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LA STATION DE RECHERCHE DE BENI ABBES

F. Chikhi-Aouimeur

Un lieu de rencontre et de découverte

Pendant longtemps, chercheurs et étudiants sont venus séjourner à la


station de recherche de Béni Abbès dans le cadre de leurs travaux de recherche
ou de leurs stages pratiques sur le terrain. Dans la fraîcheur et le calme de ce site
entre l’Oasis et le village, entre la dune et la Saoura, on pouvait alors rencontrer
des spécialistes du Désert venus traquer les roches, les minéralisations, les
aquifères et les fossiles connus ici dans une immense diversité. On peut en
énumérer quelques uns : ammonoides, coraux, brachiopodes, trilobites,
poissons, dinosaures, ou vestiges abandonnés par des hommes préhistoriques.
En effet, l’étude du Quaternaire et des outils qu’on y rencontre parfois, a occupé
une part importante dans l’histoire de ce site, faisant revivre ainsi les premiers
occupants de la Saoura. Des chercheurs comme H. Alimen, J. et N. Chavaillon,
ont marqué l’histoire des lieux. Mais, présents dans ces murs, il y a eu aussi des
géographes, des ethnologues, des botanistes et des biologistes spécialistes
d’animaux du désert venus séjourner pour puiser des observations de terrain,
consulter les documents de la bibliothèque, effectuer quelques mesures et
observations plus précises dans les petits laboratoires. Le centre avait été ouvert
comme un refuge destiné à offrir toutes les commodités pour l’hébergement et
la réflexion. Il faut dire qu’auparavant les explorateurs qui s’étaient aventurés
dans le désert n’avaient pas tous connu un sort enviable et plusieurs avaient
connu la mort.

1-2 : A gauche la bibliothèque avec sa véranda et en contrebas, à droite le zoo et le jardin botanique qui
fut l’œuvre de Mme Menchikoff.
Un centre pour de grands projets sahariens coloniaux

La station a été installée à Béni Abbès en 1943 après à un transfert depuis


Béchar. Nicolas Menchikoff, géologue chargé de la cartographie de la région de
Béchar deux décennies auparavant, fut chargé de piloter son extension et son
animation. Il acheta Dar Diaf, fit construire de nouveaux locaux et les ouvrit aux
chercheurs. Sa mission consistait à ouvrir la voie aux diverses entreprises
chargées de mieux connaître le sud-ouest algérien par une exploration
systématique aussi bien au sol (cartographie et méthodes géophysiques) que
par photographie aérienne. Il fallait localiser les ressources régionales pour une
exploitation future (eau, pétrole, mines…). La Compagnie Méditerranée-Niger
devait s’occuper du tracé de la voie de chemin de fer joignant le Sahara à la mer.
Ainsi, pendant plusieurs décennies, le centre a connu une activité
pluridisciplinaire très importante et fut un lieu de rencontre des chercheurs pour
débattre des questions scientifiques sahariennes. Encore aujourd’hui de
nombreux séminaires s’y tiennent.
Dans les domaines de la botanique et de la zoologie, l’activité n’était pas
moindre il fallait inventorier la flore (R. Maire) et la faune et comprendre les
phénomènes d’adaptation au climat aride.

A gauche la salle de géologie et à droite la salle d’entomologie.

Changements de cap

On pourrait distinguer trois étapes dans l’histoire de ce site :


1- la période allant de la création du centre jusqu’à l’indépendance avec un
regain d’activité lié à la préparation du Congrès International de géologie
tenu à Alger en 1952,
2- la période suivant l’indépendance (1962) où le Centre de Recherche
Saharienne reste rattaché au CNRS français. De nombreuses thèses de
Géologie y sont réalisées.
3- Enfin, à partir de 1974, le Centre National de Recherche sur les Zones
Arides (CNRZA) est rattaché au Ministère de l’Enseignement Supérieur et
de la Recherche Scientifique et l’orientation de la recherche est dirigée
vers deux grands axes (1) en botanique : la protection du palmier du
bayoud et (2) en zoologie : les mécanismes d’adaptation au climat aride.
Sa direction est confiée à un botaniste D. Bounaga. La porte reste ouverte
aux géologues surtout ceux qui travaillent sur les questions
d’hydrogéologie.

