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GISÈLE HALIMI

(1927-2020)

“ Pour briser la clôture où l’enferme l’homme, la femme doit


aussi dénoncer l’image d’elle-même qu’il lui renvoie. ”
Gisèle halimi et Djamila Boupacha

Hommage à Gisèle halimi


Nadia Aït-Zaï, Avocate - Présidente de la Fondation pour l’égalité - CIDDEF 02
La parité sur le marche du travail
Marie-France Grangaud, Fondation Pour l’Égalité - CIDDEF 04
La différence des genres dans le monde du travail
Centre d’information et de Claire Abrieux 09
Documentation sur les Droits
de l’Enfant et de la Femme La participation des femmes et leur rôle dans la vie économique
Marie France GRANGAUD, Fondation Pour l’Égalité - CIDDEF 12
Revue du CIDDEF
«L’impact du COVID 19 sur les Violences Basées sur le Genre »
Numéro 43
Décembre 2020 Risques, défis et perspectives en Algérie 15
Fatma BOUFENIK, Économiste – Université Mohamed Ben Ahmed – Oran 2
La revue du CIDDEF rejoint plus
Violences et violences économiques faites aux femmes pendant la Covid-19 
de5.000 lecteurs chaque trimestre
Amel Hadjadj 18
Publié par la Fondation pour l’égalité
Contraception=Liberté sexuelle ?
Centre d’Information et de Documentation
sur les Droits de l’Enfant et de la Femme
Nadia Aït-Zaï, Avocate - Présidente de la Fondation pour l’égalité - CIDDEF 21
Association à but non lucratif
Fiche d’information - protocole de Maputo - Réduire les avortements non sécurisés 26
5, rue Ibn HAZM - Sacré cœur -Alger
Tél. / Fax : (213) 23 49 16 58 Le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux
Contact@ciddef- dz.com
ciddefenfant@yahoo.fr
droits des femmes 27
AMNESTY INTERNATIONAL
Site web : www.ciddef-dz.com Protocole a la charte africaine des droits de l’homme et des peuples, relatif aux
droits de la femme en afrique 36
Protocole de MAPUTO - UNION AFRICAINE

Incrimination des violences faites aux femmes - Ordonnance du 30 décembre 2015


portant code pénal 42
Nadia Aït-Zaï, Avocate - Présidente de la Fondation pour l’égalité - CIDDEF
Nadia Aït-Zaï
Avocate, Présidente de la Fondation pour l’égalité - ciddef

Gisèle halimi n’a pas eu une vie professionnelle linéaire sans


accrocs comme l’ont la plupart des avocats
anonymes, qui, lorsqu’ils ont fini de traiter un dossier, passent à un autre. Non, sa vie a
été remplie, mouvementée, pleins de rebondissements. Une vie riche en évènements,
en engagements, en écrits, en publications, en apparition dans les débats à la télévision
affirmant ses positions politiques de gauche particulièrement lorsqu’il s’agissait de
l’Algérie ou de la Palestine. Elle a été avocate du FLN, des militantes et militants du
FLN en l’occurrence Djamila Boupacha. Avocate des grandes causes au nom de la
justice et de la dignité lorsqu’il s’est agît de dépénaliser l’avortement, l’homosexualité.
Des positions prises sans ambiguïté, Une vie pleine d’enseignements et de messages.
Je vais insister sur les messages qu’elle nous a transmis car ils sont importants

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Revue des droits de l’enfant et de la femme
HOMMAGE À GISÈLE HALIMI

pour nous citoyennes qui sommes actives Maître ksentini rapporte les propos de
dans la société civile et qui vivons ce qu’elle
maître Hamid Kassoul sur Gisèle Halimi
a vécu dans sa jeunesse jusqu’à sa rupture « le courage fait souvent le talent d’un
avec un ordre préétabli. Elle a vécu dans unavocat et que le talent lui-même n’est
milieu culturel qui n’est pas étranger au notre
jamais autre chose que l’expression
et dans lequel nous baignons encore. d’un engagement intellectuel, sincère et
Ses parents ont mis quinze jours pour sans limites » Elle défendait un militant du
déclarer sa naissance car dans son milieu FLN à qui elle a évité la peine de mort car
à cette époque les filles n’étaient pas les le président a qui elle a fait une visite de
bienvenues. courtoisie la veille du procès lui a dit « on
Cela me rappelle une chanson de IDIR fait vite à l’audience car dans l’après-midi
quand il parle de sa sœur, de la femme j’ai un match de tennis ».
« une bombe est née dans la maison ». Une A l’audience, elle met dans l’embarras
malédiction a-t-elle dit. le président du tribunal, en lui restituant ses
C’est elle qui l’affirme, cela a dû peser sur propos, ce qui l’a troublé et ainsi elle a évité
son caractère, car à 13 ans elle fait une grève la peine de mort à son client.
de la faim pour ne plus avoir à faire le lit de son Elle était vigilante
frère. Elle se révolte déjà contre sa condition
féminine dont elle est victime au regard Vigilance disait- elle rien n’est jamais
de l’amour portée par sa mère à ses frères. acquis.
Première rupture. Ses parents cèdent, Elle était soucieuse de la relève.
Première victoire Elle a fait des ruptures, elle a dénoncé
Elle combat l’injustice et quitte la le colonialisme, l’occupation française en
Tunisie pour aller faire ses études de droit Algérie, la torture,
en France. Elle y découvre le racisme et la Elle a su faire d’un procès ordinaire un
discrimination. procès politique,
Avocate de Djamila Boupacha, elle va Elle était féministe
se mobiliser contre la torture.
Elle avait du talent, du courage, elle
Elle était féministe
était clairvoyante.
Pétrie de son expérience personnelle
C’est un exemple à suivre.
de lutte contre l’exploitation des femmes
et leur soumission, elle déclare « la femme Cet hommage qui lui est rendu
et la femme seule a la liberté de choisir de mériterait une reconnaissance de notre
procréer » Lorsqu’elle défend la jeune fille gouvernement en donnant son nom à un
de quinze ans qui a avorté. édifice, tribunal ou autre où la justice règne
Il est vrai qu’au regard de la loi la jeune comme le dit maître Ksentini pour que son
fille est condamnable car le code pénal nom et son engagement ne sombrent pas
sanctionne cet acte mais elle a su faire d’un dans l’oubli.
procès ordinaire un procès politique qui a Avant qu’elle n’entre au Panthéon si
conduit au changement de loi comme elle jamais cela se décidait comme pour les
l’a fait dans ses procès des militants du FLN grandes qui l’ont précédées, Je vais donner
en évitant la condamnation à mort à ses à notre salle de réunion au « CIDDEF,
clients. fondation pour l’égalité », le nom de Gisèle
Elle avait du talent Halimin

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Revue N°43 - Décembre 2020
MARIE FRANCE GRANGAUD,
FONDATION POUR L’ÉGALITÉ - CIDDEF

LA PARITÉ SUR LE MARCHÉ


DU TRAVAIL

L
’État œuvre à promouvoir la parité entre hommes et femmes
sur le marché de l’emploi. L’État encourage la promotion de
la femme aux responsabilités dans les institutions et adminis-
trations publiques ainsi qu’au niveau des entreprises (Constitution,
article 68).

Le texte fondamental de l’Algérie place chiffres publiés (ONS 2019), elles ne repré-
par cet article la promotion des droits éco- sentent que 20,4% du total des actifs les-
nomiques des femmes parmi les droits fon- quels englobent à la fois les personnes qui
damentaux des citoyens. Ceci constitue travaillent et celles qui cherchent un travail
une avancée importante et sa réalisation (les chômeurs); la parité voudrait qu’elles
demande un examen attentif de la situation en constituent 50%. Comme on observe
économique des femmes et des défis à re- de plus que le taux de chômage féminin
lever pour la rendre effective en termes de est plus du double de celui du chômage
parité et de promotions aux responsabilités. masculin, il en résulte que le nombre de
femmes travailleuses rapportées au nombre
Etat des lieux et interrogation total des personnes qui travaillent n’est que
Actuellement, sur l’ensemble de l’éco- de 18,3%. Cependant une étude plus fine
nomie -formelle et informelle- la proportion permet de nuancer ces données globales :
des femmes sur le marché de l’emploi est, en effet la proportion des femmes varie très
malgré une réelle progression, encore très fortement, comme on le verra, selon le sec-
éloignée de la parité : selon les derniers teur d’activité et selon la profession.

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Revue des droits de l’enfant et de la femme
LA PARITÉ SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Le marché du travail est celui où se ren-main d’œuvre est supérieure à l’offre, ce


contre l’offre et la demande d’emploi. C’est qui explique le recours à la main d’œuvre
donc en examinant ces deux volets que l’on étrangère (chinoise et subsaharienne es-
pourra dégager, dans la limite des informa- sentiellement), l’administration publique
tions disponibles, quelques pistes pour ren- hors secteur santé (16,1% des emplois),
forcer la place des femmes dans l’économie. le commerce (15,7% des emplois), la san-
té et action sociale (14,9% des emplois) et
L’emploi en Algérie se répartit dans les l’agriculture (9,6% des emplois), elle aussi
secteurs d’activité suivants : le bâtiment demandeuse de main d’œuvre étrangère de
(16,6% des emplois), où la demande de manière saisonnière.

Population occupée selon le secteur d’activité (en milliers)


  Femmes Hommes Total % Femmes
Construction 28 1862 1890 1,5%
Administration publique hors santé 287 1525 1812 15,8%
Commerce 91 1684 1775 5,1%
Santé et action sociale 931 746 1677 55,5%
Industrie manufacturière 389 908 1297 30,0%
Agriculture 77 1006 1083 7,1%
Autres services 207 658 865 23,9%
Transport et communication 39 690 729 5,3%
Industrie extractive 13 141 154 8,4%
Total 2062 9219 11281 18,3%
Source : d’après ONS Activité, emploi & chômage en mai 2019, Données statistiques n° 879

On constate que la parité femmes/hommes Les statistiques de la Fonction Publique,


est atteinte et même dépassée en faveur des qui n’englobent pas les forces armées,
femmes dans le secteur « santé et action permettent de compléter ce constat : la
sociale » où elles représentent 55,5% des parité parmi les agents de la Fonction
effectifs. Par contre dans l’administration publique est largement atteinte dans les
publique hors secteur santé, moins de secteurs de la santé et de l’éducation ; au
16% des emplois sont féminins, soit niveau de l’Intérieur et collectivités locales
moins que dans le secteur des industries par contre, la proportion de femmes n’est
manufacturières (30% des effectifs). que de 18,2%.

Effectifs par secteur d’activité de la fonction publique


Secteur d’activité Femmes Hommes Total % Femmes
Éducation nationale 354.903 283.288 638.191 55,6%
Intérieur et collectivités locales 110.582 497.070 607.652 18,2%
Santé 153.661 122.855 276.514 55,6%
Enseignement supérieur 68.998 116.033 185.031 37,3%
Finances 28.854 51.781 80.635 35,8%
Formation professionnelle 20.638 35.721 56.359 36,6%
Justice 13.930 30.449 44.379 31,4%
Autres 64.947 141.841 206.788 31,4%
Total 816.513 1.279.038 2.095.549 39,0%

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Revue N°43 - Décembre 2020
LA PARITÉ SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Les femmes sont particulièrement l’agriculture devrait nous interroger, même


mal représentées dans les secteurs de la si des études ont souligné une certaine
construction, du commerce, des transports sous-déclaration dans ce secteur de l’activi-
et de l’agriculture. Or si dans le secteur de té des femmes dans les statistiques sur l’em-
la construction cette situation est assez ré- ploi menées auprès des ménages : la par-
currente dans le monde et peut s’expliquer ticipation non rémunérée des femmes aux
en outre par le caractère encore peu mo- travaux agricoles est assimilée à du travail
derne des technologies usitées dans la plu- domestique et non à une activité d’ « aides
part de nos entreprises du secteur, il n’en familiaux ».
est pas de même pour les autres secteurs :
le commerce notamment, gros pourvoyeur Les emplois salariés viennent en tête
d’emploi, est dans d’autres pays, en parti- parmi les statuts dans la profession, et 21%
culier dans notre continent, beaucoup plus des salariés sont des femmes. Par contre
féminisé. Le transport également tend à se parmi les employeurs et indépendants qui
féminiser dans le monde à la faveur des représentent 30,8% des emplois totaux,
avancées technologiques qui le rendent on ne compte que 11,2% de femmes ; on
physiquement accessible aux deux sexes. doit se demander quels sont les facteurs qui
Enfin la faible part de l’emploi féminin dans bloquent l’entreprenariat féminin.

Structure de l’emploi selon le type d’emploi (en milliers)


Femmes Hommes Total % Femmes
Employeurs et indépendants 388 3085 3473 11,2%
Salariés permanent 1141 3313 4454 25,6%
Salariés non permanents et apprentis 480 2694 3174 15,1%
Aides familiaux 53 127 180 29,4%
Source : d’après ONS Activité, emploi & chômage en mai 2019, Données statistiques n° 879

Si on classe les emplois selon la profession ouvriers de l’assemblage (1,2% de femmes),


de la plus élevée à la plus élémentaire, on agriculteurs (6,6% de femmes), personnel
constate la présence massive de femmes de service, commerçants et vendeurs (9,5%
dans deux professions ; celle d’employé de femmes), ainsi que dans celle des cadres
administratif (56,9% de femmes) et celle de
supérieurs : directeurs et gérants (9,8% de
profession intellectuelle (54,8%). Par contre
femmes). Pour cette dernière catégorie le
la proportion de femmes est très faible d’une
part dans des professions peu qualifiées qui contraste est d’autant plus frappant que, au
constituent ensemble plus de la moitié des niveau juste inférieur, celui des professions
emplois : professions élémentaires (8,5% intellectuelles près de 55% des emplois sont
de femmes), conducteurs d’installation et féminins.

Répartition de la population occupée selon la profession (en milliers)


Profession Femmes Hommes Total %Femmes
Directeurs et gérants 36 329 364 9,8%
Professions intellectuelles 641 528 1169 54,8%
Professions intermédiaires 213 356 569 37,4%
Employés administratifs 408 308 716 57,0%

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Revue des droits de l’enfant et de la femme
PAR MARIE FRANCE GRANGAUD

Personnel de service, commerçants et vendeurs 202 1921 2123 9,5%


Agriculteurs 50 703 753 6,6%
Métiers qualifiés de l’industrie et de l’artisanat 315 1610 1925 16,3%
Conducteurs d’installation, ouvriers de
l’assemblage 11 898 909 1,2%
Professions élémentaires 181 1939 2120 8,5%
Non spécifié/ND 6 627 633 0,9%
Total 2063 9219 11281 18,3%
Source : ONS, Activité, emploi & chômage en mai 2019, Données statistiques n° 879

Comment peut-on expliquer la très L’inégal partage de l’héritage peut


faible participation des femmes dans les constituer un frein à l’accès des femmes à la
métiers qui ne requièrent pas de hautes qua- terre et au statut d’exploitant agricole
lifications est-ce au niveau de l’offre ou à
L’accès des femmes à l’emploi est fa-
celui de la demande ? et à quoi attribuer le
cilité -voire dans certains cas subordon-
gap énorme entre les taux de féminisation
né- par leur mise à disposition de certaines
des deux catégories au haut de l’échelle des
conditions : transport ; hébergement décent
professions ?
et sécurisé lors de travaux de chantier ;
Éléments de réponse garde d’enfant. Des solutions assez simples
Si l’état des lieux peut s’appuyer sur peuvent être dégagées dès lors que la vo-
des données statistiques, certes insuffi- lonté d’en trouver existe et qu’une concer-
santes mais qui permettent observations et tation se réalise autour du problème et de
questionnements, les éléments de réponse ses solutions. Des entreprises l’ont prouvé :
restent mal documentées et assez spécula- ainsi par exemple la SONELGAZ quand elle
tifs. a désiré recruter des ingénieurs de chantier
pour les travaux sur lignes leur a assuré des
En premier lieu on tentera d’identifier
conditions adéquates d’hébergement et a
les caractéristiques des organismes em-
ployeurs et des facteurs de l’offre d’emploi pu largement recruter parmi les diplômées
qui peuvent représenter des facteurs défavo- recherchées.
rables ou au contraire favorables à l’emploi La législation du travail quand elle inter-
féminin. dit aux femmes le travail de nuit, peut leur
On a pu observer que des employeurs barrer l’accès à des emplois qu’elles souhai-
opéraient de fait une discrimination au re- teraient exercer. Ces mesures, destinées au
crutement en faveur des hommes ; cette atti- départ à protéger les femmes, sont certes dé-
tude toutefois n’est pas générale et concerne fendues par celles qui ont un emploi, mais
surtout certains secteurs traditionnellement les jeunes et celles qui peinent à trouver du
masculins. travail les déplorent.
Le poids relativement restreint des in- D’autres freins à l’emploi sont à re-
dustries manufacturières (11,5% des em- chercher du côté de la demande et des
plois totaux) -et notamment textiles- dans contraintes sociales, sociétales et même
l’économie nationale constituerait un frein psychologiques qui restreignent l’accès à
à l’accès des femmes à l’emploi. l’emploi féminin.

