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Les critères de sélection

Pour figurer sur la Liste du patrimoine mondial, les sites doivent avoir une valeur universelle
exceptionnelle et satisfaire à au moins un des dix critères de sélection.
Ces critères sont expliqués dans les Orientations devant guider la mise en œuvre de la
Convention du patrimoine mondial qui est, avec le texte de la Convention, le principal outil de
travail pour tout ce qui concerne le patrimoine mondial. Les critères sont régulièrement
révisés par le Comité pour rester en phase avec l'évolution du concept même de patrimoine
mondial.
Jusqu'à la fin de 2004, les sites du patrimoine mondial étaient sélectionnés sur la base de six
critères culturels et quatre critères naturels. Avec l'adoption de la version révisée des
Orientations, il n'existe plus qu'un ensemble unique de dix critères.

Critères de sélection
(i)
   représenter un chef-d'œuvre du génie créateur humain ;
(ii)
  témoigner d'un échange d'influences considérable pendant une période donnée ou dans une
aire culturelle déterminée, sur le développement de l'architecture ou de la technologie, des arts
monumentaux, de la planification des villes ou de la création de paysages ;
(iii)
apporter un témoignage unique ou du moins exceptionnel sur une tradition culturelle ou une
civilisation vivante ou disparue ;
(iv)
offrir un exemple éminent d'un type de construction ou d'ensemble architectural ou
technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l'histoire
humaine ;
(v)
être un exemple éminent d'établissement humain traditionnel, de l'utilisation traditionnelle du
territoire ou de la mer, qui soit représentatif d'une culture (ou de cultures), ou de l'interaction
humaine avec l'environnement, spécialement quand celui-ci est devenu vulnérable sous
l'impact d'une mutation irréversible ;
(vi)
être directement ou matériellement associé à des événements ou des traditions vivantes, des
idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle
exceptionnelle (Le Comité considère que ce critère doit préférablement être utilisé en
conjonction avec d'autres critères) ;
(vii)
représenter des phénomènes naturels ou des aires d'une beauté naturelle et d'une importance
esthétique exceptionnelles ;
(viii)
être des exemples éminemment représentatifs des grands stades de l'histoire de la terre, y
compris le témoignage de la vie, de processus géologiques en cours dans le développement
des formes terrestres ou d'éléments géomorphiques ou physiographiques ayant une grande
signification ;
(ix)
être des exemples éminemment représentatifs de processus écologiques et biologiques en
cours dans l'évolution et le développement des écosystèmes et communautés de plantes et
d'animaux terrestres, aquatiques, côtiers et marins ;
(x)
contenir les habitats naturels les plus représentatifs et les plus importants pour la
conservation in situ de la diversité biologique, y compris ceux où survivent des espèces
menacées ayant une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de la science ou de la
conservation.
  Critères culturels Critères naturels
Orientations 2002 (i) (ii) (iii) (iv) (v) (vi) (i) (ii) (iii) (iv)
Orientations 2005 (i) (ii) (iii) (iv) (v) (vi) (viii) (ix) (vii) (x)
La protection, la gestion, l'authenticité et l'intégrité des biens sont également des
considérations importantes. Depuis 1992, les interactions majeures entre les hommes et le
milieu naturel sont reconnues comme constituant des paysages culturels.
En complément (2)
La Liste Propositions d'inscription à la liste du patrimoine mondial
Décisions (10)
32COM 8B.46 Révision des critères des biens inscrits sur la liste du Patrimoine Mondial
(2008) expand_more
30COM 8D.1 Révision des critères des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial
conformément aux orientations (2005) (2006) expand_more
30COM 8D.2 Révision des critères des biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial
conformément aux orientations (2005) (2006) expand_more
07EXTCOM 4A (2004) expand_more
06EXTCOM 5.4 Nouveau système de numérotation (i) à (x) des critères réunis
(2003) expand_more
21COM VIII.11 Invitation à l'organe consultatif à réexaminer les critères relatifs à
l'inscription de biens culturels (1997) expand_more
21COM VIII.11 Réexamination des critères relatifs à l'inscription de biens culturels et de
l'authenticité (1997) expand_more
17COM XVI.1-6 Examen de l’application des critères culturels révisés des Orientations pour
l’inclusion de paysages culturels sur la Liste du patrimoine mondial (1993) expand_more
03COM XI.36 (1979) expand_more
03COM XI(b).37 (1979) expand_more

https://www.leaders.com.tn/article/32687-djerba-demain-une-vision-strategique-pour-un-developpement-durable-integre-inclusif-
2022-2035
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2 | 2018
Patrimoine, environnement et développement : sens et contresens pour l’espace rural en
Afrique

Deux représentations contradictoires d’un mode de vie


insulaire. Patrimoine ou habitat sur l’île de Djerba en Tunisie ?
Two contradictory representations of an island lifestyle.  Heritage or habitation on the island of
Djerba in Tunisia?
Mathilde Bielawski
https://doi.org/10.4000/belgeo.23941
Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Illustrations | Citation | Auteur

RÉSUMÉS

FRANÇAISENGLISH
Dans cet article seront évoquées deux approches différentes concernant un mode d’occupation du
sol insulaire, celui du menzel  et du houch sur l’île de Djerba en Tunisie. Le menzel est une
exploitation comprenant toutes les activités agricoles et d’élevage ainsi que l’habitat, le houch, de
la famille qui y vit et travaille. Depuis les années 1960 et l’avènement du tourisme de masse, cette
forme d’habitat est en constante mutation. Il s’agira ici de comprendre les points de vue de
certains habitants et propriétaires de ces lieux qui louent et participent au développement
économique et de l’habitat de l’île, à celui des acteurs locaux investis dans la protection du
patrimoine local. A travers l’Association pour la Sauvegarde de l’Île de Djerba (Assidje), ces
derniers dénoncent la destruction et la disparition d’un mode de vie et d’occupation du sol,
considéré patrimoine culturel, et entraînant, d’après eux, une défiguration de l’environnement
insulaire. L’objectif est de confronter deux perceptions du mode d’occupation du sol, qu’est celui
du menzel et du houch, afin d’en extraire les problématiques et les enjeux liés à sa gestion.
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ENTRÉES D’INDEX

Mots-clés : 
île de Djerba, Tunisie, mode d’occupation du sol, patrimoine culturel, exploitation
agricole, habitat, mutations urbanistiques, mutations architecturales, développement économique et
social
Keywords: 
island of Djerba, Tunisia, land use mode, cultural Heritage, family farming, habitation, urban
transformations, architectural transformations, economic and social development
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PLAN

Introduction
Mutation d’un mode d’occupation du sol
Présentation des deux éléments constitutifs du mode d’occupation du sol à Djerba que sont le menzel  et
le houch
Changements urbanistiques des pratiques et des modes de vie au sein du menzel et
du houch depuis les années 1960
Les raisons de ces mutations
Enclavement et désenclavement
L’immigration, l’émigration et le tourisme de masse
Les problèmes de l’héritage et le morcellement des houchs
Deux représentations différentes du patrimoine et de l’habitat
Le patrimoine des normes internationales
La notion occidentale du patrimoine confondue avec l’activité touristique
Conclusion : La question du devenir et de la gestion du « patrimoine »

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TEXTE INTÉGRAL
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Introduction
 1 Recensement de 2014 effectué par l'Institut National de la Statistique de Tunisie : http://census.i (...)

