Une analyse indépendante sur la situation sécuritaire au nord Togo.

Yawovi AMOUZOU
Chercheur indépendant
Promoteur de l’Association des Jeunes Africains pour la Diplomatie et la Paix
amosamouzou@gmail.com

Juin 2023
 Une analyse indépendante sur la situation sécuritaire au nord Togo.

Au cours des dernières années, le nord du Togo a été confronté à une menace croissante
liée à l'insertion de groupes terroristes. Cette région, frontalière avec le Burkina Faso, le Bénin
et le Ghana, est devenue une zone propice aux activités terroristes en raison de sa porosité
et de sa faible présence des forces de sécurité1. Par ailleurs, depuis 2018, la menace terroriste
longtemps confinée au Sahel se répand vers les pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest. Ce risque
est devenu réel en février 2019 lors d’une attaque contre un poste mobile de douane, à Nohao,
dans la province du Boulgou au Burkina Faso, proche de la région des savanes au nord du
Togo. Pour preuve, le gouvernement togolais a déclaré un « état d’urgence sécuritaire »2 dans
la région des savanes au nord du pays le 13 juin 2022, en réponse à la première attaque
terroriste3 meurtrière de son histoire, dans la nuit du 10 au 11 à Kpékpakandi dans la
préfecture de Kpendjal. Cette mesure en dit long sur les menaces sécuritaires et sur l’intention
des groupes armés terroristes (GAT) présents au Burkina Faso voisin et plus largement au
Sahel de prendre le Togo pour cible. Ce constat a conduit à une réflexion autour des questions
ci-après : quel est le mode opératoire des GAT pour s’implanter dans le nord du Togo ?
Quelles sont les faiblesses qui pourraient faciliter leurs implantations ?

La consultation de nombreux rapports des sources sécuritaires sur la question d’une part,
certaines presses écrites et des magazines d’autre part ont permis de proposer une réponse
à la problématique posée. Cette analyse est structurée en deux parties. La première analyse
les éléments qui faciliteront des GAT et la deuxième se consacre à leurs stratégies
d’implantation et les solutions proposées.

1
https://adf-magazine.com/fr/2022/07/le-terrorisme-qui-sinfiltre-au-togo-cree-desormais-une-situation-
durgence/
2 https://issafrica.org/fr/iss-today/le-togo-a-lepreuve-de-la-menace-terroriste
3 Togo : comment Faure Gnassingbé veut combattre le terrorisme dans le Nord – Jeune Afrique
 Une analyse indépendante sur la situation sécuritaire au nord Togo.

I. LES FACTEURS FAVORISANT L’ÉTABLISSEMENT DES GAT

Les attaques terroristes dans la région des savanes, au nord du Togo inquiètent plus d’un.
Ces attaques terroristes suscitent une profonde inquiétude parmi la population. La carte
ci-dessous montre le rapprochement de cette menace aux frontières togolaise depuis
2019.

4
Carte 1 : attaque de Nohao près des frontières togolaises

1.1 La porosité des frontières sous-régionales.

La sécurité dans les pays côtiers d'Afrique de l'Ouest (Bénin, Côte d'Ivoire, Ghana et Togo)
reste instable. Le nombre d'attaques dans les régions du sud du Burkina Faso a doublé5 entre
janvier 2021 et janvier 2023, avec un pic en février 2022. Il a conduit à la fuite de nombreux
réfugiés du Burkina Faso vers le nord-est de la Côte d'Ivoire et le nord du Bénin.

4
https://issafrica.org/fr/iss-today/le-togo-a-lepreuve-de-la-menace-terroriste
5
Togo : comment Faure Gnassingbé veut combattre le terrorisme dans le Nord – Jeune Afrique
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Ainsi, entre 2021 et 2022, le nombre d'incidents sécuritaires dans les pays côtiers ont
augmenté de 139 %, atteignant un sommet en juillet 2022.6 Dans les quatre pays, 19 incidents
sécuritaires ont été enregistrés en janvier 2023, soit deux fois plus qu'en janvier 2022. Cette
augmentation a conduit à plusieurs attaques visant les civils et les forces de sécurité, des
enlèvements et l'utilisation d'engins explosifs improvisés7. La multiplication des incidents
impliquant les forces de sécurité et les civils reflète également une augmentation des tensions
entre les militaires et certaines communautés perçues comme soutenant des groupes (voir
carte ci-dessous).

