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Chers lecteurs,
S’il y a une chose que l’histoire nous a apprise, c’est que les
modèles patriarcaux de la chose spirituelle n’ont pas été tendres
envers les femmes. Consciemment ou inconsciemment, les
constructions mentales qui mettent l’esprit en haut et la matière
en bas ont relégué les femmes et la nature au bas de l’échelle.
Sherry Ruth Anderson et Patricia Hopkins,
La féminité cachée de Dieu
Comment intégrer leur vie spirituelle à leur vie de tous les jours, voilà la
question que me posent le plus souvent les femmes. Le seul fait de devoir
nous interroger à ce sujet montre à quel point nous sommes coupées d’une
spiritualité de nature féminine, car toutes les traditions religieuses où la
présence féminine est forte ont en commun l’intégration de l’esprit et de la
matière, de l’esprit et du corps, ce qui donne lieu à une spiritualité
inséparable de la vie quotidienne et à l’immanence plutôt qu’à la
transcendance du divin.
Pour le Merriam-Webster’s Collegiate Dictionary, le patriarcat est une
«organisation sociale fondée sur la suprématie paternelle, sur le clan ou la
famille, la dépendance juridique des épouses et des enfants, et la
transmission du patrimoine successoral selon la lignée masculine; plus
généralement: le contrôle par les hommes d’une part disproportionnée du
pouvoir». Une grande majorité de la communauté mondiale est dominée par
le patriarcat et des structures patriarcales régissent toutes les grandes
religions. Les religions patriarcales isolent inévitablement l’esprit,
autrement dit la divinité de la femme, de la nature et de la matière. À noter
que le mot matière dérive du latin materia (la substance fondamentale des
choses, la cause de quelque chose) qui lui-même vient du latin mater, soit
l’origine, la source, la mère.
Tant la nature que la terre ont été associées à la femme. Prenons par
exemple des expressions comme la terre Mère, dame Nature, et des
désignations telles que la «forêt vierge», c’est-à-dire une forêt que l’homme
n’a pas encore pénétrée ou perturbée. Sur le plan historique, en même
temps que les religions patriarcales dénigraient la femme et la tenaient à
l’écart du pouvoir, on manquait de respect à la nature, en ce sens que la
terre n’était plus cette chose sacrée qui méritait notre respect, et l’on
considérait que la nature et la femme faisaient obstacle à la quête spirituelle
exaltée et désincarnée du divin. Dans ce contexte, on avait la perception que
des forces diaboliques dominaient la nature et que les femmes ouvraient la
porte au péché et entravaient l’union avec le divin.
Comme l’écrit la philosophe Elizabeth Dodson Gray, il convenait de
«[s]’écarter de l’ordinaire, du naturel, du non-sacré – des femmes, des corps
de chair, de la nature en décomposition, de tout ce qui s’ancre dans la
mortalité et la mort. “Plus haut, toujours plus haut”, tel est le slogan de cette
conscience religieuse qui cherche à s’élever vers le royaume de l’esprit pur
et de la transcendance absolue où rien ne se salit, ne pourrit ou ne meurt
jamais1».
Ces religions multiplient les récits, les croyances et les règles qui
contrôlent les femmes et leur corps. Elles imposent des tabous sexuels
auxquels s’ajoute souvent l’obligation du célibat et de la chasteté des
prêtres et des moines, si bien que les ecclésiastiques évitent les contacts
avec les femmes et considèrent parfois que celles-ci menacent
dangereusement leur relation avec le divin. Les femmes n’ont pas accès à
des responsabilités équivalentes à celles des hommes, plus particulièrement
aux fonctions de direction. Elles sont certainement présentes dans toutes les
religions, mais ces religions ont idéalisé les hommes et, dans une large
mesure, privé les femmes de leur autonomie en les subordonnant à
l’autorité du mâle. De même, la nature est vue comme une chose que l’on
domine, dont on se sert, dont on abuse à son gré et que l’on assujettit et
soumet à sa volonté.
Il ne m’appartient pas de procéder ici à un examen approfondi de la
théologie ni de m’étendre sur le thème de l’écoféminisme. Plusieurs
excellents livres traitent déjà de ces questions2. Je me propose plutôt
d’expliquer notre situation en ce qui a trait à la spiritualité, à la religion et
au dénigrement du féminin sacré, et de montrer comment ce contexte
influence en profondeur la situation mondiale actuelle.
À la lumière des similitudes entre les attitudes patriarcales envers les
femmes et les attitudes patriarcales envers la nature, est-ce une coïncidence
si le retrait du président Donald Trump de l’Accord de Paris sur le climat,
son amputation de près d’un million d’hectares de parcs naturels considérés
comme des monuments nationaux et l’ouverture des eaux côtières
américaines aux forages pétroliers et gaziers sont en conformité avec son
comportement envers les femmes, un comportement misogyne,
irrespectueux et lié à la culture du viol? Ce genre de mépris destructeur est
à l’origine de la crise environnementale actuelle et de l’omniprésence de la
violence à l’encontre des femmes. Les statistiques ci-dessous permettent de
tracer un parallèle entre la violence faite aux femmes et la violence faite à la
planète. Pour commencer, voici quelques chiffres clés du changement
climatique que publiait The Guardian en 2017:
En avril 2016, j’ai dispensé une formation sur le Mandala des cinq dakinis
dans le cadre d’une retraite Wisdom Rising® dans un centre de yoga de
l’ouest du Massachusetts. L’année suivante, après l’élection du président
Trump, j’ai refait le même exercice avec 150 participantes. Vers la fin de la
retraite, une femme blonde d’environ quarante ans a levé la main et
demandé la parole:
— Il faut que je vous dise quelque chose. Cette pratique a changé ma
vie. Après la retraite de l’an dernier, j’ai fait le Mandala des cinq dakinis
tous les jours. Je me sens maintenant si à la hauteur que j’ai pris ma vie en
main et que je me suis portée candidate au Congrès!
Il y a eu une marée d’encouragements, de bravos et de tapes dans le dos
de la part des autres participantes. J’ai constaté avec plaisir que sa force
intérieure la poussait à agir.
Une autre femme a voulu parler à son tour.
— Je suis une militante, mais j’étais épuisée, vidée de mon énergie,
désespérée et découragée face au climat politique actuel. Je suis venue ici
l’an dernier et, de retour chez moi, j’ai pratiqué le Mandala des cinq dakinis
toute une année. Ç’a été formidable. Il me rend ma force intérieure et
renouvelle mon énergie, quel que soit le climat extérieur.
Une troisième participante, une petite brune aux cheveux courts, a pris
la parole.
— J’ai été très malheureuse toute ma vie. J’ai subi de terribles violences
dans mon enfance et j’ai été aux prises avec de la dépression, des
dépendances et des idées suicidaires. J’ai détesté être une femme. Mais ici,
dans cette retraite, pour la première fois de ma vie, je me suis sentie
heureuse, bien dans ma peau de femme et fortifiée de pouvoir participer à
ce changement.
Les dakinis ont un présent à vous offrir comme elles en ont offert un à
ces femmes. Elles représentent un modèle féminin farouche, sage, spirituel
et incarné. Elles nous donnent l’énergie du féminin indompté; elles ne sont
ni dociles ni soumises. Ce sont des entités lumineuses et subtiles, les
gardiennes de la terre sacrée et de son absolue sagesse. La pratique du
Mandala des cinq dakinis stimule cet archétype en nous et déclenche
l’énergie transformatrice du féminin.
Nous verrons que le corps féminin que manifeste la dakini est un
véhicule de l’Éveil. Le Mandala des cinq dakinis a des racines profondes,
éternelles et inclusives. Sa pratique vous aidera a faire face aux aléas de la
vie ordinaire, quand vous vous sentez tiraillée et éparpillée, quand vous
éprouvez le besoin de vous recentrer, quand vous devez prendre des
décisions, quand vous êtes dans une impasse. En entrant dans le mandala et
en allant à la rencontre de vos dakinis intérieures, vous accéderez à la
lucidité et à la force.
LE LIVRE
J’ai eu la chance inouïe d’étudier auprès de quelques-uns des plus grands
lamas tibétains qui ont échappé à l’invasion de la Chine en s’enfuyant en
Inde et au Népal. Avant cette invasion, le Tibet, petit pays cerné de hautes
montagnes, était en quelque sorte le creuset du développement spirituel
d’Asie centrale et à l’abri des influences extérieures. Ce milieu très spécial
a favorisé l’éclosion d’une profonde sagesse et de la méditation, et a
encouragé une démarche éclairée de valorisation de la compassion au sein
de sa population.
En découvrant la culture tibétaine en 1967, je me suis engagée à
promouvoir le rapprochement de l’Orient et de l’Occident. Il m’a semblé
que je venais de trébucher sur un coffre aux trésors et j’ai voulu en partager
les merveilles avec les autres pour qu’ils puissent se réjouir eux aussi de
cette beauté et de cette richesse. Ce que je souhaite le plus vivement
répandre par ce livre comprend le mandala primordial et les principes des
dakinis, l’introduction aux cinq familles de bouddhas et les dakinis de
sagesse, et la manière dont tout cela se concentre dans la pratique du
Mandala des cinq dakinis.
Je sais pertinemment qu’un livre comme celui-ci est impuissant à
transmettre la force et la profondeur de la tradition tibétaine ainsi que le
mandala tel qu’il m’a été transmis. Mais il faut, en ces temps difficiles et
sans précédent, trouver le moyen de rendre accessible la sagesse que le
Tibet a engendrée dans son isolement. Que vous soyez ou non bouddhiste,
que vous soyez une femme ou un homme, j’espère vous aider à tirer parti de
ces principes partagés dans votre vie quotidienne et, par le fait même,
contribuer à colmater les brèches qui déchirent le monde. La transformation
de notre paradigme spirituel donnera lieu à la transformation de notre
société et de notre culture.
Ce livre propose un travail personnel qui aidera les femmes (et tous
ceux que cela intéresse) à réagir plus sagement et plus efficacement aux
souffrances, aux défis et au chaos des réalités du monde d’aujourd’hui. Son
but est de vous apprendre à affronter le monde avec une force entière et
dénuée d’agressivité, à exploiter un pouvoir féminin incontestable et absolu
enraciné dans la plénitude, à susciter un partenariat nouveau avec le
masculin authentique. Ce voyage au cœur du mandala engendre un féminin
renouvelé qui puise à la sagesse ancienne tout en s’adaptant à la réalité
d’aujourd’hui. Pour cette raison, j’ai privilégié les pronoms féminins dans
ce livre et choisi des exemples de vies de femmes, mais j’y ai aussi glissé
quelques exemples masculins. Les hommes ont tout intérêt à lire ce livre et
à accomplir les pratiques qui y sont mises de l’avant.
La première partie comporte des récits de mon séjour en Asie. J’y raconte
comment je me suis rendue à Katmandou par voie de terre à partir de
l’Europe, comment je suis devenue la première Nord-Américaine à être
ordonnée moniale bouddhiste dans la tradition tibétaine, et comment j’ai
fait la rencontre du mandala et de la dakini. J’approfondis le mandala dans
les chapitres 2 et 3 où j’aborde sa raison d’être, sa signification et son usage
en tant que précieux moyen de transformation. Il est important de
comprendre le principe du mandala en tant qu’objet de méditation, car c’est
la structure fondamentale qui étaiera notre étude des cinq familles de
bouddhas et de la sagesse des dakinis.
Je poursuis mon récit personnel dans la deuxième partie: ma décision de
défroquer et de devenir mère, et ma rencontre avec une dakini, le grand
maître tibétain du XIe siècle, Machik Labdrön. Dans les chapitres 5 et 6
nous nous penchons plus attentivement sur le principe de la dakini et le
réveil du féminin sacré. Nous voyons comment atteindre l’intégration
spirituelle et la sagesse en personnifiant le féminin souverain. La quête de
spiritualité emprunte alors la voie de la méditation active, de l’éveil que
l’on manifeste dans la vie quotidienne en mobilisant notre dakini intérieure.
La troisième partie se concentre sur les cinq familles de bouddhas et les
dakinis de sagesse – Bouddha, Vajra, Ratna, Padma et Karma –, les
particularités de chacune et leurs personnalités. Vous saurez à laquelle de
ces familles vous appartenez et comment les familles correspondent à tant
d’aspects différents de votre vie. Nous étudierons plus particulièrement le
schéma obscur de chaque famille et sa contrepartie de sagesse. Enfin, dans
la quatrième partie, je vous guiderai pas à pas dans les méditations du
Mandala des cinq dakinis et de la rencontre des dakinis, ainsi que dans
d’autres pratiques qui vous aideront à intégrer et à personnifier les dakinis
dans votre quotidien, par exemple, l’aménagement d’un autel à la dakini, le
dessin d’un mandala, la création d’un mandala dans la nature ou les étapes
de la réalisation d’un mandala de sable. J’indique aussi comment appliquer
le mandala aux moments importants de la vie tels que les anniversaires, les
mariages et les funérailles.
PREMIÈRE PARTIE
À LA RENCONTRE DU MANDALA
1
Mon cheminement vers la complétude
SWAYAMBHUNATH
Un matin, alors que nous rendions visite à une famille népalaise du centre
de Katmandou, nous avons été invitées à admirer le panorama du haut du
toit de la maison. Un brouillard bas enveloppait la vallée, mais les pics
cristallins de l’Himalaya étaient visibles au loin. Beaucoup plus près, à un
peu moins de deux kilomètres, tel un palais éphémère dans une île au milieu
d’un lac, on apercevait un lumineux dôme blanc surmonté d’une scintillante
flèche dorée. Je n’avais jamais rien vu d’aussi mystique. En réponse à ma
question, on m’a dit qu’il s’agissait de Swayambhunath, également appelé
le Temple des singes parce qu’une troupe de singes sauvages habite sur la
colline, et que c’était un des sites les plus sacrés de la ville.
Quelques jours plus tard, un peu avant l’aube, nous avons eu la chance
de nous joindre à un groupe de pèlerins qui se rendaient au faîte de la
colline. Ce parcours nocturne dans les rues de Katmandou nous a ramenées
d’un bond au Moyen Âge. En véritables éboueurs médiévaux, chiens et
vaches trouvaient leur nourriture dans les ordures que les gens jetaient dans
la rue.
Encore ces dakinis que Ted avait évoquées en Écosse. Pam venait de
m’apprendre qu’elles volaient dans les cieux. Mais la coiffe n’avait pas du
tout l’air de vouloir s’envoler. Après l’avoir mise sur sa tête, Karmapa est
entré en méditation. Inspirant profondément, il a porté son regard sur
l’horizon lointain et récité un mantra en égrenant un mala en cristal (rosaire
bouddhiste). J’ai demandé à Pam ce qu’il faisait.
— Il se transforme en Chenrezig, le bouddha de la compassion, et il
récite le mantra Om Mani Padme Hung Hri cent huit fois en comptant sur
son mala, puis il distribue sa compassion à tous les êtres.
La foule se pressait autour de nous comme des groupies à un concert de
rock, sauf que ces groupies étaient ici de magnifiques montagnards vêtus de
laine brute et chaussés de bottes en feutre brodé nouées au-dessus du
mollet. Leur dévotion profonde et leur rude beauté m’émouvaient
profondément. Chassés de leur pays natal par les Chinois qui avaient envahi
le Tibet, ils étaient en présence de leur chef spirituel en ces temps de grande
incertitude et trouvaient auprès de lui la consolation et le soutien dont ils
avaient besoin.
À la fin de la cérémonie, les Tibétains se sont bousculés pour recevoir
un à un la bénédiction personnelle du Karmapa. Ils se poussaient et jouaient
des coudes pour atteindre l’étroite porte latérale du monastère et défiler
devant lui. Karmapa bénissait chacun d’eux en le touchant avec un cylindre
recouvert de tissu suspendu à une perche. Des mères lui présentaient leur
bébé qui recevait ainsi sa toute première bénédiction. Des vieillards au dos
courbé, appuyés sur leur canne, étaient guidés par des membres de leur
famille. La foule se pressait vers la porte. Nous avons décidé de nous laisser
emporter par ce mouvement. Des odeurs de beurre rance, de bouse de yak et
de laine imprégnée de sueur me montaient aux narines tandis que nous
allions de l’avant et franchissions à la file indienne le seuil de la porte
latérale pour émerger devant Karmapa.
Mon tour est enfin venu. J’ai joint les mains dans l’attitude de prière
que j’avais remarquée chez les autres et, levant les yeux sur Karmapa, j’ai
vu le plus grand sourire de toute ma vie. Une étincelle a passé entre nous. Il
s’est arrêté un instant et a murmuré quelque chose à un homme qui se tenait
à ses côtés, vêtu du gho, la tenue traditionnelle du Bhoutan, consistant en
une sorte de kimono rayé long jusqu’aux genoux, retenu par un ceinturon,
avec de longues manches et de larges revers blancs. C’était le médecin et
interprète de Karmapa, le Dr Jigme, ce que j’ignorais à l’époque. La tête de
Karmapa était si grosse que les branches de ses lunettes ne touchaient pas
l’arrière de ses oreilles. Son sourire aussi vaste que le ciel exsudait la joie,
la cordialité et la compassion. Je n’avais jamais vu une présence aussi
impressionnante chez un être humain. Sa corpulence était parfaitement
justifiée puisqu’elle reflétait sa grandeur intérieure. Son essence imprégnait
tout.
L’ORDINATION
Les jours suivants, j’ai participé à tous les enseignements que dispensait
Karmapa et je lui ai rendu visite dans sa chambre au sommet du monastère.
J’entrais, mais alors que les autres se prosternaient, j’allais droit vers lui et
lui offrais de généreux bouquets de dahlias que j’avais cueillis dans le jardin
de Pam et Jon. Mon comportement, quoiqu’insolite, me valait toujours un
grand et chaleureux sourire.
Dans les semaines qui ont suivi, je suis devenue de plus en plus agitée.
Je sentais confusément qu’il me fallait faire quelque chose d’important,
sans savoir quoi. Je dormais mal. Une nuit, pendant que je lisais la
méditation Sadhana of all the Siddhas, la phrase suivante m’a sauté aux
yeux: «La seule offrande que je puisse te faire est de suivre ton exemple…»
Tout est devenu clair: puisque Karmapa était moine, pour réellement suivre
son exemple il fallait que je me fasse moniale. J’avais ma réponse.
À Katmandou, dormir sur une simple natte posée sur la terre battue dans
une pièce humide et sans chauffage me laissait transie et courbaturée. Au
matin, je me suis habillée en vitesse, je me suis frayé un chemin parmi la
foule et je suis entrée dans la chambre de Karmapa.
Il m’a saluée de son grand sourire habituel et m’a fait signe de
m’asseoir, mais je suis restée debout. J’ai feint de couper mes tresses d’un
geste de la main pour lui montrer que je voulais renoncer au monde et être
ordonnée moniale. Il a haussé les sourcils et ri de bon cœur, puis il a
convoqué le Bhoutanais à qui il avait parlé durant la cérémonie de la Coiffe
noire.
— Dites-lui que je veux me faire moniale, ai-je dit au Dr Jigme quand il
est arrivé.
Tout ce temps, Karmapa ne me quittait pas des yeux. Quand l’interprète
lui a transmis ma demande, il s’est fait un profond silence. Les moines nous
ont regardés tour à tour. Karmapa est devenu grave et a posé sur moi un
regard que je n’oublierai jamais. Ensuite, il a plissé les yeux, il les a fermés,
puis il les a rouverts lentement. On aurait dit qu’il voyait tout
l’enchaînement de mon karma. Enfin, aussi brusquement qu’il était devenu
sérieux, son visage s’est éclairé d’un immense sourire. Il a hoché la tête et
dit quelques mots au docteur. Le Dr Jigme s’est tourné vers moi.
— Sa Sainteté dit qu’il vous ordonnera à Bodhgaya dans une semaine,
a-t-il dit. Procurez-vous une robe et allez le retrouver là-bas.
Le Dr Jigme m’a prise en charge. Il a commencé par me dire de me faire
raser la tête. J’ai natté mes cheveux avec des fils de soie bleue et or, puis
j’ai enfilé une chemise tibétaine en flanelle jaune canari et le shantab, la
jupe monastique bordeaux que je m’étais procurée à Katmandou. Ensuite, le
docteur m’a accompagnée à Bodhgaya qui, en 1970, n’était qu’une paisible
petite bourgade avec quelques salons de chai, des marchands de légumes et
de grains, et une échoppe de barbier. Le docteur m’a prise en photo devant
le temple Mahabodhi, le plus important temple de Bodhgaya qui surplombe
l’arbre du Bodhi. Sur cette photo, je porte la robe de moniale mais j’ai
encore mes nattes. Ensuite, nous sommes allés chez le barbier, moment
surréel s’il en est: j’étais à moitié moniale par la tenue et à moitié laïque par
la longue chevelure. La jupe était en laine de yak épaisse et rugueuse et,
même si je ne le savais pas encore, je souffrais d’une hépatite contractée en
Afghanistan. Ainsi fiévreuse et vêtue de laine dans la chaleur oppressante
du soleil indien, je me sentais vraiment toute drôle.
L’échoppe du barbier était juste en face du temple Mahabodhi. Elle était
ouverte sur la rue et consistait en une chaise, une glace et trois murs. Je me
suis assise sur la chaise en indiquant par gestes au barbier de me couper les
cheveux. Il a répondu par un regard ahuri à ma demande que le Dr Jigme
venait de traduire en hindi. Il n’avait jamais rasé la tête d’une Occidentale.
Il a d’abord coupé mes tresses. Et de une. Et de deux. Les nattes brunes
entremêlées de soie noire, bleu et or sont tombées sur mes genoux. Une
petite foule s’est rassemblée.
L’étape suivante a été fort curieuse. Il a coupé de grosses mèches au ras
du cuir chevelu, ce qui me donnait une tête de chien galeux. Puis il a affûté
son coupe-chou sur une courroie en cuir, humidifié mes cheveux et m’a rasé
la tête. J’avais l’impression de jouer dans un film. Une meute d’au moins
trente hommes m’observait. Ébahis, ils se rapprochaient en me regardant
fixement sans vergogne avec une expression où se lisait une curiosité mêlée
d’horreur. En raclant mon crâne, la lame droite du rasoir m’a ramenée sur
terre. Ce n’était pas un film. La lame émoussée m’arrachait littéralement la
peau.
Lama Tsultrim devant le temple Mahabodhi juste avant de se faire raser la tête, Bodhgaya, Inde,
janvier 1970. Photographie du Dr Jigme.
Après son ordination sous le nom de Karma Tsultrim Chodrön par Sa Sainteté le 16e Karmapa, 1970.
