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Le silence au-delà de non sonore

Remerciements

Je tiens à remercier l’ensemble des personnes qui m’ont


apporté

leur aide au cours de ce mémoire, que ce soit pour le contenu,


les

échanges, la forme, ou le soutien moral.

Je tiens à remercier Madame Noura Nefzi, mon professeur et


directrice de mémoire, dont le soutien et les bons conseils ne m’ont
jamais fait défauts. Que ce mémoire soit la preuve de mon grand
respect.

1
Le silence au-delà de non sonore

I. Introduction

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Le silence au-delà de non sonore

Avant d’être sonore le cinéma est né muet. Après une bonne dizaine d’années
de son émergence, il s’est convertisse au parlant, mais il a souvent été plus parlant que
sonore, privilégiant la voix humaine, comme centre de l’attention et c’est au sein de ce
phénomène qu’on distingue que le silence est un élément problématique.

Quand nous parlons de silence, nous avons tendance à penser de suite au


cinéma muet mais l’avènement du parlant en 1927 avec le premier film « le chanteur
de jazz » (Alan CROSLAND) a montré que le silence va au-delà de non sonore, selon
Laurent JULLIER « le chanteur de jazz» n’est que le premier long métrage de fiction
exploité en son synchrone. C’est dans cet univers, que le silence a fait son apparition ;
il s’est prévalu le pouvoir de se faire entendre et de se faire représenter. De tous les
arts, expliquait Béla BALAZS :

‘‘Le silence n'a de signification que là où il pourrait y avoir du bruit. Là où il est


intentionnel. Soit que les choses se taisent soudain, soit que l'homme pénètre dans le
silence comme dans une autre contrée. Le silence devient alors grand événement
dramatique. Mais il faut ensuite que le bruit reprenne comme avant. Voilà pourquoi le
silence ne peut être représenté que dans le film parlant.1”. Le silence prend donc une
place importante dans le monde de cinéma comme un moyen d’expression
cinématographique et dans le cinéma parlant’’.

Dans cette perspective, nous tenterons d’aborder le silence comme élément du


langage, comme une forme de communication, comme une représentation artistique et
comme un phénomène sonore, dans notre mémoire nous nous inspirerons de ce terme
pour traiter le silence au-delà de non sonore.

Donc le présent travail adopte une lecture assez spécifique du silence selon
certains théoriciens mais c’est la seule lecture selon José MOURE : «  Le cinéma
entretient avec le silence des rapports ambigus et paradoxaux, rapports d'affinité et de
refoulement qui trouvent leur explication à la fois dans la nature matérielle de ses
moyens d'expression et dans son histoire singulière d'art né "muet" avant de devenir
"parlant" ». Dans ce contexte ce mémoire se cheminera autour de ces questions :
Qu’est-ce que le silence ? Quels sont les différents aspects du silence ? Quels sont les
représentations du silence ? Qu’est-ce que une bande sonore d’un film ? De quoi elle
se compose ? Comment le silence se manifeste dans la représentation sonore ? Dans

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Le silence au-delà de non sonore

quelle mesure le silence se manifeste comme élément énonciateur et le récit peut être
générateur de silence ? Nous tenterons d’y répondre en deux parties.

Deux chapitres  essayeront de soulever le silence au-delà du non sonore: le


premier chapitre, nous tentera de présenter les représentations du silence, et pour y
arriver on doit d’abord comprendre l’origine du terme silence dans son sens le plus
général, ensuite de l’étudier sous ses plusieurs aspects non seulement l’artistique mais
aussi autre aspect : culturelle, biologique, spirituelle, philosophique et esthétique. La
deuxième partie de premier chapitre sera consacré au silence à travers les langues et
les langages c’est-à-dire nous essayerons d’analyser le silence à traves les arts comme
la musique, la peinture, le théâtre et la littérature. Après nous allons traiter dans ce
même chapitre ce terme dans un cadre purement cinématographique en commençant
par aborder le passage de muet au parlant et comme le silence se manifeste dans la
représentation sonore, nous allons présenter et expliquer la bande sonore d’un film.
Finalement on essaye de toucher aux représentations de silence dans le cinéma qu’est
le but principal de mémoire est de répondre à la problématique: dans quelle mesure le
silence se manifeste comme élément énonciateur et le récit peut être générateur de
silence ?

Plusieurs sont les œuvres cinématographiques qui ont traité le silence comme un
élément meneur de la narration et d’expressivité, comme ceux de Sofia COPPOLA
aux États-Unis, Ingmar BERGMAN en Suède et Mohsens MAKHMALBAF dans le
cinéma Iranien, mais dans un cadre local, un des films de l’histoire du cinéma Tunisien
les silences de palais de Moufida TLATLI, d’où le deuxième chapitre sera consacré au
traitement du silence comme élément énonciateur du récit, le silence comme pivot
essentiel de la narration. Une analyse séquentielle du film sera nous aider à extraire le
rôle et la fonction du silence comme pivot essentiel de narration. pour répondre au
dernier question qu’est le silence comme élément énonciateur dans le récit ; nous
tenterons à y répondre à partir d’une analyse séquentielle de ce film Tunisien les
silences des palais dont le titre même est un porteur de silence.

