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En Colombie, l'espoir d'une « paix totale »

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Le gouvernement a conclu un cessez-le-feu bilatéral avec les cinq principaux groupes armés actifs dans le pays
Bogota - correspondante
Gustavo Petro entend pacifier son pays. Au pouvoir depuis le 7 août 2022, le premier président de gauche de
l'histoire de la Colombie a fait de la « paix totale » la priorité de son gouvernement. Dans la nuit de samedi
31 décembre à dimanche 1er janvier, le chef de l'Etat a annoncé sur son compte Twitter que des accords de
cessez-le-feu bilatéraux avaient été convenus avec les cinq principaux groupes armés du pays. La trêve, accordée
pour une durée initiale de six mois, pourra être prolongée selon l'évolution des pourparlers engagés avec chacun
d'entre eux. « La paix totale sera une réalité », a conclu M. Petro, en guise de v½ux pour l'année 2023.
« Ces accords de cessez-le-feu montrent que la paix totale est possible », s'est réjouie la sénatrice Sandra Ramirez,
qui a appartenu à la guérilla aujourd'hui démobilisée des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC). Les
cinq groupes qui ont accepté la main tendue par le président Petro sont la guérilla de l'Armée de libération
nationale (ELN), deux groupes résiduels dits « dissidents » des FARC (la Segunda Marquetalia et l'Etat-Major
central) et deux groupes héritiers des milices narco-paramilitaires : les Autodéfenses gaitanistes de Colombie
(AGC) et les Autodéfenses de la Sierra Nevada.
Plus de 10 000 combattants
Le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, a salué la décision du gouvernement. « Elle apporte, à
l'aube de la nouvelle ­année, un nouvel espoir de paix complète au peuple colombien », a déclaré Stéphane Dujarric,
son porte-parole. A Bogota, la Conférence épiscopale s'est également félicitée de la trêve annoncée. « Seuls des
gens qui ­vivent loin du conflit diront qu'elle est inutile »,note le communiqué de l'Eglise catholique.
La décision est « audacieuse »,M. Petro en a lui-même convenu. Les questions en suspens, notamment la
vérification sur le terrain de cinq cessez-le-feu simultanés, sont délicates et les défis multiples. « Depuis deux ans,
la majorité des actions violentes enregistrées dans le pays résultent de la confrontation entre groupes armés et
non pas de la confrontation avec l'armée »,rappelle Camilo Gonzalez, le directeur d'Indepaz, l'Institut d'études pour
le développement et la paix, qui assure le suivi statistique des violences. C'est dire si la vérification de la trêve
s'annonce ardue. « Mais la Colombie a de l'expérience en la matière, poursuit M. Gonzalez. Et la réduction des
violences pourrait déboucher à terme sur un cessez-le-feu multilatéral. »
M. Petro ambitionne de mettre fin à la violence armée et à son cortège de drames partout dans le pays. L'accord
de paix historique signé en 2016 avec les FARC avait certes permis la démobilisation de quelque 13 000 guérilleros.
Mais, faute d'une intervention territoriale efficace de l'Etat, d'autres ont occupé la place : des dizaines de groupes
armés, plus ou moins structurés et pour la plupart peu politisés, se partagent et se disputent le contrôle du
territoire et de ses économies illicites, à commencer par celle de la cocaïne, dont la Colombie reste le premier
producteur mondial. Massacres, assassinats, disparitions et déplacements de population continuent dans les
régions périphériques que l'Etat peine à occuper. Un récent rapport d'Indepaz estime que les groupes armés encore
actifs dans le pays réunissent au total plus de 10 000 combattants.
Le gouvernement a indiqué que des protocoles différenciés seront négociés pour définir les modalités de la trêve
avec les cinq groupes concernés. Un mécanisme d'accompagnement « national et international » sera mis en place
avec l'aide de l'ONU, de l'Organisation des Etats américains, de l'Eglise catholique et des organisations sociales
locales. La trêve a pour objectif « de mettre fin au drame humanitaire que vivent les communautés paysannes dans

