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Le silence au-delà de non sonore
I. Introduction
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Le silence au-delà de non sonore
Avant d’être sonore le cinéma est né muet. Après une bonne dizaine d’années
de son émergence, il s’est convertisse au parlant, mais il a souvent été plus parlant que
sonore, privilégiant la voix humaine, comme centre de l’attention et c’est au sein de ce
phénomène qu’on distingue que le silence est un élément problématique.
Donc le présent travail adopte une lecture assez spécifique du silence selon
certains théoriciens mais c’est la seule lecture selon José MOURE : « Le cinéma
entretient avec le silence des rapports ambigus et paradoxaux, rapports d'affinité et de
refoulement qui trouvent leur explication à la fois dans la nature matérielle de ses
moyens d'expression et dans son histoire singulière d'art né "muet" avant de devenir
"parlant" ». Dans ce contexte ce mémoire se cheminera autour de ces questions :
Qu’est-ce que le silence ? Quels sont les différents aspects du silence ? Quels sont les
représentations du silence ? Qu’est-ce que une bande sonore d’un film ? De quoi elle
se compose ? Comment le silence se manifeste dans la représentation sonore ? Dans
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Le silence au-delà de non sonore
quelle mesure le silence se manifeste comme élément énonciateur et le récit peut être
générateur de silence ? Nous tenterons d’y répondre en deux parties.
Plusieurs sont les œuvres cinématographiques qui ont traité le silence comme un
élément meneur de la narration et d’expressivité, comme ceux de Sofia COPPOLA
aux États-Unis, Ingmar BERGMAN en Suède et Mohsens MAKHMALBAF dans le
cinéma Iranien, mais dans un cadre local, un des films de l’histoire du cinéma Tunisien
les silences de palais de Moufida TLATLI, d’où le deuxième chapitre sera consacré au
traitement du silence comme élément énonciateur du récit, le silence comme pivot
essentiel de la narration. Une analyse séquentielle du film sera nous aider à extraire le
rôle et la fonction du silence comme pivot essentiel de narration. pour répondre au
dernier question qu’est le silence comme élément énonciateur dans le récit ; nous
tenterons à y répondre à partir d’une analyse séquentielle de ce film Tunisien les
silences des palais dont le titre même est un porteur de silence.
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Le silence au-delà de non sonore
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Le silence au-delà de non sonore
A. Le silence s’exprime
1. Le silence !
A l’origine Le terme silence vient du verbe latin silentium. c’est l’état d'une
personne qui s'abstient de parler.
Qui s’abstient de parler, de crier ; par ext. Qui est habituellement peu
communicatif, n’aime pas parler. Rester, être silencieux : muet. C’est un silencieux,
une silencieuse : une personne qui parle peu.
(D’un lieu). Dans lequel le silence et le calme règnent (calme, quiet). Quartier
silencieux. Endormi, muet. Maison, rue silencieuse.
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Le silence au-delà de non sonore
silencieux. Radio. Accord silencieux, se dit d’un commutateur de réglage qui tend à
diminuer le bruit de fond. »1
a) Silence et cultures
Notre compréhension au silence varie d’une culture à l’autre car chaque culture
admet une signification spécifique au silence. Dans certaines cultures, le silence est la
sagesse, dans d’autres la puissance, ou le secret. Tout dépend de quelle culture l’on
parle.
Il est bien évident que la culture témoigne des sociétés, aussi est-il nécessaire
d’étudier la différence de signification du terme silence d’une culture à l’autre. On ne
peut pas évoquer toutes les cultures du monde mais on va essayer de prendre quelques
exemples. Dans des cultures parlantes de la parole oû la communication est un élément
important, le silence ne prend pas place ; Dans d’autres au contraire, le silence est une
forme de force, notamment dans la culture asiatique qui considère le silence comme un
signe de respect : ils écoutent plutôt que parlent dans la culture bouddhiste, où le
silence représente la sagesse. La signification de mot silence est différente d’une
culture à l’autre, néanmoins le mot témoigne de l’être vivant, notamment de l’être
humain.
Certes dans la culture tunisienne et à l’époque d’El Bey, les femmes tunisiennes
sensé de se taire.
b) Silence et biologie
La biologie est la science qui a pour but d’étudier la matière vivante et les êtres
vivants, elle recouvre une partie des sciences de la nature et l’histoire naturelle des
êtres vivants (Wikipédia). Ce qui nous intéresse dans cette partie par rapport à notre
sujet principal qu’est le silence, est la biologie humaine. Donc quel est le rapport
1
Alain Rey. S. d. Le Robert. Dictionnaire culturel en langue française. P 790.