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Le silence au-delà de non sonore

II. Chapitre 1 : Le silence


au-delà du non sonore

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Le silence au-delà de non sonore

A. Le silence s’exprime

1. Le silence !

Le silence nous a toujours fascinés car il touche au "non-dit". Autrement, à


l’instar de Marguerite Yourcenar, on peut appréhender le silence comme tout ce qu’on
n’a pas pu dire. Comme le "dit" est une forme de communication verbale, le "non dit"
est la communication non verbale qui ne s’oppose pas nécessairement au dit ; d’où le
silence est présent entre les mots "non-dits" mais peut-on trouver le silence dans les
mots ? Donc je vais tenter de limiter l’intervalle dans lequel on peut toucher au silence.

Tout d’abord, à partir de la définition étymologique, je vais essayer d’aborder


les autres aspects pour saisir le silence entre le "dit" et le "non dit".

A l’origine Le terme silence vient du verbe latin silentium. c’est l’état d'une
personne qui s'abstient de parler.

Selon le dictionnaire culturel en langue française le silence est :

« Silencieux, Euse adj.et n.m.

Qui s’abstient de parler, de crier ; par ext. Qui est habituellement peu
communicatif, n’aime pas parler. Rester, être silencieux : muet. C’est un silencieux,
une silencieuse : une personne qui parle peu.

Qui ne s’accompagne pas de paroles. Un repas silencieux. Qui ne s’exprime pas


par des mots, des cris, des pleures….douleur, rage, désapprobation silencieuse.

Qui se fait, qui se passe sans bruit, en silence, en sourdine. Mouvement


silencieux, démarche silencieuse. Feutré, ouaté. Des oiseaux au vol silencieux.

(D’un lieu). Dans lequel le silence et le calme règnent (calme, quiet). Quartier
silencieux. Endormi, muet. Maison, rue silencieuse.

Qui fonctionne avec un minimum de bruit, avec un faible niveau sonore.


Moteur, aspirateur silencieux. Une voiture silencieuse, dont le moteur est relativement

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Le silence au-delà de non sonore

silencieux. Radio. Accord silencieux, se dit d’un commutateur de réglage qui tend à
diminuer le bruit de fond. »1

Pour conclure, on peut dire que le silence pourrait comprendre plusieurs


paramètres; d’une part c’est le fait de se taire, de demander le silence à une personne,
d’une autre part c’est le calme ou la paix d’un lieu, ou encore le mouvement silencieux
sans bruit… d’où le silence peut être associé à plusieurs autres aspects.

a) Silence et cultures
Notre compréhension au silence varie d’une culture à l’autre car chaque culture
admet une signification spécifique au silence. Dans certaines cultures, le silence est la
sagesse, dans d’autres la puissance, ou le secret. Tout dépend de quelle culture l’on
parle.

Il est bien évident que la culture témoigne des sociétés, aussi est-il nécessaire
d’étudier la différence de signification du terme silence d’une culture à l’autre. On ne
peut pas évoquer toutes les cultures du monde mais on va essayer de prendre quelques
exemples. Dans des cultures parlantes de la parole oû la communication est un élément
important, le silence ne prend pas place ; Dans d’autres au contraire, le silence est une
forme de force, notamment dans la culture asiatique qui considère le silence comme un
signe de respect : ils écoutent plutôt que parlent dans la culture bouddhiste, où le
silence représente la sagesse. La signification de mot silence est différente d’une
culture à l’autre, néanmoins le mot témoigne de l’être vivant, notamment de l’être
humain.

Certes dans la culture tunisienne et à l’époque d’El Bey, les femmes tunisiennes
sensé de se taire.

b) Silence et biologie
La biologie est la science qui a pour but d’étudier la matière vivante et les êtres
vivants, elle recouvre une partie des sciences de la nature et l’histoire naturelle des
êtres vivants (Wikipédia). Ce qui nous intéresse dans cette partie par rapport à notre
sujet principal qu’est le silence, est la biologie humaine. Donc quel est le rapport
1
Alain Rey. S. d. Le Robert. Dictionnaire culturel en langue française. P 790.

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Le silence au-delà de non sonore

existant entre le silence et la biologie humaine ? On sait que la mort se traduit par
l’arrêt général du fonctionnement du corps humain : l’arrêt des activités des organes,
l’arrêt de la parole, l’arrêt du mouvement, l’arrêt cérébral… d’où la mort vient trouver
sa place dans le silence puisque le corps humain devient silencieux.

Pourtant, l’audition occupe une partie de la biologie des êtres vivants, celle qui
est responsable de la perception auditive, bien évident la surdité est une maladie oû le
silence prend place. Comme le silence est une absence de paroles et de sons, le sourd
ne perçoit en général aucun son, parole ou bruit, et dans ce cas le silence s’impose. On
peut parler ici d’une absence totale de sons.

Néanmoins, l’être humain est un être social qui a besoin de la communication et


de la parole et comme nous vivons aujourd’hui dans une société de bruit et de
bavardage, le silence parait une vraie nécessité. Il est donc judicieux de rapprocher le
terme silence et spiritualité.

c) Silence et spiritualité
La spiritualité se rattache à toutes les formes de société qui se sont construites
sur le langage. Le silence à son tour est une forme de langage, c’est le fait de se taire.
Dans le monde de la spiritualité, le silence est le langage de sagesse et de secret. On
parle ici de la force du silence intérieur, la recherche de calme, de paix et la coupure
avec le monde extérieur. C’est la méditation ou aussi la recherche de spiritualité. Dans
la culture bouddhiste, rien n’est plus parlant que le silence ; le Bouddha reste toujours
le grand silencieux.

Mais dans certaines cultures, le silence est un pouvoir de concentration, une


forme d’énergie et de puissance. Ainsi notre compréhension du silence prend forme et
couleur en fonction des sociétés et des individus et représente une partie de
l’imaginaire individuel et collectif. Le silence représente notre regard sur le monde, sur
ce qui existe et ce qui n’existe pas, sur le "dit" et le "non dit". Il est donc légitime
d’aborder le silence d’un point de vue philosophique.

