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Juin 2020

LA CRISE AU MALI EST-ELLE INSURMONTABLE ?

Baba DAKONO

Résumé exécutif et messages clés

En juin 2020, le renouvellement du contrat social qui pourrait permettre de


mandat de la Mission rétablir la stabilité au Mali.
Multidimensionnelle Intégrée des
Nations Unies pour la Stabilisation du ▪ La régionalisation de l'insécurité doit
Mali (MINUSMA) sera au cœur des orienter les décisions politiques. Le
débats au siège des Nations Unies, à New caractère régional de l’insécurité à travers
York. Ces discussions interviennent dans son expansion dans la région ouest
un contexte mondial marqué une crise africaine doit guider les réponses et ce,
sanitaire qui vient s’ajouter aux dès les phases conceptuelles. Les récentes
nombreux autres défis auxquels font face attaques dans la région du Nord de la
les acteurs nationaux maliens et leurs Côte d’Ivoire, à la frontière avec le
partenaires, au premier plan la Burkina, attribuées aux groupes
MINUSMA. Le contexte est également terroristes, illustrent cette régionalisation
marqué par la persistance de l’insécurité de la menace.
au Mali, mais également par la fragilité
du système politique ainsi qu’une crise de ▪ Privilégier le travail de fond dans le
confiance de certains maliens en processus de paix. Sur le plan de la
l’efficacité de la mission de maintien de politique de paix et de la cohésion
la paix dans laquelle les Nations Unies se nationale, il est recommandé de
sont engagées au Mali. privilégier le travail de fond plutôt que
les anciennes stratégies de ralliement et
Dans un tel contexte, les discussions sur de distribution de prébendes que certains
le renouvellement du mandat de la considèrent comme « les dividendes de la
MINUSMA doivent prendre en compte paix». Cela nécessite une plus grande
plusieurs éléments dont : implication de toutes les parties dans les
prises de décisions relatives à la mise en
▪ La stabilité au Mali va au-delà des œuvre de l’Accord. Cela implique
seules questions sécuritaires et également une aide qualitative (technique
électorales. L'instabilité politique qui notamment) des garants internationaux
résulte des récentes manifestations dans sur les questions de fond, garants qui
le pays, sur fond de fortes pressions semblent avoir démissionné des instances
sociales et politiques, est l’illustration de de suivi de l’accord.
la fragilité institutionnelle du pays. Elle
rappelle la persistance des déficits de ▪ Prendre en compte les spécificités et les
gouvernance et la nécessaire prise en rivalités locales. Si les Malien(ne)s sont
compte des frustrations et griefs des ouvert(e)s aux réformes politiques, y
communautés tant au nord qu’au sud du compris à la mise en œuvre de la
pays. Au-delà de la restauration de régionalisation, celles-ci ne doivent pas
l’autorité de l’État, c’est le renouveau du être l’occasion de raviver les tensions
locales. En outre, le transfert des
compétences ne doit pas être perçu la forte mobilisation de nombreux
comme une transmission d’autorité à acteurs. Cette crise a, en outre, révélé la
certaines communautés au détriment des fragilité du système de gouvernance du
autres. pays tant sur le plan sécuritaire
qu’institutionnel. Il faut rappeler que la
▪ Évaluer l’efficacité de l’action des recherche de solutions aux problèmes
partenaires à l’aune de la protection maliens a conduit à diverses options
des civils. Les partenaires doivent placer nationales, régionales et internationales.
la protection des populations civiles au
cœur de leurs interventions, ce qui De l’intervention militaire franco-
implique un changement de paradigme africaine, en janvier 2013, à la Mission
dans leur doctrine de contre-insurrection. Multidimensionnelle Intégrée des
Le succès des opérations ne doit plus être Nations Unies pour la Stabilisation du
mesuré uniquement par le nombre de Mali (MINUSMA) en passant par la
présumés terroristes neutralisés, mais Mission Internationale de Soutien au
aussi et surtout par le nombre de villages Mali sous conduite africaine (MISMA),
et de familles secourus. de nombreuses options ont été explorées
mais sans véritablement sortir de la crise.
Le pays, déjà vulnérable en raison de son
INTRODUCTION extrême pauvreté (23ème pays le plus
pauvre au monde selon la Banque
Le 05 juin 2020, des milliers de Malien mondiale), subit une confluence de
(ne) s, réclamant la démission du chef de menaces sécuritaires, dont des conflits
l’État, Ibrahim Boubacar Keita dit IBK, historiques entre et au sein des
se sont retrouvés dans les rues de communautés et l’émergence d’autres
Bamako. Cette manifestation qui a types de violence. Ces violences
cristallisé de nombreux mécontentements multiples et complexes sont le fait de
et frustrations (notamment l’insécurité, la divers groupes armés isolés, de