7
Le silence au-delà de non sonore
existant entre le silence et la biologie humaine ? On sait que la mort se traduit par
l’arrêt général du fonctionnement du corps humain : l’arrêt des activités des organes,
l’arrêt de la parole, l’arrêt du mouvement, l’arrêt cérébral… d’où la mort vient trouver
sa place dans le silence puisque le corps humain devient silencieux.
Pourtant, l’audition occupe une partie de la biologie des êtres vivants, celle qui
est responsable de la perception auditive, bien évident la surdité est une maladie oû le
silence prend place. Comme le silence est une absence de paroles et de sons, le sourd
ne perçoit en général aucun son, parole ou bruit, et dans ce cas le silence s’impose. On
peut parler ici d’une absence totale de sons.
c) Silence et spiritualité
La spiritualité se rattache à toutes les formes de société qui se sont construites
sur le langage. Le silence à son tour est une forme de langage, c’est le fait de se taire.
Dans le monde de la spiritualité, le silence est le langage de sagesse et de secret. On
parle ici de la force du silence intérieur, la recherche de calme, de paix et la coupure
avec le monde extérieur. C’est la méditation ou aussi la recherche de spiritualité. Dans
la culture bouddhiste, rien n’est plus parlant que le silence ; le Bouddha reste toujours
le grand silencieux.
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Le silence au-delà de non sonore
d) Silence et philosophie
Selon le dictionnaire philosophique « le silence n’est pas l’absence non de son
mais de sens. Un bruit peut donc être silencieux, comme un silence peut être sonore.
Ainsi le bruit du vent, ou le silence de la mer. Le silence, c’est ce qui reste quand on se
tait, c’est-à-dire tout. Ce n’est qu’un autre nom pour le réel, en tant qu’il n’est pas au
nom. » 2
Silence et paroles, deux termes opposés, mais qui peuvent porter plusieurs sens.
On dit « La parole est d'argent mais le silence est d'or ».
Selon une revue philosophique de Louvain « Le silence apparaît comme l'indice
du rien: rien n'arrive, rien ne se passe. Cela est si vrai que le silence ne peut être
produit, contrairement à ce que laisse entendre l'expression "faire silence". Il n'y a rien
à faire pour établir le silence; il faut au contraire s'abstenir de tout faire, suspendre
toute activité. Le silence s'établira de lui-même, lors de l'ultime cessation de l'agitation.
Loin d'être un effet, il est la manifestation en creux de l'absence de toute cause. »3
Ainsi, le silence est l’absence de tous les sens et pour atteindre ce silence il
impose l’absence de faire, ou de ne rien faire. La compréhension de silence varie et
diffère selon les domaines scientifiques. Maintenant on va découvrir et tenter de
creuser plus en profondeur dans la notion de silence d’un point de vue esthétique.
e) Silence et esthétique
Pour l’esthétique « au sens propre, le silence c’est l’absence de sons, de bruits.
Dans une œuvre composée de sons, comme la musique, il ya des silences partiels
lorsque certains voix se taisent pour en laisser entendre d’autres ; mais le silence
complet peut se rencontrer, sortes de vides sonores où l’œuvre s’interrompt pour un
temps. De tels silences peuvent avoir des fonctions esthétiques : suspension créant une
attente, absence d’une réponse escomptée »4.
2
André Comte-Sponville. Dictionnaire philosophique. 4 éme édition. (2013). P 925.
3
J-L. Solére. Revue philosophique de Louvin. S. d. (2005). P 615.
4
Etienne Souriau. Vocabulaire d’esthétique. 2 éme édition. (2004). P 1292.
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Le silence au-delà de non sonore
a) Musique et silence
Le silence est lié aux arts dits sonores et avant tout, à la musique. Donc le
rapport entre musique et silence parait évident. Il est donc nécessaire de détailler les
différentes relations entre musique et silence.