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Le silence au-delà de non sonore

d) Silence et philosophie
Selon le dictionnaire philosophique « le silence n’est pas l’absence non de son
mais de sens. Un bruit peut donc être silencieux, comme un silence peut être sonore.
Ainsi le bruit du vent, ou le silence de la mer. Le silence, c’est ce qui reste quand on se
tait, c’est-à-dire tout. Ce n’est qu’un autre nom pour le réel, en tant qu’il n’est pas au
nom. » 2

Silence et paroles, deux termes opposés, mais qui peuvent porter plusieurs sens.
On dit « La parole est d'argent mais le silence est d'or ».

Selon une revue philosophique de Louvain « Le silence apparaît comme l'indice
du rien: rien n'arrive, rien ne se passe. Cela est si vrai que le silence ne peut être
produit, contrairement à ce que laisse entendre l'expression "faire silence". Il n'y a rien
à faire pour établir le silence; il faut au contraire s'abstenir de tout faire, suspendre
toute activité. Le silence s'établira de lui-même, lors de l'ultime cessation de l'agitation.
Loin d'être un effet, il est la manifestation en creux de l'absence de toute cause. »3

Ainsi, le silence est l’absence de tous les sens et pour atteindre ce silence il
impose l’absence de faire, ou de ne rien faire. La compréhension de silence varie et
diffère selon les domaines scientifiques. Maintenant on va découvrir et tenter de
creuser plus en profondeur dans la notion de silence d’un point de vue esthétique.

e) Silence et esthétique
Pour l’esthétique « au sens propre, le silence c’est l’absence de sons, de bruits.
Dans une œuvre composée de sons, comme la musique, il ya des silences partiels
lorsque certains voix se taisent pour en laisser entendre d’autres ; mais le silence
complet peut se rencontrer, sortes de vides sonores où l’œuvre s’interrompt pour un
temps. De tels silences peuvent avoir des fonctions esthétiques : suspension créant une
attente, absence d’une réponse escomptée »4.  

2
André Comte-Sponville. Dictionnaire philosophique. 4 éme édition. (2013). P 925.
3
J-L. Solére. Revue philosophique de Louvin. S. d. (2005). P 615.
4
Etienne Souriau. Vocabulaire d’esthétique. 2 éme édition. (2004). P 1292.

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Le silence au-delà de non sonore

Le silence se trouve dans les œuvres artistiques, bien évidemment dans la


musique. C’est donc dans la partie ci-dessous que l’on va présenter le silence sous ses
aspects artistiques.

2. Le silence à traves les langues et les langages


Il est clair que définir le silence est une opération complexe et compliquée
puisque le silence se manifeste dans plusieurs domaines de l’esthétique; le silence,
mute, parle et crie, il se manifeste dans différents sens et représentations. Aussi pour
définir le silence, je vais essayer de l’étudier sous ses représentations artistiques
(musique, peinture, théâtre et littérature).

a) Musique et silence
Le silence est lié aux arts dits sonores et avant tout, à la musique. Donc le
rapport entre musique et silence parait évident. Il est donc nécessaire de détailler les
différentes relations entre musique et silence.

En musique, chacun des moments pendant lesquels, au cours d'un morceau, les
chanteurs ou les instruments se taisent, se produit dans la déclamation, des suspensions
de celui qui parle.’’5

Le silence désigne une durée pendant laquelle un instrument ne joue pas ou un


chanteur de chante pas. Un signe, un symbole, sur la partition signifie à
l’instrumentiste qu’il ne doit pas jouer ou chanter.

Les signes pour les désigner s’appellent pauses, soupirs, demi-soupirs.

5
Récupéré de http://www.dico-definitions.com/dictionnaire/definition/26968/Silence.php

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Le silence au-delà de non sonore

Figure n 01 qui illustre le


silence musical pour chaque note

Selon J. J. Rousseau, les silences sont des signes remplaçant les notes, qui «
marquent que tout le temps de leur valeur doit être passé en silence »6

John Cage un compositeur américain qui a réussi à écrire une musique entièrement
composée de silences sous le nom de 4'33". Cette œuvre est constituée de trois
mouvements, dont chacun se résume sur le papier au simple mot TACET (« il se tait »,
en latin). De fait, les instruments ne jouent aucune note musicale mais en  est en fait
constituée par les sons produits par l’environnement dans lequel elle est jouée. Le
compositeur veut ainsi mettre en avant le fait qu’il est impossible de trouver un silence
parfait. Notamment aussi la Symphonie monotone-silence de 1949 d'Yves Klein, pièce
orchestrale de quarante minutes dont le deuxième et dernier mouvement est un silence
de vingt minutes. D’où John Cage n’est pas le premier compositeur à avoir conçu une
musique entièrement composée de silence.

b) Peinture et silence

Selon Bartha-Kovacas « Dans les arts figuratifs, le non exprimé se manifeste


surtout par l’interruption d’une continuité spirale. Les vides qui articulent la surface du
mur ou de la statue font partie intégrante de l’ensemble architectural ou sculptural, en

6
Jean Jacques Rousseau. Dictionnaire de musique in Écrits sur la musique, Paris, Bibliothèque de la
Pléiade. (1995). P 1041.