Un site qui fait partie de l’histoire de l’oasis de Béni-Abbès

Ce bref aperçu de l’activité du centre de recherche de Béni Abbès est destiné à


signaler les nombreuses spécialités directement liées à l’environnement
saharien. Le site, par son petit musée, son jardin botanique, son zoo, sa
bibliothèque, son parc de voitures tout-terrain, offrait toutes les conditions aux
chercheurs et de nombreuses thèses y ont trouvé les meilleures conditions pour
leur réalisation. Les affleurements bien exposés, riches en fossiles et d’accès
relativement facile ont offert un cadre didactique exceptionnel pour les stages
d’étudiants en géologie venant d’Alger, d’Oran, de Sétif et d’ailleurs. Enfin pour
finir, les touristes de passage ne manquaient jamais d’aller visiter la station. En
dehors des paysages remarquables de sa région, de sa palmeraie, de sa piscine,
Béni Abbès avait un petit joyau à proposer aux visiteurs pour leur révéler ce qu’ils
n’avaient peut- être pas découvert : ses atouts scientifiques, comme sa petite
bibliothèque et son zoo où se multipliaient les espèces sahariennes, ses jardins
ombragés, arrosés par l’eau du grand Erg. Mais aussi ses environs avec sa
muraille de Chine et ses Orthocères, ses brachiopodes dispersés à travers
l’Ougarta ou ses bifaces et fléchettes gisant sur le sol du Tabelbala. Dans son
petit musée Béni Abbes sont exposés des fossiles et des vestiges de la préhistoire
mais aussi des animaux empaillés, des insectes et des oiseaux ainsi que des
plantes et notamment des variétés de dattes, auxquels s’ajoutent des modèles
d’artisanat de la région. Accrochés au mur, le cartable et le marteau de
Menchikoff rappellent le début de l’aventure vécue par ces lieux.
A gauche les fossiles de la Chaîne de l’Ougarta et à droite les fléchettes et autres vestiges de la Préhistoire

Redonner des moyens pour faire vivre la station de Béni Abbès

Aujourd’hui les chercheurs sont inquiets face à la dégradation du site. Malgré les
nombreux courriers consacrés à sa sauvegarde, malgré le Séminaire de géologie
consacré au classement au patrimoine géologique du parc de l’Ougarta et de la
station de béni Abbès et la proposition de subvention de la Sonatrach; malgré
les nombreux séminaires tenus en ces lieux et les services rendus par ce centre
à l’enseignement et à la recherche, les personnes qui ont défendu la sauvegarde
de ce site, ont vu la Maison d’ Aïcha se fermer, elles ont assisté impuissantes à
la mort des animaux et des plantes faute de prise en charge réelle de la station
et ont eu à constater la fissuration des murs préparant leur effondrement.

La salle d’ornithologie

Après avoir été un centre florissant, la station a fini par être une dépendance
lointaine de l’Institut de Biologie (USTHB), au budget quasi inexistant. Quel sort
lui réserve-t-on aujourd’hui ? Quel est le devenir de ses collections ? De sa
bibliothèque ? Il semblerait que la Direction de la Recherche (DGRSDT) ait opté
pour son rattachement au centre de recherche CRSTRA de Biskra. Espérons que
ce centre de recherche sera mieux doté que l’USTHB pour rebâtir les locaux et
redonner vie à la recherche et aux collections au sein de cette station qui reste
une base très bien située pour les recherches sur le SW algérien, pour la
formation des étudiants dans le domaine de la stratigraphie et des
problématiques spécifiquement sahariennes ainsi que pour les séminaires
portant sur les questions sahariennes.

Cartable et marteau de N. Menchikoff, géologue, premier directeur du Centre de béni Abbès. Il sera suivi par de
nombreux autres « sahariens » des géologues (J. Fabre auteur d’un livre de géologie saharienne) et des
préhistoriens d’abord puis des biologistes de diverses spécialités (dont D. Bounaga, botaniste décédé d’un
accident sur la route de Béni Abbès.).

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