 2 Documentation de l'Assidje.

 3 Plus de précisions sur le site de l'Unesco: http://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/5686/ [consu (...)

 4 La liste indicative reprend tous les biens que chaque État partie veut proposer pour une inscriptio (...)

1L’île de Djerba a été l’objet de nombreuses descriptions dans la littérature (Flaubert, 1862 ;
Berard, 2002) et pour en comprendre le contexte historique, économique et social actuel, il est
nécessaire de remonter à l’élection présidentielle du 25 juillet 1957. Plus d’un an après
l’indépendance de la Tunisie, Habib Bourguiba est proclamé président de la nouvelle République
tunisienne et durant ses trente années au pouvoir, il entama un grand programme de plans de
modernisation du pays et Djerba n’y échappa pas (Tlatli, 1967). Ainsi la construction de plusieurs
établissements touristiques sur la côte nord-est fut lancée, avec des répercussions sur l’urbanisme,
la densité urbaine, l’aspect foncier et le tissu social de Djerba. Dans les années 1980, un plan
d’aménagement introduit un nouvel enjeu : il fallait augmenter la capacité d’accueil des lits pour
s’adapter au phénomène du tourisme international (Bernard, 2002 ; Miossec, 1996 ; Mzabi, 1978).
Seulement, l’accroissement d’unités hôtelières eut comme conséquence une augmentation du
personnel en charge de celles-ci, et ce fut en grande partie des continentaux qui vinrent travailler
dans ce secteur et s’installer sur l’île. Dans les années 1970, furent comptés environ 70 000
habitants (Tmarzizet, 1997), pour arriver à environ 164 000 habitants en 2014 1. Le tourisme de
masse devenant la principale source d’activité de l’île, l’activité agricole fut en partie modifiée (avec
plus d’importations du continent) ; la pêche (mécanisation des outils), les métiers traditionnels
n’eurent plus la même importance (poterie, vannerie, tissage, etc.), de même que le mode
d’occupation du sol du menzel et du houch, si spécifique de Djerba selon les acteurs locaux de la
sauvegarde du patrimoine. Ces mutations ne touchaient pas uniquement les zones les plus
urbanisées et tendaient à toucher toute la surface de l’île. C’est dans ce contexte de mutations
qu’un groupe d’habitants décida de créer un lieu afin «  d’œuvrer dans tous les domaines et par
tous les moyens au développement harmonieux de l’île de Djerba, en vue d’assurer la Sauvegarde
de son caractère original et authentique 2. Ainsi fut créée, en 1976, l’Association pour la
Sauvegarde de l’Île de Djerba (Assidje). En 1992, cette même association tenta d’inscrire Djerba
sur la liste du patrimoine mondial mais, d’après ses membres, le projet ne se concrétisa pas par
manque d’investissement au niveau national. Le dossier fut relancé par la délégation permanente
de Tunisie auprès de l’UNESCO le 17 février 2012 3 en plaçant l’île de Djerba sur la liste indicative
du patrimoine mondial4. Suite à cette relance, le comité de pilotage de l’Assidje en lien avec l’État
tunisien entama la constitution du dossier d’inscription. Le critère choisi pour ce projet est la
spécificité du mode d’occupation du sol du menzel et du houch  ainsi que d’autres éléments
associés à la production agricole, artisanale et à la dimension religieuse (huileries, ateliers de
tissages, mosquées, etc.).

 5 http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property/unesco-databas  (...)

 6 http://whc.unesco.org/fr/apropos/ [consulté le 10 septembre 2017].

2Dans cet article, nous allons traiter une problématique liée à la sauvegarde du patrimoine, en
distinguant celui perçu et mis en avant dans la société occidentale, du turâth (« patrimoine  » en
arabe) (Bacha, 2011). Le turâth exprimerait un héritage basé sur les savoir-faire, les modes de vie,
donc ce qui se rapporte à l’ancienne façon de faire, à la différence du patrimoine tel que défini par
l’Unesco, qui fait une distinction entre patrimoine culturel, matériel, immatériel et naturel 5, et
représente « un héritage passé dont nous profitons aujourd’hui et que nous transmettons aux
générations futures  »6.  Certains auteurs appellent ainsi cette démarche de «  patrimoine de
l’inventaire  ». Dans cette démarche, le patrimoine tend à être standardisé, dans le but de définir
celui-ci à travers des critères dans lesquels il doit se conformer. De cette manière, à la fin du
processus, il devient un objet patrimonial à part entière (Heinich, 2009). Dans ce cadre, la question
suivante peut-être posée : pouvons-nous appliquer à Djerba la notion de patrimoine telle qu’elle
est présentée à l’heure actuelle dans le monde occidental ? (Davallon, 2006). Pour y répondre, se
concentrer sur «  les vocabulaires locaux du patrimoine » devient inévitable (Bondaz et al., 2015),
afin d’en ressortir les problématiques et les enjeux liés à la définition et à la gestion d’un objet
patrimonial en devenir.

3Ainsi l’objectif est de rendre compte du caractère polysémique de la perception du patrimoine. En


nous appuyant sur les descriptions des spécificités de l’habitat et de l’espace agricole, et de leurs
mutations depuis les années 60, il s’agira de comprendre pour quelles raisons ces derniers sont
considérés par les acteurs investis dans la sauvegarde du patrimoine local comme objet patrimonial
en danger, alors même que ce mode de vie semble être considéré comme obsolète et délaissé par
les habitants et propriétaires de ces lieux. L’article se terminera sur l’analyse des discours en
s’appuyant sur une vingtaine d’entretiens et rencontres effectués en 2015 sur le terrain auprès
d’habitants et propriétaires de ces lieux portant exclusivement sur l’espace agricole du menzel et
de l’habitation principale, le houch, ainsi qu’auprès des membres de l’Assidje autour de ce qu’ils
appellent le «  patrimoine culturel traditionnel de Djerba  ».

Figure 1. L’île de Djerba.

Agrandir Original (png, 60k)


Mutation d’un mode d’occupation du sol

Présentation des deux éléments constitutifs du mode


d’occupation du sol à Djerba que sont le menzel  et
le houch
4L’organisation de l’habitat et de l’espace agricole a été le même pendant plusieurs siècles que ce
soit pour les communautés musulmanes malékites, ibadites (Aillet, 2012 ; Cuperly, 1987 ; Prevost,
2010) ou pour la communauté juive de Djerba.

 7 Il s’agissait d’organisation observable sur la quasi-totalité de la surface de l'île, à l'exception (...)

5Commençons par le menzel, étymologiquement « lieu où on descend » (Yacoub, 2015). Il s’agit


d’une entité qui englobe le/les houch(s), c’est-à-dire les logements de la famille élargie ainsi que
l’espace agricole qui comprend différents éléments qui seront décrits ensuite (figure 2). Au
préalable, on peut préciser que cet espace  correspond à la propriété dans son ensemble –
habitation et exploitation agricole comprise –, désignée par le nom familial du père (ibid.). Un
ensemble de menzels forment une houma, le quartier représentatif de la structure lignagère. Bien
souvent, le menzel d’à côté est celui d’un cousin plus ou moins éloigné. Chaque menzel est délimité
par ce qui pourrait s’apparenter à de grands murs de terre sur lesquels la végétation locale
s’installe : il s’agit des tabias végétalisées dont le rôle est de limiter la propriété et de cacher celle-
ci des regards extérieurs (Despois, 1964). Elles  sont séparées par des pistes appelées  jed’das qui
traduisent la proximité ou non des houem (pluriel de houma) et des menzels entre eux. La largeur
de la piste correspond à la proximité sociale d’une famille à une autre7.

