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Baba DAKONO
La situation ne s’est guère améliorée Dans un tel contexte, la crainte pour les
depuis le dernier renouvellement du populations civiles d’être prises en
mandat de la MINUSMA. Les attaques tenaille génère un sentiment d’insécurité
ont marqué un changement quant à la continu, qui prend plusieurs formes. Le
nature de l’insécurité avec une paradigme de la lutte contre le terrorisme
diversification des modalités d’actions exhorte de plus en plus les populations et
violentes : attentats-suicides, prises les mouvements armés à un ralliement
d’otagesi, pose de mines, attaques de soit derrière des groupes d’autodéfense
bases militaires aux lance-roquettes, ou des groupes extrémistes violents. Dans
affrontements individuels à motos, certains cas, il entraîne la création et la
causant la mort d’une centaine de militarisation de milices autoproclamés -
militaires, forces nationales et ou « sous-traitants » - dans cette lutte.
internationales confonduesii et de Une atmosphère de suspicion générale
centaines de civils. Ces attaques s’est installée, avec son lot de spéculation
asymétriques complexifient les et de peur, contribuant à un dangereux
dynamiques de l’insécurité au Mali et repli sur soi et identitaire. Cet appel au
impactent fortement les populations ralliement entraîne, en outre, des
civiles, qui sont atteintes directement ou opportunismes locaux et la création de
indirectement. Par exemple entre le 1er nouveaux rapports de force qui génèrent
mars et le 18 avril 2020, près de 77 civils des abus et des violences, adossés à des
ont perdu la vie au cours d’une vingtaine stigmatisations d’ordre ethnique ainsi
d’incidents dont des affrontements liés qu’à des règlements de compte sur fond
aux conflits locaux. de rivalités anciennes (pour l’accès aux
ressources pastorales ou agricoles, par
exemple).
La difficile construction de la paix et signataires à les atteindre dans les six
les limites d’un accord obtenu au mois suivant l’investiture du président
forceps malien en septembre 2018. Le 15 octobre
de la même année, un pacte pour la paix a
L’Accord pour la paix et la réconciliation été signé par le gouvernement malien et
au Mali, près de cinq années après sa les Nations Unies. Ce document devait
signature, souffre de retards relancer la mise en œuvre de l'Accord
considérables, notamment sur les volets prévoyant notamment que les décisions
politiques/institutionnels et sécuritaires. de la médiation internationale deviennent
Le dernier rapport Mali-Mètre de la « exécutoires ». Dans la pratique, cela
Friedrich Ebert Stiftung (FES), publié en induit que les parties du Comité de suivi
novembre 2019, concernant de l'Accord pour la paix, qui ne sont pas
« l’appréciation du niveau d’avancement maliennes, peuvent imposer des décisions
de la mise en œuvre de l’Accord, en aux autres parties. Au plan national, la
termes de réformes politiques et tenue d’un dialogue national inclusif,
institutionnelles, de sécurité́ , de organisé en fin d’année 2019, avait
développement économique et de justice, également permis de pointer du doigt les
la grande majorité́ (71,8%) des insuffisances précédemment rappelées.
personnes enquêté́ (e)s estiment que le
processus n’est « pas avancé (38,7%) ou Au titre des blocages, deux points de
« pas du tout avancé » (33,1%), contre crispation essentiels demeurent. Le
un peu plus du quart (25,3%) qui estime premier est relatif à la défense et à la
le contraire. La proportion des sans sécurité, notamment sur les questions de
opinion est de 2,9%. » désarmement et de démobilisation.
L’obstacle majeur à ce niveau est la
Les nombreux atermoiements et conciliation des positions sur la question
divergencesiii autour de la mise en œuvre de l’armée reconstituée telle que prévue
de certaines dispositions, à l’exemple des par l’Accord et qu’il faudrait redéployer
réformes politiques et institutionnelles ou au Nord ainsi que le quota de
le retour de l’armée malienne à Kidal l’intégration. Ensuite, le second point de
rappellent les défis auxquels font face les friction porte sur les réformes
acteurs. institutionnelles prévues par l'Accord
pour la paix.
