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Objectifs d’apprentissage
3. d’expliquer le rôle des éléments de flexibilité relatifs aux brevets dans l’élaboration
des politiques aux niveaux institutionnel et national.
Ce module a pour objectif de vous aider à appréhender la relation entre les brevets et les enjeux
plus larges du développement dans la société. Comme expliqué dans l’introduction au module 1,
la question de l’incidence des droits de propriété intellectuelle sur le développement économique
et les processus de croissance fait débat depuis longtemps. Un certain nombre de variables sont
à prendre en compte, et dans bien des cas, les circonstances politiques et socioéconomiques
déterminent la mesure dans laquelle les droits de propriété intellectuelle sont susceptibles
d’influer sur le processus de développement.
Le développement est une notion très vaste qui peut être divisée en trois catégories :
le développement économique;
le développement social et culturel; et
le développement scientifique et technologique.
Ces catégories traduisent une approche récente qui cherche à adopter une vision plus large et
inclusive du développement. L’élargissement des capacités humaines dans le but d’atteindre
certains objectifs importants est considéré comme l’aspect fondamental du processus de
développement. Dans cet esprit, les objectifs du Millénaire pour le développement, dont la date
de réalisation visée était 2015, avaient vocation à accomplir les réalisations suivantes à plusieurs
niveaux :
Plusieurs pays ont pris des mesures politiques et réglementaires en vue d’atteindre ces objectifs,
notamment ceux qui intéressent les droits de propriété intellectuelle.
Pour apprécier en quoi le système des brevets peut contribuer au développement de la société, il
est important de comprendre les objectifs économiques fondamentaux de la protection des droits
de propriété intellectuelle.
La plupart des entreprises et institutions qui ont déployé de manière stratégique des approches
efficaces en matière de brevets ont observé les effets suivants, entre autres :
1 Pour de plus amples détails, voir Intellectual Property Rights and Economic Development, par Keith
E. Maskus, 2002, rédigé dans le cadre de la série “Beyond the Treaties: A Symposium on Compliance with
International Intellectual Property Law”, organisée par le Centre de droit international Frederick K. Cox de la Case
Western Reserve University.
Le deuxième objectif sous-tendant les régimes de propriété intellectuelle repose sur la nécessité
de promouvoir une diffusion et un partage larges des nouveaux savoirs en encourageant les
titulaires de droits à consigner leurs inventions et leurs idées novatrices dans des documents
accessibles au public. C’est ce que fait le système des brevets en exigeant des déposants la
divulgation totale et complète de leurs inventions. En ce sens, il est évident que si personne n’est
autorisé à exploiter l’information contenue dans la demande de brevet sans l’autorisation de
l’inventeur/du déposant, il est possible d’accéder à ces informations au moyen de recherches en
matière de brevets ou de consultations des documents. C’est de cette manière que le système
des brevets est réputé faciliter l’accès aux informations techniques et leur partage – ce qui est
crucial pour les progrès scientifiques et technologiques.
Maintenant que vous connaissez les objectifs qui sous-tendent le système des brevets, vous êtes
probablement en mesure de percevoir le compromis opérationnel potentiel entre ces
deux objectifs. D’un côté, on peut faire valoir qu’un système de brevets trop protecteur risquerait
d’entraver les bénéfices que les activités inventives apportent à la société en réduisant les
incitations à en diffuser les fruits. De l’autre, un système des brevets trop faible risquerait de
réduire l’innovation s’il ne garantit pas un rendement suffisant des investissements dans la
recherche-développement. C’est pourquoi il est nécessaire de trouver un équilibre politique
stratégique à la fois subordonné aux conditions économiques et sociales prévalentes dans des
contextes de production donnés et adapté à ces conditions.
Le sens du terme “développement” fait depuis longtemps l’objet de débats. Il n’y a jamais eu de
consensus sur ce que ce terme représente. Ce point de vue est illustré dans le Rapport sur le
développement humain 1990 du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD),
dans lequel on peut lire ce qui suit :
L’évolution de l’économie mondiale engendre des défis et des occasions sans précédent de progrès
continus en matière de développement humain. Les structures économiques et politiques
mondiales sont en pleine mutation, à une époque où le monde est confronté à des crises financières
récurrentes, à une aggravation du changement climatique et à une agitation sociale croissante. Les
institutions internationales semblent incapables de s’adapter aux relations de pouvoir changeantes,
d’assurer un approvisionnement en biens publics mondiaux susceptible de répondre aux défis
mondiaux et régionaux ou de faire face au besoin grandissant d’amélioration de l’équité et de la
durabilité.
Ce phénomène présente une occasion, en ce sens que les principes sur lesquels se sont appuyées
les institutions de l’après-Seconde Guerre mondiale et qui ont guidé les responsables politiques
doivent être révisés de manière à refléter la diversité croissante en termes de voix et de pouvoir et
à maintenir les progrès enregistrés en matière de développement sur le long terme. Ces principes
doivent être repensés, et les institutions mondiales doivent faire preuve d’une plus grande flexibilité
pour renforcer les directions qui donnent la priorité aux personnes et incitent les institutions à
chercher activement à garantir un monde plus juste et plus équitable. La diversité croissante en
termes de schémas de développement a le potentiel de créer un espace, voire des revendications,
pour un tel dialogue et une telle restructuration à l’échelle mondiale.
Il est dès lors très important de comprendre en quoi les systèmes des brevets font partie
intégrante du processus de développement.
Maintenant que vous comprenez bien la notion de “développement”, cette partie vise à vous aider
à apprécier le rôle des brevets dans le processus de développement. Vous l’aurez compris, la
notion de développement est une notion très vaste. Un certain nombre de variables sont
essentielles pour déclencher la croissance en termes économiques et sociaux. Ainsi, les
économistes recensent plusieurs filières par lesquelles les brevets peuvent stimuler le
développement et la croissance économiques. Comme ces filières sont parfois
interdépendantes, il est important que les décideurs et les planificateurs du développement
cernent la relation entre brevets et développement, afin qu’ils puissent concevoir des incitations
politiques susceptibles de promouvoir l’intégration des stratégies en matière de brevets et de
développement.