crise scolaire, l’injustice sociale) contre mouvements signataires de l’Accord pour
la gouvernance du pays est intervenue la paix et la réconciliation nationale, et de
dans un contexte de tensions. Celles-ci groupes armés terroristes. Avec des
sont nées d’abord des protestations contre répercussions directes sur les
certaines mesures adoptées dans le cadre populations, ces acteurs armés
de la riposte gouvernementale contre la entretiennent une spirale de la violence et
Covid-19 et se sont amplifiées avec la un sentiment d’injustice éloignant les
contestation des résultats définitifs des perspectives de dialogue et de paix.
élections législatives. Pourtant au-delà de A la mi-2015, la signature, à Bamako, de
ces événements qui peuvent être l’Accord pour la paix et la réconciliation
considérés comme catalyseurs, les causes nationale, constitue un tournant dans le
de la colère populaire au Mali remontent processus de paix mais la stabilité du
loin. Elles découlent pour beaucoup de pays demeure toujours problématique. Si
l’exaspération face à une crise la signature de l’accord a permis de
multidimensionnelle qui perdure depuis mettre fin à la belligérance entre les ex-
2012. rebelles et le gouvernement malien et
l’installation d’autorités intérimaires dans
Depuis janvier 2013, la crise que connaît régions du Nord ainsi que
le Mali peine à être jugulée et ce, malgré l’enclenchement du processus de
Désarmement, Démobilisation et Les tendances actuelles ou la spirale de
Réintégration/réinsertion (DDR), sa mise la violence
en œuvre connaît des difficultés, et la
stabilité du pays souffre des maux qui La situation au Mali depuis le début de la
dépassent le cadre prévu par le processus crise, en 2012, se caractérise par un
de paix. accroissement et une expansion de la
violence armée. L’insécurité, concentrée
Longtemps confinée dans le nord du dans le Nord, jusqu’à la fin 2013, s’est
pays, l’insécurité, caractérisée par la progressivement étendue au centre du
persistance de la menace liée au pays avant de toucher les pays
terrorisme, les conflits locaux ainsi que limitrophes comme le Burkina et le
des actes de banditisme, se propage Niger. La montée de l’insécurité est
depuis 2016, dans le reste du pays. En attribuée à l’exacerbation et
plus des attaques, attribuées aux l’enchevêtrement de plusieurs
terroristes, plusieurs autres facteurs phénomènes dont l’extrémisme violent,
contribuent à renforcer la persistance et la la criminalité transnationale organisée et
diffusion de cette insécurité. En outre, les les conflits locaux. En effet, les groupes
activités criminelles telles que le trafic extrémistes violents se sont multipliés
illicite et le vol à main armée, qui depuis 2015, à l’instar de la Katiba
entraînent souvent des actes de violence, Macina. De nouvelles coalitions se sont
se poursuivent sur un fond d’absence ou formées à l’image du Groupe de soutien à
de faible présence de l’État dans certaines l’islam et aux musulmans (GSIM).
localités. Et même quand c’est le cas,
l’autorité de l’État est parfois contestée. Les violences sont multiples et
complexes. Elles sont le fait de groupes
La présente note a pour objectif de mettre armés isolés, de mouvements signataires
à jour l’analyse des dynamiques de l’accord pour la paix et la
alimentant l’insécurité dans le pays ainsi réconciliation nationale, de mouvements
que le rôle de la MINUSMA dans un non signataires ayant des revendications
contexte de fortes attentes. Ce document à caractère idéologique. Elles sont
se fonde sur une analyse du contexte et également le fait des forces armées qui,
des récents développements de dans le sillage de la lutte contre le
l’environnement politico—social, des terrorisme, ont recours à des abus et des
échanges avec les acteurs et parties violations des droits humains. Ces
prenantes au processus de paix dans le multiples violences ont des répercussions
pays, une revue de la littérature sur la directes sur les populations ainsi que sur
question ainsi qu’une analyse attentive les stratégies de sortie de crise. En
des documents, notamment un corpus l’absence de traitement par le droit, elles
d’analyses externes et une revue de la génèrent des spirales de violence ainsi
presse nationale et internationale. C’est qu’un sentiment d’injustice pouvant
une réflexion qui invite ainsi les conduire à une radicalisation des
décideurs nationaux et internationaux à positions, tout en écartant les voies
adopter une lecture dynamique des endogènes de dialogue de paix.
causes, éléments moteurs et
manifestations de la violence, et à mettre
en lumière les pistes potentielles d’une
sortie de crise durable.
Évolution des incidents sécuritaires depuis 2012 (Source : Armed Conflict Location and Event
Data Project(ACLED)