Dans la phase actuelle du processus, les
parties prenantes, tant nationales Les réformes visent principalement à
qu’internationales, sont unanimes sur les confier un rôle plus important aux
retards persistants dans la mise en œuvre collectivités territoriales dans
des principales dispositions prévues par l’administration de leur localité. Ainsi, il
l’Accord. Les rapports successifs de est envisagé la mise en place de conseils
l’expert indépendant, notamment celui de régionaux élus dans les dix régions du
l’année 2019, évaluait la mise en œuvre pays avec la possibilité de créer une
de l’Accord à moins de 50% du point de seconde chambre au parlement
vue de sa mise en œuvre globale. Dans sa représentative des collectivités et offrant
résolution 2423, le Conseil de sécurité ainsi une meilleure représentativité des
des Nations unies avait fixé des objectifs régions du Nord. En dépit des réticences
à atteindre, en enjoignant le des groupes armés qui voulaient une
gouvernement et les groupes armés consécration constitutionnelle de ces
réformes, certaines d’entre elles, le retour de certains déserteurs, ce sont
notamment celles relatives à la libre déjà près de 2 000 membres de ces
administration ont été prises en compte groupes qui ont rendu les armes. Ils
dans la relecture du code des collectivités rejoindront bientôt les rangs de l’armée
territoriales en octobre 2017 (LOI malienne, après une formation.
N°2017-051 DU 02 OCTOBRE 2017). Parallèlement, le processus de
Cette loi, conformément à l’esprit de décentralisation avance. A Kidal, Ménaka
l’accord pour la paix, dispose « la mise et Tombouctou, de nouvelles
en place d’une architecture administrations intérimaires ont pris le
institutionnelle fondée sur des relai, au niveau régional et local. Les
collectivités territoriales dotées transferts de ressources financières et
d’organes élus au suffrage universel et de humaines se feront progressivement et un
pouvoirs étendus ». Les autres réformes décret a été pris dans ce sens au cours du
nécessitant une révision de la premier trimestre 2019.»
constitution et suscitant l’impatience de En outre, le processus de paix souffre
certains signataires ainsi que la d’une absence d’appropriation nationale
communauté internationale, ne sont pas et d’un manque d’inclusivisité devenus
encore opérées et le projet de révision criards au fil des années. Le manque
constitutionnelle dans ce sens, avorté en d’inclusivité, dont témoigne la référence
2017 est repris par le gouvernement abusive au principe d’appropriation, s’est
depuis le début de l’année 2019. traduit sur le terrain par une
méconnaissance par les populations du
Si l’objectif de l’Accord était de poser le contenu de l’Accordv. En outre, cette
cadre général qui doit permettre aux situation a contribué à nourrir chez
parties maliennes de trouver les solutions certains le sentiment d’exclusion. Ils
durables à la crise, il convient de noter dénoncent, au passage, un accord
que d’autres défis qui ne semblent pas déconnecté des réalités, perçu comme
suffisamment être pris en compte comme une convention entre le gouvernement et
le terrorisme, les trafics, la mauvaise les groupes armés.
