Vous êtes sur la page 1sur 68

Trimestriel n° 289

ÉTÉ 2017 LE JOURNAL

Peut-on Les derniers Les instituts Sur la piste de


se passer des Carnot,
modèles mystères
carrefours
l’avion
animaux ? du SOMMEIL de l’innovation du futur
ÉDITORIAL

LE JOURNAL

 L
Rédaction :
3, rue Michel-Ange – 75794 Paris Cedex 16
Téléphone :b
E-mail : lejournal@cnrs.fr
Le site Internet : https://lejournal.cnrs.fr
Anciens numéros :
https://lejournal.cnrs.fr/numeros-papiers es attentes de notre société, de plus en plus technologique,
Gérer son abonnement au journal n’ont jamais été aussi fortes vis-à-vis de l’innovation, notamment grâce
(pour les agents du CNRS) :
https://lejournal.cnrs.fr/abojournal
¢XQHYDORULVDWLRQSOXVUDSLGHGHVU«VXOWDWVGHODUHFKHUFKHSXEOLTXHɋ
HVS«UDQFHGȇXQHUHODQFH«FRQRPLTXHSDUOHSURJUªVVFLHQWLȴTXHHW
Directeur de la publication : technique, recherche de solutions à tous les maux – sociaux, environ-
Alain Fuchs
Directrice de la rédaction : nementaux, de santé…
Brigitte Perucca Sans développer une vision utilitariste de la science, la valorisation
Directeur adjoint de la rédaction :
Fabrice Impériali des résultats de la recherche issue de ses laboratoires est au cœur
Rédacteur en chef : des missions du CNRS. Pour autant, l’innovation, de rupture en parti-
Matthieu Ravaud
FXOLHUQHVHG«FUªWHSDVɋ(OOHQHSHXWTXHVȇDSSX\HUVXUXQHUHFKHUFKH
Chef de rubrique :
Charline Zeitoun IRQGDPHQWDOHOLEUHGHORQJWHUPHHWGXPHLOOHXUQLYHDX(OOHGRLW¬WUH
Rédacteurs : DFFRPSDJQ«HHQFRXUDJ«HIDFLOLW«H(OOHHVWOHIUXLWGHODUHQFRQWUH
Laure Cailloce, Claire Debôves,
Yaroslav Pigenet entre des femmes et des hommes, des idées, des compétences scien-
Assistante de la rédaction WLȴTXHVHWWHFKQLTXHVHWGHVSUREO«PDWLTXHVLQGXVWULHOOHVRXVRFLDOHV
et fabrication :
Laurence Winter
Il est donc essentiel de favoriser ces rencontres et de permettre
Ont participé à ce numéro : un brassage des idées et des cultures entre milieux académique et
Julien Bourdet, Audrey Diguet, socio-économique. C’est notamment l’esprit des laboratoires com-
*U«JRU\)O«FKHW/DXULDQQH*H΍UR\
Mathieu Grousson, Denis Guthleben, muns de recherche avec les entreprises,
Martin Koppe, Fui Lee Luk, Saman que le CNRS a créés en nombre (plus de
Musacchio, Émilie Silvoz, Vahé Ter


Minassian, Philippe Testard-Vaillant, bVWUXFWXUHVGHUHFKHUFKHFRPPXQHV 
Jean-Baptiste Veyrieras
Secrétaires de rédaction :
L’innovation est et souhaite développer. C’est aussi l’es-
prit du label Carnot, qui distingue et en-
plus proche que
Isabelle Grandrieux, Sandrine Hagège
Conception graphique : courage la recherche partenariale dans
Céline Hein le milieu académique OLUHSDJH .
jamais de la recherche
Iconographes :
Anne-Emmanuelle Héry, L’innovation est, aujourd’hui, plus
Marie Mabrouk proche que jamais de la recherche fon-
fondamentale.

Impression :
Groupe Morault, Imprimerie de Compiègne
damentale, comme nous le montrent les
2, avenue Berthelot – Zac de Mercières nouveaux matériaux inspirés du gra-
BP 60524 – 60205 Compiègne Cedex phène ou les travaux en aéronautique
ISSN 2261-6446
Dépôt légal : à parution SU«VHQW«VGDQVFHQXP«URɋHWOHSDVVDJH
GHOȇXQH¢OȇDXWUHVHIDLWDXVVLSOXVYLWHɋSDUFHTXHOȇLQQRYDWLRQODSOXV
pointue est présente partout dans notre quotidien, mais aussi, sans
doute, parce que les jeunes chercheurs sont toujours plus nombreux
¢VHU¬YHUHQFU«DWHXUVGHVWDUWXS
Photos CNRS disponibles à :
phototheque@cnrs.fr ; )DFH¢FHVG«ȴVHWFHVDWWHQWHVOH&156DGDSWHHQSHUPDQHQFH
http://phototheque.cnrs.fr son dispositif d’accompagnement des chercheurs au milieu d’un uni-
La reproduction intégrale ou partielle
des textes et des illustrations vers foisonnant de structures de valorisation.
doit faire obligatoirement l’objet d’une
demande auprès de la rédaction.

Michel Mortier,
délégué général à la valorisation du CNRS
k'‹/‹*$7Ζ2130$

(QFRXYHUWXUHɋOHPRWHXU/HDS
G«YHORSS«SDU6DIUDQHW*(
3+272ɋ&<5Ζ/$%$'&$3$3Ζ&785(66$)5$1

‹7‹ N° 289
3
SOMMAIRE
© J.-F. BUONCRISTIANI/BIOGÉOSCIENCES/CNRS PHOTOTHÈQUE

GRAND FORMAT 13
Sur la piste de l’avion du futur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14
Changements de climat sur le Mont-Blanc . . . . . . . . . . . . . . . . . 26
3HXWRQVHSDVVHUGHVPRGªOHVDQLPDX[ɋ" . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
© J. BARANDE/ÉCOLE POLYTECHNIQUE

Un jour avec
EN PERSONNE 5
Victor Malka, virtuose du laser . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 6
Louise-Anne Cariou,
ingénieure sécurité 10 Claude Lorius distingué aux États-Unis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8
Trois nouveaux directeurs d’institut . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9

54 EN ACTION
Les nouveaux matériaux inspirés du graphène . . . . . . . . . . . . . . 40
39
Des vols en ballon pour observer l’Univers . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
Les derniers mystères du sommeil . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
Ce que l’on sait de l’inceste en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
Les instituts Carnot, carrefours de l’innovation . . . . . . . . . . . . . . 48
© SIEPHOTO/MASTERFILE

Le CNRS unit ses forces en Amériques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50


Des villes Les grands reptiles marins montrent les dents. . . . . . . . . . . . . . . . 52
toujours plus grosses Les archives Grothendieck, mine d’or pour les chercheurs . . 53
4XHOOHVU«SDUDWLRQVSRXUOȇHVFODYDJHɋ". . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56

Les nouveaux
chantiers du Comité
d’éthique LES IDÉES 57
© IKON IMAGES/MASTERFILE

Pourquoi les humeurs jouent sur notre santé. . . . . . . . . . . . . . . . 60


Une sélection d’ouvrages à lire . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61

58 4XHOVSURF«G«VSRXUOȇXVLQHGHGHPDLQɋ". . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63

CARNET DE BORD LA CHRONIQUE DE DENIS GUTHLEBEN


J. Robert-Lamblin nous raconte un souvenir de recherche . . . . 64 Jean Rouch l’Africain . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66

CNRS LE JOURNAL
4
EN PERSONNE

Un jour avec une sentinelle des risques


en laboratoire, un rendez-vous
avec un physicien roi du laser et une
cérémonie avec un expert du climat.
ILLUSTRATION : GIANPAOLO PAGNI POUR CNRS LE JOURNAL

ÉTÉ 2017 N° 289


5
EN PERSONNE

Physique. Distingué par trois prix en 2017, Victor Malka


apprivoise depuis plus de quinze ans l’accélération
de particules à partir de lasers à la fois puissants
et compacts. En ligne de mire de ses recherches,
des applications en science des matériaux et
dans le domaine médical.

Victor Malka,
virtuose du laser
PAR GRÉGORY FLÉCHET

&
b
omme en attestent les trois distinctions obte-
nues cette année à quelques semaines d’in-
tervalle, les travaux de Victor Malka, directeur
de recherche au CNRS, ont le vent en poupe.
Après le prix Julius Springer de la Société alle-
mande de physique reçu en avril, ce spécialiste de la
physique des plasmas1 au Laboratoire d’optique appli- ACCÉLÉRATEUR
LASER-PLASMA
quée 2 (LOA) de Palaiseau, s’est vu remettre en mai le instrument
prix Holweck de la Société française de physique et de permettant l’université de Californie à Los Angeles, il parvient à
l’Institute of Physics, ainsi qu’un prix de la Société euro- d’accélérer des générer pour la première fois, au Laboratoire
particules de façon
S«HQQHGHSK\VLTXHɋmb&RQYDLQFUHODFRPPXQDXW«GHV Rutherford Appleton, en Grande-Bretagne, des fais-
compacte et
physiciens de la pertinence de l’approche laser pour Hɝ FDFHJU¤FH¢ ceaux d’électrons de grande énergie.
accélérer des particules à travers un plasma ne fut pas l’interaction entre
chose facile, mais cette récente succession de récom- une impulsion laser Expériences fondatrices
GHWUªVJUDQGH
penses prouve que notre démarche suscite aujourd’hui Dans la foulée de ces résultats inédits, le chercheur
LQWHQVLW«HWXQJD]
XQY«ULWDEOHHQJRXHPHQWb}, reconnaît le physicien. produisant un français décide de réorienter ses travaux vers la thé-
La perspective d’utiliser un laser pour accélérer des plasma. matique naissante des accélérateurs laser-plasma. À
électrons ou des protons remonte au début des années l’époque, la plupart des lasers sont encore de véritables
1990. À l’époque, Victor Malka étudie la fusion thermo- FUSION mastodontes qui permettent de réaliser, au mieux, un
THERMONUCLÉAIRE
nucléaireɋDX/DERUDWRLUHSRXUOȇXWLOLVDWLRQGHVODVHUV tir toutes les 40 minutes. Victor Malka est toutefois
phénomène, à
intenses 3 (Luli). Confronté à l’inertie de cette recherche l’œuvre dans le persuadé que l’emploi d’appareils plus compacts et
de très haute volée, nécessitant un dispositif expéri- soleil, par lequel fonctionnant à une cadence plus élevée va permettre
mental complexe autour duquel gravitent pléthore de des noyaux d’accroître les performances des accélérateurs laser-
atomiques
VFLHQWLȴTXHVOHMHXQHSK\VLFLHQDGXPDO¢WURXYHUVHV plasma. Le tout nouveau laser du LOA, qu’il rejoint au
s’unissent pour
marques. mb-ȇDLȴQLSDUSUHQGUHFRQVFLHQFHTXHODIXVLRQ former un noyau G«EXWGHVDQQ«HVYDOXLR΍ULUOȇRXWLOLG«DOSRXU
QXFO«DLUHR΍UDLWWURSSHXGHSULVHVXUPRQSURSUHWUD plus lourd. UHOHYHUFHG«ȴ$XVHLQGHOȇ«TXLSHmb6RXUFHVGHSDUWL
vail d’investigation, ce qui allait à l’encontre de l’idée FXOHVODVHUb}TXȇLOPHWLPP«GLDWHPHQWVXUSLHGOHVU«
GȇDXWRQRPLHTXHMHPHIDLVDLVGXP«WLHUGHFKHUFKHXUb}, sultats marquants ne vont pas tarder à se succéder. En
se souvient Victor Malka, dont la carrière prend un tour OHVVFLHQWLȴTXHVSDUYLHQQHQWWRXWGȇDERUG¢SUR
nouveau vers 1994. Cette année-là, en collaboration duire des faisceaux d’électrons à haut niveau d’énergie
avec une équipe de l’Imperial College London et de en faisant traverser un plasma par une impulsion laser

1./ȇ«WDWSODVPDHVWOȇ«WDWTXHODPDWLªUHDWWHLQWORUVTXȇHOOHHVWFKDX΍«H¢GHVWHPS«UDWXUHVWUªV«OHY«HV2. Unité CNRS/École polytechnique/ENSTA ParisTech.


3. Unité CNRS/École Polytechnique/CEA Paris/UPMC. 4. Organisation européenne pour la recherche nucléaire.

CNRS LE JOURNAL
6
EN PERSONNE

Son parcours en 6 dates

1990 Entre au CNRS comme chargé de recherche au


laboratoire Luli, après avoir obtenu son doctorat
en physique atomique des plasmas de fusion
2001 Crée son propre groupe de recherche au
Laboratoire d’optique appliquée (LOA)
2002 Publie dans Science un premier article remarqué
sur l’accélération laser-plasma
2003-2015 Professeur à l’École polytechnique
2004 Directeur de recherche au LOA
Depuis 2015 Professeur à l’Institut Weizmann des sciences
(Israël)

VXɝ VDPPHQWUHPDUTXDEOHVSRXUTXȇLOVIDVVHQWOȇREMHW
GȇXQHSXEOLFDWLRQVFLHQWLȴTXH, constate-t-il. Quant aux
applications concrètes, elles sont plus que jamais à
SRUW«HGHPDLQb}
&HWWHWHFKQRORJLHSRXUUDLWHQH΍HW¬WUHHPSOR\«H
d’ici peu dans le secteur de la sécurité industrielle pour
visualiser en trois dimensions et à haute résolution les
© J. BARANDE/ÉCOLE POLYTECHNIQUE

défauts sur des matériaux à la fois denses et épais


comme les carlingues d’avions ou les cuves de réac-
teurs nucléaires. La capacité d’un laser-plasma à pro-
GXLUHGHVUD\RQV;WUªVLQWHQVHVHWFRK«UHQWVR΍UHSDU
ailleurs la possibilité de développer l’imagerie médicale
par contraste de phase. mb&RQWUDLUHPHQW¢OȇLPDJHULH
par rayons X conventionnelle, cette méthode permet
de très grande intensité. Ces travaux, qui feront l’objet GȇREWHQLU GHV U«VROXWLRQV WUªV ȴQHV GH OȇRUGUH GH
d’un article dans la revue Science, démontrent la pos- quelques micromètres, ce qui autoriserait par exemple
sibilité de développer des accélérateurs de particules la détection de tumeurs cancéreuses à un stade très
à la fois performants et compacts à partir de cette tech- SU«FRFHb}, explique le chercheur. À plus long terme, elle
QRORJLHΖOVR΍UHQWHQRXWUH¢9LFWRU0DONDODUHFRQQDLV pourrait en outre contribuer à démocratiser la radio-
VDQFHGHODFRPPXQDXW«VFLHQWLȴTXHGHVSODVPDVɋ thérapie par protons employée pour le traitement de
mb3HXGHWHPSVDSUªVODGL΍XVLRQGHFHWDUWLFOHMȇDLUH©X certains types de tumeurs. Alors qu’un centre de pro-
un coup de téléphone du responsable du Cern 4 qui te- tonthérapie comme celui d’Orsay s’appuie sur un accé-
nait à me féliciter pour la qualité de ces travaux tout en lérateur de particules à la fois très encombrant et très
PȇLQYLWDQW¢UHMRLQGUHFHJUDQGSURMHWHXURS«HQ} Deux coûteux pour déposer des protons au plus près de la
ans plus tard, le groupe de chercheurs obtient – en tumeur, Victor Malka et son équipe envisagent de faire
même temps que deux autres équipes de l’université de même à partir d’un accélérateur laser-plasma. mb&HOD
de Californie à Berkeley et de l’Imperial College London aurait l’avantage de rendre l’appareil moins cher et plus
– des faisceaux de particules dont la qualité avoisine FRPSDFWDȴQGHSURSRVHUFHWUDLWHPHQWQRQSOXVGDQV
celle des faisceaux délivrés par les accélérateurs tradi- XQFHQWUHGHUHFKHUFKHPDLVGLUHFWHPHQW¢OȇK¶SLWDOb}
tionnels, mais avec une distance d’accélération bien Pour l’ancien étudiant féru de mécanique quan-
LQI«ULHXUH$XȴOGXWHPSVGȇDXWUHVWUDYDX[QHIHURQW tique, qui applique volontiers le principe d’incertitude
TXHFRQȴUPHUOHIRUWSRWHQWLHOGHOȇDFF«O«UDWLRQODVHU d’Heisenberg à ses propres travaux, l’émergence d’une
SODVPDɋGHSDUWLFXOHV innovation de ce genre n’est qu’une question de temps
HWGȇ«QHUJLHɋmb3OXVRQFRQVDFUHGHPR\HQVDXG«YHORS
Des applications à portée de main pement d’une technologie et plus courte sera la durée
La montée en puissance de cette recherche d’avant- Q«FHVVDLUHSRXUREWHQLUGHVU«VXOWDWVSUREDQWVb} Un
garde, Victor Malka l’attribue à une certaine propension principe que Victor Malka aura l’occasion de mettre en
à entretenir la motivation au sein de son équipe. mb$SUªV pratique dans un proche avenir à travers la création
seulement une journée d’expérimentation sur une ligne d’un laboratoire international associé entre le CNRS et
laser, un doctorant obtient bien souvent des résultats l’Institut Weizmann des sciences, en Israël. II

ÉTÉ 2017 N° 289


7
EN PERSONNE

Claude Lorius
distingué aux États-Unis
Glaciologie. Claude Lorius a reçu le 4 mai 2017 le Quelle serait aujourd’hui la recherche sur le
changement climatique sans le travail de Claude
prestigieux prix américain Bower, pour ses travaux
Lorius et de ses collaborateurs ?
sur le climat. Retour sur une carrière hors norme J. C. : /DVFLHQFHGHVFDURWWHVGHJODFHTXH&ODXGHDODQF«H
DYHFVRQFRQIUªUH-«U¶PH&KDSSHOOD]¢VHVF¶W«V en France, a largement contribué à notre compréhension
lors de la cérémonie à Philadelphie. des mécanismes régulant le climat terrestre en conditions
naturelles, mais aussi à mettre en perspective l’impact des
3$56$0$1086$&&+Ζ2 activités humaines.

Vous avez accompagné aux États-Unis Claude Quels sont les projets qui poursuivent aujourd’hui
/RULXVODXU«DWGXmb%RZHU6FLHQFH$ZDUG}SRXU FHVWUDYDX[ɋ"
ses recherches pionnières sur le changement J. C. : Cette science demeure bien vivante ! Aujourd’hui,
climatique. Cette nouvelle récompense vient QRWUHFRPPXQDXW«WHQWHGHORFDOLVHUHQ$QWDUFWLTXHGH
s’ajouter à un palmarès impressionnant… la glace formée il y a 1,5 million d’années. L’objectif est
Jérôme Chappellaz1 : Oui, Claude Lorius a déjà reçu de Gȇ«WXGLHUODWUDQVLWLRQFOLPDWLTXHTXLVȇHVWSURGXLWHLO\D
nombreux témoignages de reconnaissance. En France, HQYLURQPLOOLRQGȇDQQ«HV1RXVHVS«URQVSRXYRLUGRFX
avec la médaille d’or du CNRS en 2002, conjointement menter pour la première fois avec précision l’évolution
G«FHUQ«H¢-HDQ-RX]HOVRQFRPSOLFHVFLHQWLȴTXH0DLV comparée du CO2 HWGȇDXWUHVJD]¢H΍HWGHVHUUHTXLSRXU
aussi sur le plan international, avec les prix Tyler, Blue raient être responsables de ce changement majeur.
Planet, Balzan... Cette nouvelle ‚*UHQREOHQRXVDERUGRQVFHWWHTXHVWLRQGHPDQLªUH
récompense revêt toutefois une très innovante. Dans le cadre de mon projet ERC « Ice &
saveur particulière, par la liste /DVHUV}QRXVDYRQVFRQ©XXQHVRQGHHPEDUTXDQWXQ
LPSUHVVLRQQDQWHGHVFLHQWLȴTXHV VSHFWURPªWUHODVHU/ȇLG«HHVWGHIRUHUOHJODFLHUDQWDUF
de haut vol déjà récompensés par WLTXHHQGHX[PRLVHWGȇREWHQLUOHVLQIRUPDWLRQVFRQȴU
l’institut Franklin depuis 200 ans PDQWOȇH[LVWHQFHGHJODFHVXɝ VDPPHQWDQFLHQQHPDLV
7HVOD(LQVWHLQ0DULH&XULH  aussi de recueillir tout de suite une partie des données
mais aussi compte tenu du principales.
FRQWH[WHFOLPDWRVFHSWLTXHH[SUL La science des carottes glaciaires évolue aussi dans sa
k)21'6/25Ζ86&1563+2727+(48(

mé au plus haut niveau de l’État OHFWXUHGHOȇDOSKDEHWQDWXUHOTXHFRQWLHQWODJODFH1RXV


américain... Claude a remis son SRXYRQVPDLQWHQDQWGLVWLQJXHUOHV«UXSWLRQVYROFDQLTXHV
smoking pour l’occasion, comme GRQWOHSDQDFKHDDWWHLQWODVWUDWRVSKªUHHWGRQWOȇH΍HW
au festival de Cannes en 2015, VXUOHFOLPDWHVWLPSRUWDQW1RXVGLVSRVRQVDXVVLGHQRX
TXȇLOFO¶WXUDLWDYHFOHȴOPGH/XF veaux traceurs pour reconstruire l’évolution des feux de
-DFTXHWLa Glace et le CielFRQVD végétation, ou encore le degré d’humidité à la surface des
FU«¢VDYLHGHVFLHQWLȴTXH2 . RF«DQVTXLDJ«Q«U«ODYDSHXUGȇHDX¢OȇRULJLQHGHVQHLJHV
Ces récompenses, c’est surtout l’occasion de mettre HWJODFHVTXHQRXV«WXGLRQV
XQFRXSGHSURMHFWHXUVXUOHIRQFWLRQQHPHQWGHODUH Et puis nous nous sommes lancés dans un nouveau
FKHUFKHHQJ«Q«UDOWHOOHTXH&ODXGHDSXODYLYUHDYHFVRQ G«ȴFROOHFWHUGHODPDWLªUHSUHPLªUHGHTXDOLW«¢SDUWLU
«TXLSHXQORQJSURFHVVXVGHW¤WRQQHPHQWLQWHOOHFWXHO GHVJODFLHUVGHPRQWDJQHHWODVWRFNHUHQ$QWDUFWLTXH
H[LJHDQWGHODSDWLHQFHGHOȇLQWXLWLRQGHODSULVHGHULVTXH SRXUOHVJ«Q«UDWLRQVIXWXUHVDYDQWTXȇLOQHVRLWWURSWDUG
XQH«TXLSHLQJ«QLHXVHHWVRXG«HDXWRXUGHVRLSRXU &HSURMHWG«QRPP«mΖFH0HPRU\}LQLWL«HQVXUOH
«YHQWXHOOHPHQWDERXWLUDSUªVGHVG«FHQQLHVGȇH΍RUW 0RQW%ODQFVȇHVWSRXUVXLYLFHWWHDQQ«HVXUOHJODFLHU
0DLVFȇHVWDXVVLOȇRFFDVLRQGȇDWWLUHUOHVUHJDUGVYHUVOȇDQ ΖOOLPDQLHQ%ROLYLHbII
WKURSRFªQHFHWWHQRXYHOOHªUHJ«RORJLTXHTXLYRLWOȇKXPD
nité laisser son empreinte indélébile sur l’environnement
SODQ«WDLUHHWGHYDQWODTXHOOHQRXVQHSRXYRQVUHVWHUOHV
bras croisés à regarder. C’est le combat de Claude depuis Lire l’intégralité de l’interview
des décennies. sur lejournal.cnrs.fr

1.'LUHFWHXUGHUHFKHUFKH¢OȇΖQVWLWXWGHVJ«RVFLHQFHVGHOȇHQYLURQQHPHQW &156Ζ5'8QLY*UHQREOH$OSHV*UHQREOHΖ13 2. Lire son


SRUWUDLWSXEOL«¢FHWWHRFFDVLRQɋm&ODXGH/RULXVXQHYLHGDQVODJODFHb}GDQVCNRS Le journalQrbDR½W

CNRS LE JOURNAL
8
EN PERSONNE

Sabrina Fadloun remporte La victoire dans la peau


« Ma thèse en 180 secondes » /HMXLQ¢3DULVDXVLªJHGX*URXSH/90+
‹ULF5REHUW a reçu le prix académique du concours

/b HMXLQOHVWXGLRGHOD0DLVRQGHODUDGLR¢3DULV
DFFXHLOODLWODȴQDOHQDWLRQDOHGHm0DWKªVHHQ
bVHFRQGHV}RUJDQLV«HSDUOD&38HWOH&1566HL]H
LQWHUQDWLRQDOm7KH&RVPHWLF9LFWRULHV}TXL
récompense des porteurs de projets innovants de la
ȴOLªUHSDUIXPHULHFRVP«WLTXH'LUHFWHXUGHUHFKHUFKH
doctorants, issus des universités et regroupements &156DXVHLQGX*URXSHGHUHFKHUFKHVVXU
universitaires français, ont présenté leur travail de recherche l’énergétique des milieux ionisés1 *UHPL ¢2UO«DQV
en trois minutes chrono. Représentante de la Communauté il se voit distingué pour son projet PlasmaJets, un
XQLYHUVLW«*UHQREOH$OSHV6DEULQD)DGORXQHVWODJUDQGH appareillage à base de plasma permettant des
JDJQDQWHGHFHWWHȴQDOHDSUªVDYRLUHPSRUW«OHSUHPLHUSUL[ traitements de la peau à visée anti-âge.
du jury et le prix du public pour la 1.8QLW«&1568QLYGȇ2UO«DQV
présentation de sa thèse « Étude d’un
SURF«G«GHG«S¶WGHFXLYUHSDU02&9'
pour la réalisation de vias traversants à
fort facteur de forme pour l’intégration
'}$YHF'DYLQD'HVSODQȴQDOLVWHGX '(8;120Ζ1$7Ζ216(15‹*Ζ216
UHJURXSHPHQWXQLYHUVLW«3DULV6HLQHHW Gabrielle Inguscio est la nouvelle déléguée régionale
deuxième prix du jury, elle représentera pour la circonscription Bretagne et Pays de la Loire.
OD)UDQFHORUVGHODȴQDOHLQWHUQDWLRQDOH Elle remplace Clarisse Lefort-David, devenue déléguée
GXFRQFRXUVTXLVHWLHQGUD¢/LªJHHQ régionale de la circonscription Paris-Villejuif. Par
k*+Ζ6/$Ζ107&38&156

%HOJLTXHOHVHSWHPEUH ailleurs, Marie-Hélène Papillon a été nommée


déléguée régionale pour la circonscription Île-de-
France Sud. Elle prend la suite de Jean-Jacques
Guilleminot, qui exerçait ces fonctions par intérim
http://mt180.fr depuis avril, en remplacement de Bertrand Minault.

Trois nouveaux directeurs d’institut


Ces derniers mois, trois instituts du CNRS Le 1er juillet, François-Joseph Ruggiu, Le 28 août, Pascal
ont accueilli un nouveau directeur. professeur des universités, a été nommé Auscher a succédé à
Le 1er juin, Jacques Maddaluno, directeur directeur de l’Institut des sciences Christoph Sorger à la
de recherche au CNRS, a humaines et sociales (INSHS), prenant la direction de l’Institut
DR

pris la tête de l’Institut de suite de Patrice Bourdelais. Membre du national des sciences
chimie (INC), succédant à Centre Roland-Mousnier, cet ancien élève mathématiques et de leurs interactions
Dominique Massiot. de l’ENS enseigne à Paris-Sorbonne. (Insmi). Professeur à l’université Paris-Sud
Ingénieur de l’École Spécialiste de l’histoire comparée de la depuis 2002, spécialiste d’analyse
nationale supérieure de société et de la famille en Europe à l’époque harmonique, ayant contribué à la théorie
chimie de Paris et moderne, il étudie aussi l’histoire des des ondelettes et aux équations aux
docteur en chimie sociétés américaines de la période dérivées partielles, il a participé à la
DR

organique de l’université coloniale. Il co-anime une grande enquête démonstration de la conjecture de Kato.
Pierre-et-Marie-Curie, Jacques Maddaluno sur la population de Charleville et travaille Directeur du Laboratoire amiénois de
a mené ses études postdoctorales à en outre à une histoire de la noblesse dans mathématique fondamentale et appliquée
l’université de Stanford (États-Unis) avant le premier empire colonial français. Depuis (2000-2002), il est chargé dès 2006 de
de poursuivre ses travaux au sein des 2010, il a occupé plusieurs fonctions à l’évaluation des laboratoires et des
universités de Rouen et Paris-Descartes. l’INSHS en tant que directeur adjoint formations dans sa discipline au sein du
Ses recherches, qui ont donné lieu à plus VFLHQWLȴTXHHQFKDUJHGHVXQLW«VGȇKLVWRLUH ministère de la Recherche puis devient, de
de 150 articles et un brevet, portent des dossiers liés à la ¢OȇXQGHVG«O«JX«VVFLHQWLȴTXHV
principalement sur la chimie organique, valorisation, à la de l’Agence d’évaluation de la recherche et
la chimie organométallique et la chimie communication et à de l’enseignement supérieur. Membre du
théorique. Après avoir présidé la section 12 OȇLQIRUPDWLRQVFLHQWLȴTXH FRQVHLOVFLHQWLȴTXHGHOȇΖQVPL  
k(0$6621&156

du Comité national de la recherche et technique, de la coordinateur jusqu’à récemment d’un


VFLHQWLȴTXH-DFTXHV0DGGDOXQRDYDLW politique de site et de laboratoire international associé avec
rejoint l’INC en 2011 en tant que directeur la création du campus l’Australie, il a passé le premier semestre
DGMRLQWVFLHQWLȴTXH Condorcet. 2017 à l’université de Berkeley (États-Unis).

ÉTÉ 2017 N° 289


9
EN PERSONNE

UN JOUR AVEC

Louise-Anne Cariou
Ingénieure prévention
et sécurité 3$5/$85Ζ$11(*())52<

9 H 30 V\VWªPH D«UDXOLTXH QH IRQW TXH GȇDLOOHXUVLPSOLTX«HVDFWLYHPHQWVXU


TEST DE LA QUALITÉ DE L’AIR FRPPHQFHU/RXLVH$QQH&DULRXTXL OHVTXHVWLRQVGHV«FXULW«b} Demain,
&ȇHVWDXSDVGHFRXUVHTXHODMRXUQ«H jongle avec les codes du travail, de la FȇHVWDYHFOȇ«TXLSHGHFKDQWLHUTXȇHOOH
FRPPHQFH SRXU /RXLVH$QQH VDQW«SXEOLTXHHWGHOȇHQYLURQQH doit négocier.
Cariou, ingénieure prévention et PHQWGRLWDOOHUDQQRQFHUDX[DVVLV
sécurité de l’Institut des sciences WDQWVGHSU«YHQWLRQȂGHVSHUVRQQHOV
FKLPLTXHVGH5HQQHV1ΖFLbSHU TXLOȇ«SDXOHQWGDQVVDPLVVLRQȂOD 13 H
VRQQHVLQQRYHQWGDQVWRXVOHVGR fermeture de certains bureaux et CHASSE AUX DOULEURS
maines de la chimie, de la catalyse VDOOHVGȇH[S«ULHQFHVGȇXQH«TXLSHGH Avant de redescendre à son bureau,
DX[PDW«ULDX[«OHFWURDFWLIVWHOVTXH recherche. C’est avec une bonne dose /RXLVH$QQHSRXVVHODSRUWHGHOȇDWH
ceux utilisés dans les LED. de diplomatie, et des solutions en OLHUGHOȇXQGHVWURLVVRXɞ HXUVGH
&HPDWLQHOOHGRLWDOOHUWHVWHUOȇHɝ FD SRFKHTXȇHOOHOHXUH[SRVH YHUUHGXODERUDWRLUHTXLFRQ©RLYHQW
FLW«GXQRXYHDXV\VWªPHGHYHQWLOD le planning. mb/HGLDORJXH et réalisent des pièces sur mesure
WLRQGHVODERUDWRLUHVGHFKLPLHRUJD
6DPLVVLRQ est pour moi essentiel, SRXUOHVH[S«ULPHQWDWLRQVGHVFKHU
QLTXHVȇDVVXUHUTXHOHVFRPSRV«V Ingénieure au CNRS, elle VRXOLJQHWHOOHet les gens FKHXUVΖO\DHQFRUHTXHOTXHVPRLV
RUJDQLTXHVYRODWLOVRX&292 TXLVȇ«YD met tout en œuvre pour sont ici très conscients FHVGHUQLHUVVHSODLJQDLHQWGHGRX
SRUHQWORUVGHVV\QWKªVHVFKLPLTXHV assurer la sécurité et les TXH OȇRQ DJLW SRXU OHXU leurs articulaires et de maux de tête
VRQWHɝ FDFHPHQW«YDFX«V3RVW«HDX bonnes conditions de VDQW« HW OD TXDOLW« GH récurrents. Pour mieux comprendre
GHUQLHU«WDJHGXE¤WLPHQW/RXLVH travail du personnel de leur environnement. Plus l’origine du problème et aménager des
$QQHY«ULȴHTXHOHVIXPLJªQHVOLE«U«V l’Institut des sciences GH b SHUVRQQHV VRQW solutions pertinentes, l’ingénieure
VRXVOHVmbVRUERQQHVb}ȂFHVKRWWHVGH chimiques de Rennes. Elle
laboratoire protégées par des parois a reçu en 2017 la médaille
ȂVRQWELHQDVSLU«VSDUOHVFKHPLQ«HV de cristal de l’organisme.
GȇH[WUDFWLRQHWTXȇDXFXQHWUDFHGH
&29QHU«VLGHGDQVOHVORFDX['HV
ȴOWUHV¢ODVRUWLHGHVVRUERQQHVSHU
mettent d’avoir des rejets extérieurs
FRQIRUPHV¢ODO«JLVODWLRQVDQVULVTXH
pour l’environnement. mb/DTXDOLW«GH
OȇDLU HVW XQH SULRULW« FDU OHV &29
SHXYHQWLUULWHUOHVPXTXHXVHVSUR
YRTXHUGHVQDXV«HVRXGHVPDX[
de têteH[SOLTXHODMHXQHIHPPH
&HUWDLQHVSHUVRQQHVVRQWSDUWLFXOLª
UHPHQWVHQVLEOHV¢FHVSURGXLWVb}

11 H
SUIVI DE CHANTIER
Les travaux de modernisation des
cheminées d’extraction et du

1.8QLW«&1568QLYHUVLW«GH5HQQHV(16&GH5HQQHVΖQVDGH5HQQHV2./HV&29OHVSOXVFRQQXVVRQWOHEXWDQHOHWROXªQHOȇ«WKDQRO
DOFRRO¢r OȇDF«WRQHHWOHEHQ]ªQH3.5)RUFH5«GXLUH5«XWLOLVHU5«SDUHU5HF\FOHU

CNRS LE JOURNAL
10
EN PERSONNE

Nomination

Michel Mortier
délégué général à la
sécurité n’a pas hésité à chausser
GHVOXQHWWHVEOHXHVHW¢VRXɞ HU
EUHWRQ/RXLVH$QQHVRXKDLWHVȇDVVX
UHUTXȇDXFXQHWUDFHGHIRUPDOG«K\GH
valorisation du CNRS
GHVSLªFHVGHYHUUHGXUDQWXQHVH IRUPRO XWLOLV«QRWDPPHQWSDUOHV
PDLQH&RQFOXVLRQɋFȇHVWODSRVLWLRQ
le port de charge et la répétitivité
chercheurs pour conserver des
plantes, ne se retrouve dans le milieu,
M
b ichel Mortier a été nommé en juin
délégué général à la valorisation
du CNRS par Alain Fuchs, président de
GHVPRXYHPHQWVTXLVRQWHQFDXVH et mettre en place, si nécessaire, des
$XMRXUGȇKXLJU¤FH¢ODW«QDFLW«GH PHVXUHVGHSU«YHQWLRQ&HWWHIRLVFL l’organisme. Sa mission : assurer
/RXLVH$QQHGHODP«GHFLQHGHSU« c’est pour la délégation régionale le pilotage et la coordination de
YHQWLRQHWGHVWXWHOOHVGHX[H[RV CNRS Bretagne et Pays de la Loire l’ensemble des activités du CNRS en
TXHOHWWHVRQW«W«LQVWDOO«VGDQVOHV TXȇHOOHLQWHUYLHQW3DUDOOªOHPHQW¢ matière de valorisation et de transfert.
ateliers pour soutenir le bras des l’Institut, la jeune femme consacre en Michel Mortier, 51 ans, était depuis
VRXɞ HXUVGHYHUUHHWDFFRPSDJQHU H΍HWbGHVRQWHPSV¢ODU«JLRQ janvier 2012 conseiller du président
tous leurs gestes. mb'HSXLVOHVGRX lui apportant son expertise en sur les politiques de sites et plus
OHXUVDUWLFXODLUHVVRQWSDUWLHVɋb} se ULVTXHV FKLPLTXHV PDLV DXVVL HQ VS«FLȴTXHPHQWHQFKDUJHGHVUHODWLRQV
U«MRXLWHOOH radioprotection. avec l’Idex de Bordeaux. Entre 2010
et 2011, il avait été chargé de mission
auprès d’Alain Fuchs sur les questions
14 H 30 17 H d’innovation et de valorisation de la
EXPERTISE RÉGIONALE MISSION RECYCLAGE recherche en lien avec le programme
3DVOHWHPSVGHVHSRVHU/RXLVH La journée se calme enfin… ou d’investissements d’avenir.
$QQH&DULRXDUHQGH]YRXVVXUOHVLWH SUHVTXH8QFROOªJXHSDVVHXQHW¬WH Directeur de recherche au CNRS et
de l’École nationale supérieure de dans son bureau pour lui demander spécialiste des matériaux inorganiques
FKLPLHGH5HQQHVȂTXLK«EHUJH¢ comment transporter des produits pour l’optique et la photonique, Michel
TXHOTXHVE¤WLPHQWVGHGLVWDQFHGHV FKLPLTXHVV\QWK«WLV«VHQODERUD
Mortier dirige l’Institut de recherche de
«TXLSHVGHOȇXQLW«ȂSRXU\OLYUHUGHV WRLUHYHUV7RXORXVH/RXLVH$QQH
chimie Paris1. Entre 2010 et 2013, il a été
ȵDFRQVGȇHɞ
XHQWVSU«OHY«VGDQVOȇHQ OȇDLJXLOOHYHUVOȇXQLW«8OLVVHGX&156
directeur du département Henri-
vironnement d’un autre laboratoire VS«FLDOLV«HGDQVOHWUDQVSRUWGHPD
Moissan, une fédération de plusieurs
WLªUHVGDQJHUHXVHVHWSHXWG«VRU
laboratoires de recherche situés au sein
mais s’atteler à la rédaction de ses
de Chimie ParisTech.
comptes rendus. Elle doit travailler
sur la gestion des déchets du labo Succédant à Nicolas Castoldi, nommé
avec le groupe de travail RForce4 3 , directeur adjoint du cabinet de
TXȇHOOHDPLVHQSODFHQRWDPPHQW Frédérique Vidal, ministre de
DYHFVRQFROOªJXH*LOOHV$OFDUD]U«I« l’Enseignement supérieur, de la
UHQWmbG«FKHWVFKLPLTXHVb}GXODER Recherche et de l’Innovation, Michel
ratoire. mb2QHVVD\HSDUH[HPSOHGH Mortier devient membre du directoire
UHF\FOHUFHUWDLQVSURGXLWVSRXUOLPL du CNRS aux côtés du président, de la
ter leur impact sur l’environnement. directrice générale déléguée à la
2QG«FRQWDPLQH«JDOHPHQWGXPD science, Anne Peyroche, du directeur
W«ULHO«OHFWULTXHHW«OHFWURQLTXHDȴQ général délégué aux ressources,
TXȇLOSXLVVH¬WUHSULVHQFKDUJHSDUOD Christophe Coudroy, et de la directrice
ȴOLªUHFODVVLTXHGHWUDLWHPHQWGHV de cabinet, Marie-Hélène Beauvais.
déchets  H[SOLFLWH /RXLVH$QQH
Cariou. Cela limite les pollutions sur
k3+2726/*())52<

OHPLOLHXPDLVDXVVLOHVFR½WVɋb}bII Lire aussi l’éditorial


GH0LFKHO0RUWLHUS

Louise-Anne contrôle les installations : à gauche,


un ballon de distillation ; ci-dessus, un exosquelette 8QLW«&156&KLPLH3DULV7HFK
GHVWLQ© VRXODJHUOHVVRXIõHXUVGHYHUUH

ÉTÉ 2017 N° 289


11
EN PERSONNE

Le meilleur jeune économiste


Frédérique Vidal, Antoine Bozio, 39 ans, directeur de l’Institut des politiques
publiques et chercheur associé à PSE-École d’économie de Paris,
ministre de la a reçu en mai 2017 le prix du meilleur jeune économiste – décerné
par Le Monde et le Cercle des économistes – pour ses travaux
Recherche sur l’évaluation des politiques publiques.