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Revue N°43 - Décembre 2020
LA PARITÉ SUR LE MARCHÉ DU TRAVAIL

Dans la société, l’image de la femme au balance avec l’utilité de leur activité domes-
foyer reste prégnante: le premier rôle d’une tique à plein temps et au confort matériel
femme est d’être épouse et mère ; il semble et psychologique du conjoint, des enfants
acquis, et l’enquête emploi du temps le et d’éventuelles autres personnes à charge.
confirme que les travaux ménager du mé- Le désir des femmes est souvent secondaire.
nage sont pour elle ; et aussi qu’elle prenne Ses gains en termes d’autonomie et de vie
soin non seulement de ses enfants mais éga-
sociale ne sont pas considérés.
lement des personnes âgées ou malades de
leur famille. A ce sujet les enquêtes emploi L’accès aux postes supérieurs est on l’a
de l’ONS montrent que nombre de femmes vu largement bloqué pour les femmes. Ceci
–et très peu d’hommes- qui souhaiteraient est pour une part le fait des décideurs mais
travailler en sont empêchées pour des rai- les femmes elles-mêmes alors qu’elles en
sons familiales. Cette image de la femme au ont les compétences hésitent à occuper des
foyer est largement véhiculée par école, les fonctions aux exigences incompatibles avec
média, le discours religieux… leur charge domestique.
Les jeunes filles qui ne poursuivent pas
Dans ce contexte, quelles actions les
des études longues se retrouvent très peu
pouvoirs publics pourraient-ils envisager
sur le marché du travail : parmi les femmes
pour, comme la constitution les y engagent
15-24 ans 7,8% sont sur le marché du tra-
vail et 28,6% sont au foyer (le reste poursui- promouvoir la parité et la promotion des
vant des études). Ces jeunes femmes qui ne femmes aux fonctions supérieures.
travaillent pas et ne cherchent pas de travail Combattre les stéréotypes dans les ma-
se marieront jeunes et resteront femme au nuels scolaires, les médias ; inculquer dès
foyer. la petite enfance aux fillettes qu’elles sont
Dans l’esprit de beaucoup d’hommes capables de faire n’importe quel métier ;
et de femmes, Il existe des secteurs d’acti- ne pas discriminer entre filles et garçons
vité réservés aux hommes ou au contraire dans les choix de jeux, d’activités; valoriser
bons pour les femmes. Ce qui est intéressant les femmes qui travaillent et celles qui oc-
c’est que selon les pays les métiers « mas- cupent des postes de responsabilité.
culin » ne sont pas toujours les mêmes ; si
chez nous le métier de commerçant est plu- Multiplier des structures d’accueil de la
tôt masculin, en Egypte c’est le métier de petite enfance (crèches et jardins d’enfants)
coiffeur, y compris de coiffeur pour femmes, à des coûts accessibles, généraliser les can-
qui est réservé aux hommes. tines scolaires
Les femmes qui cherchent activement Introduire dans le bilan des entreprises
un travail le recherchent à proximité de leur une évaluation des emplois féminins.
domicile, même quand elles sont céliba-
taires ; le problème du logement et la diffi- Donner des incitations aux entreprises
culté à envisager de vivre seule demeure un pour qu’elles facilitent l’accès des femmes
frein important au travail des femmes. aux emplois.

Concernant le travail des femmes dans Dans la fonction publique fixer des
des professions peu qualifiées, les gains fi- normes permettant dans un délai précis d’ar-
nanciers attendus sont constamment mis en river à la parité dans les postes supérieursn

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Revue des droits de l’enfant et de la femme
LA DIFFÉRENCE DES GENRES DANS
LE MONDE DU TRAVAIL
Par Claire Abrieux

S
i l’on souhaite réellement mettre un
terme aux inégalités de fait, il est
essentiel de comprendre en quoi la
différence des genres est à l’œuvre dans
le monde professionnel. Quelles sont
les caractéristiques généralement attri-
buées aux femmes ? Nous nous trouvons
ici dans un système identitaire à double
versant dont chacun est opposé : si dans
les discours [1] les deux groupes se défi-
nissent comme égaux, d’un point de vue
pratique il y a une nette infériorité du
groupe féminin.

Les femmes peuvent être identifiées no- La discussion de cette caractérisation


tamment par les traits suivants : « bavardage, génère, dont nous soulignons par ailleurs
gentillesse, sensibilité envers autrui, discré- la réalité effective, peut être faite selon l’ar-
tion, stabilité, effacement, tendresse, capa- gument que l’on trouve notamment chez
cité à exprimer leurs émotions »; alors que J. Butler [4] et qui consiste à souligner les
les hommes seront identifiés comme suit : disparités à l’intérieur même du genre. Par
« conduites agressives, logiques, directs, exemple, certains hommes seront incon-
testablement plus tendres que certaines
aventureux , leaders, assurance, ambition
femmes, donc l’attribution généralisée
»[2]. La possibilité d’attribuer clairement
d’une caractéristique selon le sexe est hau-
des caractéristiques selon le genre ne laisse tement discutable. L’entreprise de réduction
aucun doute sur l’existence de différences des inégalités dans les faits et dans les com-
dans les faits, dans les comportements. On portements commence par une modifica-
notera surtout que les traits de comporte- tion profonde des représentations.
ment et les prestations dites masculines Mais les exemples de différences sur le
font généralement l’objet d’une meilleure marché du travail nous renseignent sur la
appréciation sociale que ceux reconnus pertinence de la lecture des discriminations
aux femmes. Ce qui ressort de ce fait est la selon le genre. Il est essentiel de comprendre
coexistence d’un système libéral de valeurs à quel point le statut des femmes diffère
et d’un système de représentations que l’on surtout en terme d’égalité des chances. Par-
peut qualifier de patriarcal [3]. tons de l’origine de la vie professionnelle :

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Revue N°43 - Décembre 2020
LA DIFFÉRENCE DES GENRES DANS LE MONDE DU TRAVAIL

la formation scolaire. Bien que l’on constate femmes d’être ouvrières dans les mines ou
un meilleur succès scolaire des filles, elles dans les champs. Et que dire des métiers dits
restent pourtant absentes des formations les intellectuels ? L’accès à ces professions étant
plus prestigieuses (filières scientifiques). Les uniquement -en tout cas dans un système
fillettes sont moins encadrées dans leur tra- Libéral- déterminé par le niveau de forma-
vail personnel [5]. tion, on peine à comprendre en quoi une
Prenons des données encore plus mar- embauche selon le sexe serait pertinente, et
quantes : le chômage pour les femmes est a fortiori une différenciation des qualifica-
prégnant. En effet, la précarité de l’emploi tions selon ce même critère.
est très marquée : les mi- temps sont occu- Le genre ne peut être une source de
pés à 85% par des femmes. Il s’agit de voir détermination de la qualification à moins
ici que l’organisation et la gestion du temps de tomber dans les déboires d’une société
de travail est central. Lorsque le temps partiel composée d’individus dotés de traits de ca-
est choisi, c’est qu’il correspond à une obli- ractères innées et surtout déterminants dans
gation d’organisation pour les femmes. On la vie professionnelle. Un ou une animatrice
pourrait penser à mettre en place d’autres B.A.F.A n’est pas recrutée pour sa tendresse
mode d’organisation du temps de travail (une envers les enfants mais plutôt pour son sens
partie du travail effectuée à la maison) ou de la responsabilité, pour son projet d’acti-
une autre gestion des ressources humaines vités ou encore pour sa connaissance des
par une politique de l’égalité professionnelle procédures de limitation des risques phy-
effective (sanction en cas de disparité de sa- siques et psychologiques pour les enfants.
laires à poste et qualifications égaux). On Voilà pourquoi il semble essentiel de pro-
retrouve la polarisation des représentations mouvoir la qualification des femmes en tant
dans celle des filières : les professions dites qu’égale à celle des hommes et uniquement
de « soins aux personnes » sont essentielle- dépendante de leur formation.
ment féminines comme les soins paramé- Cependant il existe un autre fait cen-
dicaux (infirmière, assistantes maternelles). tral dans les inégalités qui nous occupent
On note au passage que cette polarisation et qui est bien plus essentiel parce que trop
dessert les professions qu’elles soient fémi- souvent négligé et surtout catalyseur des
nisées ou masculinisées pour le fait suivant : différences. Ce fait relève de la perception
les groupes de travail hétérogènes sont sociale du groupe féminin. Une lecture des
plus productifs que ceux homogènes [6]. relations entre individus nous semble par-
L’inégalité avec laquelle nous avons ticulièrement intéressante sur cette ques-
commencé, en tant qu’originelle, doit ar- tion : dans la Théorie des sentiments Mo-
rêter notre attention. Une des causes cen- raux Adam Smith [8] expose le jeu des
trales de la discrimination des femmes sur relations entre individus selon la modalité
le marché de travail tient au manque de du miroir. L’individu est incapable de res-
reconnaissance de la qualification de cette sentir les sentiments que l’autre ressent (du
partie de la population active. À qualifica- fait de leur irréductibilité) mais cet autre est
tion égale, il existe des inégalités criantes essentiel dans la construction de l’identité
[7]. L’ensemble des professions est désor- individuelle car il sert de point de repère :
mais ouvert à la candidature des femmes. l’individu agit en fonction de l’image que
La qualification différenciée selon le genre ses actes vont produire de lui auprès des
repose uniquement sur des reliquats de autres. L’intérêt pour notre propos est que
pensée patriarcale : le fait que les femmes cette impossibilité à ressentir les sentiments
soient soi-disant plus faibles physiquement de l’autre semble accentuée dans le cas où
n’a pas empêché des générations entières de l’autre est celui de l’autre genre.

12
Revue des droits de l’enfant et de la femme
PAR CLAIRE ABRIEUX

L’assignation de caractéristiques cadu- [3] Ou de machiste.


ques au groupe féminin pousse ce groupe [4] Judith Butler, Trouble dans le genre.
à agir en fonction de ces représentations er- Pour un féminisme de la subversion (Gen-
ronées et installe ainsi ce groupe dans un
der Trouble), trad. C. Krauss, Paris, La Dé-
cercle vicieux. A cause du manque d’in-
couverte, 2005
vestissement professionnel supposé par les
employeurs, les femmes ne se voient pas [5] On notera au passage que les femmes
attribuer davantage de responsabilité et sont consacrent 6 heures à l’aide aux devoirs
vouées à se tourner vers la sphère privée, (contre 3 par mois pour les hommes). Ce qui
domaine de réelle reconnaissance pour nous permet d’ores et déjà de souligner la
elles [9]. On peut identifier ce processus à différence d’investissement dans le ménage.
celui des anticipations rationnelles : l’agent Source Femmes, Hommes : différences iné-
adapte son comportement de demain en galités, INSEE.
fonction de données d’aujourd’hui, si ces
[6] Geneviève Vinsonneau, Op. Cit.
données sont correctes l’anticipation sera
parfaite et donc auto-réalisatrice : « en agis- [7] L’écart à poste et qualification égale
sant sur la base de leur croyance, les indi- est en moyenne de 7%. Source : Femmes,
vidus engendrent ce à quoi ils s’attendaient Hommes  : différences inégalités, INSEE,
au moment de prendre leur décision » [10]. Économie et Statistiques n°398-399, 2006
Le cercle vicieux est donc quelque part ins- [8] Adam Smith, Théorie des Senti-
tauré par les femmes elles-mêmes dans leur ments Moraux, Oxford, 1759, Édition
façon de prendre des décisionsn révisée par M. Biziou, trad Gautier Pra-
[1] Geneviève Vinsonneau, L’identité deau, Paris, PUF, 2003. [9] Femmes,
des Françaises face au sexe masculin : pers- Hommes: différences inégalités, INSEE,
pectives cognitives et expérimentales, Paris, Économie et Statistiques n°398-399, 2006
Montréal, l’Harmattan, 1997. [10] Dictionnaire des Sciences humaines,
[2] Ibid., p 40 sqq. dir S. Mesure, P. Savidan, Paris, 2006n

« Cet ouvrage se propose de juxtaposer


deux expériences de vie, à la fois person-
nelles et professionnelles : celle de Faïka
Medjahed en tant que psychanalyste et celle
de Christiane Chaulet Achour en tant que
critique littéraire. L’objectif n’a jamais été
d’articuler deux disciplines imposantes, la
psychanalyse et la littérature car beaucoup
a été écrit sur les convergences et les diver-
gences de ces approches de l’humaine condi-
tion. Il s’agissait, pour les deux auteures, de
mettre en parallèle des récits de vie écoutés,
transcrits et analysés d’une part et ceux lus
et analysés dans des fictions, dans la société
algérienne, autour de deux noyaux durs : le
viol et la filiation ».

13
Revue N°43 - Décembre 2020
LA PARTICIPATION DES FEMMES
ET LEUR RÔLE DANS LA VIE
ÉCONOMIQUE
Marie France GRANGAUD, Fondation Pour l’Égalité - CIDDEF

L
a pandémie du Covid-19 a considérablement impacté la vie
de tous mais des femmes plus particulièrement et après une
période où la protection sanitaire était la préoccupation cen-
trale, on commence à mesurer ses effets dévastateurs dans la vie
économique.

Dans cette présentation introductive au Les recommandations pertinentes


dialogue régional pour renforcer les droits
1. La participation des femmes algé-
des femmes sur la question de leur rôle dans
la vie économique dans le contexte particu-
rienne dans la vie économique
lier lié à la pandémie de Covid-19, seront 1-1 L’emploi féminin en Algérie
abordés les points suivants : Alors qu’en 1977 le nombre de femmes
La place des femmes en Algérie dans la sur le marché de l’emploi n’était que de
vie économique 159.500, soit 5,2% de l’ensemble des actifs,
il atteint 2.591.000 à fin 2019 soit 20,4% du
La Covid-19, les mesures prises par
total des actifs.
les pouvoirs publics algériens pour y faire
face et leurs effets sur les femmes à court et Évolution de la place des femmes sur
moyen terme. le marché de l’emploi
1977 1987 2001 2009 2019
Actives (en milliers) 159,5 430,3 1288 1767 2591
Actives /total actifs 5,2% 8,1% 15,0% 16,8% 20,4%
Source : d’après l’ONS (Enquêtes sur l’emploi)

Les femmes qui travaillent fin 2019 - 37% de celles qui détiennent un diplôme
sont un peu plus de 2 millions (auxquelles de la formation professionnelle sont sur le
s’ajoutent 500.000 femmes au chômage), soit marché de l’emploi
18% du total des travailleurs. Malgré la nette
- 62,2% de celles qui ont un diplôme de
progression de la participation des femmes l’enseignement supérieur travaillent ou
à la vie économique, cette dernière reste cherchent du travail.
nettement plus faible par exemple que celle 388.000 femmes, soit moins de 19% des
de nos voisins maghrébins. Elles présente femmes travailleuses ont opté pour l’entre-
de surcroit des caractéristiques singulières.prenariat, contre un tiers des hommes. Le
Les femmes qui travaillent ou qui choix des femmes va vers le salariat perma-
cherchent du travail sont surtout celles qui nent pour 55% d’entre elles.
ont poursuivi leurs études : 61,1% des femmes qui travaillent sont
- Seules 6,7 % femmes qui n’ont aucun di- dans des organismes publics, alors que c’est
plôme sont sur le marché de l’emploi ; le cas de 32,6% des hommes qui travaillent.
14
Revue des droits de l’enfant et de la femme
LA PARTICIPATION DES FEMMES ET LEUR RÔLE DANS LA VIE ÉCONOMIQUE

Elles sont particulièrement nombreuses donné que les tests de dépistage ne sont pas
dans le secteur éducatif et celui de la santé.
facilement disponibles: 49194 cas confir-
Les femmes sont nombreuses dans les més au 17/09/2020 ; avec un peu plus de
professions intellectuelles et parmi les em- malades du sexe masculin que féminin.
ployés administratifs où plus de la moitié Plus significatif, le nombre de décès liés à
des emplois sont tenus par des femmes, la pandémie s’élève à la même date à 1654
mais elles sont moins de 10% parmi les soit 4 décès pour 100.000 habitants contre
cadres supérieurs. par exemple 60 aux Etats Unis et 46 en France.
Leur taux de chômage est élevé (20,4 %), 2-2 Mesures prises par les pouvoirs pu-
plus du double de celui des hommes (9,1). blics
Les femmes sont proportionnellement Très vite, dans la deuxième quinzaine
moins nombreuses que les hommes à exer- du mois de mars, les pouvoirs publics ont
cer dans l’informel. pris des mesures de prévention et de lutte
Ces données tirées d’enquêtes par son- contre la propagation du virus (décret exé-
dage auprès des ménages intègrent le travail cutif n°20-69 et 20-70) :
informel, non déclaré ou à temps partiel.
- Fermeture des établissements scolaires
Elles ne prennent pas en considération les
et universitaires
femmes migrantes, toutes dans l’informel,
mais dont on ne connait pas le nombre. - Suppression des transports en commun
1.2 L’activité domestique aériens, routiers, ferroviaires, métro, taxi…