Figure 2. Illustration d’un menzel.

Agrandir Original (png, 84k)

 8 Guellala est un village berbère du sud-ouest de l'île connu principalement pour son activité artisa (...)

6Le menzel djerbien comprend plusieurs éléments (Djerbi, 2004 ; Djerbi, 2011 ; Kioua, 2010 ;
Yacoub, 2015). Le makhzen eddiaf est le lieu réservé aux invités et se trouve à l’écart de
l’habitation principale appelée le houch. Les étrangers n’étaient pas permis dans l’enceinte de ce
dernier et l’entrée était strictement réservée aux membres de la famille. Le premier élément lié à
l’activité agricole, la rayah, se présente comme une étendue circulaire d’environ quatre mètres de
diamètre recouverte de chaux. Cet espace servait à battre les céréales cultivées par la famille. Une
fois les céréales récoltées, elles étaient amenées dans le makhzen. Il s’agit d’un petit bâtiment
servant au stockage des vivres dans de grandes jarres en argile de Guellala 8, pour la famille mais
également pour les animaux de la propriété. Accolée à la makhzen, la achoucha est une suite de
voûtes ouvertes sur l’extérieur d’un seul côté qui servait d’abris pour les animaux tels les
dromadaires, ânes, chevaux, bœufs. Les moutons, chèvres et poules profitaient du reste de
l’espace. Lieu inévitable du menzel, la matbakh, qui n’est autre que la cuisine, est une pièce voûtée
équipée d’un four avec cheminée. La plupart du temps, la cuisine était à l’écart des habitations,
excepté chez certaines familles riches qui faisaient le choix de l’intégrer. L’atelier de tissage et
l’atelier de poterie correspondent aux dernières bâtisses pouvant être présentes mais de manière
moins systématique. Ces lieux ne font pas partie de l’activité agricole du menzel mais relèvent des
activités artisanales. S’ils ne sont pas présents partout, c’est que la poterie est essentiellement une
affaire familiale perpétuée dans le village de Guellala et que le tissage se concentre plutôt aux
alentours de Houmt Souk. Dans les deux cas, ces activités sont uniquement masculines.

 9 La zone des villages de Mahboubine, Sedghiane et Guechiine est connue pour avoir les menzels les mi (...)

 10 Le majel a une forme circulaire et la fesguia une forme rectangulaire. Elles sont creusées sous les (...)

7Abordons à présent les installations sans lesquelles le menzel ne pouvait survivre (Yacoub, 2015 ;
Djerbi, 2011) : les installations hydrauliques. L’île de Djerba dans son ensemble ne possède
quasiment pas de point d’eau douce9, ce qui explique que l’on trouve diverses installations.
Commençons par la plus visible, el bir, le puits donnant accès à l’eau souterraine qui passe
rarement inaperçu à cause de sa grande taille et de son installation en hauteur. Il était utilisable
par la traction d’un animal (un dromadaire, âne ou mulet) sur un plan incliné. L’eau récoltée était
déversée dans un bassin, la jabia qui sert à son stockage. Pour irriguer le jardin, il suffisait d’ouvrir
la passoire de ce bassin et l’eau s’écoulait dans des canaux, les saroutes, couvrant la surface
du menzel et permettant son irrigation. L’autre façon de s’approvisionner en eau était par la
récupération des eaux de pluies via un système de citerne, la fesguia et le majel (Bennasr et al.,
2009). Ces deux sortes de citernes fonctionnent sur le même principe, seule leur forme les
distingue10.

8Nous allons à présent nous intéresser à l’habitation familiale, le houch (Yacoub, 2015 ; Yacoub,
2001 ; Djerbi, 2004, 2011). Il est souvent raconté que c’est le souci d’intimité et de défense contre
l’envahisseur qui a façonné son architecture (Tlatli, 1967, p. 165) ; Djerbi, 2011). Il s’agit d’une
habitation qui a en son centre un patio qui comprend quatre tours à chaque extrémité, les ghorfas.
Autour de ce patio se trouvent la dar étant une seule pièce rectangulaire et l’habitation de la
famille nucléaire. Il faut rappeler que si dans chaque menzel, vivait la famille élargie où plusieurs
générations se côtoyaient, dans le houch, en revanche, cohabitait la famille restreinte aux grands-
parents, parents et petits enfants. Selon le nombre d’hommes mariés, l’habitation pouvait être plus
ou moins étendue. Par moment cela pouvait occasionner des houchs agglomérés les uns aux autres
(Yacoub, 2001).

Changements urbanistiques des pratiques et


des modes de vie au sein du menzel et
du houch depuis les années 1960
9Toute la description ci-dessus représente le menzel considéré comme objet patrimonial culturel
traditionnel selon les critères choisis par l’Assidje pour l’inscription de Djerba à l’Unesco. Cette
morphologie spécifique ne concerne plus aujourd’hui la majorité des menzels et très peu de
familles vivent comme décrit précédemment. Ce mode de vie touche encore la localité sud-ouest
de l’île et plus particulièrement les villages berbères de Guellala et de Sedouikech ainsi que
quelques menzels aux abords d’Adjim, d’El May-Mahboubine et aux abords de Midoun. Dans les
autres espaces, les mutations ont été plus radicales, c’est le cas des localités de Houmt Souk et de
Midoun, et le mode de vie décrit auparavant ainsi que le mode d’occupation du territoire n’est plus
d’actualité.
 11 Le fils d'un potier me confiait que ce genre d’activité était très dur et contraignant. Le plus sou (...)

10Dans le cas où le mode de vie a été conservé, le bâti a subi des transformations à travers son
architecture et ses matériaux de construction (figure 3), et l’agriculture a été mécanisée
(Saghroun, 1982). Prenons l’exemple d’une famille guellalienne. Celle-ci a gardé le mode
d’occupation du sol dit « traditionnel » mais des mutations sont observables dans les techniques et
savoir-faire touchant l’agriculture et le bâti. Tous les éléments décrits dans la partie précédente
sont présents, mais ceux-ci ne ressemblent pas, au niveau architectural, à ce qui était d’usage
avant les années 1960. La chaux, même si elle est encore présente, a fait place au ciment et à
l’enduit. Par ailleurs, le bois de palmiers n’est plus utilisé comme toiture, l’acier est entré dans la
conception des habitations, et les briques sont arrivées dans le façonnement des murs.
L’agriculture est toujours présente, mais est pratiquée avec moins d’intensité dans le cas de cette
famille. Oliviers, orge, palmiers dattiers, amandiers, figuiers, citronniers et autres font toujours
partie du paysage agricole djerbien mais dans une moindre mesure. A ces transformations s’ajoute
l’apparition d’outils agricoles mécanisés si bien que, même si des installations comme la rayah ont
toujours leur utilité, dromadaires, chevaux ou bœufs ont été remplacés par le tracteur chez les
personnes rencontrées. Le système de traction du puits a disparu au profit d’une pompe électrique
tandis que d’autres ont totalement abandonné les systèmes de citerne au profit de l’eau en
bouteille. Le makhzen, lieu de stockage de nourriture, subsiste encore chez quelques familles qui
ont gardé pour certaines denrées comme l’huile d’olive, les mêmes techniques de conservation
qu’auparavant ; réfrigérateurs et congélateurs ont pris place dans ces espaces. Les abris des
animaux sont aujourd’hui construits en briques et en béton. La dépendance qu’est le makhzen
eddiaf, est transformée en un salon secondaire où l’on reçoit les invités, mais la plupart du temps,
ce lieu sert de débarras ou n’existe plus du tout. La matbakh, c’est-à-dire la cuisine a pris place
intégralement dans le lieu d’habitation. Ateliers de tissages et de poterie disparaissent petit à petit
du paysage. Ces activités, qui se transmettaient de père en fils sont aujourd’hui en berne, les plus
jeunes ne désirant plus reprendre l’activité familiale11. Même si l’espace du menzel reste le lieu de
la famille élargie, les houchs ne voient plus grands-parents, parents et enfants cohabiter. Il devient
le lieu d’habitation de la famille nucléaire, où chacun se voit octroyer sa propre chambre et son
propre espace. C’est cette nouvelle organisation sociale et des modes d’habiter qui conduisent au
réaménagement de l’espace bâti. Dans la plupart des cas, le fils qui se marie construit sa nouvelle
habitation auprès des autres dans le menzel familial.