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Le silence au-delà de non sonore

peinture ils marquent les intervalles séparant les éléments de l’image. Ces vides
peuvent donc être considérés comme équivalents de certains types de silence. » 7

La peinture aussi naît dans le silence ; « ce terme de peinture se dit, par
opposition à fracas, du calme ou de la simplicité qui règne dans une composition, dans
le coloris et la disposition des lumières. Il ya du silence dans ce tableau. »8

La peinture peut représenter le vide, parfois même le son, et le silence. Mais elle
met ce vide, ce silence, en forme dans le but de les rendre signifiants, expressifs. Nous
pouvons donner l’exemple du célèbre tableau d’Edvard Munch 9, Le Cri peint en 1893.
Ce tableau renvoie à une dimension sonore, tout renvoie au cri et à la douleur, ce cri
qui brise le silence.

Bien évidement, le silence apparait sur d’autres tableaux, notamment Fernand


Khnopff 10 avec son œuvre le silence en 1890.

La peinture comme forme artistique est l’une des représentations qu’on peut
associer au silence, sans exclure la scène théâtrale qui peut être aussi une
représentation « picturale », et l’on peut maintenant découvrir le silence dans une autre
forme artistique qu’est le théâtre.

c) Théâtre et silence

Présent dans différents arts, le silence s’exprime aussi au théâtre. Il prend corps
dans l’œuvre théâtrale. Partant d’une définition terminologique, et selon le dictionnaire
de la langue du théâtre, le silence est « l’injonction que l’on trouve sur les portes qui
mènent des coulisses au plateau. C’est aussi une indication scénique. L’art de l’acteur
qui observe un silence et qui est capable de le meubler par sa mimique, par ses jeux de
physionomie, mais aussi par sa faculté à être là, à être présent à la situation, sans
donner l’impression d’attendre la réplique suivante. »11

7
Bartha-Kovacas. Le silence et la peinture. Researchgate. (2017). P 47.
8
Frédéric Jézégou. Dico Définitions. (2018). Op. cit.
9
Un peintre et graveur norvégien, Reconnu comme un des précurseurs de la peinture expressionniste
10
Fernand-Edmond-Jean-Marie Khnopff est un peintre, dessinateur et graveur symboliste belge
11
Agnés Pierron. Le robert. Dictionnaire de la langue de théâtre. (2002). P 510.

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Le silence au-delà de non sonore

La scène est le lieu où les acteurs s’expriment au niveau verbal et non verbal.
Tout parle au théâtre (décor, costumes, personnages, musique…), l’échange de paroles
ou de discours est considéré comme l’élément essentiel dans la mise en scène au
service du jeu, conséquemment la parole est estimée comme le meilleur procédé pour
exprimer les idées du dramaturge sur la scène. Le spectacle est un dialogue qui
s’impose sous différentes formes d‘expression dont le silence est l’une d’elles. Sur le
plan verbal, le silence sera observé en tant qu’absence de paroles sur la scène, en effet
il est un acte de langage non verbal qui a pour vocation de communiquer et de créer
une situation d’énonciation. Selon Marguerite Yourcenar12 le silence est fait de paroles
que l’on n’a pas dites.

Dans un autre sens, le silence est un langage scénique de communication non-


verbale : Antonin Artaud13 définit ce langage en disant : « c’est à travers des évolutions
et des courbes qui ne laissent aucune portion de l’espace scénique inutilisé, se dégage
le sens d’un nouveau langage physique à base de signes et non plus de mots. » 14

Dans le théâtre même, l’obscurité de la salle provoque le silence. Les


spectateurs aussi jouent un rôle important dans l’atmosphère silencieuse, Plus les
spectateurs sont nombreux, plus le silence est pesant et devient un socle sur lequel le
jeu des comédiens peut prendre son essor. Même l’effet de contraste entre le bruit, le
mouvement sur scène et le calme apparent de la salle permet de percevoir le silence.
Le silence est un discours, un langage, un art de parler au théâtre. Notamment la
dramaturgie est un composant essentiel d’une mise en scène théâtrale, en effet le
théâtre est le texte en scène. Il existe ainsi une forte relation entre théâtre et littérature,
c’est pourquoi on va aborder le terme de silence d’un point de vue littéraire.

12
Marguerite Yourcenar Romancière, nouvelliste et autobiographe, elle est
aussi poétesse, traductrice, essayiste et critique littéraire.

13
Antonin Artaud est un théoriciendu théâtre, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète français.
14
Artaud, A. s. d. le théâtre et son double. P. 52.

13
Le silence au-delà de non sonore

d) Littérature et silence

Pour rendre compte du silence dans la littérature, abordons-le du point de vue


de la langue et de la grammaire. On a déjà noté que le mot "silence" vient du verbe
latin "silere" ; dans la grammaire, ce terme est un substantif commun de genre
masculin dont le sens s’applique à l’état d’une personne qui se tait, de même pour le
langage écrit en représentant le calme.

Selon un article publié en 2009, l’auteur Francis Claudon a décrit le silence en


littérature comme le silence en musique, « comme leur nom l'indique, silences et
soupirs suscitent l'attente, ils créent le sentiment d'un manque. On le voit – ou plutôt
on l'entend – nettement dans les premières mesures du premier mouvement (2/4) de la
Symphonie n° 9 de Beethoven, lorsque au milieu d'un tapis formé par l'unisono des
violoncelles, intervient à la toute fin de la mesure, sur une anacrouse, une question
formulée prestement en quinte descendante par les premiers violons, jusqu'à ce que,
seize mesures plus tard, s'énonce enfin le thème. Je crois que cette rhétorique de
l'attente se retrouve assez exactement en littérature, dans le fameux poème les Djinns
de V. Hugo, inclus dans les Orientales 15:
Mur, ville
Et port
Asile de mort

Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort…

Dans la plaine
Naît un bruit
C'est l'haleine
De la nuit

Elle brâme
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit. Figure n 02
Poème les Djinns de V. Hugo.

