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Minton's Playhouse

Club de jazz de Harlem, New York

Minton's
Playhouse

Le Minton's Playhouse
fait partie du Registre
national des lieux
historiques de New-York.
Type Club de jazz
Lieu Harlem
New York
États-Unis
40° 48′ 17″
Coordonnées
73° 57′ 12″ o
1938
Inauguration
Fermeture1974
(réouverture
2006)
Nb. de 1
salles
Direction Henry Minto
(1938)
Direction Teddy Hill (1
artistique
ProtectionInscrit au NR
(1985)

Le Minton’s Playhouse est un club de jazz situé au rez-de-


chaussée de l'Hotel Cecil au 210 West 118th Street dans le
quartier de Harlem. Il fut ouvert en 1938 par le saxophoniste ténor
Henry Minton[1]. C'est ici que s'est développé le jazz moderne,
connu aussi sous le nom de bebop, grâce aux jam sessions de
Thelonious Monk, Kenny Clarke, Charlie Christian, Charlie Parker
et Dizzy Gillespie, dans les années 1940. Le club entra dans une
phase de déclin à la fin des années 1960 avant de fermer en
1974[2].
Il a rouvert ses portes en 2006 sous le nom de Uptown Lounge at
Minton’s Playhouse après trente-deux ans de fermeture[3],[4].

Les débuts du club


Le premier propriétaire du club, Henry Minton, était bien connu à
Harlem pour avoir été le premier délégué syndical noir à
l'American Federation of Musicians Local 802[5]. Il fut également
le directeur du fameux Rhythm Club, situé lui aussi à Harlem au
début des années 1930, un club fréquenté par Louis Armstrong,
Fats Waller, James P. Johnson et Earl Hines[6]. Minton parvint à
faire de son club un endroit apprécié des plus grands musiciens
de New York[7].

Minton institua la tenue régulière de jam sessions dans son club,


qui montrèrent plus tard leur rôle prépondérant dans le
développement du bebop[8]. Grâce à ses relations, Minton pouvait
protéger les musiciens des amendes qu'ils auraient dû payer pour
leur participation à des jam sessions, une activité qui était
interdite par le syndicat[9]. Dizzy Gillespie raconte que des
délégués syndicaux se rendaient alors de clubs en clubs pour
prendre sur le fait les musiciens qui participaient à des jam
sessions, et leur faire payer des amendes "de cent à cinq-cents
dollars", mais qu'ils étaient "pour ainsi dire immunisés au Minton's
grâce à Henry Minton"[10]. Selon l'écrivain Ralph Ellison, le Minton's
Playhouse assurait "un refuge, une communauté homogène, où
cette collectivité aux expériences communes y trouvait continuité
et lieu d'expression"[11].

Les années 1940

De gauche à droite, Thelonious Monk, Howard McGhee, Roy Eldridge et Teddy Hill devant le Minton's Playhouse, New York (1947)

À la fin des années 1940, Minton engagea le chef d'orchestre


Teddy Hill pour diriger le club[1]. Poursuivant la même politique
que celle de Minton, Teddy Hill utilise ses contacts du Savoy
Ballroom (où son orchestre se produisait) et de l'Apollo Theater,
pour faire connaître le club[12]. Teddy Hill constitue un quartet-
maison avec Thelonious Monk au piano, Joe Guy à la trompette,
Nick Fenton à la contrebasse, et Kenny Clarke à la batterie[13]. Joe
Guy et Kenny Clarke faisaient partie du groupe de Teddy Hill avant
qu'ils ne se sépare en 1939[13],[14]. Selon Clarke, "Teddy Hill voulait
faire des choses pour ceux qui travaillaient avec lui", en leur
procurant du travail pendant les périodes difficiles[15]. Le quartet
du Minton's en 1941, avec comme invités habituels Dizzy Gillespie
et Charlie Christian, aura un rôle prépondérant dans l'émergence
du bebop au début des années 1940[14]. Plus tard, le saxophoniste
ténor Kermit Scott rejoindra l'orchestre du Minton's Playhouse[16].
Monday Celebrity Nights
Une particularité du Minton's Playhouse sous la direction de Teddy
Hill fut la tenue des célèbres Monday Celebrity Nights parrainées
par Schiffman, le propriétaire de l'Apollo Theater[9]. Schiffman
offrant souvent aux musiciens les repas et les boissons[9], la table
du Minton's devint presque aussi populaire que sa musique.