Figure 3. Photos montrant la cohabitation d’un houch « moderne » à gauche et


d'un houch  considéré comme « traditionnel  »  à droite.

Agrandir Original (jpeg, 66k)

Les raisons de ces mutations

Enclavement et désenclavement
 12 C'est pour sa localisation au sein de la Méditerranée, au carrefour de l'Orient et de l'Occident qu (...)

 13 Par exemple, lors de la période du protectorat français, les affaires se concentrant principalement (...)
 14 A Djerba, les principales réalisations repérées sont : la reconstruction d'une chaussée en 1953 pou (...)

11Les principales raisons de ces mutations peuvent être mises en lien avec le désenclavement
physique et immatériel vécu dans les années 60. L’île est géographiquement très proche du
continent africain, de deux kilomètres par le canal d’Ajim et de six kilomètres par le sud12. De par
cette proximité géographique, elle a été plus ou moins éloignée du continent selon son
enclavement (et désenclavement) économique13. Lors de la nouvelle politique économique menée
par le gouvernement de Bourguiba, c’est un phénomène «  d’hypo-insularité » qui est engendré
(Nicolas, 2004). En effet, avec l’avènement du tourisme de masse, d’autres secteurs d’activités se
sont développés telles les prestations de service. Les pratiques de la vie quotidienne ont subi une
homogénéisation avec celle du continent, et plus largement avec de nouveaux codes économiques.
Il ne faut plus considérer l’isolement «  sur des critères strictement physiques mais sur des critères
de désenclavement  » (Nicolas, 2004, p. 331). L’île en relation avec l’extérieur ne l’est plus
seulement avec des infrastructures matérielles mais également avec des infrastructures
immatérielles (ibid.)14. Ce phénomène englobant, a eu et a encore des impacts sur l’habitat, que
ce soit d’un point de vue architectural ou social, non sans modifications du mode de vie.

L’immigration, l’émigration et le tourisme de masse


12Depuis les années 1960, Djerba n’est plus l’endroit qu’il est nécessaire de quitter pour subvenir
aux besoins de la famille (Tmarzizet, 1993), mais le lieu vers lequel on vient s’installer afin de
trouver du travail (Bernard, 2002 ; Kassah, 1999). Des études urbanistiques et architecturales
réalisées entre les années 1960 et 1990 abordent en premier lieu l’immigration comme
déclencheur du changement de mode de vie sur l’île (Boussofara, 1984 ; Saghroun, 1982). Comme
vu auparavant, le désenclavement économique a amené un accroissement démographique et a
obligé le développement d’infrastructures nécessaires à l’accueil de ces flux, dont la construction
d’hôpitaux et de cliniques, de lycées et d’infrastructures de l’enseignement supérieur,
d’hypermarchés, ou encore de bases de loisirs (Bernard, 2002). C’est cette « modernisation » qui
est pointée du doigt, par ces études, comme cause du changement de l’aspect architectural et du
mode de vie. Ce seraient les immigrants travaillant dans le secteur du bâtiment qui auraient amené
de nouveaux savoir-faire et de nouveaux types de matériaux de construction. De plus ces
nouvelles techniques de construction seraient vues comme avantageuses car moins difficiles à
travailler, ce qui favoriserait des travaux plus rapides et moins coûteux. Peu à peu, c’est le modèle
venant du continent, ou de l’autre versant de la Méditerranée, qui s’est imposé. L’arrivée du
tourisme de masse amènerait un contact avec un nouveau style de vie, un tourisme de
consommation dans de grands hôtels à l’architecture de plus en plus gigantesque, à l’opposé de ce
qui pouvait exister alors sur l’île.

Les problèmes de l’héritage et le morcellement


des houchs
13L’organisation de la vie sociale a été impactée par toutes ces mutations économiques,
urbanistiques et architecturales. Beaucoup d’habitants cherchent à se rapprocher des prestations
de services se trouvant dans les grands pôles urbains que sont Houmt Souk et Midoun. On assiste
à la dispersion de la famille élargie pour laisser place à la famille nucléaire. Le menzel qui faisait
un, est découpé en plusieurs parcelles lors des héritages afin que chacun (cousin, fils, petit-fils)
puisse récupérer l’espace qui lui est dû. Par la suite chacun construit sa propre habitation sur le
modèle du confort « moderne  » et à son propre goût. C’est la fin de l’homogénéisation
urbanistique et architecturale. L’espace, dans le menzel, devient de plus en plus restreint et nous
assistons au rapprochement des habitations (figure 3) et à la disparition de l’espace agricole qui ne
trouve plus son utilité. Seulement, cette parcellisation n’est pas sans conséquences car elle
entraîne des problèmes d’héritage notamment lorsque la question de la scission du houch est
abordée. Chacun réclame sa part et les houchs se trouvent parfois scindés en plusieurs morceaux,
si ce n’est totalement détruits afin de mieux se partager l’espace du menzel.
14A l’heure actuelle, le problème de la succession et de l’héritage est encore à régler sur la quasi-
totalité des menzels. Les houchs tombent en ruines par manque d’entretien à cause de ces litiges
entre héritiers qui vivent, pour la plupart, à l’étranger ou dans les grandes villes du pays. Bien
souvent, le membre de la famille qui vit encore sur place, par manque de moyens, ne peut
s’occuper du menzel et du houch dans son intégralité. De plus, même s’il le souhaite, il ne peut
entamer des travaux par peur d’être accusé d’avoir touché à une partie de l’héritage qui ne lui
appartient pas. A cela s’ajoutent les lenteurs administratives dans le traitement des permis de
construire et dans la gestion des plans d’aménagement.

