Vous êtes sur la page 1sur 4

Quel est votre diagnostic ?

Reçu le :
14 février 2015
Syndrome confusionnel chez un sujet HIV
Accepté le :
20 décembre 2015


positif



Disponible en ligne sur
F. Touarsaa,*, I. Mgaada, A. Ajanab, L. Sbihib

ScienceDirect a
Service de radiologie des urgences, hôpital Ibn-Sina, Rabat, Maroc
b
www.sciencedirect.com Service de radiologie centrale, hôpital Ibn-Sina, Rabat, Maroc

Observation L’examen clinique trouve une patiente confuse, désorientée


dans le temps et dans l’espace, apyrétique, eupnéique, nor-
Une patiente de 62 ans, suivie en médecine interne pour une mocarde et normotendue.
infection rétrovirale sous trithérapie, présentait depuis 3 jours L’exploration scannographique cérébrale est normale.
des troubles de conscience d’aggravation progressive à type Une IRM encéphalique a été indiquée, en coupes axiales, coro-
de syndrome confusionnel. nales et sagittales ; et en SP T1, T2, FLAIR et diffusion (fig. 1–4).

Figure 1. a, b et c : IRM cérébrale en coupe coronale, séquence T2 FLAIR.

* Auteur correspondant. e-mail : Firdaous.Touarsa@gmail.com (F. Touarsa).

http://dx.doi.org/10.1016/j.frad.2015.12.001 Feuillets de radiologie 2016;56:181-184


0181-9801X/ß 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

181
F. Touarsa et al. Feuillets de radiologie 2016;56:181-184

Figure 4. a et b : séquence diffusion.

Figure 2. Coupe axiale T2.

Figure 3. a et b : coupe coronale T2.


Quel est votre diagnostic ?

182
Syndrome confusionnel chez un sujet HIV positif

Diagnostic Le rôle de l’imagerie « particulièrement l’IRM », est de


confirmer le diagnostic lorsque la triade de Wernicke est
Encéphalopathie de Gayet-Wernicke. incomplète.
La thiamine est un cofacteur de la transkétolase, nécessaire
pour la transformation du glucose en énergie et indispensable
au métabolisme des neurones sérotoninergiques [3].
Analyse de l’imagerie Le métabolisme des régions péri ventriculaires est particuliè-
rement sous la dépendance de cette molécule, ce qui explique
L’IRM cérébrale montre des anomalies de signal bilatérales et la prédominance des anomalies de signal à ce niveau [4].
symétriques, en T2, en FLAIR et en diffusion, sous forme de Dans les formes classiques, l’IRM en densité protonique, en
zones hyperintenses marquées de part et d’autre du V3, T2 et en séquence FLAIR démontre des hypersignaux symé-
autour de l’aqueduc de Sylvius et au niveau des tubercules triques de part et d’autre du troisième ventricule (fig. 1a),
mamillaires. notamment au niveau des noyaux thalamiques postéro-
médiaux, autour de l’aqueduc de Sylvius (fig. 1c, 2, 3b) et au
niveau des corps mamillaires (fig. 1b, 3a). Les coupes en
Discussion T1 après injection de gadolinium peuvent visualiser une prise
de contraste dans ces mêmes zones. Ces anomalies traduisent
L’encéphalopathie de Gayet-Wernicke est un trouble neuro- l’œdème, la nécrose et la rupture de la barrière hémato-
logique sévère, secondaire à un déficit aigu et massif en encéphalique. Des localisations atypiques ont été rapportées,
thiamine (vitamine B1) par diminution de son apport, de avec des anomalies de signal, sous la forme d’hyperintensités
son absorption ou par sa mauvaise utilisation [1,2]. en T2 avec possibilité de prise de contraste au niveau du
C’est une urgence médicale qui est sous diagnostiquée et de vermis supérieur, de la tête des noyaux caudés et des noyaux
pronostic péjoratif devant l’absence de traitement [3]. lenticulaires [4], des noyaux rouges, des noyaux du nerf facial,
Elle touche plus souvent l’homme que la femme, classique- des noyaux des nerfs abducens et des noyaux vestibulaires,
ment entre 30 et 70 ans, et elle est révélée par une triade ainsi qu’au niveau du cortex central et précentral.
clinique [1,2] : troubles psychiques (syndrome confusionnel, Le signal en imagerie de diffusion peut varier d’une hypo-
apathie, brady psychisme, hypersomnie), troubles oculomo- intensité à une hyperintensité modérée (fig. 4), La diminution
teurs (nystagmus horizontal ou multiple, paralysies oculomo- de la diffusion correspond à un œdème intracellulaire, qui sera
trices par atteinte du III et du VI) et ataxie en rapport avec un responsable d’une mort neuronale et de lésions irréversibles.
syndrome vestibulaire central et un syndrome cérébelleux. L’augmentation de la diffusion peut traduire un œdème
Cependant, la triade n’est complète que dans 30 % des cas extracellulaire, avec peu de conséquences péjoratives sur la
[4,5]. survie neuronale.
Le diagnostic de l’encéphalopathie de GW chez les patients Ultérieurement, les hypersignaux sont remplacés par une
infectés par le VIH est souvent méconnu. La plupart des atrophie des corps mamillaires et des thalami avec élargisse-
observations sont rapportées dans des séries autopsiques ment du troisième ventricule [11].
[6–9]. Le traitement doit être instauré d’urgence par l’administra-
Boldorini et al. rapportent 10 % d’encéphalopathies de GW tion de la thiamine IV à raison de 500 mg/24 h en 3 prise
dans une série autopsique de 400 patients infectés par le VIH pendant 7 jours, puis relais per os à une dose de 250 mg/24 h
[7]. jusqu’à la guérison [12].
Butterworth et al. ont analysé 7 cas autopsiques d’encépha- Malheureusement, devant le retard diagnostic, notre patiente
lopathie de GW chez des patients infectés par le VIH ; seul est décédée avant l’administration du traitement, quelques
2 cas ont été diagnostiqués avant le décès [6]. heures après la confirmation du diagnostic par IRM.
Ces difficultés diagnostics peuvent s’expliquer par la variabi- L’évolution vers le syndrome de korsakoff se voit dans 85 % et
lité des symptômes rapportés chez ces patients. [10]. vers le décès dans 20 % des cas [3].
Le déficit en thiamine rapporté au cours de l’infection à VIH
est favorisé par la cachexie et la dénutrition [6].
Toutefois, on a attribué l’EGW dans une observation à la Conclusion
neurotoxicité de la zidovudine (AZT) [9].
L’alcoolisme est le principal facteur responsable de l’EGW [3]. L’EGW est urgence médicale sous-estimée avec une morbi-
Elle peut cependant être observée dans d’autres situations mortalité élevée.
associées à d’importantes carences nutritionnelles : alimenta- Elle est rarement décrite au cours de l’infection à VIH, en
tion parentérale prolongée, anorexie mentale, malnutrition, dehors d’études autopsiques.
jeûne prolongée, vomissements chroniques, réalimentation Le pronostic est favorable si traitement précoce et adapté,
sans vitaminothérapie. péjoratif sinon.