Évolution de la violence depuis 2012


Nombre d'incidents sécuritaires Victimes Année
167 538 2012
227 883 2013
109 381 2014
155 428 2015
142 320 2016
424 948 2017
579 1739 2018
580 1885 2019
347 1425 2020

La situation ne s’est guère améliorée Dans un tel contexte, la crainte pour les
depuis le dernier renouvellement du populations civiles d’être prises en
mandat de la MINUSMA. Les attaques tenaille génère un sentiment d’insécurité
ont marqué un changement quant à la continu, qui prend plusieurs formes. Le
nature de l’insécurité avec une paradigme de la lutte contre le terrorisme
diversification des modalités d’actions exhorte de plus en plus les populations et
violentes : attentats-suicides, prises les mouvements armés à un ralliement
d’otagesi, pose de mines, attaques de soit derrière des groupes d’autodéfense
bases militaires aux lance-roquettes, ou des groupes extrémistes violents. Dans
affrontements individuels à motos, certains cas, il entraîne la création et la
causant la mort d’une centaine de militarisation de milices autoproclamés -
militaires, forces nationales et ou « sous-traitants » - dans cette lutte.
internationales confonduesii et de Une atmosphère de suspicion générale
centaines de civils. Ces attaques s’est installée, avec son lot de spéculation
asymétriques complexifient les et de peur, contribuant à un dangereux
dynamiques de l’insécurité au Mali et repli sur soi et identitaire. Cet appel au
impactent fortement les populations ralliement entraîne, en outre, des
civiles, qui sont atteintes directement ou opportunismes locaux et la création de
indirectement. Par exemple entre le 1er nouveaux rapports de force qui génèrent
mars et le 18 avril 2020, près de 77 civils des abus et des violences, adossés à des
ont perdu la vie au cours d’une vingtaine stigmatisations d’ordre ethnique ainsi
d’incidents dont des affrontements liés qu’à des règlements de compte sur fond
aux conflits locaux. de rivalités anciennes (pour l’accès aux
ressources pastorales ou agricoles, par
exemple).
La difficile construction de la paix et signataires à les atteindre dans les six
les limites d’un accord obtenu au mois suivant l’investiture du président
forceps malien en septembre 2018. Le 15 octobre
de la même année, un pacte pour la paix a
L’Accord pour la paix et la réconciliation été signé par le gouvernement malien et
au Mali, près de cinq années après sa les Nations Unies. Ce document devait
signature, souffre de retards relancer la mise en œuvre de l'Accord
considérables, notamment sur les volets prévoyant notamment que les décisions
politiques/institutionnels et sécuritaires. de la médiation internationale deviennent
Le dernier rapport Mali-Mètre de la « exécutoires ». Dans la pratique, cela
Friedrich Ebert Stiftung (FES), publié en induit que les parties du Comité de suivi
novembre 2019, concernant de l'Accord pour la paix, qui ne sont pas
« l’appréciation du niveau d’avancement maliennes, peuvent imposer des décisions
de la mise en œuvre de l’Accord, en aux autres parties. Au plan national, la
termes de réformes politiques et tenue d’un dialogue national inclusif,
institutionnelles, de sécurité́ , de organisé en fin d’année 2019, avait
développement économique et de justice, également permis de pointer du doigt les
la grande majorité́ (71,8%) des insuffisances précédemment rappelées.
personnes enquêté́ (e)s estiment que le
processus n’est « pas avancé (38,7%) ou Au titre des blocages, deux points de
« pas du tout avancé » (33,1%), contre crispation essentiels demeurent. Le
un peu plus du quart (25,3%) qui estime premier est relatif à la défense et à la
le contraire. La proportion des sans sécurité, notamment sur les questions de
opinion est de 2,9%. » désarmement et de démobilisation.
L’obstacle majeur à ce niveau est la
Les nombreux atermoiements et conciliation des positions sur la question
divergencesiii autour de la mise en œuvre de l’armée reconstituée telle que prévue
de certaines dispositions, à l’exemple des par l’Accord et qu’il faudrait redéployer
réformes politiques et institutionnelles ou au Nord ainsi que le quota de
le retour de l’armée malienne à Kidal l’intégration. Ensuite, le second point de
rappellent les défis auxquels font face les friction porte sur les réformes
acteurs. institutionnelles prévues par l'Accord
pour la paix.
Dans la phase actuelle du processus, les
parties prenantes, tant nationales Les réformes visent principalement à
qu’internationales, sont unanimes sur les confier un rôle plus important aux
retards persistants dans la mise en œuvre collectivités territoriales dans
des principales dispositions prévues par l’administration de leur localité. Ainsi, il
l’Accord. Les rapports successifs de est envisagé la mise en place de conseils
l’expert indépendant, notamment celui de régionaux élus dans les dix régions du
l’année 2019, évaluait la mise en œuvre pays avec la possibilité de créer une
de l’Accord à moins de 50% du point de seconde chambre au parlement
vue de sa mise en œuvre globale. Dans sa représentative des collectivités et offrant
résolution 2423, le Conseil de sécurité ainsi une meilleure représentativité des
des Nations unies avait fixé des objectifs régions du Nord. En dépit des réticences
à atteindre, en enjoignant le des groupes armés qui voulaient une
gouvernement et les groupes armés consécration constitutionnelle de ces
réformes, certaines d’entre elles, le retour de certains déserteurs, ce sont
notamment celles relatives à la libre déjà près de 2 000 membres de ces
administration ont été prises en compte groupes qui ont rendu les armes. Ils
dans la relecture du code des collectivités rejoindront bientôt les rangs de l’armée
territoriales en octobre 2017 (LOI malienne, après une formation.
N°2017-051 DU 02 OCTOBRE 2017). Parallèlement, le processus de
Cette loi, conformément à l’esprit de décentralisation avance. A Kidal, Ménaka