Carte 2 : violence décembre-janvier en 2023

Source : ACLED

Cependant, le problème sécuritaire au Mali et au Burkina Faso suscite des déplacements

importants, ce qui préoccupe les gouvernements et les citoyens. Ils sont préoccupés par les
attaques terroristes, les débordements et les problèmes sociaux8. Les migrations pastorales
se produisent également dans la région.

En règle générale, les migrations pastorales sont considérées comme un catalyseur important
des conflits communautaires et une source potentielle du terrorisme et de ses conséquences

6 https://reliefweb.int/report/benin/outil-de-veille-multirisques-pour-les-pays-cotiers-dafrique-de-louest-benin-
cote-divoire-ghana-togo-granit-au-31-janvier-2023
7
Un engin explosif improvisé (EEI) est un type d'arme explosive non conventionnelle qui peut prendre
n'importe quelle forme et être activé de diverses manières. Ces armes tuent aussi bien les militaires que les
civils.
8 Dilly Dicko, « Au nord du Ghana, la crainte d'une contagion djihadiste », VOA Afrique,9 février 2023. Accessible sur :
https://www.voaafrique.com/a/au-nord-du-ghana-la-crainte-d-une-contagion-jihadiste/6954961.html
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(trafic, instabilité, crime). La porosité des frontières les amplifie. En 2019, le WANEP 9 a
dénombré plus de 189 points d'entrée non-officiels pour la seule frontière avec le Burkina
Faso. De quoi mettre à mal la gestion des flux dans une zone déjà vulnérable et qui, parfois,
n'est qu'un continuum social de ses voisins (voir carte ci-dessous).

Carte 3 - les routes migratoires depuis le Burkina Faso vers les pays de la sous-région

Source : OIM

1.2. Les vulnérabilités du nord du Togo

En plus de sa mitoyenneté avec des zones infiltrées, le nord du Togo présente des traits qui
rendent le terrain propice au terrorisme. Pour commencer, la situation de pauvreté et de
chômage élevée dans la région contribue à l'attraction des jeunes par ces organisations

9 Marine Jeannin, « Le Ghana s’inquiète de l’extension de la menace terroriste aux Etats côtiers du golfe de Guinée », Le
Monde Afrique, 30 mai 2022. Accessible sur https://www.lemonde.fr/afrique/article/2022/05/30/le-ghana-s-inquiete-de-
lextension-de-la-menace-terroriste-aux-etats-cotiers-du-golfe-de-guinee_6128245_3212.html
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extrémistes. Les jeunes sont particulièrement susceptibles de subir l'influence des terroristes,
qui exploitent leur désespoir pour les enrôler, en raison des perspectives d'emploi limitées et
de l'absence de programmes de développement socio-économique adéquats. Selon Ouro
Bossi Tchacondoh10, un membre officiel du CIPLEV11, « le groupe met l'accent sur les jeunes
sans emploi et insatisfaits qui sont fréquemment ciblés par l'arrivée des insurgés ». Le trafic
illégal de carburant, de piles, de vols de bétails, de cigarettes ou d'autres marchandises
provenant des ports de Lomé et Cotonou sont également inclus.

La situation géographique de la région permet aux groupes terroristes de se déplacer

facilement. Les vastes zones désertiques et boisées fournissent des endroits stratégiques où
ces groupes criminels se cachent. En outre, des porosités que présente la zone dite des trois
frontières (le Togo, le Burkina Faso et le Bénin), le nord Togo permet aux terroristes de circuler
librement et d'échapper aux forces de sécurité.

De plus, l'absence d'une présence policière adéquate au nord du Togo contribue également
à l'émergence de groupes terroristes. Les zones rurales du Togo sont isolées et sous-

10 https://adf-magazine.com/fr/2022/07/le-terrorisme-qui-sinfiltre-au-togo-cree-desormais-une-situation-
durgence/
11
Comité interministériel pour la prévention de et la lutte contre l’extrémisme violent
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protégées car les forces de sécurité sont concentrées dans les zones urbaines. Les terroristes
profitent de cette situation pour créer un vide sécuritaire et recruter de nouveaux membres.

