notamment d'avoir harcelé une de ses collègues ;

Attendu que la société fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la salariée diverses sommes à
titre de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, d'indemnité compensatrice de
préavis, d'indemnité de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et
sérieuse,

Mais attendu ...que les dispositions de l'article L. 1154-1 du code du travail ne sont pas applicables
lorsque survient un litige relatif à la mise en cause d'un salarié auquel sont reprochés des
agissements de harcèlement moral ;

...

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé;

PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi ;

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DOCUMENT n° 22 Cour de cassation chambre sociale 07 Février 2012 n° 10 18135

Sur le troisième moyen :

Vu les articles L. 1152-2 et L. 1152-3 du code du travail ;


...
Attendu selon l'arrêt attaqué, que Mme Rico a été engagée le 29 décembre 2005 par la société
Hermès Sellier en qualité de vendeuse ; que le 26 septembre 2007, elle a adressé à son employeur
un certificat médical d'arrêt de travail faisant état d'un harcèlement ; que par lettre du 27 février
2008, elle a été licenciée pour faute grave pour avoir dénoncé sans fondement des faits de
harcèlement moral dont elle aurait été victime ;

Attendu que pour débouter la salariée de ses demandes, l'arrêt retient qu'ayant dénoncé des faits qui
n'étaient pas susceptibles de caractériser un harcèlement moral , elle est de mauvaise foi ; que la
dénonciation a en effet été faite après un entretien de recadrage avec son supérieur hiérarchique,
lequel après avoir témoigné de sa satisfaction sur son travail, a constaté des attitudes contraires à la
bonne entente dans le magasin ; qu'assistée d'un avocat, et donc, nécessairement informée de la
légèreté de ses accusations et de ses conséquences pour elle, elle les a néanmoins confirmées, tout
en omettant encore à ce jour d'apporter les précisions nécessaires à leur crédibilité ; qu'en réalité les
accusations de harcèlement constituent une simple réponse à un recadrage justifié par le
comportement adopté par la salariée depuis sa promotion et attesté par ses collègues de travail et
caractérisent une manoeuvre délibérée pour se soustraire à l'exercice normal par l'employeur de son
pouvoir de direction ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser la mauvaise foi laquelle ne peut résulter
que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu'il dénonce, la cour d'appel a violé les
textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres griefs :

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