gouvernance, etc., sont également
apparus comme des facteurs de blocage Enfin, les problématiques du sous-
dans sa mise en œuvre. développement, de la gouvernance, de la
cohésion sociale et de la sécurité
Au niveau du gouvernement malien, des concernent toutes les communautés
avancées notoires sont présentéesiv en maliennes, au Nord comme au Sud. Ces
faveur de la mise en œuvre de l’Accord : questions, dont dépendra la résolution
« A Gao, Kidal et Tombouctou, les durable de la crise, devront être au centre
mécanismes de sécurité prévus par des débats dans le dialogue et les
l’Accord - les fameux MOC - sont négociations futures, quelle que soit la
progressivement montés en puissance, en formule adoptée. Sans occulter les retards
regroupant dans les trois villes plusieurs en matière de développement et les
centaines de soldats de l’armée malienne besoins humanitaires importants des
et de combattants issus des groupes populations du Nord, l’utilité de l’État
armés signataires. Cela a permis de doit être conçue selon une approche
lancer le processus de Démobilisation, nationale tenant compte des spécificités
Désarmement et de chaque région. Tout en répondant aux
Réintégration/Réinsertion (DDR). Avec besoins des populations vulnérables, il
importe d’éviter de créer de nouvelles MINUSMA, méritent une attention. Le
catégories d’exclus dans d’autres zones premier porte sur l’apport de la
périphériques, à l’image des régions de MINUSMA face à la croissance de
Kayes, de Koulikoro, de Mopti, de l’insécurité et le second sur la perception
Sikasso, de toutes les autres régions qui d’un parti pris de la mission des Nations
présentent des indices de développement Unies.
humain identiques ou inférieurs à ceux de
certaines régions du Nord. Sur le premier point, la présence des
forces onusiennes suscite beaucoup
Ces défis auxquels font face les acteurs et d’incompréhensions au sein des
largement soulevés par les rapports du populations. Même si globalement, une
Secrétaire général des nations Unies ainsi grande partie de l’opinion au Mali ne
que le « rapport alternatif citoyen de la semble pas satisfait du travail de la
Coalition citoyenne » traduisent le MINUSMA, ll convient de rappeler,
sentiment de nombreux acteurs nationaux toutefois, au risque de répéter une
à propos de l’Accord. Alors même qu’il évidence, que la perception sur
n’a pas fait l’objet d’une appropriation l’efficacité ou non de la mission diffère
nationale, l’Accord prévoit la mise en d’une partie du pays à l’autre. Suivant les
œuvre de réformes politiques qui sont données Mali-Mètre (Op cité), une
d’envergure nationale. Ainsi, toutes les grande majorité (77,9%) de la population
fois qu’il s’est agi de mettre en œuvre n’est pas satisfaite du travail de la
une disposition essentielle, à l’exemple MINUMA au Mali : « très insatisfaits »
de la révision constitutionnelle avortée en (60,3%) et « plutôt insatisfaits » (17,6%).
2017, les initiatives se sont butées à La proportion de la population qui se
l’opposition d’une partie importante de déclare satisfaite est de 16% dont 14% de
l’opinion nationale. Enfin, il convient de « plutôt satisfaits » et 2% de « très
rappeler que c’est avec beaucoup de satisfaits ». Plus de 6% (6,1%) sont sans
circonspection que l’Accord pour la paix, opinion. Dans les régions Taoudénit
signé en 2015, a été accueilli par une (73,8%) et de Gao (66,4%) la majorité de
bonne partie de l’opinion publique personnes interrogées dans le cadre du
malienne. Dans un tel contexte, l’une des sondage d’opinions cité s’estime satisfait
dimensions importantes de la mise en du travail de la MIMUSMA.
œuvre de l’accord devrait être la
recherche d’une appropriation nationale. Au-delà de ces statistiques, il est
important de rappeler qu’un des succès
La MINUSMA, un arbitre contesté du processus de paix dans sa phase
mais indispensable actuelle est qu’il a permis de mettre fin à
l'hostilité entre les parties signataires.
Depuis deux ans, de nombreuses voix se Ceci est une avancée sur laquelle les
sont levées au Mali pour protester contre efforts de stabilisation doivent se
la présence des forces étrangères au Mali. poursuivre sans faire l’impasse sur les
Si la présence française a cristallisé la dynamiques politiques, sociales,
vague de protestation, en toile de fond, économiques, et sécuritaires.
ces manifestations traduisaient une
lassitude au sein de l’opinion face à une Aussi, malgré la prise en compte du
guerre qui perdure. Deux éléments, centre du Mali dans la mission de la
s’agissant particulièrement de la MINUSMA, à travers la résolution 2480,
la mission n’est pas parvenue à changer groupes armés » (34,4%) et « se protéger
la perception malienne sur son apport elle-même » (25,2%).
dans la résolution de cette dimension
nouvelle dans l’insécurité au Mali. Pour En définitive, la contestation ne devrait
rappel, dans le sillage de la croissance de pas faire l’impasse sur le rôle de la
la violence dans la région de Mopti, MINUSMA dans la stabilisation du pays
l’absence des forces onusiennes avait fait à travers la fourniture des services
débat. En début d’année 2020, le sociaux de base. Elle est aussi présente
déploiement des forces onusiennes au dans des localités où la présence de l’État
Centre n’était pas effectif et sa présence malien est inconnue depuis des années.