l’accord pour la paix, dispose « la mise et Tombouctou, de nouvelles
en place d’une architecture administrations intérimaires ont pris le
institutionnelle fondée sur des relai, au niveau régional et local. Les
collectivités territoriales dotées transferts de ressources financières et
d’organes élus au suffrage universel et de humaines se feront progressivement et un
pouvoirs étendus ». Les autres réformes décret a été pris dans ce sens au cours du
nécessitant une révision de la premier trimestre 2019.»
constitution et suscitant l’impatience de En outre, le processus de paix souffre
certains signataires ainsi que la d’une absence d’appropriation nationale
communauté internationale, ne sont pas et d’un manque d’inclusivisité devenus
encore opérées et le projet de révision criards au fil des années. Le manque
constitutionnelle dans ce sens, avorté en d’inclusivité, dont témoigne la référence
2017 est repris par le gouvernement abusive au principe d’appropriation, s’est
depuis le début de l’année 2019. traduit sur le terrain par une
méconnaissance par les populations du
Si l’objectif de l’Accord était de poser le contenu de l’Accordv. En outre, cette
cadre général qui doit permettre aux situation a contribué à nourrir chez
parties maliennes de trouver les solutions certains le sentiment d’exclusion. Ils
durables à la crise, il convient de noter dénoncent, au passage, un accord
que d’autres défis qui ne semblent pas déconnecté des réalités, perçu comme
suffisamment être pris en compte comme une convention entre le gouvernement et
le terrorisme, les trafics, la mauvaise les groupes armés.
gouvernance, etc., sont également
apparus comme des facteurs de blocage Enfin, les problématiques du sous-
dans sa mise en œuvre. développement, de la gouvernance, de la
cohésion sociale et de la sécurité
Au niveau du gouvernement malien, des concernent toutes les communautés
avancées notoires sont présentéesiv en maliennes, au Nord comme au Sud. Ces
faveur de la mise en œuvre de l’Accord : questions, dont dépendra la résolution
« A Gao, Kidal et Tombouctou, les durable de la crise, devront être au centre
mécanismes de sécurité prévus par des débats dans le dialogue et les
l’Accord - les fameux MOC - sont négociations futures, quelle que soit la
progressivement montés en puissance, en formule adoptée. Sans occulter les retards
regroupant dans les trois villes plusieurs en matière de développement et les
centaines de soldats de l’armée malienne besoins humanitaires importants des
et de combattants issus des groupes populations du Nord, l’utilité de l’État
armés signataires. Cela a permis de doit être conçue selon une approche
lancer le processus de Démobilisation, nationale tenant compte des spécificités
Désarmement et de chaque région. Tout en répondant aux
Réintégration/Réinsertion (DDR). Avec besoins des populations vulnérables, il
importe d’éviter de créer de nouvelles MINUSMA, méritent une attention. Le
catégories d’exclus dans d’autres zones premier porte sur l’apport de la
périphériques, à l’image des régions de MINUSMA face à la croissance de
Kayes, de Koulikoro, de Mopti, de l’insécurité et le second sur la perception
Sikasso, de toutes les autres régions qui d’un parti pris de la mission des Nations
présentent des indices de développement Unies.
humain identiques ou inférieurs à ceux de
certaines régions du Nord. Sur le premier point, la présence des
forces onusiennes suscite beaucoup
Ces défis auxquels font face les acteurs et d’incompréhensions au sein des
largement soulevés par les rapports du populations. Même si globalement, une
Secrétaire général des nations Unies ainsi grande partie de l’opinion au Mali ne
que le « rapport alternatif citoyen de la semble pas satisfait du travail de la
Coalition citoyenne » traduisent le MINUSMA, ll convient de rappeler,
sentiment de nombreux acteurs nationaux toutefois, au risque de répéter une
à propos de l’Accord. Alors même qu’il évidence, que la perception sur
n’a pas fait l’objet d’une appropriation l’efficacité ou non de la mission diffère
nationale, l’Accord prévoit la mise en d’une partie du pays à l’autre. Suivant les
œuvre de réformes politiques qui sont données Mali-Mètre (Op cité), une
d’envergure nationale. Ainsi, toutes les grande majorité (77,9%) de la population
fois qu’il s’est agi de mettre en œuvre n’est pas satisfaite du travail de la
une disposition essentielle, à l’exemple MINUMA au Mali : « très insatisfaits »
de la révision constitutionnelle avortée en (60,3%) et « plutôt insatisfaits » (17,6%).
2017, les initiatives se sont butées à La proportion de la population qui se
l’opposition d’une partie importante de déclare satisfaite est de 16% dont 14% de
l’opinion nationale. Enfin, il convient de « plutôt satisfaits » et 2% de « très
rappeler que c’est avec beaucoup de satisfaits ». Plus de 6% (6,1%) sont sans
circonspection que l’Accord pour la paix, opinion. Dans les régions Taoudénit
signé en 2015, a été accueilli par une (73,8%) et de Gao (66,4%) la majorité de
bonne partie de l’opinion publique personnes interrogées dans le cadre du
malienne. Dans un tel contexte, l’une des sondage d’opinions cité s’estime satisfait
dimensions importantes de la mise en du travail de la MIMUSMA.
œuvre de l’accord devrait être la
recherche d’une appropriation nationale. Au-delà de ces statistiques, il est
important de rappeler qu’un des succès
La MINUSMA, un arbitre contesté du processus de paix dans sa phase
mais indispensable actuelle est qu’il a permis de mettre fin à
l'hostilité entre les parties signataires.
Depuis deux ans, de nombreuses voix se Ceci est une avancée sur laquelle les
sont levées au Mali pour protester contre efforts de stabilisation doivent se
la présence des forces étrangères au Mali. poursuivre sans faire l’impasse sur les
Si la présence française a cristallisé la dynamiques politiques, sociales,