15
Francis,C. Le silence ou la présence des absences. Université Paris XII, Créteil. (2009). Récupère de
http://cief.elte.hu/sites/default/files/article_claudon_francis.pdf

14
Le silence au-delà de non sonore

Dans cette partie, Il s’agissait de présenter divers aspects du silence, afin de


poser des bases pour la suite de notre étude. Nous allons maintenant pouvoir aborder le
sujet silence dans les œuvres cinématographiques. A partir de ce qu’on a vu dans cette
étude, nous pouvons déduire que le silence au cinéma revêtira aussi de nombreuses
significations dans ses divers usages.

B. Vers une représentation du silence

1. Le silence au cinéma
En tant que septième art, le cinéma est un moyen d’expression et de
communication, il dispose d’un ensemble d’outils de langue. Conséquemment le
cinéma a un ensemble de matériaux narratifs qui lui permet de construire ce moyen qui
est propre à lui. Il se trouve qu’il y a plusieurs éléments et composants qui contribuent
à la construction d’un film, notamment le récit, la bande image et le son.

Le cinéma est un langage qui englobe les autres arts. Bien évidemment, il existe
le lien entre la littérature et le septième art ; les scénarios filmiques se basent
généralement sur les adaptations des nouvelles et des romans, en effet les cinéastes se
sont tournés vers les écrivains pour leur emprunter et réinterpréter leur vision du
monde. Les arts plastiques et visuels en tant que décor font partie de la composition de
la bande d’image du film ; le jeu de l’acteur est l’élément essentiel de chaque œuvre
cinématographique sans oublier qu’il est d’origine théâtrale. Notamment la musique
qui fait partie des arts sonores est l’un des composants de la bande son.

Le cinéma est un art qui inclut presque tous les autres arts, et comme on a déjà
étudié le terme de silence dans ses représentations artistiques, on doit l’étudier aussi
dans le cinéma et plus clairement dans la bande son qui est notre sujet principal de ce
mémoire.

a) Le son au cinéma 

Comme le son est l’un des composants sonores au cinéma, il est donc nécessaire
de le définir en premier lieu d’un point de vue physique.

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Le silence au-delà de non sonore

Selon le dictionnaire de l’académie française, et d’un point de vue physique 16 le


son est une « Sensation que produisent sur l'organe de l'ouïe les vibrations des corps
propagées à travers l'air jusqu'à la membrane du tympan. Le son parcourt trois cent
trente-sept mètres par seconde»17.

On dit son aigu, grave, perçant, éclatant, prolongé. Son clair, doux, harmonieux.

Techniquement l’enregistrement du son se fait de deux manières, la première


est la prise du son directe: enregistrer le son en même temps que les prises de vues lors
du tournage. La deuxième en postsynchronisation: enregistrer le son du film en studio,
les comédiens jouant les dialogues. Créer aussi les bruitages et la musique d’ambiance
en direct sur les images, puis synchroniser images et son après le tournage ; selon
Michel Chion « La notion de son direct, vis-à-vis de l’environnement, n’implique donc
pas moins une reconstitution, fût-elle par simple soustraction, que celle de son
postsynchronisé. »18

Tout comme les images, le son participe à la mise en scène du film. Dans cette
deuxième partie nous allons aborder le sujet lors du passage du cinéma muet au
parlant, pour ensuite présenter et analyser la bande sonore d’un film dans le cinéma.

Avant l’arrivée du parlant, le cinéma était muet mais la vrai question qui se
pose : est ce que le cinéma muet est représenté seulement par la bande d’image et
l’absence totale de son ? En effet ce cinéma n’était en rien silencieux. Selon Jean
Painlevé, «  le cinéma a toujours été sonore.»19

Au-delà de ces représentations visuelles de l’image, il existe des représentations


visuelles du son ; ces derniers étaient le plus souvent représenté par des commentaires
et des cartons qui racontait l’histoire et même parfois jouait les dialogues. D’où le
cinéma muet n’était pas vraiment plongé dans le silence, de plus il était accompagné
par la musique, les bruitages eurent aussi une place importante.

16
Le son a été longtemps considère comme un objet physique difficile à cerner et ce n’est pas depuis
une date récente (milieu du XIX siècle) qu’on a su l’enregistrer et le reproduire.
17
Dictionnaire de l’académie française. 8 ème édition. Dans je cherche une définition. Récupère de
https://www.mediadico.com/dictionnaire/definition/son/

18
Michel Chion. s. d. L’audio vision, son et image au cinéma. 3éme édition. P 103.
19
Michel Chion. S. d. La voix au cinema. P 20.

16
Le silence au-delà de non sonore

Notamment Le chanteur de jazz, un film d’Alan Crosland sorti en 1927, est


considéré comme le premier film parlant ou sonore dans l’histoire de cinéma. C’est
donc entre 1926 et 1930 que le langage cinématographique se voit doter de la parole,
permettant de mener la narration d’une toute autre manière qu’au temps du muet. Les
sons ne sont plus suggérés par les images, mais directement entendus. Le cinéma
parlant a fait ressortir le synchrone.