 15 Le décret gouvernemental publié au JORT (Journal Officiel de la République Tunisienne) en date du 4 (...)

15La situation chez l’un des habitants de la commune de Midoun, le co-propriétaire de Dar
Bessrour et Bir Bessrour, en est un exemple. Dans le menzel de sa famille, le houch et le puits sont
classés patrimoine national15. Lors d’un de mes séjours, il m’explique que dans le cas de la
procédure, un accord doit être mis en place par le ministère de la culture, via l’Institut National du
Patrimoine, pour tout projet de construction de biens publics ou privés et tout projet
d’aménagement municipal dans le périmètre concerné. Ensuite, le ministère de la culture informe
le ministère de l’équipement, le ministère du domaine public, la municipalité de Midoun et le
gouvernorat de Medenine de la décision du classement et faute d’une opposition justifiée de leurs
part la décision devient finale et un décret gouvernemental est publié au Journal Officiel de la
République Tunisienne (JORT). Dans son cas, il n y a eu aucune opposition et le décret a été publié,
mais la procédure a pris tellement de temps, que ses arrière-cousins en parallèle de ses démarches
ont obtenu une autorisation de la municipalité afin de construire dans le menzel familial. La
municipalité, lui aurait répondu qu’elle ne peut pas s’opposer à un projet de construction sans avoir
le décret publié au JORT en main. Par la suite, une demande d’aide a été faite par le propriétaire
auprès des acteurs locaux afin d’empêcher ces travaux, mais le problème vient de ce que ces
acteurs disaient ne pas pouvoir intervenir sans la publication du décret. En définitive, il n’a réussi
qu’à obtenir un engagement moral de la part de ses arrières-cousins de ne pas élever au premier
niveau les constructions qu’ils effectuent.

16Cet exemple illustre le fait que la gestion foncière n’est pas une simple question d’héritage mais
subit plusieurs difficultés d’ordre administratif, économique mais également social puisque la
famille élargie a cédé la place à la famille nucléaire. L’habitat djerbien dit « traditionnel » s’efface
dans la mesure où c’était la structure familiale qui régissait l’organisation spatiale du houch,
du menzel et de la houma.

Deux représentations différentes du patrimoine


et de l’habitat
17Quelles sont les représentations de ce mode d’habitat historique ? Une première est celle de
l’objet patrimonial culturel traditionnel portée par les acteurs locaux investis dans sa sauvegarde.
Afin de mobiliser cette notion de patrimoine, il est nécessaire de revenir sur les politiques de
patrimonialisation de la Tunisie. Depuis l’indépendance du pays, les discours liés à sa conservation
sont très souvent accompagnés d’un argumentaire lié à sa visibilité internationale, et de son impact
éventuel sur l’affluence touristique. Les politiques de classements et de conservation se sont
tournées principalement vers la période antique et quelques édifices arabo-musulmans (Bacha,
2011). Les sites qui en représentent les premiers travaux à l’échelle internationale sont l’inscription
de la cité de Carthage, dans la banlieue de Tunis, et la médina de Tunis, tous deux inscrits sur la
liste du patrimoine mondial de l’Unesco. Les sites archéologies et musées sont alors inclus dans la
promotion pour le tourisme international et l’espace insulaire de Djerba n’échappe pas à la règle.
Cela fait près de 60 années que celle-ci vit en partie grâce à l’économie du tourisme, et tout ce qui
peut être vu en termes d’héritage historique et de musée a été en majeure partie exploité dans
une logique touristique. Cette représentation du patrimoine comme étant un objet touristique
conduit la majorité des habitants à ne pas considérer leur habitat comme une forme de «
patrimoine traditionnel local », dans les termes des membres de l’Assidje. Il est important de
rappeler que les processus de patrimonialisation sont des démarches complexes qui mettent en jeu
des « valeurs plus ou moins partagées, reconnues et établies au fil du temps.  » (Bondaz et al.,
2012). C’est pour cela que les acteurs qui utilisent au quotidien d’objets patrimoniaux en devenir
doivent se saisir des «  vocabulaires locaux du patrimoine » (Bondaz et al., 2015). Toute cette
démarche est nécessaire afin de mettre à jour les problématiques et enjeux lié à la gestion de
l’objet patrimonial en devenir.

Le patrimoine des normes internationales


18La notion de patrimoine mobilisée par l’Assidje est celle utilisée par les acteurs internationaux de
la sauvegarde du patrimoine. Ils sont architectes, urbanistes, archéologues, historiens et amoureux
de l’île à débattre autour de l’identification des critères de classement. En effet, les débats ont
porté et portent toujours sur les limites de ce patrimoine en termes de matérialité. A chaque
réunion sur le sujet, les termes «  d’authenticité », de « valeur universelle exceptionnelle  », ou
encore «  d’intégrité » sont mobilisés, discutés, et retravaillés. Ainsi les démarches et termes
employés intègrent la logique internationale actuelle autour de la conservation et de la sauvegarde
du patrimoine mondial. De plus leurs expériences dans ce domaine ne s’arrêtent pas aux murs de
l’association et ses membres sont investis dans d’autres projets similaires de par leurs activités
professionnelles et de loisir. Ils sont animés par des émotions patrimoniales, dans les termes de
Daniel Fabre (2013) et un lien affectif avec le patrimoine local s’est installé.

La notion occidentale du patrimoine confondue avec


l’activité touristique
 16 Connu également sous le nom de Borj El Kébir.

 17 Ces lieux font partis des circuits de visites classiques proposés aux touristes étrangers en vacanc (...)

 18 Grandes parures en or qui constituent le patrimoine de la mariée.

 19 Le plus souvent les explications concernaient l'utilité de la rayah, car il s'agit l'une des instal (...)

19La vision des habitants et propriétaires des menzels et houchs rencontrés est à nuancer avec


celle des membres de l’Assidje. Premièrement la notion internationale du patrimoine n’est pas une
notion qui les touche, qui leur parle. A la question «  qu’est-ce que le patrimoine de Djerba ?  », la
large majorité des interlocuteurs citent le musée de Guellala, le fort Ghazi Mustapha 16 et la ferme
des crocodiles17. Plus d’un demi-siècle d’exploitation touristique de masse laisse des traces dans
les esprits des locaux et il apparaît clairement que le terme de patrimoine est devenu synonyme
d’activité touristique dans la bouche d’un grand nombre de mes interlocuteurs. Par ailleurs, pour
eux, considérer l’espace agricole du menzel et le houch tels des biens patrimoniaux n’est pas la
première idée qui s’impose puisqu’il s’agit en premier lieu de leur espace d’habitation, et à fortiori,
de vie. Il s’agit avant tout de leur propriété privée bien avant d’être l’héritage culturel matériel de
toute une île. Enfin à la question : « qu’est-ce qu’ils considèrent être leur patrimoine ?  » Auprès de
toutes les personnes rencontrées la première chose qui est montrée sont les bijoux portées par la
femme lors de son mariage18, avant de présenter l’espace agricole du menzel afin d’expliquer
comment ils s’en occupent19. Leur approche du patrimoine est lié à la tradition familiale, aux
éléments de la vie quotidienne, et se rapproche plus d’une définition holistique du patrimoine
intégrant tout à la fois le bâti, les savoir-faire et les savoir-être ; et cette conception se
rapprocherait de la notion de turâth, telle qu’elle me l’a été expliquée.  Le bâti peut être modifié car
sa composante n’est pas liée au respect des traditions, d’après eux. Or, d’après l’Assidje, en
agissant ainsi, les savoir-faire lié à la construction d’un houch et l’entretien d’un menzel n’ont pas
été transmis au plus grand nombre des Djerbiens qui ont suivi la voie de la « modernité  ». Aux
yeux des jeunes, ce sont aujourd’hui les personnes âgées et les moins fortunées qui vivent dans
un menzel et un houch «  traditionnel  ». Ainsi ce mode de vie reflète un modèle obsolète, que les
nouvelles constructions tendent à chasser des esprits. Cela marque une rupture avec l’approche du
patrimoine partagée par l’Assidje qui intègre ce mode de vie comme étant représentatif d’un
héritage culturel à transmettre aux générations futures.