Certes, l’impact net des brevets sur le développement diffère d’un pays à l’autre, et pourtant on
s’entend de plus en plus pour dire qu’au bout du compte, l’adoption d’un régime de brevets
stratégique se traduit généralement en développement. Les approches nationales et
institutionnelles privilégiées peuvent varier en fonction du niveau de développement et des cadres
institutionnels. Les pays en développement et les pays les moins avancés, par exemple, peuvent
préférer un système de brevets qui favorise la diffusion des informations par l’imitation à peu de
frais des produits et technologies étrangers.
Le choix peut se porter sur une telle approche politique lorsque les capacités de création
intérieures et le potentiel local d’innovation ne sont pas suffisamment développés pour justifier un
niveau excessif de protection par brevet. Cependant, même dans un contexte de faible niveau
d’innovation et d’interaction limitée entre les instituts de recherche et l’industrie, des droits de
propriété intellectuelle inadéquats risquent d’entraver les changements techniques essentiels au
développement. Cela tient en partie au fait que la plupart des inventions et innovations en matière
de produits visent les marchés locaux et peuvent bénéficier de la protection des brevets à l’échelle
nationale. De plus, en l’absence de protection par brevet efficace, les entreprises et institutions
locales peuvent se retrouver en position de désavantage concurrentiel par rapport aux entreprises
étrangères, dont les inventions seraient pour la plupart protégées, même à l’étranger.
À vrai dire, dans la plupart des cas, une invention suppose des modifications mineures apportées
à des technologies et produits existants. Dans ce cas, l’impact cumulé de ces petites inventions
peut s’avérer crucial pour l’essor des connaissances et l’activité productive d’une entreprise ou
d’un institut de recherche. D’autres aspects tout aussi importants doivent également être pris en
considération pour que la productivité globale augmente. Il peut notamment s’agir d’adopter de
nouveaux systèmes de gestion et d’organisation aux fins des moyens de contrôle des
technologies et des techniques de contrôle de la qualité, ce qui peut améliorer la productivité de
manière significative. Il ressort des recherches que si ces investissements sont coûteux, ils ont
généralement un rendement social élevé dès lors qu’ils sont cruciaux pour améliorer la
À l’inverse, les pays qui adoptent des normes faibles peuvent rester tributaires d’entreprises peu
dynamiques qui s’appuient sur la contrefaçon et l’imitation. À long terme, cela risque de nuire au
processus de développement en limitant la croissance et les fondements des capacités locales
en matière d’innovation.
Ce phénomène est illustré par le fait qu’il a été démontré que la protection des modèles d’utilité
améliore la productivité dans les pays où les technologies sont à la traîne. Au Brésil, les modèles
d’utilité ont aidé les producteurs nationaux à conquérir une part significative du marché des
machines agricoles en encourageant l’adaptation de technologies étrangères aux conditions
locales. Aux Philippines, les modèles d’utilité ont encouragé l’invention adaptative réussie de
batteuses à riz.
2
Evenson, R. et L. Westphal (1995), “Technological change and technology strategy”, dans T.N. Srinivasan
et J. Behrman (éd.) Handbook of Development Economics, vol. 3 (Amsterdam, Hollande septentrionale)
Une des manières dont une intervention stratégique en matière de brevets peut contribuer au
développement est en fournissant la marge de manœuvre politique nécessaire pour rendre
possible l’innovation au niveau local. Cela peut se faire en déployant des efforts délibérés pour
faciliter l’accès aux inventions qui relèvent du domaine public ou en négociant des concessions
de licences libres. Les brevets jouent également un rôle au niveau des entreprises en tirant
parti de l’innovation et, partant, en améliorant les procédés et techniques de production, ce qui
permet aux entreprises de se développer. Ils peuvent en outre être utilisés pour contrôler le
marché si une entreprise détient un monopole sur des technologies clés.
Les six groupes d’activités du plan d’action pour le développement couvrent les thèmes suivants :
Lors de l’adoption du plan d’action de l’OMPI pour le développement, les États membres ont
également approuvé une recommandation concernant la création d’un Comité du développement
et de la propriété intellectuelle (CDIP), lequel s’occupe de la question et présente des propositions
à l’Assemblée générale.
L’adoption du plan d’action pour le développement avait pour objectif premier de remanier le
cadre qui sous-tend le système de la propriété intellectuelle pour qu’il contribue à la réalisation
des objectifs plus larges de la société en matière de développement. Le plan d’action vise à y
parvenir moyennant le recours à plusieurs outils de propriété intellectuelle, non seulement aux
fins de la croissance économique d’une société ou d’un État en particulier, mais aussi pour faire
du système des droits de propriété intellectuelle un vecteur permettant de parvenir aux objectifs
de protection sociale dans des domaines tels que la santé, l’éducation et la recherche,
l’environnement, le transfert de technologie et l’autodétermination.
3
Voir le rapport préliminaire sur la mise en œuvre des 19 propositions du 28 février 2008, disponible à
l’adresse suivante : http://www.wipo.int/edocs/mdocs/mdocs/fr/cdip_1/cdip_1_3.pdf .
1) de mener une réflexion sur l’équilibre traditionnel entre l’intérêt public et l’intérêt
privé des titulaires de droits de propriété intellectuelle;
Comme indiqué précédemment, l’adoption du plan d’action pour le développement repose sur la
nécessité de remanier le système de la propriété intellectuelle au profit de la réalisation des
objectifs plus larges en matière de développement de la société. Dans ce contexte, le plan
d’action se fonde sur les approches suivantes :
Une des manières dont le système des brevets peut contribuer au développement est par
l’application des éléments de flexibilité relatifs aux brevets.
Le concept d’éléments de flexibilité : les éléments de flexibilité relatifs aux brevets peuvent
être définis comme étant des marges de manœuvre dont bénéficient les pays, tant sur le fond
qu’en matière de respect des droits et sur le plan administratif, en vertu des régimes
internationaux existants en matière de brevets, y compris l’Accord sur les ADPIC. Dans le cadre
du système de flexibilité, tous les pays bénéficient d’une certaine latitude pour élaborer des
systèmes de protection par brevet qui, tout en respectant les obligations internationales en
matière de brevets, sont adaptés aux conditions ou besoins locaux ou spécifiques. C’est
pourquoi, dans le cadre des éléments de flexibilité relatifs aux brevets, lorsque les pays
conçoivent et mettent en œuvre un régime de brevets, ils doivent faire des choix décisifs quant
au type et à la portée des droits de brevet conférés et aux procédures ou exigences légales
auxquelles les déposants doivent se conformer.