Les recherches montrent que les nourrissons ont dès la naissance envie
de voir des cercles. En fait, il a été démontré que les nourrissons de moins
d’une semaine préfèrent les lignes courbes16. À trois mois, ou même avant,
ils préfèrent les formes simples et achevées, par exemple les cercles, aux
formes compliquées17. On suppose que les bébés recherchent les stimuli
circulaires pour faciliter la formation de liens avec la mère et le sein
maternel, mais les cercles sont aussi plus faciles à traiter, car leur
circonférence est uniforme et l’œil lui-même est rond. Si l’on remonte à nos
premières expériences visuelles, il semblerait donc que les cercles nous
procurent un sentiment de complétude et créent un lien primal avec la
personne qui voit à nos besoins. Ainsi que le signale l’écrivaine naturaliste
Gretel Ehrlich: «Emerson a écrit que le premier cercle était l’œil humain,
mais c’est aussi le cas de la planète. Ils sont liés: l’un regarde toujours
l’autre18.»
LE MANDALA TIBÉTAIN
Les tout premiers mandalas bouddhistes sont apparus au IIIe siècle de notre
ère, mais ont commencé à se répandre en Inde entre 500 et 1200 avant de se
propager à la Chine, à la Corée, au Japon et à la Malaisie sur les traces du
bouddhisme vajrayana. J’ai même vu des mandalas bouddhistes dans
d’antiques temples balinais. Mais c’est au Tibet, à compter du début du
VIIIe siècle, que la complexité et l’usage du mandala ont atteint leur
apogée.
Mandala est un mot sanscrit qui se traduit par «cercle». On peut aussi y
lire les mots manda, dont le sens est «suprême» ou «le meilleur», et la, soit
«jalon» ou «achèvement». Réunis, ces mots signifient «le lieu de l’essence
ultime». Dès les premiers textes védiques, le mandala représentait une
enceinte sacrée, le lieu d’une pratique spirituelle ou d’un rituel. La forme
élémentaire du mandala, un cercle réparti en quatre quartiers et axé autour
d’un noyau séminal, reflète la structure de l’univers du plus infime
microcosme au macrocosme infini.
En tibétain, mandala se dit kyil khor. Kyl signifie «centre» et khor «la
périphérie du centre» ou «le tourbillon à la périphérie du centre». Le
mandala tibétain désigne un cercle de pure essence divisé en quatre
quartiers. Sa circonférence enflammée empêche les énergies invasives d’y
entrer. Il existe des centaines de mandalas bouddhistes différents. Tous
s’axent autour d’un noyau central carré réparti en quatre sections ou points
cardinaux, à partir duquel rayonne le reste du mandala et vers lequel celui-
ci retourne. Les mandalas tibétains sont des palais symboliques
tridimensionnels, lieux de résidence des divinités.
• la famille Bouddha
• la famille Vajra
• la famille Ratna
• la famille Padma
• la famille Karma
Le mot tibétain qui traduit «famille» est rig. Dans le cas des cinq
familles de bouddhas, il signifie plutôt «affinités d’énergie», soit les
caractéristiques de bouddha que nous possédons. La nature de bouddha ne
se manifeste pas de façon identique en chacun. Il y a différents modes, ce
que Trungpa Rinpoché appelle «les cinq manières différentes d’être sain
d’esprit26».
Une famille est un champ d’énergie qui, avant sa transformation,
consiste en un schéma obscur, en cinq poisons. Dans son état éveillé, ce
même champ d’énergie est devenu sagesse. À chaque famille correspond un
certain nombre d’affinités énergétiques: les sons fondamentaux que l’on
appelle les syllabes germes, les mudras (mouvements codifiés des mains),
les saisons, les couleurs, les éléments, les morphologies, les symboles, les
paysages, les agrégats (l’aspect psycho-physique), et ainsi de suite. (Voir le
diagramme détaillé des attributs des cinq familles de bouddhas à la page
73.) Dans le cadre de cet ouvrage, je me limiterai à quelques traits
fondamentaux et, surtout, au schéma obscur et à sa contrepartie de sagesse.
Lorsque l’enseignement de Trungpa Rinpoché m’a fait découvrir les
cinq familles, il nous les présentait intégrées à toutes les facettes de la vie.
J’ai appris de lui à voir Ratna dans un paysage, Bouddha dans un décor
intérieur, Vajra dans un style culinaire ou Padma dans une façon de se vêtir.
Des pays entiers pourraient être vus comme appartenant à une famille
spécifique. Grâce à Trungpa Rinpoché, les cinq familles m’ont paru sur-le-
champ pertinentes et tangibles. Tout était faisable, tout pouvait être
transformé, tout pouvait servir. Il devenait possible, sur la voie de la
pratique, de composer avec le moindre aspect de la vie grâce à ces énergies
dynamiques.
Le travail sur les cinq familles n’équivaut pas à un rejet des cinq
poisons, mais à une réhabilitation de cette énergie en sa version sage
fondamentale avec le soutien du mandala – dans ce cas précis, le Mandala
des cinq dakinis. L’intérieur du mandala vous met en relation directe avec
les énergies des poisons, mais cette énergie est ressentie comme quelque
chose de sacré et de pur. Vous tirez parti des immenses richesses du monde
phénoménal. Vous ressentez sa luminosité dynamique en renonçant à votre
moi, à votre ego, à votre séparativité. (L’origine des cinq poisons et la voie
de leur transformation seront étudiées plus en détail au chapitre 3.)
Quand nous avons compris le mandala et les cinq familles de bouddhas,
notre monde s’éclaircit. Notre vie se précise, elle cesse d’être chaotique et
confuse. Le mandala nous aide à changer de point de vue et à percevoir les
schémas obscurs et les états éveillés de ces énergies. Il nous fait
comprendre non seulement les personnes qui nous entourent, mais aussi
notre maison, notre lieu de travail, nos paysages, notre morphologie, nos
aliments, notre décor, les saisons, l’heure qu’il est, et ainsi de suite. Les
émotions bouleversantes sont alors ressenties comme des énergies qui,
transformées, libérées de la domination de l’ego, deviendront les cinq
énergies de la sagesse.
Tout comme l’enfant égaré peut toujours retomber dans les bras de sa
mère, notre esprit conscient peut toujours retrouver la voie de sa
complétude. Quand l’enfant retrouve sa mère, sa certitude est totale: Ce
n’est pas une inconnue, c’est ma mère, elle est ma source. Il en va de même
du retour à notre vraie nature: au cours de sa méditation mandala, l’individu
distingue sa propre énergie dynamique dans la structure lumineuse du
mandala, il atteint le stade où «l’autre» s’estompe, puis il renoue avec sa
complétude.
3
Une base unique, deux chemins, deux résultats
Imaginez la base de l’être en tant que firmament infini sans début ni fin
ni centre ni limite, et la nature de cet espace en tant qu’éveil parfait et infini.
Tout résulte de cet espace; son essence est la vacuité; sa nature est
rayonnante; sa manifestation est une compassion omniprésente. Les «deux
chemins» se forment quand la base de l’être s’exprime ou s’extériorise par
l’émission de sa pure et radieuse lumière irisée. Les énergies mystiques de
la base de l’être s’extériorisent par la manifestation visible des cinq
couleurs de lumière: blanc, bleu, jaune, rouge et vert.
Pour la conscience individuelle, la pure luminosité irisée est
indissociable de sa manifestation visible, ou bien elle se manifeste dans un
monde visible distinct. À ce moment, la scission a lieu, les deux chemins se
forment: le chemin de la libération qui reconnaît l’inséparabilité d’une part
et, d’autre part, le chemin de la confusion qui isole les manifestations
visibles et engendre la peur et l’anxiété. Le chemin de la confusion crée
l’obstacle de la dualité, l’obsession de l’ego devient la solution à notre
angoisse de la séparation et débouche sur le samsara, le cycle des
attachements qui nous font sans cesse vivre, mourir et renaître. C’est le
chemin que nous avons tous choisi.
Voici une analogie qui expliquera comment notre obsession de l’ego et
l’attachement à soi-même se réalisent. Comme dans un établissement
hautement sécurisé, l’ego qui prend forme au moment de notre séparation
de la base de l’être envoie des agents explorer le vaste monde et en faire un
compte rendu. Les comptes rendus, ou les réactions, sont de trois sortes: le
premier consiste à guetter les dangers potentiels, à engendrer de l’aversion,
de l’agressivité ou de la haine. Le deuxième vise la protection de l’ego et
fait naître le désir, la possessivité et l’attachement. Le troisième, qui n’élève
ni ne menace l’ego, donne lieu à l’indifférence et à l’ignorance.
L’agressivité, le désir et l’ignorance, ces trois réactions ou poisons sont
toujours à l’œuvre en nous. Le scénario peut se renverser: ce qui était
désirable au départ devient menaçant ou inversement, ou ce qui au départ
n’avait pas d’importance suscite la possessivité ou l’aversion. Ces trois
poisons fondamentaux en engendrent deux autres: l’orgueil ou l’arrogance,
et la jalousie ou l’envie. C’est là l’origine des cinq poisons dont j’ai parlé au
chapitre précédent: l’ignorance, la colère, l’orgueil, le désir et la jalousie.
La méditation est la voie qui permet la transformation de ces poisons en
sagesse et le retour à la base de l’être.
La pratique bouddhiste a pour but de nous ramener à l’état d’être
fondamental, avant sa scission en «soi» et «l’autre». Cette scission
engendre une souffrance extrême que nous aspirons à surmonter.
Malheureusement, les moyens habituels que nous prenons pour y parvenir,
soit les cinq poisons, ne font qu’intensifier notre souffrance.
L’échec à reconnaître notre inséparabilité de la base unique de l’être
crée un état qui se perpétue, à l’image d’une galerie des glaces
kaléidoscopique, dans lequel nous tentons de combler le fossé inhérent
entre nous et la base de l’être en nous projetant sans cesse vers l’extérieur.
La démarche se complique pour l’ego, nous nous éloignons encore plus de
la base unique et nous nous enfonçons plus avant dans le chaos de la
dualité. Nous sommes tous prisonniers de cette danse, de cette tragédie
autogénérée, de ce cercle vicieux qui perpétue le cycle des renaissances
karmiques insatisfaisantes et malheureuses.
La pratique de la méditation freine les schémas de réaction de l’ego et, à
terme, la conscience réintègre sa source et la base de l’être dont elle s’est
scindée. Au moment de l’Éveil, nous comprenons que cette scission n’a
jamais eu lieu même si l’activité ininterrompue de l’ego nous en a donné
l’illusion en obscurcissant le vaste firmament limpide et bleu de notre être.
La dissolution de l’ego et la manifestation de notre potentialité infinie
évoquent les cinq couleurs du prisme qu’émet un cristal quand le frappe un
rayon de soleil. Ces cinq teintes irisées forment la base des cinq sagesses
des cinq bouddhas.
La clé de l’Éveil consiste par conséquent à voir dans les manifestations
visibles du monde le rayonnement de la base de l’être et notre vraie nature
dans le vaste univers en éveil. Travailler sur le mandala et les cinq familles
de bouddhas nous ramène à la luminosité originelle de la base unique, et
nous revenons à la Grande Mère, à la base de l’être. Heureusement, tous
ceux d’entre nous qui ont choisi le chemin de la confusion peuvent s’en
libérer. Il suffit de ne plus nous investir dans le conflit de la dualité et de
reconnaître la véritable base de l’être. La voie de la libération n’est jamais
hors de portée. Nous ne nous en séparons jamais. Seulement, nous sommes
aveugles au fait que la non-dualité est notre condition véritable.
LA VOIE DE LA TRANSFORMATION
Le bouddhisme tibétain compose de trois façons distinctes avec la rupture
primordiale qui nous a séparés de la base de l’être et qui est notre état
fondamental. La première est le renoncement, associé à la tradition
monastique et au bouddhisme des débuts. Le Bouddha enseignait les
profanes, mais la voie idéale était celle du renoncement à la vie de ce
monde, celle des moines et des moniales qui vivent dans la chasteté et
abandonnent leurs vêtements laïcs, leur richesse, leurs biens matériels, et
ainsi de suite. Cela a pour but de leur éviter le plus possible les ennuis qui
les écarteraient de la voie spirituelle et de les empêcher autant que faire se
peut de retomber dans les cinq poisons.
La deuxième méthode est celle de la transformation. Le symbole de
cette voie est le paon. Dans le renoncement dont il vient d’être question, on
évitait le poison, on ne le consommait pas. Dans la transformation, le paon
consomme le poison qui devient le beau plumage de l’oiseau avec ses
merveilleuses couleurs et son incroyable diaphanéité. On fait usage des
poisons et on les transforme.
Dans cette voie de la transformation, on affaiblit par conséquent
l’emprise des cinq poisons qu’a engendrés la rupture primordiale et, par
l’entremise du corps, de la parole et de l’esprit, on transforme en sagesse les
schémas obscurs. C’est là que nous trouvons le mandala, qu’en vertu du
principe de l’incarnation sacrée nous intégrons les cinq familles de
bouddhas. Le corps intervient dans la transformation par la danse et les
gestes des mains; la parole par les sons et les mantras ainsi que par l’énergie
subtile du son. L’esprit entre en jeu avec des visualisations et la
contemplation directe de certaines images. Ces trois facteurs essentiels, soit
le corps, la parole et le son, sont les instruments de la transformation.
La troisième voie du bouddhisme tibétain est la libération naturelle,
parfois appelée libération de soi ou libération inhérente. Contrairement à la
transformation, il ne s’agit pas ici de prendre une chose pour en faire autre
chose, mais de vivre la réalité telle qu’elle est, d’en reconnaître la
perfection ainsi que la perfection innée de l’être. Nous n’avons rien à faire.
Nous ne renonçons à rien et nous ne transformons rien. Nous découvrons ce
qui existe déjà: l’état spontanément parfait de l’être.
Dans le présent ouvrage, nous suivrons la voie de la transformation,
celle où intervient le mandala. Quand nous réintégrons le cadre lumineux
du mandala, nous renouons avec la base de l’être. Par le mandala, nous
mettons fin au cercle vicieux de l’errance en inversant les scénarios de
possessivité qu’a engendrés la rupture primordiale. Nous prenons
conscience de «l’inépuisable trésor» que nous avons ignoré si longtemps, le
trésor de notre vraie nature radieuse, et nous voulons ardemment nous y
consacrer. Il n’y a vraiment rien au monde de plus précieux.
DEUXIÈME PARTIE
À LA RENCONTRE DE LA DAKINI
4
La quête du féminin souverain
Chögyam Trungpa Rinpoché au centre Tail of the Tiger (La Queue du tigre – aujourd’hui Karmê
Chöling), 1972. Archives Shambhala.
LA DÉCISION DE DÉFROQUER
J’avais vingt-cinq ans à mon retour aux États-Unis, et je n’étais pas certaine
de vouloir poursuivre ma vie monastique jusqu’à la fin de mes jours. Je m’y
sentais très seule et très à l’écart. J’étais la seule moniale bouddhiste dans la
communauté de Trungpa Rinpoché où il n’y avait pas non plus de moines.
Ce n’était pas une communauté bouddhiste telle qu’on l’imagine,
silencieuse et méditative. C’était tous les soirs la fête, il y avait une activité
sexuelle débridée, de la danse, de la poésie, bref, une ambiance qui ne
favorisait guère une existence de moniale et la chasteté.
Je n’avais jamais vraiment envisagé la vie monastique. Le Karmapa et
mon séjour au stupa Swayambhunath m’avaient inspiré ce choix. Au Népal,
être moniale m’avait été bénéfique puisque cela avait favorisé une
indépendance et un développement spirituels auxquels je n’aurais pas eu
accès autrement. J’ai relaté cette période de ma vie dans mon premier livre,
Women of Wisdom:
À l’âge de onze ans, le dernier jour de l’année scolaire, j’ai couru jusqu’à la
maison et, me sentant à la fois coupable et libre, j’ai vite ôté ma robe en en
faisant littéralement sauter les boutons. J’ai enfilé un vieux short en jean
déchiré, un t-shirt blanc et des baskets Keds bleus, puis je suis allée avec
ma sœur dans le bois derrière notre ancienne maison coloniale du New
Hampshire et nous avons joué dans le ruisseau qui gambadait sur des
pierres moussues au pied d’une pente abrupte. Le tannin des feuilles
tombées des érables colorait son eau d’un riche brun-rouge. Nous jouions à
attraper avec nos mains des meuniers noirs de cinquante centimètres que
nous rejetions à l’eau parce que nous ne voulions pas les tuer.
À notre maison de campagne située à environ 25 kilomètres, nous nous
baignions souvent nues, le soir, avec une bande de copains. Le lac
qu’alimentait une source était entouré de pins, de bouleaux, d’épinettes et
d’érables. J’aimais la caresse velouteuse de l’eau sur ma peau et les reflets
de la lune dans le miroir du lac. Ma sœur, mon amie Joanie et moi, à cru sur
nos poneys, avancions dans l’eau jusqu’à ce que les vagues ballottent nos
montures en aspergeant leur dos et nos cuisses. Nous nous agrippions en
riant aux crinières des poneys qui nageaient.
Quand de violents orages secouaient l’été, je ne restais pas dans la
vieille maison en bois, mais je courais et dansais sous la pluie et les éclairs
au grand dam de ma mère terrifiée. J’aimais manger avec mes doigts,
gruger l’os des côtelettes de porc et avaler d’un trait de grands verres de lait
dans ma hâte à retourner dehors. J’adorais gruger des os. Ma mère secouait
la tête, d’un air désespéré.
— Oh, ma chérie, sers-toi de ta fourchette, s’il te plaît! Grands dieux,
que ma fille est barbare!
Barbare, me disais-je, c’est formidable! J’imaginais des femmes à la
longue chevelure flottante qui parcouraient au galop de grandes plaines
désertes. Certains matins frais avant la rentrée des classes, j’assistais au
lever du soleil après une nuit passée à la belle étoile. Le soir, il y avait le feu
de camp, la viande grillée et plein d’os à gruger. Cette vie sauvage faisait
tellement partie de moi que je ne pouvais pas m’imaginer vivre sans elle.
Maintenant que j’étais épouse et mère de deux fillettes, la jeune barbare
si naturellement en contact avec le principe de la dakini était à des années-
lumière. Quand nous avons décidé de quitter Vashon Island pour aller
rejoindre l’entourage de Trungpa Rinpoché à Boulder, Paul et moi étions
mariés depuis trois ans. C’était merveilleux de vivre au sein d’une vaste et
dynamique collectivité avec de nombreux jeunes parents. Mais les
contraintes des premières années, notre manque d’expérience et notre
besoin respectif de croissance personnelle ont fait que nous nous sommes
séparés tout en continuant de partager la responsabilité de nos filles.
J’étais mère monoparentale depuis plusieurs années quand, en 1978, j’ai
fait la connaissance de Costanzo Allione, un cinéaste italien. Il réalisait un
film sur les poètes de la beat generation qui avaient fréquenté l’université
Naropa. Il m’a interviewée parce que j’avais enseigné la méditation à Allen
Ginsberg que j’avais connu en 1972, quand j’étais moniale; c’est Allen qui
m’a présenté Costanzo. Nous nous sommes mariés à Boulder en 1979 à
l’époque où il terminait son film, intitulé Fried Shoes Cooked Diamonds, et
peu après, nous sommes partis vivre en Italie. À l’été, je suis retombée
enceinte. Nous habitions alors une roulotte dans un camping en bord de mer
des environs de Rome, mais dès l’automne suivant nous avions emménagé
dans une villa d’été traversée de courants d’air dans les Colli Albani (monts
Albains), près de Velletri, à quelques kilomètres de la capitale.
À six mois de ma grossesse, mon ventre était aussi gros que celui d’une
femme enceinte de neuf mois. L’ultrason a révélé que j’attendais des
jumeaux. Je savais déjà que mon mari était toxicomane et qu’il me
trompait. Qui plus est, il me frappait. Ne parlant pas la langue du pays, je
me sentais très seule. En mars 1980, j’ai accouché des jumeaux Chiara et
Costanzo. Ils étaient un peu prématurés mais pesaient près de trois kilos
chacun. Je les ai allaités tous les deux en veillant sur mes autres filles tout
en composant avec la toxicomanie de mon mari, ses sautes d’humeur et sa
violence physique.
J’étais dépassée par les événements et de plus en plus anxieuse. Je ne
savais pas relier ma vie de mère et de femme occidentale à ma spiritualité
bouddhiste. Comment en étais-je arrivée là? Comment avais-je pu perdre la
jeune barbare indépendante et sauvage que j’avais été, quitter ma vie de
moniale et aboutir en Italie avec un mari violent? En défroquant, je m’étais
égarée et je m’étais perdue moi-même.
Deux mois plus tard, soit le 1er juin 1981, après une nuit de sommeil
agité, je suis entrée dans la chambre de Chiara et Costanzo. J’ai allaité
Costanzo en premier parce qu’il pleurait. Quand est venu le tour de Chiara,
elle était très silencieuse. Je l’ai prise dans mes bras; elle était rigide et
légère. J’ai compris. J’ai revu une scène de mon enfance, serrant contre moi
mon petit chaton tigré qui était allé mourir sous un buisson après s’être fait
frapper par une voiture. La bouche et le nez de Chiara étaient cyanosés là
où le sang s’était accumulé. Elle avait les yeux fermés, mais ses cheveux
soyeux et ambrés étaient intacts et elle sentait toujours aussi bon. Son petit
corps était là, mais Chiara l’avait quitté en succombant au syndrome de
mort subite du nourrisson (SMSN).
Après la mort de Chiara, j’ai vécu ni plus ni moins qu’une dégringolade.
Mon désarroi, mon deuil, ma peine étaient immenses. Secouée par des
émotions brutes, intenses, j’avais désespérément besoin d’une aide
féminine, besoin de me tourner vers des récits de femmes, des
enseignements de femmes, tout ce qui me guiderait comme une mère dans
ma vie de mère et me connecterait à ma propre expérience de femme et
d’authentique pratiquante de la voie bouddhiste. J’avais besoin des dakinis
et de leur histoire. Mais je ne savais vraiment pas à qui m’adresser. J’ai
cherché partout sans trouver de réponses.
Un jour, j’ai compris: Je dois les trouver moi-même. Je dois trouver les
dakinis et leur histoire. Il fallait que je fouille les biographies des femmes
bouddhistes du passé, y chercher un fil, une clé qui m’aiderait à percer le
mystère des dakinis et me guiderait dans ce passage. En trouvant les
dakinis, je trouverais mes modèles spirituels. Je verrais ce qu’elles ont fait,
comment elles ont réussi à fusionner la mère, l’épouse et la femme… et
intégrer leur spiritualité aux aléas du quotidien.
Les termes qui désignent les tantrikas féminines sont tous des titres
honorifiques dénotant une attitude religieuse sérieuse et une pratique
méditative accomplie. Les plus importants sont: «yogini», «dakini»,
«messagère» et «héroïne». «Yogini» désigne une adepte du yoga ou
des arts rituels, un être féminin aux pouvoirs magiques ou une
divinité féminine. Il est difficile de définir avec précision le terme
«dakini», qu’on peut cependant traduire par «femme qui vole, qui
marche ou qui danse dans les cieux», soulignant ainsi les envolées
de compréhension spirituelle, d’extase et de libération des
mondanités que procure la réalisation de la vacuité. On qualifie
parfois les tantrikas féminines de messagères, car elles assurent la
réussite de toute entreprise, tant dans ce monde que dans l’au-
delà36.