Au vu de ce qui précède, le Togo est considéré comme une cible à la menace terroriste pour
trois raisons entre autres : la présence des GAT sur le territoire de ses voisins, des
vulnérabilités notables dans son nord frontalier et ses prises de positions face à la lutte contre
le terrorisme dans le Sahel.

II. LES STRATÉGIES DES GAT POUR S’IMPLANTER AU TOGO

L'attaque qui a visé le Togo a été signalée en novembre 2021 dans le Kpendjal, dans la
localité de Sanloaga, dans le nord du pays dont les agresseurs seraient venus de l’autre côté
de la frontière du Burkina Faso, a sonné comme un avertissement. D’abord considéré comme
terre de replis, les GAT détermineraient le nord du Togo comme une véritable cible.

2.1 Le nord Togo : une potentielle base arrière des terroristes

Le Togo est un excellent territoire de repli pour les GAT en raison de sa contiguïté avec les
zones infiltrées du Burkina Faso et du Bénin. Les terroristes utilisent les faiblesses dans la
gestion des services sécuritaire coordonnées en Afrique de l'Ouest ainsi que les liens
familiaux et religieux pour créer une base arrière de leurs actions chez les voisins12. Face à
l’ampleur de la pratique, les Nations unies n’hésite pas à parler d’«entrepôt 13 » . Le Togo est
aussi un potentiel vivier de recrutement. Ainsi, Promeditation14 évoque une stratégie active
des GAT qui a facilité le recrutement de 200 à 300 jeunes utilisés dans le Sahel15.

Les GAT utilisent les difficultés économiques dans ces régions pour effectuer ces embauches.
Le phénomène est amplifié par les informations fournies par les premiers recrus. Le groupe

12 Une analyse personnelle

13 « Selon les experts, le Ghana doit renforcer son état de préparation pour se défendre contre les attaques
terroristes », ADF, 23 août 2022. Accessible sur : https://adf-magazine.com/fr/2022/08/selon-les-experts-le-
ghana-doit-renforcer-son-etat-depreparation-pour-se-defendre-contre-les-attaques-terroristes/
14 L’association Promediation, créée initialement en 2001 pour réunir des praticiens francophones de la

négociation et favoriser les échanges d’expérience entre eux, est devenue peu à peu un outil d’appui à des
initiatives de médiation et à des processus de paix en Afrique.
15
Promediation, "The Jihadist Threat in Northern Ghana and Togo: Stocktaking and Prospects for Containing
the Expansion", Konrad Adenauer Stiftung, mars 2022. Accessible sur :
https://www.kas.de/documents/261825/16928652/The+jihadist+threat+in+northern+Ghana+and+Togo.pdf/ 24
Mutaru Mumuni Muqthar, Op. Cit.
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de soutien à l'islam et aux musulmans (JNIM), la Katiba de la Macina et leurs alliés affiliés à
Al-Qaïda, ainsi que l’état islamique au grand Sahara (l'EIGS), seraient responsables des
recrutements potentiels de jihadistes togolais qui aggravent la menace sécuritaire au Togo16.

Le JNIM a un avantage indéniable en termes d'implantation au Togo, mais la mouvance

générale peut changer les choses. La stratégie de l'EIGS consiste à étendre sa zone
d'influence au détriment d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Si le nord du Mali semble
être le centre de cette lutte, il est possible qu'il y ait une réactivation de groupes dormants au
Togo ou dans les environs. La présence de l'EIGS ne concerne pas seulement les régions du
nord du Sahel.

2.2 La Réplique togolaise face à la menace terroriste

La réponse du Togo à la menace terroriste prend trois formes primordiales : le renforcement

de la présence et des capacités de ses forces armées, une forme sociale et la coopération
internationale. Face à la pression de plus en plus poussée des GAT, le gouvernement togolais
a décidé de renforcer sa présence dans le nord du pays. Le dernier pilier de la réponse
togolaise est la coopération régionale. Le phénomène étant transnational fait de ce dernier un
aspect crucial. Ainsi, depuis 2017, sept pays d'Afrique de l'Ouest ont pris la décision de
renforcer leur coopération sur le sujet grâce à l'initiative du Ghana.