Les éléments de flexibilité peuvent être utilisés non seulement pour opter pour la norme minimale
autorisée concernant certains aspects, mais aussi pour choisir des normes plus élevées si la
politique du pays le permet. De telles normes plus élevées ont permis à certains pays en
développement d’adopter des engagements “ADPIC plus” concernant plusieurs catégories de
droits de propriété intellectuelle, dont les brevets.
En définitive, les choix faits doivent avoir pour but de permettre au système local d’innovation
d’adapter les technologies existantes d’une manière qui améliore les capacités de production et
répond aux besoins de l’industrie locale.
Cette section décrit les éléments de flexibilité prévus dans les principaux instruments
réglementaires et régimes internationaux en matière de brevets, à savoir l’Accord sur les ADPIC
de 1994, qui contient les dispositions de la Convention de Paris pour la protection de la propriété
industrielle de 1883 (la “Convention de Paris”) entre autres traités administrés par l’OMPI.
Avant toute chose, il convient de souligner que l’inclusion d’éléments de flexibilité dans ces
instruments internationaux est le fruit d’efforts concertés et de débats parfois prolongés entre les
États membres. En ce sens, on peut dire que ces éléments de flexibilité représentent un
consensus – ou plutôt un compromis – accepté explicitement ou implicitement par les États
membres. Au vu des différents niveaux de développement et des structures économiques
variées des parties à ces accords, on considère que l’inclusion des éléments de flexibilité fournit
une plateforme essentielle permettant de tenir compte des conditions des différents pays dans le
cadre des obligations.
Comme vous l’avez vu précédemment, la Convention de Paris, approuvée et signée lors d’une
conférence diplomatique tenue à Paris en 1883, est la première convention internationale globale
portant sur la propriété industrielle.
La mise en œuvre des obligations au titre de la Convention de Paris permet un grand degré de
souplesse. Les membres, qui forment l’Union de Paris, jouissent d’une marge de manœuvre
considérable en ce qui concerne les approches de conformité. Par le passé, les universitaires et
autres spécialistes parlaient d’“asymétries” de la Convention de Paris4 lorsqu’ils faisaient allusion
à cette marge de manœuvre accordée aux membres de l’Union de Paris, par opposition à la
désignation plus récente d’“éléments de flexibilité”, qui est principalement utilisée pour se référer
à la marge politique conférée par l’Accord sur les ADPIC.
Les options de mise en œuvre dont jouissent les membres de l’Union de Paris découlent de
l’application du principe de traitement national, tel qu’établi dans l’article 2.1) de la Convention.
Sur la base de ce principe, les pays sont libres de définir leurs propres normes de protection par
brevet dans la législation nationale, qui s’appliqueront du reste aussi aux autres membres de
l’Union. Cependant, dans l’hypothèse où aucune protection n’est prévue pour leurs propres
ressortissants – par exemple parce que l’invention n’est pas brevetable – cela vaut également
pour les ressortissants d’autres pays. Dès lors, si les produits pharmaceutiques sont exclus dans
un pays donné, ni un ressortissant de ce pays ni un ressortissant de tout autre pays ne sera en
mesure d’obtenir une protection pour ses inventions portant sur ce type de produit sans
contrevenir à la Convention de Paris.
4 Le terme “asymétries” est préféré dans certains milieux car il évoque un développement inégal entre les
membres de l’Union de Paris. Ce sont ces inégalités qui ont mené à l’inclusion de dispositions donnant la possibilité
aux membres de tenir compte de leurs propres conditions sociales et économiques lors de l’établissement de leurs
priorités dans le cadre des obligations au titre des conventions.
La relation entre la protection par brevet et l’intérêt général a mené à l’adoption de certains
éléments de flexibilité dans l’utilisation et l’application des droits de brevet. La disposition relative
à la concession de licences obligatoires en est un bon exemple. La concession de licences
obligatoires, visée à l’article 5.2) de la Convention, autorise les membres à prendre des mesures
législatives prévoyant la concession de licences obligatoires pour prévenir les abus liés à
l’exercice de droits de brevets.
Dans la plupart des ressorts juridiques, la législation locale en matière de brevets comporte des
dispositions sur la concession de licences obligatoires. La politique qui sous-tend la concession
de licences obligatoires repose sur la recherche d’un juste équilibre entre les droits individuels
(sous la forme de droits de monopole au titre de brevets) et les droits publics (sous la forme du
droit d’accès à certains services essentiels dont la disponibilité peut être tributaire des droits de
brevet). La flexibilité en matière de licences obligatoires vise également à prévenir de possibles
abus de droits de brevet par des titulaires refusant sans motif valable d’accorder une licence à un
fabricant local ou insistant sur des conditions de licence déraisonnables.
Dans certains cas extrêmes d’abus flagrant et dans lesquels la concession de licences
obligatoires ne suffit pas à prévenir ledit abus, les membres de l’Union bénéficient d’une plus
grande flexibilité, qui peut comprendre la déchéance pure et simple du brevet (article 5.3).
Nous avons vu le cadre dans lequel les membres de l’Union de Paris peuvent recourir à l’élément
de flexibilité relatif à la concession de licences obligatoires. Il est néanmoins important de noter
les restrictions qu’un pays qui invoque les dispositions liées à la concession de licences
obligatoires doit observer. En effet, l’octroi de licences obligatoires est subordonné aux conditions
suivantes :
o il existe un danger public grave dont la solution repose sur l’utilisation d’une
invention brevetée particulière;
o il doit exister des preuves de ce que des tentatives d’obtenir une licence du
titulaire du brevet à des conditions correspondant aux possibilités financières
du preneur de licence ont été faites;
o le titulaire du brevet a refusé de concéder une licence à ces conditions;
o la concession d’une licence obligatoire doit se faire selon une procédure
régulière;
o l’exploitation des produits/procédés brevetés doit être destinée à une
consommation locale;
o la licence obligatoire doit cesser dès que le danger public a disparu;
o la licence obligatoire doit être non exclusive et incessible, même sous la
forme de la concession d’une sous-licence, sauf vis-à-vis de la partie de
l’entreprise ou du fonds de commerce qui exploite ladite licence.