vague de protestation, en toile de fond, économiques, et sécuritaires.
ces manifestations traduisaient une
lassitude au sein de l’opinion face à une Aussi, malgré la prise en compte du
guerre qui perdure. Deux éléments, centre du Mali dans la mission de la
s’agissant particulièrement de la MINUSMA, à travers la résolution 2480,
la mission n’est pas parvenue à changer groupes armés » (34,4%) et « se protéger
la perception malienne sur son apport elle-même » (25,2%).
dans la résolution de cette dimension
nouvelle dans l’insécurité au Mali. Pour En définitive, la contestation ne devrait
rappel, dans le sillage de la croissance de pas faire l’impasse sur le rôle de la
la violence dans la région de Mopti, MINUSMA dans la stabilisation du pays
l’absence des forces onusiennes avait fait à travers la fourniture des services
débat. En début d’année 2020, le sociaux de base. Elle est aussi présente
déploiement des forces onusiennes au dans des localités où la présence de l’État
Centre n’était pas effectif et sa présence malien est inconnue depuis des années.
était contestée par certaines populations C’est même la MINUSMA qui assure le
dans les cercles de Bandiagara, Bankass lien entre régions dites du Sud et du Nord
et Koro. A la base de ces à travers le transport aérien gratuit. Ces
mécontentements, se trouvent des actions qui ressemblent à une substitution
rumeurs faisant état d’une prétendue à l’État du Mali doivent rentrer dans un
implication de la force dans les cadre plus global non pas seulement de
différentes attaques des localités du restaurer l’autorité de l’État du Mali mais
plateau dogon. d’accompagner l’État du Mali à restaurer
la confiance en lui à travers la prise en
Sur le second point, l’incident autour du charge des besoins essentiels tel que ceux
départ du chef du bureau de la auxquels la MINUSMA répond
MINUSMA à Kidal, déclaré persona non aujourd’hui.
grata par les autorités maliennes, rappelle
la sensibilité de la perception de certains Le cycle infernal de représailles et
Maliens sur la neutralité de la mission. d’abus
Pour rappel, cet incident est intervenu
suite à des propos polémiques sur la ville Les opérations sécuritaires menées ces
de Kidal en décembre 2019. Lors de dernières années dans le cadre de la lutte
l'ouverture du congrès du Mouvement contre le terrorisme, intensifiées depuis le
national de libération de l'Azawad début de l’année, ont donné lieu à des
(MNLA), qui s’est tenu à Kidal, le centaines d’arrestations. Présentées
représentant de la MINUSMA a souhaité comme « la montée en puissance des
la bienvenue « invités et membres des forces armées », ces opérations musclées
délégations venues du Mali et de ont conduit à l’arrestation ou à la
l’étranger ». Cet épisode qui peut « neutralisation » de plusieurs présumés
paraître anecdotique est pourtant terroristes. Mais ces opérations ont été
révélateur d’un certain ressentiment vis- également accompagnées d’abus :
à-vis de la MINUSMA. Enfin, le dernier arrestations arbitraires, violence et
rapport Mali-Mètre notait que les allégations d’exécutions extrajudiciaires.
« reproches majeurs à la MINUSMA sont Ce climat contribue à raviver un cycle de
quasiment les mêmes que ceux de Mali- violence, où chaque abus et manquement
Mètre 10. » Ces reproches concernent « au respect des libertés et de la vie des
ne pas protéger les populations contre la populations civiles accroit le sentiment
violence des groupes armés et les d’injustice et affaiblit la marche vers la
terroristes » (54,1%), puis dans une paix et la lutte contre la violence ;
moindre mesure « être complice des violence qui, pour certains, est présentée
comme l’ultime recours de défense, en
l’absence de droits, de considération et encore du partage du pouvoir politique
d’alternative par un véritable dialogue localvi. Dans le processus de paix, les
politique. Ce cycle de la violence réformes à l’exemple de la
contribue indubitablement à la fabrique régionalisation ou encore, dans l’intérim,
de la radicalisation. la mise en place des autorités de
transition et ce qu’elle implique en
Au cours des premières semaines de juin termes de distribution du pouvoir local
2020, les organisations des droits de risque indéniablement de relancer ces
l’Homme ont rapporté des cas de tensions. Mais ce qui constitue le
tortures, de disparitions forcées et principal levier demeure le truchement
d’exécutions sommaires ayant impliqué par lequel l’État articule certaines
des militaires (FIDH et MINUSMA juin milices, plébiscitées à plusieurs reprises
2020). En juin 2017 à Boni, après qu’un pour combattre les mouvements armés
gendarme a été attaqué par de présumés rebelles. La militarisation de petits
djihadistes qui rackettaient des forains, groupes armés procédant au vol de bétails
les FAMA ont commis en représailles des et de biensvii, la circulation d’armes, les
exactions contre les civils. En mai 2018, trafics, les règlements de compte,
au marché de bétail de Boulikessi, au additionnés aux exactions sur la
moins douze civils ont été assassinés par population civile contribuent grandement
des militaires maliens membres de la à un climat grandissant d’insécurité.
force conjointe du G5 Sahel après la mort
d’un militaire. Suite à la découverte de 25 Enfin, les accusations d’abus dont les
cadavres en juin 2018, le Ministère de la autorités étatiques se seraient rendues
défense a annoncé qu’« une mission de responsables (En plus de la perception
vérification dépêchée sur le terrain par les communautés d’un État prédateur,
confirme l’existence de fosses communes les populations accusent les forces de
impliquant certains personnels FAMa défense et de sécurité d’être à l’origine
dans des violations graves ayant d’exécution extrajudiciaire et de chasse à
occasionné mort d’hommes à Nantaka et l’homme) ont entraîné des frustrations