E n mai, Frédérique Vidal,


alors présidente de
l’université de Nice Sophia-
Antipolis, a été nommée TATIANA GIRAUD
ministre de l’Enseignement

k0(65Ζ;53Ζ&785(6
supérieur, de la Recherche et
LAURÉATE DE L’INSTITUT
GHO×,QQRYDWLRQ7LWXODLUHG×XQ DE FRANCE

© ARTFOTOSWEB
doctorat en sciences de la vie, Le 7 juin ont été remis les grands prix des
elle rejoint l’université de Nice fondations de l’Institut de France. Tatiana
en 1995 comme maître de conférences et Giraud, directrice de recherche au CNRS,
devient professeure des universités en DUH©XOHJUDQGSUL[VFLHQWLȴTXHGHOD
6HVUHFKHUFKHVSRUWHQWVXUOD Fondation Louis D. Directrice adjointe du laboratoire Écologie,
génétique moléculaire, avec la mise en V\VW«PDWLTXHHW«YROXWLRQ1, médaille d’argent du CNRS en 2015,
SODFHGHPRG¨OHVFHOOXODLUHVHWDQLPDX[ elle étudie les mécanismes permettant aux organismes
d’évoluer et de s’adapter aux changements environnementaux,
DYHFSRXUPRGªOHELRORJLTXHOHVFKDPSLJQRQV6HVWUDYDX[RQW
permis de mieux comprendre comment émergent les nouvelles
maladies de plantes dans les écosystèmes naturels et agricoles.
Parmi les autres récompenses, le grand prix d’archéologie de
la Fondation Del Duca a distingué le programme de recherche
Cédric Villani à la tête de l’Opecst Thanar mené depuis 2002 sur l’île de Thasos, en Grèce.
Le 13 juillet, le mathématicien Cédric Villani, médaille Fields 2010 'LULJ«HVSDU$UWKXU0XOOHUDXODERUDWRLUH+LVWRLUHDUFK«RORJLH
HWG«SXW«GHOȇ(VVRQQHD«W««OX¢ODSU«VLGHQFHGHOȇ2ɝ FH OLWW«UDWXUHGHVPRQGHVDQFLHQV +DOPD 2 , les fouilles menées
SDUOHPHQWDLUHGȇ«YDOXDWLRQGHVFKRL[VFLHQWLȴTXHV en collaboration avec l’université d’Athènes et sous l’égide de
HWWHFKQRORJLTXHV 2SHFVW &RPSRV«HGHbG«SXW«VHW l’École française d’Athènes et du ministère de la Culture grec
bV«QDWHXUVFHWWHG«O«JDWLRQSDUOHPHQWDLUHDSRXUPLVVLRQ
RQWOLYU«GHVG«FRXYHUWHVVXUFHVLWHDQWLTXHH[FHSWLRQQHO
mbGȇLQIRUPHUOH3DUOHPHQWGHVFRQV«TXHQFHVGHVFKRL[GH
FDUDFWªUHVFLHQWLȴTXHHWWHFKQRORJLTXHDȴQQRWDPPHQW 1.&156XQLY3DULV6XG28QLW«&1568QLY&KDUOHVGH*DXOOH0LQGHOD&XOWXUHHW
d’éclairer ses décisions ». de la communication/Inrap.

Un chercheur
distingué Disparition de Gérard Férey,
au Canada médaille d’or 2010 du CNRS
Lluis Mir, directeur du
laboratoire Vectorologie
et thérapeutiques G
b «UDUG)«UH\VȇHVW«WHLQWOHbDR½W1«HQ
ce chimiste, spécialiste mondial des solides poreux,
avait reçu la médaille d’or du CNRS en 2010 pour ses travaux
anticancéreuses1, a reçu
sur ces matériaux aux multiples applications pour
en août la médaille d’or
l’environnement (comme le piégeage du CO2 RXODVDQW«
Balthasar van der Pol, SRXUOȇHQFDSVXODWLRQGHP«GLFDPHQWV 0HPEUHGH
à Montréal. Ce prix l’Académie des sciences, lauréat de nombreux prix
récompense notamment prestigieux, il avait notamment mis au point, avec son
k)3/$6&1563+2727+(48(

ses travaux pionniers dans «TXLSHGHOȇΖQVWLWXW/DYRLVLHUGH9HUVDLOOHV1OH0Ζ/


le domaine prometteur capable de piéger 400 fois son volume de gaz.
de l’électroporation. 1.8QLW«&1568964

8QLW«&1568QLY3DULV6XGΖQVWLWXW
Lire son portrait sur lejournal.cnrs.fr
*XVWDYH5RXVV\

CNRS LE JOURNAL
12
GRAND FORMAT

Voyage dans les avions de demain,


ascension des plus hauts sommets
des Alpes et tour d’horizon
des modèles animaux en biologie.
ILLUSTRATION : GIANPAOLO PAGNI POUR CNRS LE JOURNAL

ÉTÉ 2017 N° 289


13
GRAND FORMAT

CNRS LE JOURNAL
14
AÉRONAUTIQUE

Matériaux, moteurs, systèmes embarqués...


La science est partout à bord d’un avion.
De nombreuses recherches visent à le rendre
plus léger, plus performant, plus sûr et moins
polluant. Panorama de ces travaux qui
UN DOSSIER RÉALISÉ PAR
préparent les avions de demain. MATHIEU GROUSSON ET JEAN-BAPTISTE VEYRIERAS

Sur la piste de
l’avion du futur
Les avions font partie de ces objets qui concentrent le
génie humain. Même si leur allure nous semble presque
inchangée depuis cinquante ans, elle cache des évolu-
tions impressionnantes auxquelles une centaine de labo-
ratoires du CNRS a largement contribué. Tous ces engins
SURȴWHQWDXMRXUGȇKXLGHQRXYHDX[PDW«ULDX[GHVWUXF
WXUHVSOXVȴDEOHVHWDOO«J«HVGȇ«FRXOHPHQWVRSWLPLV«V
GHOȇDLUDXWRXUGHVDLOHVGȇXQHPHLOOHXUHFRPEXVWLRQ
GDQVOHVWXUERU«DFWHXUVGȇXQHGLPLQXWLRQGXEUXLWGHV
émissions nocives et de la consommation de carburant,
GȇXQPHLOOHXUFRQWU¶OHGXJLYUDJH
GȇXQIUHLQDJHSOXVSHUIRUPDQWRX
Yves Rémond
HQFRUHȂQȇHQMHWH]SOXVɋȂGȇXQHDLGH
est professeur de
au pilotage optimisée. Structure, mécanique des
PRWRULVDWLRQV\VWªPHVHPEDUTX«Vɋ matériaux,
FHVWURLVFRPSRVDQWHVGHOȇDYLRQ polymères et
GȇXQFR½WVLPLODLUHRQWWRXWHVE«Q« composites à
ȴFL«GHVDYDQF«HVGHODUHFKHUFKH
DR

OȇXQLYHUVLW«GH
Strasbourg (ECPM). Il est directeur
© FISHEROS/FOTOLIA

La révolution composite DGMRLQWVFLHQWLȴTXHGHOȇΖQVWLWXWGHV


3HQFKRQVQRXVWRXWGȇDERUGVXUOD VFLHQFHVGHOȇLQJ«QLHULHHWGHV
structure, à savoir le fuselage, les systèmes (Insis) du CNRS.
DLOHVOȇHPSHQQDJHPDLVDXVVLFHV …

ÉTÉ 2017 N° 289


15
GRAND FORMAT

… VWUXFWXUHVFDFK«HVTXLFRQIªUHQW¢OȇDYLRQVDULJLGLW« à la fatigue que les alliages. En revanche, ils sont davan-


et sa résistance. Leurs contraintes sont nombreuses, tage sensibles que les alliages métalliques à la présence
liées au roulement sur la piste, aux vibrations et à la fa- GHWURXVTXLYRQWFRQVWLWXHUXQG«SDUWGȇHQGRPPDJH
tigue créée par les sollicitations en vol, aux variations de PHQW2QVHGLUDTXȇLOVXɝ WGHQHSDVIDLUHGHWURXVGDQV
température et au vieillissement des matériaux. XQDYLRQɋ+«ODVFȇHVWOHPRGHGȇDVVHPEODJHOHSOXVODU
7RXWHVFHVVWUXFWXUHVRQWGȇDERUG«W«HQWLªUHPHQW JHPHQWXWLOLV«SRXUVDFRQVWUXFWLRQHWOȇRQDDLQVLSOX
P«WDOOLTXHVSXLVDOO«J«HVDYHFOȇXWLOLVDWLRQGHPDW«ULDX[ sieurs millions de trous dans certains gros avions de
de plus en plus performants. Car les métaux sont parfois OLJQHDFWXHOV&ȇHVWGLUHVLOHFDOFXOGHODSU«YLVLRQGHV
ORXUGVHWLQXWLOHPHQWU«VLVWDQWVSRXUOȇXVDJHTXȇRQOHXU ruptures au voisinage de ces trous est important. Et au
demande. Des alliages plus légers ont donc été rapide- ȴQDOOHVVWUXFWXUHVWURX«HVGHVDYLRQV«WDQWDXVVLVROOL
PHQWXWLOLV«V3XLVQRXVVRPPHVHQWU«VGDQVOȇªUHGHV FLW«HVHQIDWLJXHOHVFRPSRVLWHVVȇHQVRUWHQWODUJHPHQW
PDW«ULDX[FRPSRVLWHVDYHFGHVUHQIRUWVGHȴEUHVGHFDU mieux que les alliages.
ERQHQR\«HVGDQVGHVSRO\PªUHV3RXUOȇ$Gȇ$LUEXV
G«M¢DQFLHQRQWURXYDLWDLQVLSUªVGHbWRQQHVGHVWUXF Des moteurs première classe
WXUHVHQFRPSRVLWHVSHUPHWWDQWXQJDLQGHSOXVGȇXQH /DPRWRULVDWLRQIDLW«JDOHPHQWOȇREMHWGHSURJUªVFRQVL
tonne par rapport à une structure métallique… et une G«UDEOHV3RXUWDQWOHVSK«QRPªQHVTXLVȇ\G«URXOHQW
économie de plusieurs milliers de tonnes de kérosène sur sont très complexes avec, pêle-mêle, des écoulements
ODYLHGHOȇDYLRQ3RXUOȇ$ODSLªFHFRPSRVLWHVXUODTXHOOH turbulents, une combustion à maintenir et des tempé-
YLHQQHQWVȇDFFURFKHUVHVDLOHVJLJDQWHVTXHVDSHUPLVXQ ratures très élevées à supporter car plus la température
DOOªJHPHQWGHOȇDYLRQGHbWRQQHV'HbGHODPDVVHGH sera haute, meilleur sera le rendement du moteur. Aussi
la structure il y a quarante ans, on dépasse désormais les des chercheurs œuvrent à mieux comprendre la com-
bGHFRPSRVLWHVVXUOHVGHUQLHUVDYLRQVGHOLJQH&HV EXVWLRQDYHFXQLPS«UDWLIHQW¬WHɋODVRFL«W«GHPDQGH
PDW«ULDX[RQWP¬PHFRQTXLVOHVIUHLQVɋ/RLQWDLQVK«ULWLHUV à juste titre une diminution des consommations de car-
GHVPRGªOHV¢WDPERXUGȇDYDQW burant et des nuisances sonores, et une augmentation
FHVRQWDXMRXUGȇKXLGHVIUHLQV GHODȴDELOLW«/H/($3WUªVU«FHQWGHUQLHUQ«GHVPR

“recherches
Les dernières
en carbone-carbone, capables de WHXUVGȇDYLRQG«YHORSS«SDU6DIUDQHW*HQHUDO(OHFWULF
JDUGHUOHXUVSURSUL«W«VMXVTXȇ¢ est un bel exemple de progrès fondé sur des recherches
brb&HWGȇ«YDFXHUHQTXHOTXHV menées depuis des décennies par les laboratoires du
VHFRQGHV GȇDWWHUULVVDJH WRXWH CNRS avec ses partenaires. Permettant de réduire la
Oȇ«QHUJLHFLQ«WLTXHGȇXQDYLRQ
Revers de la médaille, les ma- permettent de FRQVRPPDWLRQGHSUªVGHbHWOHV«PLVVLRQVGȇR[\GHV
GȇD]RWHGHbLO«TXLSHUDODSOXSDUWGHVQRXYHDX[
tériaux composites possèdent des
PRGHVGȇHQGRPPDJHPHQWELHQ prédire la durabilité avions monocouloirs et a déjà été vendu à plus de
bbH[HPSODLUHVFHTXLFRQVWLWXHXQUHFRUG

d’un avion.

plus complexes à prévoir que les Terminons par les systèmes embarqués, qui repré-
métaux. Pour ces derniers, déjà, VHQWHQWOȇHQVHPEOHGHV«TXLSHPHQWVLQIRUPDWLTXHVGH
OȇDSSDULWLRQGHȴVVXUHVGXHV¢OD pilotage et de commande, de capteurs, radios, radars,
IDWLJXHQȇD«W«FRPSULVHTXHWDU HWFHWGRLYHQWU«VLVWHUDYHFXQHȴDELOLW«DEVROXH¢WRXWHV
GLYHPHQW&ȇHVWHQH΍HWVXLWH¢GHVLPSORVLRQVGȇDYLRQ OHVFRQWUDLQWHVGXYROɋVHFRXVVHVYLEUDWLRQVIURLGLQWHQVH
HQSOHLQYROGDQVOHVDQQ«HVbTXHGHV«WXGHVRQW ¢OȇH[W«ULHXUFKDOHXUH[WU¬PH¢SUR[LPLW«GHODFRPEXV
SHUPLVGHG«FRXYULUOHU¶OHMRX«SDUODIDWLJXHFȇHVW¢ tion, durée de vie de plusieurs années, résistance aux
GLUHOȇH΍HWGHVROOLFLWDWLRQVU«S«W«HVTXL¢ODORQJXHJ« intempéries et à la foudre. En outre, ils consomment une
QªUHQWGHVȴVVXUHVDORUVTXHOHVP¬PHVFRQWUDLQWHV «QHUJLHTXȇLOIDXWU«XVVLU¢HPEDUTXHUΖO\DSDUH[HPSOH
appliquées en continu auraient été très bien supportées. GH¢bNLORPªWUHVGHF¤EOHVGDQVXQ$(QȴQ
&HQȇHVWTXȇ¢SDUWLUGHO¢TXHGHVFDOFXOVHQIDWLJXHDSSD toutes les connexions demandent à être sécurisées, ce
rurent systématiquement pour les avions. TXLUHSU«VHQWH«JDOHPHQWXQG«ȴSHUPDQHQWȐUHOHY«
/DSU«VHQFHGHȴVVXUHVGDQVODVWUXFWXUHGȇXQDYLRQ dans de nombreux laboratoires français.
HVWQRUPDOHHWWUªVVXUYHLOO«HPDLVLOVȇDJLWGHSU«YRLU %LHQGȇDXWUHVGRPDLQHVSDUIRLV«WRQQDQWVUHVWHQW
leur propagation, un exercice très complexe qui dépend ¢H[SORUHU&ȇHVWOHFDVQRWDPPHQWGHVHVVDLVVXUmP«
de nombreux paramètres. Les dernières recherches sostructures », qui visent à limiter au maximum le
SHUPHWWHQWGHOȇDQWLFLSHUDYHFSU«FLVLRQHWGRQFGHSU« QRPEUHGȇHVVDLV¢U«DOLVHUSRXUFRQFHYRLUXQQRXYHO
GLUHODGXUDELOLW«GHOȇDYLRQ DYLRQWRXWHQDXJPHQWDQWODTXDQWLW«GȇLQIRUPDWLRQV
3DUDGR[HLQW«UHVVDQWɋOHVPDW«ULDX[FRPSRVLWHVVH REWHQXHV/DUHFKHUFKHDHQFRUHEHDXFRXSGȇLG«HVSRXU
ȴVVXUHQWWUªVW¶WGDQVOHXUYLHPDLVU«VLVWHQWELHQPLHX[ faire voler les avions du futur. II

CNRS LE JOURNAL
16
AÉRONAUTIQUE

Le régime minceur
des avions de ligne

En quelques années, les


chercheurs et ingénieurs
qui travaillent sur les
structures et les matériaux
des avions sont parvenus
à réduire le poids de ces
appareils de plusieurs
tonnes. Une avancée /ȇ$LUEXV$;:%FRQVWLWX«GH
PDMHXUHTXLSU«ȴJXUHGH PDWLªUHVFRPSRVLWHVORUVGȇXQH
nouvelles performances démonstration en vol au Salon du
%RXUJHWGH
aéronautiques.

© T. MAMBERTI/SAFRAN
Ζb
ls rendent les avions plus résistants mais aussi plus SRLGVHQPDW«ULDX[FRPSRVLWHV¢OȇLQVWDUGHODGHUQLªUH
légers, et permettent ainsi de réduire leur consomma- YHUVLRQGHVRQQRXYHDXFRQFXUUHQWOȇ$LUEXVb$(QWUH
WLRQ'HSXLVOHVDQQ«HVOHVXFFªVGHVPDW«ULDX[ temps, pourtant, le métal avait largement remplacé toile
composites ne se dément pas. Leur proportion dans la HWEDPERX'DQVOHVDQQ«HVbOHF«OªEUHHWLPSRVDQW
VWUXFWXUHGHVDYLRQVGHOLJQHQHFHVVHHQH΍HWGH %RHLQJb  Qȇ«WDLW OXL FRQVWLWX« TXH GȇDOOLDJHV
FUR°WUHG«SDVVDQWOHVbVXUFHUWDLQVPRGªOHVU«FHQWV GȇDOXPLQLXP
Cantonnée aux pièces secondaires dans un premier mb/HVWUDYDX[VXUOȇXWLOLVDWLRQGHPDW«ULDX[FRPSR
WHPSV ERUGVGȇDWWDTXH1, volets mobiles2 , etc.), leur utili- VLWHVGDQVOȇD«URQDXWLTXHRQWG«PDUU«GDQVOHVDQQ«HV
VDWLRQVȇ«WHQGG«VRUPDLVDXIXVHODJHHWDX[DLOHVHW b}, se souvient Olivier Allix, professeur au Laboratoire
P¬PHDX[SDUWLHVOHVSOXVVROOLFLW«HVGHOȇDYLRQFȇHVW¢ de mécanique et technologie4 (LMT-Cachan) et corespon-
dire la liaison ailes-fuselage. m0DLVVDQVODPRG«OLVDWLRQ VDEOHGXODERUDWRLUHFRPPXQ($'6(16mΖQQR&DPSXVb}
et la simulation de pointe développées par les chercheurs mb/HVFRPSRVLWHVGDQVXQDYLRQVRQWSULQFLSDOHPHQW
HWOHVLQJ«QLHXUVOHVPDW«ULDX[FRPSRVLWHVQȇDXUDLHQW FRQVWLWX«VGȇXQHPDWULFHRUJDQLTXHUHQIRUF«HSDUGHV
pas prospéré aussi rapidement », souligne Francisco ȴEUHVGHFDUERQHSRXUOHVSLªFHVGHODVWUXFWXUHFRPPH
&KLQHVWDFKHUFKHXU¢OȇΖQVWLWXWGHFDOFXOLQWHQVLIHW¢OȇΖQV le fuselage ou les ailes, précise le chercheur. Outre leur
titut de recherche en génie civil et mécanique3 (GeM). O«JªUHW«OHXULPPHQVHDYDQWDJHHVWGȇ¬WUHLQVHQVLEOHV¢
ODFRUURVLRQHWWUªVSHXVHQVLEOHV¢ODIDWLJXH¢ODGL΍«
L’envol des nouveaux matériaux rence des métaux. On voit également émerger des com-
$YHFVDIRUPHGHFKDXYHVRXULVJ«DQWHHWXQSRLGVQȇH[ posites à matrice en céramique, restreints à certaines
F«GDQWSDVOHVNLORJUDPPHVÉoleOȇDYLRQFRQ©XSDU pièces de moteur, et seuls à même de supporter de fortes
OȇLQJ«QLHXU&O«PHQW$GHU  SRXYDLWVȇ«OHYHUGH WHPS«UDWXUHVb}(QȴQGHVDUFKLWHFWXUHVWLVV«HVWUªVU«VLV
bFHQWLPªWUHVDXGHVVXVGXVROVXUSUHVTXHbPªWUHV WDQWHVDX[LPSDFWVVRQWDXMRXUGȇKXLXWLOLV«HVGDQVXQ
Un avion doublement précurseur puisque sa structure, moteur comme le LEAP de Safran, qui permet des gains
de bois et de tissu, intégrait déjà des matériaux compo- GHFRQVRPPDWLRQHWGHSROOXWLRQGHOȇRUGUHGHb
VLWHVQDWXUHOV(QVRLWbDQVDSUªVOHSUHPLHUYRO Sur le plan mécanique, et dans des conditions nor-
GȇÉoleOH%RHLQJbIHQGOHVDLUVDYHFODPRLWL«GHVRQ males de vol, ces matériaux montrent des propriétés …
1.ΖOVȇDJLWGHODVXUIDFHVDLOODQWH¢OȇDYDQWGȇXQHDLOHVXUODTXHOOHOȇDLUYLHQWVHGLYLVHUSRXUVȇ«FRXOHUGHSDUWHWGȇDXWUHGHOȇDLOH$FWLRQQ«VHQERXWGȇDLOHRX¢OȇDUULªUHGH
OȇHPSHQQDJHLOVSHUPHWWHQWDXSLORWHGHGLULJHUOȇDSSDUHLOGDQVOHVDLUV Unité CNRS/Univ. de Nantes/École centrale de Nantes. 4. Unité CNRS/ENS Paris-Saclay/UPMC.

ÉTÉ 2017 N° 289


17
GRAND FORMAT

… supérieures pour ce qui est du rapport poids-résis- «JDOHPHQWPRLQGUHTXHFHOOHGHVP«WDX[(QȴQOȇXVLQDJH


tance, en comparaison des alliages métalliques. mb/DU«VLV des pièces et la réparation de structures endommagées
WDQFHRQODGRLWDX[ȴEUHVGHFDUERQHWLVV«HVXQSHX SHXYHQWVHU«Y«OHUSOXVG«OLFDWVHWSOXVFR½WHX[
comme du tissu, explique Francisco Chinesta. &ȇHVWU«VLV
tant, mais cela ne tient pas la forme, tout comme le tissu L’usine du futur
GȇXQY¬WHPHQW2QLPSUªJQHDORUVOHVȴEUHVDYHFXQH Ces limitations actuelles, Philippe Olivier et les équipes
matrice organique, généralement un polymère, qui va GHOȇΖQVWLWXW&O«PHQW$GHUVRXKDLWHQWOHVG«SDVVHU(Q
SHUPHWWUHGHPDLQWHQLUOHVȴEUHVHWGHȴ[HUXQHIRUPHb} lien étroit avec les industriels – dont Airbus –, ce groupe
%LODQɋFHVPDW«ULDX[VRQWQRQFRUURVLIVSOXVO«JHUVHWSOXV de chercheurs répartis entre Toulouse, Albi et Tarbes
U«VLVWDQWVTXHOHVP«WDX['ªVORUVOȇXWLOLVDWLRQGHFHV VȇLQW«UHVVHGHSUªV¢ODIDEULFDWLRQGHVSLªFHVFRPSR
composites a été fortement encouragée après les chocs VLWHV$ȴQGHUHQGUHOȇXVLQDJHGHFHVSLªFHVSOXVUDSLGH
S«WUROLHUVGHVDQQ«HVbDȴQQRWDPPHQWGHU«GXLUH HWPRLQVRQ«UHX[GHVSURF«G«VGHIDEULFDWLRQ¢EDVFR½W
la facture de carburant.
Mais ces avantages ont aussi
leurs revers. Ainsi, les composites
semblent moins adaptés aux impré-
vus de vol tels que la foudre ou les
oiseaux. Leur faible capacité à
FRQGXLUHOHFRXUDQW¢ODGL΍«UHQFH
des métaux, oblige en effet les
constructeurs à mb DMRXWHU SDU
exemple, de grandes poutres en
cuivre dans le fuselage pour jouer le
U¶OHGHPDVVHHWGLVVLSHUOHFRXUDQW
ORUVGȇXQIRXGURLHPHQWHQSOHLQYROb},
évoque Philippe Olivier, directeur de
OȇΖQVWLWXW &O«PHQW$GHU 5 , dont les
équipes étudient les structures, les
systèmes et les procédés mécaniques
en aéronautique. La capacité des
composites à absorber des chocs vio-
© A. DASTE/SAFRAN

OHQWVORUVGȇXQHFROOLVLRQHQYRODYHF
des oiseaux ou des projectiles est

&RQWU¶OHGȇXQHDXEHIDEULTX«HSDU
WLVVDJHHQ'GHȴEUHVGHFDUERQH
destinée au moteur LEAP, au centre
6DIUDQGȇΖWWHYLOOH (VVRQQH 

/HmbSOXJ$5&2&(b} RQW«W«FRQ©XVDXVHLQGHOȇΖQVWLWXW‚OȇLQVWDUGHODVWDUW
XQF¶QHGȇ«MHFWLRQ up Aurock,mFU««HSDUGȇDQFLHQVGRFWRUDQWVGXODERUD
en composite à toire, qui propose aux industriels un processus de mise
matrice
HQIRUPHRULJLQDOHW«FRQRPLTXH¢OȇDLGHGHPRXOHVHQ
céramique, a
E«WRQȴEU«}témoigne Philippe Olivier.
H΍HFWX«VRQ
premier vol en /ȇXQGHVIDFWHXUVOLPLWDQWVSRXUOȇXVLQDJHGHVSLªFHV
VXUXQ$ FRPSRVLWHVHVWOHWHPSVGHFKDX΍DJHQ«FHVVDLUHSRXU
OHXULPSULPHUOHXUIRUPHG«ȴQLWLYHm3RXUDFF«O«UHUOD
FDGHQFHQRXVDYRQVGȇDXWUHVPDFKLQHVHQFRXUVGȇ«YD
luation »LQGLTXHOHFKHUFKHXU'XFKDX΍DJHSDULQGXF
WLRQXOWUDUDSLGHDX[LQIUDURXJHVHQSDVVDQWSDUOHmbIRU
PDJHVXSHUSODVWLTXHb}HPERXWLVVDQWXQHSLªFHSDU
© SAFRAN

VLPSOHSUHVVLRQGHJD]FHVRQWDXWDQWGHSLVWHVSRXUIDLUH
EDLVVHUOHFR½WWRXWHQU«GXLVDQWOHF\FOHGHSURGXFWLRQ

CNRS LE JOURNAL
18
AÉRONAUTIQUE

En tant que spécialiste des procédés de fabrication ORUVTXȇXQHVVDLVHSDVVHPDOTXHQRVRXWLOVQXP«ULTXHV


des composites, Francisco Chinesta connaît bien les de dernière génération viennent à la rescousse pour
SUREO«PDWLTXHVGȇXVLQDJHɋmb0RQWUDYDLOFRQVLVWH¢FRP «FODLUHUFHTXLVȇHVWSDVV«b}, note le chercheur.
prendre puis à modéliser les procédés industriels de Si la révolution numérique chemine plus lentement
PLVHHQIRUPHGHVSLªFHVȴQDOHVGHOȇDYLRQ(WFHIDLVDQW GXIDLWGHODULJXHXUGHVSURFHVVXVGȇKRPRORJDWLRQHOOH
à déterminer “la trace” mathématique du matériau dans IHUDODGL΍«UHQFHGDQVOHVDQQ«HV¢YHQLUmb/HQRPEUH
la machine, précise ce chercheur féru de simulations GHGRQQ«HVDFTXLVHVGHSXLVOHVDQQ«HVJU¤FH¢FHV
numériques. 8QHIRLVTXHMȇDLWUDQVFULWOHSURF«G«HQ nouvelles techniques expérimentales croît plus vite que
équations, je teste sur ordinateur des milliers de scénarios la loi de Moore 6b}, souligne Olivier Allix. Couplées à des
DILQ GH IDLUH HQFRUH PLHX[ɋ HQOHYHU TXHOTXHV NLOR EDQFVGȇHVVDLVGHSOXVHQSOXVSU«FLVGDQVOHXUVPH
JUDPPHVIDEULTXHUSOXVYLWHRXDYHFPRLQVGȇ«QHUJLHb} sures, ces approches in silico pourraient permettre de
VLPXOHUODWHQXHGHVPDW«ULDX[HQFRQVLG«UDQWOȇDYLRQ
Des matériaux conçus in silico dans son ensemble, et non plus seulement ses sous-
Et même si, compte tenu du grand nombre de paramètres
à considérer, les simulations peuvent prendre des jours,
voire des semaines, le gain pour les industriels est décisif. 0RG«OLVDWLRQGȇXQ
impact rasant sur
mb&ȇHVWJU¤FHDX[DSSURFKHVQXP«ULTXHVTXLVHVRQWODU
une structure

© INSTITUT CLEMENT ADER


JHPHQWLPSRV«HVGHSXLVOHG«EXWGHVDQQ«HVTXH composite dite
OȇRQSHXWDXMRXUGȇKXLHQYLVDJHUOȇ«WXGHGHQRXYHDX[PDW« mbVDQGZLFKb}HWGH
riaux composites mieux à même de résister au foudroie- OȇHQGRPPDJH
PHQWRXDX[LPSDFWVb}, se réjouit Francisco Chinesta. ment causé.
Les approches numériques sont également au cœur
de la nouvelle plateforme STIMPACT dont Olivier Philippe
DFRQWULEX«¢ODFU«DWLRQ*U¤FH¢OȇXWLOLVDWLRQGHODQFHXUV SDUWLHV8QHmbUXSWXUHP«WKRGRORJLTXHb}TXLSRXUUDLW
à air comprimé, uniques en leur genre et conçus par le DFF«O«UHU¢WHUPHOȇLQW«JUDWLRQGHQRXYHDX[PDW«ULDX[
FKHUFKHXUHWVRQ«TXLSHGH7RXORXVHHOOHR΍UHODSRVVL composites encore plus performants. mb&HODGHPHXUH
ELOLW«Gȇ«WXGLHUWRXVOHVW\SHVGȇLPSDFWVTXHSHXWVXELU XQG«ȴPDLVODSRVVLELOLW«GHU«DOLVHUSOXVUDSLGHPHQW
à faible ou à grande vitesse, un avion. En outre, mbOȇXWLOL HWDYHFXQSOXVJUDQGU«DOLVPHOHVWHVWVGȇHQGRPPDJH
VDWLRQGHFDP«UDV¢WUªVKDXWG«ELWFDSDEOHVGHȴOPHU PHQWSDUVLPXODWLRQHVWG«VRUPDLVHQOLJQHGHPLUHb},
bbLPDJHVSDUVHFRQGHQRXVSHUPHWGHU«DOLVHU se félicite Olivier Allix.
GHVDQDO\VHVVSDWLRWHPSRUHOOHVVDQVSU«F«GHQWb}, in-
GLTXHOHVFLHQWLȴTXHΖODSU«VHQW«OHVSUHPLHUVU«VXOWDWV Vers des avions 3.0
issus de la plateforme lors du Salon du Bourget, en juin 8QKRUL]RQQXP«ULTXHTXH)UDQFLVFR&KLQHVWDYRLWHQ
/HVDYDQF«HVFRQMRLQWHVGHVLQVWUXPHQWVHWGHV core plus riche en données. mb2QGHPDQGHG«VRUPDLV
méthodes de traitement informatique permettent éga- aux matériaux davantage que par le passé. La légèreté
lement à Philippe Olivier et à ses équipes de proposer HWODWHQXHHQYROQHVXɝ VHQWSOXVLOIDXW¢SU«VHQWTXȇLOV
aux industriels des processus mobiles mieux adaptés à MRXHQWXQU¶OHDFWLIb}, souligne le chercheur. Les succes-
la réparation de pièces composites détériorées. VHXUVGXIXWXU$SRXUUDLHQWELHQ¬WUHFHVSUHPLHUV
m/ȇHQGRPPDJHPHQWGHVPDW«ULDX[FRPSRVLWHVHVW mbDYLRQVFRQQHFW«Vb}EDUG«VGȇXQHP\ULDGHGHFDSWHXUV
G«VRUPDLVELHQPLHX[FRPSULVHWSU«GLWJU¤FHDX[DS LQW«JU«VDXVHLQP¬PHGHVPDW«ULDX[ɋmb&ȇHVWOHG«EXW
SURFKHVQXP«ULTXHVTXLSHUPHWWHQWGȇLQW«JUHUWRXWOH GHOȇªUHGXELJGDWDHWGXȊGLDJQRVWLFHQOLJQHȋɋWRXWHVOHV
savoir accumulé sur la physique complexe de ces maté- LQIRUPDWLRQVTXHOȇRQYDU«FROWHU¢FKDTXHPRPHQWGX
riaux », rappelle Olivier Allix. Les travaux pionniers menés vol nous renseigneront sur la tenue de la structure, nous
DX/07&DFKDQVRXVOȇLPSXOVLRQGH3LHUUH/DGHYª]HRQW SHUPHWWURQWGȇDɝ QHUOHVPRGªOHVHWHQUHWRXUGHSU«YH
SHUPLVOHG«YHORSSHPHQWGȇRXWLOVG«VRUPDLVmbLQW«JU«V QLUOHVSUREOªPHV/ȇLQWHOOLJHQFHDUWLȴFLHOOHDXFĕXU
dans la plupart des codes industriels ». Toutefois, les P¬PHGHVPDW«ULDX[YRLO¢ODJUDQGHU«YROXWLRQ¢YHQLUb},
avancées les plus récentes dans le domaine ne sont pas VȇHQWKRXVLDVPH)UDQFLVFR&KLQHVWD3RXUDLQVLGLUHHW
HQFRUHXWLOLV«HVHQURXWLQHɋmb/RUVTXHOHVLQGXVWULHOVHI paradoxalement, le constituant phare de nos avions
fectuent des simulations, leurs outils ont au moins dix semble désormais bien être ce nouvel alliage fait de
DQVGHUHWDUGVXUFHX[GHODUHFKHUFKH&HQȇHVWTXH FDUERQHGHSRO\PªUHVHWȐGȇLPPDW«ULHOII J.-B. V.