Dans son article José Moure a classé les films selon leurs processus de
fabrication par rapport à la bande sonore « On distingue alors trois grandes catégories
de films :

- les films "silencieux" (d'avant ou d'après 1929), "fabriqués" sans bande-son


et délibérément destinés à être "projetés" dans le silence hypnotique de la
salle ;
- les films "muets" (jusqu'en 1929),"fabriqués" sans bande-son mais destinés à
être "projetés" avec un accompagnement sonore ;
- les films "sonores" (depuis 1929) "fabriqués" et "projetés" avec un son
prédéterminé, enregistré sur la bande-son. ».20

b) Le silence et ses différents niveau d’expressivités


La question du son au cinéma est aussi vaste que celle de l’image, donc après
avoir abordé le passage de muet au parlant, je vais maintenant présenter et expliquer la
bande sonore d’un film en commençant par poser une question très simple : De quoi se
compose une bande sonore d’un film ?

Dans un univers sonore d’un film, on peut distinguer trois composants:


les ambiances et bruits, les paroles et la musique.

Comme on a déjà parlé dans la partie précédente, que l’image et la bande son
constituent l’ensemble des matériaux d’un film, il existe donc un rapport de son avec
l’image, car dans un film, le son a surtout du sens au regard des images qui
apparaissent à l’écran. Quels sont ces rapports ?

On peut définir trois types de rapports entre le son et l’image :

20
José Moure. Du silence au cinéma. (1998). P25.

17
Le silence au-delà de non sonore

- Le son IN : la source du son est visible à l'écran c’est le son synchrone.


- Le son HORS-CHAMP : la source du son n'est pas visible à l'image, mais
elle peut être imaginairement située dans l'espace-temps de la fiction
montrée c’est le cas d’un son diégétique.

Exemple : on entend la course d’un cheval avant de voir l’animal apparaître à


l’écran.

- Le son OFF : il émane d'une source invisible située dans un autre espace-
temps que celui qui est représenté à l'écran. On parle ici d’un son extra
diégétique, où l’on ne peut pas voir la source sonore dans le film.

Exemple : toutes les musiques dont les interprètes n’appartiennent pas à


l’histoire.

Dans la suite de cette partie, nous étudierons les différentes représentations du


silence dans le cinéma.

2. Les différentes représentations du silence

Nous allons maintenant nous intéresser plus particulièrement au silence dans le


cinéma.

On va commencer tout d’abord par définir le silence au cinéma d’un point de


vue technique. Dans la partie qui précède, nous avons déjà parlé du son direct au
tournage, où généralement tout ingénieur de son doit enregistrer le silence plateau lors
de sa prise de son direct au tournage. Comme le remarque Michel Chion, «  cet
élément zéro – du moins le semble-t-il – de la bande sonore qu’est le silence n’est rien
moins que simple à obtenir, y compris au niveau technique. Il ne suffit pas en effet
d’interrompre le flux sonore et de mettre à la place quelques centimètres d’amorce. On
aurait alors le sentiment d’une rupture technique (un effet cependant qu’a utilisé
plusieurs fois Godard, notamment dans Vivre sa vie). Chaque lieu a son silence
spécifique, et c’est pour cela que, lors d’une prise de son en extérieur, en studio ou en
auditorium, on veille à enregistrer quelques secondes du silence spécifique du lieu :

18
Le silence au-delà de non sonore

elles serviront pour les éventuels raccords entre les répliques et créeront le sentiment
recherché, que le cadre de l’action est temporairement silencieux ».21

José Moure a son tour a spécifié ce silence technique par les silences absolus
« A ces silences "absolus" obtenus soit par une rupture technique (silence technique:
piste sonore supprimée ou blanche), soit par l'enregistrement du silence spécifique du
lieu (silence reproduit: silence auditorium, silence studio, silence campagne…) ».22

Le silence technique est donc l’une des modalités cinématographiques du


silence selon José Moure.

Ailleurs, dans son article, Christian Canonville écrit : « à partir de la


généralisation de l’enregistrement magnétique, et particulièrement sur les tournages, le
silence devient une réalité, celle produite par l’agitation thermique des molécules d’air,
la respiration des lieux, ces silences plateau composés de bruit des projecteurs, de la
présence silencieuse de l’équipe de tournage. »23

D’où le silence technique ou silence plateau est présenté seulement dans les
tournages lors de prise du son directe, avec les éléments de décor tels que les
projecteurs de lumière et la présence des acteurs et de l’équipe technique.

A la manière du John Cage de 4’33, Godard impose à son public une minute de
« vrai » silence dans cette scène de « Bande à part ».

21
Michel Chion. s. d. L’audio-vision (3éme édition). P 61.
22
José Moure. (1998). Du silence au cinéma. P. 32.
23
Christian Cononville. Des quelques implications esthétiques des innovations techniques dans la
dimension sonore des films. Cahier Louis-Lumière. (2003). P95.

19
Le silence au-delà de non sonore

Figure n 03
Une minute de silence
Band a part -Jean Luc Godard

Suite à cette expérience, John Cage a affirmé « le silence n’existe pas, va t-en
dans une chambre forte et entends-y le bruit de ton système nerveux et entends-y la
circulation de ton sang. »24

On pourrait dire alors, que même dans les chambres sourdes et les studios isolés
acoustiquement de l’extérieur, on n’arrive pas à écouter le silence absolu car malgré
tout on entend les bruits de notre propre corps (respiration, battement de cœur).

Le silence au cinéma n’est donc pas seulement un silence technique, il existe


d’autres représentations du silence que l’on tente de découvrir dans une deuxième
partie.