Kobaka dans la région de Mopti ». que l’impunité récurrente a exacerbées
ultérieurement. Les groupes armés
En outre, la réactivation de conflits qualifiés de terroristes ont profité de ces
intercommunautaires dans la région de défaillances pour fustiger la « mauvaise
Taoudénit est révélatrice de la profondeur gouvernance » et la « corruption » des
des tensions et rivalités inter et intra- États, afin d’inciter les populations à se
communautaires dans certaines parties du révolter et à demander la mise en place
pays. Dans la région de Taoudenit, les d’un modèle politique et social alternatif,
tensions ont perduré jusqu’au début de inspiré de la charia.
juin et engendré des morts et des blessés.
Par le passé, les différents accords Des défis anciens avec de nouveaux
intercommunautaires, ont permis une catalyseurs
certaine accalmie mais ne résolvent pas
durablement les problèmes de fond qui Pendant quelques mois, la cristallisation
trouvent leur origine à une échelle plus de l’attention politico-médiatique autour
importante (nationale), ou réactivent de la pandémie de coronavirus a presque
d’anciens et complexes conflits autour du éclipsé les autres défis auxquels le pays
foncier, des ressources pastorales ou est confronté, notamment les défis
sécuritaires et humanitaires. Si les mécontentements s’exacerberaient avec
autorités ont été promptes à réagir, le des risques de tensions sociales pouvant
respect de certaines mesures par les déstabiliser des institutions mises à rude
populations s’est révélé problématique. épreuve par les défis économiques et
sécuritaires. Sur le plan social, les
Au cours de la première semaine du mois pouvoirs publics peinaient déjà à faire
de mai, alors que l’épidémie continuait à face à la forte demande des acteurs. Pour
se propager, l’éclatement d’émeutes rappel, au cours des trois dernières
nocturnes dans les grandes villes du pays années, tous les secteurs- y compris les
en signe de protestations, notamment plus sensibles à l’exemple de ceux de la
contre le couvre-feu instauré, est santé, de l’éducation, et de la justice- ont
révélateur des défis sous-jacents qui connu des mouvements de grève. Cette
minent le pays et mettent à rude épreuve situation va gagner de l’ampleur avec les
la riposte étatique face à la Covid-19. pertes d’emplois et la réduction des
Déjà longtemps considéré comme revenus.
l’épicentre de la crise au Sahel, le Mali a
ainsi vu remonter à la surface les En outre, selon la Banque mondiale, le
insuffisances de la gouvernance. La Covid-19 va causer une chute des
pandémie, tout en rappelant le fossé entre transferts monétaires de l’ordre de 20 %
les gouvernants et les citoyens, a mis à nu dans le monde et de 23 % en Afrique,
les dysfonctionnements dans la entraînant une récession aux
gouvernance sur lesquels prospèrent répercussions multiples. Il faut noter
d’ailleurs tous les autres défis. Qui plus qu’au Mali, les transferts d’argent de la
est, elle est révélatrice des tares dans la diaspora sont supérieurs à l’aide publique
gouvernance et particulièrement à travers au développement que le pays reçoit. Une
la gestion faite de la question sanitaire baisse de cette activité serait donc plus
avec des politiques de santé inadaptées, catastrophique que la suspension de
un manque d’infrastructures, une l’aide des pays développés. Les
diminution des ressources accordées à la difficultés à subvenir aux besoins
santé au détriment d’autres élémentaires vont s’accroitre avec un
investissements, laissant présager des risque de démultiplication de la pauvreté.
conséquences économiques et politiques
importantes. Avec des ressources limitées Les failles dans la gouvernance révélées
et une crise sécuritaire qui perdure, la par la crise de 2012 et qui seront
pandémie va affaiblir davantage la exacerbées par la gestion de la pandémie
capacité de l’État à répondre aux rappellent la fragilité du pays et le peu
exigences socio-économiques croissantes d’avancée depuis cette période. Ces
imposées par sa gestion. Elle va ainsi insuffisances pointées du doigt par les
contraindre le pays à faire face d’abord à premiers responsables du pays ainsi que
l’explosion de la demande sociale puis la crise institutionnelle, née du coup de
aux conséquences socio-économiques des force de mars 2012, sont le résultat d’une
mesures prises pour gérer la riposte. conjonction de facteurs liés, entre autres,
aux limites de la Constitution et à la
La pauvreté sera ressentie avec plus de mauvaise gouvernance. A ce niveau, la
force et une augmentation du taux des corruption apparaît comme le fléau le
personnes vulnérables est à craindre. Les plus important qui a mimé la
frustrations, les griefs et les gouvernance du pays. Le phénomène, au
fil des années, est devenu quasiment L’accès aux services sociaux de base
normal. Les formes de corruption, des reste également problématique avec plus
plus banales aux plus osées, se sont de 800 centres de santé fermés en raison
imposées dans les rapports sociaux des violences. Entre avril 2017 et
comme des pratiques d’abord tolérées décembre 2019, le nombre d’écoles
avant d’être perçues comme la voie de la fermées a été multiplié par six.
réussite. Ainsi, en guise d’exemple, des L’organisation onusienne estime que plus
dépositaires de portions de pouvoirs de huit millions d’enfants de 6 à 14 ans
publics habitant des résidences de n’y sont pas scolarisés, soit près de 55 %
fonction deviennent des fournisseurs des enfants dans le Sahel et plus
d’accès à l’électricité dans tout le quartier particulièrement au Mali : « Les acteurs
en plus des dizaines de réfrigérateurs humanitaires n’ont mobilisé que 16% des
commerciaux qui y sont alimentés. D’une fonds recherchés à travers le Plan de
façon ou d’une autre, chacun est réponse humanitaire alors que les
corrupteur quelque part et corrompu besoins humanitaires s’accroissent », fait
ailleurs. remarquer OCHA.