L’enquête « emploi du temps » a montré - Fermeture de tous les commerces de dé-


l’importance de la charge domestique sur tail -sauf alimentaires et pharmaceutiques -,
les femmes : salles de spectacles, restaurants.
Les femmes de 25 à 59 ans consacrent - Confinement total ou partiel de la po-
en moyenne près de 6 heures aux tâches pulation selon zone en fonction du risque.
domestiques, contre 40 minutes pour les - Mise en congé exceptionnel rémunéré
hommes de 50% des effectifs des institutions et ad-
Dès leur jeune âge les filles participent ministrations publiques et du secteur éco-
massivement aux tâches domestiques au nomique public et privé, à l’exception des
contraire des garçons : la moitié des filles personnels de santé, de sécurité et des per-
âgée entre 12 et 14 ans font déjà la cuisine sonnels indispensables à la continuité des
et participent aux travaux ménagers, cette services publics vitaux.
participation augmente avec l’âge aussi Sont considérés prioritaires au congé
bien auprès des 15-24 ans que les 25-59
exceptionnel les femmes enceintes et les
ans, puis régresse relativement auprès des
femmes élevant des enfants ou les personnes
femmes âgées de 60 ans et plus.
présentant des vulnérabilités sanitaires.
2. La pandémie de Covid-19 en Algérie et
NB -Les femmes du secteur de la santé
les mesures prises
étaient exclues de ces mesures de protection
2-1 Situation de la pandémie en Algérie jusqu’à ce que la mort de 3 jeunes femmes
En Algérie le premiers cas de covid-19 a médecins enceintes ne conduise à rectifier
été signalé le 25/02/2020 à Ouargla. cette situation.
Au total le nombre de contamination - Octroi de primes au personnel de san-
reste relativement faible,  pour autant qu’on té et aux personnels des services d’hygiène
puisse le connaitre avec exactitude étant requis pour travailler pendant la pandémie
15
Revue N°43 - Décembre 2020
LA PARTICIPATION DES FEMMES ET LEUR RÔLE DANS LA VIE ÉCONOMIQUE

Ces dispositions, prises dans les décrets L’État a prévu le versement de primes (de
initiaux, pour une durée de 14 jours, ont été niveau modeste) destinées à compenser le
régulièrement prorogées avec des aménage- manque à gagner de certaines entreprises.
ments successifs en fonction de la situation Recommandations
sanitaire.
- Une plus grande insertion des femmes
Une reprise graduelle de l’activité éco- à la vie économique et une meilleure prise
nomique a été autorisée sous réserve de en compte de leurs droits notamment dans
précautions sanitaires strictes à compter du cette période de pandémie passe par une
7 juin 2020 (décret exécutif n°20145). Les série de mesures que l’on peut regrouper en
crèches ont réouvert mais la date de reprise trois grandes catégories :
des cours n’a pas encore été annoncée.
- Faciliter l’insertion des femmes aux ac-
La commission de Wilaya chargée de tivités économiques :
coordonner les actions de prévention, de
- Encourager un meilleur partage des
les adapter, de les étendre en fonction des
tâches entre hommes et femmes au sein
spécificités de la wilaya et de la situation sa-
du ménage, en valorisant dans les médias,
nitaire est présidée par le Wali et composée
les manuels scolaires et à l’école l’image
des représentants des services de sécurité,
d’hommes et de garçons participant natu-
du procureur général, du président de l’As-
rellement aux tâches ménagères.
semblée Populaire de Wilaya et du président
de l’Assemblée populaire communale du - Dénoncer les stéréotypes sexistes dans
chef-lieu de Wilaya, toute personne exclusi- ce domaine.
vement ou presque de sexe masculin. - Multiplier les crèches et les services de
2-3 Effets du Covid-19 et des mesures de garde aux enfants qui soient financièrement
préventions sur la situation économique accessibles
des femmes - Faciliter l’accès des femmes aux me-
Le confinement combiné à la fermeture sures sociales ou compensatoires prévues
des établissements scolaires a considéra- par l’État
blement alourdi la charge de travail domes- - Faciliter l’accès des femmes aux com-
tique des femmes et des filles. pensations financières prévues par l’État
Les femmes doivent faire face au sein de pour cessation de leur activité
leur foyer aux manques à gagner engendrés - Faciliter l’accès à l’assurance chômage
par les mesures prises. des femmes ayant perdu leur emploi. Élargir
l’assurance chômage aux travailleuses/rs in-
Les travailleuses du secteur informel dans
dépendants.
les zones confinées n’ont perçu aucun reve-
nu. L’arrêt des transports en commun a entra- - Prévoir un soutien financier aux femmes
vé pour les femmes davantage que pour les vulnérables et à celles qui prennent en
hommes, l’accès à une activité rémunératrice. charge une personne âgée ou en situation
de handicap.
L’arrêt pendant plus de deux mois des en-
treprises privées industrielles, commerciales - Faire participer les femmes aux ins-
et artisanales a conduit à la faillite nombre tances de décision
d’entre elles et a contraint la plupart des - Assurer une participation des femmes
autres à licencier une partie de leur person- dans les instances de décision (telle par
nel lors de la reprise de l’activité. exemple la commission de wilaya)
Les revenus des salariées du secteur public - Prendre systématiquement en compte les
ont été maintenus et leur emploi préservé. impacts sur les femmes des décisions prisesn

16
Revue des droits de l’enfant et de la femme
«L’IMPACT DU COVID 19 SUR LES
VIOLENCES BASÉES SUR LE GENRE »
RISQUES, DÉFIS ET PERSPECTIVES EN ALGÉRIE
Fatma BOUFENIK
Économiste / Maîtresse de conférences – Université Mohamed Ben Ahmed – Oran 2

L
’Organisation Mondiale de la santé
(OMS) avance un pourcentage de 70%
de femmes parmi les personnes les plus
exposées et qui font face au virus dans le
secteur de la santé, des services sociaux, du
commerce, des services de nettoyage et des
services d’aides à la personne et à la famille
et avec la reprise de certains services1 publics
et à grand public comme le secteur de l’ensei-
gnement, de la formation et de l’éducation.
A cela s’ajoute le fait que les violences
familiales – exercées dans l’espace privé -
ont observé une augmentation substantielle2
dans ce contexte de crise sanitaire causée par
la pandémie COVID – 19 et caractérisée par la combinaison des effets de mesures
de confinement qui n’ont pas été dans une perspective de l’intégration de la di-
mension genre – voir dans le déni des mesures de luttes contre les violences aggra-
vées que subissent les femmes et les filles comme la fermeture de services publics3
d’urgences et de secours aux victimes de ces violences.
Analyse du contexte : de quelques aspects !
Les femmes, pour une énième fois, sont en première ligne aussi bien en matière
de combat à mener dans le contexte de cette crise sanitaire qu’en matière de rési-
lience devant les conséquences néfastes sur les femmes – elle-même, leurs enfants
et leurs familles et surtout pour les plus vulnérables d’entre – elles (seules, sans res-
sources, les migrantes, les femmes en prostitution).

1.  A noter que ceux sont également des secteurs qui ont connu et connaissent une perte de revenus et la dégradation
des conditions de travail.
2.  Ainsi 62% de femmes du Sud de la méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Palestine, Jordanie, Liban) ont
déclaré que les violences qui sont faites aux femmes et aux filles ont augmenté – Résultat d’enquête « l’expérience,
les perceptions et les connaissances des femmes sur la VAWG in https://bit.ly/2JAV5Gw
3.  Déjà insuffisants, voir inexistants comme le numéro vert accessible de tout poste ou l’hébergement d’urgences
sans ou avec enfants.

17
Revue N°43 - Décembre 2020
«L’IMPACT DU COVID 19 SUR LES VIOLENCES BASÉES SUR LE GENRE »

Les femmes sont dans les secteurs d’ac- la pandémie, elles sont citées en seconde
tivité (formel et informel) les plus impactés position et elles occupent le second rang,
par cette crise sanitaire : santé, sociale, ser- après les violences psychologiques qui ont
vices que cela soit dans le public (fonction été multipliées par cinq et avant les vio-
publique : santé, enseignement, adminis- lences physiques qui ont presque triplé. Par
tration) ou secteur privé formel ou informel ailleurs, sur l’ensemble du territoire natio-
(marchand et non marchand – domestique/ nal, par divers acteurs hors acteur –e-s tra-
ménagé). ditionnel-le –s étatiques et non étatiques se
sont trouvé –e –s à assurer des prestations
Il en découle d’une réduction ou perte
en aide alimentaire, médicale et sociale.
de revenu mais aussi une perte de droit en
D’autres acteurs, qui réservaient cette aide
matière de protection sociale4 et / ou d’ac-
à des périodes exceptionnelles comme le
cès à des services de santé et sociaux et en
panier du Ramadhan, le mouton de l’aïd
particulier de proximité.
et la rentrée scolaire, se sont remis à cette
Cette situation a montré que les revenus opération (Opérateur téléphonique comme
des femmes ne sont pas uniquement des Djezzy, actions caritatives et les services so-
revenus de substitution ou accessoire mais ciaux de la DAS, de l’ADS et des assemblées
de plus que de la survie dans beaucoup de populaires de commune, etc.
famille où cet apport n’est estimé ni écono- Les mesures de confinements ont alourdi
miquement, ni socialement à sa juste valeur les charges déjà inégalitaires dans le partage
(par les femmes elles – mêmes, par les autres du travail domestiques des femmes, pour ne
membres de la famille et aussi dans les dispo- pas dire souvent inexistantes (en plus des
sitifs de lutte contre la pauvreté et la vulnéra- charges habituelles s’ajoutent en termes de
bilité de certaines catégories de populations temps, au vu du confinement, l’éducation
(l’aide étatique pandémie – indemnisation !) des enfants, les soins de santé physique et
Un indicateur de taille vient en appui mentale de tous les membres de la famille.
de cet aspect à savoir la place de la place La conséquence directe et première une
des violences de genre par les formes de charge mentale insupportable et une re-
violences exprimées5 lors de la pandémie. crudescence de violences faites aux femmes
Alors qu’avant la pandémie les violences et aux filles tout particulièrement. Tout cela
économiques6 venaient en dernière, durant se produit, dans un contexte où certains ser-
4. Activation, renouvellement et prolongation de droit mis
vices chargés de la lutte contre les violences
à l’épreuve et y compris à rendre caduque une seule me- basées sur le genre ont vu leurs interven-
sure exceptionnelle dans ce contexte – décret présidentiel tions :
29 – 59 – JO n° 16 en date du 24 mars 2020 (CNAS / dé-
tentrice ou ayant droit carte CHIFFA droit au tiers payant Passer au ralenti au vu des protocoles
auprès de clinique privée pour accouchement). exceptionnels sanitaires (les services so-
5.  Données du centre d’accompagnement des Femmes ciaux, les services de sécurité : police et
victimes de violences – Karima Senouci – Fard – Oran - gendarmerie, services associatifs),
Algérie.
6. Les violences économiques consistent à rendre (ou à Ou carrément gelées comme la justice et
tenter de rendre) une personne dépendante financièrement les centres d’accueil et d’hébergement éta-
en l’empêchant de bénéficier ou d’accéder aux ressources
économiques comme l’accès au travail et aux outils de sur les conditions sociales, économiques, politiques, éco-
travail comme la formation, l’éducation et la culture, par logiques auxquelles elle est confrontée. Repenser les para-
l’exercice d’un contrôle totale ou partiel de façon directe digmes aura pour conséquence de revoir les concepts, les
ou indirecte (pression sous toute forme. Les violences mécanismes et les outils d’intervention à commencer par
économiques devraient nous renvoyer à revisiter les para- le concept « Activité Génératrice de Revenu(s) – AGR » en
digmes concernant l’approche de l’autonomisation écono- l’inscrivant dans un moyen d’accès réel aux libertés indivi-
miques et des femmes et de l’approche de leurs empower- duelles ou / et collectives en vue d’un changement pour et
ment / capacitation entendu comme le pouvoir nécessaire par des droits civiles et égalitaires devant la (es) vulnérabi-
à une personne - ou à un groupe d’individus - pour agir lité(s) sociale(s) et sociétale.

18
Revue des droits de l’enfant et de la femme
RISQUES, DÉFIS ET PERSPECTIVES EN ALGÉRIE

tiques en charge des VVG ou et / surcharges et de travail !!!! D’un confinement à l’expres-


transfert de travail vers d’autres secteurs (santé sion de nouveau pont de violences écono-
et secteur des OSCs notamment les associa- miques et d’atteintes à l’intégrité physique
tions sur les droits des femmes ou caritatives). et morale des femmes et des filles –par la
A titre illustratif et non exhaustif, le séquestration qui ne dirait pas son nom
centre d’accompagnement des Femmes vic- Repenser l’accès aux bénéfices des ser-
times de violences – Karima Senouci – Fard vices par la carte CHIFFA dans le cas des
– Oran – Algérie a suspendu tous ses services maladies chroniques pour les femmes ayant
en présence physique comme l’écoute face droits ou sans droits
à face ; groupe de paroles thérapeutiques, Conclusion :
art thérapie, sensibilisation par les paires,
sur site associatif, du 14 mars au 14 sep- La crise sanitaire causé par la pandémie
tembre 2020. Les services qui ont été prati- du COVID-19 a réaffirmé que :
quées, l’ont été par téléphone pour l’écoute, Les inégalités de genre sont structu-
conseil et orientation psychologique, juri- relles et multidimensionnelle avec mise en
dique et de santé. L’écoute psychologique a exergue de la défaillance institutionnelle et
explosé et a été multiplié par 5 et ayant vu de l’impératif de l’État à assurer la protec-
le pic entre mai, juin et juillet 2020 avec un tion des droits fondamentaux des personnes
relâchement à partir de la mi aout. En par- et en particulier les femmes et les filles.
tenariat avec d’autres associations d’autres Le poids des défis à relever par les
services sur les lieux de vie en vu provisoi- femmes et pour les femmes : préserver les
rement le jour (colis alimentaire, appui-mé- acquits ; inscrire la question des droits civils
dicales notamment en SSR et médicament et égalitaires, à l’ordre du jour des débats en
pour maladie chronique en pénurie sur le matière de politiques publiques, comme une
marché du médicament et avec le problème question prioritaire, dans un tel contexte, et
de l’activation de la carte CHIFFA – perte dans une perspective de genre de telle ma-
d’emploi ou problème de mobilité pour la nière à répondre aux besoins urgents et ne
mise à jour), appui aux loyers (notamment pas perdre de vue les intérêts stratégiquesn
pour les migrantes) et confection Les ap-
proches basées sur le genre pour identifier
les besoins différenciés des populations sur
les territoires et les propositions de solutions
/ actions / dispositifs / mesures face à cette
pandémie de façon aussi conjoncturelle
que structurelle (besoins urgents et intérêts
stratégiques.
La réflexion sur les solutions alterna-
tives (à distance) notamment en digitales de
manière à réduire les risques des inégalités
de genre en matière d’utilisation des TIC -
notamment le risque de remise en cause de
l’accès des femmes aux espaces publiques
(le travail, les études, les loisirs hors espaces
domestiques). Une arme à double tranchant
sous le prétexte d’être une solution à la pro-
blématique de la mobilité et du risque au-
quel sont exposées les femmes en termes de
harcèlement de rue et en milieu d’étude et

19
Revue N°43 - Décembre 2020
VIOLENCES ET VIOLENCES
ÉCONOMIQUES FAITES AUX
FEMMES PENDANT LA COVID-19 
Amel Hadjadj

L
a pandémie m’a réveillé  :
le marché du travail ne m’a
jamais reconnu, ni moi ni
beaucoup de femmes qui étaient
contraintes par leurs conditions de
travailler dans l’informel !
« J’ai perdu mon travail du jour
au lendemain, sans préavis et sans
être indemnisée, on m’a donné
pour motif la Covid-19, pourtant
mon frère travaillant dans une en-
treprise publique touchée de plein fouet par la pandémie, n’a pas
été licencié. Par ailleurs, il n’a pas été mis fin aux fonctions du fi-
nancier de l’entreprise dans laquelle je travaillais. Ce dernier m’a
expliqué que les employeurs continuent à négocier son départ, la
différence entre lui et moi, est qu’il est déclaré à la sécurité so-
ciale. Il m’a suggéré d’aller voir l’inspection de travail; une idée
que j’ai fini par abandonner. Entre payer les taxis et peut être un
avocat, rembourser mes dettes, me protéger moi et ma famille du
covid-19, ma priorité était de trouver un autre travail, surement
sur le marché informel encore une fois, vu l’offre et l’urgence de
ma demande » Témoignage de Amina B, 27ans, ex agent de saisie
dans une entreprise privée, dans la Wilaya de Constantine. Amina
n’est pas un cas isolé.