Bien évidemment, le silence comme phénomène sonore est considéré comme


l’absence totale du son, mais on a déjà réalisé que le silence en tant qu’absence totale
de son n’existe pas, d’où le silence dans une scène filmique n’est pas l’absence totale
des bruits ou l’absence de paroles. Ce paradoxe de terme silence nous amène à
découvrir les représentations de silence et pour cela, on va commencer par le silence
comme absence de son.

24
John Cage. In silence. Denoël. (1970). P 24.

20
Le silence au-delà de non sonore

a) Absence de son
Le silence, dans son sens premier, signifie « absence de son ». Mais
l’absence totale du son n’existe pas; en effet chaque lieu a son silence spécifique ; on
peut présenter le silence de la campagne par le bruit des oiseaux ou du vent qui fait
bouger les feuilles des arbres, cette ambiance représente le silence de ce lieu. « De
quelle manière puis-je percevoir le silence ? - se demandait Béla Balazs. Pas tellement
du fait que je n'entende rien. Au contraire : quand le vent du matin m'apporte le chant
du coq d'un village voisin, quand j'entends là-haut, dans la montagne, la cognée du
bûcheron, quand j'écoute, sur la mer, des bruits venant d'hommes que je suis presque
incapable de distinguer, quand, dans un paysage d'hiver, j'entends au loin, quelque
part, un fouet claquer, c'est alors que j'entends le silence. »25

C’est d’ailleurs, suite à l’expérience de John Cage dont on a déjà parlé dans la
partie précédente, qu’on réalisa l’impossibilité de trouver le silence totale.

Le silence comme absence de son peut se manifester dans le cas d’une personne
atteinte de surdité, qui n’entendrait aucun son. On parle ici de son de la surdité, Les
enfants de silence est un film de Randa Haines dont le personnage Marlee Matlin est
sourde de naissance, On peut dans ce cas parler de silence perçu, car ça n’est pas une
absence de son émis, mais une absence de son reçu.

L’absence de son est donc une des représentations que l’on attribue au silence.

b) Le silence contraste
Quand on dit silence, on pense immédiatement au bruit. En effet on peut être
silencieux par rapport à quelque chose. Le silence est perçu lors de l’arrêt d’un son en
contraste avec un autre, comme l’a déjà affirmé Michel Chion : « Cependant,
l’impression de silence dans une scène de film n’est pas le simple effet d’une absence
de bruit ; elle ne se produit que lorsqu’elle est amenée par tout un contexte et toute une
préparation. Laquelle consiste, dans le plus simple des cas, à le faire précéder d’une
séquence bruyante. Le silence, autrement dit, n’est jamais un vide neutre ; c’est le

25
Béla Balazs. S.d. L'esprit du cinéma. P 243.

21
Le silence au-delà de non sonore

négatif d’un son qu’on a entendu auparavant ou qu’on imagine ; c’est le produit d’un
contraste. »26

Poursuivant la même idée, José Moure l’exprime à sa manière : « le silence


n'est pas seulement rendu par l'absence de sons ; il y a aussi des silences "sonores" :
silences représentés, suggérés par des bruits associés à l'idée de calme ou par des sons
ténus (le tic-tac du réveil dans Face à Face de Bergman…) ou lointains (aboiements de
chiens, tintements de cloches…) qui ne sont audibles que quand les autres bruits
environnants se sont tus. » 27

Nous prenons l’exemple de film lost Highway de " David Lynch" la dernière
séquence qui illustre le protagoniste dans sa voiture dans un état hystérique, et
l’emploi du silence après le bruit. 

Figure n 04
Sequence du film Lost highway de David Lynch

Un autre exemple, extrait de Rencontre du troisième type de Steven Spielberg,


est significatif quand les scientifiques qui ne cessent de voyager à travers le monde,
d’échanger en mille langues dans le bruit et le gène pour ensuite se retrouver face aux
extraterrestres dans le silence.

26
Michel Chion. s. d. L’audio-vision (3éme édition). P 61.
27
José Moure. (1998). Du silence au cinéma. P. 33.

22
Le silence au-delà de non sonore

On a déjà cité deux exemples qui illustrent les cas de silence contraste avec les
bruits. Ainsi il faut prendre en compte le caractère relatif du silence, qui est perçu lors
de l’arrêt d’un son, ou en contraste avec un autre.

Ce mémoire a pour but d’étudier l’ensemble des représentations de mot silence


au cinéma, mais l’une en particulier, qui correspond au silence de récit ; Nous allons
maintenant aborder cet aspect de silence : qu’est-ce que le silence de récit ? Le silence
comme un élément énonciateur du récit.

c) Le récit comme générateur de silence


Dans cette partie, on va découvrir et étudier le silence de récit et pour
commencer, je vais tout d’abord définir le terme récit d’un point de vue étymologique.

On appelle récit tout texte racontant une histoire (un enchaînement


d'événements) qu'elle soit fictive ou réelle. En partant d’une définition purement
terminologique, le récit est l’action de raconter une chose. Dans l'art dramatique, la
narration détaillée d'un événement qui vient de se passer. Familièrement : Langage
avantageux que l'on tient sur quelqu'un. Je ne le connais point, mais sur le récit qu'on
m'en a fait j'en ai une bonne opinion.
Terme de musique : Ce qui est chanté par une voix seule ou joué par un instrument
seul. Récit de basse, de violon. »28

Comme notre cadre de mémoire est le cinéma, intéressons-nous plus au récit


cinématographique, d’où la question : qu’est-ce que le récit d’un film ? Un film est un
récit construit selon des règles techniques et des codes spécifiques. Dans la
construction d’un film, on distingue plusieurs étapes d’écriture.

