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Abstract
Rural dwelling in Congo : natural milieu reflection, cultural expression. Rural dwelling in Congo as well as in any tropical areas
still appear in their traditional form. A hut is made of wood materials taken out from forest or savannah. However, the present-
day villagers a rule no longer looks like the one in the past, as well the morphology as the socio-professional structure and
équipement. Although the building materials are found locally, they have been very much transformed. All that indicates a
certain evolution in rural dwelling.
Résumé
L'habitat rural, au Congo, comme dans d'autres pays du monde tropical, se présente encore sous sa forme traditionnelle. La
case est faite de matériaux tirés de la forêt ou de la savane. Mais, de façon générale, le village actuel ne ressemble plus à celui
d'antan, aussi bien dans sa morphologie, sa structure socioprofessionnelle que sur le plan de l'équipement. Les matériaux, bien
qu'ils soient trouvés sur place, ont subi d'importantes transformations. Tout ceci dénote une certaine évolution de l'habitat rural.
Mengho Bonaventure, Maurice. L'habitat rural au Congo : reflet du milieu naturel, expression culturelle. In: Cahiers d'outre-mer.
N° 129 - 33e année, Janvier-mars 1980. pp. 65-86;
doi : https://doi.org/10.3406/caoum.1980.2927
https://www.persee.fr/doc/caoum_0373-5834_1980_num_33_129_2927
expression culturelle
Dans certaines régions, voire dans tout le pays, les facteurs socio¬
logiques ou religieux jouent encore un rôle très important : attache¬
ment à une terre léguée par les grands-parents ; attachement à un
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•■.11 _ *J 2 _Yj 3 |4
Fig. 1 . — Différents types de plans de villages au Congo
A et B. Deux exemples de village rectangulaire. C. Dongo III : un exemple de village à plan
complexe. - D. Oka : un exemple de village avec rue. - 1. Herbe rase ou sol nu. - 2. Broussail¬
les. - 3. Bananiers et canne à sucre. - 4. Bloc ou plaque de latérite.
la structure
La disposition
sociale. etLes
l'agencement
membres d'un
des maisons
même clan
s'expliquent
ou d'uneaussi
même
par
famille ont souvent tendance à se regrouper. Malgré l'absence des cases
à palabres dans le village de Soulou par exemple, le tassement des
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maisons presque les unes contre les autres ne peut pas ne pas être inter¬
prété comme étant la projection sur le terrain de la solidarité familiale.
Enfin, une autre raison importante est le fait qu'au moment de l'installa¬
tion, les gens évitent autant que faire se peut certains obstacles :
souches de grands arbres, termitières, blocs de latérite, etc. . .
Derrière les maisons, à deux ou trois mètres, on trouve dans cer¬
tains villages des poulaillers, faits de matériaux divers. Dans des villages
cacaoyers de la Sangha, on trouve des «séchoirs-autobus», derrière ,
devant ou entre les habitations. Dans d'autres villages, notamment dans
la région de la Bouenza où la brique cuite est d'usage courant, on a
plutôt des fours à briques. Toutes ces constructions secondaires - pou¬
laillers, séchoirs, fours à briques ou à pain, étables - contribuent à la
disposition anarchique interne du village. La présence d'arbres fruitiers
(avocatiers, mandariniers, safou tiers, papayers, palmiers, cocotiers, etc.)
et parfois d'une ceinture de bananiers, fait que certains villages ont
l'aspect d'un véritable champ complanté. Le village de Matoko par
exemple, à 5 km d'Epéna (dans le nord du pays), vu d'avion ressemble
à un véritable bosquet troué de clairières .
Sur le plan de la structure sociale, le village est resté toujours une
expression de l'organisation sociale. Pendant longtemps, il a été habité
exclusivement par les éléments d'un même clan ou d'un même lignage.