20
Revue des droits de l’enfant et de la femme
VIOLENCES ET VIOLENCES ÉCONOMIQUES FAITES AUX FEMMES PENDANT LA COVID-19

Durant cette année marquée par la crise beaucoup d’ironie Sandra termine son té-
sanitaire, beaucoup d’hommes et de femmes moignage par promettre de ne plus se taire
ont perdu leurs emplois, et ceci principa- si on lui répétait encore une fois au travail,
lement sur le marché du travail informel. ou dans les transports en commun que les
C’est une zone de non droits, où faire va- femmes ont tout pris et qu’elles sont majori-
loir ses droits fait appel à des moyens que taires sur le marché du travail. Pour elle, que
nous n’avons pas forcément quand le choix ce soit au niveau de son travail, ou dans son
du travail précaire devient paradoxalement entourage beaucoup de femmes avaient été
la seule alternative pour faire face à la pré- contraintes de travailler dans l’informel par
carité et à la dépendance économique. Un défaut, d’ailleurs, le marché du travail ne
choix fait particulièrement par beaucoup de les a jamais reconnues, donc au lieu de
jeunes femmes algériennes qui ont compris les compter, Sandra suggère de compter le
que leur émancipation doit passer par leur nombre d’abus qu’elles subissent !
indépendance financière et économique, D’ailleurs M B, 26 ans, jeune diplômée
surtout quand ces dernières se battent pour qui décide de s’installer à Alger loin des vio-
sortir des violences qu’elles subissent dans lences qu’elle subissait chez elle juste avant
l’espace privé. le début de la crise sanitaire, et aidée par ses
Sandra S, 37ans, précise dans son témoi- ami.e.s les premiers temps, a dû accepter un
gnage que la Covid-19 l’a réveillé ; elle ex- poste de travail sans déclaration à la sécu-
plique que le marché du travail ne l’a jamais rité sociale. M B, ne pouvant plus faire de-
reconnue au final, vu que toutes les mesures mi-tour se retrouve à gérer le harcèlement
officielles annoncées, au niveau national ou de son responsable hiérarchique qui profite
au sein de l’entreprise dans le cadre de la de sa situation de vulnérabilité, et qui lui re-
pandémie, semblent ne pas s’appliquer aux fait des contrats de courte durée, toujours
travailleurs et aux travailleuses sans contrat, sans déclaration à la sécurité sociale pour
pourtant nombreux et nombreuses repré- maintenir le rapport de force qui favorise
sentant une catégorie de travailleurs avérée ses abus répétitifs. Malheureusement pour
la plus vulnérable de notre système écono- M B, la Covid-19 a impacté négativement le
mique pendant le confinement leur faisant marché du travail, ce qui ne lui permet tou-
perdre leurs emplois précaires. Sandra me jours pas de trouver un autre emploi avec de
demande si l’état pouvait obliger les patrons meilleures conditions de travail : préserver
à déclarer leurs employ.é.e.s sans que ces son travail actuel devient une obligation.
dernier.e.s n’aient à les signaler de peur Quant à moi, j’ai hélas, sans moyens
d’être licencié.e.s. ; à noter que la loi oblige tout comme toutes les féministes et les
l’employeur à déclarer ses travailleurs et femmes qui luttent contre les violences
ses travailleuses. Puis, elle me raconte que faites aux femmes, cumulé les témoignages
dans la petite entreprise dans laquelle elle et les appels au secours de femmes victimes
travaille à ce jour, parmi les 15 employé.e.s de violences et à qui je ne pouvais proposer
seulement 06 sont déclaré.e.s : le patron, que les cellules d’écoute des associations
04hommes et une femme, pour le reste féministes comme le Réseau Wassila et/ou
07femmes et 02hommes, aucun contrat n’a de l’Association FARD. La précarité écono-
été établi depuis leurs recrutements qui re- mique de la quasi-totalité des victimes qui
montent à 2017 pour certaines, et que pen- m’ont contacté ou qui m’ont été orientées,
dant la Covid-19 il y a eu plusieurs mois ne permettait pas la sortie de ces violences
sans salaires, ou à salaires réduits. Ces me- aggravées pendant le confinement par la
sures n’ont pas été appliquées de la même présence sous le même toit de la victime
manière aux hommes et aux femmes. Avec avec son agresseur.

21
Revue N°43 - Décembre 2020
PAR AMEL HADJADJ

Les femmes selon les statistiques sont dû assumer plus de responsabilités lors du
minoritaires sur le marché du travail formel confinement, celles qui ont de petites en-
(17.6%), et nombreuses sur le marché in- treprises sévèrement impactées par la pan-
formel. Le constat que j’ai eu à faire durant
démie, ou celles qu’on a obligé de travail-
cette année est que nous avons été nom-
ler pendant le confinement sans la moindre
breuses à perdre nos emplois. Parmi celles
qui ont subi ou qui continuent à subir des mesure de protection.
violences physiques, sexuelles, morales... Lors de cette pandémie du covid-19 des
et de façon aggravées pendant la Covid-19,
individualités, des associations et des col-
beaucoup témoignent de la paix qu’elles
lectifs féministes ont tout fait pour rendre vi-
réussissent à acheter quand elles ont un re-
venu. Lors d’un groupe de parole en ligne, sible les violences subies par les femmes et
dédié aux femmes victimes/survivantes de le manque flagrant de moyens et de mesures
violences que j’ai modéré pour une asso- pour lutter contre ces violences, prévenir les
ciation locale de Ain-Ouessara dans la wi- féminicides et prendre en charge les survi-
laya de Djelfa, S. S., 44ans témoigne qu’à vantes.
cause du covid-19, elle n’a plus de revenu,
et donc ne possède plus les moyens néces- Une lettre ouverte avec 06 proposi-
saires pour fuir les violences de son frère. tions concrètes a été adoptée par le collectif
Avant, au pire, elle faisait des courses et s’in-FACE (Femmes Algériennes Pour Un Chan-
vitait chez la famille, mais aujourd’hui elle gement Pour l’Égalité) soutenue par 21 col-
devient la cible de son frère violent qui sait
lectifs, initiatives et associations travaillant
très bien qu’elle est devenue beaucoup plus
pour les droits des femmes. La lettre a été
vulnérable sans travail, sans salaire et sans
transport inter-wilayas vu que sa famille ma- publiée le 25 novembre (journée internatio-
ternelle habite dans une autre wilaya. nale de lutte contre les violences faites aux
Dans le même groupe de parole, pour femmes), et les actions se sont multipliées
les femmes, qu’elles soient travailleuses, en vue de la faire aboutir. En appui à la cam-
chômeuses ou n’ayant jamais travaillé ou pagne d’autres actions percutantes ont été
cherché du travail, parmi les solutions de organisées par d’autres groupes/collectifs à
lutte et de protection contre les violences l’exemple de l’initiative des comédiennes et
faites aux femmes, la nécessité d’avoir un des femmes artistes.
revenu stable et suffisant pour être auto-
nome financièrement. D’ailleurs, L N qui La pandémie du covid-19 qui est une
continue à m’appeler, me répète toujours violence en soi, n’arrive pas à son terme,
avec le même ton, la même question quand mais la mobilisation pour réduire son im-
je lui parle d’accompagnement juridique : pact négatif sur les femmes, et particuliè-
« l’essentiel Amel, m’as-tu trouvé un travail
rement les femmes victimes de violences
et un loyer pas cher ?! »
physiques, sexuelles, économiques…ne fait
Dans les secteurs qui ont fait front
que commencer, car aujourd’hui plus que
contre la Covid-19, les femmes mobilisées
n’importe quel autre moment les femmes
sont nombreuses, et certaines à qui je rends
hommage ont laissé leurs vies : femmes de brisent de plus en plus le silence et disent
ménages, infirmières, médecins… Sans ou- haut et fort : Basta aux violences faites aux
blier celles qui travaillent chez elles, qui ont femmes !

22
Revue des droits de l’enfant et de la femme
CONTRACEPTION=LIBERTÉ SEXUELLE ?
Nadia Aït-Zaï, Avocate - Présidente de la Fondation pour l’égalité - CIDDEF

C
ontrôler le corps des
femmes permet d’asseoir
un pouvoir des hommes
sur les femmes. Les mentali-
tés patriarcales ont leur part
dans ce musellement sexuel.
La contraception et la sexuali-
té posent la question du droit
des femmes de disposer de leur
corps. C’est une question qui
malgré quelques progrès n’est pas acquise du tout dans notre
pays.

Contraception Malgré cette position, certaines femmes,


avec la complicité du personnel des PMI, ont
La contraception a connu plusieurs
utilisé et continuent d’utiliser des contracep-
étapes : espacement des naissances, pro-
tifs en cachette du mari.
gramme de maîtrise de la croissance dé-
mographique, montée de la privatisation et Maîtrise de la croissance démographique
recul de l’action de l’État. C’est en février 1983 que le premier
Espacement des naissances programme de maîtrise de la croissance
démographique a été décidé. Jusque là le
On a toujours reconnu aux couples algé-
riens le droit d’avoir le nombre d’enfant dé-
siré. L’espacement des naissances introduit
dés la fin des années 60 sans ambition dé-
mographique a permis la mise en place de la
contraception dans les PMI. Dés cette époque
le haut conseil islamique a émis une fetwa
rendant licite le recours à la contraception.
Le débat sur le fait de savoir si la femme
pouvait accéder à la contraception sans l’au-
torisation de son mari a été introduit mais
officiellement cela n’a jamais été tranché
en faveur de la femme, ce que confirme la
loi de 2005: le code de la famille consacre
l’obligation aux deux époux de se concer-
ter mutuellement sur l’espacement des nais-
sances » art 36 cf.

23
Revue N°43 - Décembre 2020
CONTRACEPTION=LIBERTÉ SEXUELLE ?

politique déclarait que la meilleure pilule La situation actuelle de la contraception


était le développement. Ce programme de L’enquête MICS6 réalisée en 2019 par
limitation des naissances mis en œuvre en le Ministère de la Santé avec l’appui tech-
1989 a accompagné un désir des familles nique et financier de l’UNICEF et de l’UNF-
d’avoir moins d’enfants. Une baisse de na- PA indique que, parmi des femmes mariées
talité a été constatée dans les années 1990. de 15-49 ans, 47,4% utilisent une méthode
Le nombre de naissance a diminué. contraceptive.
Remontée récente de la fécondité Ce taux ne cesse de diminuer nettement
passant de 61,4 pour la Mics3 à 57% pour la
Au début des années 2000 le nombre
Mics4 pour atteindre 47,4% pour la Mics6 .
des naissances vivantes augmente et dé-
passe depuis 3 ans un million par an. La proportion des femmes qui utilisent
une méthode traditionnelle (allaitement
L’indice synthétique de fécondité (ou prolongé, coït interrompu, méthode Ogino)
nombre de naissance par femme) est passé a baissé de presque 2% entre les deux pé-
de 3,1 en 2015 à 2,8 en 2019. riodes (9,4% en 2013 contre 7,6% en 2019).
Cela veut-il dire que la politique des En 2019, la proportion de femmes qui
mesures contraceptives et espacements des utilisent des méthodes de contraception
naissances a échoué ou cela répond t-il à moderne est de 39,8% (47,9% en 2012-
d’autres critères ? 2013).
Méthode de contraception utilisée par les femmes mariées de 15-49 ans (MICS 6 de 2019)
Enfants Vivants Aucune Moderne Traditionnelle
0 enfant 96,2 3,2 0,6
1 enfant 55,7 37,9 6,4
2 enfants 39,9 52,0 8,1
3 enfants 35,4 52,6 12,0
4 enfants et + 35,6 53,5 10,9
Ensemble 52,6 39,8 7,6
La contraception ne commence à être utili- des trompes a diminué de 0,2% des femmes
sée par les femmes mariées qu’après la nais- entre les deux enquêtes 2012, 2019. Le
sance du premier enfant. préservatif masculin n’est utilisé que dans
Seules 3,8% des femmes mariées sans
1,84% des cas.
enfants l’utilisent.
Le taux d’utilisation d’une méthode C’est dans le sud que la contracep-
contraceptive croit fortement après la nais- tion est la moins utilisée et notamment la
sance du premier enfant pour passer de 3,8% contraception moderne (31,9% contre
à 44%, puis à 60% au deuxième enfant pour 47,9% au niveau national).
se stabilisé à 64% à partir du troisième en-
Par ailleurs l’enquête MICS6 évalue à
fant y compris pour les grandes multipares.
14,1% les besoins non satisfaits en matière
Les méthodes modernes restent essentiel-
de contraception. Ce sont les femmes les
lement la pilule, suivie de très loin par le
DIU : 86% des femmes qui ont recours à plus jeunes dont les besoins non satisfaits
une contraception moderne utilisent la pi- sont les plus fréquents (19,8% chez les 15-
lule et 2% le DIU. Le recours à la ligature 19 ans, 27,7% chez les 20-29 ans).

24
Revue des droits de l’enfant et de la femme
Nadia Aït-Zaï , A vocate - Présidente de la Fondation pour l ’ égalité - CIDDEF

Source: MICS6, 2019


Pourquoi ce recul de la contraception et cette Mais les raisons du recul de la contracep-
augmentation du nombre des naissances ? tion ne sont-ils pas aussi à rechercher dans
Les causes de cette baisse d’utilisation un retour aux valeurs traditionnelles de la
de la contraception peuvent être recher- famille portées par l’islamisation de la so-
chées dans le recul de l’activité du planning ciété qui valorise le statut de la femme mère
familial dans les PMI, les 3300 centres de et de la femme au foyer? Nous n’avons pas
protection maternelle censés s’occuper de de preuves directes ni d’étude qui confir-
la mère et de l’enfant, de la grossesse et la meraient cette intuition mais des indices de
naissance jusqu’à l’enfant d’âge de scolaire, comportement vont dans ce sens.
s’occupent essentiellement de la vaccina-
tion, le suivi des grossesses est réalisé es- Contraception des femmes non mariées
sentiellement par le secteur privé. Les résultats des enquêtes citées concer-
Par ailleurs les contraceptifs distribués nant la contraception ne portent que sur les
gratuitement sont fréquemment en rupture. femmes mariées. Aucune donnée sur l’uti-
Par contre ils peuvent être achetés en phar- lisation de la contraception par les femmes
macie sur ordonnance et sont remboursés à célibataires. Si elles avaient été introduites
100% aux assurés sociaux. Les plus pauvres
cela montrerait qu’une activité sexuelle
ne peuvent pas y accéder. C’est ainsi que les
hors mariage existe, ce qui n’est pas admis
femmes du sud et les mères de famille nom-
breuses ont vu leur taux de contraception par la religion et non reconnue par notre lé-
baisser de 2012 à 2019. gislation.
On observe également l’absence d’acti- De fait il est très difficile pour une femme
vités de sensibilisation : aucune campagne non mariée d’accéder à la contraception ;
n’est faite pour sensibiliser la population à un contrôle social sévit dans ce sens. A titre
la nécessité de la contraception et à l’intérêt anecdotique cette histoire d’une jeune fille
d’une limitation des naissances. à laquelle avait été prescrit par une sage-
Ainsi, depuis le tournant libéral opéré femme la pilule pour raison médicale; le
par l’Algérie, l’État algérien s’est désengagé préposé à la sécurité sociale a refusé la de-
de la prise en charge de certains secteurs de mande de remboursement au motif que la pi-
la santé, le terrorisme aidant, la crise finan- lule était prescrite à une femme non mariée.
cière a réduit l’activité du planning familial
dans les PMI qui ne font plus dans la sensi- La contraception n’est pas synonyme de
bilisation, le conseil, ni dans la distribution maitrise de son corps et encore moins de sa
des contraceptifs. sexualité.
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Revue N°43 - Décembre 2020
CONTRACEPTION=LIBERTÉ SEXUELLE ?

