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Roch Marc Christian Kaboré à Ouagadougou, le 15 décembre 2021 © Sophie Garcia/Hans Lucas
Il n’imaginait pas finir ainsi, reclus dans une grande villa de Ouaga
2000. Il n’imaginait pas non plus que l’on oserait un jour mitrailler son
convoi. Lors de cette nuit du 23 janvier durant laquelle tout a
basculé, quatre gendarmes qui assuraient sa protection ont été
grièvement blessés. L’un d’eux a même perdu l’usage de ses jambes.
Que ce serait-il passé s’il avait été à bord de ce convoi ? Et surtout,
qu’a-t-il fait pour que des militaires osent une telle transgression ?
Ces questions, Roch Marc Christian Kaboré continue à se les poser.
:
À Lire Exclusif – Burkina Faso : l’histoire secrète du coup d’État fatal
à Kaboré
Sa chute a été aussi rapide que brutale, mais sans doute l’ancien
président éprouve-t-il une forme de soulagement. Celui, d’abord,
d’avoir évité un bain de sang. Durant les 24 heures qui ont sonné le
glas de son pouvoir, il a tout fait pour l’empêcher. Dans l’après-midi
du 23 janvier, en opposant une fin de non-recevoir aux chefs
militaires qui lui proposaient d’aller mater les putschistes. Puis, le 24
à la mi-journée, en acceptant de démissionner pour prévenir un
affrontement entre ces derniers et sa garde rapprochée.
Tout le monde voyait bien que quelque chose n’allait pas. Cela
sautait aux yeux
Au fil des mois à Kosyam, son imposante carrure avait fondue et son
visage s’était émacié. Il avait certes suivi un régime alimentaire pour
se maintenir en forme, mais beaucoup voyait dans cette importante
perte de poids le signe d’un stress intense. ‘Tout le monde voyait
bien que quelque chose n’allait pas, estime un de ses anciens
:
ministres. Cela sautait aux yeux. » Pudique, l’intéressé encaissait
sans se plaindre.
Kaboré n’ignorait rien non plus des risques de coup d’État qui le
guettaient. À la fin de l’année dernière, un officier en lequel il avait
pleine confiance l’avait même mis en garde : « M. le Président, si
vous ne limogez pas le général Gilbert Ouédraogo [le chef d’état-
major général des armées] et le colonel François Ouédraogo, vous
serez renversé par un putsch dès le mois de janvier. » Kaboré n’avait
rien fait.
Inquiétude cachée
Coups tordus
Quelqu’un d’autre aurait-il fait mieux ? Peut-être, mais pas sûr non
plus. Vu la situation sécuritaire dont il a hérité – un pays assailli par
les groupes jihadistes, une armée (très) faible, le tout après la chute
d’un régime qui a perduré 27 ans –, beaucoup auraient sans doute
connu les mêmes tourments.
Avec le recul, nombreux sont ceux qui estiment que la perte de Salif
Diallo, dès 2017, a été un vrai coup dur pour Roch Marc Christian
Kaboré. L’ancien président de l’Assemblée nationale, sorte de
« Machiavel » burkinabè capable de monter les coups les plus
tordus, était un pilier du régime. Il n’a jamais été remplacé. « Il a
probablement manqué un barbousard de sa trempe au président,
admet un de ses proches. Quelqu’un qui n’hésitait pas à faire des
coups bas pour atteindre ses objectifs. »
L’incendie d’Inata