Comme nous l’avons déjà mentionné, l’épuisement des droits est le principe des droits de
propriété intellectuelle selon lequel dès lors qu’un produit protégé par un droit de propriété
intellectuelle a été commercialisé, que ce soit par le titulaire de ce droit ou par des tiers avec son
consentement, les droits d’exploitation commerciale sont “épuisés” et ne peuvent plus être
exercés par le titulaire. Cette limitation est parfois appelée “doctrine de la première vente”, du
fait que les droits d’exploitation commerciale d’un produit donné prennent fin à la première vente
du produit.
Les pays peuvent fonder l’applicabilité de la doctrine d’épuisement des droits sur les impératifs
du moment. De cette manière, le recours aux éléments de flexibilité au regard de l’épuisement
des droits de brevet peut améliorer l’accès aux produits essentiels dont les droits sont épuisés.
Le préambule de l’Accord sur les ADPIC jette les bases de l’inclusion d’éléments de flexibilité
dans la mise en œuvre de l’Accord. Il reconnaît la nécessité de disposer de moyens efficaces et
appropriés d’application des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au
commerce en tenant compte des différences entre systèmes juridiques nationaux. Le préambule
de cet accord fait également valoir que les objectifs de politique publique sous-jacents des
systèmes nationaux de protection de la propriété intellectuelle doivent comprendre des objectifs
liés au développement et à la technologie. L’Accord sur les ADPIC reconnaît par ailleurs les
besoins spéciaux des pays les moins avancés membres en ce qui concerne la mise en œuvre
des lois et réglementations sur le plan intérieur avec un maximum de flexibilité afin qu’ils puissent
se doter d’une base technologique solide et viable.
Dans cet esprit, l’article premier de l’Accord sur les ADPIC établit que les membres peuvent
mettre en œuvre dans leur législation une protection plus large au moyen de toute méthode qu’ils
jugent appropriée, à condition que cette protection ne contrevienne pas aux dispositions dudit
accord.
Ainsi, l’Accord sur les ADPIC ouvre d’emblée la voie à des éléments de flexibilité. Dans les
sections suivantes, nous examinerons quelques-uns des éléments de flexibilité disponibles dans
le cadre de l’Accord sur les ADPIC, ce qui devrait par ailleurs vous permettre de déterminer
comment ces éléments de flexibilité peuvent être mis à profit pour favoriser le développement
dans une société donnée.
Une des dispositions pertinentes quant à la portée des droits en la matière est l’article 27 de
l’Accord sur les ADPIC. De manière générale, en vertu de l’article 27, un brevet doit pouvoir être
obtenu pour toute invention, dans quelque domaine technologique que ce soit. Il s’agit là d’une
interprétation très large de l’étendue de l’objet brevetable.
Cependant, si le premier alinéa de l’article 27 crée une approche large de l’octroi de droits de
brevet, l’Accord sur les ADPIC reconnaît aussi que les États membres peuvent avoir des besoins
particuliers requérant des approches spécifiques concernant la mise en œuvre de leurs
En vertu de l’Accord sur les ADPIC, les microorganismes peuvent se voir accorder une protection
par brevet, alors que l’obligation de protéger les microorganismes se limite aux organismes qui
ne sont pas visibles à l’œil nu, tels que les bactéries, les virus ou les champignons, pour autant
qu’ils constituent une “invention” qui répond aux critères de brevetabilité. L’obligation ne
s’applique pas aux microorganismes présents dans la nature, même s’ils sont isolés. Elle ne
s’étend pas non plus aux cellules ni aux gènes, qui “sont des entités présentes dans la nature qui
peuvent être découvertes, comme de nouvelles espèces ou de nouvelles planètes”.
Dans certains ressorts juridiques, notamment aux États-Unis d’Amérique et en Europe, les gènes
isolés pour lesquels une fonction a été identifiée ont été jugés brevetables. Cette approche a
influencé la législation et les pratiques en matière de brevets dans de nombreux pays. Elle est
néanmoins de plus en plus remise en question ces dernières années.
Une question importante est de savoir si la possibilité d’interdire les brevets sur les végétaux peut
être comprise comme s’appliquant également aux cellules, gènes et autres composantes
infracellulaires des végétaux. On pourrait faire valoir qu’aucune de ces composantes n’est un
“végétal” et que, par conséquent, elles ne sont pas couvertes par l’exclusion visée à
l’article 27.3.b). Mais le brevetage de ces composantes (même si elles sont modifiées) peut être
équivalent au brevetage du végétal en tant que tel, puisque le titulaire du brevet peut empêcher
des actes commerciaux relatifs à tout végétal contenant l’objet breveté et par conséquent
invalider, dans la pratique, l’exclusion relative aux brevets pour les végétaux. Cela pourrait être
le cas même lorsqu’un seul gène modifié ou un gène chimère est incorporé dans un végétal (dont
le génotype peut contenir plusieurs milliers de gènes codants).
2.3.2 Éléments de flexibilité relatifs aux brevets portant sur des inventions dans le
domaine de la santé
Le principe sur lequel repose l’Accord sur les ADPIC est indiqué à l’article 8, qui autorise les
membres à adopter des mesures pour protéger la santé publique et la nutrition et pour promouvoir
l’intérêt public dans des secteurs d’une importance vitale pour eux.
Des problèmes sont survenus directement après l’adoption de l’Accord sur les ADPIC, en grande
partie en raison du coût, jugé prohibitif, des médicaments antirétroviraux brevetés et des
médicaments utilisés pour traiter les infections opportunistes. Le prix élevé de ces médicaments
compromettait gravement la capacité des pouvoirs publics, des communautés et des autres
acteurs du secteur de la santé dans les pays en développement de gérer efficacement l’épidémie
de VIH/sida. Vu les écarts de prix, il était pratiquement certain que la plupart des patients dans
ces pays auraient difficilement accès aux meilleurs traitements disponibles, voire ne pourraient
pas en bénéficier du tout. Il est toutefois important de garder à l’esprit que les problèmes liés aux
coûts ne se limitent pas au VIH et au sida, mais concernent aussi d’autres maladies bénéficiant
d’une visibilité politique comme le paludisme et la tuberculose.