SEXUALITÉ : Une manière pour la CS de dire la loi,


Dans la société traditionnelle les filles tout en laissant une ouverture vers les usages
étaient mariées dés leur puberté ce qui ne traditionnels.
posait le problème de la sexualité que dans Malgré ce tabou, les jeunes essaient de
le cadre du mariage, ce n’est plus le cas au- contourner cet interdit qu’est l’amour phy-
jourd’hui. sique avant ou hors du cadre du mariage.
L’âge légal au mariage a évolué de 15 Faute de contraception accessible cela
ans pour la fille en 62, à 18 ans en 84 pour se traduit par des grossesses suivis par des
la fille et 21 ans pour le garçon, enfin a été avortements clandestins avec les risques
fixée en 2005 à 19 ans pour les deux. Quand énormes qu’ils comportent, des accouche-
à l’âge moyen au premier mariage, les ments sous X, entraînant l’abandon de l’en-
études démographiques montrent qu’il est fant, des infanticides…
passé de 20 ans en 1977, à 29 ans en 2008.
Ces conséquences ne pèsent que sur les
Dés lors le problème de la sexualité filles : ainsi pour une naissance hors ma-
hors mariage des jeunes gens et jeunes filles riage dont il est le géniteur le garçon n’en-
se pose. court pas de poursuite légale. Par contre si
Le code de la famille contrôle bien tous la jeune fille veut garder l’enfant, aucune re-
les aspects liés à la sexualité des femmes, cherche en paternité ne permettra d’établir
c’est d’ailleurs le nœud gordien de toute la la filiation.
construction du droit musulman : tutelle au
Une autre déviation, destinée à préser-
mariage, polygamie
ver l’hymen, est le recours à des rapports
Légalement, les relations sexuelles ne par voie annale.
sont autorisées que dans le cadre du ma-
Mais voilà que la police veille à la bonne
riage. Il n’y a pas d’âge légal reconnu pour
moralité de la communauté, de temps en
une activité sexuelle. Il est d’ailleurs interdit
temps elle opère des arrestations spectacu-
et tabou de parler ouvertement de sexualité.
laires de jeunes couples qu’elles défèrent au
Le test de virginité utilisé dans cer- tribunal.
taines régions d’Algérie montre combien le
Les gendarmes ne sont pas bien loin et
contrôle du corps des femmes est au centre
opèrent aussi à des arrestations, telles celles,
de la question de la sexualité dans notre so-
de 2 médecins et une sage-femme «pour
ciété. Bien que n’étant pas une condition de
avortement et réparation d’hymen à Alger»;
validité du mariage la cour suprême en a
le journal titre: Les aventures amoureuses
fait référence dans un de ses arrêts en 2009
de dizaines, voire des centaines de jeunes
en posant un principe » La privation de
filles innocentes qui tombent enceintes sans
l’épouse de la réparation pour divorce abu-
sif est contraire à la loi tant que le contrat le vouloir, qui n’ont d’autre solution que de
de mariage ne comporte pas la condition de recourir à l’avortement. Cet état de fait tend
virginité ». Le code de la famille permet en à encourager plus d’un médecin à s’investir
effet aux époux de stipuler dans le contrat dans cette pratique interdite.
de mariage toute clause qu’ils jugent utiles. Une activité sexuelle existe mais nous
Donc, selon la cour suprême, une clause de ne la cernons pas, elle se pratique en ca-
virginité introduite dans le contrat de ma- chette. Elle est interdite et a des consé-
riage pourrait légitimer un divorce sans ré- quences dramatiques pour la fille (perte de
paration au cas où la femme ne serait pas l’hymen, grossesse et abandon, infanticide)
vierge. alors que pour le garçon elle est toléréen
26
Revue des droits de l’enfant et de la femme
Nadia Aït-Zaï , A vocate - Présidente de la Fondation pour l ’ égalité - CIDDEF

AN NE X E Selon la même source, ce médecin aurait


effectué une cinquantaine d’opérations de ce
Les services de la gendarmerie nationale genre en l’espace de deux ans, sur de jeunes
opérant au niveau de la capitale sont parve- filles venues d’autres wilayas. Le médecin
nus à mettre la main sur un dangereux réseau en question, aux initiales « H.KH », possé-
spécialisé dans des opérations d’avortement dait une autre clinique qui l’avait destinée
illicites sur des mères célibataires, et la ré- aux accouchements, après s’être équipé du
paration de la perforation de l’hymen. Selon
matériel indispensable pour ce genre d’opé-
la source, ce réseau qui opérait au niveau
rations tenues discrètes. Les proies étaient
d’une clinique privée était constitué de deux
faciles à chasser d’autant plus qu’il s’agit
médecins et d’une sage femme. Le déman-
de jeunes filles innocentes qui s’aventurent
tèlement de ce réseau a eu lieu grâce à des
inconsciemment et le plus souvent, elles se
informations faisant état de pratiques d’avor-
tement clandestines par un médecin généra- retrouvent accidentellement en-ceintes. Et
liste disposant d’une clinique privée en plein ce n’est qu’après qu’elles prennent la mesure
centre ville de la capitale. Sur les lieux, les du degré de gravité de l’acte com-mis, alors
enquêteurs ont procédé à l’arrestation des elles décident immédiatement après de s’en
malfaiteurs. L’enquête a révélé par ailleurs, débarrasser du fœtus et éviter la grossesse à
que le réseau était chapeauté par deux mé- n’importe quel prix. Dans le même contexte,
decins et une sage femme. Les différentes il y’a lieu de signaler que ce genre de crime
investigations menées dans cette scabreuse n’est pas le premier en son genre, il s’est ré-
affaire ont permis d’identifier d’autres com- pandu ces dernières années à travers la so-
plices, il s’agit de deux autres sages femmes, ciété, à l’exemple de l’opération menée par
actuellement en fuite. Ces deux dernières fai- les services de sécurité l’année dernière qui
saient leur sale boulot uniquement de nuit au a eu pour arrestation un médecin qui affrio-
niveau de la dite clinique en échange d’un lait les jeunes mères célibataires à avorter en
salaire de 2000 DA par jour, selon les dé- échange de grosses sommes d’argent. L’indé-
clarations de la sage femme arrêtée. Celle- licat médecin accaparait ensuite les bébés
ci, a également avoué que chaque opération pour les remettre à un réseau spécialisé dans
d’avortement était payée par la cliente à rai- la vente de bébés en dehors des frontières
son de 40 mille DA, et que l’indélicat méde- nationales.
cin pro-cédait à des réparations de l’hymen
pour un montant de 30 mille à 50 mille DA. G.A., Lundi 15 Mars 2010

Code Pénal Art. 308 : L‘avortement n‘est


Protocole de Maputo : Art. 14 Alinéa 2 :
pas puni lorsqu‘il constitue une mesure indis-
pensable pour sauver la vie de la mère en dan- Le protocole de MAPUTO engage tout les
ger et qu‘il est ouvertement pratiqué par un états partis à prendre toutes les mesures ap-
médecin ou chirurgien après avis donné par propriées pour protéger les droits reproductifs
lui à l‘autorité administrative. des femmes, particulièrement en autorisant
l’avortement médicalisé, en cas d’agression
Art. 309 : Est punie d‘un emprisonnement
sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la gros-
de six (6) mois à deux (2) ans et d‘une amende
sesse met en danger la vie de la mère.
de deux cent cinquante (250) à mille (1.000)
DA la femme qui s‘est intentionnellement fait
avorter ou a tenté de le faire ou qui a consenti
à faire usage de moyens à elle indiqués ou ad-
ministrés à cet effet.

27
Revue N°43 - Décembre 2020
RAPPORT

LE PROTOCOLE À LA CHARTE AFRI-


CAINE DES DROITS DE L’HOMME ET
DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS
DES FEMMES

Un instrument essentiel pour renforcer la protection


et la promotion des droits des femmes en Afrique
RÉSUMÉ1*

L
e 11 juillet 2003, lors de son deuxième sommet ordinaire à
Maputo (Mozambique), la Conférence des chefs d’État et de
gouvernement de l’Union africaine a adopté le Protocole à la
Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux
droits des femmes (ci-après dénommé le Protocole). Selon son ar-
ticle 29, ce Protocole entrera en vigueur trente jours après le dépôt
du quinzième instrument de ratification.
En mai 2004, seules les Comores avaient ratifié le Protocole, et
28 autres pays l’avaient signé. Ces pays sont les suivants : Afrique du
Sud, Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, Côte d’Ivoire, Congo,
Djibouti, Gambie, Ghana, Guinée, Kenya, Lesotho, Libéria, Libye,
Madagascar, Mali, Mozambique, Namibie, Nigéria, Ouganda, Ré-
publique démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Sierra Leone,
Tanzanie, Togo et Zimbabwe.
Amnesty International exhorte tous les États africains à accélérer
le processus de ratification afin de permettre au Protocole d’entrer
en vigueur.
1. * La version originale en langue anglaise de ce document a été éditée par Amnesty International, Secrétariat inter-
national, Peter Benenson House, 1 Easton Street, Londres WC1X 0DW, Royaume-Uni, sous le titre : THE PROTOCOL
ON THE RIGHTS OF WOMEN IN AFRICA. STRENGTHENING THE PROMOTION AND PROTECTION OF WOMEN’S
HUMAN RIGHTS IN AFRICA.
La version française a été traduite et diffusée aux sections francophones et au Secrétariat international par LES ÉDI-
TIONS FRANCOPHONES D’AMNESTY INTERNATIONAL - ÉFAI – juin 2004 Vous pouvez consulter le site Internet des
ÉFAI à l’adresse suivante : http://www.efai.org

29
Revue N°43 - Décembre 2020
LE PROTOCOLE À LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

L
e présent rapport résume les prin- démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal,
cipales dispositions de ce Proto- Sierra Leone, Tanzanie, Togo et Zimbabwe.
cole et présente brièvement son Amnesty International a salué l’adoption
mécanisme de surveillance. Il est destiné à de ce Protocole, qui constitue une avancée
accroître la sensibilisation au Protocole et décisive en faveur d’une meilleure promo-
à encourager toutes les parties concernées tion et protection des droits fondamentaux
à soutenir cet instrument important pour la des femmes sur le continent africain. Il four-
promotion et la protection des droits des nit en effet un cadre juridique exhaustif per-
femmes en Afrique. mettant de tenir les gouvernements africains
Pour obtenir de plus amples informa- pour responsables des violations des droits
tions ou agir à ce sujet, veuillez consulter des femmes qu’ils commettent. Le Protocole
le document intégral. Un large éventail de s’inscrit dans la ligne de la Déclaration uni-
documents sur ce thème et sur d’autres sont verselle des droits de l’homme (DUDH), qui
disponibles sur le site http://efai.amnesty. stipule dans son article 2 que « chacun peut
org/. Vous pouvez aussi recevoir les com- se prévaloir de tous les droits et de toutes les
muniqués de presse d’Amnesty Internatio- libertés proclamés dans la présente Décla-
nal (en anglais) par courrier électronique en ration, sans distinction aucune, notamment
vous abonnant à l’adresse suivante : http:// de race, de couleur, de sexe […] ou de toute
www.amnesty.org/email/email_updates. autre situation » (souligné par nous).
html Si la Charte africaine des droits de l’homme
Introduction et des peuples (ci-après dénommée la Charte
Le 11 juillet 2003, lors de son deuxième africaine) imposait déjà aux États parties
sommet ordinaire à Maputo (Mozambique), d’éliminer la discrimination à l’égard des
la Conférence des chefs d’État et de gou- femmes et de protéger les droits humains
vernement de l’Union africaine a adopté le universellement reconnus des femmes, le
Protocole à la Charte africaine des droits de Protocole fournit des garanties plus com-
l’homme et des peuples relatif aux droits des plètes et plus spécifiques en matière de
femmes (ci-après dénommé le Protocole)2. droits des femmes.
Ce Protocole entrera en vigueur trente jours Il reconnaît et garantit aux femmes un
après le dépôt du quinzième instrument de large éventail de droits civils et politiques,
ratification ou d’adhésion. ainsi que de droits économiques, sociaux
En mai 2004, seules les Comores avaient et culturels, réaffirmant ainsi l’universali-
ratifié le Protocole, et 28 autres pays l’avaient té, l’indivisibilité et l’interdépendance de
signé. Ces pays sont les suivants : Afrique du tous les droits humains internationalement
Sud, Algérie, Bénin, Burkina Faso, Burundi, reconnus des femmes. Parmi ces droits fi-
Côte d’Ivoire, Congo, Djibouti, Gambie, gurent le droit à la vie, à l’intégrité et à la
Ghana, Guinée, Kenya, Lesotho, Libéria, sécurité de sa personne, l’interdiction des
Libye, Madagascar, Mali, Mozambique, pratiques traditionnelles néfastes, l’interdic-
Namibie, Nigéria, Ouganda, République tion de la discrimination et la protection des
femmes dans les conflits armés. Le Protocole
2. La décision de rédiger un protocole sur les droits des garantit également à toute femme le droit au
femmes en Afrique a été prise en 1995, lorsque la Confé-
rence des chefs d’État et de gouvernement de l’Organi- respect de sa personne et au libre dévelop-
sation de l’unité africaine (OUA), réunie en sa 31e ses- pement de sa personnalité, l’interdiction de
sion ordinaire à Addis-Abeba, en Éthiopie, a demandé
à la Commission africaine des droits de l’homme et des toute exploitation ou de tout traitement dé-
peuples d’élaborer un tel protocole. Voir la résolution gradant, l’accès à la justice et l’égale protec-
AHG/Res.240(XXXI) de la Conférence des chefs d’État et
de gouvernement de l’OUA, adoptée lors de sa 31e session
tion devant la loi, et la participation au pro-
ordinaire à Addis-Abeba, en Éthiopie, en juillet 1995. cessus politique et à la prise de décisions.

30
Revue des droits de l’enfant et de la femme
ET DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS DES FEMMES

Il protège aussi le droit à la santé et les nements africains à ratifier ce Protocole et


droits génésiques des femmes, leur droit à à faire en sorte qu’il entre en vigueur dans
la sécurité alimentaire et leur droit à un lo- les plus brefs délais. Les organisations inter-
gement adéquat. Par ailleurs, il engage les gouvernementales (OIG) africaines, telles
États parties qui ne l’ont pas encore fait à que la Commission de l’Union africaine
inscrire ces principes fondamentaux dans et la Commission africaine des droits de
leur Constitution et dans leurs autres ins- l’homme et des peuples, doivent encoura-
truments législatifs, ainsi qu’à garantir leur ger tous les gouvernements à ratifier le Pro-
application effective. Enfin, il les oblige à tocole et à l’appliquer pleinement au niveau
intégrer une perspective de genre dans leurs national. En effet, même si la mise en œuvre
décisions politiques, leurs lois, leurs plans de celui-ci relève en premier lieu de la res-
de développement et leurs activités, et à ga- ponsabilité des gouvernements, les OIG ont
rantir le bien-être général des femmes. un rôle crucial à jouer dans ce domaine.
La Commission africaine des droits de Le présent document résume les princi-
l’homme et des peuples va surveiller la pales dispositions du Protocole et présente
mise en œuvre de ce Protocole par l’inter- brièvement les mécanismes de surveillance
médiaire des rapports périodiques qui lui que celui-ci instaure. Il vise à accroître la
sont présentés par les États aux termes de la sensibilisation au Protocole et à encourager
Charte africaine, mais c’est la Cour africaine les États à le ratifier en toute priorité.
des droits de l’homme et des peuples qui
« est compétente pour connaître des litiges Résumé des garanties offertes par le Pro-
relatifs à l’interprétation du présent Proto- tocole
cole, découlant de son application ou de Le texte du Protocole se compose d’un
sa mise en œuvre ». Toutefois, en attendant préambule et de 32 articles. Son objectif est
la mise en place de la Cour africaine, cette d’accorder une plus grande attention aux
compétence revient à la Commission afri- droits fondamentaux des femmes en Afrique.
caine des droits de l’homme et des peuples. Plus spécifiquement, il vise à promouvoir
De nombreuses violations des droits fon- les principes de l’égalité, de la paix, de la
damentaux des femmes – liées uniquement liberté, de la dignité, de la justice, de la so-
ou principalement au genre – sont com- lidarité et de la démocratie.
mises quotidiennement en Afrique, telles En outre, il définit les notions de « dis-
que les mutilations génitales féminines, les crimination à l’égard des femmes3 » et de
mariages forcés, la discrimination, la vio- « violence à l’égard des femmes4 » et pré-
lence domestique, l’exploitation sexuelle
et le viol. Ces violations sont provoquées et 3. Par « discrimination à l’égard des femmes », le Pro-
aggravées par les inégalités sociales et éco- tocole entend « toute distinction, exclusion, restriction
ou tout traitement différencié fondés sur le sexe, et qui
nomiques entre les hommes et les femmes : ont pour but ou pour effet de compromettre ou d’inter-
ces dernières ont peu accès à l’éducation, dire la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice par
à la terre, aux ressources financières et aux les femmes, quelle que soit leur situation matrimoniale,
des droits humains et des libertés fondamentales dans
soins médicaux et ont un statut inférieur au tous les domaines de la vie ».
sein de la famille. 4. Par « violence à l’égard des femmes », il entend « tous
Pour les gouvernements africains et les actes perpétrés contre les femmes causant ou pouvant
causer aux femmes un préjudice ou des souffrances phy-
autres parties concernées, le défi consiste siques, sexuelles, psychologiques ou économiques, y
maintenant à mettre en œuvre concrète- compris la menace d’entreprendre de tels actes, l’impo-
ment, aux niveaux régional et national, sition de restrictions ou la privation arbitraire des libertés
fondamentales, que ce soit dans la vie privée ou dans la
les excellentes dispositions du Protocole. vie publique, en temps de paix, en situation de conflit ou
Amnesty International appelle les gouver- de guerre ».