En musique, chacun des moments pendant lesquels, au cours d'un morceau, les
chanteurs ou les instruments se taisent, se produit dans la déclamation, des suspensions
de celui qui parle.’’5
5
Récupéré de http://www.dico-definitions.com/dictionnaire/definition/26968/Silence.php
10
Le silence au-delà de non sonore
Selon J. J. Rousseau, les silences sont des signes remplaçant les notes, qui «
marquent que tout le temps de leur valeur doit être passé en silence »6
John Cage un compositeur américain qui a réussi à écrire une musique entièrement
composée de silences sous le nom de 4'33". Cette œuvre est constituée de trois
mouvements, dont chacun se résume sur le papier au simple mot TACET (« il se tait »,
en latin). De fait, les instruments ne jouent aucune note musicale mais en est en fait
constituée par les sons produits par l’environnement dans lequel elle est jouée. Le
compositeur veut ainsi mettre en avant le fait qu’il est impossible de trouver un silence
parfait. Notamment aussi la Symphonie monotone-silence de 1949 d'Yves Klein, pièce
orchestrale de quarante minutes dont le deuxième et dernier mouvement est un silence
de vingt minutes. D’où John Cage n’est pas le premier compositeur à avoir conçu une
musique entièrement composée de silence.
b) Peinture et silence
6
Jean Jacques Rousseau. Dictionnaire de musique in Écrits sur la musique, Paris, Bibliothèque de la
Pléiade. (1995). P 1041.
11
Le silence au-delà de non sonore
peinture ils marquent les intervalles séparant les éléments de l’image. Ces vides
peuvent donc être considérés comme équivalents de certains types de silence. » 7
La peinture aussi naît dans le silence ; « ce terme de peinture se dit, par
opposition à fracas, du calme ou de la simplicité qui règne dans une composition, dans
le coloris et la disposition des lumières. Il ya du silence dans ce tableau. »8
La peinture peut représenter le vide, parfois même le son, et le silence. Mais elle
met ce vide, ce silence, en forme dans le but de les rendre signifiants, expressifs. Nous
pouvons donner l’exemple du célèbre tableau d’Edvard Munch 9, Le Cri peint en 1893.
Ce tableau renvoie à une dimension sonore, tout renvoie au cri et à la douleur, ce cri
qui brise le silence.
La peinture comme forme artistique est l’une des représentations qu’on peut
associer au silence, sans exclure la scène théâtrale qui peut être aussi une
représentation « picturale », et l’on peut maintenant découvrir le silence dans une autre
forme artistique qu’est le théâtre.
c) Théâtre et silence
Présent dans différents arts, le silence s’exprime aussi au théâtre. Il prend corps
dans l’œuvre théâtrale. Partant d’une définition terminologique, et selon le dictionnaire
de la langue du théâtre, le silence est « l’injonction que l’on trouve sur les portes qui
mènent des coulisses au plateau. C’est aussi une indication scénique. L’art de l’acteur
qui observe un silence et qui est capable de le meubler par sa mimique, par ses jeux de
physionomie, mais aussi par sa faculté à être là, à être présent à la situation, sans
donner l’impression d’attendre la réplique suivante. »11
7
Bartha-Kovacas. Le silence et la peinture. Researchgate. (2017). P 47.
8
Frédéric Jézégou. Dico Définitions. (2018). Op. cit.
9
Un peintre et graveur norvégien, Reconnu comme un des précurseurs de la peinture expressionniste
10
Fernand-Edmond-Jean-Marie Khnopff est un peintre, dessinateur et graveur symboliste belge
11
Agnés Pierron. Le robert. Dictionnaire de la langue de théâtre. (2002). P 510.
12
Le silence au-delà de non sonore
La scène est le lieu où les acteurs s’expriment au niveau verbal et non verbal.
Tout parle au théâtre (décor, costumes, personnages, musique…), l’échange de paroles
ou de discours est considéré comme l’élément essentiel dans la mise en scène au
service du jeu, conséquemment la parole est estimée comme le meilleur procédé pour
exprimer les idées du dramaturge sur la scène. Le spectacle est un dialogue qui
s’impose sous différentes formes d‘expression dont le silence est l’une d’elles. Sur le
plan verbal, le silence sera observé en tant qu’absence de paroles sur la scène, en effet
il est un acte de langage non verbal qui a pour vocation de communiquer et de créer
une situation d’énonciation. Selon Marguerite Yourcenar12 le silence est fait de paroles
que l’on n’a pas dites.
12
Marguerite Yourcenar Romancière, nouvelliste et autobiographe, elle est
aussi poétesse, traductrice, essayiste et critique littéraire.