Trigug avec manche vajra en tibétain, kartari ou «couperet recourbé» en sanscrit, un couteau serpette
en forme de croissant terminé par un crochet qui symbolise l’acte de trancher dans l’attachement au
moi afin d’atteindre la félicité suprême. Photographie de Clinton Spence.
J’ai choisi, dans ce livre, de faire appel aux féroces dakinis, aux danseuses
qui incarnent et activent la formidable énergie transformatrice du féminin. Il
faut bien admettre, quand on y songe, qu’une telle représentation de l’Éveil
spirituel est absente de notre monde. Nous avons la Sainte Vierge, une
femme paisible et inoffensive, mais rares sont les reflets d’une divinité
féminine active, féroce, libre et indomptée. En activant en nous le pouvoir
de la dakini, nous nous dotons d’une ressource intérieure qu’il ne faut pas
sous-estimer. En fait, en nous emparant ainsi d’un aspect de notre
psychisme qui avait été relégué dans l’inconscient, de ce féminin féroce et
puissant que nous avions réprimé, nous révélons son énergie et nous
explorons sa puissance d’Éveil.
Les dakinis nous aident à surmonter les blocages qui surviennent dans
les épreuves de la vie. Elles nous guident quand nous sommes entravés,
dans les transitions déroutantes, face aux obstacles que nous ne savons pas
comment surmonter ou contourner. Quand nous sommes dans une impasse,
les dakinis se manifestent pour nous montrer la voie à suivre et nous
incitent à aller de l’avant. Il leur faut parfois nous pousser avec force à agir;
c’est alors qu’apparaît la dakini courroucée.
Les dakinis se manifestent souvent à l’aube, en rêve, ou dans les
cimetières au point du jour ou au crépuscule. Les cimetières sont un
puissant symbole des espaces liminaux, des entre-deux-mondes, de l’heure
crépusculaire. C’est la raison pour laquelle le langage équivoque des
dakinis est appelé «langage crépusculaire». Ainsi que je l’écris dans
Wisdom of Women: «Le crépuscule est l’espace entre veille et sommeil,
entre conscient et inconscient. Dans ce moment de passage une brèche peut
s’ouvrir, une fissure dans le mur de la structure protectrice de l’ego qui
laisse entrer un important message de l’au-delà. À l’aube, bien que libérés
de la lourde chape du sommeil, nous nous soustrayons encore à l’emprise
contraignante du conscient. La dakini est souvent présente dans ces
moments transitoires, quand nous sommes réceptifs à son langage
“crépusculaire”41.»
La mère de Machik Labdrön a fait un merveilleux rêve d’aube au
moment de la conception de sa fille, née en 1055 et devenue l’un des plus
grands maîtres femmes de la tradition tibétaine. Dans son rêve, quatre
dakinis blanches apparaissent autour d’elle en portant quatre vases blancs
également. Elles versent en elle par le sommet de sa tête l’eau des vases qui
se répand dans tout son corps et la purifie. D’autres dakinis de différentes
couleurs s’approchent et lui disent: «Honore la mère, porte-toi bien, notre
mère à venir42.»
En s’éveillant de son rêve, la mère de Machik éprouvait dans son corps
un sentiment de félicité. Elle n’avait aucune douleur et sentait que sa vie
n’était plus la même. Elle a su peu après qu’elle était enceinte. Voilà un
exemple d’un rêve très important. Nos rêves ne sont sans doute pas aussi
spectaculaires, mais ils montrent parfois un obstacle qu’on surmonte pour
signifier une transition.
Une autre importante caractéristique de l’énergie féminine de la dakini,
dont j’ai déjà parlé, est sa transgression des notions de pur et d’impur, de
propre et de sale, de ce qui est permis et ce qui est interdit. Elle fait éclater
ces structures traditionnelles pour embrasser en les sacralisant toutes les
expressions de la vie. Les tout premiers récits du bouddhisme tantrique
regorgent de situations où les gens sont mis en face d’une chose considérée
comme impure. Puis, survient une dakini qui corrige la situation en disant:
«Si tu estimes que ceci est pur ou impur, tu n’as de toute évidence rien
compris.»
On raconte qu’avant de devenir bouddhiste, le moine Abhayakaragupta,
un grand érudit hindou, a ouvert la porte de chez lui à une femme d’une
basse caste. La femme lui ayant dit vouloir une relation sexuelle avec lui, il
répond, horrifié, qu’il ne peut pas la toucher, encore moins avoir une
relation sexuelle avec elle, sans en être avili. Il la chasse, terrifié que
quelqu’un l’ait vu lui parler et lui reproche d’avoir été en contact avec une
intouchable. Avant de partir, elle lui enjoint de se rendre à un endroit précis
pour y être initié au bouddhisme tantrique. Il n’en fait rien.
Plus tard, après qu’il est devenu moine bouddhiste, une jeune fille vient
à lui et lui offre de la viande crue. Il en est dégoûté et la refuse. Quelque
temps plus tard, pendant sa formation tantrique, il fait une troisième
rencontre. L’assistante de son gourou, qui d’habitude apporte l’eau à sa
chambre, lui propose cette fois un festin tantrique. Quand il décline, elle lui
donne une seconde chance: elle le somme d’accepter. Il ne la reconnaît
toujours pas et refuse de lui obéir. Alors elle le fustige. Puisqu’il a échoué
trois fois à reconnaître Vajrayogini, il ne connaîtra pas l’Éveil durant sa vie
présente.
La dakini de sagesse Vajrayogini lui a dépêché par trois fois ses
émanations que, prisonnier de sa notion du pur et de l’impur, il n’a pas su
reconnaître. Par cette épreuve, elle a remis en question ses idées préconçues
et les préjugés qui l’empêchaient de voir les dakinis, mais il a échoué. Il
vénérait le féminin divin dans ses méditations mais lui était aveugle et ne
l’honorait pas dans ses manifestations humaines.
Cette histoire remonte à l’Antiquité de l’Inde, mais elle est très proche
de nos vies présentes. Nous sommes toujours confrontés à des situations ou
à des choses qui nous plaisent ou nous déplaisent. Nous aimons ou
détestons certains aliments, certains lieux, certaines personnes. Nous
pensons que ceci ou cela est pur ou impur, propre ou sale. Ce sont ces
croyances duellistes auxquelles les dakinis mettent fin, même les règles d’or
de la chasteté et du végétarisme des moines. Elles révèlent et accueillent
toute manifestation comme une seule et même chose, égale à toutes les
autres.
En approfondissant ma pratique du bouddhisme tibétain, j’ai compris
que les dakinis sont les énergies féminines indomptées – les énergies
spirituelles et érotiques, ravies et sages, espiègles et graves, féroces et
inoffensives – hors de portée du mental conceptuel, et qu’il y a place dans
nos vies pour toutes les manifestations du féminin dans sa totalité.
6
Éveil et émanation
Les dakinis ont aidé Tenzin Palmo quand elle cherchait un endroit où se
retirer. Son récit montre avec éloquence comment les dakinis nous servent
parfois de guides. Il avait été consigné pour être inclus dans le livre intitulé
Un ermitage dans la neige, la relation que donne Vicki Mackenzie de ses
douze années passées dans une grotte. Au Lahaul, Tenzin Palmo a d’abord
vécu dans une hutte voisine de celles des autres moniales à proximité de la
ville, mais le bruit n’était pas propice à la méditation profonde à laquelle
elle aspirait.
«Au bout de six ans, elle en a eu assez, écrit Vicki Mackenzie. “J’étais
allée au Lahaul pour méditer, pas pour mener une vie sociale débridée! Il
fallait que je parte, que je trouve un endroit plus calme. Je suis allée au-delà
du monastère en quête d’un lieu où je pourrais construire une petite
maison.” Dans la montagne, elle a invoqué le secours des dakinis, ces
entités éthérées du bouddhisme connues pour leur sauvagerie, leur pouvoir
et leur empressement à venir en aide aux pratiquants. Depuis toujours
intimement liée aux dakinis, elle s’est adressée à elles à sa manière
inimitable: “Écoutez, si vous me trouvez un ermitage convenable, je
promets d’essayer d’être constante dans ma pratique. J’étais très optimiste,
très heureuse. J’étais certaine que j’aurais ma réponse43.”»
En consultant une des moniales, Tenzin Palmo a compris qu’il lui serait
difficile de trouver l’argent et les matériaux nécessaires à la construction de
sa petite maison. La moniale lui a suggéré d’essayer plutôt de trouver une
grotte. Elle avait ouï dire qu’il y en avait une dans les hauteurs, non loin
d’une source d’eau potable. Le lendemain, accompagnée de quelques
personnes dont le lama qui dirigeait le monastère, Tenzin Palmo s’est mise
en chasse de la grotte dont la moniale avait entendu parler.
Se laissant guider par son intuition, elle a trouvé un rocher en saillie
terminé par une corniche qui donnait tout en bas sur la rivière Bhaga et sa
vallée. Non loin, une source jaillissait du roc à quelque 4000 mètres au-
dessus du niveau de la mer. Juste en face, au sommet de la montagne, il y
avait la Dame de Keylong, une formation rocheuse évoquant une femme
qui serre un bébé sur son sein: Tara noire pour les Lahaulis, Vierge noire
pour les Occidentaux. Un lieu sacré non loin de la grotte était dédié à la
puissante protectrice bouddhiste Palden Lhamo que la tradition dépeint
toujours montée sur une mule. Plusieurs années après, Tenzin Palmo y a vu
des empreintes de mule dans la neige, mais aucune trace de pas allant vers
ce lieu sacré ou s’en éloignant.
Les dakinis lui avaient indiqué un lieu imprégné du féminin sacré. Elle
y est restée douze ans. Elle a aussi failli y laisser sa vie: une année, la neige
avait bloqué la porte de sa grotte, mais à force de persévérance, elle était
parvenue à l’ouvrir. Plus tard, elle a fondé Dongyu Gatsal Ling, un
monastère pour femmes dans la vallée de Kangra où elle a guidé des
femmes de l’Himalaya dans la tradition yogini de son maître, Khamtrul
Rinpoché.
Jetsunma Tenzin Palmo, que les dakinis ont guidée vers la grotte où elle a passé douze ans.
Photographie d’Olivier Adam.
Voici comment Tenzin Palmo décrit les dakinis: «À mes yeux, la qualité
féminine particulière (que, bien sûr, de nombreux hommes possèdent aussi)
est avant tout la vivacité d’esprit, l’acuité. […] Le principe de la dakini
traduit la force intuitive. Les femmes comprennent sur-le-champ. En
général, elles ne s’intéressent pas aux discussions intellectuelles, qui leur
semblent froides, arides et de peu d’attrait44.»
Quand on m’a posé la même question pour les besoins du livre de
Michaela Haas, Dakini Power, j’ai répondu que «les dakinis sont l’élément
le plus important du féminin éclairé dans le bouddhisme tibétain. […] Elles
sont des énergies spirituelles lumineuses et subtiles, clés, portières et
gardiennes de l’état inconditionné. Si nous n’invitons pas les dakinis dans
notre existence, nous ne pouvons pas pénétrer les états subtils de l’esprit.
Les dakinis se présentent parfois comme des messagères, parfois comme
des guides ou des protectrices. […] Elles sont espiègles, elles expriment la
vacuité et nous coupent l’herbe sous le pied. Ce sens très féminin de la
séduction et du jeu suscite à la fois en nous l’insécurité et la réceptivité45.»
Une des premières histoires que j’ai lues quand, âgée de dix-neuf ans,
j’étudiais le bouddhisme tibétain a été celle d’une vieille harpie de dakini
qui avait sabordé le grand érudit Naropa (1016-1100), un maître indien du
tantrisme. Ce brillant intellectuel était devenu l’abbé de l’université
bouddhiste de Nalanda. Il s’était fait moine après que son mariage eut été
dissous sous prétexte que son épouse avait des défauts.
Un jour qu’assis dehors, dos tourné au soleil, il étudiait des ouvrages de
grammaire, d’épistémologie et de logique, une ombre repoussante a
obscurci son livre. Il a levé les yeux sur une vieille harpie. De par sa
formation en logique, il a sur-le-champ relevé sur elle trente-sept
caractéristiques de la laideur.
La dakini lui a demandé s’il comprenait ce qu’il lisait. Il a répondu oui.
Elle lui a alors posé cette question clé: «Que comprends-tu, les mots ou la
signification?» Il a dit qu’il comprenait les mots. Elle s’est mise à danser en
brandissant son bâton dans les airs.
Voyant cela, Naropa a voulu qu’elle soit encore plus heureuse. Il a dit:
«J’en comprends aussi la signification.» Aussitôt, elle a fondu en larmes et
a jeté son bâton.
Quand Naropa lui a demandé pourquoi elle pleurait, elle a répondu:
«J’ai été heureuse que tu aies dit la vérité en répondant que tu comprenais
les mots, et triste que tu dises que tu en comprenais aussi la signification,
car tu as menti!»
Il lui a demandé: «Qui en comprend la signification?»
«Tilopa, mon frère», a-t-elle répondu avant de disparaître dans un arc-
en-ciel.
Chaque fois que Naropa se trompait dans sa quête de Tilopa, ce qui lui
arrivait souvent, la voix de son gourou céleste lui disait:
J’ai toujours aimé ce passage, plusieurs fois repris pendant qu’il cherche
Tilopa. Qu’est-ce que ce «miroir de l’esprit», qui est la «mystérieuse
demeure de la dakini»? Comme il persistait à faire erreur, il a dû encore et
encore réfléchir à cette question. Par exemple, un jour qu’il était parti à la
recherche de son gourou, il vit sur son chemin un chien galeux mangé par
les asticots. Distrait par sa quête, Naropa sauta pardessus le chien, et le
chien disparut aussitôt dans un arc-en-ciel. Naropa entendit une voix lui
dire:
L’ombre de la dakini sous les traits d’une vieille harpie se répand sur
nos contrées. Tandis qu’elle nous envahit et provoque des inondations, des
ouragans, des tremblements de terre et des sécheresses d’une intensité
encore jamais vue, nous sommes appelés à trouver en nous-mêmes la
mystérieuse demeure de la dakini et à remédier, à mettre fin aux émanations
toxiques qui la rendent malade, ainsi que le relate l’histoire de Milarépa et
de la dakini mondaine dont il a été question un peu plus haut. Il faut cesser
de tourner le dos aux déversements de déchets toxiques, ne plus fermer les
yeux sur les émissions de carbone qui provoquent d’année en année des
hausses de température et des conditions atmosphériques favorables aux
désastres environnementaux; il faut être conscients du fait que nous
empoisonnons nos rivières, l’air que nous respirons et notre nourriture, et
que c’est pour cela que les dakinis sont malades.
Tout comme Naropa, nous devons poursuivre notre cheminement
derrière la vieille harpie qui nous guide et continuer à commettre les erreurs
qui entravent notre progrès jusqu’à ce qu’elle devienne notre épouse, notre
bien-aimée. Nous devons d’avance accepter la souffrance et l’humiliation
où nous serons plongés quand nous prendrons conscience de l’incroyable
égocentrisme de l’humanité, quand nous verrons à quel point nous avons
détruit la beauté et le parfait équilibre de notre planète. Nous devons hisser
la vieille harpie à la place qui lui revient jusqu’à ce qu’elle devienne notre
grand-mère vénérable.
LE RÉSEAU DE DAKINIS
Après avoir divorcé de Costanzo, mon mari italien, j’ai quitté l’Italie avec
mes enfants et nous nous sommes installés dans une vieille ferme
hollandaise du hameau de Valley Cottage, en amont du fleuve Hudson, à
une cinquantaine de kilomètres de New York. Vers cette époque, j’ai revu
Terry Clifford, une amie intime du temps où j’étais moniale au début des
années 1970. Nous avions alors partagé une grotte près du mont Everest
pendant six semaines. Elle était laïque et moi, déjà moniale. Elle avait
ensuite vécu en ermite pendant que j’élevais mes trois enfants. Après sa
longue retraite, elle était revenue à New York, sa ville natale. Elle vivait à
Manhattan où elle exerçait le métier de journaliste. Elle avait aussi écrit un
livre, La médecine tibétaine bouddhique et sa psychiatrie47.
Nous nous voyions très souvent pour parler de nos expériences, de ce
que nous avions vécu au fil des ans, de ce que nous avions appris, elle dans
son ermitage, moi dans ma vie d’épouse et de mère. Le renversement de nos
rôles nous amusait. Nous nous sommes beaucoup rapprochées. Puis, le jour
de son quarante-troisième anniversaire, chez des amis de Woodstock, elle a
soudain eu une crise de convulsions. À l’hôpital, les médecins ont
diagnostiqué un cancer et, peu après, elle a su qu’il s’était généralisé.
Nous avons passé le plus de temps possible ensemble dans les mois qui
ont suivi, tout au long de ses traitements, de son déclin et de l’approche de
sa mort. Dans une de nos nombreuses conversations, elle m’a dit ce qu’elle
croyait être à l’origine de son cancer: «Il est dû à des problèmes
émotionnels non résolus. Des choses se sont passées sur le plan sexuel
pendant ma retraite qu’on m’a fait promettre de ne jamais révéler. J’ai
beaucoup souffert de ça, et le fait de ne pas pouvoir en parler a empiré la
situation. Je pense que ce sont cette souffrance et ces secrets qui m’ont
rendue malade. Même si ma pratique spirituelle m’a aidée à améliorer mon
attitude face à tout cela, la blessure affective s’est aggravée.»
Ma maison de Valley Cottage est sur la rive d’un lac dont la grève se
compose de sable mêlé d’argile. Un jour, nous prenions des poignées de ce
mélange pour nous en frotter la peau et l’exfolier avant de nous rincer au
lac. Nous étions assises dans l’eau jusqu’à la taille, à l’ombre des branches
basses des arbres, et tandis que le soleil scintillait de mille feux à la surface
de l’eau, j’ai dit:
— Je vais bientôt guider des retraites dédiées aux dakinis qui
combineront la pratique spirituelle et le travail sur les émotions. J’ai
constaté chez toi, chez moi et chez d’autres qu’en dépit de toutes nos
pratiques tibétaines, nous ne trouvons pas de solutions à certains problèmes
affectifs fondamentaux.
Je lui ai ensuite décrit les retraites.
— Nous travaillerons pendant deux jours sur chacune des familles de
bouddhas et sa transformation en sagesse, en encadrant ces pratiques de
celle du mandala de la dakini à tête de lion. Puis, le travail sur les émotions
consistera en régressions dans les cinq familles, en fabrication de masques
et en mouvements. Nous travaillerons étroitement et profondément
ensemble à transformer nos émotions.
— C’est génial, a-t-elle dit après un moment de réflexion. Si je n’étais
pas déjà si malade, je t’accompagnerais. Je t’en prie, essaie de fusionner les
enseignements avec la transformation émotionnelle. Ne permets pas que ce
qui m’arrive arrive à quelqu’un d’autre. Il faut trouver une solution. C’est
très important.
PADMA
Syllabe germe: NI
Point cardinal: Ouest
Symbole: Lotus rouge
Élément: Feu
Couleur: Rouge
Schéma obscur: Besoin irrésistible, séduction compulsive, concupiscence,
nostalgie, désir
Sagesse: Sagesse discernante
Agrégat: Conception
Heure: Coucher du soleil
Saison: Printemps
Paysage: Douces collines
Forme: Triangle pointant vers le haut
Type morphologique: Parfaitement proportionné, sain et musclé, très séduisant
Sens: Ouïe
RATNA
Syllabe germe: RI
Point cardinal: Sud
Symbole: Joyau qui exauce les souhaits
Élément: Terre
Couleur: Jaune
Schéma obscur: Orgueil, insuffisance
Sagesse: Sagesse de l’équanimité
Agrégat: Sentiment
Heure: Midi
Saison: Début de l’automne
Paysage: Jungle, vallées fertiles
Forme: Carré
Type morphologique: Généreux, costaud, statuesque
Sens: Odorat et goût
BUDDHA
Syllabe germe: BAM
Point cardinal: Centre
Symbole: Roue
Élément: Espace
Couleur: Blanc
Schéma obscur: Ignorance, illusion, dépression, stupeur
Sagesse: Sagesse transcendante (Dharmadhatu)
Agrégat: Forme
Heure: Absence de temps, totalité de tout
Saison: Hiver
Paysage: Ciel blanc de l’hiver, ciel ouvert
Forme: Point, bindu
Type morphologique: Grassouillet, détendu, rondelet
Sens: Esprit
KARMA
Syllabe germe: SA
Point cardinal: Nord
Symbole: Épée
Élément: Air
Couleur: Vert
Schéma obscur: Envie, ambition, hâte
Sagesse: Sagesse tout-accomplissante
Agrégat: Volition
Heure: Minuit
Saison: Été
Paysage: Torturé, venteux
Forme: Demi-cercle
Type morphologique: Mince, menu, pressé, toujours en mouvement
Sens: Toucher
VAJRA
Syllabe germe: HA
Point cardinal: Est
Symbole: Vajra
Élément: Eau
Couleur: Bleu
Schéma obscur: Colère
Sagesse: Sagesse-miroir
Agrégat: Conscience
Heure: Aurore
Saison: Fin de l’automne
Paysage: Montagnes accidentées, rivière glaciale
Forme: Cercle
Type morphologique: Mince et musclé, soigné, traits marqués
Sens: Vue
LA FAMILLE DE FUITE
Qu’est-ce que la famille de fuite? La famille de fuite dépeint la façon dont
vous vous extirpez d’une situation. La fuite peut masquer votre famille
fondamentale ou correspondre à celle-ci. Comme quelqu’un qui entre par la
grande porte mais sort par une porte dérobée, vous pouvez appartenir à une
famille mais en emprunter une autre, tirer parti d’un autre schéma obscur
pour fuir une situation. La famille de fuite est parfois insaisissable, moins
évidente que la famille primordiale ou que la ou les familles secondaires.
Voyons quelques exemples de familles de fuite:
Si votre famille de fuite est la famille Bouddha, vous vous enfermez
dans votre chambre quand vous êtes contrarié, vous ne voulez parler à
personne, vous me mangez plus, vous vous repliez sur vous-même. Ou
bien, vous remettez tout au lendemain parce que vous avez le cafard. Une
autre fuite Bouddha consisterait à ignorer la situation dont vous voulez vous
extraire ou à être désorienté.
La fuite Vajra est faite d’irritation, de rage, de colère froide ou de fureur
aveugle. Vous criez après quelqu’un ou vous rédigez un courriel acerbe.