31
Revue N°43 - Décembre 2020
LE PROTOCOLE À LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

cise les mesures que les États parties doivent de réadaptation et de réparation pour les
prendre dans le domaine public comme victimes de cette violence. Le Protocole de-
dans la sphère privée pour mettre fin à ces mande également aux États parties de : em-
pratiques. Il couvre tout un éventail de pêcher et condamner les trafics de femmes
thèmes tels que l’emploi, l’éducation, le et poursuivre les responsables de tels trafics;
droit de vote, les lois relatives à la nationa- protéger les femmes les plus vulnérables; in-
lité, les droits au mariage et au divorce, la terdire les expériences scientifiques sur les
santé, les droits génésiques et l’égalité de- femmes sans leur consentement donné en
vant la loi. toute connaissance de cause; et allouer des
Le Protocole demande aux États parties ressources budgétaires et autres suffisantes
d’adopter des mesures législatives, insti- à la mise en œuvre et au suivi d’actions de
tutionnelles et autres pour éliminer toutes prévention de la violence contre les femmes.
les formes de discrimination à l’égard des En outre, le Protocole impose aux États
femmes. Comme nous l’avons dit ci-dessus, parties d’interdire et de condamner les pra-
il leur impose d’intégrer une perspective de tiques telles que « toutes formes de mutila-
genre dans leurs décisions politiques, leurs tion génitale féminine, la scarification, la
lois, leurs plans de développement, leurs médicalisation et la para-médicalisation des
programmes et leurs activités. Il les engage mutilations génitales féminines » qui ont des
également à modifier les schémas et les conséquences négatives sur les droits fonda-
modèles socioculturels de comportement mentaux des femmes et qui sont contraires
des hommes et des femmes par l’éducation aux normes internationales reconnues. Les
du public et la mise en place de stratégies États doivent apporter le soutien nécessaire
d’information, d’éducation et de commu- aux victimes, notamment en leur fournis-
nication, ceci afin d’éliminer les pratiques sant des services médicaux, une assistance
culturelles et traditionnelles néfastes et toute juridique et judiciaire, un soutien psycholo-
autre pratique fondée sur l’idée d’infériorité gique et une formation professionnelle. Ils
ou de supériorité de l’un ou l’autre sexe, ou doivent aussi : veiller à ce que les femmes
sur les rôles stéréotypés de la femme et de puissent réellement accéder aux services ju-
l’homme. ridiques et judiciaires, tels que l’assistance
Par ailleurs, les États parties s’engagent judiciaire; fournir une formation appropriée
à adopter et à mettre en œuvre des mesures aux responsables de l’application des lois
pour : interdire l’exploitation des femmes afin qu’ils puissent interpréter et appliquer
et les traitements dégradants à leur égard; efficacement le principe de l’égalité des
protéger les femmes de toute forme de vio- droits entre les sexes; et garantir une repré-
lence, y compris la violence sexuelle et sentation équitable des femmes dans les ins-
verbale, qu’elle se produise en privé ou en titutions judiciaires et les organes chargés
public; et plus généralement, prévenir, ré- de l’application des lois.
primer et éradiquer la violence contre les En ce qui concerne le mariage, le Pro-
femmes. Ils s’engagent aussi à : identifier les tocole demande aux États parties d’adopter
causes et les conséquences de la violence des mesures législatives et autres pour que
contre les femmes et adopter des mesures les hommes et les femmes jouissent des
pour y remédier; éliminer les éléments qui, mêmes droits et soient considérés comme
dans les croyances, les pratiques et les pré- des partenaires égaux dans le mariage,
jugés traditionnels et culturels, légitiment et qu’aucun mariage ne soit célébré sans
exacerbent la violence contre les femmes; et le consentement libre et entier des deux
mettre en place des mécanismes et des ser- parties et que l’âge minimum de mariage
vices accessibles et efficaces d’information, pour les femmes soit fixé à dix huit ans.

32
Revue des droits de l’enfant et de la femme
ET DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS DES FEMMES

Par ailleurs, aux termes du Protocole, «la garanties par le droit international relatif
monogamie est encouragée comme forme aux réfugiés. Dans les pays qui appliquent
préférée du mariage.» encore la peine de mort, celle-ci ne doit pas
Les États parties ont aussi l’obligation de être prononcée contre une femme qui at-
prendre des mesures positives spécifiques tend un enfant ou qui allaite.
pour promouvoir la gestion participative En ce qui concerne l’éducation et l’em-
des affaires publiques et la participation pa- ploi, les États parties ont l’obligation de :
ritaire des femmes à la vie politique de leur garantir aux femmes l’égalité des chances et
pays. Pour cela, ils doivent adopter des me- l’égalité d’accès dans les domaines de l’édu-
sures discriminantes, des lois nationales et cation et de la formation; éliminer tous les
toute autre mesure permettant la participa- stéréotypes qui subsistent dans les manuels
tion des femmes. Le Protocole garantit aussi scolaires, les programmes d’enseignement
à toute femme le droit à la paix et oblige les et les médias; protéger les femmes, en par-
États parties à faire en sorte que les femmes ticulier les fillettes, contre toutes les formes
participent aux processus de prévention, de de mauvais traitements; et prévoir des sanc-
gestion et de résolution des conflits à tous tions contre les personnes soupçonnées de
les niveaux, ainsi qu’à la planification, la telles pratiques. Ils doivent également : of-
formulation et la mise en œuvre des pro- frir des services de conseil et de réadapta-
grammes de reconstruction et de réadapta- tion aux femmes victimes de mauvais trai-
tion après les conflits. tements et de harcèlement sexuel; intégrer
En ce qui concerne la protection des la sensibilisation aux questions de genre
femmes dans les conflits armés, le Protocole et l’éducation aux droits humains dans les
exige des États parties : qu’ils respectent et programmes d’enseignement scolaire à tous
fassent respecter les règles du droit inter- les niveaux; et promouvoir l’alphabétisation
national humanitaire applicables dans les des femmes. En outre, ils ont l’obligation
situations de conflit armé qui touchent la de prendre des mesures pour : promouvoir
population, et en particulier les femmes; l’égalité en matière d’accès à l’emploi et le
qu’ils protègent contre toutes les formes de droit à une rémunération égale des hommes
violence les femmes demandeuses d’asile, et des femmes pour des emplois similaires;
réfugiées, rapatriées et déplacées; qu’ils garantir la transparence dans le recrute-
veillent à ce que le viol et les autres formes ment, la promotion et le licenciement des
d’exploitation sexuelle perpétrés dans le femmes; et punir le harcèlement sexuel sur
cadre d’un conflit armé soient considérés le lieu de travail.
comme des crimes de guerre, des géno- Le Protocole engage aussi les États
cides ou des crimes contre l’humanité et à parties à garantir aux femmes la liberté de
ce que leurs auteurs soient traduits en jus- choisir leur emploi et à faire en sorte que
tice devant une juridiction pénale compé- leurs droits fondamentaux reconnus par les
tente. Les États parties doivent aussi veiller conventions et les lois soient pleinement
à ce « qu’aucun enfant, surtout les filles de garantis et respectés. Il leur demande éga-
moins de 18 ans, ne prenne part aux hosti- lement de créer les conditions nécessaires
lités et, en particulier, à ce qu’aucun enfant pour promouvoir et soutenir l’emploi et
ne soit enrôlé dans l’armée ». les activités économiques des femmes, de
Ils s’engagent également à garantir aux mettre en place un système de protection et
hommes et aux femmes une égalité d’accès d’assurance sociale pour les femmes qui tra-
aux procédures de détermination du statut vaillent dans le secteur informel et d’inciter
de réfugié et à accorder aux femmes réfu- ces femmes à y adhérer. Il prévoit par ail-
giées toutes les prestations et la protection leurs que les États doivent instaurer un âge

33
Revue N°43 - Décembre 2020
LE PROTOCOLE À LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

minimum légal pour travailler et interdire le sources d’énergie domestique, à la terre


travail des enfants qui n’ont pas atteint cet et aux moyens de production de biens ali-
âge, ainsi que prohiber et réprimer « toutes mentaires, ainsi que de mettre en place des
les formes d’exploitation des enfants, en par- systèmes appropriés d’approvisionnement
ticulier des fillettes ». Il leur demande aussi et de stockage pour garantir aux femmes la
de « prendre des mesures appropriées pour sécurité alimentaire.
valoriser le travail domestique des femmes ». En ce qui concerne le droit à un loge-
Par ailleurs, le Protocole précise que ment adéquat, les États parties doivent veil-
les femmes ont droit à un congé materni- ler à ce que les femmes jouissent du même
té suffisant et rémunéré avant et après leur droit que les hommes de bénéficier d’un lo-
accouchement. Il stipule également que les gement et de conditions de vie acceptables
États parties doivent respecter, protéger et dans un environnement sain. Le Protocole
promouvoir le droit des femmes à la santé, précise également que « les femmes ont le
y compris à la santé sexuelle et génésique. droit de vivre dans un environnement cultu-
Dans ce domaine, les droits reconnus par rel positif et de participer à la détermina-
le Protocole sont, entre autres : le droit des tion des politiques culturelles à tous les ni-
femmes de contrôler leur fécondité; le droit veaux ». En ce sens, il impose aux États par-
de décider d’avoir ou non des enfants, d’en ties de prendre des mesures pour renforcer
choisir le nombre et de décider de l’espace- la participation des femmes à la formulation
ment des naissances; le droit de choisir leur des politiques culturelles à tous les niveaux.
méthode de contraception; et le droit de se Le Protocole s’intéresse aussi spécifi-
protéger des maladies sexuellement trans- quement à la protection des veuves. À ce
missibles, telles que le VIH/sida. Toujours sujet, il prévoit notamment les dispositions
dans ce même domaine, elles ont aussi le suivantes : « a) la veuve n’est soumise à
droit d’être informées de leur état de santé aucun traitement inhumain, humiliant ou
et de celui de leur partenaire, ainsi que le dégradant; b) après le décès du mari, la
droit de recevoir une éducation concernant veuve devient d’office la tutrice de ses en-
la planification familiale. fants, sauf si cela est contraire aux intérêts
Les États parties s’engagent également à et au bien-être de ces derniers; c) la veuve
prendre des mesures visant à : fournir aux a le droit de se remarier à l’homme de son
femmes des services de santé appropriés, choix. […] La veuve a le droit à une part
à des coûts abordables et dans des lieux équitable dans l’héritage des biens de son
accessibles, notamment des programmes conjoint. ». Le Protocole précise par ailleurs
d’information, d’éducation et de communi- que les femmes et les hommes ont le droit
cation; mettre en place des services médi- d’hériter, en parts équitables, des biens de
caux et nutritionnels avant, pendant et après leurs parents.
l’accouchement pour les femmes enceintes Les États parties ont également l’obli-
ou qui allaitent; et renforcer les services qui gation de protéger les femmes âgées. Ils
existent déjà dans ce domaine. Ces États doivent prendre des mesures spécifiques en
doivent aussi protéger les droits génésiques rapport avec les besoins physiques, écono-
des femmes « en autorisant l’avortement miques et sociaux de celles-ci, leur garantir
médicalisé, en cas d’agression sexuelle, de l’accès à l’emploi et à la formation profes-
viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en sionnelle et les protéger contre toute vio-
danger la santé mentale et physique de la lence. Ils ont aussi le devoir de protéger les
mère ou la vie de la mère ou du fœtus ». femmes handicapées et doivent prendre des
En outre, ils ont l’obligation de garantir mesures pour faciliter leur accès à l’emploi
aux femmes l’accès à l’eau potable, aux et à la formation professionnelle, ainsi que

34
Revue des droits de l’enfant et de la femme
ET DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS DES FEMMES

leur participation aux prises de décisions. Protocole, découlant de son application ou


Enfin, les États parties s’engagent à assurer de sa mise en œuvre » (article 27).
la protection des femmes vulnérables, telles Toutefois, en attendant la mise en place
que les femmes pauvres, les femmes chefs de la Cour africaine, c’est la Commission
de famille, les femmes enceintes ou allaitant africaine des droits de l’homme et des
et les femmes détenues, en leur offrant un peuples (ci-après dénommée la Commis-
cadre adapté à leur condition et en leur ga- sion africaine) qui « est compétente pour
rantissant le droit d’être traitées avec dignité. connaître des litiges relatifs à l’interpréta-
En vertu du Protocole, toute femme dont tion du présent Protocole et découlant de
les droits ont été violés a le droit à « une son application ou de sa mise en œuvre ».
réparation appropriée » déterminée par les La Commission africaine a été créée par
autorités judiciaires, administratives ou lé- l’article 30 de la Charte africaine. Aux
gislatives compétentes ou par toute autre au- termes de cette Charte, son rôle principal
torité compétente prévue par la loi. Les États est de promouvoir et de protéger les droits
parties s’engagent à allouer les ressources humains sur le continent africain. Son man-
budgétaires et autres nécessaires à l’appli- dat comporte quatre volets : les activités de
cation pleine et entière des droits reconnus promotion, les activités de protection (avec
par le Protocole, ainsi qu’à « réduire sensi- notamment un mécanisme de plaintes),
blement les dépenses militaires au profit du l’examen des rapports des États parties et
développement social en général, et de la l’interprétation de la Charte africaine. Elle
promotion des femmes en particulier ». se réunit deux fois par an, généralement en
Mécanisme de mise en œuvre avril et en novembre, et peut aussi se réunir
en sessions extraordinaires.
Comme précisé ci-dessus, le Protocole
prévoit aussi un mécanisme de mise en La Commission africaine est composée
œuvre. Selon l’article 26, « les États assurent de 11 membres, qui travaillent pour elle à
la mise en œuvre du présent protocole au temps partiel. Bien qu’ils soient élus par la
niveau national et incorporent dans leurs Conférence des chefs d’État et de gouverne-
rapports périodiques présentés conformé- ment de l’Union africaine à partir d’une liste
ment aux termes de l’article 62 de la Charte de personnalités proposées par les États par-
africaine, des indications sur les mesures lé- ties à la Charte africaine, ces membres sont
gislatives ou autres qu’ils ont prises pour la des experts indépendants qui agissent à titre
pleine réalisation des droits reconnus dans individuel et non en tant que représentant
le présent protocole5.» Par ailleurs, « la de leur gouvernement. La Cour africaine
Cour africaine des droits de l’homme et des des droits de l’homme et des peuples, éta-
peuples est compétente pour connaître des blie par un protocole adopté par la Confé-
litiges relatifs à l’interprétation du présent rence des chefs d’État et de gouvernement
de l’OUA en 1998, aura le pouvoir de ju-
5. La Charte africaine des droits de l’homme et des peuples
a été adoptée en 1981 par la Conférence des chefs d’État
ger les cas de violations des droits humains,
et de gouvernement de l’OUA. Entrée en vigueur le 21 oc- notamment des droits civils et politiques et
tobre 1986, elle a été ratifiée par tous les États membres
de l’OUA (maintenant l’Union africaine). Elle garantit les
des droits économiques, sociaux et cultu-
droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. rels garantis par la Charte africaine. Elle se
Plus spécifiquement, elle protège, entre autres, le droit à
la vie et à l’intégrité de sa personne, le droit à un procès
composera de 11 juges, tous ressortissants
équitable, le droit de ne pas subir de torture ni de peines d’États membres de l’Union africaine. Les
ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le droit à
la liberté et à la sécurité de sa personne, le droit à la santé
juges seront élus à titre individuel et non
et le droit à l’éducation. Contrairement aux autres traités en tant que représentants d’un État. Le Pro-
internationaux ou régionaux relatifs aux droits humains,
cette Charte n’autorise aux États parties aucune déroga-
tocole à la Charte africaine des droits de
tion à leurs obligations, même en période de conflit armé. l’homme et des peuples relatif à la création