5.8QLW«&1568QLYGH7RXORXVH3DXO6DEDWLHUΖQVD7RXORXVHΖQVWLWXWVXS«ULHXUGHOȇD«URQDXWLTXHHWGHOȇHVSDFH‹FROHGHVPLQHVGȇ$OEL&DUPDX[
(OOHD«W«IRUPXO«HHQSDUOȇLQJ«QLHXUHWFRIRQGDWHXUGȇΖQWHO*RUGRQ(0RRUH&ȇHVWXQHORLGLWHmbH[SRQHQWLHOOHb}ɋHOOHSU«GLWOHGRXEOHPHQW
DQQXHOGHVFDSDFLW«VGHVPLFURSURFHVVHXUVGȇRUGLQDWHXU¢FR½WFRQVWDQW

ÉTÉ 2017 N° 289


19
GRAND FORMAT

/HVDYLRQVGȇDXMRXUGȇKXLVRQW
WUX΍«VGȇRUGLQDWHXUV/HV
VFLHQWLȴTXHVVRQWDX[DYDQW
SRVWHVSRXUVȇDVVXUHUGHOHXU Poste de pilotage de
bon fonctionnement et les Oȇ$LUEXV$¢OȇD«URSRUW
de Paris-Charles-de-Gaulle.
prémunir contre les bugs.

© G. ROLLE/REA
Objectif sûreté pour les
logiciels embarqués
&
b
ommandes de vol, pilote automatique, com- mb/ȇLG«HHVWDXVVLSXLVVDQWHTXHGHQ«JOLJHUOHVIURW
PXQLFDWLRQVHQWUHODPDFKLQHHWOȇ«TXLSDJHȐ tements en mécanique,H[SOLTXH0DUF3RX]HWGXG«SDU
‚ERUGGȇXQDYLRQGHQRPEUHX[«O«PHQWVORJL WHPHQWGȇLQIRUPDWLTXHGHOȇ‹FROHQRUPDOHVXS«ULHXUH1
FLHOVVRQWFULWLTXHVHWQȇRQWDXFXQGURLW¢OȇHU (DI ENS). On sait bien que cela ne décrit pas la réalité,
UHXU'HSXLVDQVOHXUV½UHW«GRLWEHDXFRXS mais cela permet de construire une théorie robuste sur
à la communauté informatique française, championne ODTXHOOHVȇDSSX\HUb}(QOȇRFFXUUHQFHLFLGȇ«FULUHGHV
GHVODQJDJHVG«GL«VDXFRQWU¶OHFRPPDQGHHWGHVORJL programmes indépendamment des processeurs sur
ciels anti-erreur. lesquels ils seront exécutés.
Cette idée est notamment au cœur du langage
8QODQJDJHDGDSW«DX[ȵRWVGHGRQQ«HV /XVWUHG«YHORSS«SDU1LFRODV+DOEZDFKVHW3DXO&DVSL
7RXWFRPPHQFHGDQVOHVDQQ«HVSDUXQHLQWXLWLRQ du laboratoire Verimag 2 6DIRUFHɋ"mbΖODODP¬PHORJLTXH
géniale de plusieurs informaticiens. Les spécialistes le que celle adoptée par les automaticiens, habitués à rai-
VDYHQWELHQXQORJLFLHOGLWGHmFRQWU¶OHFRPPDQGH} VRQQHUHQWHUPHVGHȵRWVGHGRQQ«HVWUDYHUVDQWGHV
doit prendre périodiquement des décisions en un temps FRPSRVDQWV«OHFWURQLTXHVb}SU«FLVH1LFRODV+DOEZDFKV
OLPLW«¢SDUWLUGȇXQȵRWFRQWLQXGȇLQIRUPDWLRQVH[W« &ȇHVWODUDLVRQSRXUODTXHOOHLOHVWUDSLGHPHQWDGRSW«SDU
ULHXUHV/ȇLG«HIXWGHSURJUDPPHUFHORJLFLHOGHWHOOH Airbus pour la programmation des commandes de vol
VRUWHTXȇLOWUDLWHFHȵRWGHPDQLªUHVLPXOWDQ«HSOXW¶WTXH de ses avions. Sous sa forme industrialisée, Lustre de-
séquentielle. Les langages synchrones étaient nés. vient le logiciel SCADE, utilisé par la suite pour

CNRS LE JOURNAL
20
AÉRONAUTIQUE

/LUHDXVVLOHSRUWUDLWGȇ$OL=ROJKDGUL
P«GDLOOHGHOȇLQQRYDWLRQ
du CNRS, sur lejournal.cnrs.fr
&HWH[SHUWGHOȇDXWRPDWLTXHHVW
¢OȇRULJLQHGȇXQDOJRULWKPH
LPSRUWDQWXWLOLV«VXUOȇ$

mbGHVVLQHUb}OHVFRPPDQGHVGHOȇ$GHOȇ$SXLVGH Le résultat est au-delà des espérances et Airbus


Oȇ$ $XMRXUGȇKXL6&$'(HVWXWLOLV«SDUWRXWGDQVOH DSSOLTXHODSUHPLªUHYHUVLRQGȇ$VWU«HDX[FRPPDQGHV
monde. mb&HORJLFLHOHWFHX[TXLVȇHQLQVSLUHQWVRQWG«VRU GHYROGHOȇ$SXLVGHOȇ$&HTXLQȇHPS¬FKH
PDLVXQH«YLGHQFHGDQVOȇXQLYHUVGXFRQWU¶OHFRP SDVOHVFKHUFKHXUVGHOȇDP«OLRUHUVDQVFHVVH;DYLHU5LYDO
PDQGHb}SRXUVXLWOȇLQIRUPDWLFLHQ'ȇR»XQH«YROXWLRQ GX'Ζ(16G«WDLOOHɋmb/DFRPPXQDXW«LQIRUPDWLTXHWUD
permanente. mb([SORU«HQFROODERUDWLRQDYHF$LUEXVXQ YDLOOHVXUSOXVLHXUVIURQWV3DUH[HPSOHOȇDGDSWDWLRQGȇ$V
GHVVXMHWVEU½ODQWVHVWGHG«WHUPLQHUODID©RQGȇLPSO« WU«HDX[ODQJDJHVDV\QFKURQHVXWLOLV«VGDQVOȇDYLDWLRQ
menter SCADE sur des processeurs massivement paral- SRXU OȇDQDO\VH GHV SDQQHV RX OHV DQQRQFHV DXGLR
lèles3b}LQGLTXH0DUF3RX]HW HWYLVXHOOHVDX[SLORWHV/ȇDP«OLRUDWLRQ
des diagnostics lors de la détection

“desLaavions
sûreté
Prévenir les bugs et les pannes GȇXQEXJSRWHQWLHOIDLW«JDOHPHQW
3DUDLOOHXUVFRPPHQWJDUDQWLUTXȇXQORJLFLHOGHFRQWU¶OH OȇREMHWGȇLPSRUWDQWVWUDQVIHUWVWHFK
FRPPDQGHVHFRPSRUWHFRUUHFWHPHQWɋ"/DU«SRQVHHVW
donnée par le logiciel Astrée, spécialisé dans les risques
doit QRORJLTXHV(QȴQOȇH[WHQVLRQGȇ$V
trée à des preuves de sécurité – vul-
Gȇ«FULWXUHDXPDXYDLVHQGURLWGHGLYLVLRQSDU]«URGH
SUREOªPHVOL«VDX[RS«UDWLRQVHQYLUJXOHȵRWWDQWHHW
beaucoup à Q«UDELOLW«GȇXQSURJUDPPHIDFH¢GHV
attaques extérieures, robustesse
autres sources potentielles de plantage. mb'DQVOȇDEVROX
RQVDLWGHSXLV7XULQJTXȇXQHWHOOHDPELWLRQHVWYRX«H¢ la communauté GȇXQHSODWHIRUPHLQIRUPDWLTXHTXHO
TXHVRLWOHORJLFLHOTXȇRQ\LQVWDOOHȐȂ
Oȇ«FKHF, relativise David Monniaux, lui aussi chercheur à
9HULPDJHWLPSOLTX«GDQVOHG«YHORSSHPHQWGȇ$VWU«H informatique HVWXQGRPDLQHWUªVDFWLIb} II M. G.

française.

Mais dans le cadre plus restreint des programmes de
FRQWU¶OHFRPPDQGH$LUEXVQRXVDGȇDERUGVROOLFLW«V
SRXUXQHSUHXYHGHFRQFHSWb}

NIVEAU DU CHAMP ÉLECTRIQUE


Le problème de la foudre
L’avion utilisant de plus en plus l’énergie
électrique, il faut s’assurer qu’il est immunisé
contre la foudre. Autrement dit, qu’en cas de
8 foudroiement – ce qui survient environ toutes
OHVbbKHXUHVȂOHFRXUDQWSDUDVLWHLQGXLW
6
sur la structure et qui se couple au réseau
z (m)

revient bien à la masse, sans dommages pour


4
les équipements.
2
Pour ce faire, les avionneurs soumettent leurs
avions à une batterie de tests grandeur nature.

'HOHXUF¶W«$ODLQ5HLQHL[HW&KULVWRSKH
15  25 *XL΍DXWGHOȇΖQVWLWXWGHUHFKHUFKH;/Ζ03 , ont
y (m)  5 
mis en place, en partenariat avec Dassault
x (m)
Aviation, un logiciel capable de modéliser toute
k'$66$8/7$9Ζ$7Ζ21;/Ζ0

la topologie de câblage et la complexité de la


VWUXFWXUHGȇXQDYLRQ5«VXOWDWɋXQHFDUWRJUDSKLH
        GXFKDPS«OHFWURPDJQ«WLTXHGDQVWRXWOȇDYLRQ
et des courants parasites induits sur les
dBV/m
câblages, permettant d’évaluer les contraintes
pour les équipements sensibles. « Nous sommes
Distribution du champ électrique les seuls à réaliser ce type de modélisation
dans un avion Falcon soumis à un complète », précise Alain Reineix.
WHVWGȇDWWDFKHPHQWGHODIRXGUH

1. Unité CNRS/ENS Paris/Inria.  Unité CNRS/Univ. Grenoble-Alpes/Grenoble INP.  Un traitement massivement parallèle consiste à utiliser un
JUDQGQRPEUHGHSURFHVVHXUVSRXUH΍HFWXHUXQHQVHPEOHGHFDOFXOVVLPXOWDQ«PHQW4. Unité CNRS/Université de Poitiers/Université de Limoges.

ÉTÉ 2017 N° 289


21
GRAND FORMAT
Ligne de montage
G«GL«H¢OȇDVVHPEODJH
ȴQDOGXPRWHXU/($3

La quête du
moteur idéal
Les moteurs à réaction des avions de ligne consomment
PRLQVIRQWPRLQVGHEUXLWHWRQWXQHȴDELOLW«DFFUXH
*URVSODQVXUOHVDP«OLRUDWLRQVU«FHQWHVU«DOLV«HVJU¤FH
au lien étroit entre laboratoires et industriels, et sur les
SURFKDLQVG«ȴV¢UHOHYHU

© C. ABAD/CAPA PICTURES/SAFRAN
3b
RXUIHQGUHOHVFLHX[LOIDXWVDYRLUVȇDSSX\HUVXU Pourtant, la chambre de combustion ne représente
OȇDLU(WVDQVXQHSURSXOVLRQHɝFDFHODSRUWDQFH TXȇXQHWRXWHSHWLWHSDUWLHGHVLPSRVDQWVWXUERU«DF
QȇHVWULHQ6\PEROHGHFHFRXSODJHHVVHQWLHOOHV WHXUV(OOHSUHQGODIRUPHGȇXQIR\HUDQQXODLUHSURFKHGH
DYLRQVFLYLOVDɝ FKHQWVRXVOHXUVDLOHVGȇLPSR ODWDLOOHGȇXQHURXHGHYRLWXUH5LHQ¢YRLUWRXWHIRLVDYHF
VDQWVPRWHXUV¢U«DFWLRQ&HX[FLVRQWOHWK«¤WUH la chambre de combustion des moteurs à explosion qui
GHSK«QRPªQHVFRPSOH[HVTXHOHVVFLHQWLȴTXHVYHXOHQW «TXLSHQWQRVDXWRPRELOHVɋmb‚OȇLQYHUVHGȇXQPRWHXU¢
toujours plus maîtriser et optimiser. Dans ce domaine, H[SORVLRQR»ODFRPEXVWLRQVHIDLWGHID©RQF\FOLTXHDYHF
OH&156DWLVV«XQSDUWHQDULDWHɝ FDFHDYHFOȇLQGXVWULH XQDOOXPDJH¢FKDTXHF\FOHFHOOHGȇXQWXUERU«DFWHXUGRLW
Tant et si bien que le groupe Safran, qui a connu le plus ¬WUHDVVXU«HHQSHUPDQHQFH&ȇHVWXQSUREOªPHFRP
JUDQGVXFFªVFRPPHUFLDOGHOȇDYLDWLRQFLYLOHDYHFVRQ SOH[HFDUODȵDPPHGRLW¬WUHVWDELOLV«HGDQVXQ«FRXOH
F«OªEUH&)0HQUHJLVWUDLWȴQMXLQSOXVGHbFRP PHQW¢JUDQGHYLWHVVHb} explique Sébastien Candel. Pour
mandes pour son nouveau moteur LEAP, aboutissement FHIDLUHOHVFKHUFKHXUVHWOHVLQGXVWULHOVQȇRQWHXGH
de recherches de longue haleine. cesse de rendre la solution de plus en plus élégante et
mb/H/($3D«W«FRQ©XFRPPHOH&)0HQSDUWHQD SHUIRUPDQWHɋmb3RXUQRXVOȇREMHFWLIHVWGRXEOHDVVXUHU
ULDWDYHF*HQHUDO(OHFWULFΖOHVWOHIUXLWGȇDYDQF«HVWHFK ¢ODIRLVODVWDELOLW«GHODȵDPPHHWXQHFRPEXVWLRQOD
QRORJLTXHVSRUWDQWVXUFKDTXH«O«PHQWGXPRWHXUb}, plus complète possible avec les émissions de polluants
LQGLTXH6«EDVWLHQ&DQGHOGX/DERUDWRLUHGȇ«QHUJ«WLTXH les plus réduites », souligne-t-il.
moléculaire et macroscopique, combustion1 (0& ¢ ‚FHWWHȴQODFKDPEUHGHFRPEXVWLRQSRVVªGHXQH
&K¤WHQD\0DODEU\ J«RP«WULHSDUWLFXOLªUHɋmb'ȇXQHSDUWODPXOWLSHUIRUDWLRQ
GHVSDURLVSHUPHWGȇDVVXUHUODWHQXHGHODFKDPEUHPDO
Petite, mais complexe gré les très hautes températures qui existent dans la
Parmi ces éléments, la chambre de combustion joue un ]RQHGHFRPEXVWLRQ'ȇDXWUHSDUWODFRPEXVWLRQHVW
U¶OHPDMHXUɋmb&ȇHVWHOOHTXLIRXUQLW¢ERUGGHOȇDSSDUHLO LQGXLWHSDUXQJUDQGQRPEUHGȇLQMHFWHXUVD«URG\QD
WRXWHOȇ«QHUJLHQ«FHVVDLUHDXYROpoursuit le chercheur. miques qui alimentent la chambre en kérosène et en air.
/ȇ«QHUJLHLVVXHGHODFRPEXVWLRQGXN«URVªQHHWGHOȇDLUHVW $XPR\HQGHSOXVLHXUVYULOOHVOHȵX[GȇDLUHQWUD°QHDYHF
transformée en énergie mécanique pour la propulsion et lui le nuage de gouttelettes de kérosène. Cette rotation
en énergie électrique pour les systèmes de commande de GHOȇ«FRXOHPHQWLQGXLWXQH]RQHGDQVODTXHOOHOHVJD]
YROHWSRXUFHX[TXLDVVXUHQWOHFRQIRUWGHVSDVVDJHUVb} FKDXGVGHODFRPEXVWLRQVRQWPLVHQUHFLUFXODWLRQDȴQ

CNRS LE JOURNAL
22
AÉRONAUTIQUE

GȇLQLWLHUHQFRQWLQXODFRPEXVWLRQGXP«ODQJHIUDLVLVVX Ces instabilités sont les ennemies des chercheurs et


GHOȇLQMHFWHXUb}SU«FLVHOHSK\VLFLHQ/ȇ«QHUJLHWKHUPLTXH GHVLQGXVWULHOVɋmb/HVDP«OLRUDWLRQVU«FHQWHVGHVWXUER
ainsi produite est alors transformée en énergie méca- U«DFWHXUVVHVRQWIDLWHVDXSUL[GȇXQHFRPEXVWLRQSOXV
QLTXHDXPR\HQGȇXQHWXUELQHFRXSO«HDXFRPSUHVVHXU VHQVLEOHDX[SK«QRPªQHVGȇLQVWDELOLW«TXȇLOIDXWGRQF
HW¢ODVRXɞ DQWH 2 $XȴQDOFȇHVWOȇ«MHFWLRQGHVJD]HQ VDYRLUPD°WULVHUb}, précise Sébastien Candel. La force de
sortie de réacteur via la tuyère qui induit la force de VRQODERUDWRLUHHVWGHSRXYRLUFRXSOHUOȇH[S«ULPHQWD
SURSXOVLRQɋOHXUH[SXOVLRQYHUVOȇDUULªUHVHWUDGXLWDORUV tion, la théorie et la simulation numérique au moyen du
HQXQHSRXVV«HYHUVOȇDYDQWSRXUOȇDYLRQ calcul à haute performance. Et les progrès dans ce do-
/HSULQFLSHGHODmbSURSXOVLRQ¢U«DFWLRQb}HVWHQIDLW maine sont mbIDQWDVWLTXHVb}mb2QHVW¢SU«VHQWFDSDEOH
FRQQXGHSXLVȐΖVVDF1HZWRQ  HWVDWURLVLªPH de simuler avec une bonne précision ce qui se passe à
ORLGLWHGȇDFWLRQU«DFWLRQ&HOOHFLSHUPHWGHPRQWUHU OȇLQW«ULHXUGHODFKDPEUHGHFRPEXVWLRQDXPRPHQWGH
que la force propulsive est directe- OȇDOOXPDJHGXIR\HU(WODFRQFRUGDQFHHQWUHOHVVLPXOD
ment reliée au débit-masse du WLRQVHWOHVREVHUYDWLRQVHVWP¬PHVXUSUHQDQWHb}, se

“deLakérosène
consommation
PRWHXUHW¢ODGL΍«UHQFHHQWUHOD réjouit-il.
YLWHVVHGHVJD]«MHFW«VHWODYLWHVVH &HVDYDQF«HVQXP«ULTXHVSURȴWHQWDXVVLDX[LQJ«
GHOȇDLUHQDPRQWGXPRWHXU ODYL
WHVVH GH OȇDYLRQ  &ȇHVW DXVVL XQ des nieurs. Le logiciel de simulation aux grandes échelles,
$9%3G«YHORSS«SDUOȇ«TXLSHGH7KLHUU\3RLQVRWGX
$QJODLVVLU)UDQN:KLWWOHTXLDX
G«EXWGHVDQQ«HVD\DQWFRP moteurs a été Cerfacs3GHOȇΖ0)74 à Toulouse, et les modèles élaborés
dans les laboratoires du CNRS sont directement parta-
SULVTXȇLOIDOODLWFRPSULPHUOHȵX[
GȇDLUSRXUWLUHUXQWUDYDLO¢SDUWLUGX réduite d’un gés avec les ingénieurs de Safran. Cette boîte à outils est
XQDWRXWSRXUUHOHYHUOHVG«ȴV¢YHQLUɋmb*U¤FH¢GHV

facteur deux.

cycle moteur et obtenir la force de DYDQF«HVVFLHQWLȴTXHVHWWHFKQRORJLTXHVOȇLQGXVWULHD
propulsion, avait donné corps au U«XVVL¢U«GXLUHGȇXQIDFWHXUGHX[ODFRQVRPPDWLRQGH
premier turboréacteur. mb'HSXLV N«URVªQHGHVPRWHXUVΖOIDXWFRPSWHUDXMRXUGȇKXLXQ
les premiers brevets de Franck peu plus de quatre litres par passager transporté et par
:KLWWOHODWHFKQRORJLHDEHDXFRXS«YROX«, souligne bNLORPªWUHVVRLWXQRUGUHGHJUDQGHXUFRPSDUDEOH¢
Sébastien Candel, et une distance énorme sépare son FHOXLGȇXQHDXWRPRELOH2UOHSDVVDJHUYROH¢bNLOR
WUDYDLOGHVDUFKLWHFWXUHVDFWXHOOHVb} mètres/heure. Mais on peut encore progresser, notam-
PHQWSRXUU«GXLUHOHV«PLVVLRQVGHGLR[\GHGȇD]RWHHW
Combustion in vitro et in silico GHSDUWLFXOHVGHVXLHb}, estime Sébastien Candel.
Cette complexité grandissante des turboréacteurs a été
UHQGXHSRVVLEOHSDUXQHPD°WULVHDFFUXHGHOȇD«URG\QD Plus gros mais moins bruyant
mique interne, de la mécanique, des matériaux et, bien 0¬PHVL6DIUDQHW$LUEXVRQWDQQRQF«HQOHODQFH
V½UGHODFRPEXVWLRQ(WFHWmbDUWGXIHXb}6«EDVWLHQ ment de recherches sur des moteurs hybrides alliant com-
&DQGHOHWVHVFROOªJXHVGȇ(0&HQRQWDFTXLVXQH bustion et énergie électrique, il demeure pour le moment
connaissance théorique et pratique qui les place au meil- FLOHGHFKDQJHUGHSDUDGLJPHɋmb/ȇ«QHUJLHREWHQXH …
GLɝ
OHXUQLYHDXLQWHUQDWLRQDO(QSUHPLHUOLHXJU¤FH¢XQ
EDQFH[S«ULPHQWDOXQLTXHHQVRQJHQUHɋXQIR\HUDQQX
Unique en son
ODLUHDX[SDURLVHQTXDUW]G«QRPP«0LFFDPLPDQWOD genre, le foyer
SHWLWHFKDPEUHGHFRPEXVWLRQGȇXQU«DFWHXU6DSDUWL Micca (à gauche)
FXODULW«ɋO¢R»OHVPDW«ULDX[HPSOR\«VSRXUOHVU«DFWHXUV a des parois en
GȇDYLRQVRQWRSDTXHVOHTXDUW]ODLVVHSDVVHUODOXPLªUHɋ TXDUW]SHUPHWWDQW
mb2QSHXWDLQVLREVHUYHUODG\QDPLTXHGHFRPEXVWLRQ GȇREVHUYHUOD
DQDO\VHUDXPR\HQGȇHVVDLVOȇDOOXPDJHFLUFXODLUHGXIR\HU combustion.
On voit ici que la
¢SDUWLUGHOȇ«WLQFHOOHGȇXQHERXJLHG«WHUPLQHUOHVP«FD
simulation (à droite)
nismes qui conduisent au couplage entre la combustion
des deux mêmes
et les modes acoustiques du système, explique Sébastien SKDVHVGȇDOOXPDJH
Candel. Le système est idéalisé mais il nous permet de concorde avec la
réaliser des avancées importantes, notamment sur la combustion réelle.
k(0&

TXHVWLRQGHVLQVWDELOLW«VGHFRPEXVWLRQb}

1. Unité CNRS/CentraleSupélec. (OOHHVWOHVHXO«O«PHQWYLVLEOHGȇXQPRWHXUSRXUOHVSDVVDJHUVGȇXQYROFRPPHUFLDO3RVLWLRQQ«HV¢OȇDYDQWGX


U«DFWHXUVHVODUJHVSDOHVHQURWDWLRQDVSLUHQWOȇDLUDPELDQWHWOȇHQYRLHQWGDQVOHU«DFWHXUSRXUJ«Q«UHUODSRXVV«H Centre européen de recherche
HWGHIRUPDWLRQDYDQF«HHQFDOFXOVFLHQWLȴTXH4.ΖQVWLWXWGHP«FDQLTXHGHVȵXLGHVGH7RXORXVH &1568QLY3DXO6DEDWLHUΖ137RXORXVH 

ÉTÉ 2017 N° 289


23
GRAND FORMAT

%DQFGȇHVVDLSRXUOȇ«WXGHGHVSHUIRUPDQFHV
aérodynamiques, acoustiques et vibratoires
GȇXQHVRXɞ DQWHGHWXUERU«DFWHXUGDQVOH
FDGUHGHOȇ‹TXLSH[3KDUH

… SDUNLORJUDPPHGHN«URVªQHHVWHQYLURQbIRLVSOXV
élevée que celle qui est stockée dans un kilogramme des
meilleures batteries et, même en tenant compte du ren-
dement thermodynamique, il reste un facteur 15 entre les
GHX[b}, prévient Sébastien Candel. Pour remplacer les
bWRQQHVGHN«URVªQHGȇXQ$LOIDXGUDLWDLQVL
bbWRQQHVGHEDWWHULHV(WOȇDP«OLRUDWLRQGXUDSSRUW
SXLVVDQFHSRLGVHVWOȇREMHFWLISUHPLHUGHVPRWRULVWHVHW
des avionneurs. Les imposants turboréacteurs double

k$&+(=Ζ(5(/0)$/7'66$)5$1
ȵX[TXLVRQWGHYHQXVODQRUPHGDQVOȇDYLDWLRQFLYLOHVRQW
3RVHGȇXQHVWUXFWXUHHQ
de ce point de vue remarquables et semblent donc avoir
QLGGȇDEHLOOHVGHVWLQ«H¢
HQFRUHGHEHDX[MRXUVGHYDQWHX['ȇDXWDQWTXHOȇXWLOLVD piéger les émissions sonores,
WLRQGȇXQGRXEOHȵX[GȇDLUHQHQWU«HFRXSO«¢OȇDXJPHQWD sur le site de Safran au Havre,
WLRQGXGLDPªWUHGHODVRXɞ DQWHDSHUPLVGȇDP«OLRUHUOH spécialisé dans les nacelles
UHQGHPHQWGHGLPLQXHUODFRQVRPPDWLRQHWGȇDWW«QXHU SRXUPRWHXUVGȇDYLRQ
OHEUXLWGȇ«MHFWLRQHQVRUWLHGHU«DFWHXU
‚FKDTXHG«FROODJHOHVKDELWDQWVVLWX«V¢SUR[LPLW«
des aéroports ont ainsi pu constater une réduction mbGH
SOXVLHXUVGL]DLQHVGHG«FLEHOVDXFRXUVGHVWUHQWHGHU
QLªUHVDQQ«HVb}, indique Daniel Juvé, directeur du Centre
O\RQQDLVGȇDFRXVWLTXHODERUDWRLUHGȇH[FHOOHQFH0DLVOH
SDVVDJHDX[U«DFWHXUVGRXEOHȵX[QȇHVWSDVODVHXOH
explication. Les travaux de Daniel Juvé et de ses collè-
gues du Laboratoire de mécanique des fluides et
GȇDFRXVWLTXH 5 (LMFA) y ont également contribué. mb/D
TXHVWLRQFO«G«VRUPDLVHVWGHVDYRLUVLOȇRQSRXUUDHQ
FRUHEDLVVHUVLJQLȴFDWLYHPHQWFHEUXLWRXVLOȇRQDSSURFKH
GȇXQSODIRQGGHYHUUHSRXUFHVW\SHVGHPRWRULVDWLRQb},
SU«FLVHWLO8QHU«SRQVHGȇDXWDQWSOXVDWWHQGXHTXHOD
réglementation internationale sur les nuisances sonores
© D. JUVE

va continuer à se durcir. De nouvelles architectures


GȇDYLRQDYHFGHVPRWHXUVLPSODQW«VDXGHVVXVGHVDLOHV
SDUH[HPSOHRXGHID©RQSOXVSURVSHFWLYHGHW\SHmbDLOH Simulation numérique directe
YRODQWHb}VRQWGȇDLOOHXUV«WXGL«HV¢ODIRLVSDUOHVFKHU du bruit émis par un jet
cheurs et les industriels. supersonique heurtant un
obstacle. Elle permet de voir les
variations de densité dans
Une cartographie des bruits Oȇ«FRXOHPHQWHWVXUODSDURLDLQVL
Pour mieux cerner les sources de bruit des réacteurs, le que la pression acoustique
/0)$VȇHVW«TXLS«GȇXQLPSUHVVLRQQDQWEDQFGȇHVVDLSRXU rayonnée (laboratoire LMFA).
Oȇ«WXGHGHVSHUIRUPDQFHVD«URG\QDPLTXHVHWGXEUXLW
GHVVRXɞ DQWHVGHU«DFWHXUV ‹TXLSH[3KDUH 8QHPD
TXHWWH¢Oȇ«FKHOOHGȇXQHVRXɞ DQWH ODSDUWLHDPRQW
du moteur, qui est la plus bruyante) est ainsi installée
dans une chambre sourde. Cette dernière permet de multi-microphoniques et caractérisation des écoule-
PHVXUHUOHVVRQV«PLVVDQVTXHFHX[FLQHVRLHQWU«ȵ« ments par des méthodes optiques.
chis par les parois et sans que le bruit extérieur ne vienne Car pour cartographier au mieux les sources de
WURXEOHUODPHVXUHɋmb(QVRQVHLQGHVU«VHDX[GHSOX QXLVDQFHOHVFKHUFKHXUVGRLYHQWDVVRFLHUOȇDFRXVWLTXH
sieurs centaines de microphones permettent alors de ¢ODP«FDQLTXHGHVȵXLGHVGDQVOHXUVPHVXUHVHWOHXUV
ORFDOLVHUOHVGL΍«UHQWHVVRXUFHVGXEUXLWb}, décrit Daniel calculs. mb/HVQDFHOOHVGHVWXUERU«DFWHXUVGHYLHQQHQW
-XY«/DFKDLUHLQGXVWULHOOH$'236<6FRȴQDQF«HSDU GHSOXVHQSOXVJURVVHVHWOȇLQWHUDFWLRQHQWUHOHVMHWV
Oȇ$JHQFHQDWLRQDOHGHODUHFKHUFKHHWOHJURXSH6DIUDQD propulsifs et la voilure augmente, multipliant les
permis de doter le laboratoire de nouveaux équipe- VRXUFHVGHEUXLWb}, explique Daniel Juvé. mb7RXWHIRLV
ments encore plus performants, couplant mesures ajoute-t-il, JU¤FHDX[HVVDLVHQFKDPEUHVRXUGHHWDX[

CNRS LE JOURNAL
24
AÉRONAUTIQUE

simulations numériques intensives, nous sommes par- +HOPKROW]7, piégeant les fréquences sonores ciblées.
venus à mieux comprendre les phénomènes aéro- 0DLVFHWWHDSSURFKHDWWHLQWG«VRUPDLVVHVOLPLWHVɋ
DFRXVWLTXHV¢OȇĕXYUHHW¢SURSRVHUGHVVROXWLRQVSRXU mb/ȇ«YROXWLRQYHUVGHVPRWHXUVGHGLDPªWUHGHSOXVHQ
ODU«GXFWLRQGHVEUXLWVb} SOXVJUDQGVȇDFFRPSDJQHGȇXQHDXJPHQWDWLRQGHEUXLWV
SOXVEDVHQIU«TXHQFHSOXVGLɝ FLOHV¢DWW«QXHU(QSDUDO
Des « pièges sonores » lèle, les contraintes imposées sur la taille des nacelles ne
&HVVROXWLRQVOH/DERUDWRLUHDFRXVWLTXHGHOȇXQLYHUVLW« SHUPHWWHQWSOXVGȇDXJPHQWHUOȇ«SDLVVHXUGHVVWUXFWXUHV
du Maine6 les connaît mieux que personne. mb/ȇLG«HHVW HQQLGGȇDEHLOOHVb}, souligne le chercheur.
VLPSOHXQHIRLVOHVVRXUFHVLGHQWLȴ«HVRQFKHUFKH¢OHV )DFH¢FHWWHLPSDVVHOHODERUDWRLUHGȇ<YHV$XUHJDQ
QHXWUDOLVHUb}, indique Yves Auregan. La solution phare VȇHVWDVVRFL«DXJURXSH6DIUDQDXVHLQGȇXQHQRXYHOOH
FRQVLVWH¢SODFHUDXWDQWGHmSLªJHVVRQRUHV}SRVVLEOHV chaire industrielle, MACIA, dédiée aux matériaux acous-
à proximité des sources de bruit du moteur. En premier WLTXHVLQQRYDQWVmb1RWUHREMHFWLIHVWGȇRSWLPLVHUDX
OLHXXQMHXGHSDURLVSHUIRU«HVGȇXQHP\ULDGHGHSHWLWV PD[LPXPOȇH[LVWDQWWRXWHQH[SORUDQWGHVVROXWLRQVGH
WURXV DXGHVVXV GȇXQH VWUXFWXUH HQ QLGGȇDEHLOOHV UXSWXUH¢OȇDLGHGHQRXYHDX[PDW«ULDX[PRLQVHQFRP
&KDTXHSHWLWWURXMRXHDORUVOHU¶OHGȇXQU«VRQDWHXUGH brants et plus absorbants, comme les métamatériaux8 .
1RXV«WXGLRQVDXVVLODSRVVLELOLW«GȇXWLOLVHUGHVPDW«
riaux qui transforment le son en électricité pour mieux
GLVVLSHUOHEUXLWb}, détaille-t-il.

