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Ohadata D-13-18

Sort du bail à usage professionnel en OHADA au décès du


preneur
par
Bakary TOGORA
Avocat
JURIFIS CONSULT

Jurifis, édition spéciale, n° 12, octobre 2012, p. 54

Depuis le 15 février 2011, le droit du bail commercial a, dans l’ensemble de l’espace


OHADA, connu un changement par l’entrée en vigueur d’un nouvel Acte uniforme portant
sur le droit commercial général, en remplacement de celui de 1997.

Par ce nouvel Acte uniforme, le législateur a retenu l’appellation bail professionnel en lieu et
place de celle de bail commercial. Cette nouvelle appellation s’accommode mieux avec le
contenu de cette convention dont le champ d’application qui était contenu dans l’article 69 de
l’Acte uniforme du 1997 lassait supposer qu’il ne s’agissait pas uniquement d’un bail destiné
au « commerce ».

Il est utile de rappeler que le contentieux relatif au bail à usage professionnel est désormais
dévolu à « la juridiction compétente, statuant à bref délai ». Cette précision recommande la
célérité pour tout différend relatif à ce bail, mais ne modifie en rien le partage de compétence
entre juge du fond et juge des référés, dont les domaines d’intervention demeurent soumis au
droit national de chaque Etat partie.

La durée du bail peut être déterminée ou indéterminée, selon la volonté libre du bailleur et du
preneur. S’agissant du bail à durée déterminée, le terme est celui fixé de commun accord entre
les parties, le droit au renouvellement étant acquis au preneur qui justifie avoir exploité dans
le respect des clauses du bail, l’activité prévue audit bail pendant une durée minimale de deux
ans.

Ce droit au renouvellement reste subordonné à une demande expresse du preneur, par


signification d’huissier ou notification par tout moyen permettant d’établir la réception
effective par le bailleur, dans un délai maximum de trois mois avant la date d’expiration du
bail.

La clause de « tacite reconduction » qui est insérée dans la plupart des contrats de bail
présente de sérieux risques pour le preneur dont le droit au renouvellement est acquis.

En réalité, l’intérêt de cette clause réside dans la poursuite « automatique » du bail sans que
les parties aient besoin d’une autre formalité. Aucune difficulté ne devrait se poser lorsque le
bailleur adhère à cette poursuite. En revanche, lorsque le preneur, se prévalant de cette clause,
s’abstient de formuler la demande de renouvellement au plus tard trois (03) mois avant
l’expiration du bail, il encourt la déchéance de son droit au renouvellement et peut se voir
expulser par le bailleur, même en référé.
C’est donc le caractère d’ordre public de la disposition imposant la demande expresse de
renouvellement dans le délai de trois (03) mois avant l’expiration du bail, qui empêche
l’applicabilité de la clause de « tacite reconduction » qui sera écartée en ce qu’elle sera
considérée comme « réputée non écrite ».

LES CONDITIONS DE POURSUITE DU BAIL AVEC LES HERITIERS DU


PRENEUR
La question de la fin du contrat se pose également en cas de décès ou de disparition de l’une
ou l’autre des parties contractantes.

En cas de décès du bailleur, il ressort des dispositions de l’article 78 ancien et 110 nouveau,
que le bail se poursuit de façon « automatique » entre les héritiers propriétaires et le preneur.
Dans ce cas, la loi ne subordonne la poursuite du bail à aucune autre formalité. La solution est
toute différente lorsque c’est le preneur qui décède. Dans ce cas précis, le bail peut se
poursuivre avec les conjoints, ascendants ou descendants en ligne directe du preneur décédé, à
condition qu’ils en fassent la demande expresse dans un délai de trois (03) mois à compter du
décès.

Cette solution ressort des dispositions de l’article 79 ancien repris par l’article 111 de
l’AUDCG nouveau qui indiquent qu’« en cas de décès du preneur, personne physique, le
bail se poursuit avec les conjoints, ascendants ou descendants en ligne directe, qui en ont
fait la demande au bailleur par signification d’huissier de justice ou notification par tout
moyen permettant d’établir la réception effective par le destinataire, dans un délai de
trois mois à compter du décès. »

Les mêmes dispositions précisent qu’en l’absence de toute demande dans ce délai de trois
mois, le bail est résilié de plein droit.

En cas de pluralité de demandes, le Tribunal de Commerce peut être saisi par le bailleur ou
par les héritiers eux-mêmes, afin de voir désigner le successeur dans le bail.

LES CONSEQUENCES DE L’ABSENCE DE DEMANDE DANS LE DELAI IMPOSE


Le non-respect de ce délai ou l’absence même de demande conformément aux dispositions de
l’article 111 entraîne ipso facto la déchéance du droit des héritiers, qui deviendront des
occupants sans titre ni droit.

La question qui se pose à ce sujet est de savoir s’il faut, en cas de contentieux, saisir le juge
du fond ou celui des référés.

D’emblée, il y a lieu de préciser que cette compétence matérielle n’est nullement fonction de
la nature du contrat (bail à usage professionnel), mais plutôt du problème juridique posé.

A ce niveau, la problématique de la compétence n’est pas réglée par le droit communautaire,


mais plutôt trouve solution dans le droit national, qui détermine le domaine d’intervention du
juge des référés et celui du juge du fond.

C’est pourquoi, il est très facile pour le juge des référés d’intervenir dans de telles situations,
pour ordonner l’expulsion de tels occupants, non seulement en « s’appuyant » sur les
dispositions indiquant que le défaut ou le non-respect du délai légal de la demande de
poursuite entraîne la résiliation de plein droit du contrat.
Au Mali par exemple, le domaine d’intervention du juge des référés est déterminé par les
dispositions générales de l’article 490 du Code de procédure civile, commerciale et sociale.
Les dispositions de ce texte offrent au Président de la juridiction compétente, la possibilité de
prescrire en référé des mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour
prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dès lors que le bail est résilié de plein droit, tout occupant est considéré comme un occupant
sans titre ni droit. Or, lorsque le juge est saisi dans de telles conditions, il lui incombera de
vérifier si la demande telle qu’exigée par la loi, a été faite ou a été faite dans le délai.

Au cas où il n’y a pas eu de demande ou que la demande n’a été formulée que tardivement, le
juge, après avoir constaté la résiliation du bail, doit ordonner l’expulsion de tel occupant en
termes de remise en état qui s’impose pour faire cesser le trouble manifestement illicite.

Le maintien dans les locaux en dehors de la volonté du bailleur, au cas où les héritiers n’ont
pas fait de demande de poursuite de bail, constitue une voie de fait donnant compétence au
juge des référés pour prononcer l’expulsion des héritiers.

Il est donc utile de pouvoir combiner les dispositions de l’Acte uniforme portant droit
commercial général et celles ressortissant du droit national de chaque Etat partie, pour donner
une solution adéquate.

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Jurifis Infos – n° 12, Edition spéciale – Octobre 2012, p. 54.

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