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Introduction :
Le Royaume-Uni est sans doute l’un des pays au monde à jouer le mieux la carte du soft power.
Ce concept a été élaboré par Joseph Nye il y a trente ans : il désigne la capacité à influencer
indirectement le comportement d’un autre acteur et/ou à s’imposer comme modèle à suivre, par
des moyens non coercitifs. Avant la fin du XXe siècle, le Royaume Uni a essentiellement eu recours
au hard power ; par opposition au soft power, il fait référence à la capacité d’un état à imposer sa
volonté à un autre, par la contrainte et à l’aide de moyens militaires et économiques, y compris
par l’usage de force et de sanctions. En effet, le pays a longtemps été une puissance coloniale,
ayant perdu son empire mondial à la décolonisation, mais aussi une puissance militaire, surtout
navale, ayant perdu l’hégémonie sur les mers au profit des États-Unis et d’autres pays. Mais ce fut
aussi une puissance diplomatique, ayant perdu son rôle d’arbitre des conflits mondiaux et de
faiseur d’équilibre du concert européen.
Le Royaume Uni, bien qu’il n’ait que 66 millions d’habitants et une petite superficie, est sans doute
le pays qui utilise le plus le soft power, ce qui lui confère une réputation mondiale. Par quels
moyens le soft power britannique est-il mis en œuvre ? En quoi est-il remis en cause aujourd’hui,
notamment par le Brexit ?
A. Une influence léguée par l’histoire mais qui répond aussi aux aspirations
contemporaines
Tout d’abord, la
langue anglaise est un
pilier du soft power
britannique. En effet
l’anglais est la langue
maternelle de 500
millions de personnes et
elle est parlée par 1
milliard de personnes.
Elle est aujourd’hui la
Répartition de l'anglais dans le monde (source Wikipédia) langue des affaires
Régions où l'anglais ou des créoles anglais sont des langues majoritaires
Régions où l'anglais est une langue officielle - mais non majoritaire
internationales, au détriment du français, et aussi celle des institutions et des associations
internationales ainsi que celle des sciences, de la culture, et d’Internet.
Riche héritier de son histoire cosmopolite, le Royaume Uni tente de conserver de bonnes
relations avec les membres du Commonwealth, anciennes possessions de la couronne britannique
et comprenant 53 états (dont certains n’étaient néanmoins pas dans l’empire) et 25% de la
population mondiale, avec notamment le sous continent indien (l’Inde, Pakistan), le Pacifique
(l’Australie, la Nouvelle-Zélande) et le continent américain (surtout avec le Canada). La reine
Elizabeth II exerce un rôle symbolique renouvelé à la tête du Royaume Uni et du Commonwealth
avec un règne exceptionnellement long. Elle est de plus une figure mondiale respectée bien au-
delà des membres du Commonwealth, et cela se traduit en partie par une fascination des opinions
publiques pour la famille royale.
Les valeurs politiques auxquelles le Royaume Uni est associé sont aussi un élément clé de
son soft power. Le Royaume Uni est connu comme le pionnier du parlementarisme. Il est l’une des
monarchies parlementaires les plus anciennes, avec la Magna Carta qui fête ses 805 ans cette
année, ce qui lui confère une auctoritas (autorité morale) mondialement reconnue. S’ajoute à cela
son ouverture au monde, le respect dont il fait preuve envers la diversité et le multiculturalisme
de la société (il encourage les minorités à maintenir leurs traditions – Londres étant l’une des villes
les plus cosmopolites au monde).
Enfin sur le plan culturel, le Royaume Uni possède un rayonnement mondial. De tout
temps, il a donné au monde ses penseurs les plus influents : Thomas Hobbes (philosophe du XVIIe
siècle), Adam Smith (philosophe et économiste du XVIIIe siècle), John Maynard Keynes
(économiste du XXe siècle), ainsi que des scientifiques ayant marqué leur époques : Isaac Newton
(grand mathématicien du début du XVIIIe siècle), Alan Turing (inventeur au XXe siècle de
l’ordinateur programmable), Stephen Hawking (astrophysicien de la fin du XXe siècle). Des auteurs
best-sellers parsèment l’histoire du Royaume Uni, dont Shakespeare (XVIe siècle), Dickens (XIXe
siècle) et Oscar Wilde (fin du XIXe siècle) jusqu’au XXe siècle, avec Agatha Christie ou encore J.K.