La Déclaration de Doha, adoptée à cette conférence, représente un accord final entre les
deux groupes de pays, selon lequel les considérations liées à la santé publique déterminent la
mesure dans laquelle les règles en matière de protection par brevet sont appliquées. Elle marque
par conséquent une victoire importante pour les pays en développement au regard des éléments
de flexibilité relatifs aux ADPIC, en particulier dans le contexte des brevets pharmaceutiques.
Elle atteste de la nécessaire coopération entre pays du Sud afin de trouver des solutions
permettant de réduire la charge de morbidité.
Outre ce qui précède, l’article 27.3.b) de l’Accord sur les ADPIC autorise l’exclusion des
“procédés essentiellement biologiques” d’obtention de végétaux de la brevetabilité. Le sens de
l’expression “procédés essentiellement biologiques” – tirée de la Convention sur le brevet
européen – a été examiné dans de nombreuses décisions de l’Office européen des brevets, dans
lesquelles on lui donne une interprétation plutôt restrictive.
D’après la jurisprudence de l’Office européen des brevets (OEB) (principalement les affaires
“Tomate” et “Brocoli” – G1/08 et G2/07), il est désormais clair que la justification de la brevetabilité
dans les procédés essentiellement biologiques requiert d’apporter des preuves significatives
d’intervention humaine allant au-delà d’un procédé reposant uniquement ou principalement sur
le croisement et la sélection. Dans la pratique, il est probable qu’une étape de modification
génétique au sein de l’étape initiale de croisement et des étapes de sélection des revendications
soit nécessaire. Il est donc probable que cette décision exclue de la brevetabilité même les
méthodes de sélection de végétaux extrêmement techniques. Par conséquent, un nombre bien
plus élevé de déposants devront envisager de s’adresser à l’Office communautaire des variétés
végétales pour obtenir la protection de toute obtention végétale.
En vertu de l’article 27.3)b) de l’Accord sur les ADPIC, la législation nationale peut prévoir la
protection par brevet, par une combinaison de protection des obtentions végétales et de brevet
ou encore par des formes sui generis de protection, qu’elles soient ou non conçues dans le
contexte de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales. Dans leur
choix de la forme de protection, les pays peuvent décider d’exclure les obtentions végétales de
la protection par brevet ou de fournir un cadre de protection au sein du droit des brevets.
À l’heure actuelle, de nombreux pays excluent les obtentions végétales de la portée de la
protection par brevet et ont adopté une législation séparée sur les questions liées à ces nouvelles
L’article 27.2) de l’Accord sur les ADPIC prévoit la possibilité de refuser des brevets pour des
inventions dont il est “nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale sur leur territoire pour
protéger l’ordre public ou la moralité, y compris pour protéger la santé et la vie des personnes et
des animaux ou préserver les végétaux, ou pour éviter de graves atteintes à l’environnement, à
condition que cette exclusion ne tienne pas uniquement au fait que l’exploitation est interdite par
leur législation”.
L’exception fondée sur l’ordre public ou la moralité pour empêcher la délivrance de brevets
portant sur des végétaux a été invoquée dans certains cas devant les tribunaux nationaux, mais
sans grand succès. Dans l’affaire Plant Genetic Systems, la Chambre de recours de l’OEB a
estimé que l’invention (un végétal modifié génétiquement) n’était pas utilisée de manière
inappropriée et n’avait pas eu d’effets destructeurs.
Dans d’autres affaires, par contre, des oppositions fondées sur l’ordre public ont eu gain de cause.
Une affaire datant de 1999 aux États-Unis d’Amérique, dans le cadre de laquelle un brevet délivré
à un citoyen américain pour la liane ayahuasca, originaire de la forêt tropicale amazonienne était
contesté, constitue une bonne référence à cet égard. La Coordination des organisations
indigènes du bassin amazonien (COICA) et d’autres groupes autochtones et environnementaux
se sont opposés au brevet, pas directement pour des motifs d’ordre public ou de moralité, mais
parce qu’un citoyen des États-Unis d’Amérique aurait été autorisé à s’approprier un végétal qui
est non seulement bien connu, mais également sacré aux yeux de nombreux peuples
autochtones de l’Amazonie.
Des chefs tribaux ont pris connaissance du brevet délivré à M. Miller des
années plus tard. Le fait qu’un étranger ait fait breveter une plante qu’ils
utilisaient et vénéraient depuis des centaines d’années a à juste titre provoqué
Il convient de souligner que les dispositions de l’Accord sur les ADPIC mettent davantage l’accent
sur la moralité. Comme indiqué plus haut, l’article 27.2) donne la possibilité aux membres
d’exclure de la brevetabilité les inventions dont il est “nécessaire” d’empêcher l’“exploitation
commerciale” pour protéger l’“ordre public ou la moralité”. Autrement dit, si l’exclusion de
l’invention concernée de la brevetabilité est la seule manière d’empêcher son exploitation
commerciale, l’État peut interdire l’octroi d’un brevet. En revanche, l’application de cette
disposition par les États membres est limitée, en ce sens que la protection par brevet peut être
refusée uniquement s’il est nécessaire d’empêcher l’exploitation commerciale d’une invention
pour protéger l’ordre public ou la moralité.
Certes, l’article 27.2 n’est susceptible d’être pertinent que dans un nombre limité de
circonstances, mais il peut par exemple être appliqué lorsque la diffusion d’une technologie
botanique donnée, comme la stérilisation de semences, peut avoir un effet négatif sur la
production agricole ou l’environnement. Une telle intervention est cruciale pour les politiques
publiques dans le domaine de la sécurité alimentaire ou du développement durable, notamment.
Les lois sur les brevets peuvent exclure la responsabilité en cas d’atteinte de bonne foi, tel que
stipulé à l’article 44.1) de l’Accord sur les ADPIC. On peut parler d’atteinte de bonne foi dans le
cas de figure suivant : dans le domaine de la biotechnologie, la présence d’un caractère d’un
végétal protégé par un brevet peut être intentionnelle ou non, dans la mesure où un caractère
d’un gène breveté peut être disséminé par voie naturelle et apparaître de manière non
intentionnelle dans des plantations. L’affaire Monsanto Canada Inc. c. Schmeiser5, dans le cadre
de laquelle Monsanto a intenté une action contre Schmeiser, un obtenteur et producteur canadien
de canola qui avait récolté dans ses champs et conservé des semences de canola contenant un
transgène breveté de Monsanto qui les rendait résistantes au glyphosate, est un parfait exemple
d’affaire examinant les effets juridiques d’une telle situation. La Cour suprême canadienne a
statué que Schmeiser avait porté atteinte au brevet de Monsanto en dépit du fait que la présence
du gène breveté dans le champ du défendeur était jugée non intentionnelle.