Ensuite, au plan humanitaire, des Par ailleurs, l’impact sur la production


millions de personnes sont déjà en agricole serait important. Les mesures
situation d’insécurité alimentaire dans la restrictives prises pour faire face à la
région du Sahel, selon le Bureau de la pandémie comme le couvre-feu, décrété
coordination des affaires humanitaires dans la plupart des pays, et la réduction
des Nations unies (OCHA). De plus, de la mobilité des populations, vont
l’extrême pauvreté reste un mal affecter durement les productions
endémique dans la région où plus de 1,3 agricoles dans un contexte d’insécurité
million de personnes, selon OCHA, ont alimentaire. La Banque mondiale indique
dû quitter leur pays. Depuis 2015, la que « (…) la production agricole
dégradation de l’environnement pourrait, surtout lors de la prochaine
humanitaire reste fortement visible au campagne, pâtir de la désorganisation du
centre et au nord du Mali où des régions commerce et des difficultés dans la
comme Ségou, Mopti, Gao et Ménaka distribution des intrants (engrais,
sont significativement affectées. Alors pesticides et main-d’œuvre). Les
que les attaques des groupes extrémistes problèmes touchant les chaînes
se multiplient avec son lot de perte en d’approvisionnement ont déjà fragilisé
vies humaines et de destruction des biens, les exportations de produits périssables
les conflits locaux s’intensifient de certaines économies émergentes et en
également. Les chiffres de Armed développement, comme les fleurs, les
Conflict Location and Event Data Project fruits et les légumes. » Cette hypothèse
(ACLED) sont assez éloquents pour est corroborée par les déclarations du
décrire l’ampleur de cette situation : au président de la coopérative des
total, une centaine d’incidents impliquant producteurs de mangues au Mali, qui
divers groupes socio-professionnels sont estime une perte de plusieurs milliers de
évoqués. Ces incidents ont fait plus de francs due aux limites dans le
400 victimes en 2019 et au cours du transportviii.
premier trimestre 2020.
Enfin, dans un contexte marqué par une
expansion de l’influence des groupes
qualifiés de terroristes, la gestion de la amélioration de la gouvernance dans le
crise risque de renforcer les logiques pays, l’adoption d’une vision holistique
d’association avec les groupes des de sortie de crise, qui, loin de pouvoir
membres de certaines communautés. régler les conséquences des problèmes,
Pour défendre les intérêts de certaines pourra certainement en réduire les
communautés contre certains segments impacts dans l’immédiat et poser les
de populations sédentaires avec bases d’une résolution durable dans le
lesquelles elles sont en compétition pour long terme.
l’utilisation des terres, certains groupes
armés sont soupçonnés de servir de Dans un tel contexte, les exigences
blanchisseuses pour d’anciens imposées aux forces armées pour bien
combattants. performer dans la lutte contre les groupes
extrémistes conduisent à une montée en
Finalement, la prévention d’une crise puissance militaire qui conduit souvent à
politique dans un contexte de pandémie des abus. L'interdépendance des forces
va au-delà du maintien de la seule armées opérant au Sahel appelle une
élection des députés. Ce renouvèlement éthique d'action commune. Les bévues
de l’Assemblée nationale doit être commises par les armées nationales ou
l’occasion d’insuffler une nouvelle une coalition d’armées peuvent avoir un
dynamique au travail parlementaire. Pour impact sur les efforts de la MINUSMA
ne pas donner l’impression que des pour stabiliser le Mali. Ces abus
« risques inutiles » ont été pris pour leur alimentent les tensions entre les FDS et
installation, les députés devront faire en certaines communautés et contribuent à
sorte que leur travail soit utile au peuple affaiblir davantage leurs relations avec
et non un blanc-seing aux actes du l'État. Finalement, le Mali demeure
gouvernement. encore dans la fragilité, les discussions
actuelles, dans le souci d’aboutir à des
CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS solutions durables doivent prendre en
compte les recommandations ci-dessous.
A travers les crises, les sociétés se
développent, s’adaptent et se 1. Régler les problèmes de fond. Ces
transforment afin de permettre à un questions de fonds renvoient notamment
nouvel équilibre de s’établir. Ces à la définition des futures prérogatives
mutations impliquent des changements de des conseils régionaux. Elles renvoient
mentalité et de conduite. Ainsi, à travers également au statut de Kidal, notamment
les enseignements de la crise, il ressort du point de vue de la présence de
l’utilité de faire un travail de fond sur le l’administration et des forces de défense.
renouveau de la gouvernance dans le Toutes les parties signataires de l’accord
pays. ont engagé leurs responsabilités à faire
