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POLITIQUE

Affaire Martinez Zogo :


qui est Galax Yves
Landry Etoga, chargé
de l’enquête ?
C’est le secrétariat d’État camerounais à la
Défense qui a pris en main l’enquête sur
l’assassinat du rédacteur en chef
d’Amplitude FM. À sa tête, un ancien
diplomate devenu l’un des hommes les
plus redoutés de Yaoundé.
Réservé
1 février 2023 à 14:56
Par JeuneAfrique : Mathieu Olivier
Mis à jour le 1 février 2023 à 14:56
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L’affaire a ému au Cameroun et bien au-delà. Depuis


le retentissant assassinat de Martinez Zogo, la société
civile et l’opposition tout entière appellent les
autorités camerounaises à faire la lumière sur les
circonstances de la mort du journaliste de radio.
Enlevé le 15 janvier, ce dernier a été retrouvé cinq
jours plus tard sans vie, mutilé et ayant visiblement
subi des actes de torture, à quinze kilomètres de
Yaoundé.

Selon les premiers éléments de l’enquête, Martinez


Zogo a été emmené par des hommes masqués à bord
d’un pick-up alors qu’il tentait de se réfugier dans une
gendarmerie de Nkol-Nkondi, un quartier de Yaoundé.
Connu pour ses dénonciations – souvent hautes en
couleur – d’affaires politico-judiciaires, le rédacteur en
chef d’Amplitude FM, qui avait 51 ans, avait affirmé
avoir reçu des menaces.

Le SED à la manœuvre

Qui sont les commanditaires de ces individus


cagoulés, repérés par des caméras de surveillance ? À
Yaoundé, la question est sur toutes les lèvres. Selon
nos informations, la Direction générale de la sûreté
nationale (DGSN) est sur le qui-vive, son patron,
Martin Mbarga Nguelé ayant été l’une des
connaissances du défunt. À la présidence, le dossier –
sensible, s’il en est – est également suivi par un autre
influent contact du journaliste, le contre-amiral
Joseph Fouda.
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DES PREMIÈRES
CONVOCATIONS ONT ÉTÉ
LANCÉES PAR LE SED
Mais les investigations sont surtout menées à l’heure
actuelle par le secrétariat d’État à la Défense (SED),
chargé de la gendarmerie. Plusieurs personnes ont
ainsi été convoquées au SED, dont le journaliste
Xavier Messe, qui a déclaré détenir des informations
sur les menaces reçues par Martinez Zogo. Celui-ci a
été entendu dès le 30 janvier par les gendarmes
auxquels l’enquête a été attribuée. D’autres
interrogatoires sont au programme.

À la tête des services de la gendarmerie depuis 2018,


un homme se retrouve donc aujourd’hui au cœur de
l’affaire : Galax Yves Landry Etoga. Discret, réputé
efficace dans les rangs de ses troupes, le secrétaire
d’État à la Défense est l’un des hommes les plus
redoutés de la capitale, en partie en raison de la
réputation de férocité du SED, où sont détenus
certaines personnalités condamnées dans l’opération
anti-corruption Épervier, l’ancien ministre Marafa
Hamidou Yahya en tête.

Fils d’Alexis Etoga

Qui est Galax Yves Landry Etoga ? Né à Douala le 28


mars 1975 au sein d’une famille ayant ses racines
dans la région de Batchenga, dans la Lékié, il est le
fils d’un célèbre haut gradé de l’armée, Alexis Etoga.
Lors de la tentative de coup d’État de 1984, c’est ce
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dernier, alors capitaine, qui avait pris le


commandement de la base aérienne de Douala, où il
était en poste, après que ses supérieurs avaient fui.
Alors que Paul Biya risquait d’être renversé, il avait
assuré, en liaison avec le général Pierre Semengue,
l’acheminement aérien de renforts loyalistes vers la
capitale.

Devenu colonel, Alexis Etoga montera encore en


grade jusqu’à occuper la fonction de major général –
numéro deux – de l’armée de l’air, avant de prendre
sa retraite, dont il profite aujourd’hui à Yaoundé en
compagnie de son épouse d’origine polonaise. Signe
de l’influence du couple, cette dernière, consule
honoraire de Pologne au Cameroun, est aujourd’hui
membre du Cercle des amis du Cameroun (Cerac),
association ô combien politique rassemblant la plupart
des épouses de ministres et dirigée par la première
dame, Chantal Biya.