était contestée par certaines populations C’est même la MINUSMA qui assure le
dans les cercles de Bandiagara, Bankass lien entre régions dites du Sud et du Nord
et Koro. A la base de ces à travers le transport aérien gratuit. Ces
mécontentements, se trouvent des actions qui ressemblent à une substitution
rumeurs faisant état d’une prétendue à l’État du Mali doivent rentrer dans un
implication de la force dans les cadre plus global non pas seulement de
différentes attaques des localités du restaurer l’autorité de l’État du Mali mais
plateau dogon. d’accompagner l’État du Mali à restaurer
la confiance en lui à travers la prise en
Sur le second point, l’incident autour du charge des besoins essentiels tel que ceux
départ du chef du bureau de la auxquels la MINUSMA répond
MINUSMA à Kidal, déclaré persona non aujourd’hui.
grata par les autorités maliennes, rappelle
la sensibilité de la perception de certains Le cycle infernal de représailles et
Maliens sur la neutralité de la mission. d’abus
Pour rappel, cet incident est intervenu
suite à des propos polémiques sur la ville Les opérations sécuritaires menées ces
de Kidal en décembre 2019. Lors de dernières années dans le cadre de la lutte
l'ouverture du congrès du Mouvement contre le terrorisme, intensifiées depuis le
national de libération de l'Azawad début de l’année, ont donné lieu à des
(MNLA), qui s’est tenu à Kidal, le centaines d’arrestations. Présentées
représentant de la MINUSMA a souhaité comme « la montée en puissance des
la bienvenue « invités et membres des forces armées », ces opérations musclées
délégations venues du Mali et de ont conduit à l’arrestation ou à la
l’étranger ». Cet épisode qui peut « neutralisation » de plusieurs présumés
paraître anecdotique est pourtant terroristes. Mais ces opérations ont été
révélateur d’un certain ressentiment vis- également accompagnées d’abus :
à-vis de la MINUSMA. Enfin, le dernier arrestations arbitraires, violence et
rapport Mali-Mètre notait que les allégations d’exécutions extrajudiciaires.
« reproches majeurs à la MINUSMA sont Ce climat contribue à raviver un cycle de
quasiment les mêmes que ceux de Mali- violence, où chaque abus et manquement
Mètre 10. » Ces reproches concernent « au respect des libertés et de la vie des
ne pas protéger les populations contre la populations civiles accroit le sentiment
violence des groupes armés et les d’injustice et affaiblit la marche vers la
terroristes » (54,1%), puis dans une paix et la lutte contre la violence ;
moindre mesure « être complice des violence qui, pour certains, est présentée
comme l’ultime recours de défense, en
l’absence de droits, de considération et encore du partage du pouvoir politique
d’alternative par un véritable dialogue localvi. Dans le processus de paix, les
politique. Ce cycle de la violence réformes à l’exemple de la
contribue indubitablement à la fabrique régionalisation ou encore, dans l’intérim,
de la radicalisation. la mise en place des autorités de
transition et ce qu’elle implique en
Au cours des premières semaines de juin termes de distribution du pouvoir local
2020, les organisations des droits de risque indéniablement de relancer ces
l’Homme ont rapporté des cas de tensions. Mais ce qui constitue le
tortures, de disparitions forcées et principal levier demeure le truchement
d’exécutions sommaires ayant impliqué par lequel l’État articule certaines
des militaires (FIDH et MINUSMA juin milices, plébiscitées à plusieurs reprises
2020). En juin 2017 à Boni, après qu’un pour combattre les mouvements armés
gendarme a été attaqué par de présumés rebelles. La militarisation de petits
djihadistes qui rackettaient des forains, groupes armés procédant au vol de bétails
les FAMA ont commis en représailles des et de biensvii, la circulation d’armes, les
exactions contre les civils. En mai 2018, trafics, les règlements de compte,
au marché de bétail de Boulikessi, au additionnés aux exactions sur la
moins douze civils ont été assassinés par population civile contribuent grandement
des militaires maliens membres de la à un climat grandissant d’insécurité.