avancer les conditions de vies des
Lutter contre les crises qui sévissent au populations et l’intérêt collectif. À ce
Mali, qu’elles soient politiques, titre, il est recommandé de privilégier le
sécuritaires ou sanitaires, nécessite, en travail de fond plutôt que les anciennes
plus des efforts déployés pour le court stratégies de ralliement clientéliste et de
terme, de s’attaquer aux facteurs distributions de prébendes, que certains
structurels qui les sous-tendent. Cela ne considèrent comme « les dividendes de la
pourrait se faire qu’à travers une paix ». Cela nécessite une plus grande
implication de toutes les parties dans les 3. Rééquilibrer l’accès au droit, aux
prises de décisions relatives à la mise en victimes isolées et anonymes. Cette
œuvre de l’Accord. Cette considération doit rigoureusement éviter
recommandation implique également une les récupérations partisanes dont peuvent
aide qualitative (technique notamment) faire usages certains acteurs politiques.
des garants internationaux sur les De la même façon les victimes doivent
questions de fond, garants qui semblent être dans leur pleine liberté de choisir le
avoir démissionné des instances de suivi pardon ou d’engager un recours en
de l’accord. Dans ce contexte de grande justice.
fragilité que connaît le Mali, ces débats
de fond nécessitent un espace de dialogue 4. Engager des solutions de paix en
continu. Enfin, La clé de toute adéquation avec le contexte historique
perspective institutionnelle réside dans du pays y compris au niveau du
l’identification claire des problèmes, les modèle de gouvernance. Cela implique
leviers d’actions, une méthodologie claire une plus grande considération tant de la
et une démarche inclusive. diversité que des spécificités du Mali. La
communauté internationale doit être à
2. Renforcer et élargir le dialogue de l’écoute de ces spécificités et cesser de
paix. Le dialogue devrait être considéré conditionner son aide à des modèles de
dans sa dimension holistique. Le gestion qui lui sont propres. À contrario,
cantonner au registre performatif les ressorts historiques et dits
communautaire ou à un seul niveau de « traditionnels » ne doivent pas
l’échelle du conflit renforce les uniquement être des habillages ponctuels
déséquilibres, crée de nouvelles marges à l’usage d‘intérêts politiques. La pleine
de violence, enfin limite son impact sur mesure de cet héritage implique de lui
les possibilités de construire une paix redonner ses capacités et sa dimension
véritable. L’ouverture du dialogue induit holistique notamment en terme de
ainsi d’accepter de discuter avec les gouvernance et de régulation de la
groupes armés non signataires, y compris violence.
les parias, et cela afin de multiplier les
chances de réduire la violence et les
frustrations qui se construisent chaque
jour.
Baba Dakono, Secrétaire exécutif de
l’Observatoire citoyen sur la
gouvernance et la sécurité
Notes
i
Il faut signaler dans ce registre l’enlèvement du chef de file de l’opposition malienne, l’honorable Soumaïla Cissé, le 25 mars
2020 alors qu’il était en campagne pour les élections législatives dans le cercle de Niafunké (région de Tombouctou).
ii
Au cours de l’année 2015, une cinquantaine de soldats maliens ont été tués lors d’attaques perpétrées par des mouvements
djihadistes (82 soldats tués au total pour l’année 2015) : (http://maliactu.net/mali-voeux-des-forces-armees-et-de-securite-plus-
de-moyens-plus-de-vigilance-plus-de-discipline/ Du côté de la MINUSMA : en mars 2015, les Nations Unies comptait 35
casques bleus tués au cours des 78 attaques subies, 22 casques bleus tués depuis (dont 11 en 2016 suite à des attaques dans la
région de Kidal), soit 57 au total. L’opération Barkhane a compté quant à elle 13 officiers tués lors d’attaques.
iii
Des manifestations contre la loi sur les autorités intérimaires ont eu lieu à Bamako le 10 mai 2016, puis en juillet dans la
localité de Gao.
iv
Intervention de M Jean-Yves Le Drian, Ministre de l’Europe et des Affaires Étrangères
Conseil de sécurité - 29 mars 2019

v
Mali-Mètre de la FES http://www.fes-mali.org/index.php/mali-metre/25-malimetre/158-presentation-de-mali-metre-xi
Rapport alternatif citoyen de la Coalition citoyenne https://sites.clas.ufl.edu/africa-sahelresearch/files/Rapport-alternatif-1.pdf
vi
Pour exemple l’encerclement militaire de la ville de Kidal par le Gatia en juin 2016, montre bien les limites des engagements
pris au cours du processus d’Anéfif.

Pour exemple, selon les observateurs humanitaires, les coupeurs de route procèdent à des vols quasi régulièrement sur l’axe
vii

Tombouctou-Goundam.

viii Iinterview au Journal télévisé de l’Office des radios télédiffusion du Mali (ORTM), le 2 mai 2020.

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ISSN : 978-99952-75-17-4

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