13
Antonin Artaud est un théoriciendu théâtre, acteur, écrivain, essayiste, dessinateur et poète français.
14
Artaud, A. s. d. le théâtre et son double. P. 52.
13
Le silence au-delà de non sonore
d) Littérature et silence
Mer grise
Où brise
La brise,
Tout dort…
Dans la plaine
Naît un bruit
C'est l'haleine
De la nuit
Elle brâme
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit. Figure n 02
Poème les Djinns de V. Hugo.
15
Francis,C. Le silence ou la présence des absences. Université Paris XII, Créteil. (2009). Récupère de
http://cief.elte.hu/sites/default/files/article_claudon_francis.pdf
14
Le silence au-delà de non sonore
1. Le silence au cinéma
En tant que septième art, le cinéma est un moyen d’expression et de
communication, il dispose d’un ensemble d’outils de langue. Conséquemment le
cinéma a un ensemble de matériaux narratifs qui lui permet de construire ce moyen qui
est propre à lui. Il se trouve qu’il y a plusieurs éléments et composants qui contribuent
à la construction d’un film, notamment le récit, la bande image et le son.
Le cinéma est un langage qui englobe les autres arts. Bien évidemment, il existe
le lien entre la littérature et le septième art ; les scénarios filmiques se basent
généralement sur les adaptations des nouvelles et des romans, en effet les cinéastes se
sont tournés vers les écrivains pour leur emprunter et réinterpréter leur vision du
monde. Les arts plastiques et visuels en tant que décor font partie de la composition de
la bande d’image du film ; le jeu de l’acteur est l’élément essentiel de chaque œuvre
cinématographique sans oublier qu’il est d’origine théâtrale. Notamment la musique
qui fait partie des arts sonores est l’un des composants de la bande son.
Le cinéma est un art qui inclut presque tous les autres arts, et comme on a déjà
étudié le terme de silence dans ses représentations artistiques, on doit l’étudier aussi
dans le cinéma et plus clairement dans la bande son qui est notre sujet principal de ce
mémoire.
a) Le son au cinéma
Comme le son est l’un des composants sonores au cinéma, il est donc nécessaire
de le définir en premier lieu d’un point de vue physique.
15
Le silence au-delà de non sonore
On dit son aigu, grave, perçant, éclatant, prolongé. Son clair, doux, harmonieux.
Tout comme les images, le son participe à la mise en scène du film. Dans cette
deuxième partie nous allons aborder le sujet lors du passage du cinéma muet au
parlant, pour ensuite présenter et analyser la bande sonore d’un film dans le cinéma.
Avant l’arrivée du parlant, le cinéma était muet mais la vrai question qui se
pose : est ce que le cinéma muet est représenté seulement par la bande d’image et
l’absence totale de son ? En effet ce cinéma n’était en rien silencieux. Selon Jean
Painlevé, « le cinéma a toujours été sonore.»19
16
Le son a été longtemps considère comme un objet physique difficile à cerner et ce n’est pas depuis
une date récente (milieu du XIX siècle) qu’on a su l’enregistrer et le reproduire.
17
Dictionnaire de l’académie française. 8 ème édition. Dans je cherche une définition. Récupère de
https://www.mediadico.com/dictionnaire/definition/son/
18
Michel Chion. s. d. L’audio vision, son et image au cinéma. 3éme édition. P 103.
19
Michel Chion. S. d. La voix au cinema. P 20.
16
Le silence au-delà de non sonore
Dans son article José Moure a classé les films selon leurs processus de
fabrication par rapport à la bande sonore « On distingue alors trois grandes catégories
de films :
Comme on a déjà parlé dans la partie précédente, que l’image et la bande son
constituent l’ensemble des matériaux d’un film, il existe donc un rapport de son avec
l’image, car dans un film, le son a surtout du sens au regard des images qui
apparaissent à l’écran. Quels sont ces rapports ?
20
José Moure. Du silence au cinéma. (1998). P25.
17
Le silence au-delà de non sonore
- Le son OFF : il émane d'une source invisible située dans un autre espace-
temps que celui qui est représenté à l'écran. On parle ici d’un son extra
diégétique, où l’on ne peut pas voir la source sonore dans le film.