La fuite Ratna vous porte à vous vanter ou à publier dans les médias
sociaux des photos qui vous valorisent. Vous pouvez aussi dépenser votre
argent en frivolités pour que cette cure de magasinage vous redonne un
semblant d’équilibre. La fuite Ratna pourrait aussi consister en excès de
nourriture ou de boisson.
Si votre fuite est Padma, vous misez sur la séduction ou, plus
subtilement, vous tentez de convaincre un ami de la validité de votre point
de vue. Vous recherchez la satisfaction et le sentiment de sécurité que vous
procure le fait d’envoûter quelqu’un, de l’attirer dans vos filets. La fuite
Padma, c’est aussi fuir la réalité dans la pornographie ou dans la
fréquentation compulsive des sites de rencontre.
Avec la fuite Karma, vous vous jetez dans le travail, vous travaillez tard
et vous ne vous ménagez pas de pauses. Vous faites du ménage ou vous
réorganisez la cuisine ou le bureau. L’excès de zèle engourdit le mal. Vous
besognez davantage, vous en faites toujours plus, vous avalez une autre
tasse de café jusqu’à vous distancer le plus possible de ce qui a tout
déclenché.
Vous pourriez appartenir à la famille Karma et choisir la fuite Karma.
Mais vous pourriez aussi appartenir à la famille Padma et faire une fuite
Bouddha, ou encore être Ratna et faire une fuite Vajra. Toutes les
combinaisons sont possibles. Ces fuites méritent réflexion. Que faites-vous
pour vous dérober à une situation qui vous oppresse? Pendant que nous
explorerons ces familles, efforcez-vous de vous trouver et d’identifier votre
type de fuite. Votre ou vos familles primordiales pourraient bien être tout à
fait différentes de votre famille de fuite, ou être exactement les mêmes.
N’oubliez pas que, s’il est ici question des schémas obscurs des cinq
familles, c’est avant tout pour que nous puissions les reconnaître en nous-
mêmes. Nous possédons des éléments de chaque famille tout en appartenant
principalement à une ou deux d’entre elles. C’est en identifiant nos schémas
obscurs que nous pourrons les transformer. Souvent, les familles auxquelles
nous pensons ne pas appartenir sont celles qui correspondent à notre part
d’ombre, les tendances cachées que nous avons reniées.
8
La dakini Bouddha: la sagesse transcendante
Dharmachakra: la Roue du Dharma à huit rayons, symbole de la famille Bouddha. Robert Beer, encre
sur papier.
L’enso, une peinture zen représentant un cercle tracé d’un seul trait
d’encre parfaitement détendu à l’aide d’un gros pinceau, est lui aussi relié à
la famille Bouddha. En calligraphie zen, le qi (ou chi), c’est-à-dire notre
force vitale, et la qualité de notre milieu de vie interviennent directement.
Pour conférer à la peinture son authenticité, il est de toute première
importance que nous soyons en accord avec notre état d’esprit et notre
milieu ambiant. Cette pratique calligraphique convient parfaitement au
développement de la sagesse de la famille Bouddha puisqu’elle met de
l’avant tant la vigilance que l’énergie de l’espace.
Enso de Bankei Yotaku, maître zen japonais du XVIIe siècle.
Le paysage qui cadre le plus avec cette famille est un champ de neige
sous un ciel blanc d’hiver sur lequel se démarquent les branches noires et
nues des arbres. La saison de la famille Bouddha s’exprime dans cette
absence, cette simplicité et cette spatialité hivernales. Bien que la famille
Vajra soit également associée à l’hiver, Vajra est représentée par la dureté et
la transparence de la glace, tandis que les ondulations du champ couvert de
neige correspondent à Bouddha. Les paysages Bouddha ne sont pas
uniquement des paysages d’hiver; les longues plages de sable blanc, les
dunes et les déserts en font aussi partie.
Morphologiquement parlant, la famille Bouddha est décontractée; le
visage est rond et expressif. La femme Bouddha est sensuelle sans
affectation. Ses formes sont féminines, à la Rubens, et elle ne recherche pas
un corps mince et musclé. Quand elle marche, son chemisier glisse
négligemment de son épaule et ses seins bougent librement. Elle a un petit
ventre rond. Sa tenue est du même ordre: elle aime les vêtements fluides et
les tons neutres.
La dépression
Ne perdez pas de vue que l’élément de la famille Bouddha est l’espace. À
l’inverse, l’énergie de son schéma obscur est la solidification de cet espace
qui s’alourdit et se densifie. L’état dépressif du type Bouddha est en effet
très dense. Nous sommes épais, incapables de bouger. Nous n’arrivons pas
à sortir du lit. Cette solidification de l’espace nous immobilise. Un
sentiment de désincarnation, de dissociation et d’impuissance nous plonge
dans l’hébétude. Quand nous sommes déprimés, nous n’avons plus
d’énergie, nous sommes «crevés». Nous vivons un gel des émotions et nous
ne savons pas pourquoi ce nuage s’est abattu sur nous.
La dépression demande en réalité beaucoup d’énergie, beaucoup de
force. Quand Chiara, mon bébé, est décédée du SMSN à l’âge de deux
mois, j’ai fait une dépression. J’oubliais beaucoup de choses et je n’étais
plus aussi présente pour mes autres enfants.
Quelques mois après la mort de Chiara, mon mari m’a fait une
confidence concernant un collègue de travail en m’enjoignant de ne pas lui
en souffler mot. Quand cet homme, Paulo, a appelé à la maison peu après,
je lui ai répété tout ce que mon mari m’avait demandé de ne pas lui dire.
Mon mari m’avait entendue au téléphone. Il était furieux. J’étais
déroutée et je me sentais très coupable, mais l’affliction crée des trous de
mémoire et j’étais plongée dans une profonde affliction. J’étais proprement
inconsolable après la mort de ma fille, je me sentais perdue, à peine de ce
monde. Heureusement, cette dépression n’a pas duré plus d’un an. Chez
certaines personnes, la dépression est chronique et handicapante au point où
elles peuvent à peine sortir du lit.
La procrastination
L’autre schéma obscur de la famille Bouddha est la procrastination. Vous
remettez toujours tout à plus tard. «Je ferai la vaisselle tout à l’heure», mais
elle continue de s’accumuler. «Je n’ai pas le cœur à payer les comptes», en
espérant qu’ils se volatiliseront. La pile de courrier vous déprime, mais
vous préférez lui tourner le dos. Habituellement, la procrastination n’est pas
consciente. Vous ne prenez pas la décision de ne pas payer vos comptes, de
ne pas faire la vaisselle ou de négliger ce qui doit être fait. Vous oubliez de
le faire, c’est tout; ces tâches quotidiennes sont simplement au-dessus de
vos forces. Un jour, vous ouvrez les yeux ou quelqu’un vous y fait penser et
vous vous dites: Comment diable ai-je pu oublier ça? La plupart du temps,
quand nous voulons vraiment nous souvenir d’une chose, nous ne
l’oublions pas. Nous la gardons à l’esprit, sinon, elle nous échappe. Cet
aspect est associé à la famille Bouddha parce qu’il évoque la torpeur et la
tendance à fermer les yeux sur ce qui doit être exécuté.
Le déni et la dissociation
Les personnes de la famille Bouddha sont portées au déni, et le déni se
rapproche de la procrastination. La principale différence entre ces deux
schémas obscurs est que le déni suppose habituellement des habitudes ou
des dépendances, le refus de voir les dommages potentiels pourtant
évidents. Prenons l’alcoolique qui ignore ou nie son alcoolisme, par
exemple. Tout le monde s’en rend compte, mais le déni intervient pour
empêcher l’alcoolique d’admettre son problème. Il dira: «Je peux arrêter de
boire quand je veux. Mais je ne veux pas, parce que je n’ai pas de problème
d’alcool.»
Être dans le déni, c’est refuser inconsciemment de voir la réalité en
face, comme la mère qui ignore ou feint d’ignorer l’inceste dont sa fille est
victime. Aucune mère ne laisserait consciemment sa fille subir des
violences sexuelles, mais inconsciemment, par le déni, c’est ce qu’elle fait.
Elle pourrait même mettre sa fille en danger sans s’en rendre compte,
surtout si elle-même a des expériences antérieures non résolues de violence
sexuelle. La personne Bouddha risque d’être ainsi extrêmement destructrice
et provoquer des traumatismes multigénérationnels auxquels s’ajoutent
parfois l’alcoolisme ou d’autres dépendances. Une personne réellement
prise au piège de ce schéma obscur a souvent un regard vitreux.
La dissociation, ce qui se passe quand le psychisme ou l’esprit «quitte le
corps», a lieu en réaction à un stress ou un traumatisme extrêmes. Dans sa
forme la plus bénigne, la dissociation équivaut au rêve éveillé ou à
l’étourderie. On est quand même fonctionnel et personne ne se rend compte
de rien. Dans les cas plus graves, la personne sérieusement dissociée
pourrait n’avoir aucun souvenir de ce qui s’est passé pendant sa
dissociation. Il s’agit là, comme je le disais, d’une réaction Bouddha
extrême et la plupart du temps due à un traumatisme.
LA SAGESSE TRANSCENDANTE
Un matin d’hiver en 1970, alors qu’après mon ordination je vivais à
Swayambhunath près du grand stupa blanc, je me trouvais sur la terrasse en
surplomb de la vallée de Katmandou. Une fine brume matinale
l’enveloppait et, au-dessus, le ciel était d’un bleu profond. Tandis que je
regardais cette couverture blanche en bas et le bleu du ciel en haut, une
sensation d’espace m’a envahie. J’étudiais depuis quelque temps les cinq
familles de bouddhas, et j’ai pensé: Ceci est la sagesse de la famille
Bouddha, la sagesse de l’espace universel. Le paradoxe voulant que cette
immensurable vacuité soit représentée par un minuscule point, ou bindu, au
centre du mandala alors qu’elle est omniprésente ne m’a pas échappé.
Vous devez, par conséquent, mettre fin aux pratiques fondées sur la
compréhension intellectuelle, la quête du sens des mots et le
discours, et apprendre les étapes à rebours qui orientent votre
lumière vers l’intérieur afin de vous illuminer. Corps et esprit
s’estomperont d’eux-mêmes et votre visage originel se manifestera.
Si vous souhaitez atteindre l’Immanence, vous devez pratiquer
l’Immanence sans délai53.
L’HISTOIRE DE ROBERTA
Jusqu’à l’âge de onze ans, Roberta a été régulièrement agressée
sexuellement par son beau-père. Il entrait dans sa chambre la nuit et
menaçait de tuer sa mère si elle faisait du bruit ou si elle en parlait à
quelqu’un. Roberta en est venue à sortir de son corps pour ne pas être là
pendant ces épisodes. Elle allait «ailleurs» jusqu’à ce que tout soit terminé
et que son beau-père la laisse. Durant cette période, elle a été de moins en
moins présente pendant la journée et, au dire de ses instituteurs, ses
résultats scolaires étaient en chute libre parce qu’elle était toujours «dans la
lune». En réalité, elle se dissociait sans que personne s’en rende compte.
La dissociation est un mécanisme de protection du psychisme. Elle peut
découler d’un seul traumatisme ou de traumatismes en série et même
devenir irrépressible. Il suffit alors d’un déclencheur pour que la
dissociation ait lieu, parfois même à votre insu. Vous ne vous souvenez pas
de ce qui est arrivé parce que vous étiez réellement absent, vous refusiez
d’être présent dans votre corps.
Selon les enseignements de la culture tibétaine, cette dissociation
équivaut à la perte du lha, du «corps esprit». Le lha peut être perdu ou volé.
C’est un corps subtil, une énergie qui protège le corps physique et nous rend
confiants et cohérents. Si un traumatisme sépare le lha du corps physique, la
personne ne se sent pas bien, elle est mal dans sa peau. La perte du lha est
grave. Des pratiques et des rituels du bouddhisme tibétain peuvent rappeler,
renforcer et ramener dans le corps le «corps esprit» perdu ou volé.
Roberta avait perdu le lha. C’est ce que la psychologie occidentale
appelle la dissociation. Quand elle a finalement tout raconté à sa mère,
celle-ci ne l’a pas crue et Roberta n’a plus su à quel saint se vouer. Elle
avait douze ans quand sa mère s’est finalement séparée de son beau-père,
mais le mal était fait. Elle avait perdu son enfance, elle échouait dans ses
études et se méfiait de sa propre mère. À l’adolescence, en proie à la
dépression, elle s’était mise à abuser de l’alcool. À quinze ans, elle avait
fait une tentative de suicide en avalant de l’aspirine. Roberta avait à
nouveau tout raconté à sa mère venue lui rendre visite à l’hôpital et, cette
fois, cette dernière l’avait crue et lui avait demandé pardon. Elle-même dans
le déni, elle avait craint de perdre son conjoint. Roberta est entrée en
thérapie et a cessé de boire. Avec le soutien des Alcooliques Anonymes,
elle a pu rester sobre et entrer à l’université. Elle a étudié la psychologie et
poursuivi son cheminement vers la guérison.
C’est dans le cadre de sa psychothérapie que Roberta a découvert mon
livre, Nourrir ses démons, et le Mandala des cinq dakinis. Durant son
travail sur les cinq familles, la dakini Bouddha et tous les aspects de cette
famille ont acquis à ses yeux une très grande importance. Elle a compris
que les névroses et le déni de la famille Bouddha dominaient toute sa lignée
familiale et elle s’est mis en tête de mettre fin à ce cycle. Elle a aménagé
chez elle un autel dédié à la famille Bouddha: devant une image des cinq
dakinis de sagesse, sur une simple table drapée de tissu, elle a disposé des
photos d’elle enfant et une roue à huit rayons. Chaque fois qu’elle était
dépressive ou qu’elle se sentait sur le point de se dissocier, elle
accomplissait le Mandala des cinq dakinis, s’efforçait de se visualiser sous
les traits de la dakini Bouddha blanche et récitait la syllabe BAM. Ce travail
intense sur le mandala l’a aidée à rester sobre.
Grâce à la méditation, Roberta a pu ressentir l’immense sagesse de la
famille Bouddha. Elle en est venue à beaucoup aimer méditer, à apprécier le
calme et la réceptivité qui découlaient de sa pratique. Elle a participé à des
retraites pendant ses vacances et, même si des émotions liées à son enfance
faisaient encore surface, elle a entrepris son cheminement dans la sagesse
transcendante, la sagesse de la famille Bouddha. Petit à petit, ses schémas
obscurs ont fait place à des sentiments de vigilance étendue et détendue.
Elle a fracassé le schéma de déni familial et appris à stabiliser la sagesse de
la famille Bouddha. Roberta a ensuite terminé ses études supérieures et est
devenue psychothérapeute. Ayant été elle-même profondément blessée, elle
est capable d’une grande empathie envers les autres. Elle poursuit à ce jour
la pratique du Mandala des cinq dakinis.
• Fermez les yeux et essayez autant que possible de ne pas les rouvrir
avant la fin de la séance. Vous prendrez neuf respirations de détente
profondes.
• Pour les trois premières, inspirez en visualisant une partie du corps où
vous ressentez une tension physique et prenez note de son emplacement.
Retenez cette tension dans votre souffle et relâchez-la en expirant.
• Pour les trois respirations suivantes, inspirez en visualisant une partie du
corps où vous ressentez une tension émotionnelle et prenez note de son
emplacement. Encore une fois, retenez cette tension dans votre souffle
et relâchez-la en expirant.
• Pour les trois dernières respirations, inspirez en visualisant une tension
mentale ou une inquiétude en prenant note de son emplacement dans
votre corps. Puis retenez cette tension dans votre souffle et relâchez-la
en expirant.
La motivation
Avant l’une ou l’autre des méditations des cinq dakinis, soyez sincèrement
motivé à pratiquer cette méditation pour vous-même et pour tous les êtres
sensibles. Par exemple, vous pouvez dire tout bas ou à voix haute: «Un
désir sincère m’anime de méditer pour moi-même et pour tous les êtres.»
Libérez l’énergie obscure
Prenez quelques instants pour ressentir le schéma obscur de votre corps.
Voici une version écourtée de cette pratique pour les moments de crise
aiguë, c’est-à-dire quand vous êtes aux prises avec une vague soudaine de
dépression, de confusion ou de stupeur après un événement inattendu et
bouleversant, ou quand, optant pour une famille Bouddha de fuite, vous
vous retirez en vous-même pour fuir ces émotions.
LA SAGESSE-MIROIR
La sagesse de cette famille est une sagesse-miroir, elle a la limpidité du
miroir et, comme lui, elle reflète tout mais n’est en rien altérée par ce qui se
reflète en elle. La sagesse-miroir se fonde sur l’espace et l’ouverture
qu’engendre la sagesse transcendante de la famille Bouddha. Au bord d’un
lac, par un matin paisible et brumeux, on distingue à peine la ligne de
démarcation entre le ciel et l’eau. La sagesse-miroir est ainsi. L’espace et
l’eau sont indivisibles. Cependant, nous sortons de l’espace, de l’entière
spaciosité du ciel de Bouddha pour être le miroir. Dans cet état, nous
voyons tous les phénomènes avec une grande exactitude, sans aucune
distorsion.
L’énergie féroce est la plus rapide de toutes les énergies humaines; les
divinités féroces représentent cette explosion d’énergie qui abolit les limites
et les illusions. Quand vous êtes en colère, votre sang court plus vite dans
vos veines, votre respiration s’accélère et vos gestes sont précipités. Le feu
est rapide et imprévisible. Le courroux des divinités tantriques représente
une très grande quantité d’énergie intense. Il faut cependant le distinguer de
la haine. La haine ne doit pas sous-tendre ou motiver le courroux. N’est-il
pas paradoxal qu’en travaillant sur les divinités féroces, je me sente plus
sereine? Comme si, en laissant s’exprimer l’énergie fondamentalement
humaine de la colère pour mieux la transformer, j’assimilais le côté sombre
de cette émotion et lui procurais un cadre plus constructif.
L’HISTOIRE DE JOHN
Voici un exemple de travail sur la colère. John, quarante-quatre ans, est
psychothérapeute et enseigne le karaté à temps partiel. Il a commencé la
méditation mandala à trente-huit ans. Enfant, il avait été sauvagement battu
par son père sans que sa mère le protège, celle-ci allant même jusqu’à
dénoncer son indocilité à son mari quand il rentrait de son travail. En
vieillissant, John est devenu casse-cou et s’est souvent blessé. Il a aussi eu
des idées suicidaires sans toutefois passer à l’acte.
Avant la méditation mandala, John était très soupe au lait et se fâchait
souvent pour des vétilles, quand sa voiture refusait de démarrer, par
exemple, ou quand une personne était en retard à un rendez-vous. Il était
toujours persuadé que son emportement était justifié. La colère imprégnait
toutes ses relations personnelles, familiales et professionnelles. Il n’y
échappait pas. Les autres lui en voulaient, il leur en voulait, la colère
engendrait la colère, et sa vie devenait un enfer. John était aussi très
méticuleux et hyper-vigilant. Quand il était furieux, il était tranchant et
s’acharnait sur les défauts des autres. Les arts martiaux l’ont aidé à
contrôler ses défoulements; il a obtenu sa ceinture noire.
John a commencé la méditation mandala après plusieurs années de
méditation de pleine conscience. En dépit de son intérêt théorique pour les
enseignements bouddhistes, ses schémas psychologiques et émotionnels
douloureux ne lui laissaient pas de répit et la violence dont il avait été
victime dans son enfance le traumatisait encore. En explorant les cinq
familles, il a su immédiatement qu’il appartenait à la famille Vajra.
Deux percées se sont produites pour lui pendant son travail sur la
famille Vajra. D’une part, il a vu que sa colère et son amertume envers les
hommes, et aussi envers «Dieu» qui l’avait tant déçu, découlaient de sa
propre colère intérieure. Adolescent, il avait été séminariste, en partie pour
fuir son père et la maison familiale, mais, déçu de l’Église et du
christianisme, il avait opté pour étudier la psychologie à l’université.
D’autre part, il a pu comprendre que son besoin profond et inassouvi
d’une figure paternelle protectrice qui l’aurait aidé à embrasser
positivement sa masculinité avait engendré sa colère envers son père. Il
reprochait aux hommes leur absence de compassion tout en étant très amer
et plein de ressentiment envers les femmes depuis que sa propre mère lui
avait refusé sa protection et son réconfort. Elle-même victime de violence et
abandonnée, elle avait été en proie à la dépression et souvent repliée sur
elle-même malgré son amour profond pour John. Avec le temps, John
l’avait accablée de tous les défauts: son isolement délibéré, ses
excentricités, son déni de ses propres traumatismes, sa colère.
Quand John est parvenu à l’âge adulte, sa relation avec ses parents
s’était beaucoup détériorée. Chaque réunion de famille était explosive et il
en revenait frustré de ne pas avoir pu remédier à la situation. Il lisait les
textes bouddhistes, méditait sur sa respiration. Il savait tout ce qu’il
«voulait» ressentir envers ses parents, mais n’y parvenait pas et se
culpabilisait d’avoir un esprit exagérément critique.
En méditant sur les cinq familles de bouddhas et, plus particulièrement,
sur la famille Vajra, John a peu à peu laissé une énergie masculine positive
entrer dans sa vie et redirigé vers sa propre guérison celle de sa colère
envers son père. Son exploration de la famille Vajra lui a fait comprendre
qu’il avait reporté sur sa mère, elle aussi victime des mêmes schémas
destructeurs, sa vision gauchie du féminin, de toute façon très décriée de
nos jours. Il a vu que son père avait subi en son temps les violences qu’il
avait infligées à son fils et porté à l’extrême le principe selon lequel «qui
aime bien, châtie bien».
La minutie et la clarté d’esprit de la famille Vajra ont aidé John à voir
combien sa colère et son amertume étaient futiles et destructrices. En
accédant à la spaciosité lucide de Vajra, il a pu ressentir la douce chaleur du
féminin qui lui avait tant manqué quand il était enfant. Petit à petit, il a
cessé d’attendre de sa mère, une femme terre à terre qui se débattait avec sa
propre souffrance, le sentiment d’appartenance qui lui faisait tant défaut.
La guérison de la relation de John avec ses parents n’est pas celle qu’il
avait espérée. Elle n’est ni douce ni enveloppante, elle n’a rien effacé et il
se méfie encore de son père. Mais la clarté d’esprit de Vajra l’aide à
comprendre ses parents et à ne pas nourrir envers eux les attentes de
l’enfance. Il a avec eux des rapports d’égal à égal et les considère comme
des amis qui ont, eux aussi, beaucoup souffert. La méditation mandala a
suscité chez John un processus de ré-identification profondément
transformateur. Encore et encore il a perdu, pulvérisé l’espoir de trouver
une «réponse» à sa vie dans le monde illusoire où est née sa question et
trouvé son vrai refuge dans sa lucidité et sa paix intérieure.