La glace, ennemie des moteurs


Si nos oreilles sont sensibles au bruit, les moteurs, eux,
QȇDLPHQWSDVOHJLYUH(QVȇDFFXPXODQW¢OȇHQWU«HGXU«DF
teur, la glace peut se révéler fatale si des morceaux se
détachent et sont aspirés par le moteur. Au risque, alors,
GȇHQGRPPDJHUVDVWUXFWXUHLQWHUQHYRLUHGȇHQSURYR
TXHUOȇDUU¬W&HSK«QRPªQHGHmbJLYUDJHPRWHXUb}HVW
G«VRUPDLVELHQFRPSULVPDLVOHVRXWLOVGȇ«YDOXDWLRQGH
la résistance au givrage des appareils demeurent
rudimentaires.
%DV«DX/DERUDWRLUHGHVVFLHQFHVGHOȇLQJ«QLHXUGH
OȇLQIRUPDWLTXHHWGHOȇLPDJHULH 9 (ICube) de Strasbourg,
<DQQLFN+RDUDXDPLV¢SURȴWXQHFROODERUDWLRQDYHF
OȇXQLYHUVLW«GH0RQWU«DOSRXUDSSRUWHUXQHVROXWLRQ
innovante à la modélisation des phénomènes de gi-
vrage. mb/HVPRGªOHVQXP«ULTXHVGHVLQGXVWULHOVQH
SUHQQHQWSDVHQFRPSWHIDFLOHPHQWODPRGLȴFDWLRQGHV
WUDMHFWRLUHVGHOȇDLULQGXLWHVSDUOHVFRXFKHVGHJODFH2U
OHVSRLQWVGȇLPSDFWGHVJRXWWHVGȇHDXTXLYLHQQHQWJHOHU
¢ODSDURLG«SHQGHQWGHFHVȵX[GȇDLUTXLOHVWUDQV
© P. STROPPA/SAFRAN

SRUWHQWb}, explique-t-il. Dans un article remarqué  ,


<DQQLFN+RDUDXDPRQWU«TXȇLO«WDLWSRVVLEOHGȇXWLOLVHU
des approches numériques intégrant naturellement le
FKDQJHPHQWGHIRUPHGHVSDURLVGHOȇDYLRQ¢PHVXUH
TXHODJODFHVȇ\DFFXPXOH
5HWURXYH]FHVDUWLFOHVHWG«FRXYUH] &HVU«FHQWHVFRQWULEXWLRQVVRQWDXWDQWGȇLQQRYDWLRQV
GȇDXWUHVWH[WHVHWYLG«RVGDQV
notre dossier spécial Avion
WUDQVYHUVDOHVTXLVHURQW¢QȇHQSDVGRXWHUDXFĕXUGHV
sur lejournal.cnrs.fr moteurs de demain. II J.-B. V.

5. Unité CNRS/Univ. Jean-Monnet/Univ. Claude-Bernard/École centrale de Lyon/INSA Lyon.  Unité CNRS/Univ. du Maine/ÉSÉO. 6LYRXVDYH]G«M¢VRXɞ «
GDQVOHKDXWGȇXQHERXWHLOOHYLGHYRXVFRQQDLVVH]OHSULQFLSHGHFHGLVSRVLWLIFU««GDQVOHVDQQ«HVSDUOHVFLHQWLȴTXHDOOHPDQG+HUPDQQYRQ+HOPKROW]
 ΖOIXWOHSUHPLHU¢IRUPDOLVHUFHSK«QRPªQHGHU«VRQDQFHGHOȇDLUGDQVXQHFDYLW«8QSULQFLSHDXMRXUGȇKXLXWLOLV«DXVVLELHQGDQVOHVYRLWXUHVRXOHV
avions que dans les instruments de musique. (QDFRXVWLTXHLOVȇDJLWGHPDW«ULDX[DUWLȴFLHOVGRQWOHVSURSUL«W«VSK\VLTXHVIDFLOLWHQWOHFRQWU¶OHGHFHUWDLQHV
fréquences sonores. 9. Unité CNRS/Univ. de Strasbourg/INSA Strasbourg/ÉNGEE Strasbourg/Inria/Télécom ParisTech. m$6LQJOH6WHSΖFH$FFUHWLRQ0RGHO
Using Level-Set Method », D. Pena, Y. Hoarau, É. Laurendeau, Journal of Fluids and StructuresYROɋɋ

ÉTÉ 2017 N° 289


25
GRAND FORMAT

CNRS LE JOURNAL
26
PORTFOLIO

Changements de climat
sur le Mont-Blanc
Glaciologie. /HU«FKDX΍HPHQW
FOLPDWLTXHHQWUD°QHXQH
U«GXFWLRQVSHFWDFXODLUHGHV
JODFLHUVGX0RQW%ODQF&HV
GHUQLHUVRQWLOVG«M¢FRQQX
GHSXLVODGHUQLªUHJODFLDWLRQ
GHVUHFXOVHQFRUHSOXV
LPSRUWDQWVɋ"3RXUOHVDYRLU
OHVVFLHQWLȴTXHVGXSURMHW
$15mb9Ζ30RQW%ODQF1b}
VRQWDOO«V«FKDQWLOORQQHU¢
OȇDXWRPQHOHVURFKHV
GHFHPDVVLI
TEXTE $8'5(<'Ζ*8(7
PHOTOS -($1)5$1‰2Ζ6%821&5Ζ67Ζ$1Ζ
%Ζ2*‹26&Ζ(1&(6&1563+2727+Š48(

&RRUGRQQ«SDU-HDQ/RXLV0XJQLHUGHOȇΖQVWLWXW
GHVVFLHQFHVGHOD7HUUHGH&KDPE«U\

1. 'HSXLVDQVOD 2. /HVFKHUFKHXUVVH
7HUUHDFRQQXGHVS«ULRGHV UHQGHQWVXUSODFHSRXU
GHU«FKDX΍HPHQW WHQWHUGȇ«YDOXHUFHVIRQWHV
FOLPDWLTXHGȇRULJLQH /ȇK«OLFRSWªUHOHXUSHUPHW
QDWXUHOOHDYHFXQDSRJ«H GȇHPSRUWHUOHPDW«ULHO
GXUDQWmOȇRSWLPXP Q«FHVVDLUHHWGȇDFF«GHU
FOLPDWLTXHKRORFªQH} LO\D DX[GL΍«UHQWVVHFWHXUV
¢DQV R»WRXV R»LOVRQWSU«YXGH
OHVJODFLHUVGX0RQW%ODQF SURF«GHU¢GHV
RQWIRUWHPHQWGLPLQX« SU«OªYHPHQWVGHURFKHV

ÉTÉ 2017 N° 289


27
GRAND FORMAT

3. /RUVTXȇXQHURFKHQȇHVW
SOXVUHFRXYHUWHGHJODFHWHO
LFLOH-DUGLQGH7DOªIUHXQ°ORW
URFKHX[GHNP2HOOHHVW
ERPEDUG«HGHSDUWLFXOHV
FRVPLTXHVSURGXLVDQWGHV
LVRWRSHVUDUHVFRPPHOH
E«U\OOLXP
3

CNRS LE JOURNAL
28
PORTFOLIO

4. et 5. /HVSDUWLFXOHV
FRVPLTXHVQȇD΍HFWHQWTXH
OHVSUHPLHUVPªWUHVGH
URFKHVRXVODVXUIDFH/HV
SU«OªYHPHQWVSHUPHWWURQW
GHPHVXUHUOȇDFFXPXODWLRQ
GȇDWRPHVGHE«U\OOLXPb
GDQVOHVURFKHVHWGH
G«WHUPLQHUDLQVLODGXU«H
WRWDOHGȇH[SRVLWLRQDX[
UD\RQVFRVPLTXHVGRQF
FHOOHGXUHWUDLWGXJODFLHU
3RXUFHODOHVFLHQWLȴTXH
G«FRXSHGHVFXEHVGHURFKH
GHbFPTXLVHURQW
DQDO\V«VGDQVOHV
ODERUDWRLUHVGX&(5(*(¢
$L[HQ3URYHQFHJU¤FH¢OD
P«WKRGHGLWHGHGDWDWLRQ
GȇH[SRVLWLRQSDUOHVLVRWRSHV
FRVPRJ«QLTXHV

ÉTÉ 2017 N° 289



GRAND FORMAT

9LVLRQQHUOȇLQW«JUDOLW«GXGLDSRUDPD
VXUlejournal.cnrs.fr

CNRS LE JOURNAL

PORTFOLIO

6. 'HVPHVXUHVH΍HFWX«HV
JU¤FH¢XQQLYHDXGHWHUUDLQ
SHUPHWWURQWGHUHFRQVWLWXHU
OHUHOLHIHQYLURQQDQWDȴQ
Gȇ«YDOXHUVRQLQFLGHQFHVXU
OȇH[SRVLWLRQGHVURFKHVDX[
UD\RQVFRVPLTXHVHWGH
FRUULJHUOHVDQDO\VHV

7. $XWRWDO«FKDQWLOORQV
VRQWSU«OHY«V'ȇDSUªVOHV
SUHPLªUHVDQDO\VHVOHV
JODFLHUVGX0RQW%ODQF
DXUDLHQWFRQQXGDQVOHV
bGHUQLªUHVDQQ«HV
GHVUHWUDLWVSOXVLPSRUWDQWV
TXHOHQLYHDXDFWXHO5HVWH
DXMRXUGȇKXL¢G«ȴQLUOHXU
DPSOHXUHWOHXUFKURQRORJLH

ÉTÉ 2017 N° 289



GRAND FORMAT
La transparence du
poisson zèbre est propice
à l’étude des vertébrés.

Peut-on se passer des


modèles animaux ?
© INSTITUT PASTEUR
'
b
ans son Traité de la mala-
die sacrée, Hippocrate
Contribution majeure aux progrès de la biologie écrivait à propos de l’épi-
OHSVLHɋ« On peut recon-
et de la médecine, l’expérimentation animale naître la vérité de ceci sur
les brebis, qui sont sujettes à être
reste la cible de critiques, malgré un attaquées de cette maladie, et sur-
encadrement de plus en plus strict. Espèces tout sur les chèvres chez qui elle est
très fréquente. Si on ouvre la tête
concernées, protocoles mis en place, méthodes d’une chèvre, on trouve le cerveau
humide, plein d’eau et exhalant une
alternatives... CNRS Le journal fait le point sur cet mauvaise odeur. D’où il ressort évi-
demment que ce n’est pas un dieu
enjeu capital de la recherche contemporaine. TXLDɞ LJHLFLOHFRUSVPDLVELHQOD
PAR YAROSLAV PIGENET maladie. Il en est de même pour
l’homme1. » Celui que l’on considère
comme le père de la médecine était
ainsi le premier à décrire et utiliser
un modèle animal pour observer et
tenter d’expliquer2 les causes phy-
siques d’une maladie humaine qu’on

CNRS LE JOURNAL
32
LES MODÈLES ANIMAUX
CHIMIE

SHQVDLWGȇRULJLQHVXUQDWXUHOOHΖOIDX toute expérimentation sur les verté- FDXVHVGHVPDODGLHVGȇHQYLVDJHUGHV


dra attendre la naissance du clone brés par des méthodes substitutives. WUDLWHPHQWVHWGȇHQWHVWHUOȇHɝ
FDFLW«
Dolly pour que le modèle brebis re- Un but que la plupart des chercheurs Au fondement de toute expérimenta-
trouve brièvement la faveur des cher- n’estiment toutefois pas réaliste, WLRQDQLPDOHLO\DXQRUJDQLVPHTXL
FKHXUVPDLVbbDQVSOXVWDUGFHWWH P¬PH¢ORQJWHUPHVLFHQȇHVWDXSUL[ va servir de modèle à un autre, plus
P«WKRGHGȇLQYHVWLJDWLRQHWGȇREVHU d’un ralentissement sensible des pro- sensible, moins accessible ou plus dif-
YDWLRQGHVRUJDQLVPHVYLYDQWVGH JUªVGHODUHFKHUFKHELRP«GLFDOHHW ȴFLOHPHQWPDQLSXODEOH
meure l’un des piliers de la recherche d’une diminution drastique de la sé- m'XSRLQWGHYXHVFLHQWLȴTXH
ELRORJLTXHHWP«GLFDOHFRQWHPSR curité sanitaire. on choisit un modèle animal selon
UDLQHɋOHVPRGªOHVDQLPDX[RQW«W«¢ Avec les études sur les tissus, les WURLVFULWªUHVSULQFLSDX[ɋGȇDERUG
OȇRULJLQHGHSOXVGHSUL[1REHOHW FHOOXOHVHWOHVPRO«FXOHVELRORJLTXHV la similitude du modèle avec les
de la plupart des avancées biomédi- l’utilisation des modèles animaux caractéristiques du phénomène étu-
FDOHVGHVGHUQLªUHVDQQ«HV&HOD fait partie des principaux outils à la dié chez l’espèce cible – souvent
va du modèle du lapin qui a permis à GLVSRVLWLRQGXELRORJLVWHSRXULQWHU l’homme –, ensuite, en recherche
Pasteur d’inventer le vaccin contre la URJHUHWFRPSUHQGUHOHYLYDQW(OOH ELRP«GLFDOHOHGHJU«GHVLPLOLWXGH
UDJH¢FHOXLGHODPRXFKHGURVRSKLOH seule permet d’étudier les réponses HQWUHOHP«FDQLVPHELRORJLTXHGHOD
JU¤FHDXTXHO-XOHV+R΍PDQQSUL[ LQW«JU«HVGȇXQRUJDQLVPHDLQVLTXH maladie humaine étudiée et celui du
1REHODG«YRLO«OHVP«FDQLVPHV les interactions entre cellules, tissus et PRGªOHOXLP¬PHHQȴQHQUHFKHUFKH
de l’immunité innée, en passant par RUJDQHVTXLOHFRPSRVHQW(OOHVHXOH préclinique, la similitude des ré-
OHPRGªOHGXUDWDYHFOHTXHO-RKQ permet aussi, sans recourir à l’expéri- ponses à un traitement pharmacolo-
O’Keefe, May-Britt Moser et Edvard mentation sur l’homme, d’analyser les JLTXHH[SOLTXHOHJ«Q«WLFLHQ<DQQ
0RVHUQRE«OLV«VHQRQWFRP Hérault 3 . Un modèle animal est aussi
pris comment le cerveau traite l’infor- la résultante d’un ensemble de don-
mation spatiale. Q«HVJ«Q«WLTXHVGHOȇLQWHUDFWLRQGH
VRQJ«QRPHDYHFOȇHQYLURQQHPHQW
L’instauration d’un cadre dans lequel il est étudié et des ap-
Toutefois, s’ils ont connu un essor SURFKHVP«WKRGRORJLTXHVPLVHVHQ
extraordinaire depuis la Seconde œuvre pour l’analyser. »
Guerre mondiale, ces modèles ont
«JDOHPHQWPRQWU«FHUWDLQHVOLPLWHV La spécialisation des modèles
et de plus en plus de voix se sont éle- ‚SDUWLUGHVDQQ«HVbOȇH[SDQ
vées pour condamner l’exploitation sion de la recherche biomédicale va
irraisonnée des animaux et réclamer HQH΍HWDOOHUGHSDLUDYHFODPXOWLSOL
une meilleure prise en compte de leur cation et la spécialisation des mo-
VRX΍UDQFH%LHQDYDQWTXHFHWWHGH dèles animaux, débouchant sur des
mande ne prenne de l’ampleur, la avancées majeures dans tous les
FRPPXQDXW«VFLHQWLȴTXHDWHQW«Gȇ\ GRPDLQHVGHODELRORJLHWDQWIRQGD
U«SRQGUHHQ«WDEOLVVDQWGªVODȴQGHV mentaux qu’appliqués. Au modèle
DQQ«HVbXQHUªJOHYLVDQW¢U« brebis d’Hippocrate vont ainsi
duire au strict minimum le recours s’ajouter la souris, le lapin, le rat, le
aux animaux. C’est d’ailleurs dans ce poulet, le poisson zèbre, le macaque,
© GRANGER / BRIDGEMAN IMAGES

cadre philosophique et sous la pres- etc., ainsi que les superstars des
VLRQJUDQGLVVDQWHGXSXEOLFTXHOHV PRGªOHVLQYHUW«EU«VɋODPRXFKH
O«JLVODWHXUVRQW«ODERU«GHSXLVXQH drosophile et le ver nématode. La
trentaine d’années de nouvelles lois, place des modèles animaux dans les
directives et recommandations VFLHQFHVELRORJLTXHVHWP«GLFDOHV
éthiques encadrant de plus en plus ne va cesser de s’accroître tout au
sévèrement le recours à l’animal dans 3RUWUDLWGȇ+LSSRFUDWHJUDYXUHH[WUDLWHGȇXQRXYUDJHGX ORQJGXXXe siècle, le nombre d’ar-
ODUHFKHUFKHȴ[DQWP¬PHFRPPH FKLUXUJLHQIUDQ©DLV$PEURLVH3DU«   WLFOHVVFLHQWLȴTXHV\IDLVDQWU«I«
objectif ultime le remplacement de UHQFHDWWHLJQDQWXQUHFRUGDX …

 Le Serment ; la loi ; de l’art ; du médecin...+LSSRFUDWHWUDGXFWLRQ&KDUOHV'DUHPEHUJ3DULV/HIªYUHSS2. Sa méthode expérimentale a fait


ȵRUªVPDLVODWK«RULHGHVKXPHXUVTXȇLOHQWLUDVȇHVWDY«U«HFRPSOªWHPHQWIDXVVH'LUHFWHXUVFLHQWLȴTXHGHOȇΖQVWLWXWFOLQLTXHGHODVRXULV¢OȇΖQVWLWXWGHJ«Q«WLTXH
HWGHELRORJLHPRO«FXODLUHHWFHOOXODLUH &156ΖQVHUP8QLYHUVLW«GH6WUDVERXUJ 

ÉTÉ 2017 N° 289


33
GRAND FORMAT

… FRXUVGHVDQQ«HVb'ȇDXWDQW animaux de référence, possédant la cible de critiques de plus en plus


TXȇHQSOXVGHVȇ¬WUHGLYHUVLȴ«VHW des caractéristiques phénotypiques virulentes, tant sur le plan épistémo-
spécialisés, ces modèles ont connu HWJ«Q«WLTXHVELHQG«ȴQLHVHWG«M¢ ORJLTXH TXȇ«WKLTXH m/D ELRORJLH
récemment une évolution majeure décrites dans la littérature scienti- moderne s’est construite sur le
DYHFOȇXVDJHGȇDQLPDX[J«Q«WLTXH ȴTXH, précise Yann Hérault, qui a été constat de l’unité du vivant. Le fait
PHQW«GLW«VJU¤FHDX[TXHOVGHV GLUHFWHXUGXODERUDWRLUH7UDQVJHQªVH TXHQRVJªQHVSRVVªGHQWɋGȇKR
YDULDWLRQV J«Q«WLTXHV ILQHV SHU HWDUFKLYDJHGȇDQLPDX[PRGªOHV 4 , à PRORJLHDYHFFHX[GHODPRXFKHGUR
mettent de modéliser encore plus Orléans. Elles permettent, en les VRSKLOHHWɋDYHFFHX[GHODVRXULV
précisément des mécanismes phy- conservant dans des bases de don- QRXVDSHUPLVJU¤FH¢OȇH[S«ULPHQ
VLRSDWKRORJLTXHVGHSOXVHQSOXV Q«HVLQIRUPDWLTXHVLQWHUURJHDEOHV tation animale, d’élucider plusieurs
nombreux. On peut citer l’exemple ¢GLVWDQFHGHJDUDQWLUODSU«VHUYD P«FDQLVPHVSK\VLRORJLTXHVIRQGD
GHFHVVRXULVJ«Q«WLTXHPHQWPRGL WLRQGHVFDUDFW«ULVWLTXHVJ«Q«WLTXHV PHQWDX[HWFHUWDLQHVSDWKRORJLHV
fiées de manière à ce qu’elles et des informations zootechniques mais il reste délicat de postuler que
puissent être infectées par la bacté- sur ces modèles, ainsi que de les ce qui se passe dans le cerveau d’un
rie listeria, fournissant un modèle UHQGUHODUJHPHQWDFFHVVLEOHV¢OD SRLVVRQRXGȇXQURQJHXUPRG«OLVH
pour étudier la listériose humaine. FRPPXQDXW«VFLHQWLȴTXH} parfaitement tout ce qui se passe
Cette spécialisation des modèles a GDQVFHOXLGȇXQKXPDLQɋDLQVLOHUH
poussé les chercheurs à créer des Entre épistémologie et éthique cours à des primates modèles est
banques d ’animaux modèles. Reste qu’en dépit de sa contribution parfois indispensable pour étudier
« Principalement constituées de LQFRPSDUDEOHDX[SURJUªVGHODELR GHVSURFHVVXVQHXURELRORJLTXHVRX
JDPªWHVRXGȇĕXIVFRQJHO«VFHV ORJLHHWGHODP«GHFLQHOHUHFRXUV comportementaux complexes, ex-
banques contiennent des modèles aux modèles animaux est désormais SOLTXHOHFKHUFKHXU-HDQ6W«SKDQH

Les espèces utilisées en France AUTRES


MAMMIFÈRES
PRIMATES
1 103
CHATS
629
PORCS 5 541
8 354
dont
CHIENS REPTILES ET
1,59 % OGM BATRACIENS
2 852
AUTRES 48 423 dont AUTRES dont 2,77 % 639
RONGEURS 0,05 % OGM OISEAUX 44 248 OGM

POULETS
48 528
6XUSUªVGȇPLOOLRQGȇDQLPDX[ XWLOLV«VGDQVGHVH[S«ULHQFHVWHUPLQ«HV
HQHQ)UDQFHODVRXULVHVWOȇHVSªFHODSOXVVROOLFLW«H b VXLYLH
GHVSRLVVRQV b SXLVGXUDW b HWGXODSLQ b 

%LHQTXȇLOVVRLHQWV\VW«PDWLTXHPHQWPLVHQDYDQWSDUOHVmbDEROLWLRQQLVWHVb}
LAPINS FKDWVHWFKLHQVUHSU«VHQWHQWHQVHPEOHPRLQVGHbGHVDQLPDX[WHVW«V
88 334 HWOHVSULPDWHVb
dont 41,50 %
SOURIS POISSONS Les animaux utilisés sont essentiellement nés dans l’Union européenne
OGM
853 555 535 689 b 3DUPLHX[FHX[TXLQHSURYLHQQHQWSDVGȇ«WDEOLVVHPHQWV«OHYHXUV
dont 34,84 % OGM dont 0,43 % OGM
RXIRXUQLVVHXUVDJU««VVRQWGHVDQLPDX[«OHY«VDXVHLQP¬PHGH
l’établissement utilisateur.
k'$7$9Ζ68$/Ζ6$7Ζ21&+(Ζ13285&156/(-2851$/

2QQRWH«JDOHPHQWTXH  GHVDQLPDX[XWLOLV«V¢GHVȴQV


VFLHQWLȴTXHVVRQWLVVXVGHOLJQ«HVJ«Q«WLTXHPHQWDOW«U«HVSDUGL΍«UHQWHV
SURF«GXUHVɋPXWDJ«QªVHVSRQWDQ«HDO«DWRLUHRXGLULJ«HWUDQVJ«QªVHHWF
RATS
&HODFRQFHUQHXQSHXSOXVGȇXQWLHUVGHVVRXULV b SUªVGHODPRLWL«
131 722
dont 2,14 % GHVODSLQV b bGHVFKLHQVHWXQSHXSOXVGȇXQUDWVXU b 
OGM
/HVLQVHFWHVQHIRQWSDVSDUWLHGXFKDPSGHOȇHQTX¬WH

6RXUFH(QTX¬WHQDWLRQDOHPLQLVWªUHGHOȇ‹GXFDWLRQQDWLRQDOH
GHOȇ(QVHLJQHPHQWVXS«ULHXUHWGHOD5HFKHUFKH

CNRS. &KHUFKHXU¢OȇΖQVWLWXWGHVQHXURVFLHQFHV3DULV6DFOD\ &1568QLY3DULV6XG&($ΖQUDΖQVHUP8QLY-HDQ0RQQHW 2UJDQHVXUSXFH«OHFWURQLTXH

CNRS LE JOURNAL
34
LES MODÈLES ANIMAUX

/HVVRXULVWUDQVJ«QLTXHVGH Au département
l’Institut clinique de la souris J«Q«WLTXHGHOȇΖ&6OHV
Ζ&6 FRQVWLWXHQWGHVPRGªOHV chercheurs procèdent
de référence pour l’étude de DXJ«QRW\SDJHGHV
FHUWDLQHVSDWKRORJLHV GL΍«UHQWVLQGLYLGXV
humaines. du modèle souris.
© H. RAGUET/CNRS PHOTOTHÈQUE
© P. LATRON/INSERM

Gamètes et œufs de souris


sont conservés au
département animalerie de
OȇΖ&6¢ΖOONLUFK*UD΍HQVWDGHQ
DXVXGGH6WUDVERXUJ

© P. LATRON/INSERM
-RO\5 . Devant le nombre de plus en IUDQ©DLV PDLVDXVVLFHOOHVFDSDEOHV HVWU«SXW«PRLQVJUDQGFRPPHFHU
SOXVJUDQGGȇRUJDQLVPHVPRGªOHV¢ de réduire le nombre d’animaux uti- tains invertébrés notamment.
VDGLVSRVLWLRQOHELRORJLVWHVHGRLW OLV«V Reduction RXHQFRUHGHGLPL « Pour les remplacements “com-
DXMRXUGȇKXLGHELHQVȇLQWHUURJHUVXU nuer la douleur ou le stress imposés plets” d’animaux, on peut par
la pertinence de celui ou ceux qu’il ¢FHVDQLPDX[ 5HȴQHPHQWUDɝ QH H[HPSOHHQYLVDJHUGHVP«WKRGHV
va choisir pour répondre à la ques- PHQWRXDP«OLRUDWLRQHQIUDQ©DLV  GȇLQYHVWLJDWLRQSDVVDQWSDUXQGLVSR
tion qu’il se pose. » Toutefois, bien &HWWHSKLORVRSKLHGHVb5YDGHIDLW sitif in vitroIDLVDQWLQWHUDJLUGHV«O«
SOXVTXHOHVLQWHUURJDWLRQVVXUODYDOL servir de cadre à la communauté PHQWVELRORJLTXHVFRPPHOHVWLVVXV
dité et la valeur prédictive des mo- VFLHQWLȴTXHPDLV«JDOHPHQWLQVSLUHU OHVFHOOXOHVOHVRUJDQLWHVOHVELRPR
dèles animaux, ce sont celles concer- la plupart des recommandations lécules, ou par un dispositif ex vivo
nant le statut et le bien-être de «WKLTXHVUªJOHPHQWVHWORLV«ODERU«V FRQVWLWX«GȇXQRUJDQHELRDUWLȴFLHO
l’animal qui, trouvant un écho crois- GHSXLV SRXU U«JXOHU OH UHFRXUV ¢ DXVVLDSSHO«RUJDQR±GH REWHQX¢
VDQWDXSUªVGHODSRSXODWLRQRQWȴQL l’expérimentation animale. partir de cultures de cellules-souches,
par mettre l’expérimentation ani- 'DQVOHV5OHSUHPLHU5G«VLJQH ou bien encore par des dispositifs in
male sur la sellette. donc les méthodes qui évitent l’utili- silico ou RUJDQRQDFKLS6 réalisant
sation d’une espèce animale donnée des simulations bio-informatiques
Des méthodes substitutives dans un domaine où elle était basées sur la modélisation mathéma-
/DFRPPXQDXW«VFLHQWLȴTXHQȇDGȇDLO jusqu’alors nécessaire. Cette substi- WLTXHGHVGRQQ«HVELRORJLTXHV}, in-
OHXUVSDVDWWHQGXTXHOHJUDQGSXEOLF tution peut consister en un remplace- GLTXH-HDQ6W«SKDQH-RO\
HWOHO«JLVODWHXUVȇ\LQW«UHVVHQWSRXU ment d’animaux vertébrés, dont la Les outils de ce type se multi-
U«ȵ«FKLUDX[SUREOªPHV«WKLTXHV sensibilité est considérée comme plient, tel l’I-Wire, un système bioé-
posés par l’expérimentation animale élevée, par des animaux dont le po- lectronique qui permet d’étudier les
et à l’élaboration de méthodes alter- tentiel de perception de la douleur propriétés biomécaniques du cœur
QDWLYHV$LQVLGDQVOHXURXYUDJHThe KXPDLQ&RPSRV«GȇXQȴOGHFHOOXOHV
Principles of Humane Experimental tendu entre deux supports sen-

“ La biologie moderne
Technique, William Russell et Rex VLEOHVOȇDSSDUHLOU«DJLW¢FHUWDLQV
%XUFKRQWG«ȴQLGªVODUªJOH P«GLFDPHQWVGHODP¬PHID©RQTXH
GLWHmGHVb5}&HOOHFLFRQVLVWH¢
développer et à favoriser les mé-
s’est construite sur le constat OHIRQWOHVFHOOXOHVGXFĕXU*U¤FH¢
ce système, les chercheurs espèrent

de l’unité du vivant.

WKRGHVGȇLQYHVWLJDWLRQSRXYDQWVH PLHX[FRQQD°WUHOȇH΍HWGXVWUHVVVXU
substituer à l’utilisation de l’animal le cœur sans recours aux êtres vi-
Replacement , substitution en vants. m/HVSURJUªVSRWHQWLHOV …

ÉTÉ 2017 N° 289


35
GRAND FORMAT

… sont importants, mais je préfère Diminuer stress et douleurs toutes les bonnes pratiques de zoo-
le terme de méthodes complémen- (QȴQOHVP«WKRGHVUHOHYDQWGXWURL technie 9 qui améliorent la vie des
taires à celui d’alternatives car, VLªPHb5 5HȴQHPHQW, soit améliora- DQLPDX[WRXWHQDXJPHQWDQWODYDOL
même quand elles seront parfaite- WLRQ  G«VLJQHQW OHV PRGLȴFDWLRQV dité des modèles.
ment au point – et elles ne le sont pas DSSRUW«HVDX[FRQGLWLRQVGȇ«OHYDJH (Q)UDQFHOHVGHX[SUHPLHUVb5
encore –, aucune ne sera en mesure ainsi qu’aux procédures expérimen- sont inscrits dans le Code rural de-
de fournir les réponses qu’apporte tales et d’observation dans le but de SXLV&HOXLFLD«W«FRPSO«W«HQ
aujourd’hui l’expérimentation sur réduire le stress et la douleur des SDUVL[G«FUHWVWUDQVSRVDQWOD
GHVRUJDQLVPHVHQWLHUV, tempère le animaux utilisés. Elles se traduisent GLUHFWLYHHXURS«HQQH8(
chercheur. Ces méthodes pourront par exemple par l’utilisation de tech- TXL«WDEOLWODUªJOHGHVb5FRPPH
en revanche être combinées dans niques d’exploration non invasives cadre de toute recherche animale.
GHVDSSURFKHVLQW«JUDWLYHVFRPEL WHOOHVTXHOȇLPDJHULH501ODW«O«P« $LQVLFHWWHU«JOHPHQWDWLRQSURWªJH
nant in vitro, ex vivo et in silico où trie, le recours systématique à l’anes- WRXVOHVYHUW«EU«V HWOHVF«SKDOR
l’animal ne sera utilisé qu’en dernier thésie, l’évaluation comportemen- SRGHV GRQWHOOHU«JXOHOHVFRQGLWLRQV
recours, lorsque les “alternatives” WDOHQRWDPPHQW&HVRQW«JDOHPHQW Gȇ«OHYDJHHWVRXPHWWRXWHXWLOLVDWLRQ
n’auront pas permis d’apporter les
LQIRUPDWLRQVVXɝ VDQWHV}
À ce titre, les méthodes de
« substitution » s’apparentent de
facto aux méthodes de réduction, le
deuxième R, dont le but est de ré-
duire le nombre d’animaux utilisés
dans les études plutôt que de les
éliminer complètement. « Ces mé-
WKRGHVGHU«GXFWLRQVRQWG«M¢ODUJH
ment mises en œuvre dans nos labo-
ratoires, rappelle le vétérinaire Ivan
%DODQVDUGG«O«JX«VFLHQWLȴTXHDX
bureau éthique et modèles animaux
k&)5(6Ζ//21&1563+2727+Š48(

du CNRS7. Elles consistent en parti-


culier à concevoir des plans d’expé-
ULHQFHSOXVHɝ FDFHVDLQVLTXHGHV
tests statistiques plus pertinents,
qui vont permettre d’obtenir des
U«VXOWDWVVLJQLȴFDWLIVVXUGHVH΍HF
tifs réduits. Elles passent aussi par le
SDUWDJHGHEDQTXHVGHGRQQ«HVGH Ce babouin de Guinée participe à des
résultats expérimentaux, la création WHVWVGȇLQWHOOLJHQFHvia un dispositif dans
de centres de ressources d’animaux lequel il peut entrer librement, à la
PRGªOHVDXJ«QRPHRXDXSK«QR VWDWLRQGHSULPDWRORJLHGX&156
k&)5(6Ζ//21&5&$&1563+2727+Š48(

type bien établi, ainsi que par la réu-


tilisation d’animaux. » On notera
que, par la quantité inédite d’infor-
mations qu’il permet de recueillir,
Souris en phase exploratoire dans
l’essor récent des techniques un labyrinthe de Barnes. Ce test
« omiques 8 » de mesure à haut débit de mémoire spatiale permet
GXPDW«ULHOJ«Q«WLTXHRXGHVSUR Gȇ«WXGLHUGHVSDWKRORJLHVOL«HV
W«LQHVSHUPHWOXLDXVVLXQXVDJH ¢GHVG«ȴFLWVQHXURFRJQLWLIV
plus parcimonieux des animaux.

ΖOHVW«JDOHPHQWGLUHFWHXUDGMRLQWGX&HQWUHGȇH[SORLWDWLRQIRQFWLRQQHOOHHWGHIRUPDWLRQHQSULPDWRORJLH &156$L[0DUVHLOOH8QLYHUVLW«  Techniques à haut


G«ELWSHUPHWWDQWXQHDQDO\VHVLPXOWDQ«HGȇXQJUDQGQRPEUHGHYDULDEOHVHOOHVFRPSUHQQHQWQRWDPPHQWODJ«QRPLTXHODWUDQVFULSWRPLTXH H[SUHVVLRQGHVJªQHV
HWOHXUU«JXODWLRQ ODSURW«RPLTXH DQDO\VHGHVSURW«LQHV HWODP«WDERORPLTXH «WXGHGHVP«WDEROLWHVSURGXLWV  La zootechnie est l’ensemble des sciences et
WHFKQLTXHVPLVHVHQĕXYUHGDQVOȇ«OHYDJHODV«OHFWLRQHWODUHSURGXFWLRQGHVDQLPDX[GRPHVWLTXHV Unité CNRS/Aix-Marseille Université.

CNRS LE JOURNAL
36
LES MODÈLES ANIMAUX

Objet des études en France 6RXUFH(QTX¬WHQDWLRQDOHPLQLVWªUHGHOȇ‹GXFDWLRQQDWLRQDOH


et sévérité des procédures GHOȇ(QVHLJQHPHQWVXS«ULHXUHWGHOD5HFKHUFKH&HWWHHQTX¬WH
FRQFHUQHOHVH[S«ULHQFHVWHUPLQ«HVHQ

/HVTXDWUHGHJU«VGH OBJET D’ÉTUDE SÉVÉRITÉ


JUDYLW«GHVSURF«GXUHV
expérimentales sont RONGEURS
G«ȴQLVHQIRQFWLRQGH 37% 27% 36% 36% 46% 12% 6%
l’intensité de la douleur,
du stress ou du
GRPPDJHTXHOȇDQLPDO 1 122 034
ULVTXHGHVXELUɋ

Légère : l’animal est


susceptible d’éprouver POISSONS
une douleur ou une 8% 6% 86% 88% 5% 3% 4 %
DQJRLVVHO«JªUHHWGH
courte durée, sans
LQFLGHQFHVLJQLȴFDWLYH 535 689
VXUVRQ«WDWJ«Q«UDO

Modérée : l’animal est


susceptible d’éprouver OISEAUX
une douleur ou une 23% 10% 67% 76% 11% 3% 10%
DQJRLVVHPRG«U«HRX
de nature à avoir une
LQFLGHQFHO«JªUHVXUVRQ 92 776
«WDWJ«Q«UDO

Sévère : l’animal est


susceptible d’éprouver CHIENS
une douleur ou une 21% 17% 62% 60% 34% 5% <1%
DQJRLVVHLQWHQVHRX
SURORQJ«HGHQDWXUH¢
DYRLUXQHLQFLGHQFHJUDYH 2 852
VXUVRQ«WDWJ«Q«UDO

Sans réveil : l’animal est


anesthésié et ne reprend PRIMATES
pas conscience à l’issue 28% 45% 27% 27% 59% 9 % 5%
de la procédure.

