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Cas pratique

I. Introduction au droit du travail

1. Énoncé

Monsieur Lumière travaille pour l’entreprise Aucourant depuis 5 ans. S’estimant victime de
harcèlement au travail, il expose cette situation auprès de l’inspecteur du travail, en
adressant à ce dernier un courrier. Par suite, à l’occasion de la visite de l’inspecteur du
travail, l’employeur refuse de lui communiquer quelque document que ce soit. Il estime, en
effet, ne pas avoir à se justifier pour des faits qui reposent sur une accusation qu’il estime
totalement infondée ! Par ailleurs, Monsieur Lumière, qui ne perçoit pas une prime qui est
pourtant prévue par la convention collective pour l’ensemble des salariés, décide de saisir le
Conseil des prud’hommes. L’employeur invoque l’incompétence de la juridiction prud’homale
au profit du tribunal judiciaire.

2. Corrigé

Quels documents l’employeur est-il tenu de communiquer à l’inspecteur du


travail ?
Chargé de contrôler l’application dans l’entreprise des lois et des conventions collectives,
l’inspecteur du travail dispose d’un droit de visite dans tous les établissements où travaillent
les salariés. Par application de l’article L. 8113-4 du Code du travail, « les agents de contrôle
de l'inspection du travail peuvent se faire présenter, au cours de leurs visites, l'ensemble des
livres, registres et documents rendus obligatoires par le présent code ou par une disposition
légale relative au régime du travail ». Au surplus, l’article L. 8113-5 du Code du
travail permet aux inspecteurs « de se faire communiquer tout document ou tout élément
d'information, quel qu'en soit le support, utile à la constatation de faits susceptibles de
vérifier le respect de l'application : 1° Des dispositions des articles L. 1132-1 à L. 1132-4 du
Code du travail et de celles de l'article 225-2 du code pénal, relatives aux discriminations ; 2°
Des dispositions des articles L. 1142-1 et L. 1142-2, relatives à l'égalité professionnelle entre
les femmes et les hommes ; 3° Des dispositions des articles L. 2141-5 à L. 2141-8, relatives
à l'exercice du droit syndical ; 4° Des dispositions des articles L. 1152-1 à L. 1152-6 et
L. 1153-1 à L. 1153-6, relatives aux harcèlements moral et sexuel ; 5° Des dispositions de la
quatrième partie, relatives à la santé et la sécurité au travail. »
Le fait de faire obstacle à l'accomplissement des devoirs d'un agent de contrôle de
l'inspection du travail mentionnés à l'article L. 8112-1 est puni d'un an emprisonnement et
d'une amende de 37 500 € (C. trav., art. L. 8114-1).
En l’espèce, l’employeur refuse de communiquer tout document à l’inspecteur du travail. Cela
est susceptible d’être sanctionné, d’autant qu’au-delà des documents obligatoires qui doivent
être transmis à l’inspecteur, ce dernier peut se faire communiquer tout élément de nature à
établir une situation de harcèlement ou de discrimination.
Le Conseil des prud’hommes est-il compétent concernant l’octroi d’une prime
résultant de la convention collective ?
Le conseil de prud'hommes règle les différends nés entre les employeurs et les salariés à
l'occasion du travail (C. trav., art. L. 1411-1). Outre l’existence d’un contrat de travail, le
différend doit être né à l’occasion du contrat de travail et il doit être individuel.
Sur la nature individuelle du différend, la Cour de cassation considère que si le litige qui
oppose un employeur à un salarié porte sur le salaire auquel il prétend avoir droit en vertu
de la convention collective, le conseil de prud’hommes est compétent. En effet, en ce cas, la
demande présente un caractère personnel. Il s’agit bien d’une application individuelle des
avantages issus d’une convention collective. A contrario, une convention collective applicable
dans une entreprise régit en principe la situation de l’ensemble des salariés de celle-ci. Il en
résulte que lorsqu’un salarié se borne à demander l’application générale de la convention à
son contrat de travail, sans formuler de prétentions particulières, il demande son application
non seulement pour lui-même mais aussi pour l’ensemble des autres salariés. En ce cas, le
litige est collectif ce qui exclut la compétence prud’homale (Cass. soc., 6 mai 1998, n° 96-
41.712 : JurisData n° 1998-001955). De même, le litige entre un employeur et des syndicats
relatif à l’interprétation d’un accord collectif relève de la compétence du tribunal judiciaire,
non de celle du conseil des prud’hommes (Cass. soc., 21 nov. 2012, n° 11-15.057 : JCP S
2013, 1094).
Or, en l’espèce, le contentieux porte sur le versement d’une prime prévue par la convention
collective. Le salarié peut donc légitimement saisir le juge prud’homal.