Dans la «vraie vie», l’expérience sensible et familière de la lucidité
sereine de l’énergie Vajra a aidé John à se concentrer sur sa propre clarté
d’esprit plutôt que sur ses émotions étouffantes. Et, pour la première fois, il
a pu s’engager dans une relation sans la détruire par ses emportements.
L’aspect le plus transformateur du mandala réside dans ce que John en a
ressenti et dans le fait qu’il a littéralement pu en intégrer la sagesse.
L’élément Ratna est la terre et sa forme est le carré. Ziji évoque les
vertus de la famille Ratna transformée. La confiance en soi qu’inspire la
famille Ratna vient de sa générosité et du fait qu’elle est fermement ancrée
à la terre. Nous ressentons le plus cette intensité à midi, l’heure Ratna,
quand tout est effervescence, croissance et richesse en devenir. Et pourtant,
il s’ensuit une sorte de trop-plein, un sentiment de surabondance qui
pourrait se révéler déstabilisant. Comme on peut s’y attendre, les sens Ratna
sont le goût et l’odorat, le contact direct de la consommation. On ne
consomme ni par l’ouïe ni par la vue, mais on apprécie et on déguste par
l’odorat et le goût. Les types Ratna aiment la nourriture et le vin. Ils se
régalent de ce qu’ils mangent et peuvent décrire les multiples couches de
saveur d’une bouchée. Leur palais très fin les pousse parfois à abuser des
bonnes choses, voire à se livrer à la gloutonnerie.
La figurine de la Dame endormie découverte dans un hypogée de l’île
de Malte est une représentation Ratna classique de l’art religieux. Elle dort
sur son lit de pierre et fait des rêves divinatoires. Les temples maltais des
déesses du néolithique ont tous une architecture Ratna, la forme généreuse
d’une déesse obèse et fertile, sans aucune présence masculine. Les
archéologues ont supposé que cette civilisation vouait un culte aux déesses
et que ces temples étaient des lieux où l’on venait dormir pour recevoir des
rêves prémonitoires. L’entrée du temple est le vagin de la divinité.
La Dame endormie, représentation en argile d’une femme allongée, découverte dans l’une des fosses
de l’Hypogée de Hal Saflieni, à Malte.
Dans tous les pays du monde, les maisons en pisé évoquent les valeur
de Ratna, le contact avec la stabilité et la chaleur de la terre. La souplesse
organique de la glaise nous a donné certaines des plus belles constructions
qui soient. Les maisons africaines en pisé sont des plus exquises; celles de
Tombouctou et de Djenné, au Mali, sont à la fois magnifiques et pratiques.
Les meubles de la maison Ratna sont confortables, recouverts de coussins et
de jetés en laine d’alpaca d’un beau brun riche. La maison est douillette, on
y trouve des fleurs coupées et des objets en bois, par exemple des bols faits
main pleins de fruits et de noix. La maison est en adobe, en terre battue, en
ballots de paille ou en bois naturel et regorge vraisemblablement d’objets
venus du monde entier.
La femme Ratna est corpulente et sa poitrine est généreuse. Elle aime
les couleurs vives, les bijoux nombreux et volumineux, et les tissus à grands
motifs. J’ai connu une femme Ratna typique quand j’enseignais dans une
université de San Francisco. Mulâtre, elle avait une peau de bronze, un
physique généreux, voluptueux qui respirait la santé et la force. Elle
enveloppait ses dreadlocks rasta dans un foulard jaune à motifs africains et
portait une robe jaune imprimée et un collier de grosses billes jaunes et
noires. Elle était amicale et très chaleureuse, et dégageait une impression
d’abondance et de créativité comme si tout pouvait arriver en sa présence,
tant elle était riche de possibilités.
LE SCHÉMA OBSCUR:
L’ORGUEIL ET LE SENTIMENT D’IMPUISSANCE
Le schéma obscur, ou poison, de la famille Ratna est l’arrogance, un orgueil
mêlé d’insécurité qui incite à la consommation excessive, aux achats
compulsifs, à l’accumulation. C’est le syndrome de la clocharde qui pousse
à ne rien jeter, à avoir tout en cinq exemplaires au cas où, parce qu’on a
atrocement peur d’en manquer, on ne sait jamais ce qui peut arriver. Il
s’ensuit un besoin insatiable. Cette voracité affecte à la fois le type Ratna et
les personnes de son entourage qu’il finit par user à force de prendre toute
la place. Il est en sérieux manque d’amour. Les parents invasifs qui tentent
de contrôler la vie de leurs enfants, qui les forcent à manger, qui leur dictent
leur vie sociale, lisent leur journal intime, et ainsi de suite, sont souvent de
type Ratna.
Trungpa Rinpoché a bien décrit ce pôle névrotique de la personnalité
Ratna: «C’est comme nager dans un lac de beurre et de miel. Quand on
s’enduit de ce mélange, il est très difficile ensuite de l’enlever. On ne peut
le faire simplement en l’essuyant. On doit appliquer toutes sortes d’agents
nettoyants, un détergent, du savon, pour s’en débarrasser55.» Les Ratna
sont enclins à s’agripper à quelque chose comme si leur vie en dépendait –
nourriture, rang social, biens matériels, alcool, drogues, et ainsi de suite.
Cela est dû à leur insécurité. Dans les cas extrêmes, le Ratna peut aller
jusqu’à l’accumulation compulsive qui prend racine dans l’anxiété: Je n’en
trouverai peut-être pas d’autres plus tard, ou Je pourrais en avoir besoin,
donc, je le garde. Les Ratna pensent que s’ils en ont plus, s’ils en mangent
plus, s’ils ont davantage de biens matériels, ils seront en sûreté. Mais ils ne
se sentent jamais en sûreté parce qu’ils n’ont de toute façon jamais réglé le
problème d’insécurité qui les pousse à ces excès. C’est la «mentalité du
pauvre»: peu importe ce que vous avez, vous vous sentez démuni, et cela,
même si un comportement ostentatoire contredit ce sentiment. C’est l’heure
du dessert? Vous pensez aussitôt: Il n’y en aura jamais assez pour tout le
monde.
Les Ratna ont un rapport difficile avec l’argent et vivent dans une
perpétuelle insécurité financière. Des difficultés d’apprentissage ou une
enfance pauvre peuvent les affecter. S’ils en ont honte, ils s’en cachent et
feignent de ne manquer de rien. Une réaction typique Ratna pourrait être de
dire: «Je vais bien. Non seulement je vais bien, mais je vais formidablement
bien. Tout est parfait. Je suis le meilleur et je surpasse tous les autres.» Le
Ratna obscur est parfois trop généreux parce qu’il veut se faire valoir. À
Noël, il offre un présent joliment enveloppé à tous les membres de son
équipe ou à tous ses camarades de classe, ou encore, pour qu’on apprécie sa
générosité et son amabilité, il fait des cadeaux de trop grande valeur. Il
ressent le besoin de se grandir parce qu’il craint de ne pas être à la hauteur
ou de manquer de quelque chose. Parce qu’il se sent inférieur, il lui en faut
toujours plus et il en fait toujours trop: nourriture, boissons, allusions à des
noms connus, consommation abusive. En amour, il a besoin d’être vénéré,
de crouler sous les compliments, d’être constamment rassuré.
Les Ratna sont parfois dominateurs, exagérément critiques, nombrilistes
et égocentriques au point d’être aveugles aux besoins d’autrui. Ils sont
enfermés dans leur bulle et ne voient pas qu’ils affectent leur entourage. Ils
déploient toutes sortes de tactiques pour se protéger aux dépens des autres.
Si on leur reproche leur attitude, ils prennent encore plus de place et exigent
encore plus qu’on les rassure. Leur présomption et parfois leur fausse
pudeur masquent leur honte et leur sentiment d’échec. Le Ratna non éclairé
veut qu’on le remarque; il est toujours en représentation, il a besoin
d’applaudissements et il cherche à dominer la situation.
L’élément du Ratna est la terre: la terre peut être très lourde, écrasante,
malpropre. Ce pôle Ratna névrotique évoque pour moi les glissements de
terrain que les incendies de forêt provoquent parfois dans le sud du
Colorado, là où le sol est en pente abrupte. Quand il pleut après ces
incendies, de grandes coulées de boue recouvrent tout, entrent dans les
maisons et se déversent dans les rivières. J’ai entendu dire que des poissons,
pour échapper à toute cette boue qui envahissait leur habitat, sautaient sur le
rivage et y mouraient. L’aspect dominateur du Ratna suffoque et écrase tout
ce qu’il touche.
Quand on place le schéma obscur de la famille Ratna dans le contexte
plus vaste de la société actuelle, on le décèle dans la cupidité des grandes
sociétés, dans leur volonté d’acquérir des entreprises plus petites, de
posséder le monde. On le voit dans le colonialisme politique et le besoin de
s’ingérer dans les affaires d’autrui. Nous voulons contrôler, régner, nous
enrichir. Mais quels que soient ce pouvoir et ces richesses accumulées, nous
nous sentons toujours démunis, nous n’en avons jamais assez, nous sommes
persuadés qu’un ultime débordement nous rendra enfin heureux et nous
apportera la paix. Bien entendu, cela ne fait qu’exacerber notre
consumérisme compulsif. La cupidité érige des empires qui s’écroulent
ensuite faute d’être solidement enracinés. La non-viabilité de ce mode de
consommation est très réel et mène inévitablement à la ruine.
LA SAGESSE DE L’ÉQUANIMITÉ
La sagesse de la famille Ratna est celle de l’équanimité ou de l’égalité. On
parle parfois d’équanimité et d’immuable tranquillité, ou d’équanimité et de
présence enrichissante. L’équanimité, c’est aussi s’abstenir de juger ou
d’accorder plus de valeur à ceci qu’à cela, en d’autres termes, elle est
synonyme d’impartialité. Ce qui nous semble laid et ce qui nous semble
beau ont la même valeur.
Quand nous cessons de nous agripper aux choses et aux gens, nous
faisons place à la sagesse. Le geste généreux prend sa source dans la vraie
richesse, celle qui sourd d’un sentiment de stabilité, d’enracinement, de
présence sur terre. On peut lui faire confiance. Voici la nature fondamentale
de l’équanimité: le pur et l’impur sont des concepts artificiels. Ce qui est
pur pour l’un est impur pour l’autre. Ce qui est bon dans une société est mal
dans une autre société. La sagesse Ratna concerne l’égalité, la similarité,
elle consiste à percevoir toute chose de façon égale et comme faisant partie
d’une complétude existant en soi. Le Ratna éclairé comporte un sentiment
de richesse inhérente, l’impression que la situation est déjà florissante.
Détendez-vous.
Quand une personne Ratna éclairée entre dans une pièce, elle éprouve
un sentiment de stabilité: les choses sont telles qu’elles sont. Pourtant,
toutes sortes de phénomènes émergent de cette stabilité. Ils semblent faire
surface lentement et, soudain, ils sont là. La fertilité de Ratna ressemble aux
crocus du printemps. Au Colorado, ils percent la neige persistante. Leurs
fleurs violettes, jaunes et blanches forment d’éclatantes taches de couleur au
milieu du gris des herbes et des buissons morts. Voilà l’énergie de la famille
Ratna transformée.
Dakini Padma, XVIIIe siècle, pigment mineral en poudre sur coton. Rubin Museum of Art.
Le lotus est le symbole de la famille Padma. Robert Beer, encre sur papier.
LA SAGESSE DISCERNANTE
Jetons maintenant un coup d’œil au pôle sage de la famille Padma. Il est ici
question de sagesse discernante, qui porte aussi le nom de sagesse de
perception discriminante. Elle voit de façon très détaillée les interrelations
entre les choses grâce à un discernement inquisiteur. La spaciosité de la
sagesse transcendante combinée à la sagesse-miroir de Vajra crée une
immense présence réfléchissante, tandis que la sagesse Ratna de
l’équanimité ancre et stabilise la vigilance. Tout cela prépare le sage
discernement de Padma.
Cette sagesse est étonnante dans le voisinage de la passion inhérente au
schéma obscur de la famille Padma. Mais comme toujours quand émerge la
sagesse, l’obsession de l’ego dévoile en disparaissant une compassion
radieuse et désintéressée, une compassion discriminante. La séduction est
ici sans effort, toutes les nuances sont perceptibles, la relation est éclairée,
sans attachement névrotique. Dans l’éveil de la sagesse discernante, nous
pouvons aimer sans avoir besoin d’être aimé en retour. Le sentiment
chaleureux se suffit à lui-même. La compassion est sans passion, le plaisir
est discriminant.
Le Dalaï-Lama est un bel exemple de Padma éclairé. Il est, en fait, une
émanation d’Avalokiteshvara, qui est associé à Amitabha, le bouddha de la
famille Padma. Il incarne cette famille éclairée et personnifie la cordialité et
la compassion. Il a séduit le monde entier. Tous ceux qui le connaissent
l’aiment. Il est sans doute un des êtres humains les plus populaires au
monde. D’après un sondage mené par ICT (International Campaign for
Tibet) dans cinq pays européens et aux États-Unis, ce Prix Nobel de la paix
est l’être au monde qui représente le mieux l’humilité, la paix et la non-
violence. Sa Sainteté possède aussi un sens aigu du discernement; c’est un
intellectuel brillant qui peut être tranchant quand il le faut, mais qui affiche
presque en tout temps un sourire chaleureux.
La famille Padma correspond à l’agrégat de la perception; elle ouvre la
porte à la faculté de discerner distinctement et précisément toute chose et de
créer des œuvres artistiques. Les cinq agrégats, accumulations ou amas
(skandhas en sanscrit) sont les composants psycho-physiques de l’être
humain: la forme (les éléments qui composent le corps physique), les
sensations, les perceptions, les volitions et la conscience. Ces agrégats
s’unifient pour créer le corps et l’esprit d’un individu. La personnalité
Padma concerne la perception des interrelations non seulement entre les
êtres, mais aussi entre les couleurs, les textures, les formes, les sons et les
vides. Pour cette raison, la famille Padma règne sur les arts. On est sensible
au moindre effleurement de l’amant, à ses moindres préférences
vestimentaires et alimentaires, à sa démarche, au mouvement de ses doigts,
à ses regards. Dans le schéma obscur de Padma, le désir de fasciner une
personne transforme cette sensibilité en obsession. Mais la lucidité de l’état
éveillé débouche sur une grande attention aux détails, une esthétique
éclairante, une cordialité et une gentillesse dénuées de toute arrière-pensée.
L’artiste doit pouvoir travailler la couleur, les sons, et ainsi de suite,
selon la forme d’art qu’il a choisie. Un artiste visuel agence des objets, il les
observe les uns par rapport aux autres, il discerne l’interrelation de leurs
formes et de leurs textures. Qu’il s’agisse d’arrangements floraux,
d’architecture, de graphisme, ou, plus simplement, de la disposition des
meubles de votre séjour ou d’un motif de tricot, le discernement est
indispensable pour comprendre, entre autres, les rapports entre la forme, la
couleur et la perspective dans les beaux-arts et les arts appliqués.
Le discernement de Padma permet de développer des relations
accomplies fondées sur la compassion; vous guidez les autres en
n’entretenant aucune arrière-pensée. Vous ne vous engagez pas dans des
relations malsaines, puisque les besoins névrotiques de Padma ne sont pas
là pour vous empêcher de regarder les choses en face: «Qui est cette
personne?» Vous envisagez lucidement la relation. La personnalité Padma
éveillée discerne clairement ce qui profite à tous plutôt que ce qui ne profite
qu’à elle.
Qu’est-ce qui différencie le schéma obscur de la sagesse? La disparition
du combat qui s’ancre dans l’obsession de l’ego. Sans ce combat, il n’y a
pas de référence à soi. En l’absence de l’acharnement à obtenir quelque
chose et de l’attachement à soi, vous êtes tout aussi attentif au moindre
détail que le Padma névrotique, mais ni vous ni votre aptitude à la séduction
n’êtes concernés.
Un Padma transformé excelle aussi à exploiter l’énergie de la
communication, mais cette énergie est très belle, très chaleureuse, apte à
susciter un amour profond et compatissant. Dans cette chaleur rayonnante,
la personnalité Padma éveillée irradie la bonté. De nombreuses recherches
indiquent que nous sommes biologiquement prédisposés à nous sentir plus
en sécurité et à l’aise dans une relation de confiance57. Dans son livre
intitulé Serre-moi fort!, Sue Johnson écrit: «L’isolement et la perte
potentielle d’une relation d’amour entraînent dans le cerveau humain une
réaction primale de panique. Ce besoin d’un lien sûr avec quelques êtres
chers est le fait de millions d’années d’évolution58.»
La mort subite de Dave, mon mari, emporté par un infarctus à l’âge de
cinquante-quatre ans, m’a plongée dans un chagrin immensurable. J’étais en
état de choc. Il est mort chez nous durant la nuit et rien n’avait laissé
présager ce décès, ni maladie ni signes avant-coureurs. Après la crémation,
j’ai dû quitter la maison, car je ne supportais pas d’y vivre sans lui. J’ai fait
un pèlerinage qui a duré six mois et, pendant six ans ensuite, je n’ai pas pu
retourner chez nous, encore moins dormir dans notre chambre. Je vivais
dans ma hutte de retraite ou dans ma chambre du temple. J’étais en contact
avec mes enfants adultes et mes amis, qui étaient aussi très attachés à mon
mari, mais personne ne comprenait vraiment la profondeur de ma perte et je
me suis efforcée de ne pas leur en imposer le fardeau. Nos amis, ceux qui
avaient été très proches de mon mari, ont été mon plus grand réconfort.
Mais j’étais dévastée, terrassée par la douleur. Il m’a fallu interrompre mes
enseignements et me retirer de Tara Mandala pendant plusieurs années.
Dave avait été mon seul amour et un partenaire à tous points de vue.
Nous avions fondé Tara Mandala ensemble, il jouait un rôle de premier plan
dans sa gestion et, soudain, l’entière responsabilité m’en incombait. Mon
fils m’a secondée pendant quelques années, mais au bout du compte, j’ai dû
tout prendre en main. Dave était dévoué à sa famille. Son humour et son
sens du jeu imprégnaient chacune de nos fêtes. Il était mon «chez-moi», où
que je sois dans le monde, du moment qu’il était à mes côtés. Notre
profonde intimité sexuelle ne s’était jamais démentie en vingt-deux ans de
mariage.
La solitude a été pire que tout. Elle ne me quittait pas même en présence
de mes enfants et petits-enfants qui m’apportaient pourtant de grandes joies,
ni même au contact de mes amis les plus intimes. Elle était avec moi, nuit et
jour. Elle a fini par s’estomper au fil des ans, mais à chaque anniversaire de
la mort de Dave (quel drôle de mot pour un événement comme celui-là) il
me semblait gratter la croûte d’une plaie qui se remettait à saigner. Je me
disais cependant que je devrais pouvoir composer moi-même avec ce deuil.
Que je devrais pouvoir être heureuse seule. Que je ne devrais pas avoir
besoin d’une autre relation pour être heureuse. On me le disait aussi: «Tu as
connu vingt-deux ans de bonheur auprès de Dave. Sois-en reconnaissante.
La plupart des gens n’ont même pas ça.» J’ai peu à peu compris que j’avais
besoin d’une autre relation d’intimité, même si cela voulait dire que j’étais
faible et incomplète.
Sept ans après la mort de Dave, j’ai découvert le livre de Sue Johnson,
Serre-moi fort! J’y ai appris que le besoin de proximité et de sécurité
affective est ancré en nous. D’une certaine façon, c’est l’évidence même,
notre instinct de survie depuis les tout débuts. J’ai été soulagée de constater
qu’il n’y avait pas de mal à ressentir jusqu’à l’angoisse un tel besoin
d’intimité. Quand j’ai cessé de me juger négativement, je me suis aussi
délestée d’un fardeau qui exacerbait mon chagrin. Dès que je me suis mise
à explorer des relations nouvelles, je me suis sentie mieux. Même si je sais
que personne ne remplacera jamais Dave, je reconnais qu’un sain besoin
d’intimité n’a rien à voir avec l’appétence névrotique de Padma. J’ai appris
là une importante leçon: ce que j’avais cru être un comportement Padma
névrotique était en fait un besoin fondamental d’union, de chaleur et
d’intimité. Le fait de cesser de me juger a quelque peu apaisé ma peine.
La famille et l’énergie Padma règnent sur la longévité et la santé. Il faut
invoquer cette famille et magnétiser son énergie vitale si vous souffrez de
fatigue chronique, par exemple. Elle vous donne aussi le pouvoir et la force
d’agir quand vous voulez accomplir quelque chose.
Dans l’aspect positif de Padma, la sexualité subtile et intime traduit une
union non duelle avec le partenaire, une union qui se fonde non pas sur la
séduction mais sur l’amour, une présence et un rapport profond et généreux.
La rencontre des corps subtils des amants préside à l’expérience sexuelle
sacrée. Les corps subtils sont trop souvent totalement absents de la sexualité
d’aujourd’hui. Les gens font l’amour les yeux fermés, si bien que leurs
corps subtils ne peuvent pas se rejoindre. Dans le sexe tantrique, l’agrégat
Padma de la perception discriminante se hisse au niveau du goût non duel,
du toucher non duel, de l’odorat non duel, de la vue non duelle, et ainsi de
suite. Le couple fusionne ces énergies, de sorte que l’énergie n’est plus
confinée à une personne mais circule de l’une à l’autre.
Une expérience de non-dualité ainsi vécue est parfois très libératrice, et
c’est pourquoi la sexualité sacrée peut conduire à l’Éveil. La profonde
chaleur engendrée évoque l’énergie transformée de la famille Padma.
Existe-t-il une expérience humaine plus intense que l’union sexuelle?
J’aime cette citation du grand yogi indien Naropa: «Dans l’intensité du
plaisir, imaginez que vous n’avez pas plus de consistance que les nuages
dans le ciel.»
Dans son livre intitulé Luminous Emptiness, Francesca Fremantle
résume comme suit la difficulté qu’il y a à rendre toutes les résonances du
mot sanscrit pratyavekshana, qui évoque l’aspect éveillé de la famille
Padma dans son essence même: «Il se peut que toutes les significations
inhérentes au mot original sanscrit soient présentes en même temps: pas
seulement la capacité à distinguer divers objets de perception, mais, chose
plus importante encore, la capacité à regarder intensément en chacun, à en
apprécier les caractéristiques uniques et à entrer dans leur unicité avec
amour et compassion59.»
L’empathie et le souci des autres, ainsi qu’une connaissance profonde et
inquisitrice de la nature de la réalité, sont inhérentes à la sagesse
discernante. Dans le contexte de la subtile sexualité sacrée et de son
intégration à la méditation sur les éléments, l’acquisition de cette
connaissance n’est pas intellectuelle, mais pragmatique. C’est un savoir
profond qui va au-delà du savoir ordinaire et centré sur le soi qui touche au
cœur de la réalité. Le Bouddha Amitabha, en contemplation, fait le geste de
la méditation. Les gestes symboliques de tous les autres bouddhas
correspondent à une activité. Amitabha seul fait un geste de méditation
profonde qui n’est associé à aucune autre activité.