7HVWFOLQLTXHV 1 103
P«GLFDPHQWV HWGH Recherche Recherche
biologique biomédicale Essais
toxicité des denrées médicaux*
fondamentale appliquée Légère Modérée Sévère Sans réveil
alimentaires et des
produits manufacturés.

d’animaux à l’approbation d’un comi- possible, avec des protocoles stan- Ζ&( m6WRS9LYLVHFWLRQ}SU¶QDQW
W«Gȇ«WKLTXHDJU««(OOHQHVȇDSSOLTXH dardisés, robustes, reproductibles et notamment l’interdiction de toute
toutefois pas aux autres invertébrés surtout respectueux du bien-être expérimentation sur l’animal au pro-
comme les insectes. Elle restreint par DQLPDOGHOȇ«WKLTXHHWSOD©DQWOD ȴWGHP«WKRGHVVXEVWLWXWLYHVD«W«
ailleurs fortement le recours aux pri- UªJOHGHVb5DXFHQWUHGHOHXUU« ODQF«HHQHWVLJQ«HSDUPLO
mates modèles et aux carnivores ȵH[LRQW«PRLJQH<DQQ+«UDXOWDe OLRQGHFLWR\HQVGHOȇ8(2XWUHODJX«
FKLHQVFKDWVHWIXUHWV HWLQWHUGLW SOXVHQSOXVGHSURWRFROHVVRQWRUJD rilla que mènent certains activistes
OȇXWLOLVDWLRQGHVJUDQGVVLQJHV nisés en batterie, donnant un tableau contre les centres de recherche ani-
FOLQLTXHEDV«VXUSOXVGHSDUD PDOHOHVVFLHQWLȴTXHVVXSSRUWHQW
Des personnels bien formés PªWUHVSK\VLRORJLTXHVHWFRPSRUWH assez mal le procès d’intention qui
&HVQRXYHOOHVUªJOHVRQW«W«SDUIDLWH mentaux pour chaque individu, en leur est fait quant à leur supposée
PHQWLQW«JU«HVSDUODFRPPXQDXW« PLQLPLVDQWOHPDO¬WUHHQDɝ QDQW LQGL΍«UHQFHDXELHQ¬WUHDQLPDO
VFLHQWLȴTXHm(Q)UDQFHHWSOXVJ« les méthodes et en réduisant le « Nous ne sommes ni des sadiques,
néralement en Europe, la recherche nombre d’animaux étudiés. » ni des robotsVRXOLJQH*XLOODXPH
animale repose sur des personnels &HVSURJUªVHWFHVU«JOHPHQWD Masson, directeur du Centre d’ex-
bien formés dans des structures ré- WLRQVVRQWQ«DQPRLQVMXJ«VLQVXɝ  ploitation fonctionnelle et de forma-
JOHPHQW«HVVȇH΍RU©DQWGȇXWLOLVHUOHV sants par une partie du public. WLRQHQSULPDWRORJLH 10 . Quand on
méthodes les moins invasives L’initiative citoyenne européenne travaille quasi quotidiennement …

ÉTÉ 2017 N° 289


37
GRAND FORMAT

… DYHFXQJURXSHGHPDFDTXHVSHQ ELRDUWLȴFLHOOHQHFRPSRUWHQLSRLOV anti-nauséeux prescrit dans les an-


dant plusieurs mois voire années, ni terminaisons nerveuses, ni vais- Q«HVbDX[IHPPHVHQFHLQWHVHW
on s’attache fortement à eux, on fait VHDX[VDQJXLQVEUHIULHQGHWRXWFH qui a entraîné la naissance de dizaines
tout pour leur rendre la vie pas seu- TXLIDLWGHODSHDXXQRUJDQHHWSDV de milliers d’enfants malformés, il-
OHPHQWVXSSRUWDEOHPDLVDJU«DEOH un simple tissuLQVLVWH-HDQ6W«SKDQH lustre dramatiquement ce risque. La
comme le ferait un maître aimant -RO\Ainsi, les tests pratiqués vont molécule avait été testée sur des rates
SRXUVRQFRPSDJQRQDQLPDO} Et pouvoir nous dire si tel ou tel produit JUDYLGHVVDQVTXȇDXFXQH΍HWW«UDWR
quoiqu’ils comprennent et acceptent est irritant ou localement cancéri- JªQHQHVRLWG«WHFW«2UODWKDOLGR
la multiplication des contrôles enca- JªQHPDLVQRXVQHVDXURQVSDVVL mide n’est pas métabolisée de la
drant l’expérimentation, certains d’éventuelles nanoparticules entrant P¬PHPDQLªUHSDUOHVURQJHXUVHW
FKHUFKHXUVVȇLQWHUURJHQWVXUOHVSULR GDQVVDFRPSRVLWLRQSHXYHQWJDJQHU par les primates. mbΖOIDXWVHP«ȴHUGH
ULW«VGXO«JLVODWHXU« Nous respec- ODFLUFXODWLRQVDQJXLQHHWLQWHUI«UHU la facilité du modèle animal unique et
tons scrupuleusement toutes les avec notre système immunitaire. » J«Q«UDOLVWH, prévient Ivan Balansard.
UªJOHVHXURS«HQQHVHWIUDQ©DLVHV Dans le développement de nou- On viole aussi l’éthique en utilisant un
dans nos expériences sur les pois- veaux médicaments, renoncer à PRGªOHLQDG«TXDWɋb}
sons zèbresSRLQWHODJ«Q«WLFLHQQH l’expérimentation sur un ou plu- Depuis le désastre de la thalido-
Laure Bally-Cuif, directrice adjointe sieurs modèles animaux revient à PLGHOHUHFRXUV¢XQHHVSªFHmbQRQ
GXODERUDWRLUH%DVHVJ«Q«WLTXHV reporter le risque sur l’être humain. URQJHXUb}HVWGHYHQXREOLJDWRLUHGDQV
moléculaires et cellulaires du déve- Le scandale de la thalidomide, cet les essais précliniques des médica-
loppement11. -HQRWHFHSHQGDQWTXȇHQ ments. m/DGLɝ FXOW«HVWODP¬PH
Europe, aujourd’hui, la qualité de vie pour la recherche fondamentale, où
d’un poisson zèbre en laboratoire fait se restreindre à l’étude des molé-
OȇREMHWGȇLQȴQLPHQWSOXVGȇDWWHQWLRQ cules, des cellules et des tissus risque
que celle des milliers de poissons qui de freiner – si ce n’est de stopper –
ȴQLVVHQWDVSK\[L«VRXPXWLO«VGDQV WRXWSURJUªVGDQVQRWUHFRPSU«KHQ
OHVȴOHWVGHODS¬FKHLQGXVWULHOOH} sion de la mécanique et des interac-
k&)5(6Ζ//21Ζ3%6&1563+2727+Š48(

tions complexes entre constituants


L’inquiétude des chercheurs TXLFDUDFW«ULVHQWWRXWRUJDQLVPHYL
Dans la réponse qu’elle a publiée en vant, poursuit le chercheur. Même si
¢OȇΖ&(m6WRS9LYLVHFWLRQ}OD de nouvelles approches et des mé-
&RPPLVVLRQHXURS«HQQHMXJHDLWSU« thodes d’exploration révolution-
maturé un bannissement immédiat, QDLUHV«PHUJHQWOȇXWLOLVDWLRQGHPR
mais elle concédait mSDUWDJHU OD dèles animaux demeurera encore
conviction que l’expérimentation ORQJWHPSVLQGLVSHQVDEOHDXSURJUªV
DQLPDOHGRLW¬WUHSURJUHVVLYHPHQW Substitut de peau humaine créé in vitro VFLHQWLȴTXHHWP«GLFDO/DUHFKHUFKH
supprimée en Europe ». Une posi- à partir de cellules extraites lors d’une ELRORJLTXHHQDEHVRLQFDUFȇHVWWRXW
biopsie. Cette technique permet de
tion12 qui inquiète beaucoup les cher- simplement le seul moyen dont nous
limiter les tests in vivo sur les animaux.
cheurs, car peu d’entre eux croient disposons pour observer et com-
TXȇRQSRXUUDXQMRXUP¬PH¢ORQJ SUHQGUHOHIRQFWLRQQHPHQWGHOȇRUJD
terme, se passer totalement des Expérience sur QLVPHHWGHVJUDQGHVPDODGLHVV\VW«
études sur les modèles animaux. un ver nématode. miques comme le cancer. Bien
En réalité, l’interdiction complète &ȇHVWJU¤FH¢FH entendu, cette recherche doit se faire
des tests sur l’animal est déjà appli- modèle animal GDQVOHSOXVJUDQGUHVSHFWGHVUªJOHV
k138-2/&Ζ0/&1563+2727+Š48(

TX«HHQ(XURSHGHSXLVGDQVOH que fut découvert d’éthique et de bien-être animal. » II


domaine des produits cosmétiques, le mécanisme de
mort cellulaire
et cela pourrait un jour poser pro-
SURJUDPP«H¢
EOªPHɋm(QFRVP«WRORJLHOHVWHVWV OȇRULJLQHGXSUL[
peuvent être pratiqués sur des Nobel de Lire notre dossier paru dans
cultures isolées de peau humaine – la médecine, CNRS Le journalQr «W« 
ou sur lejournal.cnrs.fr
technique est assez bien maîtrisée –, HQ
mais il faut savoir que cette peau 9RLUDXVVLOHVLWHGX*LUFRU JURXSH
LQWHUSURIHVVLRQQHOGHU«ȵH[LRQHWGH
Unité CNRS/Institut Pasteur. )DLVDQWOȇREMHWGȇXQHSODLQWHGHm6WRS9LYLVHFWLRQ}DXSUªVGX0«GLDWHXUHXURS«HQ FRPPXQLFDWLRQVXUODUHFKHUFKH
FHWWHU«SRQVHGHOD&RPPLVLRQD«W«MXJ«HELHQIRQG«HGDQVXQHG«FLVLRQGXDYULO www.recherche-animale.org

CNRS LE JOURNAL
38
EN ACTION

Étudier le ciel depuis une montgolfière,


percer les mystères du sommeil,
partir au Mexique puis questionner
l’esclavage et l’inceste.
ILLUSTRATION : GIANPAOLO PAGNI POUR CNRS LE JOURNAL

ÉTÉ 2017 N° 289


39
EN ACTION

Les nouveaux matériaux


inspirés
du graphène

© J. KING-HOLMES/SCIENCE PHOTO LIBRARY/COSMOS


Électronique. Premier matériau de l’épaisseur d’un seul graphène mais qui soient, en outre, semi-conducteurs.
atome, le graphène a ouvert la voie à de nombreux autres /ȇHQMHXHVWGHWDLOOHɋDYHFFHVPDW«ULDX['RQSRXUUDLW
DɝQHUMXVTXȇDX[GLPHQVLRQVGHOȇDWRPH RXSUHVTXH OHV
PDW«ULDX[XOWUDȴQV&HVGHUQLHUVSRXUUDLHQWWURXYHUGH canaux par lesquels, dans les transistors en particulier,
multiples applications en électronique et en optique. transitent les électrons. Et donc repousser d’autant les
limites de la miniaturisation.
PAR JULIEN BOURDET

/HVLOLFªQHEDVHGHVIXWXUVWUDQVLVWRUVɋ"

U
b
OWUDȵH[LEOHXOWUDO«JHUUHPDUTXDEOHPHQWWUDQVSD Dans cette course, un premier matériau a sorti son épingle
rent, plus résistant que l’acier et plus conducteur GXMHXɋOHVLOLFªQH&RPPHVRQQRPOȇLQGLTXHFHOXLFLHVW
d’électricité que le cuivre… La liste des qualités du DXVLOLFLXPFHTXHOHJUDSKªQHHVWDXFDUERQHɋFȇHVWXQ
graphène, feuillet constitué d’une unique couche feuillet d’une seule épaisseur d’atomes de silicium, orga-
d’atomes de carbone disposés en nid-d’abeilles, est nisés eux aussi en nid-d’abeilles. m0DLV¢ODGL΍«UHQFHGX
impressionnante. À peine ce matériau dit bidimension- graphène, le réseau cristallin du silicène est légèrement
nel (ou 2D) était-il isolé en 2004 qu’on lui promettait une ondulé. C’est cette caractéristique qui permet de le rendre
foule d’applications. Il devait notamment révolutionner semi-conducteur », explique Guy Le Lay, du laboratoire
l’électronique. Or, dans ce domaine, le graphène n’a pour Physique des interactions ioniques et moléculaires1, à
SEMI-CONDUCTEUR l’instant pas tenu ses promesses. Loin d’être découragés, Marseille. S’ajoute à cela que dans le silicène, tout comme
Se dit d’un les chercheurs tentent aujourd’hui de développer de pour le graphène, les électrons sont extrêmement mo-
matériau qui passe
nouveaux matériaux cousins du graphène, car bidimen- ELOHV$XWUHDYDQWDJHɋOHVLOLFªQHSRXUUDLWVȇLQW«JUHUQDWX
de l’état isolant à
l’état conducteur sionnels comme lui, qui pourraient ouvrir la voie à l’élec- rellement à l’industrie électronique, qui repose essentiel-
dès qu’on lui tronique de demain. lement sur le silicium (dont le silicène est un dérivé).
apporte une Bien qu’il soit imbattable pour transporter rapide- Reste que le silicène n’est pas dépourvu de défauts.
certaine quantité
PHQWOHV«OHFWURQVOHJUDSKªQHVRX΍UHGȇXQKDQGLFDSɋ À commencer par sa fabrication, qui est bien plus com-
d’énergie (chaleur,
lumière ou champ contrairement aux matériaux dont sont faits les transis- pliquée que celle du graphène, lequel s’obtient grâce au
électrique). tors de nos ordinateurs, il n’est pas ɋVHPLFRQGXFWHXU graphite, un matériau naturel. La synthèse du silicène se
C’est cette impasse qui a poussé les chercheurs à partir fait, elle, viaXQSURF«G«DSSHO««SLWD[LHɋRQERPEDUGH
HQTX¬WHGHQRXYHDX[PDW«ULDX[DXVVLȴQVTXHOH DYHFXQIDLVFHDXGȇ«OHFWURQVGXVLOLFLXPSXUɋVHVDWRPHV
1. Unité CNRS/Aix-Marseille Université. 2. Unité CNRS/Aix-Marseille Université/Université de Toulon/ISEN de Toulon/Polytech’ Marseille. 3. Unité CNRS/
INSA Toulouse/Université Toulouse 3. 4. Unité CNRS/Onera.

CNRS LE JOURNAL
40
EN ACTION

Substrat de saphir revêtu de


molybdène, un métal de transition qui
interagit fortement avec la lumière. Lire l’intégralité de l’article
sur lejournal.cnrs.fr

viennent alors se déposer sur un substrat dont la struc- l’arséniure de gallium », note Xavier Marie, du Laboratoire
ture les contraint à s’agencer sur le réseau en nid- de physique et chimie des nano-objets3 , à Toulouse.
d’abeilles. Or tout est dans le choix du substrat. Des Cette capacité extraordinaire peut ensuite être utili-
tentatives ont été menées avec l’argent en 2012, mais sée pour leur faire convertir la lumière en électricité.
ses propriétés conductrices le rendent inopérant. Réciproquement, on peut transformer de l’électricité en
D’autres essais sont réalisés pour fabriquer du silicène, lumière en injectant des électrons dans le feuillet de
sur des substrats non métalliques cette fois. Ainsi l’équipe DMT. Grâce à cette habileté, les DMT sont promis à un
d’Isabelle Berbezier, de l’Institut des matériaux, de microé- brillant avenir. Ils pourraient permettre la réalisation de
lectronique et des nanosciences de Provence2 , est parve- cellules photovoltaïques plus sensibles, de sources de
nue cette année pour la première fois à synthétiser du sili- lumière miniaturisées (LED, laser), ainsi que de photodé-
FªQH¢ODVXUIDFHGHJUDSKªQH3RXUTXRLGXJUDSKªQHɋ" tecteurs plus petits, pour les télécommunications par
m/ȇLG«HHVWGHPHWWUH¢SURȴWODIDFLOLW«¢WUDQVI«UHUGX ȴEUHVRSWLTXHVQRWDPPHQW8OWUDȵH[LEOHVFRPPHOH
graphène sur d’autres matériaux », explique-t-elle. graphène, ils pourraient également constituer les sys-
Avant qu’un transistor à base de silicène équipe nos WªPHVGȇDɝ FKDJHGHIXWXUV«FUDQVVRXSOHV'HQRP
ordinateurs, il faudra toutefois que les chercheurs sur- breux prototypes ont déjà été fabriqués et testés.
PRQWHQWXQDXWUHREVWDFOHɋWUªVU«DFWLIFHPDW«ULDX Alors que les physiciens continuent à mettre au jour
s’oxyde très vite à l’air libre. Ainsi, le premier transistor mis de nouveaux matériaux 2D et cherchent à mieux com-
au point en 2015 n’a survécu que deux minutes. Mais là prendre leurs propriétés, certains ont franchi un pas sup-
HQFRUHOHVFKHUFKHXUVUHGRXEOHQWGȇH΍RUWVSRXUSURORQ SO«PHQWDLUHɋ« L’idée est qu’en mariant plusieurs maté-
ger la durée de vie du silicène, avec de bons résultats. riaux, on pourra tirer parti des propriétés uniques de
chacun d’entre eux. Voire créer des matériaux aux proprié-
Sur la piste d’autres matériaux 2D tés complètement nouvelles », se réjouit Annick Loiseau,
D’autres matériaux que le silicène sont également à du Laboratoire d’étude des microstructures4 , à Châtillon.
l’étude. Parmi eux, le germanène, composé d’atomes de Le succès est déjà au rendez-vous. Une équipe a ainsi
germanium, le stanène (fait d’étain), ou encore le phos- combiné du MoS2 et du graphène pour créer les jonc-
SKRUªQH IDLWGHSKRVSKRUH 'Lɝ FLOHGHGLUHOHTXHO tions au cœur des cellules photovoltaïques et des pho-
d’entre eux s’imposera. todétecteurs, exploitant l’habileté du semi-conducteur
Tout aussi prometteurs sont les dichalcogénures de à absorber la lumière et l’aptitude du graphène à trans-
métaux de transition (DMT). De l’épaisseur de trois atomes, porter les électrons. Le concept a ensuite été repris dans
un feuillet de DMT est constitué d’atomes d’un métal de l’autre sens pour créer, cette fois, une diode électrolumi-
transition (comme le molybdène ou le tungstène) pris en nescente avec du MoS2 pris entre deux électrodes de
sandwich entre des atomes de soufre ou encore de sélé- JUDSKªQH(WELHQGȇDXWUHVLG«HVȵHXULVVHQWHQFRUH
nium. La fabrication de ces matériaux est simple et iden- Reste qu’aujourd’hui, tous les dispositifs faisant appel
WLTXH¢FHOOHGXJUDSKªQHɋHOOHFRQVLVWH¢G«WDFKHUDYHF à des matériaux 2D sont encore cantonnés aux labora-
un ruban adhésif, un feuillet à la surface d’un matériau toires. Pour les en faire sortir, les chercheurs devront faire
naturel fait d’un empilement de couches. Cela explique en sauter un verrou, celui de leur production à grande
partie pourquoi ces semi-conducteurs ont pris une petite échelle. « Aujourd’hui, la fabrication de tous ces nouveaux
longueur d’avance sur d’autres matériaux 2D comme le matériaux ressemble plutôt à de la haute couture, sou-
silicène. En 2011, une équipe annonçait ainsi avoir mis au ligne Annick Loiseau. On n’est pas encore capable de les Modèle de
monocouche de
point le premier transistor à base de disulfure de molyb- produire ni de les manipuler sur de grandes surfaces, un
dichalcogénure
dène (MoS2). Malheureusement, les DMT ont un point impératif pour qu’ils puissent trouver un jour des appli- de métaux de
IDLEOHɋFRQWUDLUHPHQWDXVLOLFªQHLOVWUDQVSRUWHQWPDOOHV cations en électronique. » Les chercheurs l’ont bien com- transition (DMT),
électrons. Si bien qu’aujourd’hui, très peu misent sur ces pris et y travaillent d’arrache-pied. Les successeurs du de l’épaisseur
matériaux dans ce domaine. JUDSKªQHQȇRQWSDVȴQLGHIDLUHSDUOHUGȇHX[bII de trois atomes.

Comme le
Les promesses de l’optoélectronique
© E. SALOMON/PIIM-CNRS/AIX-MARSEILLE UNIV.

© R. BROOK/SCIENCE PHOTO LIBRARY/COSMOS

graphène, le
Les DMT promettent en revanche de nombreuses appli- silicène présente
cations dans l’optoélectronique, qui s’intéresse aux dis- une structure en
positifs capables d’émettre ou d’absorber de la lumière. nid-d’abeilles (vue
Car non seulement ces matériaux sont semi-conduc- au microscope à
teurs, mais ils interagissent avec la lumière de façon très effet tunnel).
HɝFDFH« Un seul feuillet de MoS2 est capable d’absorber
bGHODOXPLªUHTXȇLOUH©RLW&ȇHVWGL[IRLVSOXVTXHFH
dont sont capables les matériaux actuels comme

ÉTÉ 2017 N° 289


41
EN ACTION

Des vols en ballon


pour observer l’Univers PAR VAHÉ TER MINASSIAN

Astrophysique. Plus économique que le satellite, le ballon stratosphérique permet aux


chercheurs d’observer le cosmos en embarquant un télescope à 40 000 mètres d’altitude.
$LQVLGHODQDFHOOHVFLHQWLȴTXH3LORWTXLDDFKHY«HQDYULOXQHPLVVLRQGDQVOHFLHODXVWUDO
en vue d’étudier les poussières interstellaires de notre galaxie.

Ζb
ls ont certains des avantages des
satellites, sont bien meilleur mar-
ché et permettent de tester dans
des conditions quasi réelles les tech-
nologies spatiales de demain.
Cinquante-six ans après leur premier
vol au-dessus de l’Hexagone, en oc-
tobre 1961, les ballons stratosphé-
riques conservent toute leur place
dans la boîte à outils des scienti-
ȴTXHVHWQRWDPPHQWDXVHLQGHOD

© S. CHASTANET/CNES/OMP/IRAP/UT3/CNRS PHOTOTHÈQUE
recherche française, l’une des plus
actives au monde sur le sujet. La
seule année 2017 est ainsi le cadre de
trois campagnes à forte participation
française en Australie, en Nouvelle-
Zélande et aux États-Unis.

Un milieu proche du vide spatial


C’est que « plusieurs disciplines
SRXUUDLHQWGLɝ FLOHPHQWVHSDVVHUGH
cette méthode simple pour position-
ner momentanément des instru- Le ballon &RQV«TXHQFHɋOHVW«OHVFRSHVDXVRO R΍UDQWTXDQW¢HOOHGHVSULVHVGH
ments à des altitudes allant de vingt stratosphérique ne peuvent sonder le ciel sur cer- données sur des temps plus longs.
à quarante kilomètres, inatteignables sur le point d’être taines longueurs d’onde.
par des avions », explique Martin lâché depuis le En plaçant les détecteurs en hau- Poussières interstellaires
désert australien
*LDUGG«O«JX«DX[D΍DLUHVVSDWLDOHV WHXUGDQVXQHQYLURQQHPHQWUDU«ȴ« Après un premier vol réalisé en sep-
pour le deuxième
à l’Institut national des sciences de vol de la mission HQDLUOHVVFLHQWLȴTXHVVHGRWHQWGȇXQ tembre 2015 au Canada, la campagne
l’Univers du CNRS. Pilot, le 16 avril. moyen précieux pour réaliser des Pilot, achevée le 17 avril sur l’aéro-
Sans ballons, les spécialistes en images dans ces parties manquantes port d’Alice Springs (Australie), il-
aérologie seraient dans l’incapacité du spectre lumineux. Un lâcher de lustre parfaitement ces atouts.
de mesurer in situ les divers phéno- ballon étant bien plus économique et Conçue par l’Irap1, l’IAS2 , le CEA 3 et le
mènes stratosphériques liés à la pol- facile à mettre en œuvre que le lance- Cnes 4 , l’expérience consiste en un
lution, au climat, à la météo… Et les ment d’un satellite, et les instruments télescope dont le détecteur est une
astrophysiciens perdraient l’accès à qu’il transporte dans sa nacelle étant PDWULFHGHɋERORPªWUHVUHIURL
un milieu propice à l’observation du souvent récupérables, le procédé dis à une température de 300 mil-
cosmos dans des conditions proches peut aussi être employé pour réaliser lièmes de kelvin. « Elle a pour but de
GHFHOOHVGXYLGHVSDWLDO(QH΍HW des essais « grandeur nature » de dis- mesurer, sur certaines portions du
l’atmosphère terrestre bloque une positifs destinés à être, plus tard, pla- ciel austral, un phénomène dit de
partie du rayonnement des astres. cés en orbite. Une mission spatiale “polarisation du rayonnement des

1. Institut de recherche en astrophysique et planétologie (CNRS-Univ. Paul-Sabatier). 2. Institut d’astrophysique spatiale (CNRS/Univ. Paris-Sud).
3. Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives. 4. Centre national d’études spatiales. 5. 3DUWLFLSHQWDXSURMHWF¶W«IUDQ©DLVɋOȇΖUDS
le laboratoire Astroparticule et cosmologie (CNRS/CEA/Univ. Paris-Diderot/Observatoire de Paris) et le Laboratoire de l’accélérateur linéaire (CNRS/
Université Paris-Sud) ainsi que le Cnes, fournisseur de la nacelle pointée. 6. Unité CNRS/Aix-Marseille Université.

CNRS LE JOURNAL
42
EN ACTION

Lire l’intégralité de l’article


sur lejournal.cnrs.fr
En bref
poussières du milieu interstellaire” », par « le coût et la rapidité de dévelop-
indique François Boulanger, directeur pement de ce type d’expériences, SUCCÈS POUR MOMENTUM
de recherche à l’IAS d’Orsay. La dé- dont le principal intérêt est de per-
Avant l’été, le CNRS a lancé l’appel à projets
tection de ce signal, situé dans l’infra- mettre une exploration du ciel en Momentum. Son but : permettre à
rouge lointain, est impossible depuis polarisation à des longueurs d’onde GHWDOHQWXHX[MHXQHVVFLHQWLȴTXHV
le sol aux longueurs d’onde où il est nouvelles, jamais utilisées ». indépendants d’imaginer et de mener à bien
le plus fort. Elle constitue pourtant un projet innovant au sein d’un laboratoire.
l’un des rares moyens dont disposent 200 galaxies dans le viseur En développant leurs propres projets dans
les astrophysiciens pour cartogra- Les chercheurs de Pilot ne sont pas les treize domaines émergents et
WUDQVGLVFLSOLQDLUHVG«ȴQLVSDUOȇRUJDQLVPH
phier le champ magnétique dans les les seuls à avoir été séduits par ces
les lauréats de CNRS-Momentum
nuages interstellaires de la Voie lac- HQJLQVD«ULHQV/HDYULO¢ɋKɋ FRQWULEXHURQW¢«WR΍HUODUHFKHUFKHGHV
tée, et ainsi étudier le rôle qu’il joue un ballon stratosphérique américain unités qui les accueilleront. À la clôture de
dans la formation des étoiles. Elle GH ɋP3 était lâché depuis OȇDSSHOȴQMXLQGRVVLHUVDYDLHQW«W«MXJ«V
intéresse aussi les cosmologistes car Wanaka, en Nouvelle Zélande, em- éligibles. Les noms des lauréats de cette
cette émission lumineuse d’origine portant pour cent jours les 2,5 tonnes bourse allouée pour une période de trois ans
galactique se superpose au « rayon- de l’expérience internationale à par- seront dévoilés à l’automne.
nement fossile de l’Univers » (ou ticipation française EUSO-SPB5 , dé-
IRQGGL΍XVFRVPRORJLTXH FRPSOL diée à la détection des rayons cos- L’APA, PAS À PAS
quant la découverte, tant espérée, miques à ultra-haute énergie. La Fondation pour la recherche sur la
des fameuses « ondes gravitation- Et septembre 2017 verra se dérou- biodiversité a coordonné l’élaboration d’un
guide sur l’« accès aux ressources génétiques
nelles primordiales » censées appor- ler à Fort Sumner, au Nouveau
et le partage des avantages découlant de
WHUODSUHXYHG«ȴQLWLYHGHODWK«RULH Mexique (États-Unis), la première
leur utilisation ». Ce guide est destiné à
GHOȇLQȵDWLRQ campagne « Fireball 2 ». Piloté par le éclairer la nouvelle réglementation, dite APA,
CalTech, la Columbia University et le qui encadre les activités de recherche sur les
ɋP3JRQȵ«VGȇK«OLXP Laboratoire d’astrophysique de ressources génétiques au sens large – de
Après un mois et demi de prépara- Marseille6 (LAM) et impliquant le Cnes l’ADN à l’espèce, en passant par les produits
tion, « Pilot » a pris son envol le 16 avril au titre de responsable du développe- du métabolisme.
¢ɋKɋGXPDWLQ(PSRUW«HSDUOH ment de la nacelle pointée, le projet
En ligne sur le site
plus gros des « ballons stratosphé- est dédié à l’étude des échanges de www.fondationbiodiversite.fr
riques ouverts » du Cnes – un masto- gaz entre le milieu intergalactique et
GRQWHGHɋP3JRQȵ«GȇK«OLXP OHVJDOD[LHV/HVȵX[HQWUDQWGDQVOHV UNE CONVENTION AVEC PSL
HWSRXYDQWDWWHLQGUHOHVbPªWUHVGH galaxies fournissent la matière pre- Le 20 juillet 2017, le CNRS et l’université
diamètre –, la nacelle pointée d’une mière nécessaire à la formation des Paris Sciences et Lettres (PSL), ainsi que les
tonne, avec l’expérience à son bord, étoiles. Mais du gaz peut aussi être établissements qui la composent, ont signé
s’est rapidement élevée dans les airs éjecté par ces objets, avant, parfois, une convention pluriannuelle de site.
pour dépasser les 40 kilomètres d’y revenir. L’objectif de « Fireball 2 » Celle-ci vise à expliciter et dynamiser
d’altitude. L’équipe a alors pu, durant est de mbFDUDFW«ULVHUFHF\FOHHWVHV XQHFRRS«UDWLRQVFLHQWLȴTXHG«M¢ULFKHHW
fructueuse, couvrant la quasi-totalité des
trente-trois heures et quarante mi- liens avec la formation d’étoiles »,
domaines de recherche placés au meilleur
nutes, récolter des données avant précise Bruno Milliard, du LAM.
niveau européen et international.
que l’engin entame une descente et L’observation, dans le domaine de
atterrisse en douceur dans une zone l’ultraviolet, de ces gaz intergalac-
UN NOUVEL ACCÉLÉRATEUR AU CERN
désertique située à plusieurs cen- tiques étant impossible à réaliser
En mai, le Cern a inauguré le Linac 4, un
taines de kilomètres du point de dé- depuis le sol pour l’essentiel de l’his-
nouvel accélérateur linéaire. Conçu avec
part. Il y sera récupéré le lendemain toire de l’Univers, l’équipe a conçu un des contributions de plusieurs laboratoires
SDUK«OLFRSWªUHLQWDFW « spectrographe multi-objets » ca- français, celui-ci doit entrer en service en
Pleinement satisfaite de son pable de fonctionner à partir d’un 2020 et deviendra alors le premier maillon
aventure australienne, l’équipe de des ballons stratosphériques d’un de la chaîne d’accélérateurs de l’Organisation
3LORWSU«YRLWXQWURLVLªPHYROGªV million de mètres cubes de la Nasa. européenne pour la recherche nucléaire.
depuis la base de Kiruna, en Suède. Elle espère ainsi pouvoir réaliser, Long de près de 90 mètres, il fournira des
faisceaux de protons à de nombreuses
Elle espère aussi développer un nou- durant les huit heures du vol, des
expériences et permettra notamment au
veau télescope sous ballon baptisé images de plus de 200 galaxies. Là
Grand collisionneur de hadrons (LHC)
« Bside ». Une appétence pour les encore, grâce aux aérostats. Ces ir- d’atteindre une luminosité plus élevée.
aérostats que Jean-Philippe Bernard, remplaçables éclaireurs du cosmos
UHVSRQVDEOHVFLHQWLȴTXHGH3LORWHW placés aux avant-postes de la re- https://home.cern/fr
GLUHFWHXUGHUHFKHUFKH¢OȇΖUDSMXVWLȴH FKHUFKHVFLHQWLȴTXHȐbII

ÉTÉ 2017 N° 289


43
EN ACTION

Neurobiologie. Le sommeil,
activité vitale à laquelle nous
Les derniers mystères
consacrons un tiers de notre
vie, ne permet pas ET SI LES BÉBÉS
seulement de reprendre DORMAIENT
des forces. Il favorise aussi POUR DÉVELOPPER
la mémoire, déclenche la /(85&(59($8" /b e sommeil paradoxal, qui représente la moitié des phases
de sommeil pendant les premiers mois de vie
FRQWUHb¢Oȇ¤JHDGXOWH FRQWULEXHUDLWDFWLYHPHQWDX
production d’hormones, développement cérébral des tout-petits. C’est ce que cherche à prouver Mark
renforce le système Blumberg, spécialiste du développement de la motricité chez le bébé rat et
chercheur à l’université d’Iowa. mb6RQLG«HHVWWUªVDVWXFLHXVH, explique
immunitaire, régule le Isabelle Arnulf, chef du service des pathologies du sommeil à l’hôpital de la
système cardiovasculaire Pitié-Salpêtrière, à Paris. Il s’intéresse aux brèves secousses musculaires dites
“twitches” qui caractérisent le sommeil paradoxal et qui sont particulièrement
et estompe les émotions abondantes lors de la période néonatale. Selon Mark Blumberg, elles
négatives. Mais les stimuleraient des récepteurs situés dans les muscles, lesquels, en retour, en
chercheurs soupçonnent à LQIRUPHUDLHQWOHFRUWH[b}. Ainsi, lorsque des twitches provoquent des sursauts
des doigts de bébé, le cortex apprend l’existence de ces extrémités et leur
présent d’autres fonctions aptitude à fonctionner. mb8QSHXFRPPHXQ«OHFWULFLHQTXLVHWURXYHUDLWGDQV
capitales du sommeil. XQHLPPHQVHSLªFHWUX΍«HGȇLQWHUUXSWHXUVHWGHODPSHVHWTXLDFWLRQQHUDLW
FKDTXHERXWRQSRXUFRPSUHQGUH¢TXHOOHODPSHLOHVWUHOL«ɋOHFRUSVGX
Florilège des dernières nouveau-né utiliserait les twitches pour s’auto-explorer pendant le sommeil
découvertes. HWDFWLYHUODJHQªVHHWOȇRUJDQLVDWLRQGHFLUFXLWVQHUYHX[b}, résume Isabelle
Arnulf, également chercheuse à l’Institut du cerveau et de la moelle épinière1b
© TD SPAGNA/BSIP