Conclusion : La question du devenir et de la


gestion du « patrimoine »
20Cet éclairage entourant les différentes représentations de la notion de patrimoine interroge la
possibilité de gestion pérenne de ce dernier. Ainsi, les enjeux des définitions sont intimement liés
aux stratégies de patrimonialisation et des plans de gestion qui en découlent. Il a été abordé que
pour les membres de l’Assidje, le «  patrimoine local  » est en voie de disparition. Le leitmotiv de
l’association est de parvenir à partager leur représentation du mode d’occupation du sol qu’était
le menzel et le houch en projetant d’inscrire l’île de Djerba sur la liste du patrimoine mondial de
l’Unesco. Avec ce projet d’inscription, leur objectif est d’arriver à une gestion durable de cet
héritage culturel proche de la population locale. Pour autant, au sein même de l’Assidje, un
décalage se fait sentir entre des conceptions différentes de ce qu’est le patrimoine insulaire
djerbien et qui conduit à des mésententes et des incompréhensions avec le grand public. En effet,
certains habitants et propriétaires ne participent pas au projet d’inscription, car la conception qu’ils
ont du patrimoine se rapproche plutôt de la notion de turâth ; aussi, ils ne comprennent pas
toujours les actions de sauvegarde mise en place par l’Assidje de peur de devoir vivre dans une
habitation qu’ils considèrent obsolète, et de ne pas avoir leur mot à dire.

21Mais un tel projet d’inscription à l’international pose des questions par rapport au compromis à
effectuer dans la gestion du patrimoine culturel local afin de ne pas voir d’un côté, une autorité
patrimoniale trop exigeante, et de l’autre, une population locale qui se voit accusée de détruire un
patrimoine classé. Néanmoins, nous pouvons nous demander si le poids des contraintes d’un
habitat patrimonialisé, les dépenses financières liées, le droit de regard des personnes en charge
de la sauvegarde sont des éléments acceptables par l’ensemble de la société civile. Un classement
amène de la visibilité sur le lieu touché, et dans le cas de l’Unesco, il s’agit d’une visibilité
internationale. Dans ce contexte, la question des lieux privés devenant lieux publics n’est pas à
mettre de côté (Gravari-Barbas, 2005 ; Heinich, 2009). Les classements patrimoniaux de grande
ampleur, comme ceux de l’Unesco, sont des défis de gestion des territoires locaux qui ont déjà
posé problème dans beaucoup d’autres espaces insulaires (Lozato-Giotart, 2007 ; Nicolas, 2004 ;
Santana, 2004). En ce qui concerne l’île de Djerba, il sera intéressant de suivre dans le temps les
changements de représentations autour du menzel et du houch qui conditionneront le devenir du
bâti et des pratiques associées.

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NOTES

1 Recensement de 2014 effectué par l'Institut National de la Statistique de


Tunisie : http://census.ins.tn/fr/resultats#horizontalTab1 [consulté 30 avril 2016].

2 Documentation de l'Assidje.

3 Plus de précisions sur le site de l'Unesco: http://whc.unesco.org/fr/listesindicatives/5686/ [consulté le


06 février 2016].

4 La liste indicative reprend tous les biens que chaque État partie veut proposer pour une inscription à
l'Unesco. La liste indicative de la Tunisie est consultable sur le site de
l'Unesco : http://whc.unesco.org/fr/etatsparties/tn [consulté le 06 février 2016].

5 http://www.unesco.org/new/fr/culture/themes/illicit-trafficking-of-cultural-property/unesco-database-
of-national-cultural-heritage-laws/frequently-asked-questions/definition-of-the-cultural-heritage/ [consul
té le 10 septembre 2017].

6 http://whc.unesco.org/fr/apropos/ [consulté le 10 septembre 2017].

7 Il s’agissait d’organisation observable sur la quasi-totalité de la surface de l'île, à l'exception du centre
d'échanges de Houmt Souk.

8 Guellala est un village berbère du sud-ouest de l'île connu principalement pour son activité artisanale
de poterie.

9 La zone des villages de Mahboubine, Sedghiane et Guechiine est connue pour avoir les menzels les
mieux irrigués, mais pour le reste ce n'est pas le cas.

10 Le majel a une forme circulaire et la fesguia une forme rectangulaire. Elles sont creusées sous les
maisons ou dans le jardin, le majel  est plus profond, quatre à huit mètres de profondeur, contre trois à
quatre mètres pour la fesguia. Elles récupèrent l'eau de pluie, soit par les surfaces des toits recouverts
de chaux de l'habitation principale ; soit par de grandes étendues planes recouvertes également de
chaux, entourant l'entrée de la citerne afin que l'eau puisse s'écouler à l'intérieur. L'eau est ensuite
récupérée par un seau tiré de l'extérieur.

11 Le fils d'un potier me confiait que ce genre d’activité était très dur et contraignant. Le plus souvent au
décès du père, l'atelier est détruit pour récupérer le terrain ; soit pour le vendre, soit pour construire
quelque chose de nouveau dessus.

12 C'est pour sa localisation au sein de la Méditerranée, au carrefour de l'Orient et de l'Occident que


Djerba a été très convoitée par différentes puissances coloniales, de l'antiquité jusqu'à l'indépendance de
la Tunisie. Ainsi depuis l'antiquité l'île n'a fait que connaître des périodes d’alternances entre
enclavement et désenclavement.
13 Par exemple, lors de la période du protectorat français, les affaires se concentrant principalement à
Tunis, un grand nombre d'habitants de l’île fut obligé de quitter Djerba pour aller y travailler en tant que
commerçants et faire subvenir leurs familles, ce qui participa d'un enclavement économique de l'île
(Bernard, 2002 ; Tmarzizet, 1993).

14 A Djerba, les principales réalisations repérées sont : la reconstruction d'une chaussée en 1953 pour
relier l'île au continent au Sud, la mécanisation du bac sur le canal d'Ajim, ou encore la construction de
l'aéroport international de Djerba-Zarzis à Mellita (Bernard, 2002, p. 108 ; Mzabi, 1978). Le niveau
immatériel correspond quant à lui au développement des technologies d'information et de
télécommunication : chaque foyer possède sa télévision, son ordinateur, etc.

15 Le décret gouvernemental publié au JORT (Journal Officiel de la République Tunisienne) en date du 4
juillet 2016 pages 2296-2297, atteste de cette classification.

16 Connu également sous le nom de Borj El Kébir.

17 Ces lieux font partis des circuits de visites classiques proposés aux touristes étrangers en vacances à
Djerba.

18 Grandes parures en or qui constituent le patrimoine de la mariée.

19 Le plus souvent les explications concernaient l'utilité de la rayah, car il s'agit l'une des installations
agricoles du menzel qui reste encore très présente dans l'espace de ce dernier.
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TABLE DES ILLUSTRATIONS

Titre Figure 1. L’île de Djerba.

URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/23941/img-1.png

Fichier image/png, 60k

Titre Figure 2. Illustration d’un menzel.

URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/23941/img-2.png
Fichier image/png, 84k

Titre Figure 3. Photos montrant la cohabitation d’un houch « moderne » à


gauche et d'un houch considéré comme « traditionnel » à droite.