Dans les années 1980, Galax Yves Landry Etoga est


donc élevé dans la région du Littoral, où officie son
père, et débute des études à Buea, où il obtient son
baccalauréat au lycée bilingue de la ville en 1993.
Réputé très bon élève, il se lance ensuite dans des
études de sciences sociales à l’Université catholique
d’Afrique centrale de Yaoundé, puis intègre l’Institut
des relations internationales du Cameroun (Iric), dont
il sort avec un diplôme d’études supérieures
spécialisées en poche. Il entre alors, logiquement,
dans l’administration.

Proche de Ferdinand Ngoh Ngoh


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Rapidement nommé conseiller juridique au ministère


des Relations extérieures (Minrex), Galax Yves Landry
Etoga se construit une expérience dans la diplomatie
camerounaise, au sein de laquelle évolue déjà un
autre ancien de l’Iric, Ferdinand Ngoh Ngoh. À la
représentation du Cameroun auprès des Nations unies
à New York, puis à Yaoundé comme secrétaire
général à partir de 2010, ce dernier est l’une des
figures montantes du Minrex. Et le futur ministre va
prendre Galax Yves Landry Etoga, son cadet de près
de quinze ans, sous son aile.

IL FORME UN TANDEM AVEC


FERDINAND NGOH NGOH
DEPUIS PRÈS DE QUINZE ANS
Lorsque Ferdinand Ngoh Ngoh est nommé secrétaire
général de la présidence de la République (SGPR) en
décembre 2011 – sur recommandation de Martin
Belinga Eboutou, qui lui fait alors office de protecteur
–, le fils de colonel ne tarde pas à le suivre. Quelques
mois plus tard, il intègre lui-même la présidence
comme conseiller chargé de rédiger des notes de
sécurité. Bras droit du nouveau SGPR, il en devient
ensuite le secrétaire particulier. Le tandem est
constitué et assoit son autorité sur la présidence
année après année. Jusqu’à ce qu’une opportunité se
présente en 2018.

Fragilisé par des soucis de santé, le secrétaire d’État à


la Défense, Jean-Baptiste Bokam, se trouve alors sur
la sellette. Cité dans une affaire de détournement à la
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Banque internationale du Cameroun pour l’épargne et


le crédit (Bicec, dont il présidait déjà le conseil
d’administration), il est limogé sans ménagement,
officiellement pour raisons de santé et pour lui
permettre de préparer sa défense. Stratège,
Ferdinand Ngoh Ngoh saisit alors l’occasion : il
propose son jeune collaborateur de 43 ans pour le
remplacer.

Une position stratégique

La manœuvre réussit : le 2 mars 2018, Galax Yves


Landry Etoga est nommé par décret de Paul Biya
secrétaire d’État à la Défense, chargé de la
gendarmerie. L’un des postes les plus stratégiques de
l’appareil sécuritaire camerounais. Responsable des
enquêtes sensibles – en particulier celles menées
dans le cadre du Tribunal criminel spécial –, le SED
apparaît comme l’un des bras armés de l’État. Au
cœur de Yaoundé, il dispose de son propre centre de
détention, où sont encore incarcérés aujourd’hui les
anciens ministres Marafa Hamidou Yahya et Polycarpe
Abah Abah.

Depuis 2018, l’excellence de la relation entre Galax


Yves Landry Etoga – réputé discret et efficace au sein
de la gendarmerie – et Ferdinand Ngoh Ngoh ne s’est
pas démentie. Régulièrement attaqué par ses
détracteurs pour les méthodes musclées attribuées au
SED, le fils de colonel fait ainsi figure de rouage
essentiel du système mis en place par l’ambitieux
secrétaire général de la présidence, dans le cadre
d’une guerre des clans qui s’intensifie à Yaoundé à
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mesure que l’échéance de la succession de Paul Biya


se précise.

Sa luxueuse résidence de Yaoundé, située sur la route


de l’aéroport de Nsimalen, témoigne de son influence,
tout comme le ballet des dignitaires le saluant chaque
dimanche lors de l’office du monastère des
Bénédictins au sommet du mont Fébé. Ces dernières
années, Ferdinand Ngoh Ngoh a même tenté à
plusieurs reprises de favoriser son ascension,
proposant officieusement son nom pour occuper le
ministère délégué la Défense, en cas de remaniement
et de remplacement du titulaire du poste, Joseph Beti
Assomo.

Le secrétaire général de la présidence n’est pour le


moment pas parvenu à ses fins – Galax Yves Landry
Etoga restant toutefois le tout-puissant patron du
redouté SED. Depuis le camp de la gendarmerie
surplombant, en plein cœur de la capitale, le lac
municipal de Yaoundé, le voilà malgré lui en pleine
lumière, chargé d’une affaire Martinez Zogo menaçant
de mettre le feu aux poudres dans la capitale à la
faveur de théories encore non prouvées sur l’identité
des commanditaires. Une position
délicate, mais stratégique.

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