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All content following this page was uploaded by Catherine Marie Breton on 29 July 2019.
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LES PLANTESv o yage !
EN VOYAGE !
jeudi 6 juin
2019
• MONTP
EL L I E R•
Informatio
n et inscri
jce.montp ption
ellier@snh
f.org
Journée de conférences et d’échanges sur les Plantes en voyage est organisée par la Société Nationale d’Horticulture de France (SNHF), la Société
d’Horticulture et d’Histoire Naturelle de l’Hérault (SHHNH) en partenariat avec la ville de Montpellier et OC’nat.
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Olea est donc à l’origine d’un genre tropical qui s’est adapté
en fonction des changements géologiques et climatiques,
à des climats moins chauds et plus secs comme le climat
méditerranéen, mais aussi en Australie, Chine et Inde (sous
genre Paniculata) et en climat tropical au Vietnam (sous
genre Tetrapilus). Adaptés aux climats tropicaux, les Olea sont Figure 1B : Répartition mondiale de la section Olea, figure tirée de la thèse de C.Breton 2006.
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Les multiples facettes de Olea europaea... ainsi une épopée formidable dans la conquête des milieux, il
n’est qu’au début d’un long voyage semé d’embûches.
L’Olea europaea a colonisé les plaines de l’Afrique et il s’est
ensuite sédentarisé aux îles Canaries (subsp. guanchica), à La génétique moléculaire, et maintenant la bio-informatique
Madère (subsp. cerasiformis), au sud du Maroc (subsp. maro- viennent à notre aide pour comprendre cette fabuleuse épo-
canna). Puis son aire s’est restreinte avec l’asséchement et le pée et permettent d’analyser ces situations modélisées et
refroidissement du climat. Actuellement il occupe les mon- largement étudiées pour de nombreuses espèces végétales.
tagnes du Sahara (Hoggar, Aïr), (subsp. laperrinei) ; l’Afrique Pour ce faire, un échantillonnage d’oléastres (et d’olivier) a
(Éthiopie, Kenya, Côte d’Ivoire), et l’Afrique du sud (subsp. cus- été réalisé tout autour du bassin méditerranéen, avec plus ou
pidata). L’oléastre présent dans le bassin méditerranéen (BM) moins d’échantillons selon les situations géopolitiques des
provient de taxons indéterminés - qui ont survécu aux chan- états : l’est de la méditerranée n’a pu donner autant d’échan-
gements climatiques profonds en zone méditerranéenne. Le tillons que l’ouest, néanmoins, leur nombre fut suffisant.
climat était tropical – on connaît la présence de dinosaures
vivants sous des climats tropicaux à Mèze – mais les végé-
taux n’ont pas laissé de fossiles permettant d’identifier une Voyage au cœur du génome : la diversité des
espèce. Les voyages depuis la zone d’origine du genre ont été individus et des populations...
très lents, figure 1C.
Les différences entre séquences homologues (les séquences
sont allèles) de l’ADN nucléaire permettent
1) d’estimer le régime de reproduction des individus
d’une population ;
2) de calculer les relations de parenté entre les d’indivi-
dus de populations différentes
et 3) de mesurer les échanges entre les populations
(appelés flux de gènes).
Les voyages temporels depuis les dernières Pour donner une bonne information sur les individus et sur
glaciations... l’évolution des populations, les polymorphismes ou les diffé-
rences doivent être répartis sur tout le génome et suffisam-
Le dernier épisode glaciaire – de -22 000 à -12 400 BP (Before ment abondants pour qu’ils marquent le plus de traits de
Present)– a éliminé la plupart des espèces végétales arbores- vie des individus analysés. L’analyse de la diversité actuelle
centes, pourtant, elles ont survécu dans des zones restreintes permet de remonter le temps et de relier les flux de gènes et
épargnées par les froids – ou zones refuges – dans lesquelles les déplacements liés aux évènements historiques bien datés
elles ont survécu. La répartition des espèces régresse pour – migrations des peuples, colonisation, invasions, grands
aboutir à une représentation végétale en forme de patch, où froids, évènements géologiques… afin de reconstituer l’his-
les espèces survivent. Seuls quelques individus par espèce toire évolutive de l’espèce.
ont survécu, ce qui a entraîné une forte érosion génétique
appelée – dérive génétique –. Par la suite, la période de
réchauffement climatique général entraîna, la diffusion, ou Voyage autour de la méditerranée, la diversité
la recolonisation des milieux correspondant à des zones structurée de l’oléastre...
d’anciennes toundras à partir de la zone refuge attenante.