URL http://journals.openedition.org/belgeo/docannexe/image/23941/img-3.jpg

Fichier image/jpeg, 66k

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POUR CITER CET ARTICLE

Référence électronique
Mathilde Bielawski, « Deux représentations contradictoires d’un mode de vie insulaire. Patrimoine ou
habitat sur l’île de Djerba en Tunisie ? », Belgeo [En ligne], 2 | 2018, mis en ligne le 13 juillet 2018,
consulté le 28 novembre 2022. URL : http://journals.openedition.org/belgeo/23941 ; DOI :
https://doi.org/10.4000/belgeo.23941
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AUTEUR

Mathilde Bielawski
Université Lumière Lyon 2, LADEC (Laboratoire d’Anthropologie des Enjeux
Contemporains), Mathilde.Bielawski@univ-lyon2.fr

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DROITS D’AUTEUR

Creative Commons - Attribution 4.0 International - CC BY 4.0


https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/

http://kapitalis.com/tunisie/2017/04/14/djerba-sur-la-liste-du-patrimoine-
mondial-ou-en-est-le-dossier/
Atelier régional sur le processus de
proposition d’inscription de sites
culturels sur la Liste du patrimoine
mondial
mardi 3 octobre 2017
 
access_time Lecture 2 min.

Atelier régional sur le processus de proposition d’inscription de sites culturels sur la


Liste du patrimoine mondial © UNESCO | Carde, Nadia
Le Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO, et l’Organisation arabe pour l’éducation, la
culture et les sciences (ALECSO), ont organisé un atelier de formation pour les pays du
Maghreb sur le processus de préparation de proposition d’inscription sur la Liste du
patrimoine mondial, à Djerba en Tunisie du 11 au 15 septembre 2017.
Cet atelier régional a été rendu possible grâce au soutien du Centre régional arabe
pour la protection du patrimoine mondial (ARC-WH) et à la collaboration de l’Institut
national du patrimoine (INP) de Tunisie et de l’Association pour la Sauvegarde de
l’île de Djerba (ASSIDJE). Il a réuni des experts nationaux et internationaux, des
professionnels et responsables du patrimoine de tout le Maghreb (Algérie, Maroc,
Mauritanie, Tunisie, Libye), des représentants de la société civile et des
communautés locales, soit près de 100 participants au total. La première partie de
l’atelier a permis d’effectuer un bilan sur la mise en œuvre de la Convention du
patrimoine mondial au Maghreb et d’offrir aux professionnels du patrimoine
maghrébins un rappel détaillé sur le processus de propositions d’inscription sur la
Liste du patrimoine mondial, tout en sensibilisant la société civile et les
communautés locales sur le sujet.
Ce fut également l’occasion de dialoguer avec les professionnels du patrimoine
libyens sur leurs sites figurant sur la Liste en péril. Au cours de la seconde partie de
l’atelier, les participants ont travaillé sur le site de Djerba comme cas d’étude et ont
établi une feuille de route, un calendrier et des recommandations pour l’élaboration
du dossier d’inscription de l’île de Djerba sur la Liste du patrimoine mondial. En
outre, cet atelier de formation a été l’occasion de renforcer l’échange d’expertises au
niveau du Maghreb et d’amorcer le développement d’un réseau des professionnels
maghrébins du patrimoine mondial et d’initiatives communes. Les représentants de
la société civile et des communautés locales de Djerba ont accueilli favorablement
cette activité et ont exprimé leur volonté de continuer à œuvrer en faveur de la
protection de leur patrimoine culturel et naturel.
M. Mohammed Zine El Abidine, Ministre des Affaires Culturelles a présidé la séance
de clôture au cours de laquelle ont été présentées les conclusions et
recommandations de l’atelier. Il s’est félicité de la fructueuse coopération de
l’UNESCO, de l’ALECSO et de l’ARC-WH avec le Maghreb en général et la Tunisie
en particulier, et a encouragé la poursuite du travail engagé pour l’inscription de
Djerba sur la Liste du patrimoine mondial par les équipes techniques de son
département.

Atelier régional sur le processus de


proposition d’inscription de sites
culturels sur la Liste du patrimoine
mondial
11-15 septembre 2017
Le Centre du patrimoine mondial de l’UNESCO, l’Organisation arabe pour
l’éducation, la culture et les sciences (ALECSO) et l’Institut national du
patrimoine de Tunisie organisent conjointement un atelier de formation pour
les pays du Maghreb sur les concepts et mécanismes de la Convention du
patrimoine mondial et le processus de préparation de proposition d’inscription,
à Djerba en Tunisie, du 11 au 15 septembre 2017.
Cet atelier régional a pour but de renforcer les capacités des responsables et
professionnels du patrimoine dans la préparation de propositions d’inscription de
sites culturels sur la Liste du patrimoine mondial, avec la contribution d’experts
internationaux et de la région du Maghreb, et celle des responsables nationaux de la
gestion et de la conservation du patrimoine culturel, et la participation des
représentants de la société civile.    
Accueilli par le gouvernement tunisien et préparé en collaboration avec l’Institut
National du Patrimoine (INP) en Tunisie, l’Association de sauvegarde de l’île de
Djerba (ASSIDJE) et la délégation permanente de la Tunisie auprès de l’UNESCO, et
soutenu financièrement par le Centre régional arabe pour le patrimoine mondial
(ARC-WH), l’atelier de formation réunira plus de 80 participants et prendra comme
cas d’étude le projet de proposition d’inscription de l’île de Djerba, inscrite sur la Liste
indicative de la Tunisie depuis 2012.
En outre, l’atelier regroupera les directeurs du patrimoine des pays du Maghreb qui
évoqueront ensemble les défis de la conservation et de la gestion dans la sous-
région, ainsi que la coordination et la planification d’activités futures, en collaboration
avec l’ALECSO, l’ARC-WH et l’UNESCO

Lundi 28 Novembre 2022



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patrimoine mondial accepté
Par La Presse
 
Publié sur 05/03/2022
 
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Le dossier d’inscription de l’Ile de Djerba au patrimoine mondial de l’Unesco a


finalement été accepté à l’Unesco qui devra dépêcher une délégation d’experts sur l’ile
au Sud-Est de la Tunisie en vue d’inspecter l’état des sites et monuments proposés.
Dans une déclaration à la correspondante de l’agence TAP à Médenine, le
coordinateur scientifique du dossier d’inscription de Djerba sur la liste du patrimoine
mondial de l’Unesco, Mongi Bourgou, a fait savoir que le ministère des
Affaires Culturelles en a été informé, le mardi 1er mars 2022.

Il a estimé « que étape exige d’assumer une responsabilité partagée entre les
pouvoirs publics régionaux et locaux et la société civile locale, en prévision de la
visite d’inspection des experts de l’Unesco ».

Pour rappel, au mois de février 2012, l’Institut National du Patrimoine (INP), relevant
du ministère des affaires culturelles, a proposé l’inscription de l’île de Djerba sur la
liste indicative du Patrimoine mondial.

Après une période de 6 ans, le dossier n’a pas réussi à avoir l’accord favorable des
experts onusiens.

Les dernières années, la Tunisie a multiplié les démarches en présentant un dossier


qui répond aux standards de l’Unesco.

Le dossier d’inscription de l’Ile de Djerba au patrimoine de l’Unesco, présenté le 1er


février dernier, est composé de 31 sites et monuments, lit-on sur le site de
l’Association de Sauvegarde de l’île de Djerba (ASM) qui revient sur l’historique de ce
dossier et les multiples initiatives entamées au milieu des années 70.