MOLÉCULE ANTI-SOMMEIL
ET SOMNIFÈRE NOUVELLE
/b HFHUYHDXSURȴWHUDLWGXVRPPHLOSRXUVHG«EDUUDVVHUGH
ses déchets et notamment de la protéine bêta-amyloïde,
impliquée dans la maladie d’Alzheimer. C’est l’hypothèse de GÉNÉRATION
0
b ieux comprendre
les troubles du
sommeil, comme
la neurobiologiste Maiken Nedergaard, du Centre médical la narcolepsie ou
de l’université de Rochester (New York). Reposant sur le OȇLQVRPQLHHVWXQHQMHXPDMHXUSRXUSHDXȴQHUGHV
réseau de microcanaux qui sillonne l’organe et charrie le stratégies thérapeutiques. L’équipe de Jian-Sheng Lin,
liquide céphalo-rachidien (LCR), ce tout-à-l’égout cérébral au Centre de recherche en neurosciences de Lyon,
serait surtout actif durant le sommeil. mb/HVH[S«ULHQFHV s’intéresse aux mécanismes responsables du maintien
conduites sur des souris montrent que l’espace de l’éveil et de la vigilance. Les chercheurs se focalisent
extracellulaire (entre les cellules cérébrales, VXUGHX[QHXURWUDQVPHWWHXUVɋOȇRUH[LQHHWOȇKLVWDPLQH
NDLR) DXJPHQWHGHbTXDQGOHVURQJHXUV mb1RVWUDYDX[PRQWUHQWTXHOHVQHXURQHV¢RUH[LQH
s’endorment, facilitant la circulation du LCR
DORMIR POUR SE sont impliqués dans l’éveil locomoteur, c’est-à-dire l’éveil
dans le tissu cérébral, et ainsi l’évacuation /$9(5/$7Œ7(ɋ" lié à la réalisation d’un exercice physique, explique
des déchets, commente Pierre-Hervé Luppi, Jian-Sheng Lin. Ces neurones jouent aussi un rôle clé dans
du Centre de recherche en neurosciences de Lyon2. Cette OHPDLQWLHQGHODSRVWXUHFHTXLH[SOLTXHTXHOHG«ȴFLWHQ
démonstration est intéressante, mais elle n’a fait l’objet, orexine entraîne la narcolepsie. Les neurones à histamine,
SRXUOȇLQVWDQWTXHGȇXQHVHXOHSXEOLFDWLRQb}8QHWK«RULH eux, semblent plutôt régir l’éveil lié à l’exploration d’un
TXLUHVWHGRQF¢FRQȴUPHU nouvel environnement, ainsi que l’éveil lié à la recherche

CNRS LE JOURNAL
44
EN ACTION

du sommeil PAR PHILIPPE TESTARD-VAILLANT


Lire l’intégralité
de l’article sur
lejournal.cnrs.fr

6b L¢bGHV)UDQ©DLVWRPEHQWGLɝ FLOHPHQWGDQV
OHVEUDVGH0RUSK«HHWbVRX΍UHQWGȇLQVRPQLH
chronique, les téléphones et autres écrans, qui
smartphone qui s’allume la nuit à la réception de SMS
a donc de fortes chances de perturber l’horloge de
sujets même endormis...
squattent aujourd’hui les chambres à coucher, en Et ce n’est pas tout. Certes, nous sommes tous
VRQWLOVUHVSRQVDEOHVɋ"mbΖO\DHQFRUHSHXGHWHPSV sensibles à la lumière bleue des diodes
des niveaux faibles de lumière n’étaient «OHFWUROXPLQHVFHQWHV /(' ɋHOOHDXJPHQWHOD
pas supposés avoir d’impact sur le sensation de bien-être et bloque la sécrétion de
INSOMNIES, sommeilFRPPHQWH&ODXGH*URQȴHUGH mélatonine (hormone favorisant l’endormissement).
ÉCRANS ET l’Institut cellule souche et cerveau Mais la sensibilité nocturne aux écrans est d’autant
(Inserm). Or, des travaux récents menés plus forte que l’exposition à la lumière solaire est
SMARTPHONES à la Harvard Medical School de Boston réduite pendant la journée. Or mbOȇKRUORJHELRORJLTXH
révèlent que l’exposition prolongée, le IRQFWLRQQHSOXVOHQWHPHQW¢OȇDGROHVFHQFHTXȇ¢Oȇ¤JH
VRLUP¬PH¢GHWUªVEDVVHVLQWHQVLW«V HQYLURQbOX[ adulte et déclenche l’endormissement plus tard,
SRXUXQVPDUWSKRQHbOX[SRXUXQHWDEOHWWH SRXUVXLW&ODXGH*URQȴHUCe retard est donc
bOX[SRXUXQRUGLQDWHXU G«UªJOHOȇKRUORJH SUREDEOHPHQWDPSOLȴ«FKH]OHVMHXQHVTXLXWLOLVHQW
ELRORJLTXHb} De même, une expérience conduite en XQ«FUDQDYDQWGHVHFRXFKHUb}Quant aux seniors,
/HVõDVKVGHV 2016 par Raymond Najjar, de l’Institut de recherche qu’ils ne se frottent pas trop vite les mains. Bien que
smartphones sur l’œil de Singapour, révèle qu’être exposé la nuit, le cristallin, les années passant, brunisse et laisse
perturberaient OHV\HX[RXYHUWV¢GHEUHIVȵDVKVGHOXPLªUH passer moins de lumière riche en longueurs d’onde
davantage pendant une heure retarde davantage l’horloge EOHXHVFHWWHRSDFLȴFDWLRQQHGLPLQXHSDVOD
l’horloge biologique que le fait d’être soumis à une lumière VHQVLELOLW«GHOȇKRUORJHELRORJLTXHGHVVXMHWV¤J«V
biologique FRQWLQXHSHQGDQWOHP¬PHODSVGHWHPSV8Q à la lumière des écrans.
qu’une lumière
continue.

de nourriture, le manque d’histamine déclenchant la


somnolence. Par ailleurs, ces deux systèmes localisés
dans l’hypothalamus agissent de concert pour contrôler
1
b ul doute qu’à l’avenir, l’optogénétique aide à percer
d’autres mystères du sommeil. Cette technique, qui
permet de cibler avec précision de petites populations de
Oȇ«YHLOȓDQWLFLSDWRLUHȓ TXDQGOȇDQLPDOFRPSWHVXUȂRX neurones et d’en contrôler l’activité en les allumant ou en
attend – un événement prévisible, comme un repas), les éteignant à l’aide d’un faisceau lumineux, mbVȇDYªUHXQ
DLQVLTXHOȇ«YHLODVVRFL«¢OȇDFWLYLW«VH[XHOOHb} outil précieux pour progresser dans notre compréhension
8WLOLV«HQP«GHFLQHGXVRPPHLOGHSXLVTXHOTXHV de la neurobiologie de la veille et du
mois, le pitolisant, une molécule « éveillante » issue de sommeil, se réjouit Patrice Bourgin,
ces recherches et augmentant le largage d’histamine de l’Institut des neurosciences
LES PROMESSES
dans le cerveau, permet de lutter contre cellulaires et intégratives de DE L’OPTOGÉNÉTIQUE
l’hypersomnolence et les attaques narcoleptiques. Strasbourg3. ΖGHQWLȴHUOHVU«VHDX[
mb&HUWDLQHVIRUPHVGȇLQVRPQLHD\DQWSDUWLHOL«HDYHF GHQHXURQHVTXLVRXVWHQGHQWOHVGL΍«UHQWV«WDWVGH
la surrégulation d’histamine, l’un de nos objectifs est vigilance et percer leur rôle, en cas de dysfonctionnement,
maintenant de concevoir un médicament ciblant ce dans certains troubles du sommeil, débouchera à terme
QHXURWUDQVPHWWHXUHWR΍UDQWXQVRPPHLOEHDXFRXSSOXV sur de nouvelles solutions thérapeutiques.b} Bien des nuits
SURFKHGXVRPPHLOQDWXUHOTXHFHOXLORXUGHWȓQRQ blanches attendent les spécialistes du sommeil…
SK\VLRORJLTXHȓTXȇDSSRUWHQWOHVPXOWLSOHVVRPQLIªUHV
DFWXHOVb}LQGLTXHOHVFLHQWLȴTXH
1. Unité CNRS/Inserm/UPMC. 2. Unité CNRS/Univ. Claude-Bernard/Univ. Jean-Monnet/Inserm.
3. Unité CNRS/Univ. de Strasbourg.

ÉTÉ 2017 N° 289


45
EN ACTION

Ce que l’on sait de


l’inceste en France
Dans votre rapport, réalisé par une douzaine de IHPPHVHWXQSHXPRLQVGHɋGHVKRPPHVGH¢
chercheur(e)s de diverses disciplines (histoire, bDQVRQW«W«YLFWLPHVGHYLROGHWHQWDWLYHGHYLRORX
sociologie, neurosciences…) dans le cadre de la d’attouchements dans le cadre familial ou de l’entourage
mission « Sciences en société » du CNRS, vous SURFKH6XUWRXWSOXVGHɋGHFHVDFWHVVȇDJLVVDQWGHV
dressez un état des lieux des connaissances et IHPPHVHWɋFRQFHUQDQWOHVKRPPHVVHVRQWSUR
proposez des pistes d’analyse et d’action contre duits pour la première fois entre 0 et 17 ans.
OȇLQFHVWH$XMRXUGȇKXLFHSK«QRPªQHQRXVKRUULȴH
PDLVFHODDWLOWRXMRXUV«W«OHFDVɋ" /HVJDU©RQVVRQWGRQFDXVVLYLFWLPHVGȇLQFHVWHɋ"
6\OYLH&URPHUɋ Non. La perception sociale et culturelle 6&ɋ(΍HFWLYHPHQW0DLVOHVYLROHQFHVVH[XHOOHVVDQV
GHOȇLQFHVWHD«YROX«DXȴOGHVVLªFOHVP¬PHVLFHWWH pénétration commises sur les garçons, comme des fel-
évolution n’a rien de linéaire. Au Moyen Âge, par exemple, lations ou des masturbations imposées, n’ont pas le
l’inceste était considéré comme un acte consenti et non statut de crime de viol. De plus, l’inceste commis par des
comme une violence sexuelle femmes est occulté par le stéréotype de la mère nourri-
imposée à l’enfant. Celui-ci pou- cière, protectrice, nécessairement douce…, et reste lar-
vait donc être jugé responsable gement impensé. Or, bien que dans une proportion très
de ce crime, encourir des pour- inférieure à celle des hommes, les femmes peuvent com-
Sociologie. Réalisée sous suites judiciaires et être puni, tout mettre des violences incestueuses ou être complices
l’égide du CNRS, la première comme le parent incriminé. Dans d’un homme auteur de tels actes.
la société patriarcale du XIXe siècle,
expertise collective sur les
on faisait peu de cas des atteintes L’inceste est-il plus fréquent dans certains milieux
violences sexuelles à à l’intégrité morale des enfants VRFLDX[ɋ"
caractère incestueux a été violentés. Le déni et la loi du si- 6&ɋ1RQ7RXVOHVPLOLHX[VRQWWRXFK«VΖOIDXWHQȴQLU
UHPLVHȴQDYULO¢ODPLQLVWUH lence dominaient. La sensibilité avec la thèse misérabiliste selon laquelle les violences
des Familles, de l’Enfance et qui est la nôtre aujourd’hui à incestueuses seraient l’apanage des familles défavori-
l’égard des violences inces- sées. Ce stéréotype qui fait écran à l’appréhension de la
des Droits des femmes. tueuses s’explique notamment réalité ordinaire de l’inceste reste extrêmement vivace.
Quelle est l’ampleur de par la démocratisation de la vie Il continue de sévir, en particulier, chez des profession-
l’inceste et quels sont ses familiale (l’époque de la toute- nels de tous horizons (police, justice, santé, éducation
H΍HWVHQ)UDQFH"4XHOOHV puissance paternelle est révolue) sociale…) et dans les médias, comme on a pu le voir pen-
HWSDUOȇDɝUPDWLRQWRXWDXORQJ dant le procès d’Outreau en 2004.
mesures peuvent-être du XXe siècle, de l’enfant comme Si les études menées par les institutions judiciaires
SULVHVb"/HV sujet de droit. ou de protection de l’enfance donnent à penser que les
réponses de violences sexuelles sont plus nombreuses dans les fa-
la sociologue De quels outils dispose-t-on milles populaires, c’est notamment parce que ces
pour estimer l’ampleur du familles sont plus étroitement surveillées par les travail-
Sylvie Cromer1,
SK«QRPªQHɋ" leurs sociaux, et que les familles à fort capital écono-
coordinatrice 6&ɋ La France a pris beaucoup mique et culturel disposent de stratégies fortes de déni
de cette étude.
DR

de retard en matière de mesure et de maintien d’une culture du silence.


des violences sexuelles. Il a fallu
PROPOS RECUEILLIS PAR
PHILIPPE TESTARD-VAILLANT
attendre les années 2000 pour Que disent les études nationales et internationales
que des enquêtes soient menées GHVH΍HWVGHOȇLQFHVWHVXUOHG«YHORSSHPHQWGH
auprès d’échantillons représenta- OȇHQIDQWHWGHOȇDGROHVFHQWɋ"
tifs de la population et permettent d’améliorer nos 6&ɋElles montrent que ce type d’agressions sexuelles
connaissances statistiques sur le sujet. Il ressort de la G«FOHQFKHXQHFDVFDGHGȇH΍HWVG«O«WªUHVVXUOHSODQQHX
dernière enquête en date, Virage (Violences et rapports URELRORJLTXHFRPSRUWHPHQWDOFRJQLWLID΍HFWLIȐHWDXJ
de genre), que l’Institut national d’études démogra- mente la vulnérabilité à un large éventail de problèmes
phiques a conduite en 2015 et dont les résultats sont en de santé. Les victimes, par exemple, présentent un risque
FRXUVGȇH[SORLWDWLRQTXȇDXFRXUVGHOHXUYLHɋGHV élevé de développer un trouble dépressif, des conduites
1.0D°WUHVVHGHFRQI«UHQFHVHQVRFLRORJLH¢OȇXQLYHUVLW«/LOOHHWGLUHFWULFHGHOȇΖQVWLWXWGXJHQUHJURXSHPHQWGȇLQW«U¬WVFLHQWLȴTXHIRQG«
en 2012 à l’initiative de l’Institut des sciences humaines et sociales du CNRS.

CNRS LE JOURNAL
46
EN ACTION

Lire le rapport sur


www.cnrs.fr/inshs/recherche/
violence-sexuelle.htm

l’heure, ne permet d’étayer l’hy-


pothèse de « l’abusé abuseur ».

4XHOOHVSLVWHVGHU«ȵH[LRQHW
GȇDFWLRQSU«FRQLVH]YRXVɋ"
S. C. : Ce rapport est un premier
état des lieux. Il faudra le com-
pléter par d’autres synthèses
thématiques et des auditions
d’associations et d’expert(e)s.
Mais, d’ores et déjà, le comité que

© M. MENARD/FLICKR/CC BY-NC-ND 2.0


j’ai piloté propose de renforcer
les recherches sur l’inceste en
mettant sur pied un réseau de
chercheur(e)s ouvert à d’autres
disciplines (droit, sciences poli-
tiques, sociologie des médias…).
Il est nécessaire, par exemple,
de mener des enquêtes de ter-
rain pour mieux appréhender les racines sociales de

“selon
Il faut en finir avec la thèse l’inceste (milieux touchés, liens des familles concernées
avec les professionnels de l’enfance, perception, par ces

laquelle les violences familles, de la notion de « bons parents », de la violence à


HQIDQWȐ 8QHU«ȵH[LRQGRLWDXVVLVȇHQJDJHUVXUOHVIURQ

incestueuses seraient l’apanage WLªUHVGHODQRWLRQGȇLQFHVWH/H&RGHS«QDOHQH΍HW


QȇLQFOXWGDQVODTXDOLȴFDWLRQGȇLQFHVWHQLOHFRXVLQQLOH

des familles défavorisées.



grand-oncle parmi les auteurs potentiels de violences
incestueuses, et il ne vise que les mineur(e)s. Cette exclu-
sion des majeur(e)s est surprenante puisque l’inceste
existe quel que soit l’âge de la victime.
addictives et des troubles alimentaires. Une étude cana- (QȴQGHVFDPSDJQHVGȇLQIRUPDWLRQHWGHVHQVLELOL
GLHQQHU«YªOH«JDOHPHQWTXHɋGȇDGXOWHVSURVWLWX«V sation doivent cibler les jeunes et la population générale,
présentent des antécédents d’abus sexuels pendant viser tous les lieux de socialisation (école, université…)
l’enfance. Quant aux performances scolaires, elles ne sont et s’appuyer sur un site Internet.
pas systématiquement atteintes. Mais on observe que les
petites victimes d’inceste sont souvent impopulaires dans Que recommandez-vous en matière de formation
leurs classes et que leurs relations avec les autres élèves HWGȇDFFRPSDJQHPHQWɋ"
sont marquées par une attitude de retrait ou d’agressivité. 6&ɋ Il nous semble important d’intégrer les apports des
Pour autant, il n’existe pas de trajectoire type de la victime sciences sociales et des sciences de la santé sur l’inceste
d’inceste. Il n’y a aucune automaticité des comporte- aux formations des professionnels de l’enfance, de l’édu-
ments. Surtout, les traumatismes induits par ces vio- cation, des équipes soignantes, des intervenant(e)s so-
lences peuvent être compensés par une prise en charge ciaux, des personnels policiers et judiciaires… Quant à la
précoce et adaptée des victimes. prise en charge psychologique et socio-éducative des
victimes et des familles, les méthodologies existantes
Les enfants victimes d’inceste présentent-ils doivent être évaluées et comparées avec celles utilisées
un risque plus grand de devenir des parents dans d’autres pays (Belgique, Canada…). De même, il
LQFHVWXHX[ɋ" nous paraît indispensable de promouvoir la prise en
6&ɋPlusieurs théories suggèrent que les sujets victi- charge des agresseurs, tant pour réduire les risques de
misés lors de leur enfance ont tendance à perpétrer des récidive que pour bloquer le processus de transmission
abus sexuels sur des enfants à l’âge adulte. Or, rien, pour intergénérationnelle. II

ÉTÉ 2017 N° 289


47
EN ACTION

Les instituts Carnot,


carrefours de l’innovation
Partenariat. Véritable trait d’union entre la recherche publique et privée, le réseau
des instituts Carnot, qui implique de nombreux laboratoires du CNRS, a trouvé sa place
dans l’écosystème français d’innovation.
PAR CLAIRE DEBÔVES

3b
our une PME, travailler avec des chercheurs ne va ¢OȇH[KDXVWLYLW«GHOȇR΍UHSDUWHQDULDOH¢Oȇ«FKHOOHQDWLR
SDVGHVRL3RXUTXRLIDLUHɋ"'DQVTXHOVG«ODLV"‚TXL nale. C’est le cas de l’institut Carnot Mica (Material insti-
VȇDGUHVVHUɋ"9RLO¢TXLTXHVWLRQQHHQFUHX[QRWUH tute Carnot Alsace) dans le domaine des matériaux.
«FRV\VWªPHGȇLQQRYDWLRQɋP«FRQQDLVVDQFHGXSRWHQWLHO mb3URSRVHUXQHR΍UHSDUWHQDULDOHOLVLEOHHWRS«UDWLRQQHOOH
des laboratoires publics, profusion de dispositifs et d’in- à un marché est une grande première dans la recherche
tervenants… Pourtant, après quelques années de rodage, SXEOLTXHb}, relève Cathie Vix-Guterl, directrice de Mica et
certains nouveaux acteurs ont su se rendre incontour- vice-présidente de l’Association des instituts Carnot.
QDEOHVɋFȇHVWOHFDVGHVLQVWLWXWV&DUQRWFU««VHQ De leur côté, les industriels se retrouvent dans le
professionnalisme et la réactivité de ce modèle partena-
Un large spectre disciplinaire rial. mb1RWUHFROODERUDWLRQDYHF0LFDUHSRVHGȇDERUGVXU
Carnot est un label ministériel qui distingue et encourage
la recherche partenariale publique-privée de manière
DW\SLTXHHQ)UDQFH(QH΍HWLOFRQWULEXH¢ȴQDQFHUGHV
structures de recherche publiques rassemblées autour
GȇXQVHJPHQWVFLHQWLȴTXHHWWHFKQRORJLTXHOL«DX[EH
VRLQV5 'GȇHQWUHSULVHVGHWRXWHVWDLOOHV/HVȴQDQFH
ments sont attribués sur la base d’un volume de recettes
contractuelles pré-existant –
avec l’idée de progresser en se
/HU«VHDXHQFKL΍UHV professionnalisant. mb/HVLQVWL
tuts Carnot sont des interfaces
38 Carnot, dont 29 instituts
pratiques entre le monde acadé-
mique et industriel, précise
9 et Tremplins Michel Mortier, nouveau délégué
général à la valorisation du
11 000 contrats annuels CNRS. Ils sont parfaitement
signés avec les entreprises adaptés au CNRS, car valorisant
les compétences pluridiscipli-
18  % des effectifs naires des laboratoires sans
FU«HUGHQRXYHOOHVVWUXFWXUHVb}
de la recherche publique
$XMRXUGȇKXLLQVWLWXWVHW
6RXUFHUDSSRUWGȇDFWLYLW«GHOȇ$VVRFLDWLRQ&DUQRW
Tremplins Carnot1 balayent un
large spectre disciplinaire en
chimie, matériaux, technologies de l’information, santé,
HWF$YHFXQHDSSURFKHWRXMRXUVWUªVFLEO«HɋO\PSKRPH
(Calym), nouvelles technologies énergétiques (Énergies
du futur), matériaux biosourcés (Polynat), etc. Ce ciblage
thématique permet aux instituts Carnot de devenir une
référence et un point d’entrée dans un domaine pour les
k3+2726Ζ60

entreprises, sans pour autant prétendre à l’exclusivité ni


1./HV7UHPSOLQV&DUQRWVRQWGHVVWUXFWXUHVVRXWHQXHVȴQDQFLªUHPHQWSRXUG«YHORSSHUOHXUUHFKHUFKH
FRQWUDFWXHOOHDȴQGȇDFF«GHUGDQVOHVWURLVDQV¢ODODEHOOLVDWLRQGȇLQVWLWXW&DUQRW

CNRS LE JOURNAL
48
EN ACTION

une vision partagée de la gestion de projet et de la pro-


priété intellectuelle, explique Grégoire Augé, directeur
de projets R & D sur le traitement et la gestion des dé-
chets nucléaire chez Onet Technologies. Les outils et
l’expertise de la recherche publique nous permettent de
progresser dans la maturation technologique et vers
OȇLQGXVWULDOLVDWLRQGHQRXYHDX[SURF«G«Vb}

© AICARNOT
8QH΍HWGHOHYLHU
Voilà qui explique la forte progression des recettes
FRQWUDFWXHOOHV GHV PHPEUHV GX U«VHDX &DUQRWɋ GH
Les Rendez-
bPLOOLRQVGȇHXURVHQ¢SOXVGHHQ$X LQVSLU«VSDUOHVG«ȴVWHFKQRORJLTXHVGHVHQWUHSULVHV/HV
vous Carnot
SRLQWTXHOȇRQSHXWSDUOHUGȇH΍HWGHOHYLHUGXGLVSRVLWLI SURMHWVGȇLQQRYDWLRQUHWHQXVVRQWȴQDQF«VHWG«FURFKHQW
auront lieu les 18
compte tenu de l’abondement initial de l’État (60 millions de nouveaux contrats avec les entreprises intéressées. et 19 octobre à
d’euros par an). mb2XWUHODSURIHVVLRQQDOLVDWLRQGHODJHV mb&HV\VWªPHR»ODUHFKHUFKHHWOHVEHVRLQVVRFLR Paris. (Ci-dessus,
tion et du management, ces moyens supplémentaires économiques s’autoalimentent est très vertueux et por- l’édition 2016.)
VRXWLHQQHQWGHVDFWLRQVGHUHVVRXUFHPHQWVFLHQWLȴTXH teur du point de vue du CNRS, sans pour autant devenir
DXQLYHDXGHVVWUXFWXUHVGHUHFKHUFKHb}, explique Katia XQSLORWDJHGHODUHFKHUFKHSDUOȇDYDORXOȇDSSOLFDWLRQb},
Barral, responsable recherche partenariale et innovation estime Michel Mortier. 153 unités du CNRS participent à
à l’institut des sciences de l’ingénierie et des systèmes bLQVWLWXWV&DUQRWHW¢b7UHPSOLQV&DUQRW&HVODEHOV
(Insis) du CNRS. Le ressourcement consiste à lancer, parmi viennent compléter les dispositifs de recherche parte-
les membres de l’institut Carnot, des appels à projets QDULDOHG«M¢H[LVWDQWVDX&156ɋDFFRUGFDGUHODERUD
toire commun, voire unité mixte avec l’industrie. mb1RWUH
modèle partenarial peut aller très loin puisque nous
partageons une stratégie à long terme avec certains
industriels. Actuellement, nous entendons nous ouvrir
davantage aux PME et ETI, moins habituées à cette rela-
WLRQTXLSHXWOHVH΍UD\HUb}, annonce Michel Mortier.
Ayant atteint son niveau de maturité, le label Carnot
peut donc s’appuyer sur une base solide pour accroître
sa notoriété, son articulation à l’écosystème d’innovation
ainsi que son développement à l’international. II

Un Tremplin Carnot
en technologies cognitives
© H. RAGUET/CNRS PHOTOTHÈQUE

mb7RXWV\VWªPHSURGXLWRXVHUYLFHLPSOLTXDQWXQ¬WUHKXPDLQSHXW
VȇDP«OLRUHUHQIDLVDQWDSSHODX[VFLHQFHVGHODFRJQLWLRQb}ɋWHOHVW
OHFUHGRGH&«OHVWLQ6HGRJERGLUHFWHXUGX7UHPSOLQ&DUQRW
&RJQLWLRQODEHOOLV«HQ&HWWHDSSURFKHPRGLȴHOHSRLQWGHYXH
de certaines entreprises sur les sciences humaines et sociales. En
H΍HWODFRJQLWLRQDXJPHQW«HRXFROODERUDWLYHHWOȇLQWHOOLJHQFH
DUWLȴFLHOOHQRWDPPHQWVRQWVRXUFHVGȇLQQRYDWLRQGDQVOHV
L’institut Carnot Mica est spécialisé en
domaines de la santé, des transports, des télécommunications, etc.
matériaux. Ci-dessus, un réacteur plasma
mb1RXVWUDYDLOORQVDYHFGHJUDQGVJURXSHVFRPPHΖ%0VXUOHV
servant à l’élaboration d’un pansement en
voitures intelligentes, mais aussi avec des PME sur la création d’un
textile libérant des molécules bioactives.
DLGHVRLJQDQWDUWLȴFLHOSRXUODU«DQLPDWLRQQHXURORJLTXHSDU
En bas à gauche, une structure 3D obtenue
H[HPSOHb}SU«FLVHWLO/ȇREMHFWLIɋ"
par une technique inspirée du kirigami.
Davantage d’utilité, de performance
EQEDV GURLWHVWUXFWXUHVGHJRQõHPHQW
et de durabilité des technologies…
produites sur un gel d’alginate après le
au service de l’humain. www.instituts-carnot.eu
dépôt d’une goutte d’eau.

ÉTÉ 2017 N° 289


49
EN ACTION

Le CNRS unit ses forces


en Amériques PAR SAMAN MUSACCHIO

Événement. Rendez-vous de la science française à l’étranger, la première réunion d’unités


mixtes internationales (UMI) du CNRS des Amériques s’est tenue les 26 et 27 avril 2017
à Mexico. L’occasion pour ces dix-sept laboratoires de se découvrir et d’échanger sur
OHVRSSRUWXQLW«VGHG«YHORSSHPHQWTXȇR΍UHQWFHVYLWULQHVGHODUHFKHUFKHKH[DJRQDOH

b$
près les rassemblements de Un partenariat d’excellence Le choix du Mexique comme
Washington (2014), Singapour « L’UMI est le niveau de collaboration pays hôte de ce rendez-vous des UMI
(2015) et Québec (2016), le VFLHQWLȴTXHOHSOXV«OHY«HWOHSOXV américaines ne doit rien au hasard,
CNRS a décidé de mettre les bou- intégré que nous puissions entrete- des liens historiques très forts unis-
chées doubles cette année à Mexico nir avec un établissement étranger », sant la France et le Mexique. C’est
en réunissant, pour la première fois, rappelle Patrick Nédellec, directeur d’ailleurs le Conseil national des
les UMI et UMIFRE1 du continent amé- de la Derci (Direction Europe de la sciences et technologies mexicain
ricain, soit la moitié des UMI mon- recherche et coopération internatio- (CONACyT) qui a accueilli la ren-
diales. Bien ancrés dans les écosys- nale) du CNRS. L’UMI représente un contre. « Heureux, selon son direc-
tèmes de recherche des deux modèle singulier dans le paysage de teur général, Enrique Cabrero
Amériques, ces laboratoires couvrent la recherche mondiale. « Une UMI, ce Mendoza, de recevoir le CNRS et ses
quasiment l’ensemble des disciplines n’est pas de la recherche délocalisée. UMI qui nous permettent de franchir
du CNRS, à quelques exceptions près. Il s’agit au contraire de donner une OHVEDUULªUHVDUWLȴFLHOOHVGDQVXQ
Une opération minutieusement orga- impulsion forte à une recherche par- monde globalisé ». Un message qui
nisée par Xavier Morise, directeur du tenariale d’excellence impliquant les a pris une résonance particulière
bureau du CNRS à Washington, et son meilleurs chercheurs et institutions dans un contexte géopolitique en
homologue Olivier Fudym du bureau de par le monde », explique Xavier mutation, entre Brexit et incerti-
Sous-marin
de Rio de Janeiro, coordinateurs ré- Morise. Il existe aujourd’hui 36 unités tudes sur les décisions budgétaires
miniature
gionaux des collaborations et parte- de ce type dans le monde, réparties développé au
des États-Unis en matière de
QDULDWVVFLHQWLȴTXHV principalement entre l’Asie et l’Amé- Lafmia, une UMI recherche.
3UªVGHbSHUVRQQHV«WDLHQW ULTXHGX1RUGɋSDUPLHOOHVbRQW basée au
U«XQLHVɋ OHV GLUHFWHXUV GHV FKHU moins de dix ans. Mexique. Une nouvelle UMI mexicaine
cheurs de ces laboratoires communs Le CNRS a également saisi l’occasion
venus de six pays (Canada, États-Unis, de cette rencontre pour inaugurer
Mexique, Chili, Argentine, Brésil), des une nouvelle UMI en mathématiques
FRQVHLOOHUVVFLHQWLȴTXHVGHVLQGXV et le renouvellement de celle exis-
triels, des représentants d’agences de WDQWGHSXLVHQDXWRPDWLTXH
ȴQDQFHPHQWLQWHUQDWLRQDOHVHWXQH « Le laboratoire franco-mexicain
importante délégation de personnels d’informatique et d’automatique
k3+27266086$&&+Ζ2

encadrants du CNRS. Pendant deux (UMI Lafmia), créé il y a plus de neuf


jours, elles ont pu échanger sur le rôle, ans, succédait à deux laboratoires
l’avenir et l’importance croissante de internationaux associés, l’un en in-
FHWRXWLOGHFROODERUDWLRQVFLHQWLȴTXH formatique, l’autre en automatique »,
unique au monde qu’est l’UMI. précise Michel Bidoit, directeur de
1. Il existe 26 unités mixtes des Instituts français de recherche à l’étranger (UMIFRE) dans le monde. Si les UMI constituent un partenariat entre le CNRS et une université
RXXQRUJDQLVPHGHUHFKHUFKH¢Oȇ«WUDQJHUOHV80Ζ)5(VRQWXQSDUWHQDULDWHQWUHOH&156HWOHPLQLVWªUHIUDQ©DLVGHOȇ(XURSHHWGHV$΍DLUHV«WUDQJªUHV

CNRS LE JOURNAL
50
EN ACTION

Lire l’intégralité de l’article


sur http://cnrsinfo.cnrs.fr

l’Institut des sciences de l’information sur des sujets stratégiques à long


0$7+‹0$7Ζ48(6 PIMS &/Ζ0$7 TAKUVIK
et de leurs interactions (INS2I). Ce terme – et ce avec des partenaires de
0$7+‹0$7Ζ48(6 CRM
laboratoire centre une partie de ses 0Ζ&52‹/‹&7521Ζ48( LN2
recherche à l’étranger. Certaines
recherches sur des systèmes de navi- *‹1‹7Ζ48( EPIDAPO 0$7‹5Ζ$8; MSE2
UMI des Amériques ont ainsi noué
gation autonome de drones, des CHIMIE JRCL CHIMIE COMPASS des liens très forts avec l’industrie.
sous-marins miniatures ou encore (19Ζ5211(0(17 iGLOBES 0$7‹5Ζ$8; GT CNRS Les partenariats entre UMI et grands
des exosquelettes. JURXSHVLQGXVWULHOVVRQWWUªVGL΍«
Pour Christoph Sorger, alors di- rents en matière d’accords sur les
$8720$7Ζ48( LAFMIA
recteur de l’Institut national des brevets, la propriété intellectuelle ou
0$7+‹0$7Ζ48(6 LASOL
sciences mathématiques et leurs le mode de fonctionnement, mais ils
interactions (INSMI), la création présentent des points intéressants.
d’une nouvelle UMI en mathéma- Le CNRS, le groupe Solvay et l’univer-
Répartition
tiques, le Laboratoire Solomon- sité de Pennsylvanie ont par exemple
des 17 UMI sur
Lefschetz (UMI LaSol), vient consoli- le continent
établi en 2010 une UMI sur la matière
der un réseau de mathématiciens américain. PROOH 80Ζ&RPSDVV DȴQGHG«YH
déjà bien développé sur le continent 0$7+‹0$7Ζ48(6 IMPA lopper des solutions innovantes
américain. En effet, la discipline BIOLOGIE EBEA pour répondre à des problématiques
compte déjà deux UMI au Canada Canada $6752120Ζ( FCA GLYHUVHVɋIRUPXODWLRQLQGXVWULHOOHRX
(PIMS, CRM) et deux en Amérique du 0$7+‹0$7Ζ48(6 CMM encore drainage de l’eau d’irrigation
ÉWDWV8QLV
Sud (IMPA au Brésil, CMM au Chili). &/Ζ0$7 IFAECI par les sols.
Mexique
Brésil Au Massachusetts Institute of
Mutualiser les pratiques Chili Technology (MIT), une autre collabo-
Si ce rassemblement à l’échelle régio- Argentine ration entre le CNRS et le secteur
nale a permis aux directeurs des UMI industriel n’est pas passée inaper-
de se rencontrer physiquement, il an. Mario Pinto, président du Conseil çue. L’UMI MSE2, initiée en 2012
leur a surtout fourni l’occasion de de recherches en sciences naturelles entre la célèbre université améri-
mettre en commun des pratiques et en génie du Canada (CRSNG), se caine et le CNRS, et qui rassemble
administratives et financières. félicite de la part croissante de l’inter- une vingtaine de chercheurs (dont
« D’une certaine façon, les directeurs national dans le paysage de la re- cinq Français), est partenaire d’in-
d’UMI vivent tous la même chose, cherche canadienne, et rappelle que dustriels qui s’intéressent à des su-
souligne Patrick Nédellec. Ils dirigent ɋGHVFRSXEOLFDWLRQVGXSD\VVRQW MHWVVS«FLȴTXHVFRPPHODU«GXFWLRQ
une unité de recherche qui doit satis- aujourd’hui réalisées avec l’étranger. de l’empreinte environnementale
faire la réglementation française, tout Cet organisme fédéral canadien sou- de la production de ciment, par
en tenant compte de celle du pays où tient actuellement deux UMI au exemple. Accoutumée à travailler
elle se trouve. » Et ces réglementa- &DQDGDɋOH3Ζ06HQPDWK«PDWLTXHV avec des groupes tels que Shell et
WLRQVVRQWWUªVGL΍«UHQWHV et Takuvik, unité spécialisée dans Schlumberger, l’UMI collaborera
Avoir un pied dans chaque pays l’étude des changements climatiques bientôt avec Total. « Nous ne dépo-
peut être une source de complexité, et anthropogéniques sur les écosys- sons pas de brevets, nous misons
PDLVR΍UH«JDOHPHQWGHQRPEUHX[ tèmes marins et terrestres en sur les publications qui valorisent
avantages. Une UMI peut ainsi béné- Arctique. Selon Béatrice Saint-Cricq, notre recherche et incitent d’autres
ȴFLHUGXGRXEOHVRXWLHQGȇDJHQFHV responsable partenariat et valorisa- entreprises à collaborer avec nous.
nationales et de l’Europe, ce qui n’a tion de Takuvik, « l’UMI est un tel Nous travaillons en étroite coopéra-
pas échappé aux universités et orga- modèle que l’université de Laval (au tion avec nos partenaires industriels
nismes de recherche partenaires. Canada, NDLR) essaie de le repro- et avons des échanges hebdoma-
« Les UMI sont des modèles que nous duire avec d’autres pays comme la daires avec leurs équipes », détaille
devrions reproduire au Canada », Suisse ou le Brésil. » Roland Pellenq, directeur de l’UMI.
estime Maryse Lassonde, directrice Une stratégie de collaboration que le
du Fonds de recherche du Québec- Nouer des liens avec l’industrie CNRS entend présenter et faire valoir
Nature et technologies (FRQNT), qui $XWUHSRLQWIRUWGXPRGªOH80ΖɋOD aux principaux partenaires indus-
soutient les trois UMI présentes au possibilité de construire une re- triels français. II
4X«EHF¢KDXWHXUGHbGROODUV cherche entre le public et le privé en
FDQDGLHQV HQYLURQɋHXURV SDU mobilisant les meilleures équipes

ÉTÉ 2017 N° 289


51
EN ACTION

Lire l’intégralité de l’article


sur lejournal.cnrs.fr

Les grands reptiles marins


montrent les dents PAR FUI LEE LUK ET SAMAN MUSACCHIO

Paléontologie. Des chercheurs ont percé les secrets enfouis dans les isotopes du calcium
de dents fossilisées. Grâce à une méthode inédite, ils proposent un nouveau scénario sur la
disparition des grands reptiles marins lors de l’extinction massive, il y a 66 millions d’années.