L’HISTOIRE D’ISABELLA
Le parcours d’Isabella au sein de la famille Padma est un bel exemple du
passage d’un schéma obscur à un état éveillé. La mère d’Isabella, Myra,
avait vingt ans de moins que son mari, Henry, un professeur réputé de
théorie musicale dont elle avait été l’étudiante et l’assistante à l’université.
Myra adorait Henry et l’avait hissé sur un piédestal en raison de leur
différence d’âge et de sa grande érudition dans leur domaine de
compétence. Elle-même très accomplie, elle lui cédait néanmoins le pas.
Leur mariage était typique de ceux où la femme se définit uniquement dans
son rapport avec son mari. Isabella avait observé ce comportement durant
toute son enfance et s’était persuadée que, sans homme, elle ne pourrait pas
s’épanouir. La relation de ses parents était romantique, mais son père n’était
pas de tempérament facile. Compte tenu de leur différence d’âge, des
problèmes ont surgi quand Myra a dû prendre soin de lui. Henry était
égoïste et exigeant, mais Myra lui obéissait. Isabella a capté ce message
clair et net: tu ne peux pas vivre sans un homme; une femme ne s’épanouit
qu’à son contact; tu dois tout faire pour le garder.
Prenant inconsciemment ce message à cœur, Isabella s’est mariée à
vingt ans. Elle était impatiente de le faire et croyait sincèrement que son
mariage durerait toute la vie. Tout s’est bien passé pendant dix ans. Mais
Isabella manquait de confiance en elle et voulait trop être une épouse
parfaite. Qui plus est, elle ne s’estimait pas à la hauteur de son rôle –
réaction Ratna qui amplifiait son schéma Padma. Elle enseignait à
l’université, préparait tous les repas de son mari, tenait maison et recevait
souvent. Dans toute sa perfection, elle ne laissait pas respirer son couple;
elle étouffait son mari de trop d’amour.
Un jour, en rentrant du travail, le mari d’Isabella lui a annoncé à brûle-
pourpoint qu’il avait rencontré quelqu’un d’autre et qu’il la quittait. Elle
était sous le choc. Tout n’avait pas toujours été rose, bien sûr, mais rien ne
l’avait préparée à cette rupture brutale. Comme le sens de sa propre valeur
dépendait de la réussite de son couple, elle en a éprouvé un cuisant
sentiment d’échec.
Après sa séparation, complètement perdue et désespérée, délestée de
son rôle d’épouse, Isabella ne savait plus qui elle était et se sentait
insignifiante. Honteuse d’être à nouveau célibataire et que son mari l’ait
quittée, elle a tout de suite voulu lui trouver un remplaçant. Elle s’est très
vite remise en couple, très vite remariée, mais ainsi poussée par le désespoir
elle a fait un très mauvais choix. Le jour de son mariage, elle savait au fond
d’elle-même qu’elle commettait une grave erreur. C’est à cette époque
qu’Isabella s’est engagée dans la méditation mandala. Son travail sur la
famille Padma a changé sa vie. La pratique du Mandala des cinq dakinis a
commencé à estomper sa certitude de ne pouvoir s’épanouir que dans une
relation de couple avec la bonne personne. Elle discernait enfin son aspect
obscur et son aspect potentiellement sage. Chaleureuse et compatissante,
elle s’est peu à peu libérée de sa dépendance à la possessivité et à la
séduction pour développer en elle la sagesse discernante.
Quand son deuxième mariage a échoué, Isabella a clairement pris
conscience du caractère malsain de son schéma obscur. Elle a vu qu’elle
excellait à la séduction et qu’elle savait se servir de sa sexualité pour attirer
un homme dans ses filets. Mais une fois sa proie «conquise», un
refroidissement typiquement Padma s’ensuivait, et Isabella se désintéressait
du sexe. En examinant ce comportement plus à fond, elle a compris qu’elle
avait désespérément besoin de se définir dans une relation avec quelqu’un
d’autre. Il fallait qu’un homme la trouve belle et désirable, il fallait qu’il la
convoite, ce qui n’avait rien à voir avec le fait d’aimer et d’être aimée.
Croyant chercher l’amour, elle cherchait en réalité un homme qui voudrait
d’elle et la rassurerait.
Dans sa pratique du Mandala des cinq dakinis, Isabella s’est entraînée à
accepter l’incarnation du féminin souverain, à ressentir la puissance du
féminin sacré. Un jour, ayant trouvé une branche dans le bois derrière chez
elle, elle en a fait son khatvanga, ce bâton ou sceptre qui symbolise le
consort intérieur de la dakini. Elle l’a décoré des symboles de son parcours
dans la famille Padma. Quand il a été terminé, Isabella est allée danser
chaque jour dans la forêt avec ce khatvanga. Elle a ainsi pris conscience du
masculin en elle et de ce que représentait la présence de ce consort intérieur.
Elle a persévéré jusqu’à ce que la conscience de son masculin intérieur se
soit stabilisée.
À peu près au même moment, sachant qu’elle devait être seule pour
apprendre à être à l’aise en sa propre compagnie, Isabella a choisi de
marquer un temps d’arrêt dans ses fréquentations. Elle a acheté une maison
qu’elle aimait et qu’elle a décorée à sa façon avec des couleurs et des
symboles du mandala. Elle a planté un jardin mandala et s’est efforcée
d’apprivoiser sa solitude. Elle a constaté, à sa grande surprise, que vivre
seule la terrifiait, mais avec le temps et la pratique quotidienne du mandala,
elle s’est grandement réjouie d’avoir su conquérir son indépendance.
Durant cette importante étape de sa pratique méditative et de sa
croissance intérieure, Isabella en est venue à aimer vivre seule et à croire
que c’en était fini des hommes. Évidemment, elle a alors fait la
connaissance d’un homme avec lequel elle s’est liée d’amitié – sans plus.
Divorcé, il n’avait que quelques fréquentations sans conséquence, tout
comme Isabella, du reste. Ils s’échangeaient des confidences et s’en
amusaient beaucoup. Isabella était très heureuse d’avoir un ami qui ne soit
pas un amant. De par son travail sur la sagesse discernante, elle ne
ressentait pas le besoin de le séduire. Ils pouvaient se contenter d’être amis
et voir où cela les mènerait.
Découvrant au fil du temps qu’ils ressentaient l’un envers l’autre plus
que de la simple amitié, ils se sont lentement rapprochés. Grâce à son
travail sur le mandala et, plus particulièrement, sur la dakini Padma,
Isabella avait avec cet homme une attitude radicalement différente. Elle ne
cherchait pas à se fusionner avec lui, ne se définissait plus en fonction de sa
relation avec un homme. Elle restait elle-même, savourant la compagnie de
son nouvel amant sans craindre de le perdre. Ils sont maintenant mariés
depuis quinze ans. En plus d’être amants et partenaires dans leur couple, ils
sont toujours bons amis. Le feu de Padma brûle encore en Isabella, elle a
toujours besoin d’approbation, mais ce n’est pas, comme naguère, le besoin
névrotique du papillon qui se brûle à la flamme. Elle médite encore sur le
Mandala des cinq dakinis pour enrichir sa sagesse.
Dakini Karma, XVIIIe siècle, pigment minéral en poudre sur coton. Rubin Museum of Art.
L’épée à double tranchant est un symbole de la famille Karma. Robert Beer, encre sur papier.
La couleur de la famille Karma est le vert et son élément est l’air qui
correspond au mouvement. Le vert est la couleur de la croissance, celle des
nouvelles feuilles au printemps, mais aussi celle de la jalousie. Ne dit-on
pas «vert d’envie»? Curieusement, en parfait accord avec l’action que cette
famille représente, c’est aussi le vert du feu de circulation qui signifie:
ALLEZ! Le noir est également associé aux actions courroucées de la
famille Karma, notamment à la suppression violente des obstacles. La
forme de la famille Karma est le demi-cercle et son sens est le toucher. L’air
touche tout le corps. Le toucher est un sens actif – nous tendons la main
pour toucher – alors que nos yeux et nos oreilles, par exemple, reçoivent
passivement les stimuli.
Le double vajra est un symbole de la famille Karma. Robert Deer, encre sur papier.
LA SAGESSE TOUT-ACCOMPLISSANTE
La sagesse de la famille Karma est dite tout-accomplissante. Transformé, le
schéma obscur de cette famille devient l’aptitude à mener une chose à terme
et à réfréner ou retrancher tout ce qui nuit à sa réalisation. Cette sagesse
exécute ce qui a été développé dans les quatre autres familles. Elle exige à
la fois une conscience attentive et les aptitudes requises pour achever ce qui
doit être achevé. Les bouddhas et les bodhisattvas doivent posséder les
moyens habiles pour œuvrer dans l’intérêt de tous les êtres sensibles. C’est
ainsi que la sagesse tout-accomplisssante est l’énergie propre aux
dynamiques actions héroïques.
Le nom du grand lama tibétain Karmapa indique qu’il est une
émanation de la famille Karma et que l’animent l’audace et l’adresse
d’Amoghasiddhi. À noter que l’actuel dix-septième Karmapa transporte
cette sagesse dans le XXIe siècle et en incarne les valeurs en militant en
faveur des droits de la personne, de l’autonomie des femmes et de
l’environnement.
La sagesse de Karma permet d’achever une chose avec une remarquable
efficacité quand on a atteint l’état de flow, qu’on est dans la zone. On voit
alors comment tout s’agence, on a une vue d’ensemble très claire et on agit
sans être stressé. Quand nous étions occupés à la construction extrêmement
complexe de Tara Mandala, mon mari Dave et moi nous disions souvent:
«Essayons de tout faire avec aisance.» Nous érigions un temple de trois
étages, une résidence, des annexes communautaires polyvalentes, tout cela
en surveillant nos trois enfants, en gérant le personnel, en recueillant des
fonds, et ainsi de suite. Tout faire avec aisance était un fichu défi, mais nous
faisions bien de nous encourager l’un l’autre à le relever. Cette sagesse nous
inciterait à remplacer la salutation de Star Wars «Que la Force soit avec
vous!» par «Que le flow soit avec vous».
Avec la sagesse tout-accomplissante, on est là quand le vent se lève et
qu’il gonfle les voiles, on se laisse porter par lui, on est présent sans rien
forcer. Il n’y a pas de stress, car on sait que, dans l’absolu, on ne va nulle
part. Il n’y a personne à qui se comparer. La sagesse tout-accomplissante,
c’est l’aptitude à entrer dans le mouvement pour accomplir une action tout
en étant prêt pour l’imprévu et la spontanéité. On atteint ses objectifs, car
tout est naturellement efficace. On ne force pas les choses. Quand on est
dans l’état de flow, on rencontre les bonnes personnes au bon moment et
une solution se présente quand on est en face d’un obstacle.
L’état de flow donne souvent lieu à des synchronicités. Le psychiatre
Carl Gustav Jung a introduit la notion de «synchronicité» dans son exposé
sur ce sujet en 1951 au Cercle d’Eranos, à Moscia (Suisse), et ensuite dans
un livre où il approfondissait les travaux du physicien et Prix Nobel de
physique Wolfgang Ernst Pauli63. Jung croyait que des événements
possédant un sens identique ou analogue pouvaient ne pas avoir entre eux
de lien causal, car une coïncidence signifiante (ou une série de
coïncidences) pouvait clarifier une situation ou indiquer la voie à suivre. Ce
concept lui avait été inspiré par le cas d’une patiente dont la thérapie
stagnait en raison d’un blocage rationalisant – elle était possédée par son
animus, par les aspects négatifs de sa part masculine – qui l’empêchait
d’assimiler une importante matière inconsciente. Elle opposait un refus
rationnel à toutes les suggestions de Jung. Il ne savait trop que faire. Puis,
une nuit, voilà que sa patiente rêve qu’on lui offre un luxueux bijou, un
scarabée d’or.
Le lendemain, pendant qu’elle lui rapporte ce rêve, Jung, assis le dos à
la fenêtre fermée, entend un bruit, comme si quelqu’un frappait légèrement
au carreau. Curieux, il se lève, ouvre la fenêtre et capture une grande
cétoine dorée qui avait essayé d’entrer dans la pièce obscure. «J’ai tendu
l’insecte à ma patiente en lui disant: “Voici votre scarabée.” L’expérience a
percé son rationalisme et brisé la glace de sa résistance intellectuelle. Nous
pouvions désormais poursuivre le traitement avec efficacité64.» Le choc
causé par la synchronicité entre le rêve du scarabée et sa réalité a généré
chez elle un nécessaire déblocage mental.
L’aptitude à voir dans les événements extérieurs des symboles
d’événements intérieurs et des «indices» qui montrent la voie à suivre fait
partie intégrante de la sagesse tout-accomplissante. Les lamas guettent
toujours des signes, que ce soit dans les rêves, le temps qu’il fait, le vol des
oiseaux, les animaux de passage ou l’arrivée inattendue d’une personne. De
nombreuses occurrences peuvent ainsi être «lues» et interprétées quand on
est en phase avec le non-rationnel. On reçoit alors des conseils pratiques ou
des prophéties.
Avant d’entreprendre la construction du temple de Tara Mandala, je
voulais enterrer un vase d’abondance traditionnel qui renfermait des
offrandes aux esprits de la terre et de l’eau. C’était un grand vase d’environ
soixante centimètres de hauteur que nous avions mis plusieurs jours à
remplir avant de le sceller. Je n’étais pas très au fait du déroulement de la
cérémonie, mais j’avais tout préparé en me disant qu’il arriverait bien
quelque chose pour m’orienter. Un peu avant le début du rituel, le lama
Tulku Sang-ngag, que je n’avais pas vu depuis plusieurs années, est passé
nous voir. Ce fut la première de plusieurs synchronicités. De tous les lamas
que je connais, il est le plus versé dans ce genre de rituels, puisqu’il a vécu
quatorze ans aux côtés du grand maître Dilgo Khyentse Rinpoché.
Quand le vase a été prêt, Tulku Sang-ngag Rinpoché a déployé une
grille textile sur la circonférence du site du temple, dont chaque case
correspondait à un jour du calendrier. Il a marqué le jour du rituel et, sous la
grille, à l’emplacement de ce jour, il a peint une nagini, un esprit femelle de
l’eau, en l’orientant vers le jour suivant, autrement dit, vers l’avenir. Ainsi,
elle transporterait symboliquement notre offrande dans le futur. Tulku Sang-
ngag Rinpoché nous a dit de creuser un trou là où nous voulions enterrer le
vase. Dès la première pelletée de terre, il nous a arrêtés et l’a soigneusement
tamisée en y cherchant une prédiction pour l’avenir du temple. Aussitôt,
nous avons vu un fossile en forme d’œil. Il en a été très heureux et m’a dit
de le garder. Cet œil, a-t-il dit, était «l’œil de la sagesse», le troisième œil. Il
signifiait que le temple inculquerait la sagesse à tous ceux qui viendraient
s’y recueillir.
Le fossile dit «œil de la sagesse» découvert dans la première pelletée de terre lors de l’enfouissement
du vase d’abondance, une offrande aux esprits de la terre, sur le site du temple de Tara Mandala,
2007.
À LA RENCONTRE DE LA SAGESSE:
LES PRATIQUES
13
Le Mandala des cinq dakinis
Nous entreprenons ici notre parcours dans le Mandala des cinq dakinis.
Nous avons déjà décrit les concepts, l’historique, les récits et les
méditations qui correspondent aux cinq familles de bouddhas pour ressentir
et intégrer celles-ci plus intimement. Le moment est venu de regrouper les
cinq familles et les dakinis de sagesse en une seule méditation à votre façon
toute personnelle.
Commencez par vous asseoir confortablement sur le sol ou sur une chaise,
là où vous pourrez facilement vous tourner dans toutes les directions.
Où que vous soyez, identifiez l’est (la plupart des téléphones intelligents
sont dotés d’une boussole). Asseyez-vous face à l’est et détendez-vous afin
de bien sentir que votre corps est présent ici et maintenant. Gardez le dos
droit mais sans tension pour une respiration décontractée. Pour vous aider à
garder le dos droit en posture de méditation, visualisez l’image
traditionnelle des pièces d’or empilées les unes sur les autres. Laissez-vous
aller à la détente dans cet espace. Attendez d’être parfaitement détendu
avant de commencer.
LA MOTIVATION
Soyez sincèrement motivé à pratiquer cette méditation, pour vous-même et
pour tous les êtres sensibles. Bien qu’il s’agisse ici d’une pratique
personnelle, nous sommes tous reliés; notre méditation profite à tous et plus
particulièrement à nos êtres chers. Méditons donc pour le bien-être de
l’univers entier pour commencer. Prenez un moment pour faire naître cette
aspiration au fond de votre cœur. C’est ce qu’on appelle l’émergence de la
bodhicitta.
Quand vous avez complété ces deux méditations introductives, vous êtes
prêt à entreprendre votre parcours du Mandala des cinq dakinis. N’oubliez
pas qu’une famille de bouddhas règne sur chacun des points cardinaux –
Bouddha au centre, Vajra à l’est, Ratna au sud, Padma à l’ouest et Karma au
nord – et que chacune est associée à un poison ou schéma obscur, et à sa
contrepartie sage. Allons-y.
LA DAKINI BOUDDHA
Nous commençons au centre, avec la famille Bouddha. Sa couleur est le
blanc. Son élément est l’espace. Son symbole est la Roue du Dharma, la
roue aux huit rayons qui représente le Noble Chemin Octuple de l’Éveil,
l’enseignement fondamental du Bouddha issu de son premier sermon sur les
Quatre Nobles Vérités65. Son poison est l’ignorance, c’est-à-dire une sorte
d’apathie, de capitulation, d’attente passive d’un changement. Ce schéma
obscur englobe aussi la dépression et le déni. La stupeur, et non pas la
spaciosité, est le propre des personnes qui appartiennent au schéma obscur
de la famille Bouddha.
La sagesse de cette famille est la sagesse transcendante, là où la
conscience et la vacuité ne font qu’un, où l’esprit possède l’immensité du
ciel. Le corps de la dakini Bouddha est d’un blanc luminescent. Elle danse
en levant la jambe droite et en tendant la jambe gauche. Elle brandit dans sa
main droite un trigug, ou couteau serpette, dont le manche s’orne d’une
roue à huit rayons. Sa main gauche, levée vers son cœur, tient la coupe
crânienne remplie du sang de la transformation du désir. Le khatvanga,
symbole de son consort intérieur, repose dans le pli de son coude gauche.
Elle est si intense et féroce que les flammes de la sagesse émanent d’elle.
Elle est nue, vêtue de ses seuls bijoux d’ossements66.
La syllabe germe de la dakini Bouddha est BAM. En premier lieu, vous
allez localiser dans votre corps le blocage associé à la famille Bouddha.
Puis, par l’émission de la syllabe germe, la visualisation de la lumière
blanche et l’assimilation en vous de la dakini Bouddha, vous vous libérerez
de son schéma obscur pour en ressentir la sagesse transcendante.
LA DAKINI VAJRA
Depuis la dakini Bouddha du centre, déplacez-vous de quelques centimètres
vers l’avant pour vous rapprocher de l’est en gardant le plus possible les
yeux fermés. Ressentez quelques instants l’énergie de l’est. C’est ici le
règne de la famille Vajra. Sa couleur est le bleu, le bleu profond des ciels
d’automne, le bleu du lapis lazuli. L’élément associé à la famille Vajra est
l’eau et son symbole est le vajra, ou dorje, un sceptre comprenant un moyeu
d’où rayonnent cinq branches inférieures et cinq branches supérieures qui
se rejoignent en pointe à chaque extrémité. Il symbolise les moyens habiles,
l’union des cinq bouddhas femelles et des cinq bouddhas mâles et les cinq
agrégats qui se transforment en cinq bouddhas mâles.
Le poison de la famille Vajra est la colère, la dureté, le penchant à
l’austérité et la froideur. Ce peut être une colère froide ou une fureur
bouillante en rapport avec la peur. La sagesse de la famille Vajra est la
sagesse-miroir, l’esprit dans son état réel qui est réfléchissant, qui reflète
toute chose avec clarté, sans porter de jugement et sans être altéré par ce
qu’il reflète. L’attention vigilante est limpide et infinie comme un grand
miroir. Quand nous sommes libérés de notre égocentrisme, nous reflétons
tout ce qui se manifeste devant nous sans y réagir.
La dakini Vajra danse. Elle tient le couteau serpette au manche orné
d’un vajra et le sceptre khatvanga, son consort intérieur, repose dans le
creux de son coude. Elle lève la jambe droite et tend la jambe gauche dans
une posture de danseuse. Les flammes de la sagesse encerclent son corps
d’un bleu luminescent. Elle tient la coupe crânienne contre son cœur et
brûle des flammes de la sagesse. Elle incarne la colère devenue lucidité de
la sagesse-miroir. Sa syllabe germe est HA.
LA DAKINI RATNA
Laissez derrière la dakini Vajra et tournez-vous du côté droit, face au sud.
Laissez-vous imprégner de l’énergie du sud. Voici la famille Ratna, la
famille des joyaux. La couleur de cette dakini est le jaune d’or. Son élément
est la terre, riche et fertile. Son symbole est le bijou doré.
Le schéma obscur, l’état d’esprit qui prime ici est fait de l’arrogance et
de l’orgueil qui masquent le sentiment d’inaptitude, la crainte de ne pas être
à la hauteur, de ne pas suffire. Il engendre l’avidité, une dévorante
convoitise, les excès de toutes sortes. La sagesse de la famille Ratna est
celle de l’équanimité, de l’égalité. On se déleste de la possessivité, des
jugements de valeur, des goûts et des aversions, de la suffisance et des
comportements autoritaires pour entrer dans la stabilité calme de
l’équanimité et de la générosité, à l’image de la terre.
La dakini Ratna a un corps voluptueux et doré. Elle a un bon sens de
l’humour et elle aime les couleurs vives. Sa main droite brandit le couteau
serpette orné d’une pierre dorée ou d’ambre. Elle danse nue, jambe droite
levée et jambe gauche tendue. Elle tient contre son cœur la coupe
crânienne, et le sceptre khatvanga, symbole de son consort intérieur, dans le
creux de son coude gauche. De son corps émanent les flammes de la
sagesse de l’équanimité et de la tranquillité immuable. Sa syllabe germe est
RI.
LA DAKINI KARMA
Laissez la dakini Padma à l’ouest et tournez-vous vers la droite pour faire
face au nord, le dernier point cardinal. Gardez les yeux fermés, restez
concentré et imprégnez-vous de l’énergie du nord pendant quelques
instants. Cette famille est la famille Karma. Sa couleur est le vert et son
élément est l’air. Son symbole Karma est l’épée ou le double vajra. Ses
poisons sont la jalousie, la compétitivité, la hâte et le penchant à
l’ergomanie. La famille Karma est encline aux comparaisons à caractère
paranoïaque et à la précipitation. Sa sagesse est tout-accomplissante, celle
de l’action éveillée qui veut mener à bien toutes les aspirations karmiques,
celle qui se fie à l’énergie existant en soi et à l’état de flow plutôt qu’à la
force.