Sur une superficie de 514 km2, Djerba occupe l’une des positions les plus
stratégiques au cœur de la Méditerranée.

La valeur universelle exceptionnelle (VUE) retenue pour le dossier de candidature de


Djerba est un bien en série (Menzel, Houch, mosquées, fondouks, huileries,,,,), indique
l’Association.

« Une liste de 24 monuments, proposés à l’inscription, sont implantés partout sur l’île
et touchent à l’ensemble du territoire avec une concentration qui suit
géographiquement le croissant fertile. Les monuments proposés sont :
Les mosquées : Sidi Salem, Sidi Smain, Tajdit, Abou Messouer (Al Jamaa El Kebir),
Cheikh, Sidi Jmour, Moghzel, Imghar, Guellala, Sidi Yeti, Louta, Essalaouti, El Fguira,
Tlakine, Medrajen, El Bessi, Fadhloun, Berdaoui, Welhi, Sidi Zikri, Mthaniya,
Synagogue La Ghriba et l’Église Saint Nicolas. »
La Convention du patrimoine mondial a pour objet la reconnaissance des sites « de
Valeur Universelle Exceptionnelle » comme patrimoine de l’Humanité, et qu’il importe
de protéger et de transmettre aux générations futures.

Le Comité du patrimoine mondial, créé en 1976, établit chaque année la liste du


patrimoine mondial.

La Tunisie compte 7 sites et monuments classés au patrimoine mondial, depuis


1979 jusqu’à 1997: Médina de Tunis / Site de Carthage /Amphithéâtre d’EL Jem
(1979), Site de Kerkouane (1986), Médina de Sousse / Médina de Kairouan (1988) et
le Site de Dougga (1997).

De cette date jusqu’aujourd’hui, aucun autre nouveau site tunisien n’a été inscrit sur
la liste du patrimoine mondial de l’Unesco.


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La culture insulaire de Djerba aux portes de


l’Unesco !
RETOUR À LA LISTE
28 Juin 2022 - Culture / Histoire / Patrimoine

Dans l’imaginaire voyageur, Djerba se limite trop


souvent aux hôtels-clubs. Dans un décor de carte
postale, l’île tunisienne plantée à quelques
kilomètres de la côte africaine est pourtant riche
d’une histoire plurimillénaire… Djerba pourrait
prochainement être inscrite sur la Liste du
Patrimoine Mondial de l’Unesco : découverte !
 
L’île de Djerba ©Aurélie Croiziers de Lacvivier
 

Le paysage culturel de Djerba

À Djerba, l’occupation des sols parle d’elle-même : la zone


touristique et ses dizaines d’hôtels tournent littéralement le dos
au reste de l’île. Cette côte défigurée par le tourisme de masse
est souvent le seul aspect de Djerba que connaîtront les
voyageurs. À tort : en s’éloignant de ces quelques kilomètres
carrés, le paysage culturel témoigne de l’interaction séculaire
entre les Djerbiens et leur environnement.
Avec ses 514 km2, l’île de Djerba est un carrefour de commerce
et un lieu séculaire d’installation de populations variées. La
situation stratégique et sa plate topographie l’ont exposée à bien
des convoitises. Un urbanisme exceptionnel s’y est développé du
IXème au XVIIème siècle, guidé par un impératif de défense et la
nécessité d’exploiter au mieux les rares ressources présentes.
L’urbanisme y est dispersé et découpé en quartiers composés
d’une série de menzel, ces aires de vie comptant habitation et
espaces agricoles disséminées sur l’île.
 
Dans un menzel ©Destination Djerba
 
 
L’ibadhisme est une seconde clé majeure de compréhension de
la culture de Djerba. Cette mouvance de l’Islam prône la vertu
du travail, les principes égalitaires et les qualités morales.
Une assemblée de sages, les Azzabas, a longtemps organisé la
vie religieuse et sociale des communautés djerbiennes. De
nombreuses mosquées d’une grande pureté, spatialement
isolées, sont réparties sur l’île. Les mosquées les plus anciennes
remontent à la fin du VIIIème siècle.
 
Avec les multiples invasions jalonnant l’histoire de Djerba, les
mosquées du littoral constituent une première ligne de défense
à portée de voix les unes des autres et assurent un rôle
primordial de surveillance et d’alerte. D’autres, fortifiées et
d’allure massive, forment une seconde ligne de défense. Les
mosquées de l’intérieur des terres, parfois souterraines pour
servir de refuge, sont dédiées, en plus du culte, à l’enseignement
et à l’organisation de la vie civique.
 
À LIRE AUSSI :
- La secrète Kroumirie, future Grasse de Tunisie ?
- Au cœur du Sahara tunisien
 
Naceur Bouabid, membre actif de l’Association pour la
Sauvegarde de l’île de Djerba, témoigne : "Ce riche patrimoine
associé à la qualité des paysages résultant de l’activité humaine,
encore perceptible, mais vulnérable face aux mutations des temps
actuels, se trouve dans l’obligation urgente d’être prémuni de la
raréfaction, voire de la disparition, et sauvegardé comme une
richesse culturelle à transmettre aux générations futures."
 
Espérons à ses côtés que l’inscription de Djerba au Patrimoine
Mondial de l’Unesco aboutisse !
 
Mosquée sur l’île de Djerba ©Destination Djerba

Une terre d’accueil et de tolérance

Djerba est une terre de tolérance : qu’ils soient autochtones


berbères ou non, qu’ils soient athées, juifs, chrétiens ou
musulmans, les habitants cohabitent pacifiquement, comme en
témoignent des lieux de culture et de culte. La vie quotidienne
elle-même est l’incarnation d’un vivre-ensemble réussi !
 

Dans les rues de Djerba ©Aurélie Croiziers de Lacvivier


 
 
La culture a également été façonnée par l’économie composite
et autarcique à l’origine de la prospérité de l’île : historiquement,
les Djerbiens étaient à la fois agriculteurs, artisans tisserands ou
potiers et pêcheurs. Si les fonctions de chacun sont désormais
plus classiques, aller à la rencontre des artisans de Djerba est la
meilleure manière de découvrir la culture insulaire.
 
Chadleya Ben Mahmoud est la seule potière femme de Djerba.
Avec son mari Adel, ils sont des mémoires vivantes de cette
culture insulaire. Adel est potier de père en fils et c’est pour lui
une fierté de travailler aux côtés de sa femme. S’ils façonnent
tous deux l’argile et le sable, seule Chadleya manie le pinceau
pour dessiner les fins dessins berbères qui ornent les pièces
uniques créées aujourd’hui encore dans la tradition djerbienne.
 
Le couple de potiers discute droits de la femme, culture berbère
et rencontres avec les derniers visiteurs accueillis en amis, qu’ils
soient ministres ou simples voyageurs. Avec de tels
ambassadeurs, gageons que la culture djerbienne soit enfin
reconnue de tous…
 
La potière Chadleya Ben Mahmoud ©Aurélie Croiziers de
Lacvivier

 
Pour en savoir plus :
- L’Association pour la Sauvegarde de l’île de
Djerba : https://www.assidje.tn/
- Le service de renseignement touristique “Destination
Djerba” : https://www.destination-djerba.com
- Le film de candidature de Djerba au Patrimoine mondial de
l'Unesco (sous-titré en français)
 

Article rédigé par Aurélie Croiziers de Lacvivier

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