Rowling. Dans les arts, des musées comme le British Muséum, the National Gallery et the Tate
Modern, mais aussi les plus fameuses maisons de vente d’art, et les plus célèbres école d’art et de
mode. Enfin, au sein de la culture populaire, l’influence du Royaume Uni est remarquable dans la
musique (avec notamment depuis les années 1960, les Beatles, les Rolling Stones, David Bowie,
Elton John, et plus récemment Adele et toute la musique dite « indie »), dans les arts visuels (avec
au cinéma des personnages britanniques célèbres comme James Bond et Harry Potter ainsi que
d’autres productions mondialement connues, au théâtre avec notamment the Globe theatre, à la
télévision : Downton Abbey et Monty Python’s Flying Circus), dans le sport (les équipes de football
et de rugby britanniques sont connues dans le monde entier et ont leurs fans partout).
Tout cet héritage a contribué au soft power britannique dans la mesure où cela a permis la
propagation de la langue anglaise et des références anglaises partout dans le monde, et contribue
à façonner dans le monde entier une image positive du Royaume Uni.
Croissance du
nombre
d’étudiants
étrangers au
Royaume Uni
au cours des
années de
2000 à 2018.
(Source :
studying in UK)
Enfin, l’aide humanitaire est également un levier du soft power britannique. Il existe de
nombreuses ONGs britanniques très actives dans l’aide au développement et l’aide humanitaire
parmi lesquelles Oxfam, Save the Children Fund, Action against Hunger ou encore War on Want.
Leur engagement et leur professionnalisme donne une image très positive du Royaume Uni à
l’internationale, crée ou renforce des réseaux, diffuse des valeurs chères aux britanniques (par
exemple la lutte contre la corruption) – et avant tout au sein du Commonwealth. L’Etat
britannique, conscient du levier que représentent ces ONGs, leur apporte soutien et conseil. Un
acteur peu connu par le grand public est Crown Agents, dont la mission à l’origine était le soutien
à l’administration efficace des colonies et pays alliés qui formaient alors l’empire britannique.
Dans l’ère post-coloniale, sa mission officielle se transforme tout naturellement en l’assistance aux
Etats membres du Commonwealth, et par la suite s’élargit à d’autres pays. Une particularité de
Crown Agents est sa proximité avec le monde des affaires britanniques et son rôle dans la
promotion des intérêts économiques du Royaume Uni. Une autre est sa capacité d’apporter de
l’aide humaine et technologique dans des domaines comme la sécurité, la lutte contre la fraude ou
encore la réforme des douanes : ce type d’aide ne peux que renforcer l’influence britannique
auprès des pays clients.
Ces divers engagements de moyens permettent d’asseoir une véritable politique publique, qui est
un levier majeur du soft power britannique.
Conclusion :
À la sortie de la seconde guerre mondiale, le Royaume Uni est encore l’une des premières
puissances au monde. Le prestige de la victoire, la puissance de son armée, et son empire
coloniale en font après les États-Unis et l’URSS, la troisième puissance mondiale. Si la
décolonisation et la guerre froide lui font perdre cette puissance, il a su conserver une capacité
d’influence dans le monde entier bien supérieure à sa puissance réelle. C’est en cela que le
Royaume Uni est sans doute l’un des pays au monde à avoir le mieux utilisé la notion de soft
power. Toutefois, le choix fait par le peuple britannique de quitter l’Union européenne est
susceptible de remettre en cause pour partie ce soft power. S’il est certain que la musique
britannique, que ses films, que sa littérature et que ses universités continuerons à être des pôles
d’attraction pour la jeunesse du monde entier, la question se pose de savoir si le Royaume Uni
pourra rester aussi influent politiquement, diplomatiquement, et financièrement, coupé du reste
de l’Union européenne. Il est redevenu une île située à l’extrémité de l’Europe.
Sources :
- L’express, le British council, instrument du soft power britannique, mars 2018
- Wikipédia
- Manuel de HGGSP 1ère
- Le Figaro, Comment Londres fait de l'art et de la culture un outil de sa puissance à
l'étranger, octobre 2018
- Studying in UK
- Info guerre, du Hard power au soft power, l’influence culturelle britannique dans le monde,
mars 2018