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Il fallait probablement être un peu fou pour pouvoir imaginer que tous les ensembles infinis n’ont

pas le même nombre d’éléments, pour définir des entiers infinis, les ordonner, et même les
additionner. Georg Cantor était ce fou-là, et ses idées révolutionnaires n’ont pas manqué de
détracteurs.

Georg Cantor est né le 3 mars 1845 à St Petersbourg. Son père est commerçant prospère, sa mère
est issue d’une famille de musiciens ; tous les deux sont très cultivés, et donnent à leur fils une
éducation sérieuse, religieuse, et bercée par les arts. En 1846, la famille s’installe en Allemagne, où
elle espère trouver un climat plus favorable à la santé du père.

Georg Cantor se révèle être un étudiant brillant, notamment dans les mâtières manuelles. Malgré les
injonctions de son père, qui rêve d’en faire un ingénieur, il part en 1862 à Berlin étudier les
mathématiques, où ses maîtres sont Weierstrass et Kronecker. Il soutient son doctorat en 1867 (sur
la théorie des nombres), mais n’obtient pas immédiatement un poste complet. En 1874, il se marie (il
aura 6 enfants).

Les premières recherches post-doctorales de Cantor sont consacrées à la décomposition des


fonctions en sommes de séries trigonométriques (les célèbres séries de Fourier) et particulièrement à
l’unicité de cette décomposition. Afin de résoudre complètement ce difficile problème, il est amené à
introduire et à étudier des ensembles dits exceptionnels. Cela le conduit à définir en 1872 très
précisément ce qu’est un nombre réel, comme limite d’une suite de nombres rationnels ;
parallèlement, son ami Dedekind donne la même année une autre définition de la droite des réels, à
partir des coupures. Cantor et Dedekind constatent à cette occasion qu’il y a beaucoup plus de réels
que de rationnels, mais il n’y a pas jusque-là de définition mathématique à ce « beaucoup plus ».

En 1874, dans le prestigieux Journal de Crelle, Cantor donne une définition du nombre d’éléments
d’un ensemble infini qui prolonge naturellement celle du cardinal d’un ensemble infini, qui prolonge
celle du cardinal d’un ensemble fini. Il en découle, jusqu’en 1897, une succession de découvertes
étranges : il y autant d’entiers pairs que d’entiers tout court, autant de points sur un segment que
dans un carré, beaucoup plus de nombres transcendants que de nombres rationnels. Cette hiérarchie
dans les ensembles infinis conduit progressivement Cantor à définir des nouveaux nombres, les
ordinaux transfinis, et à définir une arithmétique sur ces nombres.

Les découvertes de Cantor soulèvent la contestation des mathématiciens constructivistes de


l’époque, au premier rang desquels on trouve Poincaré et surtout Kronecker, lequel n’hésitera pas à
attaquer personnellement Cantor, bloquant ses publications dans le Journal de Crelle, et allant même
jusqu’à tenter de bloquer sa carrière. Malgré cela, Cantor obtient un poste de professeur à temps
plein à l’université de Halle en 1879.
Vient l’année 1884, et la première crise de dépression de Cantor. Celui-ci perd alors la force
d’affronter ses opposants, et n’a plus la confiance d’entreprendre de nouvelles recherches. Il
s’intéresse alors à l’histoire, à la littérature anglaise, intervenant notamment dans une crise
contemporaine autour des pièces de Shakespeare. En 1899, il obtient un poste administratif consacré
à des tâches routinières qui lui permet de renoncer à son enseignement. Peu à peu, ses crises se font
de plus en plus fréquentes et longues, et il passe une large partie de son temps à soigner sa
schizophrénie dans des maisons de repos. Il décède le 6 juin 1918 à Halle.

Les travaux de Cantor ont eu beaucoup d’influence au XXè s. On citera d’abord, en 1903, un paradoxe
soulevé par Russell dans la théorie naïve des ensembles : si A est l’ensemble de tous les ensembles
qui ne sont pas éléments d’eux-mêmes, A est-il contenu dans A ? Les logiciens surmonteront cette
difficulté conceptuelle, sans rien changer des conclusions de Cantor. Citons aussi le problème de
l’hypothèse du continu. Un des derniers axes de recherche de Cantor était d’estimer le nombre
d’éléments de la droite réelle. Plus précisément, Cantor souhaitait prouver l’absence de tout
ensemble dont le cardinal soit strictement compris entre le cardinal des entiers et celui des réels.
C’est ce qu’on appelle l’hypothèse du continu. Tous les travaux de Cantor et de ses successeurs pour
confirmer ou infirmer l'hypothèse du continu furent vains, et pour cause : en 1963, le logicien
américain Cohen prouva que, dans une théorie standard des ensembles, l’hypothèse du continu est
indécidable. On peut très bien supposer qu’elle est vraie ou qu’elle est fausse sans obtenir de
contradiction dans la théorie

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