Chez les Bakouélé de la Sangha par exemple, l'homogénéité clanique
ou lignagère était considérée comme un facteur déterminant de la
mobilisation des guerriers en cas d'agression ; non seulement c'était le
village qui était attaqué, mais aussi et surtout le clan ; les risques de
trahison étaient réduits, du fait de la composition monolithique du
village. De plus, le chef du village était le chef-fondateur, en l'occurrence
le patriarche de la famille. A sa mort, son cadet ou son fils aîné deve¬
nait de droit chef du village et chef de famille. Le patriarche était aussi
le prêtre du culte des ancêtres dont il incarnait le pouvoir. En d'autres
termes, le chef de famille exerçait un pouvoir à la fois religieux et
politique.
Actuellement les guerres tribales ayant disparu, la structure sociale
du village se caractérise par le brassage clanique, c'est-à-dire qu'il n'y a
plus ségrégation et que les habitants relèvent de plusieurs clans ou
lignages. Certains vieux affirment que le système actuel est plus intéres¬
sant. D'abord parce que le brassage oblige chaque individu à avoir un
comportement exemplaire afin de ne pas déshonorer le groupe qu'il est
censé représenter. Ensuite parce que le risque d'ensorcellement est
réduit ; car il semble que, dans la plupart des cas, le sorcier opère rare¬
ment en dehors de la famille ; si la victime est d'une autre famille, il
faut nécessairement la complicité d'un élément de cette famille. D'après
les vieux, le sorcier n'a intérêt à envoûter qu'un parent, afin d'hériter
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de ses biens, car il ne gagne rien lorsque le défunt est d'une autre
famille. C'est donc pour cette raison que les gens se sentent mieux dans
un milieu hétérogène, polyclanique.
Sur le plan politique, l'organisation du village a connu d'impor¬
tants changements. A l'origine, tel que nous l'avons dit déjà, le village
était dirigé par le chef-fondateur. Le chef était toujours choisi parmi
les membres du clan fondateur ou parmi les membres du clan guerrier
et vainqueur dans une guerre. A sa mort, son successeur était choisi
parmi les membres du même clan (si l'on y trouvait un élément dyna¬
mique) ; dans le cas contraire, on le choisissait dans un clan allié.
A l'époque coloniale, le chef du village était nommé par le chef de
région sur proposition du chef de district ; le choix, fait à la base par
les chefs de cantons portait sur un élément d'une famille influente ou
guerrière. Généralement c'était le chef-fondateur du village. Il réglait
les litiges et recouvrait les impôts. A sa mort, il était remplacé par son
fils aîné ou par son frère cadet. Cette organisation a subsisté après
l'indépendance jusqu'en 1973. Depuis, le village est administré par un
Conseil
assisté d'un
appelé
Vice-Président
Comité de village
et d'undirigé
Secrétaire.
par un Les
Président.
membresCe du
dernier
Comité
est
sont élus parmi et par les habitants du village pour une durée indéter¬
minée. Ils sont chaînés d'abord de l'encadrement politique et idéologi¬
que des villageois, de répercuter les mots d'ordre du Parti et de l'Etat,
et ensuite de régler tous les litiges dans le village ; ils sont chargés aussi
d'enregistrer tous les décès et naissances survenus dans le village ; le
registre est ensuite
l'établissement des documents
envoyé au officiels.
centre d'Etat Civil principal en vue de
Le village peut être inséré tout entier dans l'espace cultivé (espace
en culture et espace en jachère). Du village partent alors les sentiers qui
desservent les zones de champs. Ainsi, vu d'avion ou sur photographie
aérienne, le terrain apparaît parfois comme une figure à éléments
rayonnants. L'établissement et le maintien des pistes n'ont jamais exigé
d'efforts particuliers ; les va-et-vient quotidiens des cultivateurs suffi¬
sent à rendre plus net le réseau dont la densité dépend de l'importance
de la population. Un fait est à noter, c'est que les sentiers s'estompent
ou disparaissent totalement une fois les cultures épuisées dans un
secteur donné ; toutefois le sentier principal subsiste toujours.
Le village peut être juxtaposé à la zone cultivée. Ce cas s'observe
surtout dans les régions marécageuses où seuls les îlots de terre ferme
sont habités et cultivés. Là les cultivateurs prennent appui sur le marais
ou sur la rivière et progressent avec leurs champs vers le terrain (les
terres cultivables) réservé à la culture.