35
Revue N°43 - Décembre 2020
LE PROTOCOLE À LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

d’une Cour africaine des droits de l’homme En outre, il permettra à ces institutions
et des peuples est entré en vigueur et l’élec- d’établir une jurisprudence plus complète.
tion des juges de cette Cour est prévue lors Il leur fournira un instrument d’articula-
du troisième sommet ordinaire de la Confé- tion, au niveau régional, des principes juri-
rence des chefs d’État et de gouvernement diques internationaux relatifs aux droits des
de l’Union africaine, qui se tiendra en juillet femmes, et apportera des orientations et des
2004 à Addis-Abeba, en Éthiopie. précédents pour les tribunaux nationaux et
L’intégration du Protocole relatif aux les autres institutions internationales telles
droits des femmes dans le mécanisme de que les organes de suivi des traités des Na-
mise en œuvre de la Charte africaine s’ins- tions unies.
crit dans la logique des dispositions de la Plus important encore, le Protocole offre
Charte elle-même et permettra aux femmes aux femmes une réelle voie de recours au ni-
dont les droits ont été violés aux termes du veau régional. Ainsi, les femmes victimes de
Protocole de s’adresser, en dernier recours, violations des droits humains auront un ins-
à la Commission africaine et à la Cour afri- trument vers lequel se tourner et disposeront
caine des droits de l’homme et des peuples d’un moyen concret de s’adresser à des orga-
afin que leurs droits soient reconnus et ap- nismes qui comprendront les conséquences
pliqués. En outre, des particuliers autres de ce qu’elles ont subi. Toutefois, cette pos-
que les victimes et des organisations non sibilité ne deviendra réalité que si les États
gouvernementales pourront déposer plainte parties répondent concrètement aux besoins
au nom des victimes. Cette possibilité est des femmes en matière de droits humains et
importante car, en raison de facteurs poli- prennent des mesures pour mettre en œuvre
tiques, économiques, sociaux et culturels, les engagements qu’ils ont pris. Amnesty In-
les femmes ont souvent un accès limité à ternational appelle donc les gouvernements
l’information et aux moyens concrets de africains qui ne l’ont pas encore fait à :
faire valoir leurs droits. Les organisations de •  Condamner publiquement toutes les
femmes sont bien placées pour déposer des violations des droits fondamentaux des
communications en leur nom. femmes et veiller à ne pas commettre de
Conclusions et recommandations telles violations;
L’adoption du Protocole à la Charte afri- •  Prendre des mesures pour enquêter sur
caine des droits de l’homme et des peuples toutes les allégations de violations des
relatif aux droits des femmes est une avan- droits des femmes commises par des po-
cée significative qui va permettre d’intégrer liciers, des membres des forces de sécuri-
pleinement les préoccupations relatives aux té ou de l’armée ou toute autre personne
droits des femmes dans le système régional agissant avec l’assentiment de l’État, et
de défense des droits humains. Ce Protocole traduire en justice les responsables présu-
comble une lacune importante dans ce sys- més de ces actes;
tème, qui n’avait pour l’instant pas élaboré de •  Ratifier dans les plus brefs délais et
cadre exhaustif pour la promotion et la pro- sans aucune réserve le Protocole à la
tection des droits fondamentaux des femmes. Charte africaine des droits de l’homme et
Amnesty International considère que des peuples relatif aux droits des femmes;
ce Protocole va permettre à la Commission •  Mettre en œuvre ce Protocole en vé-
africaine et à la Cour africaine des droits de rifiant que toutes les lois, politiques, pra-
l’homme et des peuples de déterminer com- tiques et procédures nationales soient
ment faire respecter de manière concrète les conformes aux obligations définies dans
droits reconnus par le Protocole. le Protocole; les États parties doivent in-

36
Revue des droits de l’enfant et de la femme
ET DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS DES FEMMES

tégrer les droits inscrits dans le Protocole breux gouvernements aux termes de cette
à leur législation nationale et prendre Convention est sérieusement entamé par
toutes les autres mesures nécessaires pour les nombreuses réserves qu’ils ont émises;
appliquer cet instrument de bonne foi;
•  Une fois le Protocole ratifié, élaborer
•  Revoir et amender les lois et les procé- des plans d’action nationaux pour com-
dures pénales pour en éliminer toute dis- battre la violence contre les femmes. Ces
crimination à l’égard des femmes et veil- plans d’action devront prévoir des objec-
ler à que les accusées, victimes et témoins tifs bien définis dans le temps pour l’ap-
de sexe féminin ne soient pas traitées de
plication des engagements contenus dans
manière inéquitable ni victimes de discri-
le Protocole et prévoir l’allocation ou
mination dans le cadre des enquêtes et
la redistribution de ressources pour leur
des poursuites pénales;
mise en œuvre. Pour garantir l’égalité et
•  Fournir des garanties constitutionnelles l’absence de discrimination en droit et en
pour interdire la discrimination et garantir pratique, il conviendra de : lutter contre
l’égalité entre les hommes et les femmes;
l’impunité pour les violations des droits
•  Ratifier tous les autres instruments ré- des femmes; créer des institutions natio-
gionaux et internationaux relatifs aux nales chargées de promouvoir et de proté-
droits humains indispensables pour pro- ger les droits humains et renforcer les ins-
mouvoir et protéger efficacement les titutions existantes dans ce domaine; re-
droits des femmes en Afrique, notam- voir les lois, les politiques et les pratiques
ment le Protocole à la Charte africaine
nationales; et élaborer un programme
des droits de l’homme et des peuples
exhaustif d’éducation aux droits humains;
relatif à la création d’une Cour africaine
des droits de l’homme et des peuples et •  Adopter des stratégies destinées à
la Convention de l’Union africaine sur la mettre en place des mécanismes juri-
prévention et la lutte contre la corruption. diques et administratifs garantissant une
Les États devraient aussi ratifier : le Pacte justice efficace aux femmes victimes de
international relatif aux droits civils et po- violence;
litiques (PIDCP) et ses deux protocoles; le •  Fournir des services d’assistance spé-
Pacte international relatif aux droits éco-
cialisés pour aider les femmes dont les
nomiques, sociaux et culturels (PIDESC);
droits ont été violés aux termes du Proto-
la Convention contre la torture et autres
cole et favoriser leur réadaptation;
peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants; la Convention sur l’élimi- •  Former et sensibiliser les représentants
nation de toutes les formes de discrimina- de l’appareil judiciaire et de la police aux
tion à l’égard des femmes; la Convention droits fondamentaux des femmes recon-
relative aux droits de l’enfant; la Conven- nus par le Protocole et par les autres ins-
tion relative au statut des réfugiés; et le truments internationaux;
Statut de Rome de la Cour pénale inter-
•  Prendre des mesures en vue de rendre
nationale. Les gouvernements qui ont
compte de la manière dont ils respectent
déjà ratifié ces instruments devraient exa-
les obligations qui leur incombent aux
miner les éventuelles réserves qu’ils ont
émises à leur sujet en vue de les retirer. termes du Protocole et des autres ins-
Cela est particulièrement important pour truments et intégrer à leurs rapports des
la Convention sur l’élimination de toutes informations sur les mesures prises pour
les formes de discrimination à l’égard mettre en œuvre les engagements conte-
des femmes, car l’engagement de nom- nus dans ce protocolen
37
Revue N°43 - Décembre 2020
PROTOCOLE A LA CHARTE AFRI-
CAINE DES DROITS DE L’HOMME ET
DES PEUPLES, RELATIF AUX DROITS
DE LA FEMME EN AFRIQUE
Ratifié par l’Algérie par décret présidentiel n°16-254 du 25 Dhou El Hidja 1437
correspondant au 27 septembre 2016 portant ratification avec déclarations inter-
prétatives, du protocole à la charte africaine des droits de l’Homme et des peuples
relatif aux droits de la Femme en Afrique, adopté par la 2éme session ordinaire de
la conférence de l’Union africaine, à Maputo (Mozambique) le 11 juillet 2003.
LES ETATS AU PRÉSENT PROTOCOLE :
CONSIDÉRANT que l’article 66 de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples prévoit l’adoption de protocoles ou accords particuliers en cas de besoin, pour
compléter les dispositions de la Charte, et que la Conférence des chefs d’État et de gou-
vernement de l’Organisation de l’Unité Africaine, réunie en sa trente-et-unième session
ordinaire à Addis-Abeba (Éthiopie) en juin 1995, a entériné, par sa résolution AHG/
Res.240(XXXI), la recommandation de la Commission africaine des droits de l’homme et
des peuples d’élaborer un protocole sur les droits de la femme en Afrique;
CONSIDÉRANT EGALEMENT que l’article 2 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples interdit toutes les formes de discrimination fondées sur la race,
l’ethnie, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opi-
nion, l’origine nationale et sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation;
CONSIDÉRANT EN OUTRE que l’article 18 de la Charte africaine des droits de
l’homme et des peuples demande à tous les États d’éliminer toutes formes de discrimina-
tion à l’égard des femmes et d’assurer la protection des droits de la femme, tels que stipulés
dans les déclarations et conventions internationales;
NOTANT que les articles 60 et 61 de la Charte africaine des droits de l’homme et des
peuples reconnaissent les instruments régionaux et internationaux relatifs aux droits de
l’homme et les pratiques africaines conformes aux normes internationales relatives aux
droits de l’homme et des peuples, en tant que principes de référence importants pour l’ap-
plication et l’interprétation de la Charte africaine;
RAPPELANT que les droits de la femme sont reconnus et garantis par tous les instru-
ments internationaux relatifs aux droits de l’homme, notamment la Déclaration universelle
des droits de l’homme, les Pactes internationaux relatifs aux droits civils et politiques ainsi
qu’aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l’élimination de toutes
les formes de discrimination à l’égard des femmes et son Protocole Facultatif, la Charte
africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant et tous les autres 2 conventions et pactes
internationaux relatifs aux droits de la femme en tant que droits humains, inaliénables,
interdépendants et indivisibles;

38
Revue des droits de l’enfant et de la femme
RAPPELANT EGALEMENT la résolution à la Charte africaine des droits de l’homme
1325 du Conseil de sécurité des Nations et des peuples et de tous les autres instru-
unies sur le rôle de la femme dans la promo-ments internationaux relatifs aux droits de
tion de la paix et de la sécurité; l’homme, et de l’engagement solennel pris
NOTANT que les droits de la femme et par ces États d’éliminer toutes les formes
son rôle essentiel dans le développement de discrimination et de pratiques néfastes
sont réaffirmés dans les Plans d’action des à l’égard des femmes, la femme en Afrique
Nations Unies sur l’environnement et le dé- continue d’être l’objet de discriminations et
veloppement (1992), les droits de l’homme de pratiques néfastes;
(1993), la population et le développement FERMEMENT CONVAINCUS QUE toute
(1994), et le développement social (1995); pratique qui entrave ou compromet la crois-
RÉAFFIRMANT le principe de la pro- sance normale et affecte le développement
motion de l’égalité entre les hommes et les physique et psychologique des femmes et
femmes tel que consacré dans l’Acte consti- des filles, doit être condamnée et éliminée;
tutif de l’Union africaine, le Nouveau parte- DÉTERMINES à assurer la promotion,
nariat pour le développement de l’Afrique, la réalisation et la protection des droits des
les déclarations, résolutions et décisions femmes afin de leur permettre de jouir plei-
pertinentes qui soulignent l’engagement des nement de tous leurs droits humains;
États africains à assurer la pleine participation Ci-dessous quelques articles du pro-
des femmes africaines au développement
tocole en lien avec les articles traités
de l’Afrique comme des partenaires égaux;
dans la revue.
NOTANT EN OUTRE que la Plate-forme
SONT CONVENUS DE CE QUI SUIT :
d’Action Africaine et la Déclaration de Dakar
de 1994 et la Plate-forme d’Action de Bei- Article premier
jing et la Déclaration de 1995 appellent tous Définitions Aux fins du présent Proto-
les États membres des Nations Unies ayant cole, on entend par :
pris l’engagement solennel de les mettre
a) « Acte constitutif », l’Acte constitutif
en œuvre, à adopter des mesures concrètes
de l’Union africaine;
pour accorder une plus grande attention aux
droits humains de la femme afin d’éliminer b) « Charte africaine », la Charte africaine
toutes les formes de discrimination et de vio- des droits de l’homme et des peuples;
lence fondées sur le sexe; c) « Commission africaine », la Commis-
RECONNAISSANT le rôle crucial des sion africaine des droits de l’homme et des
femmes dans la préservation des valeurs afri- peuples;
caines basées sur les principes d’égalité, de d) « Conférence », la Conférence des
paix, de liberté, de dignité, de justice, de so- Chefs d’Etat et de Gouvernement de l’Union
lidarité et de démocratie. africaine;
AYANT A L’ESPRIT les résolutions, dé- e) « Discrimination à l’égard des
clarations, recommandations, décisions, femmes », toute distinction, exclusion, res-
conventions et autres instruments régionaux triction ou tout traitement différencié fondés
et sous-régionaux ayant pour objectifs l’éli- sur le sexe, et qui ont pour but ou pour ef-
mination de toutes les formes de discrimi- fet de compromettre ou d’interdire la recon-
nation à l’égard des femmes et la promotion naissance, la jouissance ou l’exercice par les
de l’égalité entre les hommes et les femmes; femmes, quelle que soit leur situation matri-
PRÉOCCUPÉS par le fait qu’en dépit de moniale, des droits humains et des libertés fon-
la ratification par la majorité des États Partis damentales dans tous les domaines de la vie;

39
Revue N°43 - Décembre 2020
LE PROTOCOLE À LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

f) « États », les États au présent Protocole; c) intégrer les préoccupations des


g) « Femmes » les personnes de sexe fé- femmes dans leurs décisions politiques, lé-
minin, y compris les filles; gislations, plans, programmes et activités
de développement ainsi que dans tous les
h) « NEPAD », Nouveau partenariat pour
autres domaines de la vie;
le développement de l’Afrique, créé par la
Conférence; d) prendre des mesures correctives et
i) « Pratiques néfastes », tout comporte- positives dans les domaines où des discri-
ment, attitude ou pratique qui affecte négati- minations de droit et de fait à l’égard des
vement les droits fondamentaux des femmes, femmes continuent d’exister;
tels que le droit à la vie, à la santé, à l’édu- e) appuyer les initiatives locales, na-
cation, à la dignité et à l’intégrité physique; tionales, régionales et continentales visant
j) « UA », l’Union Africaine; à éradiquer toutes les formes de discrimina-
tion à l’égard de la femme.
k) « Violence à l’égard des femmes »,
tous actes perpétrés contre les femmes 2. Les États s’engagent à modifier les
causant ou pouvant causer aux femmes un schémas et modèles de comportement so-
préjudice ou des souffrances physiques, cioculturels de la femme et de l’homme
sexuelles, psychologiques ou économiques, par l’éducation du public par le biais des
y compris la menace d’entreprendre de tels stratégies d’information, d’éducation et de
actes, l’imposition de restrictions ou la pri- communication, en vue de parvenir à l’éli-
vation arbitraire des libertés fondamentales, mination de toutes les pratiques culturelles
que ce soit dans la vie privée ou dans la vie et traditionnelles néfastes et de toutes autres
publique, en temps de paix, en situation de pratiques fondées sur l’idée d’infériorité ou
conflit ou de guerre. de supériorité de l’un ou l’autre sexe, ou
sur les rôles stéréotypés de la femme et de
Article 2 : Élimination de la discrimina- l’homme.
tion à l’égard des femmes
Article 3 Droit à la dignité
1. Les États combattent la discrimination
1. Toute femme a droit au respect de la
à l’égard des femmes, sous toutes ses formes,
dignité inhérente à l’être humain, à la re-
en adoptant les mesures appropriées aux connaissance et à la protection de ses droits
plans législatif, institutionnel et autre. A cet humains et légaux.
égard, ils s’engagent à :
2. Toute femme a droit au respect de sa
a) inscrire dans leur Constitution et personne et au libre développement de sa
autres instruments législatifs, si cela n’est personnalité.
pas encore fait, le principe de l’égalité entre
3. Les États adoptent et mettent en œuvre
les hommes et les femmes, et à en assurer
les mesures appropriées en vue d’interdire
l’application effective; toute exploitation des femmes ou tout traite-
b) adopter et à mettre en œuvre ef- ment dégradant à leur égard.
fectivement les mesures législatives et ré- 4. Les États adoptent et mettent en œuvre
glementaires appropriées, y compris celles les mesures appropriées afin d’assurer la
interdisant et réprimant toutes les formes de protection du droit de la femme au respect
discrimination et de pratiques néfastes qui de sa dignité et sa protection contre toutes
compromettent la santé et le bien-être géné- formes de violence, notamment la violence
ral des femmes; sexuelle et verbale.