La dakini Karma est légère, aérienne, toujours en mouvement; elle est
toujours en chemin, elle va là où elle a quelque chose à faire. Le couteau
serpette dans sa main droite est orné d’une épée; elle presse contre son cœur
la coupe crânienne remplie du sang de la transformation du désir. Elle
danse, jambe droite levée, jambe gauche tendue. Le sceptre khatvanga, son
consort intérieur, repose dans le creux de son coude gauche. La sagesse
tout-accomplissante qui émane d’elle est si intense qu’elle s’enflamme. Sa
syllabe germe est SA.
DÉDICACE DU MÉRITE
Quand vous serez resté dans la vacuité aussi longtemps que vous l’aurez
jugé opportun, dédiez le mérite de cette méditation, l’accumulation
d’énergie positive que vous avez générée par cette transformation, à tous les
êtres sensibles.
14
Cheminer avec les dakinis
DÉDICACE DU MÉRITE
Dédiez le mérite de cette méditation, l’accumulation d’énergie positive que
vous avez générée par cette transformation à tous les êtres sensibles.
APRÈS LA MÉDITATION
En vaquant à vos occupations quotidiennes, imaginez que vous êtes la
dakini et que chaque personne que vous croisez est une manifestation de
votre mandala. Aux repas, vous nourrissez la dakini; quand vous vous
habillez, c’est elle que vous habillez. Dites-vous que le monde est devenu
une dimension de lumière. C’est la perception pure.
15
L’aménagement d’un autel au mandala dakini
Quand Sherab, ma fille aînée, a eu six ans, elle m’a demandé une
statue de Bouddha en me faisant savoir clairement qu’elle devait
être authentique. Pas question de lui offrir un jouet bouddha acheté
dans le quartier chinois. Son père lui a donc fait parvenir des États-
Unis une jolie statuette fabriquée par un ami qui avait appris les
techniques tibétaines traditionnelles du métal fondu.
La statue était creuse, l’ouverture étant fermée par une petite
plaque de métal à la manière tibétaine. Selon les coutumes du pays,
les statues de Bouddha sont remplies de substances sacrées, une
épine de cèdre est placée en leur centre avec des reliques fixées au
niveau des chakras, puis elles sont consacrées. Cependant, nous
n’avions pas placé d’épine au centre de la statuette et n’avions pas
consacrée celle-ci.
Sherab aimait son Bouddha plus que tous ses jouets. Elle avait
monté un autel élaboré et installé tous ses animaux en peluche
autour pour qu’ils puissent «écouter les enseignements». Quand on
lui donnait une friandise ou d’autres présents, elle en offrait à son
Bouddha.
En novembre 1982, Sherab, alors âgée de neuf ans, et moi
sommes allées au Népal. Elle se sentait profondément liée à la
culture bouddhiste. Les stupas – en fait tout ce qui relevait du
bouddhisme – provoquaient en elle une réaction profonde. Elle
passait ses journées à déposer aux stupas des offrandes généreuses
et, la nuit, elle voyageait en rêve dans des royaumes éblouissants et
recevait les enseignements des êtres de lumière.
À bord de l’avion qui nous ramenait à Delhi, elle a pleuré durant
tout le voyage.
— Pourquoi m’arraches-tu à ma maison?
Je m’en voulais beaucoup.
Quelques jours après notre retour à Rome, Sherab et Aloka
m’ont dit qu’il y avait quelque chose dans la statuette du Bouddha.
À l’époque, j’étais très occupée et je n’y ai prêté aucune attention.
Peu après, elles m’en ont reparlé. Cette fois, j’ai décidé de voir
ce qu’il en était. En secouant le Bouddha, j’ai compris que quelque
chose roulait à l’intérieur. J’ai retiré la plaque de métal et trouvé
dans la cavité un ringsel d’un blanc pur, de la taille d’un gros pois.
Les ringsels sont des reliques qui apparaissent dans les lieux sacrés
ou dans les cendres de lamas incinérés. Je n’avais jamais vu un objet
aussi blanc. Le ringsel rutilait. Il avait la consistance du sucre
cristallisé mais en beaucoup plus dense. On pouvait voir sur les
parois intérieures du Bouddha, dans lequel il avait «crû», des traces
blanches. […] La foi ouvre la voie à la magie68.
16
La création d’un mandala
La méthode que j’ai mise au point, Mandala Work With Your Hands™,
vous aidera à créer votre propre mandala. Ainsi que le dit Carl G. Jung:
«Toute activité manuelle nous met en relation avec des choses auxquelles
nous n’aurions sans doute pas pu accéder consciemment et nous amène,
par-delà l’intellect, à l’être profond qui peut alors trouver à s’exprimer.» Ce
peut aussi être thérapeutique et créateur.
Je vous donne ici quelques idées pour façonner votre propre mandala,
mais rien ne vous empêche d’imaginer le vôtre, d’en faire une courtepointe,
un tricot, une sculpture mandala ou même le texte d’une pièce de théâtre
mandala.
PREMIÈRE ÉTAPE:
• Asseyez-vous en silence quelques instants et notez ce que vous
ressentez.
• Visualisez votre mandala intérieur: vous en êtes la dakini centrale
entourée des autres dakinis de sa suite. Le centre de votre mandala est la
syllabe germe du chakra du cœur représentée par la dakini principale.
Prononcez les cinq syllabes germes pour créer l’énergie du mandala et
inviter les cinq dakinis à se manifester: BAM, HA, RI, NI, SA.
• Visualisez la lumière qui va de votre cœur à vos mains, puis aux
instruments que vous avez mis à votre disposition. Bénissez des mains
ce matériel.
• Quand vous êtes prêt, tracez un cercle. Au centre de ce cercle, tracez un
cercle plus petit pour figurer la famille Bouddha. Divisez le grand cercle
en quatre quartiers pour les familles Vajra, Ratna, Padma et Karma, à
main levée ou en les mesurant soigneusement à l’aide d’un compas,
d’une règle, etc.
• Dessinez ce qui vous vient à l’esprit en vous servant des couleurs de
chaque point cardinal et de ses nuances, si vous le pouvez (différentes
nuances de blanc, de bleu, de jaune, de rouge et de vert). Vous pouvez
dessiner les formes géométriques traditionnellement associées aux
éléments de chaque quartier, par exemple, des cercles pour l’eau et
Vajra, des carrés pour la terre et Ratna, des triangles pour le feu et
Padma, des demi-cercles pour l’air et Karma, des points ou de
minuscules cercles pour bindu et Bouddha. Vous pouvez aussi dessiner
des formes spontanées, des symboles, des animaux, des personnes, tout
ce qui vous inspire. Sentez-vous parfaitement libre à l’intérieur du
canevas de base.
DEUXIÈME ÉTAPE:
Quand vous êtes certain d’avoir terminé le mandala, regardez-le et posez-lui
des questions à voix haute ou tout bas. Notez les réponses que vous
recevrez dans votre journal.
Votre première question devrait être: «Quel est le principal message de
ce mandala?»
Posez ensuite des questions sur des aspects spécifiques du mandala ou
sur ce qu’il vous inspire. Laissez ensuite cette partie du mandala vous
répondre.
Demandez, par exemple: «Que signifie le cercle de la famille
Bouddha?»
Et laissez cette partie du mandala vous répondre. La réponse pourrait
être, par exemple: «Ce cercle représente la complétude que tu ressens quand
tu médites sur l’espace en regardant le ciel. C’est une méditation importante
que tu devrais pratiquer souvent.»
Bien entendu, le mandala ne vous parle pas vraiment; sa réponse vient
de vous. Mais le véhicule du mandala vous donne accès à des réponses
intuitives qui vous échapperaient sans doute dans une simple méditation.
Voici une autre question possible: «Que signifie la présence d’une jeune
fille dans la famille Karma?» La jeune fille peut ensuite répondre en son
propre nom: «Je représente ici l’enfant qui a toujours été contrainte de se
dépêcher pour en faire plus. Je veux être libre.»
Et encore une autre: «Pourquoi tant d’agitation dans la famille Ratna?»
Le mandala pourrait répondre: «Je reflète ta propre agitation. C’est ton
sentiment de ne pas être à la hauteur qui l’engendre.»
Et ainsi de suite.
Posez autant de questions que vous le voulez et, plus particulièrement,
celles qui se rapportent à la famille que vous explorez. Imaginez que le
mandala vous répond et notez ses réponses dans un carnet ou enregistrez-les
sur votre téléphone pour le réentendre plus tard.
Si vous vous contentez de contempler le mandala sans l’interroger, vous
ne recevrez pas de réponses directes.
TROISIÈME ÉTAPE:
Pour finir, posez les deux questions suivantes au mandala:
PREMIÈRE ÉTAPE:
• Asseyez-vous en silence quelques instants et notez ce que vous
ressentez.
• Visualisez votre mandala intérieur: vous en êtes la dakini centrale
entourée des autres dakinis de sa suite. Le centre de votre mandala est la
syllabe germe du chakra du cœur, représentée par la dakini principale.
Prononcez les cinq syllabes germes pour créer l’énergie du mandala et
inviter les cinq dakinis à se manifester: BAM, HA, RI, NI, SA.
• Visualisez la lumière qui va de votre cœur à vos mains, puis aux
instruments que vous avez mis à votre disposition. Bénissez des mains
ce matériel.
• Quand vous êtes prêt, tracez un cercle sur le sol ou dans le sable avec un
bâton. Divisez ensuite ce cercle en quatre quartiers pour les familles
Vajra, Ratna, Padma et Karma en laissant un espace au centre pour
accommoder la famille Bouddha. Disposez ensuite dans ces quartiers les
objets qui vous semblent correspondre le plus à chacune des familles.
DEUXIÈME ÉTAPE:
Interrogez le mandala comme il vous a été indiqué dans la section
«Dessiner un mandala de dakinis». Posez-lui toutes les questions qui vous
viennent à l’esprit, plus particulièrement celles qui concernent la famille
que vous explorez en ce moment. Laissez le mandala vous répondre et
notez ses réponses dans votre journal.
TROISIÈME ÉTAPE:
Pour finir, posez les deux questions suivantes au mandala:
PREMIÈRE ÉTAPE:
• Asseyez-vous en silence quelques instants et notez ce que vous
ressentez.
• Visualisez votre mandala intérieur: vous en êtes la dakini centrale
entourée des autres dakinis de sa suite. Le centre de votre mandala est la
syllabe germe du chakra du cœur, représentée par la dakini principale.
Prononcez les cinq syllabes germes pour créer l’énergie du mandala et
inviter les cinq dakinis à se manifester: BAM, HA, RI, NI, SA.
• Visualisez la lumière qui va de votre cœur à vos mains, puis aux
instruments que vous avez mis à votre disposition. Bénissez des mains
ce matériel.
• Quand vous êtes prêt, tracez un cercle. Au centre de ce cercle, tracez un
cercle plus petit pour figurer la famille Bouddha. Divisez ensuite le
grand cercle en quatre quartiers pour les familles Vajra, Ratna, Padma et
Karma en laissant un espace au centre pour accommoder la famille
Bouddha. Disposez ensuite dans ces quartiers les objets qui vous
semblent correspondre le plus à chacune des familles, en vous fiant à
votre intuition.
DEUXIÈME ÉTAPE:
Interrogez le mandala comme il vous a été indiqué dans la section
«Dessiner un mandala de dakinis». Posez-lui toutes les questions qui vous
viennent à l’esprit, plus particulièrement celles qui concernent la famille
que vous explorez en ce moment. Laissez le mandala du jeu de sable vous
répondre et notez ses réponses dans votre journal. Certaines figurines du jeu
de sable peuvent aussi répondre en leur nom propre.
Par exemple, si vous avez placé un cheval blanc dans l’espace réservé à
la famille Bouddha, demandez-lui: «Que fais-tu dans mon mandala?»
Le cheval blanc pourrait répondre: «Je suis au centre du mandala parce
que je représente la liberté et l’espace sauvage. Je veux te faire connaître
l’immensité de la liberté.» Ce n’est là qu’un exemple parmi plusieurs.
Laissez les miniatures que vous disposerez dans le mandala vous inspirer
vos questions et vos réponses.
TROISIÈME ÉTAPE:
Pour finir, posez les deux questions suivantes au mandala:
PREMIÈRE ÉTAPE:
• Allongez-vous confortablement, la tête appuyée sur un coussin ou
autrement, de façon à être parfaitement détendu. Ayez de quoi écrire à
portée de la main: du papier, le journal de votre travail sur les dakinis,
ou un grand cahier à dessin où vous tracez aussi des mandalas.
• En commençant par le moment présent, nous reculerons dans le temps
tout en explorant le schéma obscur ou le poison qui correspond à la
famille que vous aurez choisie. Nous examinerons aussi comment ce
schéma s’est manifesté dans votre vie. Cet exercice vous donnera un
point de référence intérieur.
• Allongez-vous confortablement et fermez les yeux. Prenez quelques
instants pour vous ancrer là où vous êtes; entrez en contact avec la terre
au-dessous de vous, sentez qu’un cordon invisible vous relie à son
noyau.
• Décidez de ne voir que ce qui vous sera utile. Ensuite, soyez
sincèrement motivé à pratiquer cette méditation pour le bien de tous.
DEUXIÈME ÉTAPE:
• Passez mentalement en revue les derniers jours en vous arrêtant aux
moments où se sont manifestés les schémas obscurs de la famille que
vous explorez (par exemple, l’ignorance de la famille Bouddha, la
colère de la famille Vajra, l’orgueil de la famille Ratna, le besoin
irrésistible de la famille Padma et l’envie de la famille Karma). Ne
travaillez qu’avec une seule famille par régression. Remarquez ce qui
arrive. (Pause.)
• Inspirez profondément et, en expirant, passez mentalement en revue les
derniers mois. Notez toutes les fois que vous avez été tenté de céder aux
poisons de cette famille. Observez-vous, remarquez ce qui se passe et ce
qui déclenche ces comportements. (Pause.)
• Inspirez profondément et, en expirant, passez mentalement en revue
l’année qui vient de s’écouler; les schémas obscurs de cette famille sont
très évidents. Votre souffle vous ramène en arrière, vous voyez vos
comportements négatifs, vous vous arrêtez à des occurrences précises.
Notez ce que vous ressentez. (Pause.)
• Inspirez profondément et expirez lentement tout en passant en revue
votre vie adulte. Remarquez les occasions où ce schéma a été plus
prononcé que d’habitude. Notez ce qui se passe, ce que vous ressentez
physiquement quand vous constatez votre vulnérabilité à ce poison.
(Pause.)
• Tout est clair quand vous respirez profondément; voyez comment ce
schéma obscur vous domine. Notez les moments où il s’est imposé avec
fermeté. Ne voyez que ce qui vous est utile… et ce que vous êtes
disposé à regarder. (Pause.)
• Inspirez profondément. En expirant, remontez jusqu’à la fin de votre
adolescence, puis jusqu’à la pré-adolescence. Regardez-vous à la fin de
vos études secondaires, et au tout début. Que faisiez-vous à cette
époque? Comment ce schéma obscur se manifestait-il? Notez ce qui se
passe. Observez des circonstances précises. (Pause.)
• Inspirez profondément… l’air emplit votre abdomen, puis vous expirez
lentement. Votre souffle vous transporte jusqu’à votre enfance. Notez
vos interactions avec vos parents, votre fratrie… ce qui se passe à
l’école ou avec vos amis… Ne voyez que ce qui peut vous être utile.
(Pause.)
• Inspirez profondément. Quand vous expirez, votre souffle vous
transporte à l’âge de quatre ans, trois ans, deux ans, un an. Vous
apprenez à marcher. Retrouvez, le cas échéant, des manifestations de ce
schéma obscur dans votre famille. Quels comportements remarquez-
vous? (Pause.)
• Inspirez profondément. À l’expiration, vous redevenez bébé.
Recherchez l’origine de ce poison. (Pause.)
• Inspirez profondément. En expirant, vous reculez jusqu’à votre
naissance, puis vous voilà dans le ventre de votre mère. Ressentez les
interactions entre vos parents. Quel effet cela vous fait-il d’être dans le
ventre de votre mère? (Pause.)
• Inspirez profondément. Quand vous expirez, c’est le moment de votre
conception. Que se passe-t-il entre vous et vos parents? Qu’est-ce qui
vous attire, vous aimante? Cela a-t-il quelque chose à voir avec cette
famille Bouddha? (Pause.)
TROISIÈME ÉTAPE:
• Comme un oiseau, survolez toute votre vie depuis le moment de votre
conception et passez en revue le schéma obscur dont vous avez été
témoin. Visualisez clairement, avec le plus de précision possible, le
développement de vos comportements poisons et leurs récurrences, de
votre conception à aujourd’hui, en passant par la naissance, la petite
enfance, l’enfance, l’adolescence, la vie adulte et l’année qui vient de
s’écouler.
• Quand vous êtes prêt, asseyez-vous et ouvrez les yeux. Transcrivez dans
votre journal tout ce que vous vous rappelez de ce parcours. En faisant
cet exercice avec chacune des cinq familles, les informations que vous
récolterez vous aideront grandement à comprendre les schémas affectifs
qui vous relient à chacune d’elles. Elles vous seront aussi utiles quand
vous voudrez surmonter ces schémas à l’aide de la méthode Feeding
Your Demons®, de la méditation dakini guidée, des dessins de mandalas
ou par les autres moyens qui vous sont suggérés dans ce livre.
Je tiens à préciser que tout ce que j’ai dit sur le mandala de la dakini a
son origine dans le bouddhisme mahayana et se fonde par conséquent sur la
compassion, la vacuité et la nécessité de venir en aide à autrui par chacune
de nos pensées et chacun de nos gestes. Le mandala procède de la profonde
certitude que tout ce qui vit est interdépendant. Nous reconnaissons aussi
que la vraie nature de tout phénomène est la vacuité et que les apparences
sont l’expression radieuse de la base de l’être. Quand les pages de ce livre
nous rappellent l’importance du féminin souverain, comme l’histoire de
Tara que j’ai relatée dans l’introduction, il faut garder à l’esprit que, dans
l’absolu, le genre n’est qu’une autre des illusions auxquelles nous nous
agrippons avec force.
Cela n’empêche pas que, comme l’a dit Tara, dans le monde réel
«[n]ombreux sont ceux qui aspirent à l’Éveil en tant qu’hommes, mais rares
sont ceux qui veulent servir les êtres en tant que femmes. Je jure de
continuer à me manifester dans un corps de femme pour aider tous les êtres
jusqu’à ce que l’océan de l’existence se soit asséché69». Elle fait ce vœu
non seulement pour atteindre l’Éveil, mais pour que toutes nos voix soient
entendues: pour le respect des droits humains, pour que cessent la violence,
le viol et le harcèlement sexuel, et pour que la condition féminine fasse
toujours partie des décisions qui nous affectent tous.
Un des aspects très positifs de la Marche des femmes de 2017 a été la
solidarité joyeuse qui a uni les hommes et les femmes. Une résolution
féroce à la fois ludique et bienveillante a caractérisé l’action pourtant
profondément grave des participantes et des participants coiffés de leur
bonnet «Pussy Power» à petites oreilles de chat. Jamais auparavant
n’avions-nous vu sur sept continents des manifestations simultanées
engageant des millions de personnes dans la joie et l’humour. Cette marche
est exemplaire de ce que serait la planète si les femmes étaient au pouvoir.
Votre parcours dans le Mandala des cinq dakinis vous a donné
l’occasion d’accéder à votre sagesse innée dans le contexte du mandala
traditionnel; il est à espérer que vous en aurez retiré de profondes
inspirations. Le cercle divisé en quatre quartiers qui s’unifient en son centre
est depuis des temps immémoriaux une allégorie du cosmos. Nous y avons
exploré les cinq familles: la spaciosité de la famille Bouddha, la lucidité
transparente de la famille Vajra, la présence enrichissante de la famille
Ratna, la chaleur et la créativité de la famille Padma, qui toutes trouvent
leur expression dans l’activité éclairée de la famille Karma. Ce
cheminement est une construction qui encadre l’évolution de votre sagesse
et de votre compassion, tandis que les dakinis font croître en vous le
pouvoir ineffable, le pouvoir sauvage, sage, instinctif, sexuel et féroce du
féminin sacré. En dépit des meilleures intentions du monde, nous souffrons
et faisons souffrir les autres quand nous ne sommes pas conscients de nos
schémas affectifs et que nous ne savons pas les transformer. Le mandala est
un plan d’ensemble universel en vue de notre guérison et notre complétude,
un modèle dans lequel nous incarnons les cinq dakinis de sagesse.
Imaginez un peu que toutes les femmes de la planète (et tous les
humains, quel que soit leur sexe) accèdent à cet aspect de leur être profond
et que, soutenues et recentrées par cette méditation profonde, elles se
portent à la défense de la paix, de la liberté et de la compassion. Imaginez
ce que ce serait si les millions de participantes à la Marche des Femmes
avaient rapporté chez elles le Mandala des cinq dakinis, médité dessus et
relié leur mandala à celui de toutes les autres méditantes sur les sept
continents. Nous vivrions dans un monde très différent. Retenons cette
vision, concrétisons-la en partageant le Mandala des cinq dakinis avec nos
amis et en méditant tous ensemble sur lui.
Tant que nous définirons notre statut, notre influence et notre apparence
en fonction des attentes de la société, nous ne connaîtrons jamais notre
pouvoir véritable ni sa portée. La force intérieure nécessaire pour mettre fin
à ce conditionnement nous vient de la méditation sur le mandala de la
dakini. Quand, par la concentration méditative, nos émotions se muent en
sagesse et que la lumineuse présence des dakinis se substitue à notre corps,
une métamorphose intérieure a lieu, qui préside ensuite à notre
transformation extérieure.
Nous voici parvenus à un moment de l’histoire où les femmes sont
appelées à manifester la sagesse du féminin souverain, dont nous savons
qu’il est respectueux de la nature et qu’il est conscient de l’interdépendance
des humains et du monde qui nous entoure. Puisque les femmes et la nature
ont toujours suivi des chemins parallèles, et puisque les femmes sont au
premier rang de la sensibilisation à l’environnement, si elles reprennent les
rênes de leur pouvoir et l’exercent à travers le monde, elles apporteront des
solutions à nos problèmes environnementaux, rétabliront l’équilibre et le
bien-être planétaires et construiront une culture de la paix.