En lieu et place d’une exception non rémunérée, les lois sur les brevets peuvent prévoir une
exception rémunérée fondée sur une licence obligatoire. Une licence obligatoire est une
autorisation d’exploiter une invention brevetée qui est accordée à un tiers par une autorité
5
[2004] 1 S.C.R. 902.
Les règles de l’Accord sur les ADPIC relatives à la concession de licences obligatoires figurent à
l’article 31. La notion de licence obligatoire en soi est loin d’être nouvelle. Un des premiers
instruments juridiques à l’envisager est la loi britannique de 1623 sur les monopoles. Au niveau
international, les licences obligatoires sont reconnues et prévues dans la Convention de Paris
de 1883. À l’époque de l’adoption de l’Accord sur les ADPIC, en 1994, les lois sur les brevets
comportaient un peu partout dans le monde des dispositions relatives aux licences obligatoires.
L’article 31 de l’Accord sur les ADPIC énumère les conditions détaillées à respecter lorsqu’un
membre de l’OMC décide de recourir aux licences obligatoires. Elles comprennent notamment
l’obligation de procéder au cas par cas, celle d’exiger de la part du candidat utilisateur la preuve
d’efforts antérieurs infructueux pour obtenir une licence volontaire, ainsi que celles d’appliquer un
principe de non-exclusivité des licences et d’imposer la rémunération du détenteur du droit.
La liste contient également des conditions s’appliquant à la résiliation des licences, ainsi que des
limitations concernant l’exportation et la cession de licences à des tiers.
L’Accord sur les ADPIC laisse cependant aux États membres une latitude considérable en ce qui
concerne leur législation en matière de licences obligatoires. L’octroi de licences obligatoires est
un instrument de politique générale qui peut être utilisé pour faire face à un certain nombre de
situations, dont les suivantes :
L’article 30 de l’Accord sur les ADPIC établit les bases générales des exceptions aux droits
exclusifs envisagées dans le cadre de l’accord. La règle est que les exceptions aux droits de brevet
doivent être limitées, ne pas porter pas atteinte de manière injustifiée à l’exploitation normale du
brevet et ne pas causer de préjudice injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet, compte
tenu des intérêts légitimes des tiers. Bien que cela ne soit pas mentionné explicitement dans
l’Accord sur les ADPIC, les deux exceptions largement acceptées au titre de l’article 30 qui ont une
incidence au regard de la santé publique sont l’exception aux fins de recherche et d’expérimentation
et l’exception relative aux travaux préalables. Dans certains pays, notamment aux États-Unis
d’Amérique, ces exceptions sont traditionnellement déterminées par voie judiciaire, tandis que dans
d’autres, au Japon, par exemple, il s’agit de droits statutaires.
L’exception aux fins de recherche et d’expérimentation a vocation à s’assurer que les brevets
favorisent la recherche scientifique visant la découverte de nouveaux savoirs plutôt que de
Quant à l’exception relative aux travaux préalables, elle couvre le cas de figure de concurrents
potentiels qui exploitent une invention sans l’autorisation du titulaire du brevet pour prendre les
mesures nécessaires pour obtenir l’approbation des autorités de réglementation et
l’enregistrement d’un produit générique avant que le brevet n’arrive à échéance. Cette exception
a pour objectif de garantir que des versions génériques du produit seront disponibles sur le
marché directement après l’expiration du brevet concerné, ou tout au moins dans un délai
raisonnable.
Sa mise en œuvre varie quant à elle d’un pays à l’autre. Dans le cadre de leur loi de 1984 sur la
concurrence des prix des médicaments et la restauration de la durée des brevets (Drug Price
Competition and Patent Term Restoration Act), les États-Unis d’Amérique ont introduit ce type de
disposition tout en accordant aux titulaires de brevets une période de protection plus longue. En
revanche, d’autres pays, comme le Kenya, prévoient l’exception relative aux travaux préalables
pour les fabricants de produits génériques sans pour autant allonger la durée de validité du brevet.
L’Accord sur les ADPIC envisage un équilibre entre la promotion de l’innovation technologique et
le transfert et la diffusion de technologie, ainsi qu’un équilibre entre les bénéfices dont doivent
jouir les utilisateurs d’une part et les producteurs de technologie de l’autre.
L’obtention de cet équilibre repose sur deux principes. D’une part, lorsqu’ils formulent ou
modifient leurs lois, les États membres peuvent adopter les mesures nécessaires pour assurer la
protection de la santé publique et des mesures visant à promouvoir l’intérêt général dans des
secteurs d’importance vitale pour leur développement socioéconomique et technologique.
D’autre part, ils peuvent adopter des mesures appropriées pour éviter l’usage abusif des droits
de propriété intellectuelle par les détenteurs de droits ou le recours par ceux-ci à des pratiques
qui restreignent de manière déraisonnable le commerce ou sont préjudiciables au transfert
international de technologie.
Il s’ensuit que, hormis les mesures visant à améliorer la compétitivité sur le marché
pharmaceutique que les pays peuvent prendre au titre de l’article 8.2), ils peuvent aussi prendre
des mesures supplémentaires pour contrôler les pratiques de concession de licences des
3. Le recours aux éléments de flexibilité relatifs aux brevets pour promouvoir les objectifs
de développement
Dans cette section, nous abordons les objectifs sous-jacents du cadre de flexibilité en matière de
brevets, en particulier en ce qui concerne la manière dont les éléments de flexibilité peuvent être
utilisés aux fins des objectifs de développement. Il est important de noter que le sujet des
éléments de flexibilité est multidimensionnel, touchant non seulement aux différents domaines de
la propriété intellectuelle, mais également aux politiques de propriété intellectuelle et autres
politiques connexes. Néanmoins, les États membres ont prêté une attention particulière à la mise
en œuvre et à l’utilisation des éléments de flexibilité dans le domaine des brevets, probablement
parce que les décideurs et les spécialistes ont été confrontés à la nécessité d’une telle souplesse
dans des secteurs sensibles, comme la santé, dans lesquels les éléments de flexibilité ont joué
un rôle important dans les politiques promouvant l’accès aux médicaments.