La fonction du scénario est multiple. En plus de l’histoire à proprement dite


(description des personnages, du décor, et des actions), le scénario organise le rythme
des séquences et structure l’ensemble du récit en fonction de l’espace, du temps, et du
mouvement. D’après le dictionnaire théorique et critique du cinéma « dans un travail
fondateur, souvent repris, Genette a distingué trois sens possible du mot récit :
l’énoncé narratif qui assure la relation d’un événement ou d’une série d’événements ;

28
Récupère de https://dicocitations.lemonde.fr/definition_littre/24337/Recit.php

23
Le silence au-delà de non sonore

la succession d’événements réels ou fictifs qui font l’objet de ce discours, et leurs


divers relations d’enchainement, d’opposition, de répétition, etc. ; enfin non plus
l’événement que l’on raconte, mais celui qui consiste en ce que quelqu’un raconte
quelque chose. Genette et la plupart de ses successeurs se sont accordés pour
restreindre l’emploi du mot à la première de ces significations (le second sens
correspond alors à l’histoire, le troisième, à la narration). » 29

Nous comprenons alors que le récit est l’histoire réelle ou non réelle d’un film,
le scénario qui nous raconte l’enchainement des événements qui se passent pour
arriver enfin à construire un film. En conséquence, on peut se poser une autre question
maintenant : comment le silence peut se manifester dans un récit filmique ?

Le silence dans un récit peut s’exprimer dans les différents composants du film,
il peut se présenter au niveau de la mise en scène tel que le décor, le jeu d’acteur et
l’image, et aussi au niveau de la bande sonore ; en effet le récit cinématographique se
construit sur le "dit" et le "non dit" et comme le silence touche au non dit, il est
absolument nécessaire de l’étudier dans le récit. Nous nous intéressons dans ce
mémoire au cinéma tunisien, et notre choix filmique et notre étude de cas se fixe donc
sur un film tunisien. Le chapitre suivant sera consacré alors sur l’analyse du film les
silences du palais du Moufida Tlatli qui se base sur le silence comme élément
énonciateur de récit.

29
Jacques Aumont, Michel Marie. Dictionnaire théorique et critique du cinéma. 2éme édition. (2008).
P 209.

24
Le silence au-delà de non sonore

III. Chapitre 2 : Le silence


comme pivot essentiel de
narration

25
Le silence au-delà de non sonore

A. Approche analytique : Représentation spécifique du


silence

1. Fiche technique

Les silences du palais est un film tunisien de la réalisatrice Moufida


TLATLI, dans ce chapitre nous tentera de faire l’analyse séquentielle de ce film à fin
d’extraire le rôle du silence dans la narration et de présenter le silence comme élément
énonciateur de récit et pour commencer on va tout d’abord présenter le film.

Figure n 05
Affiche film Les silences du palais

Tunisie, 1994
Titre original Saimt el Qusur,
Réalisation et scénario Moufida Tlatli,
Adaptation et dialogues Nouri Bouzid,
Durée : 127mn.

26
Le silence au-delà de non sonore

SYNOPSIS

« Tunisie, années soixante. Alia, vingt-cinq ans, gagne sa vie en chantant dans les
mariages. Son compagnon, Lotfi, ex-militant de l’indépendance tunisienne, ne lui
permet pas de garder l’enfant qu’elle attend. Apprenant la mort du Bey Sid’Ali, elle
retourne dans le palais d’où elle s’est enfuie dix ans auparavant. En parlant à la vieille
Khalti Hadda qui naguère dirigeait la nombreuse domesticité, en errant dans les pièces
délabrées, Alia se souvient du passé. Elle a vu le jour en même temps que Sarra, la
fille de l’un des maîtres ; mais Sarra est née « à l’étage », alors que la mère d’Alia,
Khadija, vit au niveau de la cour et des cuisines, avec les autres servantes. Des femmes
depuis toujours enfermées, chargées des travaux du ménage, de la préparation des
fêtes, et entièrement soumises à la volonté des princes. Le père d’Alia est inconnu,
même si la jeune fille soupçonne qu’il s’agit de Sid’Ali lui-même, si bon et doux à son
égard. Entrant dans l’adolescence, Alia s’éveille, découvre son corps, sa condition, le
désir menaçant des hommes ; elle découvre aussi sa passion pour le chant, qui lui
donnera la force de fuir. Tandis qu’Alia apprend tour à tour la soumission et la révolte,
Khadija supporte la brutalité de ses maîtres pour protéger sa fille de leur convoitise, et
y perdra la vie. C’est en se remémorant cette ultime souffrance qu’Alia adulte décide
de résister une fois de plus ; elle gardera son enfant, et, si c’est une fille, l’appellera
Khadija. »

2. Choix du film
Notre choix filmique se fixe sur un œuvre tunisien qu’est les silences du palais
ou le titre lui-même est un porteur du silence, nous tenterons dans la partie suivante de
faire une analyse séquentielle dont l’approche analytique du film est de découvrir le
rôle et la fonction du silence dans le récit tout en se basant sur une recherche bien
spécifique et en s’appuyant sur des différentes éléments importantes dans le film. Cette
analyse séquentielle est faite selon un cadre espace temporelle ou le décor joue un rôle
important dans l’histoire du film, dans ce travail nous s’appuyant sur le livre de Sonia
CHAMKHI « Cinéma Tunisien Nouveau ». L’analyse sera faite et construite sur des
événements marquants dans l’histoire du film.

27

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