force conjointe du G5 Sahel après la mort
d’un militaire. Suite à la découverte de 25 Enfin, les accusations d’abus dont les
cadavres en juin 2018, le Ministère de la autorités étatiques se seraient rendues
défense a annoncé qu’« une mission de responsables (En plus de la perception
vérification dépêchée sur le terrain par les communautés d’un État prédateur,
confirme l’existence de fosses communes les populations accusent les forces de
impliquant certains personnels FAMa défense et de sécurité d’être à l’origine
dans des violations graves ayant d’exécution extrajudiciaire et de chasse à
occasionné mort d’hommes à Nantaka et l’homme) ont entraîné des frustrations
Kobaka dans la région de Mopti ». que l’impunité récurrente a exacerbées
ultérieurement. Les groupes armés
En outre, la réactivation de conflits qualifiés de terroristes ont profité de ces
intercommunautaires dans la région de défaillances pour fustiger la « mauvaise
Taoudénit est révélatrice de la profondeur gouvernance » et la « corruption » des
des tensions et rivalités inter et intra- États, afin d’inciter les populations à se
communautaires dans certaines parties du révolter et à demander la mise en place
pays. Dans la région de Taoudenit, les d’un modèle politique et social alternatif,
tensions ont perduré jusqu’au début de inspiré de la charia.
juin et engendré des morts et des blessés.
Par le passé, les différents accords Des défis anciens avec de nouveaux
intercommunautaires, ont permis une catalyseurs
certaine accalmie mais ne résolvent pas
durablement les problèmes de fond qui Pendant quelques mois, la cristallisation
trouvent leur origine à une échelle plus de l’attention politico-médiatique autour
importante (nationale), ou réactivent de la pandémie de coronavirus a presque
d’anciens et complexes conflits autour du éclipsé les autres défis auxquels le pays
foncier, des ressources pastorales ou est confronté, notamment les défis
sécuritaires et humanitaires. Si les mécontentements s’exacerberaient avec
autorités ont été promptes à réagir, le des risques de tensions sociales pouvant
respect de certaines mesures par les déstabiliser des institutions mises à rude
populations s’est révélé problématique. épreuve par les défis économiques et
sécuritaires. Sur le plan social, les
Au cours de la première semaine du mois pouvoirs publics peinaient déjà à faire
de mai, alors que l’épidémie continuait à face à la forte demande des acteurs. Pour
se propager, l’éclatement d’émeutes rappel, au cours des trois dernières
nocturnes dans les grandes villes du pays années, tous les secteurs- y compris les
en signe de protestations, notamment plus sensibles à l’exemple de ceux de la
contre le couvre-feu instauré, est santé, de l’éducation, et de la justice- ont
révélateur des défis sous-jacents qui connu des mouvements de grève. Cette
minent le pays et mettent à rude épreuve situation va gagner de l’ampleur avec les
la riposte étatique face à la Covid-19. pertes d’emplois et la réduction des
Déjà longtemps considéré comme revenus.