40
Revue des droits de l’enfant et de la femme
ET DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS DES FEMMES

Article 4 Droit à la vie, à l’intégrité et à la h) interdire toutes expériences médi-


sécurité cales ou scientifiques sur les femmes sans
1. Toute femme a droit au respect de sa leur consentement en toute connaissance
de cause;
vie, de son intégrité physique et à la sécurité
de sa personne. Toutes formes d’exploita- i) allouer des ressources budgétaires
tion, de punition et de traitement inhumain adéquates et autres pour la mise en œuvre
ou dégradant doivent être interdites. et le suivi des actions visant à prévenir et à
éradiquer les violences contre les femmes;
2. Les Etats s’engagent à prendre des me-
sures appropriées et effectives pour : j) s’assurer que, dans les pays où elle
existe encore, la peine de mort n’est pas
a) adopter et renforcer les lois interdi- prononcée à l’encontre de la femme en-
sant toutes formes de violence à l’égard des ceinte ou allaitante;
femmes, y compris les rapports sexuels non
désirés ou forcés, qu’elles aient lieu en privé k) s’assurer que les femmes et les
hommes jouissent d’un accès égal aux pro-
ou en public;
cédures de détermination du statut de réfu-
b) adopter toutes autres mesures lé- giés et que les femmes réfugiées jouissent
gislatives, administratives, sociales, écono- de la protection totale et des prestations ga-
miques et autres en vue de prévenir, de ré- ranties au terme du droit international des
primer et d’éradiquer toutes formes de vio- réfugiés, y compris leurs pièces d’identités
lence à l’égard des femmes; et autres documents.
c) identifier les causes et les consé- Article 5
quences des violences contre les femmes et Élimination des pratiques néfastes
prendre des mesures appropriées pour les
Les États interdisent et condamnent toutes
prévenir et les éliminer;
les formes de pratiques néfastes qui af-
d) promouvoir activement l’éducation fectent négativement les droits humains des
à la paix à travers des programmes d’ensei- femmes et qui sont contraires aux normes
gnement et de communication sociale en internationales. Les États prennent toutes les
vue de l’éradication des éléments contenus mesures législatives et autres mesures afin
dans les croyances et les attitudes tradition- d’éradiquer ces pratiques et notamment :
nelles et culturelles, des pratiques et stéréo-
a) sensibiliser tous les secteurs de la
types qui légitiment et exacerbent la persis-
société sur les pratiques néfastes par des
tance et la tolérance de la violence à l’égard
campagnes et programmes d’information,
des femmes; d’éducation formelle et informelle et de
e) réprimer les auteurs de la vio- communication;
lence à l’égard des femmes et réaliser des b) interdire par des mesures législa-
programmes en vue de la réhabilitation de tives assorties de sanctions, toutes formes
celles-ci; de mutilation génitale féminine, la scarifica-
f) mettre en place des mécanismes et tion, la médicalisation et la para-médicali-
des services accessibles pour assurer l’infor- sation des mutilations génitales féminines et
mation, la réhabilitation et l’indemnisation toutes les autres pratiques néfastes;
effective des femmes victimes des violences; c) apporter le soutien nécessaire aux
g) prévenir et condamner le trafic de victimes des pratiques néfastes en leur as-
femmes, poursuivre les auteurs de ce trafic surant les services de base, tels que les ser-
et protéger les femmes les plus exposées à vices de santé, l’assistance juridique et judi-
ce risque. ciaire, les conseils, l’encadrement adéquat

41
Revue N°43 - Décembre 2020
LE PROTOCOLE À LA CHARTE AFRICAINE DES DROITS DE L’HOMME

ainsi que la formation professionnelle pour a) promouvoir l’égalité en matière d’ac-


leur permettre de se prendre en charge; cès à l’emploi;
d) protéger les femmes qui courent b) promouvoir le droit à une rémunéra-
le risque de subir les pratiques néfastes ou tion égale des hommes et des femmes pour
toutes autres formes de violence, d’abus et des emplois de valeur égale;
d’intolérance. c) assurer la transparence dans le recrute-
Article 9 Droit de participation au pro- ment, la promotion et dans le licenciement
cessus politique et à la prise de décisions des femmes, combattre et réprimer le harcè-
1. Les États entreprennent des actions po- lement sexuel dans les lieux de travail;
sitives spécifiques pour promouvoir la gou- d) garantir aux femmes la liberté de choi-
vernance participative et la participation pa- sir leur emploi et les protéger contre l’exploi-
ritaire des femmes dans la vie politique de tation et la violation par leurs employeurs
leurs pays, à travers une action affirmative de leurs droits fondamentaux, tels que re-
et une législation nationale et d’autres me- connus et garantis par les conventions, les
sures de nature à garantir que : législations et les règlements en vigueur;
a) les femmes participent à toutes les e) créer les conditions pour promouvoir
élections sans aucune discrimination; et soutenir les métiers et activités écono-
miques des femmes, en particulier dans le
b) les femmes soient représentées en
secteur informel;
parité avec les hommes et à tous les niveaux,
dans les processus électoraux; f) créer un système de protection et d’as-
surance sociale en faveur des femmes tra-
c) les femmes soient des partenaires
vaillant dans le secteur informel et les sensi-
égales des hommes à tous les niveaux de
biliser pour qu’elles y adhèrent;
l’élaboration et de la mise en œuvre des po-
litiques et des programmes de développe- g) instaurer un âge minimum pour le tra-
ment de l’État. vail, interdire le travail des enfants n’ayant
2. Les États assurent une représentation pas atteint cet âge et interdire, combattre
et une participation accrues, significatives et réprimer toutes les formes d’exploitation
et efficaces des femmes à tous les niveaux des enfants, en particulier des fillettes;
de la prise des décisions. h) prendre des mesures appropriées pour
Article 12 valoriser le travail domestique des femmes;
Droit à l’éducation et à la formation i) garantir aux femmes des congés de ma-
c) promouvoir l’inscription et le ternité adéquats et payés avant et après l’ac-
maintien des filles à l’école et dans d’autres couchement aussi bien dans le secteur privé
centres de formation et l’organisation de que dans le secteur public;
programmes en faveur des filles qui quittent j) assurer l’égalité dans l’imposition fis-
l’école prématurément. cale des femmes et des hommes;
Article 13 Droits économiques et protec- k) reconnaître aux femmes salariées, le
tion sociale droit de bénéficier des mêmes indemnités
Les États adoptent et mettent en œuvre et avantages que ceux alloués aux hommes
des mesures législatives et autres mesures salariés en faveur de leurs conjoints et de
visant à garantir aux femmes l’égalité des leurs enfants;
chances en matière d’emploi, d’avancement l) reconnaître la responsabilité première
dans la carrière et d’accès à d’autres activités des deux parents dans l’éducation et l’épa-
économiques. A cet effet, ils s’engagent à : nouissement de leurs enfants, une fonction

42
Revue des droits de l’enfant et de la femme
ET DES PEUPLES RELATIF AUX DROITS DES FEMMES

sociale dans laquelle l’État et le secteur pri- d) promouvoir l’accès des femmes aux
vé ont une responsabilité secondaire; crédits, à la formation, au développement
m) prendre les mesures législatives et ad- des compétences et aux services de vulgari-
ministratives appropriées pour combattre
sation en milieu rural et urbain afin de leur
l’exploitation ou l’utilisation des femmes à
des 14 fins de publicité à caractère porno- assurer de meilleures conditions de vie et de
graphique ou dégradant pour leur dignité. réduire leur niveau de pauvreté;
Les femmes ont le droit de jouir pleine- e) prendre en compte les indicateurs de
ment de leur droit à un développement du-
développement humain spécifiques aux
rable. A cet égard, les États prennent toutes
les mesures appropriées pour: femmes dans l’élaboration des politiques et
a) introduire la dimension genre dans la programmes de développement;
procédure nationale de planification pour le f) veiller à ce que les effets négatifs de la
développement;
mondialisation et de la mise en œuvre des
b) assurer une participation équitable des
politiques et programmes commerciaux et
femmes à tous les niveaux de la conception,
de la prise de décisions, la mise en œuvre économiques soient réduits au minimum
et l’évaluation des politiques et programmes pour les femmes.
de développement;
Adopté par la 2ème session ordinaire de
c) promouvoir l’accès et le contrôle par
les femmes des ressources productives, telles la Conférence de l’Union Maputo, le 11
que la terre et garantir leur droit aux biens; juillet 2003n
INCRIMINATION DES VIOLENCES
FAITES AUX FEMMES
ORDONNANCE DU 30 DÉCEMBRE 2015 PORTANT CODE PÉNAL
Nadia Aït-Zaï,
Avocate - Présidente de la Fondation pour l’égalité - CIDDEF

L
e code pénal modifié en le 30 12 2015 a procédé à de nou-
velles incrimination d’infractions dont quatre formes de vio-
lence contre les femmes.
•  Les violences physiques
•  Les violences psychologiques
•  Les violences économiques
•  Les violences sexuelles
•  Le harcèlement de rue et le harcèlement sexuel au travail
•  Vol entre époux

Coups et blessures •  Il a fallu attendre 2015 pour que


•  L’article 264 du code pénal a sou- les violences contre les femmes soient
vent été utilisé par les femmes lorsque déterminées, classifiées et incriminées
celles-ci étaient victimes de violence dans les articles 266 bis, 266 bis 1,pour
conjugale ou domestique. « Quiconque, les violences physiques 33O,abandon
volontairement fait des blessures ou de famille 330 bis, soustraction des biens
porte des coups à autrui ou commet de la femmes,,333 bis 2,harcèlement de
toute autre violence ou voie de fait, et s’ilrue, 333 bis3 agression sexuelle, 341
résulte de ces sortes de violence une ma- bis harcèlement sexuel, 369 le vol entre
ladie ou une incapacité totale de travail époux.
pendant plus de quinze jours est puni
•  Les soustractions commises entre
d’un emprisonnement d’un an à 5 ans
et d’une amende de 100;000 à 500;000 ascendants et descendants et vice versa
ne peuvent donner lieu qu’à des répara-
•  La violence conjugale en tant que
tions civiles, 368.
telle n’apparaît pas dans l’article 264 et
ne fait aucune distinction entre les per- Violence Physique Article 266 bis et bis 1
sonnes, ni hommes, ni femmes, le lé- Art.226 bis: Quiconque volontairement,
gislateur utilise le terme « quiconque », cause des blessures ou porte des coups à
c’est-à-dire n’importe quelle personne. son conjoint est puni ainsi qu’il suit:

44
Revue des droits de l’enfant et de la femme
1. d’un emprisonnement d’un an à trois L’infraction est établie, que l’auteur ré-
ans si les blessures ou les coups n’ont occa- side ou pas dans le même domicile que la
sionné aucune maladie ou incapacité totale victime.
de travail de plus de quinze jours L’infraction est également établie, si les
2. d’un emprisonnement de deux ans à violences sont commises par l’ex conjoint et
cinq ans s »il y a eu incapacité totale de tra- qu’il s’avère quelles sont en rapport avec la
vail de plus de quinze jours précédente relation de mariage.
3. de la réclusion à temps de 10 à vingt L’auteur ne peut bénéficier des circons-
ans si les blessures ou les coups ont été sui- tances atténuantes si la victime est enceinte
vis de mutilation, amputation ou privation ou handicapée ou si l’infraction a été com-
de l’usage d’un membre, cécité, perte d’un mise en présence des enfants mineurs ou
œil ou autres infirmités permanentes. sous la menace d’une arme.
4. de la réclusion à perpétuité si les Art.3. Les dispositions de l’article 330
coups portés ou les blessures faites volon- de l’ordonnance n°66-156 du 8 juin 1966,
tairement, mais sans intention de donner la susvisée, sont modifiées et rédigées ainsi
mort, l’ont pourtant occasionnés. qu’il suit:
-  L’infraction est établie, que l’auteur Art.330: Sont punis d’un emprisonne-
réside ou pas dans le même domicile que ment de (6) mois à deux (2)ans et d’une
la victime. amende de 50 000 Da à 200 000 DA.
-  L’infraction est également établie si les Violence économique
violences sont commises par l’ex conjoint et
qu’il s’avère qu’elles sont en rapport avec la Art.4. Les dispositions de l’ordonnance
précédente relation de mariage. n°66-156 du 8 juin 1966, susvisée, sont
complétées par l’article 330 bis ainsi qu’il
-  L’auteur ne peut bénéficier des cir-
suit:
constances atténuantes si la victime est en-
ceinte ou handicapée ou si l’infraction a été Art.330.bis: Est puni d’un emprison-
commise en présence des enfants mineures nement de six(6)mois à deux(2) ans qui-
ou sous la menace d’une arme. conque exerce sur son épouse toute forme
-  Dans les cas prévus aux(1) et (2) le de contrainte ou d’intimidation afin de dis-
pardon de la victime met fin aux poursuites poser de ses biens ou de ses ressources fi-
pénales; nancières

-  Dans le cas prévu au (3) et lorsqu’il Le pardon de la victime met fin aux
y a pardon de la victime, la peine est de poursuites pénales.
cinq(5) à dix ans(10) de réclusion. Harcèlement de rue
Violence psychologique Art.333.bis 2: Est puni d’un emprison-
Art.266.bis.1. Est puni d’un emprisonne- nement de deux(2) à six(6) mois et d’une
ment d’une année(1) à trois(3) ans, quiconque amende de 20 000 DA à 100 000 Da, ou
commet contre son conjoint toute forme de d’une de ces de ces deux peine, quiconque
voies de fait, ou de violence verbale ou psy- importune une femme, dans un lieu public,
chologique répétée mettant la victime dans par tout acte, geste ou parole portant at-
une situation qui porte atteinte à sa dignité teinte à sa pudeur.
ou a son intégrité physique ou psychique. La peine est portée au double si la vic-
L’état de violence conjugale peut être time est une personne mineure de seize (16)
prouvé par tous moyens ans.

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Revue N°43 - Décembre 2020
INCRIMINATION DES VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

Article.333. bis. 3 : A moins que le fait ne En cas de récidive, la peine est portée
constitue une infraction plus grave, est puni au double.
d’un emprisonnement d’un(1) an à trois (3)
ans et d’une amende de 100 000 DA à 500 Vol entre les parents; enfants et époux
000 DA, toute agression, commise par sur- Art.7.: Les dispositions de l’article 368
prise, violence, contrainte ou menace portant de l’ordonnance n°66-156 du 08 juin 1966,
atteinte à l’intégrité sexuelle de la victime. susvisée, sont modifiées et rédigées ainsi
La peine est l’emprisonnement de qu’il suit:
deux(2) à cinq(5) ans si l’auteur est un
Art.368: Ne sont pas punissables et ne
proche parent (mahrim) ou si la victime est
une mineure de seize (16) ans ou si le fait peuvent donner lieu qu’à des réparations ci-
commis a été facilité par la vulnérabilité, la viles, les soustractions commises:
maladie, l’infirmité, la déficience physique - par des ascendants au préjudice de
ou psychique de la victime ou par un état leurs enfants ou autres descendants;
de grossesse; que ces circonstances soient
apparentes ou connues de l’auteur. - par des descendants au préjudice de
Art.6.: Les dispositions de l’article 341 leurs ascendants.
bis de l’ordonnance n°66-156, susvisée, Art.8.: Les dispositions de l’article 369
sont modifiées, complétées et rédigées ainsi de l’ordonnance n°66-156 du 08 juin 1966,
qu’il suit: susvisée, sont modifiées et rédigées ainsi
Harcèlement sexuel étendu au collègue qu’il suit:
Art.341.bis.: Est réputée avoir commis Art.369.: Les vols commis entre
l’infraction de harcèlement sexuel et sera pu- conjoints, parents, collatéraux ou alliées
nie d’un emprisonnement d’un(1) à trois(3)
jusqu’au quatrième degré inclusivement, ne
ans et d’une amende de 100 000 DA à 300 000
DA, toute personne qui abuse de l’autorité peuvent être poursuivis pénalement. Que
que lui confère sa fonction ou sa profession, sur plainte de la personne lésée. Le retrait
en donnant à autrui des ordres, en proférant de la plainte met fin aux poursuites.
des menaces, en imposant des contraintes ……..(le reste sans changement)………
ou en exerçant des pressions dans le but
d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. Abandon de famille
Est également coupable de l’infraction 1. L’un des parents qui abandonne, sans
visée à l’alinéa précédent et puni de la motif grave pendant plus de deux (2) mois
même peine, quiconque harcèle autrui par la résidence familiale et se soustrait à toutes
tout acte, propos à caractère ou insinuation
ses obligations d’ordre moral ou d’ordre
sexuelle.
matériel résultant de la puissance paternelle
La peine et l’emprisonnement de deux(2)
ou de la tutelle légale; le délai de deux(2)
à cinq(5) ans et l’amende de 200 000 DA à
mois ne pourra être interrompu que par un
500 000 DA, si l’auteur est un proche parent
(mahrim) ou si la victime est une mineure retour au foyer impliquant la volonté de re-
de 16 (seize) ans ou si le fait commis a été prendre définitivement la vie familiale;
facilité par la vulnérabilité, la maladie, l’in- 2. Le mari qui, sans motif grave, aban-
firmité, la déficience physique ou psychique
donne volontairement, pendant plus de
de la victime ou par un état de grossesse;
deux (2) mois sa femme.
que ces circonstances soient apparentes ou
connues de l’auteur. ……..(le reste sans changement)………

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Revue des droits de l’enfant et de la femme

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