Préambule à l’Accord sur les ADPIC : le préambule à l’Accord sur les ADPIC souligne le double
objectif de l’accord :
Ces objectifs fondamentaux de l’Accord sur les ADPIC sont exposés de manière plus détaillée
dans les articles 7 (objectifs) et 8 (principes). Les deux objectifs requièrent de trouver un juste
équilibre entre les droits du titulaire de la propriété intellectuelle et les objectifs sociaux de l’Accord
sur les ADPIC. Cela est illustré dans les “exceptions réglementaires” (articles 6, 30, 31 et 40) et
dans la portée appropriée de la protection de la propriété intellectuelle dans diverses autres
dispositions de l’Accord.
L’article 6 sur l’épuisement des droits de propriété intellectuelle laisse la question des
importations parallèles ouverte aux pays. Ceux-ci sont libres d’adopter le principe d’“épuisement
international” et d’importer le produit breveté requis auprès de sources bon marché. L’Accord sur
les ADPIC donne également la possibilité à ses membres de restreindre les droits exclusifs du
titulaire du brevet en prévoyant des exceptions limitées, lesquelles i) ne doivent pas porter atteinte
de manière injustifiée à l’exploitation normale du brevet, ii) ne doivent pas causer de préjudice
injustifié aux intérêts légitimes du titulaire du brevet et iii) doivent tenir compte des intérêts des
Dans le contexte du Plan d’action pour le développement, le sujet des éléments de flexibilité
est mentionné expressément dans la recommandation numéro 14, selon laquelle l’OMPI
dispensera des conseils aux pays en développement, et en particulier aux pays les moins
avancés, concernant la compréhension et l’utilisation des éléments de flexibilité envisagés dans
l’Accord sur les ADPIC.
C’est pourquoi aussi bien les accords parrainés par l’OMC, comme l’Accord sur les ADPIC, que
les accords et initiatives parrainés par l’OMPI soutiennent le recours aux éléments de flexibilité
relatifs aux brevets. Il est donc important d’étudier comment ils peuvent être exploités
stratégiquement dans le cadre du processus législatif et d’élaboration des politiques, ainsi que
dans l’application des droits de brevet.
Le recours aux éléments de flexibilité en fonction de l’étendue de l’objet peut contribuer à réaliser
différents objectifs liés au développement.
o Les brevets peuvent être interdits dans certains domaines d’intérêt public
stratégique, comme la santé ou l’agriculture.
o La réglementation de l’étendue de la protection par brevet peut par ailleurs être
utilisée pour encourager le développement dans des domaines technologiques
donnés (l’affaire Chakrabarty aux États-Unis d’Amérique en est un bon exemple).
o Limiter la portée des droits est un autre moyen d’œuvrer en faveur de la réalisation
d’objectifs tels que la protection de l’environnement ou le développement des
entreprises manufacturières locales.
Cette marge de manœuvre politique et législative est possible grâce à la règle générale relative
à l’objet brevetable visée à l’article 27 de l’Accord sur les ADPIC. Comme vous l’avez vu dans
les sections précédentes, cet article est très large, tout en étant potentiellement très restrictif. Il
étend la protection par brevet à l’ensemble des inventions, qu’il s’agisse de produits ou de
procédés, dans tous les domaines technologiques, pour autant qu’ils soient nouveaux, impliquent
une activité inventive et soient susceptibles d’application industrielle. Il est néanmoins pertinent
de noter que l’article 27 ne précise pas ce qu’on entend par “invention”. Le résultat du fait que
ce terme n’est pas défini dans le cadre de l’Accord sur les ADPIC est que les pays ont toute
latitude pour définir la portée de la notion d’invention dans leur législation nationale, et peuvent
donc exclure certains types d’inventions lorsqu’ils souhaitent atteindre certains objectifs politiques
et de développement.
a) Liens utiles :
www.wipo.int/ip-development/fr/agenda
http://www.cptech.org/ip/wipo/da.html
http://www.eff.org/issues/development-agenda
www.ictsd.org/i/events/dialogues/45559/
https://www.wipo.int/ip-development/fr/agenda/flexibilities/database.html
b) Suggestions de lecture
Sisule F. Musungu, South Centre, et Cecilia Oh, Commission de l’OMS sur les droits
de propriété intellectuelle, l’innovation et la santé publique (CIPIH), The Use of
Flexibilities in TRIPS by Developing Countries : Can they Promote Access to
Medicines?, Study 4C, 2005.
http://www.who.int/intellectualproperty/studies/TRIPSFLEXI.pdf
CDIP, Document CDIP/10/11, Travaux futurs sur les éléments de flexibilité relatifs
aux brevets dans le cadre juridique multilatéral, 2012.
https://www.wipo.int/edocs/mdocs/mdocs/fr/cdip_10/cdip_10_11.pdf
CDIP, Document CDIP/8/INF/3, Étude sur les brevets et le domaine public, 2011.
https://www.wipo.int/edocs/mdocs/mdocs/fr/cdip_8/cdip_8_inf_3.pdf
CDIP, Document CDIP/8/INF/3, Étude sur les brevets et le domaine public (II), 2013.
https://www.wipo.int/edocs/mdocs/mdocs/fr/cdip_12/cdip_12_inf_2_rev.pdf
Ce module vise à vous aider à comprendre la relation entre les brevets et les enjeux plus larges
du développement dans la société et la question de l’incidence des droits de propriété
intellectuelle sur le développement économique et les processus de croissance, une question qui
fait débat depuis longtemps.
Le développement est une notion très vaste qui peut être divisée en trois catégories :
i) le développement économique;
ii) le développement social et culturel; et
iii) le développement scientifique et technologique.
Pour apprécier en quoi le système des brevets peut contribuer au développement de la société,
il est important de comprendre les objectifs économiques fondamentaux de la protection des
droits de propriété intellectuelle.
Pour que le système des brevets contribue au développement de la société, les responsables
politiques doivent comprendre la dynamique sociale, économique, technique et concurrentielle
de leur propre contexte, qui les éclairera quant aux choix appropriés des pouvoirs publics en
matière de brevets.