l’épicentre de la crise au Sahel, le Mali a
ainsi vu remonter à la surface les En outre, selon la Banque mondiale, le
insuffisances de la gouvernance. La Covid-19 va causer une chute des
pandémie, tout en rappelant le fossé entre transferts monétaires de l’ordre de 20 %
les gouvernants et les citoyens, a mis à nu dans le monde et de 23 % en Afrique,
les dysfonctionnements dans la entraînant une récession aux
gouvernance sur lesquels prospèrent répercussions multiples. Il faut noter
d’ailleurs tous les autres défis. Qui plus qu’au Mali, les transferts d’argent de la
est, elle est révélatrice des tares dans la diaspora sont supérieurs à l’aide publique
gouvernance et particulièrement à travers au développement que le pays reçoit. Une
la gestion faite de la question sanitaire baisse de cette activité serait donc plus
avec des politiques de santé inadaptées, catastrophique que la suspension de
un manque d’infrastructures, une l’aide des pays développés. Les
diminution des ressources accordées à la difficultés à subvenir aux besoins
santé au détriment d’autres élémentaires vont s’accroitre avec un
investissements, laissant présager des risque de démultiplication de la pauvreté.
conséquences économiques et politiques
importantes. Avec des ressources limitées Les failles dans la gouvernance révélées
et une crise sécuritaire qui perdure, la par la crise de 2012 et qui seront
pandémie va affaiblir davantage la exacerbées par la gestion de la pandémie
capacité de l’État à répondre aux rappellent la fragilité du pays et le peu
exigences socio-économiques croissantes d’avancée depuis cette période. Ces
imposées par sa gestion. Elle va ainsi insuffisances pointées du doigt par les
contraindre le pays à faire face d’abord à premiers responsables du pays ainsi que
l’explosion de la demande sociale puis la crise institutionnelle, née du coup de
aux conséquences socio-économiques des force de mars 2012, sont le résultat d’une
mesures prises pour gérer la riposte. conjonction de facteurs liés, entre autres,
aux limites de la Constitution et à la
La pauvreté sera ressentie avec plus de mauvaise gouvernance. A ce niveau, la
force et une augmentation du taux des corruption apparaît comme le fléau le
personnes vulnérables est à craindre. Les plus important qui a mimé la
frustrations, les griefs et les gouvernance du pays. Le phénomène, au
fil des années, est devenu quasiment L’accès aux services sociaux de base
normal. Les formes de corruption, des reste également problématique avec plus
plus banales aux plus osées, se sont de 800 centres de santé fermés en raison
imposées dans les rapports sociaux des violences. Entre avril 2017 et
comme des pratiques d’abord tolérées décembre 2019, le nombre d’écoles
avant d’être perçues comme la voie de la fermées a été multiplié par six.
réussite. Ainsi, en guise d’exemple, des L’organisation onusienne estime que plus
dépositaires de portions de pouvoirs de huit millions d’enfants de 6 à 14 ans
publics habitant des résidences de n’y sont pas scolarisés, soit près de 55 %
fonction deviennent des fournisseurs des enfants dans le Sahel et plus
d’accès à l’électricité dans tout le quartier particulièrement au Mali : « Les acteurs
en plus des dizaines de réfrigérateurs humanitaires n’ont mobilisé que 16% des
commerciaux qui y sont alimentés. D’une fonds recherchés à travers le Plan de
façon ou d’une autre, chacun est réponse humanitaire alors que les
corrupteur quelque part et corrompu besoins humanitaires s’accroissent », fait
ailleurs. remarquer OCHA.
v
Mali-Mètre de la FES http://www.fes-mali.org/index.php/mali-metre/25-malimetre/158-presentation-de-mali-metre-xi
Rapport alternatif citoyen de la Coalition citoyenne https://sites.clas.ufl.edu/africa-sahelresearch/files/Rapport-alternatif-1.pdf
vi
Pour exemple l’encerclement militaire de la ville de Kidal par le Gatia en juin 2016, montre bien les limites des engagements
pris au cours du processus d’Anéfif.
Pour exemple, selon les observateurs humanitaires, les coupeurs de route procèdent à des vols quasi régulièrement sur l’axe
vii
Tombouctou-Goundam.
viii Iinterview au Journal télévisé de l’Office des radios télédiffusion du Mali (ORTM), le 2 mai 2020.
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ISSN : 978-99952-75-17-4