« Les lundis soirs, on faisait la fête. Tous les


musiciens de l'Apollo le lundi soir étaient invités au
Minton's, toute la bande. On faisait un vrai bœuf. Le
lundi soir c'était le grand soir, la soirée des
musiciens. Il y avait toujours quelque chose à
manger, c'était formidable. Teddy Hill savait traiter
ses gars. »
— Dizzy Gillespie, interviewé par Al Fraser en
1979[17].

Duos et duels
Lors des Monday Celebrity Nights, beaucoup de grands musiciens
tels que Roy Eldridge, Hot Lips Page, Ben Webster, Don Byas et
Lester Young venaient participer[18]. Les duels de trompette entre
Roy Eldridge et Dizzy Gillespie devinrent légendaires, Dizzy
dépassant parfois son maître. Interviewé par Al Fraser, Dizzy
Gillespie raconte comment, un soir, Thelonious Monk taquina
Eldridge après son duel avec lui : « Tu vois, tu étais censé être le
meilleur trompettiste du monde... Mais c'est lui [Dizzy] le
meilleur[19] ». Même si Eldridge était un musicien bien établi dans
le milieu du swing, il était très présent au Minton's, et il contribua
par ses encouragements à pousser Gillespie et Clarke vers de
nouvelles pistes[20].

Eldridge et les autres maîtres du swing qui participaient aux


cutting sessions  (en) du Minton's jouèrent un rôle important dans
l'évolution du swing vers le bebop en inspirant la génération
suivante de musiciens. Le jeune Sonny Stitt fut témoin des
grandes joutes musicales entre saxophonistes célèbres au début
des années 1940 :

« Est-ce que vous imaginez une jam session avec


Lester Young, Coleman Hawkins, Chu Berry, Don
Byas, et Ben Webster sur la même scène ? C'était au
Minton's Playhouse à New-York. C'est terminé
maintenant. Il n'y en a plus des comme ça. Et devinez
qui remportait ces batailles ? ... Don Byas à chaque
fois. »
— Sonny Stitt[21]

Herman Pritchard, qui tenait le bar du Minton's « à l'ancienne


époque », se souvient que Ben Webster et Don Byas « se battaient
comme des chiens avec leurs saxophones »[22]. Ralph Ellison
pense que ce qui se produisait au Minton's de 1941 à 1942 était
« un symposium permanent du jazz, une addition de tous les
styles personnels et traditionnels du jazz. »[22]

Charlie Christian et l'orchestre du Minton's


Le jeune Charlie Christian, l'un des pionniers de ce nouveau style
qui allait devenir le bebop, était le guitariste de l'orchestre de
Benny Goodman[23]. Il jouait tous les soirs au Minton's et en était
devenu une vedette[23]. Âgé de 25 ans en 1941, il meurt d'une
tuberculose le 2 mars 1942. Des enregistrements réalisés en 1941
par Jerry Newman, étudiant de l'Université Columbia, montrent
que le jeu de Charlie Christian était novateur[23] :

« Son travail ici me paraît fondamentalement créatif,


et il marque d'une certaine manière un nouveau
départ stylistique. En fait, il marque la naissance
d'un nouveau langage dans le jazz que même Charlie
Parker n'avait jamais poussé aussi loin à cette même
époque. »
— Gunter Schuller[24]