Le concept de développement étant très large, un certain nombre de variables sont essentielles
pour déclencher la croissance économique et sociale. Par exemple, les économistes
reconnaissent plusieurs canaux par lesquels les brevets pourraient stimuler le développement
et la croissance économiques. Ces canaux étant parfois interdépendants, il est important que
les responsables politiques et les planificateurs du développement comprennent la relation
entre brevets et développement, afin de pouvoir concevoir des incitations politiques appropriées
pour promouvoir l’intégration des brevets et des stratégies de développement.
Deux variables importantes du développement illustrent le rôle significatif que peuvent jouer les
brevets.
Comme indiqué précédemment, l’adoption du plan d’action pour le développement repose sur
la nécessité de remanier le système de la propriété intellectuelle au profit de la réalisation des
objectifs plus larges en matière de développement de la société. Dans ce contexte, le plan
d’action se fonde sur les approches suivantes :
Une des manières dont le système des brevets peut contribuer au développement est par
l’application des éléments de flexibilité relatifs aux brevets. Les éléments de flexibilité relatifs
aux brevets peuvent être définis comme étant des marges de manœuvre dont bénéficient les
pays, tant sur le fond qu’en matière de respect des droits et sur le plan administratif, en vertu des
régimes internationaux existants en matière de brevets, y compris l’Accord sur les ADPIC. Dans
le cadre du système de flexibilité, tous les pays bénéficient d’une certaine latitude pour élaborer
des systèmes de protection par brevet qui, tout en respectant les obligations internationales en
matière de brevets, sont adaptés aux conditions ou besoins locaux ou spécifiques. C’est
pourquoi, dans le cadre des éléments de flexibilité relatifs aux brevets, lorsque les pays
conçoivent et mettent en œuvre un régime de brevets, ils doivent faire des choix décisifs quant
au type et à la portée des droits de brevet conférés et aux procédures ou exigences légales
auxquelles les déposants doivent se conformer.
Cette section décrit les éléments de flexibilité prévus dans les principaux instruments
réglementaires et régimes internationaux en matière de brevets, à savoir l’Accord sur les ADPIC
de 1994, qui contient les dispositions de la Convention de Paris pour la protection de la propriété
industrielle de 1883 (la “Convention de Paris”), entre autres traités administrés par l’OMPI.
La mise en œuvre des obligations au titre de la Convention de Paris permet un grand degré de
souplesse. Les membres, qui forment l’Union de Paris, jouissent d’une marge de manœuvre
considérable en ce qui concerne les approches de conformité en en ce qui concerne : i) la portée
des brevets; ii) les normes minimales en matière de brevets; iii) leur utilisation et leur application,
telle que la concession de licences obligatoires et leur utilisation par les pouvoirs publics; et
iv) l’épuisement des droits.
Le préambule de l’Accord sur les ADPIC jette les bases de l’inclusion d’éléments de flexibilité
dans la mise en œuvre de l’Accord, puisqu’il reconnaît la nécessité de disposer de moyens
efficaces et appropriés d’application des aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent
au commerce en tenant compte des différences entre systèmes juridiques nationaux. Le
préambule précise également que les objectifs de politique publique sous-jacents des systèmes
nationaux de protection de la propriété intellectuelle devraient inclure des objectifs de
développement et technologiques et reconnaît les besoins particuliers des PMA membres d’une
souplesse maximale dans la mise en œuvre des lois et réglementations afin de leur permettre de
créer une base technologique solide et viable. L’Accord sur les ADPIC introduit des dispositions
particulières dans les domaines suivants : i) portée des droits de brevet (article 27), ii) invention
dans le domaine de la santé (article 8); iii) procédés essentiellement biologiques (article 27.3);
iv) nouvelles variétés végétales (article 27.3.b)); v) exceptions fondées sur l’ordre public et la
moralité (article 27.2); vi) atteintes non intentionnelles (article 44.1); vii) licences obligatoires
(article 31); viii) exception aux fins de recherche et d’expérimentation (article 30); et ix) contrôle
des pratiques abusives en matière de brevets.
3. Le recours aux éléments de flexibilité relatifs aux brevets pour promouvoir les
objectifs de développement
Le sujet des éléments de flexibilité est multidimensionnel, touchant non seulement aux différents
domaines de la propriété intellectuelle, mais également aux politiques de propriété intellectuelle
et autres politiques connexes. Les États membres ont prêté une attention particulière à la mise
en œuvre et à l’utilisation des éléments de flexibilité dans le domaine des brevets, probablement
parce que les décideurs et les spécialistes ont été confrontés à la nécessité d’une telle souplesse
dans des secteurs sensibles, comme la santé, dans lesquels les éléments de flexibilité ont joué
un rôle important dans les politiques promouvant l’accès aux médicaments.
Préambule à l’Accord sur les ADPIC : le préambule à l’Accord sur les ADPIC souligne le double
objectif de l’accord, à savoir :
Dans le contexte du plan d’action pour le développement, le sujet des éléments de flexibilité
est mentionné expressément dans la recommandation numéro 14, selon laquelle l’OMPI
dispensera des conseils aux pays en développement, et en particulier aux pays les moins
avancés, concernant la compréhension et l’utilisation des éléments de flexibilité envisagés dans
l’Accord sur les ADPIC. Il est donc important d’étudier comment ils peuvent être exploités
stratégiquement dans le cadre du processus législatif et d’élaboration des politiques, ainsi que
dans l’application des droits de brevet.
Le recours aux éléments de flexibilité en fonction de l’étendue de l’objet peut contribuer à réaliser
différents objectifs liés au développement.
o Les brevets peuvent être interdits dans certains domaines d’intérêt public
stratégique, comme la santé ou l’agriculture.
o La réglementation de l’étendue de la protection par brevet peut par ailleurs être
utilisée pour encourager le développement dans un domaine technologique
donné (l’affaire Chakrabarty aux États-Unis d’Amérique en est un bon exemple).
o Limiter la portée des droits est un autre moyen d’œuvrer en faveur de la réalisation
d’objectifs tels que la protection de l’environnement ou le développement des
entreprises manufacturières locales.
Cette marge de manœuvre politique et législative est possible grâce à la règle générale relative
à l’objet brevetable visée à l’article 27 de l’Accord sur les ADPIC.