Nous avons vu plus haut que bien des villages sont constitués d'une
succession de hameaux qui, sur le plan administratif, sont distincts les
uns des autres. Dans la plupart des cas, ces hameaux (ou des cellules
familiales) sont nés de l'éclatement d'un gros village.
L'important ici est d'analyser les facteurs de la dislocation. Ils
sont variés et complexes. Des querelles trop fréquentes, des cas de sor¬
cellerie, la jalousie, parfois l'égoisme, peuvent amener les gens à quitter
le village. On assiste alors à des départs échelonnés, et chaque famille va
s'établir sur un terrain de son choix, souvent non loin du village d'ori¬
gine. La perte de prestige par les anciens chefs traditionnels est aussi un
facteur de dislocation des villages. Du fait de l'introduction de nouvelles
structures politiques et administratives (au moment de la colonisation
et après la Révolution d'Août 1963), ces chefs ont perdu leur autorité
et de
ne terre.
peuvent plus s'imposer. Il n'y a plus de chefs de village, de canton
satellites, il n'en demeure pas moins que dans certains cas, ceci aboutit
souvent à la disparition totale du village. D'où la mobilité de l'habitat.
Les causes de la mobilité sont les mêmes que celles qui occasion¬
nent la dislocation du village. A ces causes qui sont surtout d'ordre
sociologique s'ajoutent des motifs d'ordre agricole. En effet, lorsque les
terres s'épuisent et ne donnent plus que des récoltes très maigres, la
meilleure solution est de déplacer le village. Le plus souvent, on ne
s'éloigne guère de l'emplacement primitif, si bien qu'il n'est pas impos¬
sible qu'un village revienne sur son ancien site au bout de nombreuses
années. Partout, en région forestière comme en région de savane, on
trouve de nombreux emplacements de villages abandonnés, reconnais-
sables souvent à la présence d'arbres fruitiers (palmiers, manguiers,
safoutiers, etc. . .) ou d'une petite forêt anthropique. Les plus anciens
mouvements de villages, notamment ceux qui se firent pendant la
colonisation, eurent deux causes fondamentales : ou bien des villages
ont été déplacés par l'Administration coloniale pour être ramenés sur
les routes, ou bien ils ont été décimés par des épidémies, particulière¬
ment de malaria et de maladie du sommeil surtout.
Quant à la périodicité des déplacements, il est difficile de dire
exactement après combien d'années un village est abandonné. Elle est
variable et tout dépend de l'importance des mobiles. Un village peut
être abandonné après dix ans d'existence et même davantage, parfois
moins. Quant aux hameaux, leur instabilité est telle qu'ils caractérisent
un type d'habitat éphémère, cela pour des raisons parfois complexes.
Un autre élément intéressant à noter est l'amplitude de tous ces
déplacements. Dans tous les cas, celle-ci est très faible, au point que
l'on peut être amené à parler d'une mobilité dans l'immobilité. En
fait, la distance entre l'ancien village et le nouvel emplacement varie
généralement de la centaine de mètres à un kilomètre. Le village de
Sanfil par exemple, dans le district de Souanké, ne s'est déplacé que
de quelque 300 m. Golmélène et ses hameaux ne sont jamais sortis
de leur aire depuis plus d'un demi-siècle, les déplacements s'effectuant
toujours dans un rayon de moins de 5 km. Les déplacements successifs
du village de N'Zabi, dans le district de Mouyondzi, se sont faits dans
un rayon de 2 km environ. Le village de Lébiha, dans le district de
Mayoko, s'est déplacé 4 fois dans un rayon d'environ 5 km avant
d'occuper le site actuel. Les exemples peuvent être multipliés.