18
Le silence au-delà de non sonore
elles serviront pour les éventuels raccords entre les répliques et créeront le sentiment
recherché, que le cadre de l’action est temporairement silencieux ».21
José Moure a son tour a spécifié ce silence technique par les silences absolus
« A ces silences "absolus" obtenus soit par une rupture technique (silence technique:
piste sonore supprimée ou blanche), soit par l'enregistrement du silence spécifique du
lieu (silence reproduit: silence auditorium, silence studio, silence campagne…) ».22
D’où le silence technique ou silence plateau est présenté seulement dans les
tournages lors de prise du son directe, avec les éléments de décor tels que les
projecteurs de lumière et la présence des acteurs et de l’équipe technique.
A la manière du John Cage de 4’33, Godard impose à son public une minute de
« vrai » silence dans cette scène de « Bande à part ».
21
Michel Chion. s. d. L’audio-vision (3éme édition). P 61.
22
José Moure. (1998). Du silence au cinéma. P. 32.
23
Christian Cononville. Des quelques implications esthétiques des innovations techniques dans la
dimension sonore des films. Cahier Louis-Lumière. (2003). P95.
19
Le silence au-delà de non sonore
Figure n 03
Une minute de silence
Band a part -Jean Luc Godard
Suite à cette expérience, John Cage a affirmé « le silence n’existe pas, va t-en
dans une chambre forte et entends-y le bruit de ton système nerveux et entends-y la
circulation de ton sang. »24
On pourrait dire alors, que même dans les chambres sourdes et les studios isolés
acoustiquement de l’extérieur, on n’arrive pas à écouter le silence absolu car malgré
tout on entend les bruits de notre propre corps (respiration, battement de cœur).
24
John Cage. In silence. Denoël. (1970). P 24.
20
Le silence au-delà de non sonore
a) Absence de son
Le silence, dans son sens premier, signifie « absence de son ». Mais
l’absence totale du son n’existe pas; en effet chaque lieu a son silence spécifique ; on
peut présenter le silence de la campagne par le bruit des oiseaux ou du vent qui fait
bouger les feuilles des arbres, cette ambiance représente le silence de ce lieu. « De
quelle manière puis-je percevoir le silence ? - se demandait Béla Balazs. Pas tellement
du fait que je n'entende rien. Au contraire : quand le vent du matin m'apporte le chant
du coq d'un village voisin, quand j'entends là-haut, dans la montagne, la cognée du
bûcheron, quand j'écoute, sur la mer, des bruits venant d'hommes que je suis presque
incapable de distinguer, quand, dans un paysage d'hiver, j'entends au loin, quelque
part, un fouet claquer, c'est alors que j'entends le silence. »25
C’est d’ailleurs, suite à l’expérience de John Cage dont on a déjà parlé dans la
partie précédente, qu’on réalisa l’impossibilité de trouver le silence totale.
Le silence comme absence de son peut se manifester dans le cas d’une personne
atteinte de surdité, qui n’entendrait aucun son. On parle ici de son de la surdité, Les
enfants de silence est un film de Randa Haines dont le personnage Marlee Matlin est
sourde de naissance, On peut dans ce cas parler de silence perçu, car ça n’est pas une
absence de son émis, mais une absence de son reçu.
L’absence de son est donc une des représentations que l’on attribue au silence.
b) Le silence contraste
Quand on dit silence, on pense immédiatement au bruit. En effet on peut être
silencieux par rapport à quelque chose. Le silence est perçu lors de l’arrêt d’un son en
contraste avec un autre, comme l’a déjà affirmé Michel Chion : « Cependant,
l’impression de silence dans une scène de film n’est pas le simple effet d’une absence
de bruit ; elle ne se produit que lorsqu’elle est amenée par tout un contexte et toute une
préparation. Laquelle consiste, dans le plus simple des cas, à le faire précéder d’une
séquence bruyante. Le silence, autrement dit, n’est jamais un vide neutre ; c’est le
25
Béla Balazs. S.d. L'esprit du cinéma. P 243.
21
Le silence au-delà de non sonore
négatif d’un son qu’on a entendu auparavant ou qu’on imagine ; c’est le produit d’un
contraste. »26
Nous prenons l’exemple de film lost Highway de " David Lynch" la dernière
séquence qui illustre le protagoniste dans sa voiture dans un état hystérique, et
l’emploi du silence après le bruit.
Figure n 04
Sequence du film Lost highway de David Lynch
26
Michel Chion. s. d. L’audio-vision (3éme édition). P 61.
27
José Moure. (1998). Du silence au cinéma. P. 33.
