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Il y a encore cinq ans, "il n’en parlait jamais", confie sa fille Sophie, assise aux
côtés de son père Gérard et de sa maman Marie-José, dans la cuisine de son
appartement du quartier Victor-Hugo à Sète. Et puis, subitement, en 2014, Gé-
rard Rosenthal a pris contact avec Jean-Paul Krintz, l’un des sept membres de
l’équipage de la Minerve qui, comme lui, n’avait pas embarqué à bord du sub-
mersible en ce 27 janvier 1968. "Et c’est à partir de là qu’il a commencé à nous
raconter toute son histoire, qu’il avait tue pendant près d’un demi-siècle". À
la faveur de l’actualité – la reprise des recherches de l’épave de la Minerve, –,
l’ancien sous-marinier a accepté de la retracer de nouveau pour Midi Libre.
La Minerve…
Parmi les victimes se trouvait un Sétois, Jean-Marc Mouton, 19 ans, qui était
quartier-maître électro. "Il était le neveu d’un cheminot et crossman bien
connu à Sète", rapportait Midi Libre le 2 février 1968.
En ce début d’année 1968, Gérard Rosenthal n’a pas encore 25 ans. Il s’est
engagé dans la Marine nationale quand il en avait 18. Le 1er janvier 1965, il
étrenne ses galons de sous-marinier, commis aux vivres, dans l’Amazone, un
submersible de 400 tonnes. "Je gérais trois jours de vivres frais. Après, c’était
les conserves. On buvait de l’eau de soute avec de l’antésite, et du vin. On pou-
vait à peine se laver, sinon avec de la poudre pour bébé… Et avec toute cette
promiscuité…" Marie-José, et même Sophie, se souviennent encore de "l’odeur
pestilentielle qu’il dégageait en rentrant à la maison, mélange de graillon, de
gas-oil, de sueur…".
Mal à l‘estomac
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nerve, affecté lui aussi à la surveillance des mouvements en mer durant la
“Guerre froide”.
Gérard restera encore six mois sur l’Eurydice avant d’être déclaré inapte. Sa
carrière de sous-marinier (30 000 heures de plongée) aura duré quatre ans. De-
venu officier marinier, il est muté à l’école des mécaniciens de Saint-Mandrier
où il effectue une formation de guetteur sémaphorique. Le 4 mars 1970, il est
de service quand survient le naufrage… de l’Eurydice.
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biens au large du cap Camarat, au large de Saint-Tropez, avec ses 57 hommes,
dont le commandant de Truchis. À la différence de la Minerve, son épave a été
très tôt repérée, à 600 m de profondeur. Mais là aussi, même si l’hypothèse la
plus probable serait une collision avec un cargo tunisien, les causes du nau-
frage restent à établir.
… puis l’Eurydice
Un si long silence
Gérard quittera la Marine le 31 janvier 1971. La suite ? Une longue série de dé-
ménagements avec sa femme et leurs huit enfants, au gré de ses métiers suc-
cessifs (surtout dans l’hôtellerie), en Auvergne, dans le Var, à Aigues-Mortes,
La Grande-Motte, Balaruc, Frontignan-plage… et désormais Nizas dans le Pis-
cénois.
Premières larmes
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Gérard Rosenthal entouré de son épouse et de sa fille Sophie, qui réside à Sète.
Lors d’Escale à Sète 2018, au stand des sous-mariniers..