II. La formation du contrat de travail

2. Cas pratique

2.1. Énoncé

L'entreprise Aucourant souhaite recruter un électricien. Elle vient de passer une annonce
dans la presse spécialisée. Plusieurs candidats sont auditionnés pour le poste. Monsieur
Léclair est finalement recruté. Il faut avouer que son profil est alléchant puisqu'il a
notamment indiqué dans son CV qu'il a occupé un poste, juste après sa formation, dans une
grande entreprise de la région. Pourtant, au bout de 5 mois, Monsieur ◊ rencontre
fortuitement son concurrent, qui lui apprend qu'en réalité Monsieur Léclair a effectué un
stage de 4 mois auprès du responsable. Monsieur Aucourant n'en revient pas car Monsieur
Léclair lui donne satisfaction. Pour autant, il veut savoir s'il peut invoquer la nullité du contrat
de travail ?

Madame Durite a été écartée alors même qu'elle pensait avoir toutes les compétences
requises. Plusieurs questions lui ont été posées dont elle doute de la validité. L'entreprise
Aucourant lui a notamment demandé son affiliation syndicale. De nature très franche, elle a
répondu ouvertement. Par contre, aux questions sur sa situation maritale, elle a omis de
répondre qu'elle était fiancée et enceinte de 2 mois.

2.2. Corrigé

1. S'agissant de Monsieur Léclair : le dol peut-il être invoqué par l'employeur au


soutien d'une action en nullité ?

Par application des dispositions du Code civil, plus spécialement des articles 1131 et 1137, le
dol est un vice du consentement qui emporte nullité relative du contrat et qui
consiste « pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou
des mensonges ». Un employeur peut solliciter l'annulation du contrat de travail s'il parvient
à établir que les manœuvres du salarié ont été déterminantes dans son embauche (Cass.
soc., 18 déc. 2001, n° 99-46.255).

En l'espèce, le salarié a mentionné dans son CV « l'occupation d'un poste dans une
entreprise de la région ». La mention d'une expérience professionnelle imprécise et
susceptible d'une interprétation erronée dans un CV n'est pas suffisante pour obtenir la
nullité du contrat de travail pour dol (Cass. soc., 16 févr. 1999, n° 96-45.565 : JurisData
n° 1999-000668).

Il paraît dès lors délicat de reconnaître l'existence d'un dol permettant l'annulation du contrat
de travail.

2. S'agissant de Madame Durite : les questions posées sont-elles licites et de


nature à permettre à cette dernière de contester son défaut de recrutement ?

Sur la validité des questions

D'une manière générale, la collecte d'informations ne doit pas porter atteinte au respect dû à
la vie privée du candidat (C. civ., art. 9).

L’article L. 1221-6 du Code du travail dispose que « les informations demandées, sous
quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que
d'apprécier sa capacité à occuper l'emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces
informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l'emploi proposé ou avec
l'évaluation des aptitudes professionnelles. Le candidat est tenu de répondre de bonne foi à
ces demandes d'informations ».

Par ailleurs, « aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement […]
en raison de […] de sa situation de famille ou de sa grossesse, […], de ses activités
syndicales ou mutualistes, […] » (C. trav., art. L. 1132-1).

L’article L. 1225-1 du Code du travail précise que « l'employeur ne doit pas prendre en
considération l'état de grossesse d'une femme pour refuser de l'embaucher […] ». Selon
l'article L. 1225-2 du Code du travail, la femme candidate à un emploi ou salariée n'est pas
tenue de révéler son état de grossesse, sauf lorsqu'elle demande le bénéfice des dispositions
légales relatives à la protection de la femme enceinte.

L'employeur ne saurait reprocher à une femme d'avoir dissimulé au moment de l'embauche


qu'elle était fiancée (Cass. soc., 17 mars 1971, n° 70-40.149 : Bull. V, n° 216).

Les questions relatives à l'appartenance syndicale du candidat constituent, sans qu'il y ait
lieu de tenir compte de l'incidence de la réponse faite par le travailleur sur les décisions de
l'employeur, une atteinte à la liberté syndicale (Cass. soc., 13 mai 1969 : Bull. civ. V,
n° 314).

Une dérogation est prévue en l'article L. 1133-1 du Code du travail, par laquelle il est
possible à l'employeur de solliciter du candidat des informations sur des critères en principe
illicites. Une différence de traitement peut être justifiée par une exigence professionnelle
essentielle et déterminante pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence
proportionnée.

En l'espèce, les questions posées apparaissent clairement discriminatoires :

 sur l'action en justice : dans l'hypothèse où une discrimination à l'embauche est


invoquée, l'article L. 1134-1 du Code du travail s'applique. Il appartient au salarié de
présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination
directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de
prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute
discrimination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin,
toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Tout acte discriminatoire est
nul (C. trav., art. L. 1132-4) ;

 sur les conséquences : si la preuve d'une discrimination est apportée, le candidat


évincé peut réclamer le versement de dommages et intérêts en réparation de son
préjudice. La nullité n'emporte toutefois pas l'obligation pour l'employeur de recruter
effectivement le candidat évincé. La discrimination est également sanctionnée
pénalement (C. pén., art. 225-1.).

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