183
F. Touarsa et al. Feuillets de radiologie 2016;56:181-184

L’IRM est particulièrement utile tant à titre diagnostic que [5] Uldry PA, Bogousslavsky, Regli F. Complications neurologiques
de l’alcoolisme. EMC Neurologie. Éditions Techniques; 1991
pronostic, lorsque l’EGW survient dans un contexte clinique
[17161 B10, 13 p].
atypique où l’intoxication éthylique est absente. [6] Butterworth RF, Gaudreau C, Vincelette J, Bourgault AM, Lamo-
the F, Nutini AM. Thiamine deficiency and wernicke’s enceph-
alopathy in AIDS. Metab Brain Dis 1991;6:207–12.
Déclaration de liens d’intérêts [7] Boldorini R, Vago L, Lechi A, Tedeschi F, Trabattoni GR. Wer-
nicke’s encephalopathy: occurrence and pathological aspect in
Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts. a series of 400 AIDS patients. Acta Biomed Ateneo Parmense
1992;63:43–9.
[8] Montine TJ, Fuller CN. Wernicke’s encephalopathy in a patient
Références with AIDS. AIDS 1993;7:744–5.
[9] Davtyan DG, Vinters HV. Wernicke’s encephalopathy in AIDS
[1] Lenz V, Vargas MI, Bin JF, Bogorin A, Grebici-Guessoum M, patient treated with zidovudine. Lancet 1987;1:919–20.
Jacques C, et al. Apport de l’IRM dans l’exploration de l’encé- [10] Saadoun D, Memain N, Launay O, Slimi F. Encéphalopathie de
phalopathie de Gayet-Wernicke. J Neuroradiol 2002;29:153–60. Gayet wernicke au cours de l’infection par le VIH. Ann Med
[2] Houssain D, Saddoud N, Essghaier S, Baccar A, Chammakhi- Interne 2002;153:68–9.
jemli CH, Daghfous MH. Apport de l’IRM dans l’encéphalopa- [11] Varnet O, de Seze J, Soto-Ares G, Tiberghien F, Caparros
thie de Gayet Wernicke ; service d’imagerie médicale, hôpital Lefebvre D, Daems C, et al. Encéphalopathie de Gayet
Habib thameur, 1008, Montfleury, Tunis, Tunisie. In: STR; 2011. Wernicke : intérêt diagnostic et pronostique de l’imagerie
[3] Wastiaux A. Encéphalopathie de Gayet Wernicke. In: Sympo- par résonance magnétique. Rev Neurol 2002;158:1181–5.
sium; 2008. [12] Sechi GP, Serra A. Wernicke’s encephalopathy: new clinical
[4] Oppdenakker G, Gelin G, De Surgeloose D, Palmers Y. Wernicke setting and recent advances in diagnosis and management.
encephalopathy: MR findings in two patients. Eur Radiol 1999; Lancet Neurol 2007;6:442–55.
9:1620–4.

184

Vous aimerez peut-être aussi