Bird et Dizzy
Peu de temps après le décès de Charlie Christian, Charlie Parker
commença à apparaître comme le nouveau leader du mouvement
bebop. Au Minton's Playhouse, les séances de Charlie Parker avec
Dizzy Gillespie, Thelonious Monk et Kenny Clarke continuaient à
développer les idées découvertes par Charlie Christian[25]. Avant
1942, Parker avait passé plus de temps au Clark Monroe's Uptown
House, un autre club de jazz de Harlem connu pour ses jam
sessions qui finissaient à l'aube, qu'au Minton's Playhouse[26].
Après avoir quitté l'orchestre de Jay McShann fin 1941, Parker est
engagé en 1942 dans celui de Earl Hines où il retrouve Dizzy
Gillespie, qu'il avait rencontré quelque temps auparavant[27]. C'est
à partir de ce moment-là que Parker "Bird" fait du Milton's son
quartier général :

« Les lundis soirs au Minton's, Bird et Dizzy faisaient


le bœuf. Il devait y avoir un millier de musiciens
dehors, qui essayent de rentrer pour écouter et pour
jouer avec Bird et Dizzy. Mais la plupart des
musiciens qui savaient n'espéraient même pas jouer
quand Bird et Dizzy étaient ensemble. On ne faisait
que s'asseoir dans le public, à écouter et à
apprendre. »
— Miles Davis[28]

Parker ne fut jamais officiellement membre de l'orchestre du


Milton's pendant cette époque, mais convaincus de son apport au
mouvement bebop, Clarke et Monk demandèrent à Teddy Hill de
l'intégrer à l'orchestre. Devant son refus, ils décidèrent alors de
payer Parker avec leurs propres cachets[29].
Après l'arrivée de Parker sur la scène de Harlem, vint une nouvelle
génération de musiciens. Miles Davis, Fats Navarro, Dexter
Gordon, Art Blakey, Max Roach, et de nombreux autres furent
attirés par le Minton's Playhouse[30]. Miles Davis "se fit les dents"
aux jam sessions du Minton's :

« La technique était d'arriver au Minton's avec sa


trompette, en espérant que Bird et Dizzy vous
invitent à monter sur scène. Et si ça arrivait, il valait
mieux ne pas vous louper... Il fallait chercher les
indices chez Bird et Dizzy, s'ils souriaient quand vous
aviez fini de jouer, c'est que vous aviez été bon. »
— Miles Davis[31]

Pouvoir jouer au Minton's


Le Minton's Playhouse était devenu si populaire à cette époque
que l'orchestre finit par mettre au point des techniques pour
repérer les musiciens qui ne pouvaient pas y jouer. D'après le
contrebassiste Milt Hinton, Gillespie demandait à l'orchestre de
jouer des standards, comme I Got Rhythm de Gershwin, sur des
tonalités tellement difficiles qu'elles étaient censées décourager
les débutants de l'embauche[32].

« Pour jouer au Minton's, il ne suffisait pas d'entrer


et de se mettre à la contrebasse. Ils vous amenaient
dans une arrière salle ou en cuisine, et ils vous
demandaient des airs. Ils me l'ont fait à moi aussi. Ils
me demandaient : "Vous pouvez jouer Perdido ? Vous
pouvez jouer Body and Soul ? »
— Charles Mingus[33]

La fin d'une époque


À partir des années 1950, les jam sessions laissent la place à des
spectacles de grands noms du jazz[34]. À la fin des années 1960,
les orchestres de jazz sont passés de mode. Amiri Baraka,
pseudonyme de l'écrivain américain LeRoi Jones, écrit en 1967
dans son livre Black Music : "Les groupes qui viennent jouer au
Minton's ne sont que des répliques qui cherchent à imiter ce qui
fut à la pointe de l'expérience vingt-cinq ans auparavant."[35]. Bien
qu'il exista depuis plus de trente ans, le Minton's Playouse restait
associé aux années 1940 et à ses jam sessions qui avaient donné
naissance au bebop.