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les zones en conflit, et notamment les communautés indiennes et afro-descendantes ».
La paix défendue par le président Gustavo Petro s'inscrit dans un projet politique qui promeut la justice sociale et
exige de repenser la lutte contre le narcotrafic. M. Petro est convaincu que « la guerre contre la drogue » imposée
par Washington a été un échec cuisant dont la Colombie paye depuis trente ans le prix fort. Il voudrait remplacer la
prohibition par une politique de régulation.
Vérification « impossible »
Début novembre 2022, le Congrès a révisé une loi de 1997 pour accroître la marge de man½uvre du gouvernement
en matière de négociations de paix. Gustavo Petro entend en effet engager des pourparlers avec tous les groupes
armés actifs, qu'ils se disent politiques, comme l'ELN, ou qu'ils soient essentiellement mafieux, comme les AGC,
bras armé de la grande organisation criminelle du Clan du Golfe. « Avec les premiers, il y aura négociation de paix.
Avec les autres groupes, les pourparlers auront pour objectif la reddition de leurs membres, en échange
d'éventuelles réductions ou aménagements de peine, explique l'expert Ariel Avila, aujourd'hui sénateur. La question
de la qualification des groupes est donc essentielle. »
Fondée dans les années 1960, l'ELN, qui compterait environ 2 500 combattants, est la dernière guérilla toujours
active. « Les pourparlers de paix avec cette organisation ont une forte valeur symbolique. Mais l'ELN ne représente
que 12 % des actions criminelles menées dans le pays », souligne M. Avila. Reste à savoir si les deux groupes de
rebelles dissidents des FARC sont encore de caractère politique. Humberto de la Calle, qui a été chef négociateur
de l'accord avec les FARC, considère que « ceux des guérilleros qui ont repris le maquis ont trahi » et qu'ils ne
devraient pas être inclus dans les nouvelles négociations.
La droite sécuritaire craint qu'une trêve bilatérale ne soit mise à profit par les groupes ­armés, toutes tendances
confondues, pour consolider leurs structures. « Les groupes armés peuvent continuer à commettre leurs crimes
sans craindre une ­attaque des forces de l'ordre, désormais paralysées. Et la vérification du cessez-le-feu est
impossible, puisque les autres groupes ­criminels continuent d'opérer »,a tweeté l'ancien vice-ministre de l'intérieur
et ancien candidat présidentiel Rafael Nieto.
La droite n'a pas oublié que Gustavo Petro a appartenu dans sa jeunesse à un mouvement armé, le M19,
démobilisé en 1990. Elle juge sa politique de paix totale ­irréaliste et dangereuse. Le parti de l'ancien président de
droite ­Alvaro Uribe (2002-2010), le Centre démocratique, l'a qualifiée d'« apologie de la criminalité et de l'impunité »
. En 2006, alors qu'il était au pouvoir, M. Uribe avait pourtant négocié la démobilisation des milices d'extrême droite
au service du narcotrafic.
Le ministre de l'intérieur, Alfonso Prada, qui était lundi matin sur les radios pour tenter de désamorcer les critiques,
a été catégorique : « L'armée conserve la plénitude de ses compétences constitutionnelles pour maintenir l'intégrité
de la vie et des biens de tous les Colombiens, a-t-il déclaré. La force publique et les institutions peuvent et doivent
poursuivre tous les criminels. »
Marie Delcas

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Publication title: Le Monde; Paris

First page: 2

Publication year: 2023

Publication date: Jan 4, 2023

Section: International

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Publisher: La Société Editrice du Monde

Place of publication: Paris

Country of publication: France, Paris

Publication subject: General Interest Periodicals--France

ISSN: 03952037

Source type: Newspaper

Language of publication: French

Document type: News

ProQuest document ID: 2760069616

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totale/docview/2760069616/se-2?accountid=17215

Copyright: Copyright La Société Editrice du Monde Jan 4, 2023

Last updated: 2023-01-03

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