Comment expliquer alors cette faiblesse de l'amplitude ? En tout
état de cause la permanence de l'habitat dans certaines zones et la fai¬
blesse de l'amplitude des déplacements dans d'autres s'expliquent
aisément. Dans la Sangha par exemple, la culture du cacaoyer.plan-
te pérenne, est actuellement un élément fixateur de l'habitat : les
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Briques crues 3 1 - 4 2
Paille - 4 3 7 3,4
i
Paille + palmier
raphia — 21 6 27 13,2
Pisé à l'inté¬
rieur + bambou - 2 — 2 1
à l'extérieur
Pisé à l'exté¬
rieur + bambou — 1 3 4 2
à l'intérieur
Entièrement
en pisé 34 14 48 23,5
Torchis 1 10 6 17 8,3
Feuilles de
matsouangui — 2 2 4 2
Pisé - 15 15 31,2
.
Planches éclatées — 38 8 16,7
Feuilles de "manga"
+ bambou — 21 21 43,8
TOTAL 3 45 48 100
Il s'agit ici d'un village de forêt. Les toits sont en tuiles de bambou
(tableau II).
Pour les 291 cases dénombrées dans les villages (Soulou, Tsiaki III,
Kinangui), les matériaux utilisés pour le toit se présentent dans les pro¬
portions suivantes : (tableaux III )
Paille 88 30,2
Tôle 81 27,8
"Matsouangui" 63 21,7
Tuiles de Bambou 47 16,2
"Mangoungo" 12 4,1
n'excède pas 2,50 - 3 m et les murs sont bas, lm à 1,50 m. Cette case
est très différente de la case Mondjombo décrite plus haut. Cette
dernière, très massive, très haute, ne ressemble en rien à la case
Bakouélé traditionnelle, bien que les matériaux utilisés soient les
mêmes. La case Bakouélé est moins haute ; la poutre faîtière excède
rarement 3,50 m et les murs sont hauts d'environ 2 m ; c'est une
case rectangulaire dont le toit comporte 2 ou 4 pentes.
Bien que faite partout de matériaux tirés de la forêt ou de la
savane, la maison rurale présente de nombreux aspects (aussi bien
dans le plan, la forme, que dans l'allure générale) souvent liés à la
société en place et au revenu.
majeure, elle peut servir de dortoir et c'est pourquoi elle contient par¬
fois des lits.
Au total, la case-cuisine est la maison rurale typique, répondant
aux multiples besoins du paysan et adaptée à son mode de vie.
3) La case à palabres. C'est une construction souvent très sommai¬
re. Elle est faite de quelques poteaux (deux plus longs pour le pignon)
soutenant un toit recouvert de tuiles de palmier-raphia ou de paille
selon les régions. Certaines cases à palabres sont très confortables, bien
aménagées : les murs sont alors en pisé, à mi-hauteur ; d'autres sont
hermétiquement closes, et seules quelques meurtrières permettent de
voir à l'extérieur. C'est dans la case à palabres que tous les hommes se
retrouvent, surtout le soir, pour discuter, prendre le repas en commun,
régler les problèmes, etc...
Nous venons de voir qu'il existe trois types d'habitations en
milieu rural. Mais tous les trois peuvent ne pas exister dans une région,
dans un village où au sein d'un groupe ethnique. La case à palabres
par exemple est inconnue dans la Likouala, chez les Mondjombo ; les
gens discutent dehors, à l'ombre des arbres fruitiers, sous la véranda ou
dans les maisons. Il est évident que l'absence de la case à palabres dans
certains villages peut être liée à la structure sociale (chez les Mondjom¬
bo) qui impose un certain individualisme. A Soul ou par exemple, dans
le district de Mouyondzi, il a existé des cases à palabres jusqu'à une
date très récente ; mais elles ont été abandonnées à cause des querelles
et des bagarres trop fréquentes, conséquences d'un brassage permanent
d'individus sous un même toit ; depuis, la vie de groupe a fait place à
l'individualisme et les gens ne se retrouvent que quand il s'agit de
régler un problème ou à l'occasion d'un événement quelconque.
Ailleurs, l'existence de la case à palabres (même si elle ne rassemble le
plusviesouvent
de communautaire.
que les éléments d'une même famille) est un bel exemple