P endant des décennies, diverses théories ont circulé


pour expliquer la disparition de trois quarts des
HVS¨FHVDQLPDOHVHWY©J©WDOHVYHUVODôQGX&U©WDF©
dans leurs échantillons respectifs se sont aussi
révélées identiques. Un indice indiscutable que les
animaux trouvaient leur calcium dans la même
En juin, une étude franco-marocaine1HVWYHQXHDIôQHU nourriture. « Nous comprenons désormais qu’ils
notre compréhension de l’histoire de notre planète. étaient en compétition les uns avec les autres »,
Les fossiles trouvés dans les anciens fonds marins commentent Peggy Vincent et Nathalie Bardet, du CR2P.
indiquent que les océans grouillaient jadis de prédateurs /HVVFLHQWLôTXHVIRQWGHFHWWHULYDOLW©HQWUH
reptiles, comme le plésiosaure ou le mosasaure. Mais les plésiosaures et mosasaures la clé de leur vulnérabilité :
fossiles ont d’autres choses à nous apprendre. à la moindre raréfaction des espèces de poissons qu’ils
La nourriture de ces reptiles a aussi se disputaient, leur survie était
laissé des traces chimiques : dans HQJDJ©H&HIXWOHFDV ODôQGX
leurs dents, leurs os et leurs tissus. Les Crétacé, lorsque la majorité du
chercheurs peuvent ainsi reconstituer plancton a disparu, durant l’épisode
les habitudes alimentaires des espèces d’extinction massive. Les poissons
éteintes en recherchant dans les se nourrissant de plancton se sont
fossiles des isotopes stables, qui ne se UDU©ô©VHQWUD®QDQWODGLVSDULWLRQ
dégradent pas avec le temps. des reptiles.
L’élément chimique qui se prête
particulièrement bien à cette analyse Une méthode inédite
© W. MYERS/SPL/COSMOS

est le calcium, soit « environ 40 % de « Si les mesures de compositions


l’émail des rares dents fossiles dont isotopiques sont monnaie courante
nous disposons », indique Vincent en géologie, cela fait à peine dix ans
Balter, géochimiste au Laboratoire de que des laboratoires tentent de
géologie de Lyon2 (LGLTPE). transposer ce savoir-faire en
Au Crétacé, biologie », note Emmanuelle Albalat, ingénieure
Des superprédateurs des mers les océans d’études chargée du développement de nouveaux
Des chercheurs du LGLTPE, du CR2P3 et de la branche grouillaient protocoles au LGLTPE. C’est d’ailleurs grâce à une
de prédateurs
Géologie de l’exportateur de phosphates marocain OCP4 méthode inédite, conçue avec ses collègues en 20145,
marins, tel ce
ont uni leurs forces pour analyser les fossiles de seize mosasaure long
que cette étude sur les dents fossiles a pu être réalisée.
vertébrés marins, extraits du bassin des Ganntour, au de 17 mètres « Nous avons cherché à mesurer les isotopes du
Maroc. Datant du Maastrichtien (-72 à -66 millions (vue d’artiste). calcium, avec ce qu’on appelle un spectromètre de
d’années), il s’agissait de fossiles de dents de poissons, masse à source plasma et à multi-collection. Mais
de requins, de plésiosaures et de mosasaures. avant cela, il fallait réussir à obtenir un échantillon
Les dents des plésiosaures et des mosasaures totalement pur, soit 100 % de l’élément, et rien d’autre »,
recélaient des proportions d’isotopes stables UDFRQWHWHOOH&HWWHSXULôFDWLRQHVWIDLWHSDU
comparables à celles des superprédateurs chromatographie par échanges d’ions, qui permet de
actuellement au sommet de la chaîne alimentaire séparer l’élément voulu – ici, le calcium – de tous les
marine, en particulier les grands requins blancs. « Ces autres. « Cette méthode permet de réaliser des mesures
reptiles anciens étaient donc des superprédateurs d’une grande précision, qui pourront être comparées
piscivores dans l’écosystème marin du Maastrichtien », par d’autres équipes et faire ainsi avancer les mesures
observe Jeremy Martin, auteur principal de l’étude pour de composition isotopique des métaux en biologie »,
le LGLTPE. Or les quantités d’isotopes stables de calcium espère Emmanuelle Albalat. II

1. « Calcium Isotopic Evidence for Vulnerable Marine Ecosystem Structure Prior to the K/Pg Extinction », J. E. Martin et al., Current BiologyYRO  ɋ2. Unité
CNRS/ENS Lyon/Univ. Claude-Bernard. 3. Centre de recherche sur la paléobiodiversité et les paléoenvironnements (CNRS/UPMC Paris 6/MNHN). 4.2ɝ FHFK«ULȴHQGHV
phosphates. 5. m$VLPSOLȴHGSURWRFROIRUPHDVXUHPHQWRI&DLVRWRSHVLQELRORJLFDOVDPSOHV}77DFDLOet al., Journal of Analytical Atomic SpectrometryYRO

CNRS LE JOURNAL
52
EN ACTION

Les archives Grothendieck,


mine d’or pour les chercheurs

Mathématiques. Une partie des archives d’Alexandre en est de la fascination qu’exerce


Grothendieck, médaille Fields en 1966, a été mise en HQFRUHODȴJXUHGH*URWKHQGLHFN&HV
archives témoignent de la façon dont
ligne par l’Imag. L’occasion d’explorer le travail et la vie le mathématicien a procédé pour
d’un mathématicien majeur. refondre la géométrie algébrique, et
contiennent des travaux originaux
PAR MARTIN KOPPE
qui touchent à d’autres domaines des
mathématiques. Une mine d’or pour

6b i un scénariste essayait d’imaginer


l’histoire la plus folle sur un génie
des maths, il resterait bien en deçà du
fonds en 2010 à son établissement.
ɋbSDJHVRQWDORUV«W«QXP«UL
V«HVHWbSDJHVRQW«W«PLVHV
les chercheurs et leurs étudiants,
PDLVXQȴORQTXLVHP«ULWH
mb/HVWUDYDX[GH*URWKHQGLHFN
destin d’Alexandre Grothendieck. Né en ligne par l’Imag, l’Institut mont- VRQWGLɝ FLOHV¢DERUGHUGDQVGHVDU
d’un père juif ukrainien et d’une mère pelliérain Alexander-Grothendieck1, ticles publiés, avoue Jean-Michel
allemande, des anarchistes engagés OHbPDL Marin. Ici la matière est brute, elle
dans la guerre civile espagnole puis Si ce fonds concerne presque n’est pas rédigée pour être lue telle
G«SRUW«V GDQV OHV DQQ«HVb  uniquement les mathématiques, TXHOOH7UDYDLOOHUHWG«FKL΍UHUPDQXV
Alexandre Grothendieck était encore bDXWUHVSDJHVWRXFKDQWSOXW¶W crits et tapuscrits réclame des compé-
apatride lorsqu’il reçut la médaille à des thèmes mystiques et philoso- WHQFHVGHWK«VDUGVRXGHSRVWGRFVɋ}
Fields en 1966. Récompense qu’il phiques, ont quant à elles été lé- Bien que Grothendieck utilisât
obtint pour sa refonte de la géomé- guées par testament à la BNF. parfois le dos de feuilles volantes
trie algébrique. Jean-Michel Marin, directeur de dont le contenu n’avait pas de rap-
Loin de se limiter aux travaux l’Imag, s’enthousiasme du succès sur- port avec ses recherches – par
académiques, Grothendieck milita prenant de ces archives. mb)LQMXLQ exemple des documents administra-
pour les causes écologistes et paci- notre site était déjà consulté par tifs –, les archives sont mises en ligne
ȴVWHVTXLWWH¢UHIXVHUGHVSUL[HW¢ bbXWLOLVDWHXUVXQLTXHVTXLRQW avec leurs faces recto et verso. Car
démissionner d’institutions proches téléchargé plusieurs téraoctets de FHVGRFXPHQWVQRQVFLHQWLȴTXHV
du ministère de la Défense. Il rédigea données, dénombre-t-il. Or, seules peuvent aider les chercheurs à dater
livres et revues sur ces sujets, ainsi quelques centaines de personnes les travaux et les renseigner sur les
que de la philosophie. À sa retraite dans le monde sont capables d’en lectures du mathématicien.
en 1991, Grothendieck se retire du DQDO\VHUOHFRQWHQXb} Dans le cadre d’un accord conclu
monde dans un petit village arié- 8QHGLɝ FXOW«TXLQHUHEXWHSDV avec sa famille, le fonds a été restitué
geois. Il décède en 2014. les profanes et les curieux, preuve s’il à ses proches une fois numérisé et
'DQVOHVDQQ«HVbLOR΍ULWXQH mis en ligne. L’accès libre et gratuit à
partie de ses archives à son ancien ce trésor a donc pu être garanti grâce
élève Jean Malgoire. Enseignant- 9RLUOHVLWHGHVDUFKLYHV à l’Imag. Un colloque devrait d’ailleurs
https://grothendieck.umontpellier.fr
chercheur à l ’uni ver si té de y être organisé d’ici quelques années,
Montpellier, ce dernier a transmis le /LUHDXVVLQRWUHDUWLFOHmb'LVSDULWLRQ DȴQGHPHWWUHHQFRPPXQOHVWUDYDX[
d’un génie des mathématiques »
sur lejournal.cnrs.fr tirés de ces archives et de mesurer
leur impact sur les mathématiques. II
© IMAG

1. CNRS/Université de Montpellier.

ÉTÉ 2017 N° 289


53
EN ACTION

Des villes
toujours plus grosses PAR LAURE CAILLOCE

Géographie. Les mégacités, ces villes de plus de dix millions


d’habitants, sont aujourd’hui plus de trente dans le monde.
Elles devraient être cinquante en 2050. Retour sur une
tendance lourde et ses conséquences sur nos modes de vie.

'
b
epuis cinquante ans, le mouve- maximum entre deux bâtiments.
ment d’urbanisation de la pla- Mais le découpage administratif et les
nète s’est fortement accéléré, VWDWLVWLTXHVRɝ FLHOOHVIRXUQLHVSDUOHV
HWOHQRPEUHGHFLWDGLQVDRɝ FLHOOH pays obéissent à une tout autre lo-
PHQWG«SDVV«GHODSRSXODWLRQ gique… Administrativement parlant,
mondiale. Dans le même temps, on a Paris se cantonne ainsi à la zone à
assisté à l’émergence d’une forme l’intérieur du périphérique et totalise
QRXYHOOHGHYLOOHVOHVP«JDFLW«VGHV bPLOOLRQVGȇKDELWDQWVVHXOHPHQW
mastodontes urbains de plus de 3RXUFRQWRXUQHUODGLɝ FXOW«OH
bPLOOLRQVGȇKDELWDQWVȐDXPLQLPXP géographe François Moriconi-Ebrard
Si Paris et Londres avoisinent les et ses collègues du laboratoire
bPLOOLRQVGȇKDELWDQWVOȇDJJORP«UD Espace2 ont mis au point une mé-
WLRQGH6KDQJKDLȵLUWHUDLWDXMRXUGȇKXL WKRGHGHFDOFXOXQLYHUVHOOHɋmb2QXWL
DYHFOHVPLOOLRQV%LHQTXHOȇRUGUH lise les images satellite pour délimiter
du classement divise les chercheurs, le périmètre de la ville, et on croise Avec ses mbSDVVHSRUWXUEDLQ}D\DQW«W«DVVRX
on trouve parmi les dix plus grandes avec la cartographie du recensement, 80 millions plie, les Chinois peuvent désormais
villes du monde Shanghai, Guangzhou en utilisant les plus petites unités d’habitants, s’installer (presque) où bon leur
Shanghai serait
(Canton), Tokyo, Dehli et Mumbai FRPPXQLTX«HVSDUFKDTXH‹WDWb}, semble… mb/ȇΖQGHHWOȇ$IULTXHGH
aujourd’hui la
(Bombay), mais aussi New-York avec explique le chercheur, qui a employé vraient être les prochaines zones
plus grande ville
VHVbPLOOLRQVGȇKDELWDQWV cette méthode pour hisser Shanghai du monde. GȇH[SORVLRQ XUEDLQHb }, poursuit
sur la première marche du podium. Francois Moriconi-Ebrard. Déjà au
Le casse-tête de la taille Toutes les mesures sont conservées rang de mégacités, Lagos (Nigéria) et
mb/ȇXUEDQLVDWLRQHVWVLLQWHQVHTXȇHOOH dans la base de données mondiale Le Caire (Égypte) continuent de gros-
a brouillé les cartes, raconte Michel *«RSROLVGDQVODTXHOOHVHSURȴOHQW sir, tandis que Kinshasa (République
Lussault, géographe au laboratoire déjà les mégacités de demain. Car la démocratique du Congo) ou Onitsha
Environnement, ville, société1. On ne tendance au gigantisme urbain ne fait (Nigeria) pourraient vite passer la
VDLWSOXVR»FRPPHQFHQWHWR»ȴ TXHFRPPHQFHUɋ$XQRPEUHGȇXQH barre des 10 millions… mb&ȇHVWDXVVLOH
nissent des villes comme Mexico, trentaine aujourd’hui, les mégacités cas d’Addis-Abeba, en Éthiopie, qui
Tokyo ou Shanghai, qui aujourd’hui devraient être cinquante d’ici à 2050. H[SORVHOLWW«UDOHPHQWVRXVOȇH΍HWGHV
n’ont plus rien à voir avec la cité d’ori- C’est plutôt du côté de l’Asie et de LQYHVWLVVHPHQWVFKLQRLVb}, ajoute-t-il.
JLQHȐb} Sans compter que certains l’Afrique qu’il faut guetter leur émer-
pays surestiment ou sous-estiment gence. mb/D&KLQHHVWOHSD\VOHSOXV Des lieux d’innovation
volontairement la taille de ces cités, peuplé au monde, il faut s’attendre à Quant à savoir si cette explosion ur-
pour des raisons géopolitiques ou ce qu’elle ait des mégacités en pro- baine est une bonne nouvelle…
l’obtention d’aides internationales. En SRUWLRQGHVDSRSXODWLRQb}, prédit Synonymes pour le public de pollu-
théorie, c’est la continuité du bâti qui Denise Pumain, géographe au labo- tion ou d’insécurité, les mégacités
fait la ville – avec une distance géné- ratoire Géographie-cités3 . D’autant sont vues d’un œil moins sévère par
ralement admise de 200 mètres que, leur obligation de détenir un OHVJ«RJUDSKHVɋ mb$XMRXUGȇKXLOHV
mégapoles ne sont plus des man-
1. Unité CNRS/ENS Lyon/Univ. Jean-Moulin/Univ. Lumière/Univ. Jean-Monnet/ENTPE/Ensal/École des mines de Saint-Étienne/Insa
Lyon. 2. Études des structures, des processus d’adaptation et des changements de l’espace (CNRS/Univ. Sophia-Antipolis/
geuses d’hommes. Dans les pays les
Aix-Marseille Université/Univ. Avignon-Pays de Vaucluse). 3. Unité CNRS/Univ. Panthéon-Sorbonne/Univ. Paris-Diderot. plus pauvres, les conditions de vie y

CNRS LE JOURNAL
54
EN ACTION

Lire l’intégralité de l’article


sur lejournal.cnrs.fr

de conquête de droits », renchérit Shanghai ou Mexico, les émissions


Michel Lussault. Ainsi, l’urbanisation sont telles que le ciel est constam-
des femmes fait le plus souvent bais- ment laiteux – sont devenus la préoc-
ser le taux de fécondité et augmente cupation première des géantes ur-
OHXUWDX[GHVFRODULVDWLRQGDQVFHV EDLQHV$XWUHG«ȴPDMHXUFHOXLGX
espaces ouverts, elles échappent en U«FKDX΍HPHQWFOLPDWLTXHSDUWLFXOLª
H΍HWSOXVIDFLOHPHQW¢OȇRUGUHSD rement prégnant avec le phénomène
triarcal. Et même si le taux de pau- GHVmb°ORWVGHFKDOHXUb} mb/HFĕXU
vreté en ville reste très important, la minéral des villes est beaucoup plus
pauvreté absolue tend à diminuer chaud que leur périphérie, explique
grâce aux nombreuses opportunités Michel Lussault. Dans une ville
TXHODYLOOHIRXUQLWSHWLWVERXORWV comme Paris, par exemple, il fait en
vente à la sauvette, etc. PR\HQQHbr&GHSOXVTXȇHQEDQOLHXH
mais ce différentiel peut monter
Des inégalités croissantes MXVTXȇ¢br&HQFDVGHFDQLFXOHb»
Plus préoccupant est l’accroissement Si les problèmes auxquels elles
des inégalités sociales et des tensions sont confrontées sont à la hauteur de
qu’elles engendrent. « Plus les villes leur taille, les mégapoles veulent
sont grandes, plus les inégalités de aussi devenir de véritables espaces
revenus sont importantes, souligne de solution. Une diplomatie des
Denise Pumain. Le capitalisme inter- grandes villes de la planète est d’ail-
© SIEPHOTO/MASTERFILE

national qui développe des bureaux leurs en train d’émerger, qui court-
attire parallèlement une quantité circuite les traditionnelles discussions
GȇHPSORLVSHXTXDOLȴ«VSRXUOȇHQWUH interétatiques. Sur la question clima-
tien, le ménage, etc. » Un phénomène tique et l’écologie, le réseau C40
(Cities Climate Leadership Group)
fédère les 90 plus grandes métro-
poles du monde. Plusieurs fois par
DQOHV«OXVGHFHU«VHDXU«ȵ«FKLVVHQW
ensemble sur les transports, l’alimen-
tation, la voirie, les migrations...
Après la COP 21, les villes du C40 se
sont même engagées à dépasser les
© F. MORICONI-EBRARD/GEOPOLIS DATABASE,2017

REMHFWLIVȴ[«VHQPDWLªUHGȇ«PLV
sions de CO2. mb/HVP«JDSROHVDV
surent qu’elles peuvent faire mieux
que leurs États, car elles sont moins
contraintes qu’eux au plan diploma-
WLTXHb}, commente Michel Lussault.
Avec les mégacités, un nouvel
ordre géopolitique est en train
d ’émerger. Ces villes-mondes
sont nettement meilleures que dans Carte des qui se traduit aussi spatialement, tendent à constituer de vrais pôles
les campagnes, note Denise Pumain. agglomérations avec une séparation toujours plus de stabilité, qui échappent en partie
Les installations sanitaires sont meil- urbaines de plus marquée entre quartiers riches et aux tensions diplomatiques entre
de 10 millions
leures, on compte moins de mortalité pauvres. La multiplication des « gated pays. mb&ȇHVWLQG«QLDEOHPHQWXQIDF
d’habitants
infantile. De la même manière, la qua- communities », ces quartiers aisés teur de paix. Mais le risque est grand
(2010).
OLȴFDWLRQGHVSRSXODWLRQVWHQG¢DXJ fermés au reste de la ville, en est qu’elles deviennent complètement
menter avec la taille des villes. » l’expression la plus forte – à l’image hors-sol et se coupent de leur terri-
« Lieux de l’innovation par excel- des tours d’Alphaville à São Paulo. WRLUHGHSUR[LPLW«b}, s’inquiète Michel
lence – économique, technologique, Par ailleurs, les transports et les Lussault. Et que Paris échange da-
culturelle, mais aussi sociale –, les pollutions engendrées par les em- vantage avec Londres ou New York
mégacités sont de véritables espaces bouteillages quotidiens – à Pékin, qu’avec Lille ou Tours... II

ÉTÉ 2017 N° 289


55
EN ACTION

Quelles réparations pour l’esclavage ?


/ȇKLVWRULHQQH0\ULDP&RWWLDVUHYLHQWVXUOHVXMHWGHVU«SDUDWLRQVOL«HV
¢OȇHVFODYDJHɋFHOOHVTXHGHVDVVRFLDWLRQVU«FODPHQWDXMRXUGȇKXLSRXU
OHVGHVFHQGDQWVGȇHVFODYHVPDLVDXVVLOHVLQGHPQLW«VDFFRUG«HVDX[
SURSUL«WDLUHVHVFODYDJLVWHVDX;Ζ;ebVLªFOHDXPRPHQWGHOȇDEROLWLRQ
© T. SALVA

PROPOS RECUEILLIS PAR LAURE CAILLOCE

Depuis une dizaine d’années, la question des ressurgir… Sans pousser forcément dans le sens des
U«SDUDWLRQVREMHWGXSURMHWmb5HSDLUVb}TXHYRXV FRPSHQVDWLRQVȴQDQFLªUHVLOIDXWDOOHUSOXVORLQGDQVOH
L’esclavage,
coordonnez, est devenue centrale. du souvenir à travail de mémoire collective et sortir du seul aspect
Myriam Cottias1 :(QH΍HW4XHFHVRLWHQ$P«ULTXHGX la mémoire, par moralisateur et accusateur. Les lieux dédiés à cette his-
Nord et du Sud, aux Antilles, en Afrique ou dans l’océan Christine Chivallon, WRLUHHWTXLSHUPHWWHQWGȇ\U«ȵ«FKLU P«PRULDX[VDOOHV
éditions Karthala,
Indien, cette question est aujourd’hui au cœur des reven- FROOHFWLRQmb(VFODYDJHVb}
de musée…) sont trop peu nombreux. Pourquoi ne pas
dications des descendants des esclaves déportés depuis DR½WSbȜ imaginer un espace comme le Musée national afro-
l’Afrique. En France, en 2005, des associations fédérées américain, inauguré par Barack Obama à Washington
au sein du Mouvement international des réparations ont HQb"
DLQVLU«FODP«bPLOOLDUGVGȇHXURV¢Oȇ‹WDWIUDQ©DLVDX
titre de la compensation de la période de l’esclavage. Une Si les esclaves ou leurs descendants n’ont jamais
demande jugée alors irrecevable, les juges estimant qu’il été indemnisés pour les crimes subis, les
était impossible d’établir le montant des dommages propriétaires esclavagistes ont, eux, touché des
pour des faits aussi anciens. LQGHPQLW«VDSUªVOȇDEROLWLRQ&ȇHVWGLɝ   FLOH¢
FRPSUHQGUHDXMRXUGȇKXLɋ
La loi Taubira de 2001 reconnaît l’esclavage comme M. C. : $SUªVOȇDEROLWLRQHQGHVLQGHPQLW«VRQW«W«
un crime contre l’humanité et demande que cette versées aux propriétaires d’esclaves des Antilles, de
période de l’histoire nationale soit enseignée de Maurice et de la Réunion, du Sénégal et de Nosy Be à
Oȇ«FROHSULPDLUHDXO\F«H9DWHOOHDVVH]ORLQɋ" «L’Abolition de 0DGDJDVFDUDȴQGHFRPSHQVHUOHVSHUWHV«FRQRPLTXHV
M. C. : Cette loi est une première dans le monde. Son l’esclavage dans TXHODȴQGHOȇHVFODYDJHHQWUD°QDLWSRXUHX[9LFWRU
les colonies
REMHFWLI«WDLWGHPHWWUHȴQ¢XQVLªFOHHWGHPLGȇRXEOL Schœlcher, le père de l’abolition, n’y était pas favorable
françaises en
durant lequel l’esclavage a été complètement passé sous 1848», peinture
HWDYDLWOXLLPDJLQ«XQV\VWªPHR»OHVmbHVFODYLV«Vb}VH
silence par les institutions. Le problème, c’est qu’au- de François- UDLHQWLQGHPQLV«VȐ0DLVLOVȇHVWUDQJ«DXSDUWLGHOȇHɝFD
jourd’hui encore, il reste des traces de cette période dans Auguste Biard FLW«ɋOHVSURSUL«WDLUHVHVFODYDJLVWHVDYDLHQWXQYUDLSRX
nos rapports sociaux et que le passé ne cesse de (1798-1882). voir de nuisance. Il a choisi de leur donner satisfaction,
SRXUTXHOȇDEROLWLRQVRLWH΍HFWLYHDXSOXVYLWH
Au Centre international de recherches sur les esclavages,
nous sommes d’ailleurs en train de constituer une base
de données des indemnités accordées aux propriétaires
GDQVWRXVOHVWHUULWRLUHVFRQFHUQ«VɋDFFHVVLEOH¢WRXVHOOH
comportera le nom des personnes indemnisées, leur
statut et le montant de l’indemnité reçue. On a tendance
à voir l’esclavage sous le seul prisme de l’opposition ra-
ciale blanc-noir, mais nous constatons déjà que les choses
QHVRQWSDVDXVVLELQDLUHVTXȇRQOȇLPDJLQHSDUIRLVɋDLQVL
RQUHWURXYHGHVmbOLEUHVGHFRXOHXUb}SDUPLOHVSHUVRQQHV
LQGHPQLV«HVȂFHVHVFODYHVD΍UDQFKLV«WDLHQW¢OHXUWRXU
devenus propriétaires d’esclaves. L’esclavage était aussi
XQV\VWªPH«FRQRPLTXHHWVRFLDObII
© F.-A. BIARD/DR

1. Directrice du Centre international de recherches sur les esclavages et les post-esclavages (Ciresc) – devenu en janvier 2017 Lire l’intégralité de l’interview
une unité de recherche et de service du CNRS (USR) – et chercheuse au LC2S (CNRS/Univ. des Antilles). sur lejournal.cnrs.fr

CNRS LE JOURNAL
56
LES IDÉES

Réflexions sur l’éthique


en science, l’usine du futur
et les liens subtils entre
humeur et santé.
ILLUSTRATION : GIANPAOLO PAGNI POUR CNRS LE JOURNAL

ÉTÉ 2017 N° 289


57
LES IDÉES

Les nouveaux
chantiers du
Comité d’éthique
Entretien. 5«ȵ«FKLUDX[FRQV«TXHQFHV
«WKLTXHVGXG«YHORSSHPHQWGHVVFLHQFHVɋ
telle est la tâche assignée aux sages
déontologie des métiers de la recherche, et à celle du
GX&RPLW«Gȇ«WKLTXHGX&1564XHOOHV « guide » adopté en novembre 2016 par la Conférence
orientations son nouveau des présidents d’université. Il me semble aujourd’hui
président souhaite-t-il nécessaire, entre autres, de mieux préciser les frontières
de la notion de plagiat, tant celle-ci est multiforme. Dans
GRQQHU¢FHWWHLQVWDQFHɋ"
les disciplines littéraires ou les sciences humaines, par
/HVU«SRQVHVGXFKHUFKHXU exemple, la pratique du « copier-coller » est inadmis-
HQLQWHOOLJHQFHDUWLȴFLHOOH sible. En revanche, dans les sciences dures, qui accordent
k/$//25*(

Jean-Gabriel Ganascia. beaucoup moins d’importance à l’écrit, le réemploi d’élé-


ments textuels est tolérable, à condition naturellement
3523265(&8(Ζ//Ζ63$53+Ζ/Ζ33(7(67$5'9$Ζ//$17 de citer ses sources et de restreindre cette appropriation
indue à la formulation d’idées générales.

9RXVDYH]«W«QRPP«HQ¢ODW¬WHGX&RPLW« /DOLEHUW«GHODUHFKHUFKHȴJXUHDXVVLSDUPLOHV
Gȇ«WKLTXHGX&156 &RPHWV 4XHOHVWOHU¶OHH[DFW JUDQGVVXMHWVTXHYRXVFRPSWH]H[SORUHUȐ
GHFHFRPLW«ɋ" -**ɋ(QH΍HWɋ/DOLEHUW«PRWLYHOHVFKHUFKHXUV(OOH
-HDQ*DEULHO*DQDVFLD1ɋ/DPLVVLRQGX&RPHWVGRQWOD fait l’attrait de ce métier et c’est aussi une condition de
FU«DWLRQUHPRQWH¢HVWGHFRQGXLUHGHVU«ȵH[LRQV sa fécondité. Imposer des cadres trop contraignants
sur les conséquences sociales et morales du développe- bride l’innovation, le « nouveau » étant, par nature, ce qui
ment des sciences et de leurs applications pratiques, «FKDSSH¢ODSU«YLVLRQ¢ODSODQLȴFDWLRQ7RXWHIRLVODSDUW
ainsi que sur les principes qui doivent régir le compor- GXȴQDQFHPHQWVXUSURMHWGHODUHFKHUFKHQȇDFHVV«
WHPHQWGHVSHUVRQQHOVGX&156HWOHIRQFWLRQQHPHQW d’augmenter au cours des dernières années. Cette évo-
des laboratoires. Ce comité, dont les avis sont publics et OXWLRQVRXOªYHXQHTXHVWLRQFDSLWDOHɋOHVFKHUFKHXUV
qui tire sa force des seuls arguments qu’il expose, est sont-ils toujours libres de choisir leurs sujets d’étude, de
purement consultatif. Il ne prend pas de décisions exé- défricher des pistes inédites, d’aller au bout de leurs
FXWRLUHVQȇDUELWUHSDVOHVFRQWURYHUVHVVFLHQWLȴTXHVQH idées quitte à ne rien trouver ou trouver autre chose…,
s’érige pas en tribunal pour les cas particuliers qui ou sont-ils exagérément tenus de répondre aux de-
SHXYHQWOXL¬WUHVRXPLVȐ/H&RPHWVSDUDLOOHXUVHVW PDQGHVIRUPXO«HVSDUOHVSRXYRLUVHQSODFHɋ"6HSHQFKHU
LQG«SHQGDQWɋLOSHXWVȇDXWRVDLVLUGHWRXWVXMHWGRQWLO sur l’autonomie à donner aux acteurs de la recherche
souhaite étudier les implications éthiques. amène également à questionner la légitimité de travaux
potentiellement néfastes pour l’humanité, comme la
&RPPHQWOXWWHUFRQWUHOHVLQFRQGXLWHV géo-ingénierie qui se propose de manipuler le climat.
VFLHQWLȴTXHVɋ" Autrement dit, certaines recherches sont-elles trop dan-
-**ɋ/H&RPHWVVȇHVWWRXMRXUVEHDXFRXSȂHWWUªVHɝ
 JHUHXVHVSRXU¬WUHSRXUVXLYLHVɋ"(QȴQODVFLHQFHSDUWL
FDFHPHQWȂVRXFL«GHVTXHVWLRQVGȇLQW«JULW«VFLHQWLȴTXH FLSDWLYHHWOHVG«EDWVFLWR\HQVVXUODVWUDW«JLHVFLHQWLȴTXH
Au cours de la précédente mandature, il a notamment sont utiles et nécessaires dans une démocratie. Mais la
contribué à l’élaboration de la Charte nationale de démarche « bottom-up2 » ne risque-t-elle pas d’entraver
1. Professeur d’informatique à l’université Pierre-et-Marie-Curie et membre senior de l’Institut universitaire de France. 2. 8QHG«PDUFKHmbERWWRPXSb}
mbGHEDVHQKDXWb} RXDVFHQGDQWHFRQVLVWH¢SDUWLUGHODEDVHSXLV¢IDLUHUHPRQWHUOHVGRQQ«HVYHUVOȇRUJDQLVDWLRQFHQWUDOH

CNRS LE JOURNAL
58
LES IDÉES

kΖ.21Ζ0$*(60$67(5)Ζ/(
la liberté des chercheurs et de provoquer l’abandon de la circulation rapide et ouverte des données dans ces
recherches incompréhensibles au grand public et pour- domaines. En revanche, les informations relatives à la
WDQWSURPHWWHXVHVɋ"ΖOIDXWHQG«EDWWUH santé, comme en produisent beaucoup les sciences
médicales et parfois les sciences humaines, sont sen-
$XWUHVXMHW«SLQHX[ɋODVLWXDWLRQGHVFKHUFKHXUV VLEOHVSDUFHTXHVXVFHSWLEOHVGȇDERXWLU¢OȇLGHQWLȴFDWLRQ
TXLWUDYDLOOHQWGDQVGHVSD\VHQJXHUUHHWRX de personnes. C’est pourquoi il importe de dresser une
EDIRXDQWOHVGURLWVKXPDLQVȐ W\SRORJLHGHVGL΍«UHQWHVFDW«JRULHVGHGRQQ«HVGHUH
-**ɋIl est évidemment impossible à ces personnels FKHUFKHDȴQGȇHQSU«FLVHUOHVWDWXWHWGHJDUDQWLUXQ
d’ignorer la tragédie humaine qui frappe le pays où ils partage raisonné, équitable, de ces contenus.
VRQWHQSRVWH/DWHQVLRQ«WKLTXHGDQVFHFDVHVWWUªV
IRUWH4XHOOHHVWODERQQHDWWLWXGH¢DGRSWHUɋ"/HVFKHU (QI«YULHUOH3DUOHPHQWHXURS«HQDGHPDQG«¢OD
cheurs doivent-ils rester sur place, au risque de paraître &RPPLVVLRQHXURS«HQQHGHG«ȴQLUGHVQRUPHV
cautionner un régime autoritaire qui emprisonne ses MXULGLTXHVHW«WKLTXHVDSSOLFDEOHVDX[URERWV/HV
SURSUHVFKHUFKHXUVRXOHVREOLJH¢VȇH[LOHUɋ")DXWLODX GURQHVOHVURERWVLQGXVWULHOVOHVURERWVP«GLFDX[HW
contraire, qu’ils interrompent leur mission, sachant que DXWUHVYRLWXUHVVDQVFKDX΍HXUDSSHO«V¢UHPSODFHU
OHVDUFK«RORJXHVHXURS«HQVHQYR\«VHQ6\ULHRXHQΖUDN GHSOXVHQSOXVOHVKXPDLQVGDQVFHUWDLQHVW¤FKHV
par exemple, font un travail remarquable pour essayer GRLYHQWLOVGHYHQLUGHVVXMHWVGHGURLWɋ"
de prévenir, de limiter et de réparer les dégâts causés au -**ɋPour régler les problèmes de responsabilité civile
SDWULPRLQHFXOWXUHOGHODU«JLRQɋ"1RXVQȇDYRQVSDVOD ou pénale posés par les robots en cas d’accident ou de
réponse à ces questions. Elles retiennent toute l’atten- dysfonctionnement, les eurodéputés


WLRQGX&RPHWVPDLVLOQHQRXVDSSDUWLHQWSDVGHG«ȴQLU suggèrent d’imposer aux détenteurs
ODSROLWLTXHVFLHQWLȴTXHGX&156 de ces machines la souscription Certaines
d’une assurance spécifique et la
'HQRPEUHX[FKHUFKHXUVSXEOLFVVRQWIDYRUDEOHV création d’un fonds d’indemnisation recherches
DXSULQFLSHGȇRXYHUWXUHGHVGRQQ«HVDXQRP GHVYLFWLPHV6XUWRXW¢SOXVORQJ
GȇXQLG«DOGHSDUWDJHHWGȇ«FKDQJHHQWUHSDLUV terme, la résolution adoptée par le sont-elles trop
4XȇHQSHQVH]YRXVɋ" Parlement européen propose de
-**ɋ/HSDUWDJHGHVGRQQ«HVVFLHQWLȴTXHVU«SRQG faire des « robots autonomes les dangereuses pour
au besoin d’échanger le plus rapidement possible des plus sophistiqués » des personnes
résultats et de favoriser ainsi de nouvelles découvertes.
/DSOXSDUWGHVJUDQGVRUJDQLVPHVGHUHFKHUFKHGRQWOH
&156RQWVLJQ«OD'«FODUDWLRQGH%HUOLQGHVXUOH
libre accès à la connaissance, dans toutes les sciences.
électroniques « avec des droits et
des obligations ». Est-il opportun de
conférer une personnalité juridique
être poursuivies ?
DX[URERWVɋ"&HODGHPDQGH¢¬WUHGLVFXW«WRXWFRPPH

Cela dit, cette mise en commun généralisée des connais- OȇLG«HGȇXQLPS¶WVXUOHWUDYDLOGHVURERWVSRXUȴQDQFHU
VDQFHVSHXWDYRLUGHVH΍HWVG«O«WªUHV7RXWG«SHQGHQ ODSURWHFWLRQVRFLDOHGHVWUDYDLOOHXUV/H&RPHWVDGXSDLQ
réalité, des disciplines. Certaines matières ne sont pas sur la planche… II
au cœur d’enjeux industriels et/ou commerciaux ma-
jeurs, ne génèrent pas de contenus touchant la vie privée /LUHOȇLQW«JUDOLW«GHOȇHQWUHWLHQ
ou la sécurité nationale… Il n’y a aucune raison de limiter sur KWWSFQUVLQIRFQUVIU

ÉTÉ 2017 N° 289


59
LES IDÉES

Pourquoi les humeurs


laboratoire, mais aussi in vivo chez des
k3+2726'5

jouent sur notre santé souris infectées par le virus de la grippe.