Cette recolonisation est progressive, les espèces pionnières Dans la moitié Est du BM les individus de l’oléastre présentent
diffusant très vite et adaptées à des milieux hostiles pré- un profil de l’ADN mitochondrial et un profil de l’ADN chloro-
parent ainsi le sol, pour ensuite laisser place à des espèces plastique, on les a nommés Me1 et Ce1 (M pour mitochondrie, C
plus pérennes. L’enjeu est crucial pour les végétaux : il s’agit pour chloroplaste, e pour Est). Néanmoins, à Chypre quelques
de se reproduire le plus, ce qui occasionne la colonisation des individus présentent des modifications, on a nommé leurs pro-
milieux, l’occupation de l’espace et donc la survie de l’espèce. fils Me2 et Ce2. Les variétés d’olivier des pays à l’Est présentent
Olea fait partie de cette intense compétition, et commence les deux mêmes profils mitochondrial et chloroplastique.
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Dans la moitié Ouest les profils sont plus variés : pour l’ADN
mitochondrial le profil est totalement différent soit Mom (M
pour mitochondrie, om pour ouest de la méditerranée) soit
McK (trouvé en Kabylie). Néanmoins des individus apparem-
ment sauvages portent le profil Me1 décrit précédemment.
Pour l’ADN chloroplastique les profils sont très différents
(Com et dérivés, Com1, Com2, …), et un chlorotype très par-
ticulier associé à Mck que l’on a appelé Cck. Néanmoins des
individus apparemment sauvages portent le profil Ce1.
© Photo C.Breton.
Au centre de la Méditerranée en Tunisie et Corse la diversité
est très marquée avec encore plus d’individus avec les pro-
fils (Com et Mom, et Mck et Cck) y compris pour les variétés
Corses. En Tunisie les variétés présentent surtout les profils
Figure 3 : 3A Oléastres bien accrochés aux falaises de l’anti Atlas au Maroc ; 3B, Oléastres
Me1 et Ce1.
pluri-centenaire de Roquebrune Cap Martin, Alpes de Hautes Provences, France
quand les colonies étaient suffisamment structurées pour des variétés de France et d’Espagne. La présence de O. cuspi-
organiser un plan de plantation ou avait trouvé des inves- data est endémique, et des hybridations spontanées autour
tisseurs puissants pour des investissements risqués (Angles des vergers ont été signalées. Aucune suite n’a été donnée
2000). aux hybrides pour le moment !
La création par des Franciscains de la première mission est Les tribulations de l’olivier perturbées par la
datée de 1769. Les plants sont multipliés localement et envi- crise des années 30, et les grands froids
ron trente missions sont établies. Cent ans plus tard, à Santa
Barbara (1786) un Français riche armateur introduit la culture La mévente due à la crise industrielle fait qu’en Afrique du
en utilisant des noyaux. De nos jours, une nouvelle variété Nord la culture de l’olivier stagne. Pour tenter de dynami-
qui n’existe pas en Europe a été baptisée ‘Mission’. À Santa- ser la vente, les colons du Maroc créent une dénomination
Cruz Island (près de Cuba) en 1886, l’introduction de plants commerciale ‘Picholine Marocaine’ (Sigoise d’Algérie et varié-
‘Arbequina’ (variété d’origine catalane), et noyaux divers, a tés locales). Cette variété n’a rien à voir avec la Picholine,
créé des vergers qui perdurent aujourd’hui. En Floride, près mais bénéficie de la renommée du nom. Les fruits sont à
de Daytonia Beach, New Smyrna est un village oléicole créé double usage, huile et conserve. Actuellement c’est la variété
par des Grecs émigrés. Lucques qui est copiée au Maroc !
Afrique du Nord : l’étude des collections montre qu’avant Olea un voyageur infatigable…
la colonisation les échanges ont été nombreux. En Tunisie,
Maroc et Algérie l’olivier local a été maintenu voire déve- L’olivier a un carnet de voyage bien rempli dans le bassin médi-
loppé et les ressources génétiques recensées jusqu’à la fin terranéen, mais de nos jours ce sont les huiles qui voyagent :
de la colonisation. Ensuite d’étroites collaborations se sont les trafics son variés, beaucoup de mélanges avec tournesol,
établies pour les études agronomiques et pour la recherche. noisette, colza, mais aussi des fraudes sur les appellations.
Introduit au Kenya, l’olivier ne fleurit pas par manque de
froid, sauf en altitude, mais alors le climat est trop humide L’Espagne a eu et, a un rôle majeur – du fait des ex-colonies en
en été et les fruits n’arrivent pas à maturité. L’introduction en zone à climat Méditerranéen, alors que le Portugal a et a eu
Afrique du sud (Stellenbosch city créé en 1769) s’est faite avec un rôle très mineur car ses ex colonies sont en zone à climat
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Figure 4 : L’olivier cultivé en France, dans différents environnements, 4A : Oliviers cultivés en terrasses abandonnées sur le chemin du cirque de Navacelle dans l’Hérault France, 4B : vergers d’oliviers
aux Baux de Provences, Bouches du Rhône, France ; 4C : Olivier pluri-centenaire au Cap Bon, nord-est de la Tunisie. © Photo C.Breton.
Fig. 4 : fruits et fleurs de citronnier Eureka (aquarelle et encre de chine © F. Curk)
Les plantes en voyage !
ÉDITION 2019
ISBN : 978-2-913793-43-9