Remerciements
Avant tout, je tiens à remercier mes maître tibétains et tous ceux qui
cherchent à préserver leurs précieux enseignements, si uniques et si
décisifs. Puisse le monde entier tirer avantage des enseignements
bouddhistes et de leur générosité infinie. Je suis particulièrement
reconnaissante à mon maître Chögyam Trungpa Rinpoché qui, dans les
années 1970, a introduit en Occident dès ses tout premiers sermons les
enseignements du mandala et des cinq familles de bouddhas. Son influence
a été déterminante dans ma découverte et mon approfondissement du
mandala, il y a si longtemps, tant par ses enseignements des cinq familles
que de sa transmission de la pratique de Vajrayogini. J’aimerais également
remercier mon maître Chögyal Namkhai Norbu Rinpoché qui m’a initiée
aux enseignements du Dzogchen et qui en a été pour moi la figure
exemplaire depuis notre rencontre en 1978. J’adresse aussi des
remerciements à Gochen Tulku Sang-ngag Rinpoché sur qui je m’appuie
depuis l’ouverture de Tara Mandala en 1994. Il a présidé à chaque détail du
développement du centre, en plus de m’apporter une aide personnelle de
mille et une façons, dont celle de me conseiller pendant la rédaction de cet
ouvrage.
Merci à Patti Watcher qui, à la manière d’une dakini, m’a mise en
contact avec mon éditrice, Zhena Muzyka, fondatrice de Enliven, à
l’enseigne d’Atria, une des maisons du groupe Simon & Schuster. Elle a
sur-le-champ compris et soutenu l’initiative de ce livre. Merci à Emily Han,
mon éditrice intellectuelle, pour son excellence et sa souplesse. Merci aussi
à Ulli Jaklin, mon assistante si douée et si dévouée. Elle m’a apporté son
soutien durant toute la rédaction de ce livre, en obtenant les permissions
nécessaires à la reproduction des illustrations et des photos, en effectuant
des recherches, en gérant mon calendrier d’enseignement, en soignant les
chevaux et en faisant tout ce qui permet au quotidien de se dérouler en
souplesse. Un grand merci à Bodhi Stroupe pour les diagrammes des cinq
familles de bouddhas et à Matthew Cannelle pour son aide dans la mise au
point de l’iconographie. Je remercie en outre Jenny Terbell pour sa révision
des versions préliminaires du manuscrit et John Cunningham pour ses
conseils concernant l’élaboration du livre et pour ses recommandations.
J’exprime par-dessus tout ma reconnaissance à ma réviseure Resa Alboher,
qui ne m’a pas ménagé ses encouragements et qui a consacré de
nombreuses heures de travail à la préparation de la version définitive de
mon manuscrit, malgré de sérieux ennuis de santé.
Merci à Amy Chender pour ses remue-méninges, d’avoir compris
l’importance de ce livre et de m’avoir aidée à le mettre au monde. Pour leur
aide et leurs conseils, j’adresse aussi des remerciements sentis à Paulette
Cole, Ellen Booth Church, Jeff Tipp, Adriano Clemente, Don Milani, Ken
Greem, Martin Kalff, Cynthia Rubenstein, Laura May (PJ) Pavicevic-
Johnston, Sandy Gougis, Lore Zeller, Naomi Levine, Lama Gyurme,
Acharya Malcolm Smith et Jacqueline Gens.
Ma gratitude va à toutes les personnes associées de près ou de loin à
Tara Mandala: Lopön Chandra Easton, Lopön Charlotte Rotterdam, Reid
Meador, Kimberly Rettenwander, Clinton Soence, Aly O’Desky, Laura
Vitale, Ingrid Li, Ani Thubten Palmo, Natalie Baker, ainsi que tous les
occupants de Tara Mandala qui m’ont soutenue chacun à leur façon pendant
la rédaction de ces pages. Un merci tout particulier va à Susan Szpakowski,
Bridget Bailey, Carol Bailey, Sarah Jacoby et Michelle Stransky pour leur
lecture du manuscrit et leurs commentaires. Merci à feu mon mari, qui m’a
accompagnée dans la pratique du mandala et qui a toujours cru à
l’importance de mes écrits.
Ma reconnaissance la plus profonde est celle que j’adresse à mes
enfants et à ma belle-fille pour leur amour et leur soutien indéfectibles:
Sherab, Aloka et Costanzo, et ma belle-fille Cady Allione. Merci à mes
petits-enfants: Luna Violet Sands (qui a dessiné des mandalas avec moi et
m’a inspiré des façons de pratiquer le mandala avec des enfants), Truman
James Sands, Otto Ziji Adolphi, Enzo Tashi Adolphi, Bodhi Archer Allione
et Jalu James Allione. Ils enrichissent immensurablement ma vie.
Lama Tsultrim et ses trois enfants: Sherab Kloppenburg (à gauche), Costanzo Allione (derrière) et
Aloka Sands (à droite). Photographie de Deborah Howe.
Famille de Lama Tsultrim, Kauai, Hawaii, 2017. De gauche à droite en commençant par le dernier
rang: Aloka Sands tenant dans ses bras Truman James Sands, Eric Adolphi, mari de Sherab
Kloppenburg, Sherab Kloppenburg tenant dans ses bras Enzo Tashi Adolphi, Costanzo Allione tenant
dans ses bras Jalu James Allione, Cady Allione tenant dans ses bras Bodhi Archer Allione, Lama
Tsultrim avec Otto Ziji Adolphi et Luna Violet Sands.
Foire aux questions
Est-ce que je peux faire cela à l’improviste? Si, par exemple, je reçois
un coup de fil qui me met hors de moi et que je ne peux pas
interrompre ce que je suis en train de faire pour aller méditer, qu’est-ce
que je peux faire?
Selon mon expérience, une solution très efficace consiste à prononcer la
syllabe germe à l’instant, silencieusement si nécessaire. Imaginez le son et
la lumière, travaillez avec la couleur de la famille concernée par votre
émotion et restez attentif à l’énergie qui circule en vous. Prenez quelques
instants pour être présent, pour remarquer que vous êtes «vraiment fâché»
et pour noter l’endroit du corps où cette colère se manifeste – vous serrez
les mâchoires, votre cœur bat à tout rompre, vos épaules se tendent. Prenez
conscience de ce que vous ressentez physiquement et transformez cette
sensation à l’aide du son et de la lumière, puis devenez la dakini qui
correspond à l’émotion qui a été déclenchée. Vous êtes en quelque sorte un
spécialiste de la transformation rapide. Vous verrez, c’est efficace. Au lit, la
nuit, quelque chose ou quelqu’un vous inquiète et vous empêche de dormir.
Faites immédiatement cette pratique, laissez-la trancher dans ce qui vous
ronge et restez dans l’énergie de la sagesse.
La méditation assise n’est pas indispensable au travail sur le mandala.
Mais sachez que cette pratique spontanée ne saurait en aucun cas se
substituer à la méditation. N’oubliez jamais que tout ce qui compte dans la
vie demande des efforts et de l’assiduité. Vous ne serez jamais un grand
coureur si vous ne courez jamais, vous ne serez jamais un grand skieur si
vous ne skiez jamais. Il faut s’entraîner. Il en va de même de la méditation
mandala. Si on ne s’entraîne pas, les résultats se font attendre. C’est le cas
de tout ce que nous entreprenons dans la vie.
Je vous encourage fortement à méditer chaque jour à la même heure,
consciencieusement, et si vous voulez approfondir votre pratique, à vous
inscrire au programme Magyu: The Mother Lineage (Magyu: la Lignée
Mère). (Voir page 346.) En général, il est bon de méditer tôt le matin, avant
de commencer la journée. Participer aux retraites collectives Dakini
Retreats est aussi très positif, mais vous pouvez également faire des
retraites individuelles d’un jour ou d’une semaine. Si vous ressentez le
besoin de faire une retraite plus longue, je vous invite à travailler sous la
direction d’un maître agréé de Tara Mandala (voir taramandala.org).
Appendice A: Mandala des cinq dakinis, version
abrégée
LE REFUGE
Visualisez le Mandala des cinq dakinis en tant qu’essence de tous les
refuges. La dakini Bouddha blanche occupe le centre. La dakini Vajra bleue
lui fait face; à sa droite se trouve la dakini Ratna jaune; la dakini Padma
rouge est derrière la dakini Bouddha et la dakini Karma verte est à la
gauche de cette dernière.
La prise de refuge:
NAMO:
Je prends refuge dans les trois joyaux:
Bouddha, Dharma et Sangha.
Je prends refuge dans les trois racines:
Lama, Yidam et Dakini.
Je prends refuge dans le triple corps, ma vraie nature:
Le corps de vacuité, Dharmakaya,
Le corps de jouissance, Sambogakaya,
Et le corps d’émanation, Nirmanakaya.
LA DISSOLUTION
Dissolvez chacune des dakinis de sa suite dans la dakini Bouddha en
commençant par la dakini Vajra bleue. Elle se dissout d’abord en une
lumière bleue, puis se dissout dans le cœur de la dakini Bouddha du centre,
et la lumière bleue se répand dans votre corps qui est devenu la dakini
Bouddha. Sentez cette lumière circuler en vous. Prononcez les autres
syllabes germes et dissolvez de la même manière dans la dakini Bouddha la
dakini Ratna, la dakini Padma et la dakini Karma. Chaque fois, sentez la
couleur de la dakini tourbillonner en vous. Quand tout est fini, le corps de la
dakini Bouddha est un maelström de lumière aux couleurs de l’arc-en-ciel.
Quand vous prononcez la syllabe germe BAM dans la vacuité, elle se
dissout à son tour.
Restez dans la présence vide, radieuse et naturelle qui s’ensuit.
Redevenez le Mandala des cinq dakinis pour formuler la dédicace du
mérite.
DÉDICACE DU MÉRITE
Que le mérite produit par l’accomplissement de cette pratique du Mandala
des cinq dakinis amène promptement tous les êtres à la réalisation des cinq
sagesses et des cinq lumières et que, par cette dédicace, tous les êtres
sensibles sans exception atteignent la libération.
Appendice B: Attributs des cinq familles de bouddhas
Ressources complémentaires
Le centre de retraite Tara Mandala a été créé en 1994 par Lama Tsultrim
Allione et feu son mari, David Petit, afin de favoriser le développement de
la sagesse intérieure pour le bien de tous les êtres sensibles. Nous sommes
une dynamique communauté internationale bouddhiste ayant des groupes
dans le monde entier. Le cœur de la communauté est son centre de retraite
de près de quatre cents hectares à Pagosa Springs (Colorado), à quatre-
vingt-seize kilomètres de Durango (Colorado) et à deux cent quarante
kilomètres de Santa Fe (Nouveau-Mexique).
Nous offrons un programme intégral de pratique de la méditation,
d’étude et de retraite profonde selon la tradition du bouddhisme vajrayana.
Nous avons mis au point deux voies de pratique centrées sur les
enseignements de Machik Labdrön, yogini tibétaine du XIe siècle et
fondatrice de la tradition du Chöd – Le programme Magyu: The Mother
Lineage (Magyu: la Lignée Mère), et le programme Gateway (L’Entrée), la
lignée de Dzinpa Rangdrol.
LE PROGRAMME GATEWAY
(L’ENTRÉE)
Gateway (L’Entrée), un programme qui s’échelonne sur dix ans, s’adresse
aux pratiquants dévoués qui, tout en ne pouvant pas faire une longue
retraite, souhaitent intégrer intensément la pratique à leur vie quotidienne et
mener à terme les pratiques de la retraite de trois ans. Le programme
rassemble toutes les pratiques de la retraite solitaire traditionnelle de trois
ans dans la lignée de Dzinpa Rangdrol reçue de Do Khyentse Yeshe Dorje,
mais adaptées au pratiquant d’aujourd’hui qui s’engage à faire des retraites
profondes et à méditer deux heures par jour. L’établissement de cette lignée
a lieu à Tara Mandala avec l’approbation et sous l’aimable direction de
Tulku Sang-ngag Rinpoché qui a reçu ce cycle de son maître, le grand
Dilgo Khyentse Rinpoché.
Pour en apprendre davantage sur les enseignements, les programmes et
les retraites de Lama Tsultrim, consulter le site taramandala.org.
Contact:
info@taramandala.org
Tara Mandala
P.O. Box 3040
Pagosa Springs, CO 81147
(907) 731-3711
DORJE. Terme tibétain qui traduit le sanscrit vajra et qui signifie à la fois
«diamant», «reine des pierres» et «foudre». Employé comme adjectif, il
signifie «indestructible, invincible, ferme, stable». Ce mot sanscrit est
souvent traduit par «adamantin». Le foudre est l’arme divine invincible qui
peut venir à bout de toutes les situations. Son aspect adamantin évoque la
concentration et la précision du laser quand il tranche dans la matière. Le
Vajra est un sceptre tenu dans la main droite; il représente les moyens
habiles et le masculin sacré.
KYIL KHOR. Mot tibétain qui traduit mandala: kyl signifie «centre» et
khor «la périphérie du centre» ou «le tourbillon à la périphérie du centre».
Le mandala tibétain désigne un cercle de pure essence divisé en quatre
quartiers. Sa circonférence enflammée empêche les énergies invasives
d’entrer. Il existe des centaines de mandalas bouddhistes différents. Tous
s’axent autour d’un noyau central carré réparti en quatre sections ou points
cardinaux, à partir duquel rayonne le reste du mandala et vers lequel celui-
ci retourne. Les mandalas tibétains sont des palais symboliques
tridimensionnels, lieux de résidence des divinités qui, à leur tour,
symbolisent les vertus de l’Éveil.
MANDALA. Mot sanscrit qui se traduit par «cercle». On peut aussi y lire
les mots manda, soit «suprême» ou «le meilleur» et la, soit «jalon» ou
«achèvement». Réunis, ces mots signifient «le lieu de l’essence ultime». Le
mandala dans sa forme la plus ancienne fait son apparition au IIIe siècle de
notre ère, mais se répand en Inde durant la période du bouddhisme
tantrique, soit entre 500 et 1200, avant de se propager à la Chine, à la
Corée, au Japon et à la Malaisie sur les traces du bouddhisme vajrayana.
Dès les premiers textes védiques, le terme mandala désigne une enceinte
sacrée, le lieu d’une pratique spirituelle ou d’un rituel. Sa représentation la
plus répandue est celle du cercle réparti en quatre quartiers et axé autour
d’un noyau séminal. Il reflète la structure de l’univers sous toutes ses
facettes, du plus infime microcosme au macrocosme infini.
RAGA. Mot sanscrit qui traduit «passion» et qui désigne aussi la couleur,
plus précisément le rouge, et un genre musical indien. Les ragas étant liés à
une émotion, le rouge est lié à celles-ci. Le rouge de Padma est brillant,
envoûtant, flamboyant et reflète son élément, le feu, soit le feu de la
digestion, du sang qui court dans nos veines, le feu qui nous réchauffe,
l’énergie du soleil, l’énergie vitale.
RANG NGO SHE. Expression tibétaine qui veut dire «connaître son
propre visage». Cette expression est importante car, paradoxalement, notre
visage ne nous quitte jamais, exactement comme la sagesse primordiale,
pourtant nous ne le voyons pas à moins de nous regarder dans une glace. Et
bien que ce visage ne nous quitte jamais, si les miroirs n’existaient pas nous
ne pourrions connaître notre visage qu’en le touchant. C’est par la
méditation, qui est en quelque sorte un reflet puisque nous tournons notre
esprit vers l’énergie qui se déplace vers l’extérieur, que nous apprenons à
connaître notre vraie nature, notre vrai visage.
RINGSEL. Mot tibétain pour désigner les reliques qui apparaissent dans
les lieux sacrés ou dans les cendres provenant de la crémation d’un lama.
Elles sont le plus souvent blanches, mais peuvent aussi être d’une des cinq
couleurs. Elles se reproduisent spontanément.
SADHANA. Pratique spirituelle du vajrayana. Le sens littéral de ce mot
sanscrit est «moyen d’accomplissement».
SOI. Le «Soi» auquel réfère Carl G. Jung n’est pas le soi égocentrique
(ego) du bouddhisme, mais celui qui renvoie à l’individu différencié.
TANTRA. Quelque neuf cents ans après la présence du Bouddha sur terre,
la fusion du tantra et du bouddhisme a donné naissance en Inde au
bouddhisme vajrayana et son idéal du siddha, c’est-à-dire le profane qui
atteint l’Éveil en intégrant sa pratique, qui inclut les relations amoureuses et
la sexualité, à sa vie quotidienne. Le bouddhisme tantrique, aussi appelé
bouddhisme vajrayana (ou véhicule du diamant), est infiniment plus
complexe que le néo-tantra et s’ancre dans la méditation, le yoga des
divinités, les mandalas, le yoga dont la pratique implique indispensablement
une transmission de maître à disciple. Le tantrisme se sert de la
visualisation créative, du son et des positions codifiées des mains (mudras)
pour engager l’être entier dans la méditation. Sa pratique sollicite et engage
l’être dans son intégralité. Il ne doit pas être confondu avec le néotantrisme
(ou néo-tantra), une pratique sexuelle enseignée en Occident.
TROIS KAYAS. Le mot sanscrit kaya se traduit par «corps». Les trois
kayas sont les trois dimensions spirituelles. La première, le dharmakaya, est
le corps de vacuité de l’Éveil. La deuxième, le sambhogakaya, est le corps
de félicité, le plan de l’illumination. La troisième, le nirmanakaya, le corps
d’émanation de l’Éveil, le corps physique représenté dans notre monde par
le Bouddha ou le Dalaï-Lama.
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America, Boston, Beacon Press, 1995, p. 136.
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Anderson, Sherry Ruth et Patricia Hopkins. The Feminine Face of God: The Unfolding of the
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4. Ibid.
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2017, publié par Harriet Agerholm le 21 septembre 2017,
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12. Chenoweth, Erica et Jeremy Pressman. «This Is What We Learned by Counting the Women’s
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29. Ibid., p. 87.
30. Allione, Tsultrim. Women of Wisdom, p. 23.
31. Ibid., p. 106.
32. Shaw, Miranda. L’éveil passionnément: les femmes dans le bouddhisme tantrique, traduit de
l’anglais par Muriel Mireur, Paris, Éditions Deux océans, 2016.
33. Ibid., p. 74.
34. Ibid., pp. 155-56.
35. Ibid., p. 157.
36. Ibid., pp. 38-39.
37. Chapitre sur la relation avec les dakinis protectrices locales, Les cent mille chants de Milarépa,
Paris, Fayard, 2006.
38. Ibid.
39. Allione, Tsultrim. Women of Wisdom, pp. 106-107.
40. Shaw, Miranda. L’éveil passionnément: les femmes dans le bouddhisme tantrique.
41. Allione, Tsultrim. Women of Wisdom, p. 121.
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43. Mackenzie, Vicki. Un ermitage dans la neige: l’itinéraire d’une Occidentale devenue nonne
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44. Ibid., p. 133.
45. Haas, Michaela. Dakini Power: Twelve Extraordinary Women Shaping the Transmission of
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46. Jeu d’illusion. Vie et enseignement de Naropa, Paris, Points, 1997.
47. Clifford, Terry. La médecine tibétaine bouddhique et sa psychiatrie: la thérapie de diamant,
avant-propos de Sa Sainteté le Dalaï-Lama, introduction de Lokesh Chandra, Paris, Dervy,
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48. Shaw, Miranda. Lettre personnelle à Tsultrim Allione, 1988.
49. Shaw, Miranda. L’éveil passionnément: les femmes dans le bouddhisme tantrique.
50. Allione, Tsultrim. Nourrir ses démons: Utilisez la sagesse ancienne pour résoudre vos conflits
intérieurs, traduit de l’américain par Jacques Vaillancourt, Montréal, Le Jour, 2009.
51. Trungpa, Chögyam. The Tantric Path of Indestructible Wakefulness: The Profound Treasury of
the Ocean of Dharma, Vol. 3, Boston et Londres, Shambhala Publications, 2013, p. 296.
52. Trungpa, Chögyam. Transcript 5 Buddha Seminar Talk 2 (inédit).
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54. Shakespeare, William. La Tempête, Paris, Flammarion, 2014.
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56. Levine, Norma. The Miraculous 16th Karmapa: Incredible Encounters with the Black Crown
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57. Tatkin, Stan. Wired for Love: How Understanding Your Partner’s Brain and Attachment Style
Can Help You Defuse Conflict and Build a Secure Relationship, Oakland, New Harbinger
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58. Sue Johnson. Serre-moi fort!, Paris, First Éditions, 2013.
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60. Rinpoche, Tsoknyi. «Tsoknyi Rinpoche on Lung», Tibet and Buddhism (28 mars 2012),
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61. «New Report Finds 43 Percent Increase in ADHD Diagnosis for US Schoolchildren», Science
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62. Richard Saul. ADHD Does Not Exist: The Truth About Attention Deficit and Hyperactivity
Disorder, New York, HarperCollins, 2014.
63. Jung, C. G. Synchronicité et Paracelsica, Paris, Albin Michel, 2001.
64. Ibid.
65. Le Noble Chemin (ou Sentier) Octuple de l’Éveil est la quatrième des Quatre Nobles Vérités,
premier enseignement du Bouddha. Il comprend la vision juste, la pensée juste, la parole juste,
l’action juste, les moyens d’existence justes, la persévérance juste, l’attention juste et la
concentration juste.
66. Les huit bijoux d’ossements: couronne, boucles d’oreilles, collier court, collier long, ceinture,
bracelets aux poignets, aux bras et aux chevilles.
67. Jung, C. G. Ma Vie. Souvenirs, rêves et pensées recueillis et publiés par Aniela Jaffé, nouvelle
édition revue et augmentée d’un index, Paris, Éditions Gallimard, 2012.
68. Allione, Tsultrim. Women of Wisdom, p. 43.
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70. Ibid.
71. Michaela Haas. Dakini Power, pp. 1-2.
Bibliographie
Page 46: Pèlerins tournant autour du stupa dans le sens des aiguilles d’une
montre tout en actionnant des moulins à prières – Swayambhunath.
Photographie de Jorge Lascár. Source:
https://www.ickr.com/photos/jlascar/17228237094/sizes/o/. Sous license
Creative Commons 2.0.
Pages 178, 202, 222 et 246: Détails du Vajra Varahi. Province de Kham, est
du Tibet; XVIIIe siècle; pigment minéral en poudre sur coton. Rubin
Museum of Art. Don de la Fondation Shelley et Donald Rubin,
C2006.66.396 (HAR 839).
Page 181: Moon and Half Dome. Copyright © The Ansel Adams
Publishing Rights Trust.
Note de l’auteure
Introduction
Conclusion
Remerciements
Foire aux questions
Appendice A: Mandala des cinq dakinis, version abrégée
Appendice B: Attributs des cinq familles de bouddhas
Ressources complémentaires
Suggestions de lecture
Glossaire
Notes
Bibliographie
Autorisations
Les pouvoirs du féminin sacré: ce que le bouddhisme apporte aux femmes
ISBN EPUB 978-2-89044-909-1
09-18
Imprimé au Canada
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