Nous avons voulu mieux comprendre
cette action de la sérotonine sur les pDC,
Jean-Philippe Herbeuval, directeur de recherche CNRS au laboratoire LCBPT 1 au niveau moléculaire. Nous avons ainsi
Nikaïa Smith, postdoctorante à l’université Paris-Descartes découvert que ce neurotransmetteur se
ȴ[DLW¢XQHSURW«LQHSU«VHQWH¢ODPHP
EUDQHGHVS'&ɋOHU«FHSWHXUGHFKLPLR
Nous savons depuis peu que les neu- Présents chez la plupart des vertébrés, kines CXCR4. Ce récepteur, exprimé par
rones ne sont pas restreints au cer- les interférons sont les véritables gar- de très nombreuses cellules du corps, est
veau, mais sont aussi présents en très diens de notre immunité. De nom- connu pour avoir diverses fonctions, no-
JUDQGQRPEUH SOXVGHbPLOOLRQV  breuses cellules infectées peuvent pro- tamment dans la migration des cellules
dans l’intestin. Or, celui-ci se trouve être duire des interférons, mais toujours en immunitaires et cancéreuses, dans la
également notre réservoir de cellules faible dose, ce qui ne permet pas d’expli- croissance des neurones, et il est aussi
immunitaires. Ces deux familles de cel- quer les quantités importantes détec- utilisé par le VIH pour infecter les cellules.
OXOHVFRPPXQLTXHQWHOOHVHQWUHHOOHVɋ" tées chez les patients infectés. Il y a Nous sommes ainsi récemment parvenus
Instinctivement, nous serions tentés de YLQJWbDQVODG«FRXYHUWHGHVFHOOXOHV à démontrer3TXHODV«URWRQLQHVHȴ[HVXU
U«SRQGUHSDUOȇDɝ
UPDWLYHȐ&DUQRXV mbSURIHVVLRQQHOOHVb}GHODSURGXFWLRQ les protéines CXCR4 présentes à la sur-
l’observons tous de manière empirique d’interférons, les cellules dendritiques face des pDC, ce qui entraîne l’arrêt de la
DXTXRWLGLHQɋQRVKXPHXUVD΍HFWHQWQRV plasmacytoïdes (pDC), allait révolution- production des interférons. Nous avons
défenses immunitaires et nous tombons ner notre compréhension de la réponse en quelque sorte découvert le bouton
plus facilement malades lors de périodes antivirale. Ces cellules pDC sont de véri- mbRQR΍b}GHODSURGXFWLRQGȇLQWHUI«URQVɋ
de stress intense. Des découvertes ré- tables sentinelles, patrouillant dans le le récepteur CXCR4.
FHQWHVVRQWYHQXHVFRQȴUPHUFHOLHQ«WURLW corps à la recherche de pathogènes à Cette découverte ouvre d’impor-
entre système nerveux et système immu- éliminer. Lorsqu’elles en détectent un, WDQWHVSHUVSHFWLYHVWK«UDSHXWLTXHV(Q
nitaire. Mais pour bien comprendre ce qui elles le détruisent et produisent de ciblant CXCR4, nous pourrions réduire la
se joue ici, penchons-nous d’abord sur grandes quantités d’interférons. C’est un production d’interférons dans les mala-
leur mode de communication respectif. mécanisme a priori protecteur, mais qui dies chroniques et auto-immunes, pour
Les neurones communiquent entre peut devenir destructeur lorsque l’activa- lesquelles la sécrétion constante d’inter-
eux grâce à des molécules appelées neu- tion des cellules pDC persiste dans le férons est responsable de la plupart des
rotransmetteurs, dont l’une des plus temps, notamment dans le cas des mala- symptômes chez les patients.
connues est la sérotonine. La sérotonine dies chroniques et auto-immunes. (QSURXYDQWTXHOHVQHXURWUDQVPHW
est impliquée dans la régulation de fonc- teurs sont capables de bloquer la produc-
tions telles que le cycle du sommeil, la tion de molécules antivirales, ces résul-
douleur, l’anxiété, les comportements Une fois par mois, retrouvez tats constituent une nouvelle étape dans
sur lejournal.cnrs.fr les Inédits
alimentaires et sexuels, ainsi que l’in- GX&156GHVDQDO\VHVVFLHQWLȴTXHV
la compréhension du dialogue entre sys-
ȵDPPDWLRQ(OOHHVWV«FU«W«HSDUOHVQHX originales publiées en partenariat tème nerveux et système immunitaire.
rones, mais également par les cellules du avec Libération. Cependant, de nombreuses questions
V\VWªPHLPPXQLWDLUHɋSOXVGHbGHOD UHVWHQW¢«OXFLGHUɋSRXUTXRLOHFRUSVDWLO
sérotonine n’est d’ailleurs pas produite prévu que des neurotransmetteurs
SDUOHFHUYHDXPDLVSDUȐOȇLQWHVWLQ Des perspectives thérapeutiques puissent contrôler notre immunité antivi-
De leur côté, les cellules immunitaires Or, existe-t-il un lien entre les neuro- UDOHɋ"/DV«FU«WLRQGHV«URWRQLQHHQYXH
communiquent entre elles en sécrétant transmetteurs de notre système nerveux de bloquer les pDC a-t-elle des consé-
des molécules appelées cytokines. Parmi et les interférons du système immuni- quences sur notre humeur, notre état de
ces cytokines, un sous-groupe est en WDLUHɋ"3RXUOHVDYRLUQRXV«WXGLRQVDX VWUHVVɋ" /H V\VWªPH LPPXQLWDLUH LQ
avant-garde dans la réponse contre les laboratoire LCBPT la production des in- ȵXHQFHWLOQRWUH«WDWSV\FKLTXHHQIDLVDQW
LQIHFWLRQVɋOHVLQWHUI«URQV&HVRQWGHV terférons par les cellules pDC. Plus parti- V«FU«WHUGHVQHXURWUDQVPHWWHXUVɋ"7RXWHV
protéines antivirales découvertes il y a culièrement, nous nous sommes intéres- ces questions constitueront un enjeu
plus de soixante ans. Ces agents extrê- V«V¢OȇH΍HWGHVQHXURWUDQVPHWWHXUVORUV majeur de recherche du XXIe siècle. II
mement puissants sont capables, de la réponse antivirale. Nous avons ainsi
lorsqu’ils sont produits en réponse à une découvert que la sérotonine2 est un puis-
infection virale ou bactérienne, d’induire sant inhibiteur de la production d’inter- Lire l’intégralité du billet
OȇDFWLYDWLRQ GH SOXV GH b JªQHVɋ férons par les pDC humaines cultivées en sur lejournal.cnrs.fr

1./DERUDWRLUHGHFKLPLHHWELRFKLPLHSKDUPDFRORJLTXHVHWWR[LFRORJLTXHV &1568QLY3DULV'HVFDUWHV «TXLSHmɋ&KLPLHHWELRORJLH


PRG«OLVDWLRQHWLPPXQRORJLHSRXUODWK«UDSLHɋ}2. C’est également le cas de l’histamine, un neurotransmetteur impliqué dans les allergies.
3. Cette étude, parue dans Nature CommunicationsHQI«YULHUbD«W«ȴQDQF«HSDUOȇ$156OH6LGDFWLRQHWOD)RQGDWLRQ3DULV'HVFDUWHV

CNRS LE JOURNAL
60
LES IDÉES

À lire

SOCIOLOGIE COMMUNICATION
&HWRXYUDJHFROOHFWLISURSRVHXQH Et si le désamour de l’Europe était avant
immersion inédite dans l’univers tout un problème de communication ?
du patronat français à travers La nouvelle livraison de la revue Hermès
bUHWUDQVFULSWLRQVGȇHQWUHWLHQV nous invite à explorer cette thèse, entre
avec des dirigeants de tous diagnostic et solutions, grâce aux
horizons, du bâtiment au contributions d’une quarantaine de
FRPPHUFH7«PRLJQDJHDSUªV VFLHQWLȴTXHV3RXUHX[SOXVLHXUVW\SHV
W«PRLJQDJHGXGLULJHDQWGH73(¢ GȇmbLQFRPPXQLFDWLRQVb}Ȃmb¢OȇLQW«ULHXU
celui d’un groupe industriel, se GHOȇ(XURSHGHVɋHQWUH2XHVWHW(VW
dessine le portrait nuancé, loin MATIÈRE DYHFODID©DGHVXGGHOD0«GLWHUUDQ«H
GHVVW«U«RW\SHVGȇXQHFDW«JRULH Les matériaux et à l’intérieur même des États membres
VRFLDOHȴQDOHPHQWDVVH]PDO composés de RXELHQDYHFOHXUYRLVLQDJHLPP«GLDWb}bȂ
FRQQXHmb&HTXLGLVWLQJXHOHV petits grains, tel le sable, « constituent se conjuguent pour faire obstacle au
patrons les uns des autres est avec l’eau la plus abondante espèce projet européen, mbODSOXVJUDQGHXWRSLH
DXVVLVLJQLȴFDWLITXHFHTXLOHV PDW«ULHOOHSU«VHQWHVXU7HUUH}, politique, économique, culturelle de
GLVWLQJXHGHVDXWUHVb}, concluent expliquent les auteurs dans leur OȇKLVWRLUHGXPRQGHb}selon les mots
les auteurs de cette enquête DYDQWSURSRV0DOJU«VRQRPQLSU«VHQFH de Dominique Wolton, directeur de la
GHQVHPDLVSDVVLRQQDQWH la forme granulaire a longtemps été SXEOLFDWLRQ
Patrons en France,0LFKHO2΍HUO« GLU  Q«JOLJ«HDXSURȴWGHVmbIRUPHV Les incommunications européennes, Joanna
La Découverte, Hors collection sciences FDQRQLTXHVb} de la matière (gaz, solide, Nowicki, Luciana Radut-Gaghi et Gilles Rouet
humaines, (coord.) Hermès n° 77, CNRS Éditions, mai 2017,
OLTXLGH &KRVHU«YROXHGHSXLVXQH
mai 2017, 312 p., 25 €
vingtaine d’années puisque les
664 p., 25 €
recherches se multiplient pour mettre
au jour ou exploiter les étonnantes
SURSUL«W«VGHFHVPDW«ULDX[HQJUDLQV
Écrit par trois pointures du domaine,
FHWRXYUDJHFRQVWLWXHXQHV\QWKªVH
intéressante sur ce sujet émergent,
dont les applications s’étendent de
la médecine à l’agronomie en passant
SDUOHVPDW«ULDX[GHFRQVWUXFWLRQ
Matière en grains, Étienne Guyon, Jean-Yves
Delenne, Farhang Radjai, Odile Jacob sciences,
bSDYULOȜ

SOCIOLOGIE POLITIQUE
‚SDUWLUGXPLOLHXGHVDQQ«HVOD)UDQFHPHWHQSODFH
XQHmbSROLWLTXHU«VROXHb}FRQWUHOHVVHFWHV2EMHWGȇXQHUHODWLYH
XQDQLPLW«GDQVQRVIURQWLªUHVFHOOHFLUHVWHXQHH[FHSWLRQ
PHYSIQUE internationale et va même susciter la controverse à l’étranger,
Dix ans après la disparition de provoquant parfois des tensions diplomatiques, notamment avec
3LHUUH*LOOHVGH*HQQHVWURLV OHV‹WDWV8QLV&RPPHQWH[SOLTXHUFHWWHVLQJXODULW«IUDQ©DLVHɋ"
SK\VLFLHQVWHQWHQWGHmbIDLUHUHYLYUH /DWUDGLWLRQOD±TXHGXSD\VDVRXYHQW«W«DYDQF«HPDLVOȇDXWHXU
le goût du partage, l’énergie et SURSRVHLFLXQHDXWUHDQDO\VHbVLODU«DFWLRQGHOȇ‹WDWHVWDXVVLIRUWH
OȇLQODVVDEOHFXULRVLW«b} de ce c’est que ces groupes remettent en cause mbGHVQRUPHVTXLRQW
VFLHQWLȴTXHGHJ«QLHHQQRXV de longue date, reçu la caution des pouvoirs
présentant une sélection de ses SXEOLFVb}, que ce soit dans le domaine médical,
WH[WHVbOH©RQVDX&ROOªJHGH)UDQFH GHOȇ«GXFDWLRQRXHQFRUHGHOȇDOLPHQWDWLRQ
entretiens avec des journalistes, L’enquête, menée entre 2007 et 2012, se
OHWWUHV¢VHVFRQIUªUHVVFLHQWLȴTXHVWHOOHFHOOHDXVVLFRXUWH QRXUULWGHbHQWUHWLHQVHWGȇXQWUDYDLOGH
TXHIDVFLQDQWHDGUHVV«H¢<YHV&RSSHQVDXVXMHWGHV terrain dans des associations antisectes,
ELIDFHVSU«KLVWRULTXHV(QWUHVFLHQFHVHWWUDMHFWRLUH mais aussi auprès d’une association qui, basée
personnelle, entre dessins et textes inédits du prix Nobel à Bruxelles, s’oppose à la politique française
FHOLYUHSHUPHWGHFRPSUHQGUH¢TXHOSRLQW3LHUUH DXQRPGHODG«IHQVHGHVOLEHUW«VUHOLJLHXVHV
*LOOHVGH*HQQHVmDXWDQWTXHSK\VLFLHQDSX¬WUHSHQVHXU Raison d’État. Histoire de la lutte contre les sectes en
GHODSK\VLTXH} France, Étienne Ollion, Éditions La Découverte, juin 2017,
L’extraordinaire Pierre-Gilles de Gennes, prix Nobel de physique, 272 p., 19 €
textes choisis et présentés par Françoise Brochard-Wyart, David Quéré
et Madeleine Veyssié, Odile Jacob sciences, mai 2017, 224 p., 23,90 €

ÉTÉ 2017 N° 289


61
LES IDÉES

À lire

NATURE PEUPLES RELIGION


Quelles Ce ne sont pas forcément les peuples Ignorée par la science politique il y a
expériences les plus adaptés à l’environnement encore cinquante ans, la religion redevient
avons-nous qui tiennent le plus longtemps, ni les un sujet d’étude à part entière. La
aujourd’hui de la sociétés les plus puissantes qui résurgence du religieux un peu partout
nature ? Et VȇLPSRVHQWDXȴQDO/ȇKLVWRLUHGX GDQVOHPRQGHGHSXLVOHVDQQ«HVbHW
comment ces peuple iakoute, de Sibérie occidentale SOXVVS«FLȴTXHPHQWVDSROLWLVDWLRQRQW
expériences – ou – l’une des régions les plus hostiles de conduit à une refondation de la
OHXUDEVHQFHɋȂ la planète –, en est une bonne SURSRVLWLRQVFLHQWLȴTXHɋFRQWUDLUHPHQW¢
LQȵXHQFHQWHOOHV LOOXVWUDWLRQɋLODU«VLVW«¢ODUXGHVVHGX ce qu’avaient
nos manières d’agir, climat, à l’arrivée du puissant voisin énoncé Durkheim
de penser, de russe, à la mondialisation et aux ou Weber, l’avancée
JRXYHUQHUɋ"/DFULVHHQYLURQQHPHQWDOH épidémies... Pour comprendre de la modernité ne
devrait nous faire réaliser les limites de pourquoi ce peuple continue de se traduit pas
certaines de nos pratiques collectives et subsister envers et contre tout, les toujours par un
nous pousser à articuler autrement nos auteurs Éric Crubézy et Dariya recul de la religion.
relations avec la nature. Dans cet ouvrage Nikolaeva mobilisent aussi bien Certains
dirigé par Cynthia Fleury et Anne-Caroline l’archéologie ou l’histoire que la VFLHQWLȴTXHV¢
Prévot, des chercheurs venus de toutes les génétique des l’instar de Peter
disciplines – des sciences politiques à la populations. Berger, n’hésitent
philosophie en passant par l’anthropologie, Vainqueurs ou d’ailleurs plus aujourd’hui à défendre l’idée
la psychologie, les neurosciences ou les vaincus ? L’énigme selon laquelle le monde serait entré dans
sciences de l’éducation –, nous invitent à de la Iakoutie,‹ULF OȇªUHGHODmbG«V«FXODULVDWLRQb}3OXVGH
inventer de nouvelles visions du monde, &UXE«]\HW'DUL\D trente spécialistes livrent ici un éclairage
relations sociales et gouvernances en vue 1LNRODHYD2GLOH instructif sur cette question majeure de
de construire un monde plus durable. -DFREPDL notre temps.
bSȜ
Le Souci de la nature. Apprendre, inventer, L’Enjeu mondial. Religion et politique, Alain
gouverner,&\QWKLD)OHXU\HW$QQH&DUROLQH3U«YRW 'LHFNKR΍HW3KLOLSSH3RUWLHU GLU /HVSUHVVHVGH
GLU &156‹GLWLRQVDYULOSȜ 6FLHQFHV3RVHSWHPEUHSȜ

COSMOS

Quand la physique Jean-Philippe Uzan, physicien théoricien


spécialiste de la théorie du big bang,

se met au vert nous entraîne dans une véritable balade


cosmique entre science et musique.
De l’Antiquité à la Renaissance,
Quel point commun y a-t-il entre l’Institut mathématiques, astronomie et musique
Gȇ«WXGHVVFLHQWLȴTXHVGH&DUJªVHHQ&RUVH n’ont formé qu’une seule discipline, et
ont été étudiées aussi bien par
et l’École de physique des Houches, dans les
Pythagore, Oresme, Kepler que par
$OSHVɋ"&HVOLHX[SLWWRUHVTXHVmbSHUGXVb}HQ
Newton. Aujourd’hui encore, on écoute
pleine nature, accueillent depuis les années
autant que l’on observe l’Univers à
GHVVDYDQWVU«SXW«VGXPRQGHHQWLHUTXL travers l’étude des pulsars, des vibrations
viennent y partager les dernières avancées des étoiles ou des ondes
VFLHQWLȴTXHVDYHFGHPXOWLSOHV«OªYHV3URSLFHV gravitationnelles… Un livre poétique et
¢ODOLEHUW«GHSHQV«H¢ODU«ȵH[LRQHWDX[ LQVWUXFWLITXLQRXVLQYLWH¢U«ȵ«FKLU
échanges, ils permettent surtout d’explorer sur le découpage
de nouvelles pistes pour la physique de disciplinaire de
demain. Ce livre agrémenté de nombreuses la connaissance
et sur son
SKRWRJUDSKLHVR΍UHDX[SURIDQHVOȇRFFDVLRQGH
enseignement.
découvrir la façon dont cette communauté
L’Harmonie secrète de
travaille, à l’écart du monde mais au plus près
l’Univers,-HDQ3KLOLSSH
de sa compréhension. 8]DQ
Lire aussi le point de vue /DYLOOHEU½OH
Les Jardins de la physique, /XF$OOHPDQGHW9LQFHQW de Bart van Tiggelen VHSWHPEUHbS
0RQFRUJ«&156‹GLWLRQVMXLOOHWSȜ sur lejournal.cnrs.fr Ȝ

CNRS LE JOURNAL
62
LES IDÉES

Quels procédés Lire l’intégralité du billet

pour l’usine de demain ?


sur lejournal.cnrs.fr
k'*283<

-DFN/HJUDQGchercheur au laboratoire Gépea SURGXLWVDOLPHQWDLUHVDGDSW«VDX[GL΍«


rentes catégories de la population.
'«VRUPDLVODSURGXFWLYLW«HWODTXD
Quel est le point commun entre la pro- procédés est de développer les aspects lité des produits ne sont plus les seules
duction de bière, d’eau potable, d’es- méthodologiques et les interfaces avec la composantes de la valeur à prendre en
sence, de pain, de shampoing et de biochimie, la chimie, la biologie, la phy- compte. Il faut par exemple évaluer en
YDFFLQɋ"/HJ«QLHGHVSURF«G«Vɋ&HWWH sique et les mathématiques appliquées continu les impacts environnementaux
science de l’ingénieur, qui étudie les pro- pour traiter les problématiques indus- du procédé et du produit.
cessus et procédés de transformation de WULHOOHV$XTXRWLGLHQOHVVFLHQWLȴTXHV La valorisation des déchets est un
la matière pour obtenir des produits en tentent de répondre à de nombreuses enjeu de l’économie circulaire qui intègre
optimisant les ressources en matières TXHVWLRQVɋFRPPHQWDYHFWHORXWHOSUR les fondements mêmes du génie des pro-
SUHPLªUHVHWHQ«QHUJLH/DG«ȴQLWLRQOD cessus, se transfèrent la matière, la cha- F«G«VɋDSSURFKHJOREDOHGXV\VWªPH
plus exhaustive a été donnée par Jacques OHXU OHV TXDQWLW«V GH PRXYHPHQWVɋ" bilan matière, bilan énergie, optimisation,
Villermaux, ancien professeur de génie Quelle est la thermodynamique des réac- JHVWLRQGHVȵX[/HG«YHORSSHPHQWGH
des procédés à Nancy, pour qui il s’agit WLRQVTXLVȇ\G«URXOHQWɋ"&RPPHQWLQWHUD cette économie doit permettre de réduire
de « l’ensemble des connaissances né- JLVVHQWOHVGL΍«UHQWVSURFHVVXVXWLOLV«V¢ le prélèvement des ressources, la produc-
cessaires pour concevoir, analyser, déve- ODIRLVGDQVOHWHPSVHWGDQVOȇHVSDFHɋ"'HV tion de déchets et la consommation
lopper, construire et faire fonctionner questions d’autant plus complexes que le Gȇ«QHUJLH'ªVODFRQFHSWLRQGȇXQSURGXLW
d’une manière optimale des procédés génie des procédés se penche sur un do- il faut considérer ces déchets comme de
dans lesquels la matière change de maine aux dimensions de plus en plus QRXYHOOHVPDWLªUHVSUHPLªUHVDȴQGHU«
forme, d’état d’agrégation ou de disper- étendues, allant des nano et micro- LQW«JUHUXQHȴOLªUHGHSURGXFWLRQ
sion, d’état physique ou de propriétés échelles aux échelles du réacteur, de Pour l’alimentation, il s’agit de satis-
physico-chimiques, de nature chimique. » l’usine et jusqu’aux écoparcs industriels. faire les besoins croissants qu’entraîne
Aujourd’hui, cette discipline doit relever 'HV«FKHOOHVGL΍«UHQWHVȐPDLVDXVVL l’augmentation de la population mon-
GHQRPEUHX[G«ȴVSRXUWHQGUHYHUVXQH GHVSK\VLTXHVGL΍«UHQWHVFDUOHJ«QLH diale en trouvant de nouvelles sources
industrie plus propre, une société zéro des procédés s’intéresse à des objets de protéines (protéines végétales, in-
déchet et une économie durable. réels, donc généralement complexes. VHFWHVPLFURDOJXHVȐ 3RXUOHVVHFWHXUV
&HODDFRQGXLW¢G«YHORSSHUGHVPRGªOHV non alimentaires de la chimie, de l’éner-
Un champ de plus en plus étendu raisonnés en fonction de l’objectif à at- gie et des matériaux, il s’agit de faire face
Le génie chimique a été intimement asso- teindre. Avec, en ligne de mire, la concep- à la raréfaction des ressources non re-
cié au développement de l’industrie pé- tion, le contrôle et l’optimisation des nouvelables et de réduire les impacts
trolière et pétrochimique après la équipements dans lesquels les matières environnementaux et l’empreinte car-
Première Guerre mondiale. Ses méthodes premières sont transformées en pro- bone en substituant biomasse et maté-
et ses concepts se sont appliqués à prati- duits, tels que des carburants automo- riaux recyclés aux matières premières
quement tous les secteurs industriels où biles ou aéronautiques, ou encore des d’origine fossile. Les chercheurs tra-
interviennent des procédés de transfor- produits laitiers. vaillent par exemple sur les procédés de
PDWLRQɋDJURDOLPHQWDLUHHQYLURQQHPHQW production de biocarburants de troi-
matériaux, métallurgie, pharmacie, tex- Vers une bioéconomie sième génération ou de biobitume réali-
WLOHWUDLWHPHQWGHVHDX[ELRUDɝ
QHULH Le génie des procédés est au cœur du sé à partir de microalgues2 .
ELRWHFKQRORJLHȐ/ȇ«ODUJLVVHPHQWGHVGR concept d’« usine du futur », qui préconise &HWWHWUDQVLWLRQYHUVXQHELR«FRQR
maines d’application a conduit, en France, des usines plus propres et plus sûres en mie aura des conséquences importantes
à substituer au vocable « génie chimique » minimisant l’utilisation des ressources sur les procédés de fabrication et l’orga-
celui de « génie des procédés », et à la (énergie, ressources fossiles et minérales). QLVDWLRQGHVȴOLªUHVLQGXVWULHOOHVGHSUR
création de la Société française de génie ΖOVȇDJLWHQH΍HWGHG«YHORSSHUGHVSURF« GXFWLRQ/DJHVWLRQGHODȴQGHYLHHWOH
des procédés en 1988, sous l’impulsion de G«VUREXVWHVȵH[LEOHVHWPRGXODEOHVTXL recyclage des produits devront être re-
Jacques Villermaux. permettent à la fois une adaptation aux SHQV«VGHPDQLªUHJOREDOHDȴQGHG«YH
L’objectif principal des recherches nouvelles matières premières et une per- lopper de nouvelles chaînes de valeur
menées dans les laboratoires de génie des sonnalisation des produits, comme des économiquement viables et durables. II

1./DERUDWRLUHGHJ«QLHGHVSURF«G«VHQYLURQQHPHQWDJURDOLPHQWDLUH &1568QLY1DQWHV2QLULVΖQVWLWXW0LQHV7«O«FRP$WODQWLTXH 2. 8QWHOELRELWXPHD«W«IDEULTX«


SDUGHVFKHUFKHXUVGHVODERUDWRLUHV&KLPLHHWLQWHUGLVFLSOLQDULW«ɋV\QWKªVHDQDO\VHPRG«OLVDWLRQ &1568QLYHUVLW«GH1DQWHV *«SHD0DW«ULDX[SRXULQIUDVWUXFWXUHV
GHWUDQVSRUWV ΖIVWWDU &RQGLWLRQVH[WU¬PHVHWPDW«ULDX[ɋKDXWHWHPS«UDWXUHHWLUUDGLDWLRQ &156 HQFROODERUDWLRQDYHFOȇHQWUHSULVH$OJR6RXUFH7HFKQRORJLHV

ÉTÉ 2017 N° 289


63
CARNET DE BORD

Joëlle Robert-Lamblin, directrice de recherche honoraire au CNRS

“Je me souviens…
PROPOS RECUEILLIS PAR LAURIANNE GEFFROY

…du séjour passé dans l’intimité de cette famille nomade sacré. Ils nous ont même dévoilé certaines de leurs
tchouktche du Grand Nord sibérien. Il y avait Gregori, cérémonies. Nous avions été « parachutés » là avec
le brigadier responsable du troupeau de rennes, sa un journaliste suisse, qui faisait la traduction du russe,
femme Dacha et leurs trois enfants Julia, Sacha et Givelik. et une femme médecin française, pour mener une
C’était en 1993. Ils n’avaient jamais vu d’étrangers car H[SHUWLVHDQWKURSRORJLTXHHWP©GLFDOHVXUOHVPLQRULW©V
leur yaranga1, qui se déplace au rythme du troupeau, isolées du Grand Nord sibérien2 &שWDLWXQHH[S©ULHQFH
se trouvait dans une région isolée de la Tchoukotka H[FHSWLRQQHOOHXQHFKDQFHXQLTXHGHSRXYRLUREVHUYHU
jusque-là interdite d’accès par les Russes. Après une de l’intérieur, la vie d’un peuple encore mal connu.”
FHUWDLQHP©ôDQFHODFRQôDQFHV×HVWLQVWDOO©HHWFHWWH
3+272ɋ)21'635Ζ9‹-2//(52%(57/$0%/Ζ1
IDPLOOHQRXVDPRQWU©DYHFôHUW©VRQPRGHG×H[LVWHQFH
1RXVDYRQVGRUPLDYHFHX[SDUWDJ©OHXUTXRWLGLHQ
découvert leurs coutumes et leur alimentation
Lire notre entretien avec Joëlle
RUJDQLV©HVDXWRXUGXUHQQHTXLHVWSRXUHX[XQDQLPDO 5REHUW/DPEOLQm/HVSHXSOHVGH
Oȇ$UFWLTXHWLHQQHQW¢OHXUK«ULWDJH}
1. Habitat nomade traditionnel. 2.([S«GLWLRQ7UDQVVLEHULQJ/RQJLQHV VXUlejournal.cnrs.fr

CNRS LE JOURNAL
64
CARNET DE BORD

‹7‹ N° 289
65
LA CHRONIQUE

de Denis Guthleben,
historien au CNRS

Jean Rouch l’Africain


Ib
l y a les centenaires à côté desquels on ne peut pas
passer, et ceux qu’il ne faut pas manquer. Depuis
WURLVbDQVQRXVFRPP«PRURQVOD*UDQGH*XHUUHVHV
WUDYDX[SXEOLFVGHVFRORQLHVHQ$IULTXHRFFLGHQWDOHb}‚
VRQDUULY«HVXUOHmFRQWLQHQWQRLU}¢1LDPH\ 1LJHU 
une nouvelle séquence de sa vie débute.
terribles batailles, ses innombrables victimes. Le
bPDLbDORUVTXHOȇR΍HQVLYHGX&KHPLQGHV'DPHV Des ponts entre les hommes
vient d’échouer sur un bilan catastrophique, un événe- 6L-HDQ5RXFKDYDLWG«M¢IDLWGHVLQFXUVLRQVGXF¶W«GHV
PHQWIDLWOHERQKHXUGȇXQIR\HUIUDQ©DLVɋODIDPLOOH5RXFK sciences humaines, la découverte de l’Afrique achève de
accueille un nouveau-né, le petit Jean. Une vie commence OHSU«FLSLWHUVXUFHWWHSHQWHȐIDWDOHɋ8Q«Y«QHPHQWVHUW
tandis que des millions d’autres s’éteignent. Une vie qui GHFDWDO\VHXUɋHQMXLOOHWSOXVLHXUVGHVHVPD
se lit comme un roman. Ou, pour mieux coller au per- nœuvres périssent foudroyés, et une cérémonie est
VRQQDJHTXLVHUHJDUGHFRPPHXQȴOPȐ organisée à Niamey, sous la conduite d’une prêtresse
GHVJ«QLHVGXȵHXYHSRXUSXULȴHUOHXUVFRUSV/ȇLQJ«QLHXU
(QIDQWGX3RXUTXRLSDVɋ" contemple un monde qu’il n’avait fait qu’entrapercevoir
/HSªUHGH-HDQ-XOHV5RXFKHVWRɝ FLHUGHPDULQHRF«D VXUOHVEDQFVGXPXV«HGHOȇ+RPPH/DUHQFRQWUHHVWVL
nographe et météorologiste. Membre de l’expédition du bouleversante qu’il ne parvient pas, tout d’abord, à la
3RXUTXRLSDVɋ", il a suivi le célèbre commandant Charcot consigner. Il faudra un nouvel événement similaire pour
à la découverte de l’Antarctique, avant la guerre. Sa l’inciter à rédiger sa première étude ethnographique.
mère, Luce, est la sœur du natura- (QFRXUDJ« SDU 0DUFHO *ULDXOH HW VD FRQVĕXU
OLVWH GH OȇH[S«GLWLRQ /RXLV *DLQ *HUPDLQH'LHWHUOHQ-HDQ5RXFKSRXUVXLWVHVWUDYDX[ΖO
Après leur retour en France, Louis Une cérémonie, SXEOLH SOXVLHXUV DUWLFOHV MXVTXȇDX[ FRPEDWV GH OD
présente Luce à Jules, et l’on imagine Libération auxquels il prend part, puis commence à bâtir,
FHTXLDUULYHɋORQJWHPSVDSUªVHQ à Niamey, comme attaché de recherche au CNRS, l’œuvre audio-
core, Jean Rouch se présentera visuelle qui lui vaudra sa renommée. Peut-être atten-
comme mbOHȴOVGX3RXUTXRLSDVɋ"b}Ȑ d’une prêtresse diez-vous de cette chronique d’en apprendre davantage
La suite semble plus convention- VXUFHWWHĕXYUHFRPSRV«HGȇDXPRLQVbȴOPVGȇAu
nelle. Jean naît alors que son père des génies Pays des mages noirs  MXVTXȇDXRêve plus fort
HVWD΍HFW«DXVHUYLFHP«W«RUROR que la mort  VDQVFRPSWHUFHX[TXLGHPHXUHQW
gique aux Armées, et, en grandis- du fleuve servit LQDFKHY«Vɋ"
sant, montre de bonnes aptitudes /DU«SRQVHHVWGDQVODTXHVWLRQɋLOQHVȇDJLVVDLWLFL
pour les sciences exactes. Elles le de catalyseur. que de lever un tout petit coin du voile sur les débuts
conduiront à décrocher un baccalau- d’une aventure qui, si vous acceptez de la vivre, vous
réat de mathématiques élémen- emmènera loin, très loin, et dont à coup sûr vous ne
taires, à exceller dans les classes préparatoires et à inté- reviendrez pas indemnes. Les événements ne manquent
JUHUHQOȇ‹FROHGHVSRQWVHWFKDXVV«HV8QHYRLH SDVFHWWHDQQ«HSRXUYRXVDFFRPSDJQHUɋU«WURVSHF
HVWWUDF«H-HDQVHUDLQJ«QLHXU6DXITXHOHMHXQHKRPPH tives, expositions, hommages se succèdent à Paris et en
bercé par les récits d’exploration, curieux de tout, ciné- régions. Et notre établissement lui-même y participe de
ma, littérature, peinture, mais aussi ethnologie – il près, grâce à plusieurs initiatives de CNRS Images, qui
s’éclipse de l’école pour aller écouter les cours de Marcel JªUHOHSDWULPRLQHDXGLRYLVXHOTXHFRQVWLWXHDXMRXUGȇKXL
© ILLUS. S. MANEL POUR CNRS LE JOURNAL

*ULDXOHDXPXV«HGHOȇ+RPPHȂHQG«YLHSHX¢SHX l’œuvre de Jean Rouch. Chemin faisant, vous constaterez


0RELOLV«HQ-HDQ5RXFKUHMRLQWXQHXQLW«GX TXHOȇLQJ«QLHXUDELHQȴQLSDUHQFRQVWUXLUHGHVSRQWV
J«QLHTXLHQPDLUH©RLWSRXUPLVVLRQGHUDOHQWLUOH HQWUHOHVKRPPHVȐII
rouleau compresseur de la Wehrmacht. Et le voilà
contraint de participer à la destruction de ponts qu’il
Découvrir le dossier multimédia
DSSUHQDLW¢FRQVWUXLUHTXHOTXHVPRLVSOXVW¶Wɋ/DG«IDLWH m-HDQ5RXFKOȇHWKQRORJXHFLQ«DVWH}VXU
et l’armistice le renvoient à ses études. En novembre https://sagascience.com/jeanrouch
VRQGLSO¶PHHQSRFKHLOGHYLHQWmbLQJ«QLHXUGHV

CNRS LE JOURNAL
66

Vous aimerez peut-être aussi