Cependant, Le gouvernement togolais prévoit d’augmenter les effectifs des Forces armées
togolaises (FAT), de 17 773 hommes actuellement, à 22 020 en 202517 et une amélioration
de l’armée et les troupes d’intervention pour un budget estimé à 9 milliards de francs CFA 18.
Aussi un plan de modernisation et de développement des infrastructures de base seraient en
cours de déploiement.

Conclusion

En somme, l’activité intense des groupes terroristes dans les pays frontaliers, principalement
au Burkina Faso et au Bénin accentue la pression sur le Togo. La pression devient plus grande
dans les régions frontalières fragilisées par des tensions communautaires et des retards de
développement. Conscients de ces vulnérabilités, les terroristes y voient le nord du Togo
comme un bassin de recrutement et un territoire de repli. Avec le temps et dans leurs

16
Une analyse personnelle
17
Togo : comment Faure Gnassingbé muscle la lutte antiterroriste – Jeune Afrique
18
Ibidem
 Une analyse indépendante sur la situation sécuritaire au nord Togo.

stratégies d’implantation, ils tenteront de mettre tout en œuvre pour s’installer durablement
dans le nord du Togo. On peut ainsi affirmer que le Togo est réellement dans l’œil du cyclone
terroriste. La menace est claire, elle s’intensifie quand les réponses peuvent paraître
insuffisantes faute de moyens et de coordination régionale.

Recommandation

Face à cette menace croissante, il est impératif que le gouvernement togolais prenne des
mesures fermes pour contrer l'insertion des groupes terroristes au nord du pays.
✓ Renforcer la présence sécuritaire dans la région, en déployant des forces de sécurité
adéquates et en améliorant la coordination avec les pays voisins pour une lutte
transfrontalière efficace contre le terrorisme ;
✓ Déployer des moyens significatifs pour lutter contre la pauvreté et le chômage au nord
du Togo. Cela implique la mise en œuvre de programmes de développement socio-
économique visant à créer des opportunités d'emploi, à améliorer l'accès à l'éducation
et à renforcer les infrastructures sociales de base ;
✓ Sensibiliser et éduquer la population sur les dangers du terrorisme . Il est important de
promouvoir des campagnes de sensibilisation pour contrer la propagande des groupes
terroristes et encourager la population à signaler toute activité suspecte aux autorités ;
✓ Créer un climat de confiance entre la population civile et les forces de l’ordre et de
sécurité sur toute l’étendue du territoire.
 Une analyse indépendante sur la situation sécuritaire au nord Togo.

REFERENCES

Arthur Banga et Lassina Diarra, « Le terrorisme au sahel : enjeux et défis de la lutte contre
une menace transnationale » in KURUKAN FUGA, La Revue africaine des lettres, des
sciences humaines et sociales, Vol. 1, n°3, Bamako, septembre 2022.

Flore Monteau et Charles Djade, « De nouveau attaqué, le Togo choisit de ne plus

communiquer », Jeune Afrique, 13 février 2023. Accessible sur :
https://www.jeuneafrique.com/1417600/politique/de-nouveau-attaque-le-togo-choisit-
de-ne-pluscommuniquer/

Kent Mensah, "A decades-long ethnic conflict in Ghana is at risk of escalation from foreign
fighters", SEMAFOR, 18 février 2023. Accessible sur :
https://www.semafor.com/article/02/17/2023/ghana-fears-burkina-faso-jihadists-
crossing-border-tojoin-old-ethnic-conflict

Promediation, "The Jihadist Threat in Northern Ghana and Togo: Stocktaking and Prospects
for Containing the Expansion", Konrad Adenauer Stiftung, mars 2022. Accessible sur
:https://www.kas.de/documents/261825/16928652/The+jihadist+threat+in+northern+
Ghana+and+Togo.pdf/

Pyalo Da-Do Nora Amedzenu-Noviekou, le Togo à l’épreuve de la menace terroriste, 30 OCT

2019. Accessible sur: https://issafrica.org/fr/iss-today/le-togo-a-lepreuve-de-la-
menace-terroriste

GRANIT, Outil de veille multirisques pour les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest: Bénin - Côte
d’Ivoire - Ghana – Togo, 31 janvier 2023. Accessible sur:
https://reliefweb.int/attachments/f8c7031c-edf9-4a55-8d1d
f495c251efca/Pays%20Cotiers_FR_Jan2023.pdf