22
Le silence au-delà de non sonore
On a déjà cité deux exemples qui illustrent les cas de silence contraste avec les
bruits. Ainsi il faut prendre en compte le caractère relatif du silence, qui est perçu lors
de l’arrêt d’un son, ou en contraste avec un autre.
28
Récupère de https://dicocitations.lemonde.fr/definition_littre/24337/Recit.php
23
Le silence au-delà de non sonore
Nous comprenons alors que le récit est l’histoire réelle ou non réelle d’un film,
le scénario qui nous raconte l’enchainement des événements qui se passent pour
arriver enfin à construire un film. En conséquence, on peut se poser une autre question
maintenant : comment le silence peut se manifester dans un récit filmique ?
Le silence dans un récit peut s’exprimer dans les différents composants du film,
il peut se présenter au niveau de la mise en scène tel que le décor, le jeu d’acteur et
l’image, et aussi au niveau de la bande sonore ; en effet le récit cinématographique se
construit sur le "dit" et le "non dit" et comme le silence touche au non dit, il est
absolument nécessaire de l’étudier dans le récit. Nous nous intéressons dans ce
mémoire au cinéma tunisien, et notre choix filmique et notre étude de cas se fixe donc
sur un film tunisien. Le chapitre suivant sera consacré alors sur l’analyse du film les
silences du palais du Moufida Tlatli qui se base sur le silence comme élément
énonciateur de récit.
29
Jacques Aumont, Michel Marie. Dictionnaire théorique et critique du cinéma. 2éme édition. (2008).
P 209.
24
Le silence au-delà de non sonore
25
Le silence au-delà de non sonore
1. Fiche technique
Figure n 05
Affiche film Les silences du palais
Tunisie, 1994
Titre original Saimt el Qusur,
Réalisation et scénario Moufida Tlatli,
Adaptation et dialogues Nouri Bouzid,
Durée : 127mn.
26
Le silence au-delà de non sonore
SYNOPSIS
« Tunisie, années soixante. Alia, vingt-cinq ans, gagne sa vie en chantant dans les
mariages. Son compagnon, Lotfi, ex-militant de l’indépendance tunisienne, ne lui
permet pas de garder l’enfant qu’elle attend. Apprenant la mort du Bey Sid’Ali, elle
retourne dans le palais d’où elle s’est enfuie dix ans auparavant. En parlant à la vieille
Khalti Hadda qui naguère dirigeait la nombreuse domesticité, en errant dans les pièces
délabrées, Alia se souvient du passé. Elle a vu le jour en même temps que Sarra, la
fille de l’un des maîtres ; mais Sarra est née « à l’étage », alors que la mère d’Alia,
Khadija, vit au niveau de la cour et des cuisines, avec les autres servantes. Des femmes
depuis toujours enfermées, chargées des travaux du ménage, de la préparation des
fêtes, et entièrement soumises à la volonté des princes. Le père d’Alia est inconnu,
même si la jeune fille soupçonne qu’il s’agit de Sid’Ali lui-même, si bon et doux à son
égard. Entrant dans l’adolescence, Alia s’éveille, découvre son corps, sa condition, le
désir menaçant des hommes ; elle découvre aussi sa passion pour le chant, qui lui
donnera la force de fuir. Tandis qu’Alia apprend tour à tour la soumission et la révolte,
Khadija supporte la brutalité de ses maîtres pour protéger sa fille de leur convoitise, et
y perdra la vie. C’est en se remémorant cette ultime souffrance qu’Alia adulte décide
de résister une fois de plus ; elle gardera son enfant, et, si c’est une fille, l’appellera
Khadija. »
2. Choix du film
Notre choix filmique se fixe sur un œuvre tunisien qu’est les silences du palais
ou le titre lui-même est un porteur du silence, nous tenterons dans la partie suivante de
faire une analyse séquentielle dont l’approche analytique du film est de découvrir le
rôle et la fonction du silence dans le récit tout en se basant sur une recherche bien
spécifique et en s’appuyant sur des différentes éléments importantes dans le film. Cette
analyse séquentielle est faite selon un cadre espace temporelle ou le décor joue un rôle
important dans l’histoire du film, dans ce travail nous s’appuyant sur le livre de Sonia
CHAMKHI « Cinéma Tunisien Nouveau ». L’analyse sera faite et construite sur des
événements marquants dans l’histoire du film.
27