Notes
1. Shipton, p. 88.
2. Alan Feuer, “Harlem Journal; Where Lady Day Sleeps, a Jazz
Tradition Awakes.” The New York Times, 13 mars 2005.

3. The Reopening of Minton’s Playhouse. Jazz Press Service, 13


mai 2006. (http://home.nestor.minsk.by/jazz/news/2006/05/1
306.html)  [archive]
4. Site officiel du Minton’s Playhouse (http://www.uptownatminto
ns.com)  [archive].

5. Gottlieb p. 550.
6. Gottlieb p. 112.
7. Gottlieb pp. 550-1.
8. Ibid., p. 551.
9. Gourse, p. 20.
10. Gottlieb p. 560.
11. Gottlieb p. 552.
12. Ibid., p. 88.
13. Shapiro and Hentoff, p. 339.
14. Szwed, p. 41.
15. Ibid., p. 339.
16. DeVeaux, p. 137.
17. Gottlieb p. 560
18. Gottlieb p. 552
19. Gottlieb p. 557
20. Shapiro and Hentoff, p. 347.
21. Enstice and Rubin, pp. 251-2.
22. Gottlieb p. 552.
23. Schuller p. 576.
24. Ibid., p. 577.
25. Enstice and Rubin, pp. 172-3.
26. Woideck, pp. 28-31.
27. Ibid., p. 76.
28. Davis with Troupe, pp. 59-60.
29. Gourse, p. 22.
30. Ibid., p. 23.
31. Ibid., p. 60.
32. Gottlieb, p. 564.
33. Enstice and Rubin, p. 215.
34. Siegal.
35. LeRoi Jones. Black Music. New York: Quill, 1967.
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia
en anglais intitulé « Minton's Playhouse (https://en.wikipedia.org/wiki/Min
ton%27s_Playhouse?oldid=343421199)  » (voir la liste des auteurs (http
s://en.wikipedia.org/wiki/Minton%27s_Playhouse?action=history) ).

Voir aussi
Liste des clubs de jazz new-yorkais

Bibliographie
Davis, Miles, with Quincy Troupe. Miles: The Autobiography. New
York : Simon and Schuster, 1989.
DeVeaux, Scott. The Birth of Bebop: A Social and Musical
History. Berkeley : University of California Press, 1997.
Enstice, Wayne, and Paul Rubin. Jazz Spoken Here:
Conversations with Twenty-Two Musicians. New York : Da Capo
Press, 1994.
Feuer, Alan. Harlem Journal; Where Lady Day Sleeps, a Jazz
Tradition Awakes. The New York Times, 13 mars 2005.

Gottlieb, Robert, ed. Reading Jazz: A Gathering of Autobiography,


Reportage, and Criticism from 1919 to Now. New York: Random
House, 1996.
Gourse, Leslie. Straight, No Chaser: The Life and Genius of
Thelonius Monk. New York: Schirmer Books, 1997.

Lees, Gene. You Can’t Steal a Gift: Dizzy, Clark, Milt, and Nat. New
Haven: Yale University, 2001.
LeRoi Jones. Black Music. New York: Quill, 1967.
Schuller, Gunther. The Swing Era: The Development of Jazz 1930-
1945. New York: Oxford University Press, 1989.

Siegal, Nina. “Neighborhood Report: Harlem; At Birthplace of


Be-Bop, Revival Blues.” The New York Times, 24 janvier 1999.
Shipton, Alyn. Groovin’ High: The Life of Dizzy Gillespie. New
York: Oxford University Press, 1999.
Szwed, John. So What: The Life of Miles Davis. New York: Simon
and Schuster, 2002.
Woideck, Carl. The Charlie Parker Companion: Six Decades of
Commentary. New York: Schirmer Books, 1998.
Liens externes
Ressource relative à l'architecture :
(en)  Registre national des lieux historiques (https://npgallery.nps.gov

Portail du Registre national des lieux historiques


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